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MANUSCRIPTUM AD FRIDERICUM P J FA B R.E 1

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MANUSCRIPTUM

AD

FRIDERICUM

P J FA B R.E

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Chapitre I

Si la Pierre des philosophes est dans la Nature

Avant d'expliquer ce qu'est la Pierre des Philosophes, nous devons

rechercher si elle existe dans la réalité et si elle se trouve dans 1a

Nature. On trouve en effet beaucoup d'esprits subtils, persuadés d'être

pourvus d'une intelligence supérieure et pénétrante qui pensent qu'il

n'existe ni ne se trouve dans la réalité quelque chose qui transmue tous

les métaux imparfaits en or véritable, et qui porte leur achèvement

toutes les choses qui souffrent un défaut. S'ils avaient l'esprit doué de

raison, ils n'inventeraient pas de telles absurdités. L'or et l'argent

existent bien dans la Nature, ils sont la portée des mains de tous et

tombent sous tes yeux de tous. Puisque donc l'or et l'argent se trouvent

dans la Nature, il est nécessaire qu'il existe quelque chose partir de

quoi se font l'or et l'argent, lis ne constituent pas, en effet, une création

nouvelle du suprême créateur de toute chose, mais ils sont faits par la

nature qui les tire d'une matière précise et réelle Or, cette matière,

partir de laquelle sont faits l'or et l'argent qui se trouvent dans la nature

peut être obtenue et portée son achèvement de telle sorte que, jointe

l'or, elle puisse par sa perfection produire l'achèvement de tous les

métaux imparfaits. De fait si, lorsqu'elle est enfermée dans les veines

des montagnes, cette matière produit de l'or par une seule et unique

cuisson naturelle, que fera-t-elle si par le procédé d'une cuisson maintes

fois recommencée dans un vase de verre pur, elle est complètement

recuite jointe de l'or et acquiert une perfection suprême, de sorte

qu'elle pénètre et atteigne les pores des métaux imparfaits ? Ne mettra-

t-elle pas complètement en fuite cette imperfection et ne la chassera-t-

elle pas très loin ? Or cette substance, partir de laquelle se produisent

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l'or et l'argent, nous est donnée. Ainsi, grâce l'art chimique, elle peut

être portée une perfection telle qu'elle porte son achèvement et son

accomplissement la substance imparfaite des métaux. Il est donc

aveugle, vraiment aveugle, et n'a pas l'esprit rationnel, celui qui nie

l'existence de la Pierre des Philosophes dans la réalité. S'il ne peut

prêter foi cette argumentation et la raison, qu'il lise Hermès

Trismégiste. L'Arabe Geber, l'Espagnol Raymond Lulle, et bien d'autres

auteurs, au nombre presque infini, qui tous prouvent, par d'autres

arguments et raisons, que la Pierre des Philosophes existe, qu'ils l'ont

eux-mêmes fabriquée et qu'ils l'ont eue entre leurs mains. Il faut prêter

foi l'autorité d'un si grand nombre de philosophes. Sinon, il faut

compter aux nombre des fines ceux qui ne parviennent pas retirer de

leur esprit de pareilles absurdités, Peut-être voudraient-ils être instruits

fond afin de posséder cet art par lequel ils pourraient fabriquer de l'or

et de l'argent volonté. Qu'ils considèrent ceci, je les ai prié : le ciel ferait

pleuvoir de l'or et des perles plutôt que cela n'arrive. Les dieux vendent

tout prix de sueur et de labeur, et en particulier cet art, dont

l'acquisition requiert au plus haut point travail et sueur. Il faut donc

considérer et croire fermement que la Pierre des Philosophes existe et se

trouve dans la Nature, puisqu'il se présente une matière et substance

partir de laquelle se produisent l'or et l'argent. Cette matière peut être

portée à complète perfection et de sorte que la perfection qu'elle

acquiert par l'art porte à sa perfection tout ce qui souffre un défaut.

Ainsi, nous pouvons conclure que la Pierre des Philosophes existe

durablement dans la Nature.

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Chapitre II

Ce qu'est la Pierre des Philosophes dans la Nature

A partir du chapitre précédent, nous pouvons reconstituer ce qu'est la

nature de la pierre des Philosophes. Nous y avons en effet soutenu

qu'elle est elle-même la matière ou semence à partir de laquelle existent

l'or et l'argent et les autres métaux. Mais cela est trop obscur pour ceux

qui ne goûtent l'Art chimique que du bout des lèvres. Il faut maintenant

examiner en quoi consistent cette matière et cette semence métallique.

En effet, cette semence ne se voit pas dans les métaux, si bien que

beaucoup, ne la voyant pas, en nient l'existence. Ils ont en effet le

cerveau fait comme un œil : ils ne croient que ce qu'ils voient. Mais

Hermès Trismégiste affirme que les métaux ont une semence, à partir

de laquelle ils croissent. II affirme encore, dans sa Table d'Emeraude,

que ce qui est en haut est de même nature que ce qui est en bas. Ainsi,

les animaux et les végétaux, qui ont la surface de la terre, et qui sont

réellement des êtres supérieurs, ont une semence à partir de laquelle ils

croissent. Et donc, les êtres inférieurs que sont les minéraux et les

métaux, qui croissent dans les parties inférieures de la terre, ont aussi

une semence comme les êtres supérieurs, les animaux, par exemple, et

les végétaux. On ne peut donc nier que les métaux et les minéraux

aient une semence à partir de laquelle ils se produiraient et croîtraient.

Mais quelle est cette semence, et par quel procédé se produit-elle dans

la nature, voilà ce qu'il faut maintenant rechercher. La semence animale

et végétale provient en effet des éléments et du ciel. De la même

manière, la sentence minérale et métallique provient aussi des éléments

et du ciel, de la façon suivante : le ciel projette dans les éléments et en

particulier au centre de la terre ce que ses rayons et ses influx ont de

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plus pur. Cela est alors digéré et complètement cuit par la chaleur

naturelle du centre de la terre elle-même, puis par ses propres moyens,

jusqu'à ce que cette partie la plus pure du Ciel et de tous les éléments

forme un corps et que ce corps forme un esprit. De la sorte, cette

substance se transforme une première fois d'un esprit en un corps, puis

ce corps se transforme à nouveau en un esprit qui, par l'union et la

conjonction répétée avec son corps, devient enfin une substance

spirituelle possédant quelque chose de corporel. Cette substance n'est

rien d'autre que ce corps fixe que les philosophes appellent soufre de la

nature et qui finalement, enfermé dans les veines des montagnes, une

fois son centre fixé, se fixe en métal. S'il est pur, il se transforme en or

pur. S'il est impur, il se change en métal imparfait et les métaux impurs

se diversifient et se distinguent selon la diversité de son impureté. Telle

est donc réellement la semence métallique, forgée à partir du flux

céleste et des substances les plus pures des éléments. En même temps

qu'elle se sublime et qu'elle circule à travers les pores de la terre, elle

s'imprègne de diverses souillures. Puisqu'elle rencontre l'impureté dans

les pores impurs et souillés de la terre, c'est de cette impureté, comme

je l'ai indiqué, que naissent les divers métaux imparfaits, à savoir le

plomb, l'étain, le vif-argent, le fer et le cuivre. Mais si cette semence

pure est enfermée dans des roches pures, elle se cuit en or et en argent

grâce à sa propre chaleur naturelle et à la chaleur naturelle de la terre

elle-même. Cette semence métallique occupe donc une position centrale

dans les matrices des métaux, comme en des lieux où sont engendrés

les métaux. C'est réellement la pierre des philosophes car c'est

précisément à partir de cette réalité pure, et qu'une cuisson due à l'art

rend plus pure encore, que s'obtient la pierre qui porte à sa perfection

tout ce qui souffre un défaut. C'est ainsi que les métaux imparfaits se

parachèvent jusqu'à devenir de l'or ou de l'argent, dans la mesure où

ils souffrent un semblable défaut dans l'Art chimique. Cette pierre n'y

est pas différente, et la substance demeure en tout point semblable à ce

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qu'elle est dans la nature. Mais les hommes ne savent pas s'en servir ;

ils l'utilisent à l'excès l où elle ne sert à rien, mais produit plutôt le

mauvais que le bon.

Chapitre III

Quelle est la nature du corps que possède la Pierre de

Philosophes, et de quel vêtement se revêt-elle

Ce chapitre contient l'art tout entier et le dévoile aux Sages qui

connaissent le Lion chimique. En effet, une fois que l'on sait ce qu'est le

corps de notre Lion, ou Pierre des Philosophes, tout le reste n'est

qu'affaire de femmes et jeu d'enfants : il nous faut cuire aussi

longtemps que nécessaire et avoir de la patience et du temps jusqu'à ce

que soit achevée l'œuvre tant désirée. Si la pierre est la quintessence du

Ciel et de tous les éléments, elle ne peut avoir d'autre corps, ni ne

revêtir un autre vêtement que le corps et le vêtement du sel. En effet,

cependant qu'il se cuit dans le centre de la terre, cet esprit ne peut, par

cette cuisson, endosser un autre vêtement que le sel. Car dans ce sel,

nous apercevons tous les éléments. Nous apercevons le feu du fait de sa

chaleur et de l'éclat qu'il manifeste ; nous apercevons l'air du fait de sa

porosité et de sa blancheur ; nous apercevons l'eau du fait de sa

diaphanéité et de son humidité ; nous apercevons la terre du fait de sa

corporéité et de sa masse compacte ; nous apercevons le ciel du fait des

caractéristiques et propriétés remarquables du Soleil, de la Lune et de

toutes les étoiles, de sorte que toutes les causes qui produisent le sel lui-

même sont enfermées et aperçues en lui. Que souhaiter de plus en un

sujet aussi exceptionnel, qu'on appelle Pierre des Philosophes, bien que

ce ne soit pas une pierre et qu'il n'ait pas la nature d'une pierre ? ON

l'appelle pourtant Pierre, parce qu'il fond et se liquéfie dans l'eau - ce

que ne font pas les pierres. En effet, elles ne se liquéfient pas dans l'eau,

ni ne s'y dissolvent, mais au contraire s'endurcissent et croissent de plus 6

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en plus. L'eau est en effet mère et origine de toutes les pierres parce

que l'esprit de Vénus de notre pierre demeure dans l'eau qui durcit la

matière en pierre et la cuit au milieu même des eaux. Par conséquent,

notre pierre, ou semence de nos métaux et quintessence du Ciel et des

éléments, ne peut revêtir un autre corps ou un autre vêtement que

celui du sel. L'énorme chaleur que l'on trouve en effet dans une telle

matière produit le corps du sel, ce qui est requis par la nature elle-

même. Car puisque la nature doit tout façonner et engendrer d'elle-

même à partir de son propre corps et de son propre esprit, cela ne peut

se faire par un autre corps que le sel, ce dernier possédant

naturellement l'aptitude à tout produire et engendrer. Les autres corps

ne peuvent accomplir cela sans avoir été réduits en cette matière qui

est la première de toutes. Matière première qui, elle, ne peut être

réduite en une autre substance, ou alors on serait en présence d'une

progression à l'infini. Mais, après que toutes choses ont été réduites en

cette matière première, alors se produisent à partir de cette matière des

générations variées et infinies, selon la disposition que divers agents lui

ont donné, générations qui ordonnent cette matière de diverses

manières et produisent partir d'elle tous les corps mixtes. On doit donc

conclure que la pierre des philosophes ne peut revêtir d'autre corps ou

vêtement que le sel. II se trouve et réside partout où aucune génération

ne peut se faire. Et là où quelque chose est engendré, cette matière est

employée à sa génération

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Chapitre IV

De quels noms la Pierre des Philosophes est-elle désignée

On ne peut recenser tous les noms par lesquels se trouve désignée la

Pierre des Philosophes ; ou alors cela conduirait à la constitution d'un

énorme ouvrage. Tant il est vrai qu'on 1a désigne et on la nomme du

nom de tout ce qui existe dans la nature. Je n'indiquerai que les

principaux et ceux qui sont utiles à notre art, et je montrerai et je

développerai les raisons qui ont poussé les Philosophes Chimistes à

désigner la pierre par de tels noms.

1 - On l'appelle donc d'abord matière première des choses, car c'est

vraiment la matière première de toute chose, et tout ce qui se produit et

qui existe provient d'elle et se réduit en elle par putréfaction naturelle.

2 - On l'appelle aussi Microcosme, car elle renferme en elle tous les

éléments. Elle contient le Ciel ainsi que toutes les propriétés du Ciel et

de tous les éléments. Elle contient en effet en elle le Ciel, le soleil, la lune

et toutes les étoiles, ce qui fait dire aux philosophes : notre sujet

rassemble à lui seul le Soleil, la Lune et toutes les étoiles, et ainsi il y a

dans ce sujet tellement de caractéristiques remarquables qu'on ne

saurait cesser de s'en étonner.

3 - On l'appelle aussi pierre de l'Aigle, parce qu'elle renferme en elle

une autre pierre cachée en son sein. Tant il est vrai que c'est à partir

d'elle-même que la pierre des philosophes est amenée à son état

véritable et achevée : c'est ainsi qu'elle se trouve cachée dans son

propre sein.

4 - On l'appelle aussi Eau de vie. Elle ressuscite en effet notre Roi qui

était mort, c'est à dire l'or qui trouve réellement la mort lors de la fusion

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habituelle par laquelle on l'extrait de sa mine. En effet, l'esprit de cet or

disparaît lors de la fusion, et par suite, il perd la vie. Une fois que la vie

lui a été ôtée, et qu'elle s'est évaporée, on dit que l'or est mort. Et

lorsqu'elle revient et s'attache à lui, on dit qu'il retrouve la vie et qu'il

est ressuscité des morts. On l'appelle Eau de vie parce qu'elle délivre

tous les hommes de toutes leurs maladies et prolonge leur vie.

5 - On l'appelle Venin, parce qu'elle tue les métaux et conduit toutes

choses à la putréfaction, de façon à les régénérer et à les amener à un

état meilleur.

6 - On l'appelle aussi Esprit, étant donné qu'elle est volatile, qu'elle

s'élève dans le Ciel, qu'elle rend éclatants tous les métaux et qu'elle leur

donne généreusement vie, comme un véritable esprit de vie.

7 - On l'appelle Médecine suprême et unique, car elle guérit toutes les

maladies des hommes aussi bien que les métaux.

8 - On l'appelle Ciel, car une telle matière est incorruptible comme le

ciel, et agit comme le ciel sur tous les objets de la nature, de façon

invisible et spirituelle

9 - On l'appelle Nuée. Elle apporte en effet l'eau céleste, pluie et rosée,

desquelles se répond son eau propre, de sorte qu'elle produise son fruit

qui n'est autre que son Mercure.

10 - On l'appelle Rosée. Elle tombe en effet de l'air et elle nourrit et

féconde l'eau de ses germes, de sorte qu'il en surgit et en jaillit le lait de

vierge.

11 - On l'appelle Ombre. Elle assombrit en effet les eaux et les éléments

et provoque les éclipses de Soleil et de Lune.

12 - On l'appelle Lune car c'est sa propriété naturelle que d'être froide

et humide et, de la même façon, elle agit dans ce qui est inférieur et tire

sa lumière de son soleil.

13 - On l'appelle étoile claire et Lucifer, car dans l'œuvre elle brille avec

éclat matin et soir, ce qui est tout à fait étonnant à voir.

14 - On l'appelle eau Permanente, eau de vie métallique, eau feuillée

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incorruptible. Elle persiste en effet dans l'eau, l'air et la terre et aucun

élément ne peut la corrompre.

15 - On l'appelle aussi eau ardente et eau de feu. Elle fait fondre en

effet tous les métaux, bien davantage que tous les charbons et les

flammes, et le feu lui-même ne peut faire mieux.

16 - On l'appelle encore Sel de nitre et de roche. Elle en possède en

effet les propriétés et les qualités et elle s'obtient de façon semblable et

identique.

17 - On l'appelle aussi Lessive, car elle nettoie et efface les impuretés

métalliques et les siennes propres ; elle parvient de la sorte à la pureté

absolue,

18 - On l'appelle Fiancée, mère, épouse, Eve, et elle l'est réellement.

C'est d'elle en effet que naissent notre roi des fils royaux.

19 - On l'appelle aussi Vierge pure et immaculée. Elle demeure en effet

pure et chaste, bien qu'elle enfante des fils. Elle étouffe et tue ses

enfants ainsi que son propre époux, puis elle les ressuscite à une vie

incorruptible et immortelle.

20 - On l'appelle Lait de vierge, car son liquide sort de sa terre comme

du lait et se durcit dans le vaisseau qui la reçoit en un beurre qui se

ramollit à la chaleur et se durcit au froid.

21 - On l'appelle Sang, en cela qu'elle rougit comme du sang. Elle rend

rouge et contient l'esprit de vie, comme le sang.

22 - On l'appelle Bain en cela qu'elle nettoie et purifie notre roi et fait

transpirer tous les métaux.

23 - On l'appelle Sirop de Grenade à cause de la plaisante aigreur qui

réjouit toutes choses.

24-On l'appelle Vinaigre très puissant en cela qu'elle ronge les métaux

et les dissout.

25 - On l'appelle Plomb en cela qu'elle est une matière pesante et

lourde et qu'elle noircit comme le plomb.

26 - On l’appelle Vénus de la nature, en cela qu'elle enflamme et

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consume toute chose, la mûrit et la cuit.

27-On l'appelle Crachat de lune, en cela qu'elle est expulsée de la lune

céleste sous forme d'eau, comme du crachat.

28 - On l'appelle Serpent et Dragon puisqu'elle avale et dévore

entièrement les métaux et qu'elle renferme en elle des venins.

29 - On l'appelle Urine d'enfant et urine de veau blanc en raison de son

âcreté et de sa puanteur considérable.

30 - On l'appelle Magnésie, en cela qu'elle attire et entraîne vers elle les

métaux, et en particulier le Soleil et la Lune, à cause de leur perfection.

31 - On l'appelle Fumier, en cela qu'elle fume son eau, la rend féconde

et la fertilise.

32 - On l'appelle Essence Métallique, et elle l'est vraiment puisque les

corps métalliques se produisent à partir d'elle et qu'ils en tirent leur

origine.

33 - On l'appelle matière de toutes les formes. En effet, elle les produit,

les conduit vers leur perfection et les conserve.

34 - On l'appelle Iris cause des nombreuses couleurs qui se manifestent

en elle comme dans l'iris.

35 - On l'appelle Cahos parce que tous les éléments et les puissances

célestes sont mélangés et confondus en elle.

On l'appelle et on la désigne d'une infinité d'autres noms, qu'il n'est pas

nécessaire de développer car ceux qui précèdent sont suffisants pour

éclairer le sens de tous les autres et permettre la compréhension des

Auteurs Chimiques. En effet, quels que soient les noms qu'ils lui prêtent

ou les vêtements dont ils l'habillent, tous entendent par là cette seule et

unique matière Universelle et Catholique.

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Chapitre V

Si la Pierre des Philosophes se suffit elle-même, avec sa terre et

son esprit, pour parvenir la perfection suprême

Tous les Philosophes chimistes qui ont conduit à sa perfection la Pierre

des Philosophes proclament qu'il existe dans la Nature un sujet unique

qui possède en lui-même ce qui lui est nécessaire pour parvenir à sa

perfection extrême et absolue. En effet, rien d'étranger ou d'extérieur

n'entre dans sa composition. Car il possède en abondance ce dont il a

besoin pour sa propre perfection. Il faut cependant lui enlever les

excréments que sont ses impuretés, qui n'appartiennent pas à sa nature

et jusqu'à ce que ces impuretés soient séparées. Une cuisson lui est

jusque nécessaire, constante et continuelle, de sorte qu'il acquière la

perfection extrême. Il n'est pas nécessaire de lui ajouter le Soleil et la

Lune vulgaires pour qu'il parvienne à la perfection, car la pierre elle-

même possède en elle le soleil et la lune, qui sont joints en son sein.

C'est pourquoi les philosophes disent ceci : notre Pierre ne peut pas être

conduite à sa perfection si le Soleil et la Lune ne sont pas liés en un seul

sujet, ce qui ne se trouve qu'en elle. C'est en elle, en effet, que le Soleil,

la Lune et le Mercure ont été liés naturellement. Ils y sont même

inséparables : c'est pourquoi tout ce qui est nécessaire à sa perfection se

trouve dans ce sujet. C'est pourquoi les chimistes disent et proclament

ceci : c'est dans le Mercure que se trouve ce que cherchent les savants.

Car dans notre sujet, qui est le véritable mercure, se trouve tout ce qui

est nécessaire sa perfection. En lui se trouvent en effet le Sel, le Soufre

et le Mercure, le corps, l'âme et l'esprit. Par conséquent, il est Triple et

unique, parce que tous les trois constituent un seul sujet homogène. En

effet, ce qui en lui est froid et sec, on l'appelle Sel ou corps; ce qui en lui

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est chaud et igné, on l'appelle Soufre ou âme et ce qui en lui est froid et

humide, on l'appelle Mercure. Mais grâce à une cuisson constante et

continuelle, ces trois substances se transforment ainsi en une seule, ce

qui est froid et humide se transforme en chaud et humide, et enfin en

chaud et sec. C'est ainsi que se transforment les éléments que l'on

trouve dans notre matière, mêlés et distincts, et ils constituent un seul

élément igné et sec. Ainsi le sel, parce qu'il fait partie de notre matière,

se transforme en mercure, et le mercure se transforme en soufre fixe et

permanent, ce qui conduit toute chose à sa perfection : c'est le vrai

baume de vie. C'est pourquoi il restaure et rénove la vie dans tous les

corps mixtes de la nature, non seulement chez les métaux mais aussi

chez tous les animaux et les végétaux. Ainsi, notre pierre possède en

elle tout ce qui lui est nécessaire pour parvenir à la perfection suprême.

Il n'y a rien d'autre à rechercher ni à lui ajouter, que le métal soit

parfait ou imparfait : c'est ce que l’on verra plus clairement dans le

chapitre suivant.

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Chapitre VI

Si l'or ou l'argent ou quelque autre métal sont requis pour que notre

pierre atteigne sa perfection

Il est parfaitement vrai et certain que les métaux qui sont au cœur de

notre matière, qui lui sont liés matériellement même et enracinés en

elle suffisent à son perfectionnement, comme on l'a montré au chapitre

précédent. Néanmoins, et quoique les métaux par eux seuls soient

totalement parfaits, puisqu'ils sont volatils et qu'ils sont fixés lentement

par notre cuisson, les Philosophes conseillent d'ajouter à notre pierre de

l'or ou de l'argent vulgaires afin que ces métaux volatils qui sont

contenus en elle puissent être fixés plus vite et soient ainsi conduits à

leur achèvement plus rapidement. Ils ne peuvent en effet atteindre la

perfection suprême sans qu'ils aient été parfaitement fixés et qu'ils

aient pu supporter l'épreuve du feu. Ni l'or ni l'argent vulgaires ne sont

étrangers à notre pierre, puisqu'ils sont de même nature que ceux-là

mêmes qui se trouvent à l'intérieur de notre pierre ; ces derniers étant

parfaitement cuits, mûris et fixés. Ils fixent d'une parfaite fixation,

cuisent et mûrissent l'or et l'argent qui ne sont pas totalement cuits ni

fixés, et qui n'ont pas atteint leur totale maturation. C'est pourquoi nous

les ajoutons pour qu'ils mûrissent et se fixent plus vite et qu'ainsi ils

soient menés à bon terme plus rapidement. De fait, le Mercure fixé, cuit

et parfaitement mûri par la nature, ajouté au mercure non fixé, cru et

immature, est plus rapidement conduit à son achèvement et amené à la

perfection désirée. De la même façon, les autres principes, qui ont été

parfaitement cuits et mûris dans l'or et dans l'argent, ayant atteint leur

degré suprême conduisent à leur perfection et à leur achèvement les

principes de même nature qui dans notre pierre, ne sont ni cuits ni

mûrs par l'ajout de leur extrême perfection. Ainsi donc, nous concluons

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en avançant qu'il n'y a rien à ajouter à notre Pierre pour qu'elle

acquière sa perfection suprême et ultime, ceci près que, pour qu'elle

s'achève plus rapidement et parvienne à sa perfection, il faut lui ajouter

de l'or ou de l'argent vulgaires. Car par leur perfection et leur maturité,

ils portent à leur achèvement l’or et l'argent que possède notre pierre

dans ses Alcôves les plus secrètes et les plus éloignées.

Chapitre VII

Pourquoi notre Pierre est-elle Triple et Une

Le Créateur Suprême de toutes choses a voulu laisser une Image de lui-

même ce monde créé et marquer une des créatures d'un symbole de

sa nature triple et une. Tout artisan en effet laisse une image de lui à

ses œuvres. Ainsi, l'artisan suprême, alors qu'il créait le monde, voulut

laisser aux créatures une image de lui, de sorte que chaque Philosophe

voie et reconnaisse Dieu lui-même en tout lieu, en explorant et en

scrutant la nature. Notre Pierre se trouve partout, dans tous les corps

mixtes de la nature, et partout elle est Triple et Une. Triple, puisqu'en

elle se trouvent le Sel, le Mercure et le Soufre, et ces trois corps

constituent un seul sujet, homogène et identique. Et de la même

manière, la Pierre est Une, et ainsi se trouvent en elle la Trinité et

l'Unité, tout comme en Dieu. Ainsi, en effet, que le Père, dans la

religion, produit le Fils de toute éternité, et qu'à partir du Père et du Fils

procède l'Esprit, de même dans notre Pierre, par une sorte d'analogie

et de symbole, du Soufre, qui tient lieu du Père, procède le Sel qui tient

lieu du Fils ; et de ces deux corps procède le Mercure vrai, tel l'Esprit-

Saint qui met en mouvement, réchauffe et conserve toute chose. C'est

pourquoi Sendivogius, auteur de La Nouvelle Lumière s'exprime ainsi :

Un donna deux, et deux donnèrent un seul Esprit-Saint. Ainsi fut créé le

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monde et telle sera sa fin. Toutes les choses, en effet, se transforment en

une puisqu'elles furent créées d'un seul, et telle sera la fin de l'univers.

Car tous les corps mixtes de la nature se réduiront en principes et ces

principes, qui sont trois, se transformeront en un seul : telle sera la fin

de ce monde. Nous concluons donc ainsi : la Pierre des Philosophes est

Trinitaire et Unitaire, et elle possède le symbole de la Divinité, qui est

Trinitaire et Unitaire.

Chapitre VIII

Quelle est la nature du Mercure des Philosophes

qui possède en lui tout ce qui est nécessaire l'obtention

de la Pierre des Philosophes

Il ne s'agit pas du Mercure vulgaire et commun qui est habituellement

vendu chez les Commerçants, qui coule comme de l’eau et qui ne

mouille pas la main, puisque sa sécheresse l'empêche d'adhérer à ce

qu'il touche. Cette sécheresse retient l'humidité et lui fait obstacle,

empêchant qu'il ne mouille. Notre Mercure, celui de tous les

Philosophes, est différent et distinct, il est même opposé à lui-même. Il

ne mouille pas la main, bien que ce soit du sel et qu'il tire son origine

d'une source saline, étant un mélange d'eau et de Terre déliées. Ce

Mercure est pourtant d'une qualité différente de celui du vulgaire,

puisque le nôtre est chaud et humide. Celui qui est vulgaire est froid et

humide et ainsi, il ne mouille pas. Et le Mercure vulgaire, plus on le cuit,

plus il demeure fluide et liquide. Le nôtre, au contraire, plus on le cuit,

plus il épaissit. Plus on cuit le vulgaire, plus il devient terreux et se

transforme en terre non fusible et impure. Le nôtre, au contraire, plus

on le cuit, plus il épaissit tandis qu'il se transforme en un sel fusible et

résistant au feu. On peut aisément en conclure que le Mercure des

Philosophes n'est d'aucune manière le vulgaire et qu'il ne peut pas en

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être tiré, mais qu'il est seulement l'humide radical métallique qui se

trouve dans la Pierre des Philosophes. C'est pourquoi Sendivogius dit

que le Mercure des Philosophes n'est rien d'autre que l'humidité de l'air

mélangée de la chaleur ; c'est à dire l'humide radical métallique,

mélangé à de la chaleur. Il faut, en effet, nécessairement que cet

humide soit chaud, à cause du Soufre inné qui est en lui, grâce auquel il

est coagulé et fixé en un métal parfait, s'il a été purifié et débarrassé de

ses impuretés terreuses. Nous pouvons en conclure que le Mercure des

Philosophes n'est d'aucune manière le Mercure vulgaire et qu'il possède

lui-même tout ce qui est nécessaire à l'élaboration de la Pierre des

Philosphes, puisqu'en lui résident le soufre et un feu d'une nature

parfaitement dépurée, qui permettent l'accomplissement de l'œuvre des

Philosophes, selon le témoignage de tous les Auteurs. Nous conclurons

ainsi : le Mercure des Philosophes consiste en l'humide radical

métallique, ou encore l'humide de l'air mélangé à de la

chaleur,possédant à l'intérieur de lui-même tout ce qui est nécessaire à

l'accomplissement de notre oeuvre. C'est ce dont témoignent tous les

Auteurs à l'autorité desquels il faut faire confiance. Car eux-mêmes ont

vu et touché toutes ces choses dont ils parlent. C'est pourquoi il ne faut

absolument pas supposer et considérer que tout cela soit faux.

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Chapitre IX

Quelle est la nature du Soufre des Philosophes, qui, avec le Mercure

porte notre Œuvre à son achèvement

On ne peut expliquer ce qu'est le Mercure des Philosophes sans

expliquer en même temps ce qu'est leur Soufre. Ils ne constituent, en

effet, qu'un seul et même sujet, et ne peuvent être séparés. En effet, ce

qui est chaud et igné dans le Mercure, c'est le Soufre, tandis que ce qui

est humide, c'est le Mercure. Si bien que le Mercure possède toujours

en lui une chaleur qui lui est naturelle et innée ; chaleur qui, dans le

Mercure, n'est jamais séparée de cet humide. Ce qui fait dire à

beaucoup de Philosophes que le Mercure possède en lui un Soufre natif

approprié qui permet à son humide de se coaguler en or. Le Soufre des

Philosophes consiste donc en ce chaud radical qui réside dans le

Mercure et en toutes choses. C'est grâce à son action que toutes choses

sont menées à maturité et à la perfection suprême et achevée. De là

vient que c'est par son seul et unique Soufre que le Mercure des

Philosophes atteint la maturité et la perfection : il devient alors de l'or

porté à son achèvement. C'est pourquoi, si l'or était liquide et

pénétrant, ce serait vraiment un élixir apportant la vie et la totale

perfection à toutes choses et aux métaux. Mais il n'est pas possible que,

naturellement, une cuisson le transforme en substance liquide et

pénétrante, car dans les conditions naturelles, la nature du vaisseau où

le Mercure se fond en or empêche que lui soit apporté de façon répétée

du Mercure pur et liquide. Car la fluidité et le caractère pénétrant ne

proviennent que du Mercure : puisqu'il est plus liquide et parfaitement

pénétrant, il rend liquide la substance dont il surabonde. Voilà pourquoi

l'Art Chimique, lors de la fabrication de la Pierre des Philosophes ajoute

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trois, quatre ou plusieurs fois son Mercure à la Pierre coagulée : ainsi,

l'abondance de mercure donne la pierre sa fluidité et sa capacité de

pénétration, à tel point que notre Pierre se liquéfie enfin en une huile

fixe et fluide et ne se coagule jamais en une substance dure et solide. Il

reste donc que le Soufre des Philosophes est le chaud naturel du

Mercure, il ne s'en sépare jamais et c'est seulement par lui que le

Mercure atteint sa maturité et sa perfection et se transforme en or

.

Chapitre X

Quelle est La nature du Sel des Philosophes dont l'action

accomplit la transformation du Mercure et du Soufre

en Pierre des Philosophes

Les chimistes anciens n'ont fait aucune mention du Sel des Philosophes

dont l'action accomplit la transformation du Mercure et du Soufre des

Philosophes en élixir. La raison qui les a poussés à un tel silence pourrait

bien être qu'eux-mêmes n'ont pas voulu dévoiler la clé de l'Art. Notre

Sel, en effet, est vraiment la clé de l'Art et sans lui, ni le Soufre, ni le

Mercure ne peuvent être mis en lumière. Le Sel, en effet, les cache au

regard, les dissimule et les tient captifs, comme dans une prison, pour

empêcher qu'ils ne se montrent. C'est pourquoi Sendivogius rapporte

dans son Traité du Soufre que le sel et le soufre se disputent entre eux

dans une fontaine, ou bien autour d'une fontaine très pure et limpide,

et qu'ils se combattent jusqu' ce que le soufre soit blessé par le sel dans

la fontaine. Ce n'est pas du sang qui sortit de ses blessures, comme il eut

été logique, mais un lait pur qui se coagule en beurre dans le récipient.

C'est la base de toute notre oeuvre, comme Sendivogius l'indique très

clairement dans son Traité du Soufre, lorsqu'il rapporte que ce lait, ou

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beurre, se transforma en un grand fleuve dans lequel Diane en

personne fut engloutie. Le Soleil voulant sauver Diane du naufrage,

Diane entraîna le Soleil et tous deux furent engloutis dans ce fleuve où

ils restèrent jusqu'au moment où ils ressuscitèrent des morts. Toutes

choses qui montrent à ceux qui ont des yeux de lynx que c'est là le

point de départ de la fabrication de la Pierre. Le Sel des Philosophes

que nous recherchons dans ce chapitre est donc la clé suprême de l'art.

C'est ce sel qui renferme le Ciel tout entier, le Soleil et la Lune, toutes les

étoiles et les éléments, qui les contient en lui et qui est maintenu en

même temps que le Mercure et le Soufre en un seul et même corps. En

effet, ce qui donne corps au Mercure et au Soufre ou, si l'on préfère.

l'humide et au chaud radical métallique, c'est le sel : tous les deux, en

effet, se corporifient par le Sel lui-même. Par conséquent, sans le Sel,

rien ne peut se faire dans notre art et nous ne pouvons pas réussir à

voir et à toucher notre Mercure et notre Soufre. Et celui qui œuvre dans

notre art sans ce sel, celui-là lance des flèches avec un arc sans corde.

Donc, celui qui sait fabriquer ce sel, pour que notre Mercure et notre

Soufre s'y montrent et y apparaissent, connaît la base de l'art. Il faut

donc étudier et parcourir tous les livres des anciens afin de connaître

tout d'abord ce fameux sel et sa fabrication. En effet, sans la fabrication

de ce sel nous ne pouvons obtenir ni mercure ni soufre pour conduire

notre œuvre à son achèvement. Par contre, en le fabriquant, nous les

rendons volatils, eux qui en lui sont fixes. Sans cette volatilité, on ne

peut obtenir le Soufre et le Mercure, enfermés et prisonniers dans le sel

comme dans une prison. Et si nous ne les rendons pas volatils, nous ne

pouvons pas réussir à les dépurer et ainsi, nous ne pouvons pas obtenir

notre élixir. Alors qu'il n'est conduit à son achèvement qu'à partir des

principes métalliques les plus purs qui ne peuvent être obtenus que par

sa fabrication et par sa sublimation. Ce qui sera rendu parfaitement

compréhensible au chapitre suivant.

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Chapitre XI

De la dissolution de notre Sel, qui nous permet d'obtenir notre Mercure

et notre Soufre par sublimation et distillation

Notre Sel se dissout difficilement et s'il y a, dans tout ce que l'art

requiert, quelque chose de difficile et de pénible, c'est bien la dissolution

de notre sel. Il se putréfie en effet très difficilement, au terme d'un long

travail, et on ne peut arriver au terme sans putréfaction. Il faut donc

d'abord le putréfier avant de le dissoudre. Avant donc d'effectuer sa

putréfaction, il faut le purifier avec le plus grand soin. Purification qui

s'opère en le dissolvant dans des eaux de pluie ou de rosée qui ont été

distillées et sept fois rectifiées. II faut le congeler et dessécher sa solution

par distillation, et alors seulement fabriquer et dessécher jusqu' ce que

soit atteint le degré suprême de la transformation en or. C'est alors,

quand il est très pur et délivré de tous les corps étrangers, qu'il faut le

dissoudre dans une très grande quantité de son propre esprit, qu'il faut

distiller sept fois pour qu'il soit lui aussi débarrassé de toutes ses

impuretés ; et il faut putréfier cette solution par son propre esprit dans

un bain d'eau tiède pendant quarante jours ou pendant deux ou trois

mois, jusqu' ce qu'elle se putréfie et noircisse dans ce bain. Il faut alors

distiller 1a matière par la retorte dans les cendres et, sur ce qui reste au

fond, il faut cohober l'esprit, jusqu'à ce qu'il s'élève comme du Lait, qu'il

se coagule dans le récipient en un corps coagulé par le froid, rendu

soluble et liquéfié comme du beurre par la chaleur ; il doit alors être

distillé sept fois dans des retortes toutes nouvelles. Et on obtient ainsi le

vrai et parfait Mercure des Philosophes qui, par une cuisson constante

et continuelle, peut se fixer par lui-même en sel fixe et permanent, ce

qui est le vrai Elixir. Et si l'on veut l'utiliser pour la transformation des

métaux, il faut le projeter sur l'or fondu dans le creuset. Ainsi, ce sel

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pénètre l'or et se transforme en sel cassable et friable, soluble

cependant et liquéfiable par une très légère chaleur. Et aussi longtemps

qu'il est imprégné d'or, il transforme les métaux imparfaits sur lesquels

il est projeté. De quelle manière et à quel moment cela se fait-il, c'est ce

que le chapitre suivant montrera clairement.

Chapitre XII

A quel moment de la cuisson de notre Mercure les métaux

parfaits doivent-ils lui être ajoutés

Nombreux sont les Chimistes qui ont l'habitude d'ajouter de l'or et de

l'argent au début de la cuisson de notre Mercure, afin de conduire plus

rapidement le Mercure à l'état de Soufre fixe, blanc et rouge. Ce que

pour ma part je ne désapprouve pas, mais abandonnant mes réticences,

je fais un détour par leur avis et leur opinion. En effet, les métaux

parfaits, l'or aussi bien que l'argent. ajoutés et joints et notre Mercure,

achèvent plus rapidement sa cuisson et le conduisent à l'état de Soufre

fixe, blanc ou rouge, ce qui est le terme extrême de la perfection et le

but ultime des Chimistes. Cependant, si les métaux parfaits ne sont pas

ajoutés ou joints à notre Mercure, ni au début, ni au milieu, ni la fin,

notre Mercure, sous l'effet d'une cuisson constante et continuelle, n'en

finit pas moins par devenir du Soufre, d'abord blanc et enfin rouge, ce

qui constitue le meilleur remède pour notre santé et pour la

prolongation de la vie humaine. En effet, il fait fuir tous les défauts et

guérit toutes les maladies, chez les animaux comme chez les végétaux,

même s'il n'est pas imprégné d'or et d'argent. Notre Mercure possède,

en effet, en lui-même la vie et la lumière célestes, en tant que semence

la plus pure de tous les éléments grâce à laquelle il accomplit et exécute

dans les êtres de la nature des actions tout à fait admirables et

extraordinaires. Ainsi, il est la consolation vraie, unique et absolue de la

vie humaine, telle qu'on n'en peut posséder de plus grande dans cette

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vallée terrestre. Et assurément, les hommes capables de réflexion et de

jugement devraient se donner bien plus de peine qu'ils ne le font dans

la recherche d'un tel bien ; mais au contraire, ils considèrent cette étude

comme inutile et vaine. Bien plus, ils jugent aliénés et sots ceux qui

consacrent tous leurs soins à cette étude et à ce travail. Mais cela n'est

pas étonnant : le travail en effet est toujours considéré comme une folie

de la vertu. Nous conclurons donc que dans la cuisson de notre

Mercure, les métaux parfaits, tout au moins le Soleil, doivent être

ajoutés et mélangés au début de sa cuisson, parce que se trouvent dans

ces métaux parfaits les rayons qui teignent le Soufre blanc et le rouge,

parfaitement mûris et parfaitement cuits, de sorte que le soufre blanc et

le rouge, qui se trouvent dans notre Mercure sont conduits plus

rapidement à leur but suprême. Par conséquent, ceux qui œuvrent ainsi

n'agissent pas faussement et ils ne commettent aucune erreur, mais ils

agissent et se comportent tout à fait selon les règles de l'art.

Chapitre XIII

Si, pour obtenir notre Mercure il y a plusieurs opérations différentes

Selon ce que rapportent les Chimistes anciens, plusieurs opérations

différentes concourent à l'élaboration et à l'achèvement de notre

Mercure. Et même, ils tirent des trois règnes de la Nature ce qui est pur

en elle, de sorte que ces substances pures mêlées ensemble produisent

notre Mercure. Les opérations par lesquelles ils obtiennent cela sont des

sublimations, distillations, calcinations, cohobations, putréfactions,

digestions et plusieurs autres qui ne forment toutes qu'une seule

opération, qui n'est autre, bien entendu, que la seule cuisson. Il n'y a en

effet rien d'autre à faire que cuire. C'est. en effet, par la seule cuisson

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que l'on sépare les impuretés. Par conséquent, purifions, sublimons,

distillons et accomplissons d'autres opérations semblables jusqu'à ce que

le feu et l'eau qui se combattent dans le Mercure et se font la guerre

s'unissent et deviennent amis. D'où ceci : fais la paix entre tes ennemis

et tu posséderas tout le Magistère. Il ne faut pas pour cela utiliser un feu

très vif, mais très faible et doux : en effet, c'est par un moindre feu

qu'on vient à bout de tout. Car, au commencement, le feu et l'eau

associés dans le Mercure, ne sont pas encore unis complètement et

parfaitement. C'est pourquoi un feu vif les sépare et, une fois séparés, ils

ne se réunissent plus jamais. C'est pourquoi il faut les laisser unis pour

qu'en retour ils ne se séparent pas. Mais ils doivent se cuire ensemble et

se digérer entre eux, de sorte qu'ils soient enfin unis et qu' leur tour ils

se transforment en graisse d'un blanc éclatant ou en beurre

parfaitement blanc dans le vaisseau qui les reçoit. C'est pourquoi Flamel

dit que son vaisseau dans lequel se trouvait la Pierre des Philosophes

était à moitié plein de la graisse de vent Mercurial et de l'écume de la

Mer Rouge, ce qui désigne le beurre lorsqu'il est imprégné d'or en

solution. Il n'y a donc pas plusieurs opérations différentes pour obtenir

notre Mercure, mais seulement une seule que l'on nomme notre

cuisson. C'est elle qui conduit notre Mercure à son achèvement, sépare

sa graisse, la parachève par sublimation et la termine par distillation,

toutes ces opérations ne constituant qu'une cuisson.

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Chapitre XIV

Si dans notre Beurre et notre graisse le Mercure, le Sel et le

Soufre sont inséparablement liés

Comme la distillation sépare notre Beurre et notre graisse de la terre

superflue et inutile, on pourrait se demander si, au terme de cette

distillation, le Mercure, le Sel et le Soufre se retrouvent comme

constituants de cette graisse et de ce beurre. Cela est parfaitement sûr

et l’on n'a pas besoin de douter à ce sujet puisque le Mercure, le Sel et

le Soufre sont liés ensemble dans noire terre ; si on les sépare et si, par

distillation, on les recueille dans un récipient et qu'ils forment du beurre

ou de la graisse, à plus forte raison tous les constituants resteront-ils liés

ensemble dans le beurre et la graisse et ils ne pourront jamais être

séparés. Ainsi, en recueillant notre beurre, nous recueillons le Sel, le

Soufre et le Mercure. C'est pourquoi ces trois corps sont liés pour ne

faire qu'un, ils sont coagulés en un seul corps, ils deviennent fixes par

une seule cuisson constante et continuelle et ils se coagulent plus

rapidement s'ils sont liés à notre gomme. C'est pourquoi on affirme que

notre gomme coagule notre Lait et que notre Lait dissout noire gomme

et qu'ainsi liés ensemble, ils finissent plus rapidement par devenir du

Soufre, soit Mercure soit Sel fixe, parfaitement fluide, de telle sorte qu'il

pénètre et s'introduit dans les métaux imparfaits et les transforme en or.

Il faut donc en conclure que dans notre beurre et dans notre graisse, le

Mercure, le Sel et le Soufre sont liés ensemble pour former un seul

corps, de sorte qu'on ne peut jamais les séparer ; à plus forte raison on

les retrouve toujours ensemble

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Chapitre XV

Pourquoi dit-on que l'Or et l'Argent vulgaires sont morts et de

quelle manière dit-on qu'ils ressuscitent des morts

Il est parfaitement vrai que l'or et l'argent vulgaires sont morts parce

que dans la fusion et la liquéfaction par un feu violent, ils sont

dépouillés des esprits vitaux par lesquels ils croissent et vivent

réellement pendant qu'ils sont et demeurent dans leurs mines. Ces

Esprits sont en effet volatils et s'échappent facilement pendant la

liquéfaction des métaux dans le feu et par le feu. Il ne leur reste alors

qu'un Corps dépouillé de cet Esprit vital, et qui est donc vraiment mort.

Ainsi donc, on dit que l'or et l'argent vulgaires sont morts et que, de ce

fait, ils ne peuvent servir à conduire notre œuvre à son achèvement, s'ils

ne sont pas d'abord rendus à la vie et réimprégnés d'Esprit séminal.

Ainsi, il faut d'abord les ressusciter avant de les employer à notre

œuvre, ce qui peut être obtenu facilement si ces métaux sont dissous

dans notre beurre ou dans notre graisse sept fois rectifiés. Alors, en

effet, ils sont à nouveau gratifiés d'un esprit abondant et d'une semence

vitale, et bien davantage que dans leurs mines. Il en résulte qu'ils sont

vraiment ressuscites d'entre les morts et qu'ils deviennent vraiment des

êtres vivants, à ce moment utiles et indispensables à l'accomplissement

de notre œuvre. De là vient que les Philosophes Chimiques affirment

que les Métaux ordinaires ne doivent pas être retenus, puisqu'ils sont

morts et qu'il ne faut accepter que les nôtres, qui sont des êtres vivants

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et bien vivants. Cela peut s'expliquer de deux manières. En effet, les

métaux qui seraient à l'intérieur de notre beurre et de notre graisse sont

réellement des êtres vivants, et ce sont ceux-là qu'il faut habituellement

accepter, comme le remarquent les auteurs. En effet, ce n'est qu'à partir

de notre beurre ou de notre graisse que notre œuvre peut être

accomplie, et seulement par une cuisson prolongée, jusqu'à ce que

notre beurre produise le Soufre blanc et rouge, fixe et permanent, ce

qui est notre œuvre accomplie et achevée dans toutes ses parties. Ainsi

peut-on expliquer que les métaux inclus dans notre beurre, parce que

ce sont réellement des êtres vivants, soient acceptés pour mener notre

œuvre à son achèvement. On peut en second lieu expliquer que les

métaux ordinaires peuvent être acceptés pourvu qu'ils soient, comme

on dit, ressuscites d'entre les morts par la dissolution que permet notre

beurre et notre graisse. Ainsi, on voit clairement pourquoi les métaux

vulgaires sont appelés morts et ne peuvent servir au parachèvement de

notre œuvre, et par quel moyen ils sont ressuscités des morts pour

pouvoir servir au parachèvement de notre œuvre.

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Chapitre XVI

Si c'est dans les cendres ou dans un bain que peut se faire la

putréfaction d'où se tirent notre Beurre ou notre Graisse

Les corps humides pourrissent très difficilement dans ce qui est chaud et

sec, tandis que dans ce qui est humide, la putréfaction les atteint plus

facilement, comme on peut le voir tous les jours, par simple expérience.

En effet, les semences jetées en terre pourriraient très difficilement si

elles n'étaient pas assez fréquemment mouillées et arrosées par une

humidité qui descend du ciel. Il est par conséquent nécessaire qu'il

pleuve fréquemment, pour que les semences jetées en terre soient

arrosées et qu'ainsi elles pourrissent facilement ; autrement, elles ne

peuvent pas germer, si elles ne pourrissent pas auparavant ; car par la

putréfaction, elles retournent à leur état de matière première. Ainsi, la

semence enfermée à l'intérieur des graines et des semences se trouve

dépouillée de la Structure matérielle qui l'emprisonnait et elle devient

spirituelle et volatile. Ainsi, elle germe et se trouve apte à provoquer son

propre accroissement. La même chose se produit dans notre Mercure et

notre Terre : si cela ne se putréfie pas, sa semence intérieure, enfermée

dans ses Alcôves les plus secrètes, ne peut être rendue spirituelle et

ainsi, il ne peut parvenir sa perfection dernière. Notre Mercure doit

donc être putréfié dans un bain pendant quarante jours : en effet,

pendant une telle durée, notre terre se dissout aisément et elle se lie de

façon inséparable avec son humide propre, de sorte que, par la suite, au

moment où ils sont chassés par la distillation, ils se retrouvent liés

ensemble en un seul beurre, qui se coagule au froid et qui fond à 1a

chaleur Le Mercure est 1a base de tout l'art, sans quoi s'écroule toute

1'Alchimie, tant il est vrai qu'en elle rien ne peut être fait qui puisse

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servir utilement à la transformation des métaux, ni à la conservation et

à la prolongation de la vie sans notre beurre et notre graisse

mercuriels ; en eux sont, en effet, réellement contenus la lumière du ciel,

toutes les puissances des planètes et les propriétés de tous les éléments.

Ce qui fait qu'il y a autant de puissance et d'énergie dans ce seul et

unique sujet que ce monde en contient dans son ensemble et sa totalité.

Ce sujet doit être putréfié jusqu' ce qu'y pousse et en surgisse un germe

dont les effets sont admirables et remarquables. Cela doit effectivement

être réalisé dans un bain plutôt que dans les cendres, puisque toute

chose se putréfie davantage et plus rapidement dans ce qui est chaud et

humide que dans ce qui est chaud et sec, qualités qui empêchent 1a

putréfaction, ou du moins la retardent.

Chapitre XVII

Du Ferment des Philosophes, ce qu'il est et quelle est sa nature

Le ferment des Philosophes, Soufre blanc et rouge, fixe et immuable, qui

transforme notre pierre volatile en sa propre nature et la fait fermenter,

est appelé pour cela ferment parce que, de la même façon que le

ferment ordinaire et commun transforme en sa propre nature toute la

masse du pain, il transforme la matière et la substance volatile de notre

Pierre en une nature fixe et immuable. Ce ferment peut toutefois être

compris de deux manières. Ou bien en effet il s'agit de 1a partie

intérieure ou la plus profonde de notre Pierre, d'abord volatile, qui est

fixée par une cuisson constante et continuelle, et à partir du moment où

elle a été fixée, on l'appelle ferment : car le reste de la Pierre, bien que

volatil, est fixé grâce à l'action de ce ferment fixe et se transforme en

substance fixe et immuable. Ainsi est-il réellement ferment. L'autre

ferment de notre pierre est tiré de l'or ou de l'argent du vulgaire. Car

aussi longtemps qu'ils sont dissous par notre pierre, on les appelle

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ferments de notre pierre parce qu'ils la fixent et la font fermenter en

leur propre substance qui, étant fixe, transforme notre Pierre volatile en

une substance fixe, par une cuisson constante et continuelle. C'est ainsi

que l'or et l'argent sont appelés ferments de notre pierre, quoiqu'on ne

refuse pas le nom de vrai ferment à l'or et à l'argent qui sont à

l'intérieur de notre Pierre en sa partie la plus cachée, car ils copient la

nature du vrai ferment et lui sont conformes, puisqu'ils se conforment à

la nature et aux caractéristiques de l'or et de l'argent du vulgaire. II n'y

a donc pas de doute à avoir sur ce qu'est le ferment de notre pierre et

sur sa nature, puisqu'il consiste en tout ce qui peut fixer notre Mercure,

notre Sel et notre Soufre en une substance fixe et immuable, qui coule et

qui fond comme du beurre. C'est bien ainsi que l'or et l'argent du

vulgaire peuvent être dissous par le Mercure tout comme l'or et l'argent

qui se trouvent à l'intérieur de notre Mercure en sa partie la plus cachée

et qui peuvent être fixés en une substance fixe et immuable par une

simple cuisson constante et continuelle ; qu'ils possèdent la même

nature et les mêmes caractéristiques que l'or ou l'argent du vulgaire, et

que, par suite, ils utilisent par conséquent le même procédé pour

conduire notre Mercure à son terme et achever son élaboration, c'est ce

qu'indiquent de la façon la plus claire qui soit tous les auteurs qui,

guidés par la raison et l'art Chimique, ont élaboré notre Pierre et ont pu

mener à bien sa fabrication.

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Chapitre XVIII

Qu'est-que notre Dragon qui avale sa queue,

et quelle est sa nature

Notre Dragon, c'est notre matière quand elle est crue et telle qu'elle est

extraite de la Terre. On l'appelle dragon à cause du venin qu'elle

possède ou enferme en elle, parce qu'elle revêt des couleurs effrayantes

et qu'elle est de nature froide et humide, comme le serpent Dragon qui

habite les Forêts ; et aussi parce qu'elle renferme en ses entrailles un feu

très pur qui lui fait cracher feu et flamme de façon effrayante. Notre

Dragon est ailé parce que l'Esprit et l'Ame sont inséparablement liés en

lui, faute de quoi il ne sert à rien dans notre art et se trouve même

complètement inutile et sans intérêt ; c'est pourquoi il est indispensable

et nécessaire qu'il avale sa queue. Sa queue, en effet, c'est son esprit

qui, s'il est inséparablement lié à son corps, rend son corps volatil et, par

suite, est absolument indispensable à notre art. On appelle en effet cet

Esprit la queue du Dragon parce que, de même que le Dragon traîne sa

queue après lui, ainsi, ce corps traînerait après lui une humide volatilité,

de sorte qu'elle pénètre les pores de la terre tout entière, qu'elle s'y

introduise et qu'ainsi l'aliment de toute chose soit apporté à chacun des

corps formés par mélange des éléments. En effet, cet Esprit est l'aliment

universel de toute chose. C'est pourquoi il faut qu'il soit apporté partout

grâce à son humidité volatile, que l'on appelle sa queue, car là où le

Dragon se déplace et se transporte, là aussi se déplace sa queue. On dit

aussi qu'il avale sa queue parce qu'il avalerait sa propre humidité et la

transformerait en sa propre substance, de sorte que son corps devienne

volatil et puisse ainsi être plus facilement diffusé à travers les pores de

la terre, pour engendrer toutes choses. Ce qui ne pourrait pas se faire

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s'il était fixe et immuable, et demeurait toujours au centre de la Terre,

fixe et immobile. Il faut donc que notre Dragon avale sa queue et soit

volatil. Et de la même manière, cela est absolument indispensable à

l'accomplissement de notre art et à l'achèvement de tout travail

Chimique

Chapitre XIX

Qu'est-ce que notre Mer, en laquelle se trouvent deux poissons

d'une étonnante corpulence, et quelle est sa nature

Le noble Lambsprinck expose dans ses emblèmes intitulés La Pierre des

Philosophes que deux poissons d'une étonnante corpulence se

trouvaient dans la mer Chimique. Quelle est cette mer, quels sont ces

poissons, quelle est leur nature ? Ce sont les questions que doivent

maintenant se poser les enquêteurs de notre art. Faute de quoi ils

resteront complètement ignorants de ce qu'il faut accomplir dans notre

art pour mener l'œuvre à son terme. Notre mer. Donc, c'est le corps de

notre matière ; en effet, puisqu'il a l'amertume du sel lorsqu'il est

dissout, il est une véritable mer qui a précisément l'amertume du sel.

Quant aux deux poissons qui nagent en elle, ce sont l'esprit et l'Ame de

notre corps lui-même, qui doivent justement être pris, capturés et liés à

leur corps, jusqu'à ce qu'ils forment un seul corps fixe et volatil,

parfaitement purifié et dégagé des impuretés par une libération et une

distillation sept fois répétée. Ainsi se réaliserait un corps unique et

volatil qui possède en son centre une nature cachée qui le dispose à la

fixité et à la permanence et qui puisse se manifester facilement lors

d'une une cuisson constante et continuelle. A partir de ce moment est

achevée l'œuvre Chimique pour réconforter et conserver notre nature

pendant de nombreuses années et la délivrer de toutes les maladies ; à

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la condition de prendre un grain de cette matière fixe dans du vin ou

du bouillon chaque semaine. Il ne faut pas utiliser plus et davantage ce

remède qui constitue un feu très puissant et ardent qui consumerait et

détruirait notre feu vital si on en prenait plus qu'il ne faut. Un grand feu

consume en effet un plus petit : il faut donc en user avec modération et

retenue. C'est pourquoi il s'est trouvé tant d'Anciens qui abrégèrent leur

vie par ce suprême remède, parce qu'ils en tirent un usage immodéré.

Concluons donc que notre Mer, c'est notre matière ou notre sel et que

les deux poissons qui nagent dans la mer constituent l'Esprit et son âme

qui doivent en être extraits et purifiés, de sorte qu'ils soient derechef liés

avec la mer ou le corps, et qu'ils constituent une seule mer immense,

volatile et fixée, de sorte qu'ils soient délivrés de tous leurs déchets par

distillation et libération, et qu'ainsi purifiés, ils soient cuits jusqu' devenir

fixes et immuables face aux attaques du feu, même le plus grand. Que

l’on dissolve à nouveau le produit ainsi obtenu avec le premier esprit,

qu'on le rende volatil et qu'à nouveau on le cuise et on le fixe, alors il

possède et développe une force immense et presque infinie par laquelle

il conserve toutes les natures mixtes, les conforte et provoque la

disparition de tous leurs défauts.

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Chapitre XX

Quelle est l'Hydre Chimique aux sept Têtes,

et quelle est sa nature

Les Chimistes anciens ont imaginé, avec bien des raisons, une hydre qui

vivait dans les bois et les Lieux humides, possédant sept Têtes et à

laquelle il repousserait de nombreuses têtes si on lui en coupait une.

Cette hydre n'est rien d'autre que notre matière : elle produit en effet

sept métaux et c'est pourquoi l'on dit qu'elle a sept têtes. Et si on lui en

coupait une seule, de nombreuses autres repousseraient : c'est ce qui se

produit d'ordinaire dans notre matière. De fait, si un seul métal périt et

pourrit dans cette matière, de nombreux corps mixtes en renaissent. De

même que c'est habituellement en des lieux humides et sombres qu'elle

se développe par putréfaction et qu'elle demeure, ainsi, c'est réellement

en des lieux humides et sombres qu'il se développe à partir de notre

matière. Il en sort avec sept têtes qu'il faut toutes couper et brûler par le

feu et la flamme pour les empêcher de revenir et de repousser. Notre

matière doit, en effet, se cuire dans le feu jusqu'à ce qu'elle se

transforme en une substance vraiment uniforme et homogène, fixe et

permanente, n'ayant qu'une seule Tête, l'or évidemment, qui est fixe et

vraiment permanent. Il ne se change jamais en une autre substance, à

moins qu'on le dissolve derechef par un nouvel Esprit ; ainsi

reviendraient les différentes Têtes qu'il faudrait détruire et réduire à

nouveau en une seule Tête en or. C'est ainsi que la pierre se développe

et qu'augmente sa puissance de jour en jour, lorsqu'on lui coupe ses

nombreuses têtes et qu'on lui confectionne une seule tête en or. Il

apparaît en effet, dans la cuisson de notre matière, autant de couleurs

que l'hydre a de têtes à couper et à détruire par le feu ou la cuisson

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pour qu'elles se transforment en une seule et unique tête d'or et en une

substance unique, homogène et uniforme, reproduisant la nature de l'or

vulgaire. C'est pourquoi elle résiste au feu, où elle se complaît et teint les

autres métaux imparfaits en or véritable, bien plus éminent que

beaucoup d'or vulgaire et bien supérieur à lui. Ainsi devons-nous

conclure que l'hydre chimique aux sept têtes n'est rien d'autre que la

matière et la substance de notre Pierre. On dit qu'elle a sept têtes parce

qu'elle produit d'ordinaire sept métaux. Leurs marques distinctives et

leurs couleurs ne peuvent être supprimées ni détruites, et elles ne

peuvent être réduites en une seule tête, si ce n'est par le feu, tout

comme les têtes de l'hydre ne peuvent être enlevées que par le feu et la

flamme. Ainsi, cette image et comparaison est-elle vraiment parfaite et

ne peut-elle être mieux expliquée que par notre explication précédente.

Et si cela ne convient pas à tout le monde, que ceux qui ne sont pas

satisfaits expliquent cela par un autre moyen et une autre

interprétation, qui puissent leur convenir. L'hydre, en effet, ne se trouve

pas dans la nature et n'a jamais été vue dans l'eau ni sur terre. Mais

c'est une énigme des Chimistes et une obscure fiction par laquelle ils

cachent leurs mystères et leurs secrets aux débutants, ne les révélant

qu'aux véritables Philosophes par ces fictions, ces obscures allégories et

ces logogriphes

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Chapitre XXI

Quelle est cette Epouse et Femme qui fait périr et qui massacre tous ses

époux ?

Aucun homme n'a jamais vu un tel prodige, mais c'est une pure

invention des Chimistes pour cacher leur mercure au commun des

mortels et le laisser voir aux sages. Tout ce qui est joint au Mercure, en

effet, est destiné à mourir et être tué. Ainsi, le Mercure est l'Epouse et

la Femme des chimistes qui tue et fait périr toute chose. En effet, dès

l'instant que les végétaux, les animaux ou les minéraux et les métaux

ont été joints au Mercure des chimistes, aussitôt ils reviennent à l'état de

matière première et ainsi, par le Mercure, ils sont réellement ramenés à

un état antérieur et détruits. Ils ne peuvent pas, en effet, revenir l'état

de matière première s'ils ne sont pas détruits et par conséquent livrés A

la mort. Ainsi, le Mercure des Chimistes s'unit et se joint à toutes

choses ; ainsi est-il vraiment l'Epouse qui massacre tous ses époux

puisque tous les corps qui lui sont joints peuvent vraiment être

considérés comme ses époux : ils meurent et se réduisent en leur

matière première, dans la mesure où ils sont tués et massacrés. Nous

devons donc conclure que l'Epouse et femme des chimistes qui fait périr

et qui massacre tous ses époux, c'est leur Mercure qui dissout et réduit

réellement toute chose en matière première, dans la mesure où il

détruit tout ce qu'il dissout et tout ce à quoi il se lie. Il ne peut en effet

dissoudre les corps sans les avoir réduits en matière première, au point

de les tuer, puisqu'ils sont vraiment détruits et dépouillés de leur forme

première : c'est bien cela, mourir et être tué. La mort, en effet, est la

suppression d'une forme et l'introduction d'une nouvelle. Trois fois,

quatre fois heureux ceux qui peuvent, par la vraie dissolution, introduire

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cette mort en toute chose et surtout dans les métaux : ils se raniment en

effet après cette mort dans une vie plus belle que la première et

supérieure à elle.

Chapitre XXII

De la Salamandre des Chimistes, ce qu'elle est

et quelle est sa nature

C'est une erreur et une absurdité que la Salamandre vive dans le feu et

s'y conserve. En effet, j'ai vu par moi-même des Salamandres en

Bretagne, où elles vivent en grand nombre dans les anciens fumiers. Je

les ai personnellement détruites par le feu et je les ai réduites en

cendres. Tant il est vrai qu'elles ne vivent et ne se conservent

absolument pas dans le feu, mais qu'elles y meurent et s'y détruisent

totalement, comme j'ai pu très fréquemment le vérifier en Bretagne.

Quant à dire que la Salamandre vivrait dans le feu s'y fortifierait et y

grandirait, c'est une énigme et une fiction inventée pour cacher quelque

secret caché dans la nature. Tous les Chimistes disent que leur

Salamandre vit, se fortifie et grandit dans le feu : c'est leur secret même

qu'ils dissimulent ainsi habituellement sous les traits d'une Salamandre.

Leur Salamandre, en effet, c'est leur Mercure ou leur Pierre qui, pour

son plus grand bonheur, vit dans le feu. s'y fortifie, y grandit et s'y

améliore de jour en jour jusqu'à atteindre sa perfection ultime. Elle ne

craint alors pas le feu et guérit toutes les maladies, celles des hommes

comme celles des métaux, ainsi que toutes les imperfections naturelles

que peuvent souffrir les éléments mixtes et les réalités naturelles. Ainsi,

la Salamandre des Chimistes représente leur admirable secret et ils

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peuvent dire qu'elle vit dans le feu. y grandit et s'y fortifie puisque c'est

seulement dans le feu qu'elle est conduite à son achèvement. En effet, le

Mercure des Chimistes ne peut être porté à son achèvement et

développé que dans le feu. Seul un feu bien réglé à la température

convenable permet de conduire le Mercure des Philosophes à son

achèvement et de le mûrir par une simple cuisson à feu modéré. Telle

est donc la vraie Salamandre qui vit dans le feu, s'y développe et s'y

accroît, dont le sang est la Médecine véritable et universelle. C'est grâce

à son action que sont guéris tous les défauts naturels ; c'est même grâce

à elle que toute vie est allongée et prolongée de très longues années.

C'est ce qui s'est produit chez beaucoup d'hommes ; on peut citer en

particulier Artéfius le Philosophe qui, grâce à l'action de cette médecine

et par l'emploi du seul sang de la Salamandre, vécut pendant mille ans ;

Jean Lévi qui, à l'époque de Charlemagne vécut cinq cents ans et plus ;

le garde forestier du roi de France Louis XII qui, ayant trouvé enfouie

sous la terre une liqueur et s'en étant enduit le corps, vécut trois cents

ans à l'abri de toute maladie ; et un autre encore en vie, nommé

Edouard l'Anglais, qui erre à travers le monde et toute la terre, qui dit

avoir cinq cents ans et qui affirme que depuis cinquante ans - je dis bien

cinquante ans - il se renouvelle, perd son ancienne peau, ses poils, ses

dents, ses ongles anciens, et retrouve une étonnante jeunesse qui lui

apporte une force nouvelle et toute la vigueur des jeunes gens. Ceci dit

pour les esprits dédaigneux qui trouvent absurde ce qui est tout

simplement le secret pour retrouver Ia jeunesse. Il n'est pas dénué de

sens, en effet, ce passage de l'Ecriture : « Ta jeunesse reviendra comme

un Aigle »

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Chapitre XX111

Ce qu'il en est de la bête noire qui est dans les bois, qui perd sa

noirceur et se pare d'une remarquable blancheur

Beaucoup comprennent cela comme se rapportant à la fumée ordinaire.

La fumée, en effet, est cachée dans le bois que l’on sort des forêts pour

alimenter le feu, et c'est pourquoi la fumée s'élève dans les cheminées.

On dit alors :

Il y a un oiseau dans la forêt, tout de noir recouvert, Qu'on lui ôte

quelque chose, il deviendra tout blanc.

Mais ils se trompent complètement et s'égarent en tout point. Car la

forêt des Chimistes, c'est leur corps, d'où sort leur Soufre et leur

Mercure. Et la « bête noire », c'est cette même matière lorsqu'elle se

décompose et que son corps tombe en pourriture. Elle acquiert en effet

la noirceur dans la putréfaction ; ensuite, elle acquiert une blancheur

extrême par une cuisson continuelle. C'est bien la bête noire qui vit

dans notre forêt et y demeure ; et si on lui enlève les excréments dont

elle regorge, elle se pare d'une blancheur admirable. En effet, pendant

que notre Mercure et notre Soufre sont cuits ensemble d'une même

cuisson, ils poursuivent leur maturation ; et pendant qu'ils viennent à

maturation, ils acquièrent de parfaites couleurs, dont le blanc et le

rouge. Par conséquent, pendant que notre matière cuit, elle atteint son

achèvement et vient à maturation. Et pendant qu'elle mûrit, elle se pare

de couleurs parfaites et achevées, blanc et rouge purs ; couleurs

parfaites et achevées que l’on retrouve dans la nature, puisqu'elles

durent toujours et demeurent dans notre matière, une fois qu'elles ont

ainsi été complètement cuites dans notre feu. Ainsi donc, cette bête

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noire dans notre forêt, ce n'est rien d'autre que notre matière qui

d'abord, noircit pendant qu'elle cuit, puis blanchit, ensuite rougit.

Ensuite elle garde alors cette coloration rouge.

Chapitre XXIV

Ce que sont chez les Chimistes les deux Lions, l'un ailé, l'autre

sans ailes et en quoi consiste leur transformation en un seul Lion

On retrouve souvent chez tous les Chimistes cette allégorie de leur Lion,

ainsi appelé parce que, comme le Lion, il dévore tout ce qui lui est jeté

et le transforme en sa propre substance ; ce Lion est double, l'un ailé et

femelle, l'autre sans ailes et mâle. A partir de ces deux Lions, mâle et

femelle, doit être réalisé un seul Lion. C'est là un très grand prodige, et

personne n'en a jamais vu de semblable. C'est une énigme et un très

grand secret que la nature cache dans ses Alcôves les plus profondes.

Puisque cette matière Chimique comporte deux parties, l'une fixe et

l'autre volatile. Celle qui est fixe c'est le Lion sans ailes et mâle, tandis

que celle qui est volatile, c'est bien sûr le Lion Chimique ailé et femelle.

Ils doivent être liés ensemble et, par une cuisson constante et

continuelle, ils doivent être réunis en une seule matière fixe. Ainsi, un

seul Lion résulte de deux ; de ces deux matières résulte une seule, fixe

et volatile. Et tout le secret de l'art consiste à faire de la matière volatile

une matière fixe avec une matière volatile. Ces matières ne servent à

rien d'autre qu'à se transformer mutuellement grâce au feu, à faire en

sorte que celle qui est volatile rende fixe, puis de nouveau que cette

matière fixe devienne volatile, puis encore fixe. Ainsi le Lion dévore le

Lion, l'aigle dévore l'aigle et l'oiseau avale notre oiseau, et ils se

transforment l'un en l'autre. Ainsi, le secret Chimique se cache derrière

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de nombreux noms d'animaux et c'est par les diverses manifestations de

leur action réciproque qu'il se fait connaître aux seuls sages tandis qu'il

reste caché pour les ignorants et la foule des hommes qui considèrent

ces allégories comme invraisemblables et absurdes. Pourtant, sous leur

enveloppe et leur écorce est enfermé l'admirable joyau de la nature,

dont l'huile est d'une nature admirable. Que l'on extraie alors cette huile

des trois règnes de la nature et qu'on la réunisse en un tout : il n'est rien

sur terre de plus puissant et de plus efficace pour guérir et conduire à

son achèvement tout ce qui souffre quelque imperfection dans les trois

règnes. Trois et quatre fois heureux ceux qui me saisiront, qui

comprendront de quelle manière il est possible de le faire et qui sauront

réellement le traduire en actes. En effet, ces choses là ne sont pas faciles

à faire, mais elles exigent un artisan éprouvé, Philosophe distingué, qui

sorte de l'ordinaire et ne soit pas un simple produit des écoles, mais qui,

partant de la nature elle-même et de son anatomie, soit devenu un

adepte de la Physique par de nombreux travaux de toutes sortes. Un tel

artisan est vraiment rare, et on ne le trouve pas partout.

Chapitre XXV

De la Fabrication de la Pierre

Puisque à travers les divers chapitres que nous venons d'écrire, nous

avons traité de la Pierre et de ce qui se rattache à elle ; puisque nous

venons de la dépeindre à travers les diverses allégories qu'utilisent les

Chimistes avec une clarté telle que, me semble-t-il, personne ne puisse

désormais penser que la Pierre des Philosophes n'existe pas dans la

nature, il nous reste maintenant à donner satisfaction à tous et en

particulier à notre Prince FRÉDÉRIC, duc d'Holstein, en hommage à qui

nous avons commandé et autorisé l'impression du Traité. Notre Pierre

doit donc être élaborée, comme il ressort de l'avis de tous les chimistes,

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à partir de la pure substance de la nature. La pure substance de la

nature, en effet, n'est rien d'autre que ce grâce à quoi la nature elle-

même agit en toutes choses et les conserve. Ce qui est pur est, en effet,

quelque chose d'incorruptible et de très efficace. C'est, par conséquent,

à partir de cela que la Pierre des Philosophes doit être fabriquée,

puisque la Pierre doit tout conserver dans la nature et qu'elle peut

chasser et éloigner toute sorte de défauts naturels. Sinon, la Pierre

n'existerait pas et n'aurait pas à être fabriquée à partir de cette pure

substance de la nature et ne posséderait pas en elle cette pure

substance qui agit aussi efficacement. La raison pour laquelle cette pure

substance de la nature permet l'élaboration de la Pierre des Philosophes

est, en effet, évidente : c'est qu'elle doit être réalisée à partir de la

matière de la nature et de sa substance incorruptible, puisque c'est

grâce au caractère éminent de son activité que peuvent se faire toutes

les transmutations. Il n'existe dans la nature aucune substance

comparable à la pure substance de la nature : c'est donc seulement

partir de cette pure substance que la Pierre des Philosophes doit être

fabriquée. Quelle est donc cette pure substance de la nature, par quel

moyen et quel procédé peut-on l'obtenir, c'est ce que nous devons

maintenant rechercher, de sorte que, le sachant, ce soit bien dans la

nature que nous nous efforcions de 1a rechercher et de la trouver. Il ne

faut pas, en effet, la chercher en dehors de la nature, sinon les efforts

que nous dépensons pour une telle entreprise resteraient vains.

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Chapitre XXVI

De la Pure Substance de la Nature, ce qu'elle est, quelle est à est sa

nature et si elle est multiple

C'est à partir de la Pure Substance de la Nature que tout se fait. Et,

comme je l'ai souvent dit par ailleurs dans mes ouvrages imprimés, la

connaissance de toutes choses et de toute la nature dépend de la Pure

Substance de la Nature. Il en résulte qu'il est vraiment nécessaire au

Chimiste de savoir et de connaître ce qu'est cette pure substance, quelle

est sa nature et si elle est multiple. Cette Pure Substance de la Nature

donc, se situe au cœur de chaque chose. Elle a été faite à partir de la

quintessence du ciel et de tous les éléments, comme je l'ai dit dans les

premiers chapitres de ce Traité. Par ses rayons, le Ciel pénètre dans les

éléments inférieurs et sa Substance Pure, se répand dans les éléments

inférieurs, et en particulier dans le Centre de la Terre. Là, elle se cuit,

elle prend corps sous forme de Sel, qui devient volatil, elle se sublime

par les pores de la terre et nourrit tous les êtres naturels, les végétaux

tout autant que les minéraux : il s'ensuit qu'on la retrouve partout. C'est

pourquoi cette substance pure est triple : animale, végétale et minérale.

Elle est une cependant, au-delà de ces trois règnes et n'y diffère en rien,

si ce n'est par une certaine façon d'être car, en substance elle est une et

identique. Chez les animaux, elle est très déliée et par conséquent

totalement volatile, et par là même combustible et destructible. Il en est

de même chez les végétaux, ce qui fait qu'elle y est aussi destructible et

corruptible. Quant aux métaux, elle y est parfaitement fixe et

incorruptible, notamment chez ceux qui sont parfaits, tandis que dans

les métaux imparfaits, elle est en partie volatile, en partie fixe, et c'est

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pourquoi elle est en partie corruptible et en partie fixe et incorruptible.

Ceci doit être considéré avec beaucoup d'attention pour que nous en

déduisions de quels règnes de la nature il nous faut extraire cette Pure

Substance de la Nature dont nous avons besoin. De fait, la Pierre des

Philosophes est totalement incorruptible et par conséquent il faut la tirer

entièrement du règne métallique. C'est, en effet, seulement dans ce

Règne que l’on peut trouver notre Pure Substance incorruptible et c'est

seulement dans ce Règne que la Pure Substance des deux autres

Règnes se trouve jointe. C'est pourquoi on l'appelle animale, végétale et

minérale. Nous concluons donc: la Pure Substance de la Nature se

découvre dans tous les Règnes de la Nature et principalement dans le

Règne Minéral et Métallique. Et ce n'est rien d'autre que la

quintessence du Ciel et de tous les éléments, qui se cuit dans le centre

de la terre et de là se répand par les pores de la terre. Ainsi, elle

conserve, nourrit et développe complètement tout ce qui est susceptible

de développement.

Chapitre XXVII

Quelle est la préparation qui permet d'obtenir la Pure Substance

Minérale et Métallique

Il faut recueillir ce Sel de la Nature, en lequel l'Esprit du Ciel et de tous

ses éléments se solidifie et se transforme en Sel, et le purifier par de

nombreuses dissolutions répétées dans de l'eau de rosée ou de pluie

distillée. Une fois que l'on dispose de ce corps pur et blanc qu'est le sel,

il faut le mélanger avec une terre pure telle que par exemple, du Bol ou

du Lapis-Lazuli parfaitement calciné, dans la proportion de trois

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quantités de Terre pour une seule part de notre corps. Puis il faut le

déposer dans une retorte de verre parfaitement lutée. Il faut alors le

distiller dans un feu très vif, de sorte que tous les esprits sortent dans le

récipient sous la forme d'une eau très forte, âcre et aigre. Cette eau doit

alors être rectifiée sept fois et débarrassée dans un bain de l'impureté

aqueuse élémentaire. On obtient ainsi l'esprit pur et blanc des Métaux

qu'il faut conserver dans des fioles de verre parfaitement fermées,

jusque ce que l’on obtienne derechef un corps nouveau et pur. Il faut lui

mêler l'esprit en douze quantités, c'est à dire qu'il faut prendre douze

parts d'esprit et une seulement du corps pur, et il faut les laisser pourrir

tous les deux ensemble pendant quarante jours. Ensuite, il faut extraire

l'esprit par distillation jusqu'à ce que le corps soit sec et à nouveau

répandre l'esprit sur le corps. Cela doit être recommencé de

nombreuses fois,jusqu'à ce que l'esprit, grâce à ces cohobations

multiples et répétées sur son corps, demeure avec lui et que le corps soit

rendu volatil grâce à l'action de son esprit. Le corps ainsi rendu volatil

doit s'imprégner d'un nouvel esprit jusqu'à ce que, par cohobations

multiples et souvent répétées, son passage par la retorte le renvoie dans

le récipient sous la forme d'une eau lactée que le froid durcit en un

beurre qu'un feu modéré et doux fait fondre comme du beurre. Cette

eau lactée doit être rectifiée sept fois par les cendres et doit être

conservée dans des vaisseaux de verre parfaitement clos ; et si on la

laisse se cuire d'elle-même dans un vase clos, elle se fixe alors, par une

cuisson continuelle, en un sel fixe et permanent, d'abord blanc, puis

enfin rouge. Pour que cela se produise et s'achève plus rapidement, il

faut ajouter de l'or à proportion de dix ou sept parties. Ainsi, les

opérations sont plus rapidement menées à bien et la fixation du produit

est plus vite achevée. On obtient ainsi le véritable et légitime Mercure

des Philosophes, extrait du seul Règne métallique et minéral, qui

pénètre et dissout toute chose de sa substance parfaitement déliée.

D'autres essayent d'extraire ce Mercure des trois Règnes, par le procédé

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qui suit

Chapitre XXVIII

Par quel procédé le Mercure des Philosophes doit-il être extrait

des trois Règnes

Du Règne animal, on extrait d'abord le Sel volatil à partir du sang,

humain ou autre, ou de l'urine humaine, par distillation selon la

méthode habituelle. Du Règne végétal, on obtient communément le Sel

de Tartre, par calcination et solution dans l'Eau Claire, jusqu'à ce que

par de multiples solutions et dessications on obtienne un Sel de Tartre

parfaitement blanc que l'on doit dissoudre dans du vinaigre distillé

jusqu'à ce qu'il ne puisse plus boire davantage de vinaigre. Alors ce Sel,

imprégné d'esprit de vinaigre, ou esprit de vin, se sublime et devient

volatil. Ce sel volatil rendu parfaitement pur doit être mélangé avec du

sel volatil animal et de l'Esprit acide minéral extrait selon l'usage

habituel. Ainsi, ces trois corps purs mêlés ensemble se transforment en

Mercure par circulation et se transforment en Eau ou liqueur Alkaest .

Cette liqueur est, en effet, entièrement spirituelle et elle constitue le pur

et resplendissant mercure des trois règnes qui peut être utilisé pour

mener l'alchimie à son achèvement.Ainsi se trouve réalisé le secret et la

totalité des métaux sont réduits en matière première: de sorte que l'on

voie et que l'on reconnaisse parfaitement ce qui est contenu au coeur

des métaux. Beaucoup de choses ont été dites sur cette liqueur Alkhaest

par les auteurs chimiques modernes, mais très peu par Paracelse. Il dit

en effet, que la liqueur Alkhaest est du mercure préparé de sorte que

son centre soit à la surface et que la surface du mercure soit en son

centre. Ainsi, ce qui est caché dans le mercure serait rendu manifeste et

ce qui est manifeste dans ce même mercure deviendrait caché. Ainsi les

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éléments cachés du mercure sont transformés en éléments manifestes :

l'alchimie ne cherche rien d'autre.

Chapitre XXIX

De la liqueur alkhaest ce qu'elle est et quelles sont ses propriétés

Les nouveaux Chimistes ont dit tellement de choses importantes propos

de cette Liqueur qu'il est vraiment indispensable que notre Prince

Sérénissime sache ce qu'est cette Liqueur, quelles sont ses propriétés et

d'où nous l'obtenons et la tirons, de telle sorte que rien de ce qui est

utile à l'exercice de l'Alchimie ne lui reste caché. Cette liqueur, donc,

c'est le pur esprit métallique mercuriel, joint à son propre corps naturel

et lié à lui de telle sorte que tous deux ne fassent qu'une substance,

indissociable et indestructible, qui détruise toute chose et la réduise en

matière première. C'est une question de la plus grande importance en

Alchimie, et difficile résoudre, que de savoir si les deux autres

substances extraites du règne végétal et animal jointes à la substance

minérale Mercurielle, augmenteraient sa capacité de pénétration et sa

grande rapidité d'action, de sorte qu'elles sembleraient achever sa

perfection. Mais ceux qui connaissent vraiment notre pure substance

mercurielle extraite et tirée du règne minéral, et qui savent qu'elle se

désigne par trois noms et qu'elle peut réellement être appelée animale,

végétale et minérale, ceux-là sortiront sans difficulté de ce labyrinthe et

verront que dans le règne minéral, les deux autres règnes, l'animal, par

exemple, et le végétal. sont à ce point liés ensemble qu'ils ne peuvent

être séparés, ils verront très clairement que notre pure substance

mercurielle métallique possède avec elle les deux autres substances

mercurielles, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de les lui joindre à

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nouveau pour la conduire à sa perfection. S'il se trouvait quelqu'un qui

ne soit pas satisfait par cette argumentation, qu'il se procure

conjointement les autres substances mercurielles tirées du règne animal

et végétal, qu'il les purifie et les associe : l'expérience lui apprendra que

ces trois substances mercurielles pures sont nécessairement liées

ensemble pour constituer la liqueur Alkahest et la conduire à son

achèvement. Nous pouvons donc en conclure que la liqueur Alkahest

n'est rien d'autre que le vrai Mercure des Philosophes extrait du règne

minéral, joint à son corps pur de sorte qu'ils ne puissent jamais être

séparés l'un de l'autre. Mais ils subsistent ensemble sous la forme d'une

liqueur ayant l'aspect du lait et du beurre, qui pénètre et dissout toute

chose.

Chapitre XXX

Si c'est partir de la Liqueur Alkahest simple ou composée que peut être

fabriquée la Pierre des Philosophes

Il ne fait aucun doute que la Pierre des Philosophes peut et doit être

fabriquée partir de la liqueur Alkahest, puisque cette liqueur Alkahest

n'est rien d'autre que le Mercure des Philosophes, qui constitue la partie

principale de notre Pierre. Cette liqueur Alkahest se présente sous un

double aspect : l'un simple, l'autre composé, et cependant ces deux

aspects ne font qu'une seule et même liqueur et ils se ramènent à sa

véritable essence. En tant qu'elle est simple, elle se prépare à partir du

pur acide des métaux et même du pur sel métallique et rendu volatil

avec son Esprit. Et, faute d'avoir beaucoup travaillé à la préparation de

ce Sel et de son Esprit, on atteindrait difficilement ce secret qui est la

réalité cachée la plus importante de toute la nature métallique, source

de beaucoup de fatigue par l'effort et la peine qu'elle entraîne. Il faut,

en effet, beaucoup de fatigue et d'effort pour la conduire à son terme.

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Composée, la liqueur Alkahest est encore bien plus pénible à élaborer et

il est plus difficile encore de se la procurer. Elle se prépare, en effet, à

partir de l'acide des minéraux et du pur sel des animaux et des

végétaux. Et l'Alchimiste qui ne fournirait pas un travail important pour

obtenir leur sels volatils et les purifier n'atteindrait jamais notre célèbre

secret. Comme on le voit, cela peut bien être exposé sans difficultés. Il

n'empêche que de nombreux points se dérobent au regard : et s'ils ne

sont pas parfaitement élucidés comme ils doivent l'être c'est en vain. Et

l'alchimiste qui n'effectuerait pas un travail important pour obtenir leurs

sels volatils et purifiés n'atteindrait jamais notre secret. Comme on le

voit, cela peut bien s'exposer sans difficulté, cela n'enlève pas que des

nombreux points se soustraient au regard, et s'ils ne sont pas

parfaitement élucidés comme il faut, en vain on s'en prendra à l'oeuvre.

Il en résulte que certains considèrent faux ce que cependant n'est pas et

que, au contraire, est totalement vrai, mais cela demande un pratiquant

instruit et expérimenté dans toutes les opérations de l'alchimie. Qu’on

s'applique donc à fabriquer et purifier les sels fixes et alcalins et

qu’ensuite on rende des tels sels fixes et des volatiles. Par la grâce de

Dieu on portera alors l'oeuvre à son terme pas sans difficulté mais au

prix d'un grand travail et d'une activité persévérante et continue. De

telles choses ne se font pas rapidement et ne peuvent pas se mener à la

perfection dernière en peu de temps, mais avec un long et fatigant

effort. J'ai beaucoup supporté et souffert, j'ai sué et ai souffert le prix

avant d’avoir accompli cette oeuvre secrète. Ensuite tout ce qui reste à

faire se complète et se porte facilement à terme avec une simple cuisson

constante et continue. C'est pour cela qu'il se disent oeuvre de femelles

et jeu de garçons les opérations, qui pour leurs achèvement ne

nécessitent qu'une cuisson, d'un temps disponible et d'une patience.

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Chapitre XXXI

Que la liqueur alkaest réduit chaque chose en matière première sans

rien perdre de son efficacité

Puisque la liqueur alkaest, ou le mercure des philosophes, est le feu

parfaitement pur de la nature, incorruptible et inaltérable, il peut

facilement se conclure qu'il peut réduire chaque chose dans sa matière

première. Il pénètre en effet parfaitement les parties de tous les

mélanges et les sépare les unes des autres jusqu'à leur réduction en

premier feu de la nature au moyen de ce feu naturel ; comme l'air

s'introduit naturellement son air et l'eau son eau, ainsi certainement le

feu s'introduit naturellement dans le feu et les imprègne, il n'est donc

rien d'extraordinaire dans le fait que la liqueur alkaest, qui est

seulement feu, pénètre chaque chose et la dissous sans en diminuer la

puissance, puisque celle-ci n'est pas affaiblie des forces agissantes, que

cette même liqueur dissout et réduit en matière Première, c'est pour

cela que son efficacité n’est pas affaiblie puisqu'alors le feu s'ajoute

toujours au feu ; donc, vu que le feu ne dissocie pas ni ne s'affaiblit, son

efficacité ne peut pas diminuer. Les ignorants s'en étonnent et, ils ne

peuvent pas le comprendre, en croyant que chaque fois qu'il agit il

affaiblit son action et son efficacité et que sa force agissante finisse par

disparaître complètement. Rien de tout cela ne se produit dans la

liqueur alkaest, mais au fur et à mesure qu'elle agit,son efficacité

augmente et, enfin,devient plus forte et plus puissante. La raison en est

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évidente, c'est que cette liqueur est pleine du feu de la nature et que

tout le véritable feu de la nature est caché dans ce liquide et enfermé en

elle. C'est pourquoi son efficacité ne diminue jamais puisque son feu se

développe grâce au feu de ce qu'elle dissout.

Nous pouvons conclure que la liqueur alkaest est réellement un

feu,qu'elle ne tient pas du feu élémentaire, mais du feu entièrement

Central et céleste, incorruptible et inaltérable qui pénètre toute chose et

la dissout dans sa matière première. C'est le feu naturel et central que

l'on trouve dans toute chose et qui est abondamment concentré dans

cette liqueur akkaest. C'est grâce à son action que l'efficacité de la

liqueur n'est pas réduite, mais demeure au même degrés.

Chapitre XXXII

Si la liqueur alkaest après avoir réduit les métaux

parfaits en matière première doit être séparée des

métaux dissous ou laissée avec ceux ci ,de sorte

qu'ils cuisent ensemble vers la perfection suprême

Dans les métaux parfaits, dissous et réduits en matière première par la

liqueur alkaest se trouve tout ce qu'il est ils nécessaire pour mener la

Pierre des philosophes à son achèvement. Or, si quelqu'un désire retirer

la liqueur alkaest peut le faire : la dissolution des métaux parfaits en

Pierre parfaite, ou soufre fixe des philosophes, s'en trouvera plus

rapidement achevée. Alors, en effet les métaux parfaits y sont crus et

empruntent à la liqueur alkaest le feu de la nature, qui est certes pur,

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mais cru et sans cuisson. D'où la nécessité de faire lui mûrir et conduire

à son terme avec une cuisson tant qu'il ne soit pas parfaitement fixé. La

liqueur alkaest n'est en effet rien d'autre que du feu, mais dissous par la

liqueur mercurielle, c'est par conséquent un feu cru et pas mûr et il y a

autant de cette liqueur que de mercure cru. C'est pourquoi il nécessite

une cuisson beaucoup longue pour qu'il mûrisse ; il s'ensuit que

n'agissent pas imprudemment ceux qui séparent leur liqueur après

qu'elle ait dissous les métaux parfaits. En effet dans cet instant les

métaux parfaits en solution sont cuits et fixés plus rapidement que s’ils

étaient restés liés à la liqueur alkaest, puisque le mercure cru est

présent en majeure quantité lorsque vous laissez joint l'akkaest. Il faut

donc conclure que le liquide alkaest doit être séparé des métaux dont il

a permis la dissolution, ainsi ils se fixent plus rapidement. Toutefois, si

une telle liqueur n'est pas séparée, il n'en est aucun mal ; mais il faut

alors une plus longue cuisson pour que les métaux parfaits ainsi dissous

prennent le degré plus élevé de fixation et de perfection, ils se fluidifient

même plus facilement dans le feu ; et c'est précisément dans l'instant où

il est plus facile la rendre la liquide,que la Pierre rejoint sa perfection

suprême, ainsi en effet pénètre dans les plis les plus cachés des métaux

imparfaits et s'introduit plus facilement puisque elle possède en

abondance le mercure qui assure la fluidité de chaque chose, en facilite

la fusion et il leur confère sa supériorité et son excellence ; ainsi une

Pierre dissoute beaucoup de fois dans la liqueur alkaest, ou mercure des

philosophes, est de qualité supérieure et présente meilleure valeur que

celle qui n'a pas été dissoute et ensuite de nouveau coagulée,

puisqu'elle ne posséderait pas autant de mercure de cette Pierre qui, à

diverses reprises a été dissoute et ensuite de nouveau coagulée ; en

effet les coagulations et les dissolutions répétées n'augmentent pas

seulement la Pierre en quantité mais ils en multiplient aussi la force et

les caractéristiques, comme attestent les auteurs qui ont écrit sur ce que

j'argumente. Ainsi si la première solution augmente sa force de cents

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dans la projection, la seconde l'augmente de mille; ainsi le poète Aurelio

dit que la Pierre peut augmenter au point qu'un seul grain projeté sur

une quantité infinie de mercure pareille à l'océan, la transforme vite en

or, admis qu'il se puisse chauffer une aussi grande masse. C’est grâce à

son action que l'efficacité de la liqueur n'est jamais réduite mais reste

toujours au même degré.

Chapitre XXXIII

Que la liqueur alkaest possède en soi le sel, le soufre et le mercure des

philosophes

Il serait impossible que la liqueur .alkaest puisse effectuer la vraie et

authentique dissolution des métaux et réduction de chaque chose en

matière première si elle ne possédait pas en soi les vrais et authentiques

principes métalliques c'est-à-dire le sel, le soufre et le mercure

parfaitement dissous et spiritualisés en elle. Autrement elle ne pourrait

pas effectuer cette parfaite dissolution. Seulement les principes de la

nature parfaitement dissous, unis et liés ensemble peuvent produire une

dissolution ainsi parfaite et réduire chaque chose en matière première ;

en effet seulement la matière première peut produire une telle

dissolution ou réduction en matière première, puisque le semblable agit

dans le semblable. Et c'est seulement pour cela que la matière première

peut effectuer la réduction en matière première. La liqueur alkaest est

donc la matière avant chaque chose réduite en liqueur et est vraiment

pour cela qu'elle possède le sel, le soufre et le mercure de chaque chose

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réduite en liqueur. Ainsi elle réduit tout en sel, soufre et mercure en ne

laissant pas pratiquement pas d'impureté, puisque chaque corps mixte

n'est rien d'autre que sel, soufre et mercure liés entre eux dans la

composition des corps des mélanges. C'est pour cela que vous ne

trouverez pratiquement pas d'impureté dans une cette réduction ,

oeuvre de la liqueur alkaest, puisque tout ce qui entre dans la

préparation des mélanges est constitué du sel, du soufre et du mercure,

principes de la nature. Et puisqu' l'origine de la préparation on ne

trouve pas autre que ces sels, on trouve nécessairement seulement ceux

la dans la réduction de la préparation, autrement nous serions en

présence de quatre ou plus de principes ; et c'est pour cela qu'ils ne

trouvent pas d'impuretés dans la vraie réduction. En autres dissolutions

et réductions produits des esprits du sel, se trouvent des rejets multiples

et abondants qui ne sont pas cependant des vrais fèces mais des parties

de principes qui ne peuvent pas se dissoudre. Et, en ne se pouvant pas

dissoudre, ils sont considérés des rejets desquels il n'en connaît la

nature. Si ces rejets sont recueillis et sont projetés dans la liqueur

alkaest, alors ils se dissolvent vraiment et il ne reste pas d'impureté. Et si

même, dans beaucoup de points, j'ai dit qu'il y avait des fèces dans la

nature et dans la composition des mélanges, c'est parce qu'alors je

n'avais pas vu l'action de la liqueur alkaest. Donc il est certain et sûr que

la liqueur alkaest possède en soi le sel, le soufre et le mercure des

philosophes, grâce à qui tout se réduit en matière première et se dissout

au point qui ne reste pas quelque mort C'est cela. À ce point il convient

rapporter les lettres du talentueux maître Fabre qu'Héliante, après

l'avoir laissé, reçut à Nurumberg en provenance de la province de

Narbonne.

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C'est ici qu'il convenait de rapporter les Lettres du très

talentueux Maître Fabre, qu'Hélianthe, après l'avoir quitté,

reçut de Nuremberg, en provenance de la Province de Narbonne

Lettre I

Très illustre ami, j'ai reçu votre bien agréable Lettre le 23 Octobre de

cette Année 1642. Tenez ceci pour la réponse. C'est pour moi une très

grande joie que vous ayez pris plaisir à la lecture de mes Livres, et en

particulier du Palladium. Je crois cependant qu'un plus grand plaisir et

un plus grand désir de connaissance s'emparerait de vous à la Lecture

de mon Hydrographe, car j'y ai éclairé la Moelle de la nature plus

nettement et plus clairement que dans le Palladium, tandis que dans le

Palladium j'ai davantage développé et approfondi la recherche et la

découverte de l'énergie de la nature, la dunamis Par contre, dans

I'Hydrographe, j'ai rendu plus facile et plus claire pour les fils de l'Art

Hermétique la compréhension de la totalité du mystère de la Nature,

sous le nom d'esprit, et en particulier d'Eau de Calchante. Tout Sel, en

effet, qu'il soit animal, végétal ou minéral, est de l'esprit d'eau congelé

par l'action et l'énergie de la lumière soufrée, ce que les Philosophes

appellent ordinairement de la chaleur. Cet esprit donc, dunamis et

énergie de la nature, engendre par sa chaleur naturelle le corps du Sel

dont, par la suite, les fils de l'Art extraient par leur art ce même esprit

qu'ils affinent et enveloppent d'un corps très délié et très fin, de sorte

qu'ils puissent, grâce à cela même, affiner les corps métalliques parfaits

et qu'il leur soit possible de les transformer en ce même esprit. De sorte

que, par la mise en lumière d'une incroyable énergie, on puisse obtenir

cette force immense et très puissante qui réside dans les métaux et y a

été enfouie. Si vous pouvez extraire cet esprit d'or de la nature partir

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du Sel minéral vert et bleu, que vous parveniez à l'affiner par

sublimation et que vous puissiez l'envelopper du corps très fin de ce

sel ; vous posséderez la fleur spirituelle et toute puissante de la nature

universelle, par la vertu de laquelle vous pourrez obtenir la fleur d'or et

le trésor de la vie humaine, seul soulagement de votre père. Si j'en avais

sous la main, je vous en offrirais volontiers, mais, je ne sais par quelle loi

d'un obscur destin, ces mystères de la nature m'ont été refusés jusqu'ici.

Le sel de vitriol parfaitement pur, imprégné de son esprit acide sublimé

sans autre subtile préparation, constitue l'arcane de la maladie de votre

père. La dose en est d'un demi-scrupule, prise en fin de matinée dans

de l'eau de source réputée ; et deux heures plus tard, il faut prendre un

excellent bouillon. Faites part à Maître Capucci, s'il vous plaît, des

passages et des lignes de celle lettre qui traitent de l'Art, et transmettez

lui, je vous prie, la lettre que je lui destine sous pli cacheté. Vous me

garderez ainsi attaché par le suprême lien de l'affection. Adieu et tenez

moi en votre estime.

Castelnaudary, le 24 octobre 1642,

Votre toujours et très dévoué serviteur et ami fidèle,

P. J. FABRE

Lettre II

J'ai été très intéressé par votre Lettre, que j'ai reçue le premier Janvier

pour les vœux de la nouvelle Année. J'ai été particulièrement intéressé

par le travail de votre ami sur le vinaigre Physique parfaitement pur de

Vitriol. II n'a pas commis d'erreur en le joignant à son propre sel fixe et

parfaitement pur, si ce n'est peut-être qu'il n'a pas fait preuve de

suffisamment de patience et de persévérance. En effet, ces deux corps

doivent être parfaitement cuits ensemble, à de multiples reprises et

pendant longtemps, comme le veut cet Axiome si souvent répété des

Philosophes : Il faut Cuire, Cuire, Cuire et Cuire encore, sans s'irriter que

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cela soit long, car c'est dans la longueur de la cuisson que réside te

secret. De là vient que Morien dit que notre œuvre ne consiste en rien

d'autre qu'à renvoyer notre eau sur notre terre jusqu'à ce que cette

Terre se putréfie en même temps que l'eau et qu'ils soient purifiés tous

les deux, putréfaction et purification qui ne peuvent être réalisées en

peu de temps. Après qu'elles ont été putréfiées et purifiées, il devient

facile de les lier entre elles : jamais plus elles ne se séparent mais elles

forment alors un seul corps qui s'imprègne, s'infiltre et pénètre, et qui

coule facilement. L est le secret. C'est pourquoi, si votre illustre ami

garde patience pendant la putréfaction et la purification de notre

matière ainsi que pendant son mariage, il entrera à coup sûr en

possession du secret. L'œuvre des Philosophes, en effet, ne consiste en

rien d'autre que blanchir parfaitement et rougir parfaitement, ce qui

consiste en une putréfaction et une purification. Lisez le Recueil de tous

les vrais Philosophes qui ont écrit à ce sujet. Vous ne trouverez rien de

plus que ce que je vous ai écrit dans cette page. Car, pour connaître la

nature, il n'y a rien d'autre à faire que de séparer les éléments de cette

matière, les purifier, les nettoyer de leurs impuretés, unir les éléments

purifiés et en faire une seule substance. Cette préparation entraîne

l'apparition de la terre feuillée, ou soufre très blanc de la nature, et du

sang du lion rouge, à partir desquels se réalise le véritable et

authentique mariage des Philosophes. Une fois réalisée leur union, il ne

faut rien d'autre qu'une unique et simple cuisson, jusqu' ce que ces

deux corps n'en forment qu'un seul, fixe et permanent, et qui, par le

feu. coule, pénètre et s'imprègne très facilement. Tirez donc le Soufre

naturel, ainsi que son sang rouge, de votre Sel joint à votre Esprit, par

des cohobations et des liaisons répétées, jusqu'à ce qu'il donne ce

Soufre et ce sang. Divisez-les. réunissez-les, cuisez-les, craignez, louez et

aimez Dieu. Que cela soit dit à un Frère et à un Ami très cher. Adieu, et

ayez pour moi de l'amitié.

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Fait chez nous le 9 janvier 1643.

Votre fidèle serviteur et ami en toutes choses,

P. J. FABRE

Lettre III

Très cher et très Savant Ami,

J'ai reçu en Mars votre dernière Lettre écrite depuis Nuremberg, dans

laquelle vous vous plaignez de la difficulté de l'oeuvre Chimique à partir

du Vitriol commun, non sans grandes raisons. Cela est dû au fait que

c'est un corps cru et froid. Sachez corriger sa crudité et sa froidure par

la chaleur naturelle et le baume de vie de l'esprit même de vin rectifié,

et les putréfier tous les deux pris ensemble, par une douce chaleur :

extrayez ainsi le véritable Mercure minéral et le Soufre métallique, ce

qui, distillé sept fois et ainsi purifié, constitue la véritable clé de notre

solution ; c'est par elle seulement que sont ouvertes les entrailles du

corps des métaux, qu'ils soient parfaits ou imparfaits, de sorte que par

les ouvertures ainsi pratiquées soit rendue visible la partie cachée de la

nature et soit cachée celle qui était visible. Ce corps métallique caché est

ainsi rendu parfaitement pur par sa propre et unique cuisson, de sorte

qu'il soit amené à la parfaite fixation. C'est là-même le vrai Vinaigre des

Philosophes, grâce auquel on obtient la nature cachée du plomb, mais

aussi des autres métaux, des natures qui sont le soufre et le mercure et

qui, désunies et unies après que nous les ayons purifiées, mènent l'élixir

à achèvement avec une seule cuisson Quant à moi, je dois louer ces

travaux sur l'anatomie des métaux dans laquelle en effet vous verrez

beaucoup de choses, et si vous savez unir le vinaigre de vitriol et le son

sel avec l'esprit de vin rectifié et putréfiez l'ensemble les verrez sortir de

cette putréfaction le mercure et les vrai sels qui, dissous, seront le vrai

vinaigre des philosophes avec lequel vous pourrez explorer les parties

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plus cachées des métaux Adieu. Votre ami fidèle pour chaque chose.

Castelnandarv 24 mai 1643 P.J. Fabre.