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renvoie a celle du subjectif et de l’objectif, mais invite a considerer la materialite de respace comme hybride : entre dispositifs et dispositions. Les textes qui composent les trois parties sont issus de travaux divers (colloques ou enquetes de terrains) si bien que le fil qui conduit de I’un a I’autre n’est pas toujours perceptible. De maniere generale, ils invitent a I’examen de I’es- pace public comme lieu de I’action. La premiere partie explore les modes d’exposition du citadin et ceux de son observation. L’action est analysee comme un drame qui se deroule dans un espace qui, selon les individus et les groupes sociaux, n’est pas represente de la meme maniere. Plus encore, il contribue differem- ment a la definition de I’action. L’auteur y examine egalement la maniere dont les urbanistes definissent un espace public. Quels sont les points de vue a prendre en compte dans son elaboration : celui de la morphologie, des usages, des fonctions.. 7 La deuxieme partie se concentre sur la maniere dont I’autre, forcement &ranger, sinon inconnu, devient accessible dans I’espace public, lieu de sa rencontre, de son accueil. D’ou la vision des lieux publics comme melangeant des gens d’ori- gines multiples et de cultures diverses et I’analyse de ces situations de co-presence paisible comme moment d’urbanite, pour certains de citoyennete. Un dernier chapitre comporte une critique des 50 dernieres an&es de la recherche urbaine. Les problematiques du * droit a la ville p, contemporaines de I’ur- banisation generalisee, cederaient aujour- d’hui la place a la ville en train de se faire, centree sur les ressorts de la metropolisa- tion et de I’urbanite. Et les problematiques de I’alienation du citadin - pour une socio- logie marxiste - a celles des competences de I’usager, etudiees lors de moments quotidiens et non plus uniquement de moments de fete, rituels privilegies par les reflexions d’Henri Lefebvre entre autres. Une derniere partie expose des situa- tions dans des espaces publics specifiques : dans la gare du Nord ou a un guichet de la RATP. Pour une geographe tentant aujourd’hui de reintroduire la dimension naturelle dans I’etude des modes d’habiter urbain, cette approche est interessante. Tout d’abord, elle donne une place a la materialite urbaine dans I’analyse. Decrire une culture citadine implique done de comprendre son role dans les conditions de cohabitation. La ville n’est plus un cadre de vie dans lequel agiraient des habitants, des acteurs, des sujets, mais ressource constituante de I’ac- tion. Etude ne Porte pas sur les modes d’utilisation de la ville par le citadin, ni sur son temps ou ses moyens de transport ou encore sur son lieu de travail ou de domici- liation et les relations entre ces donnees, mais sur des situations - qui peuvent etre tres courtes du point de vue de la duree - qui donnent a voir toute une organisation materielle et sociale de la vie en ville. Et leur etude fait intervenir I’idee qu’habiter en ville est vivre dans un milieu qui fait appel a la sensibilite (a I’oui’e, a la vue, a I’odorat), dimension qui contribue forte- ment aux relations sociales. Les notions de paysage, de milieu, si importantes pour la geographie, en parti- culier pour ceux des chercheurs qui souhai- tent aborder les questions d’environne- ment urbain doivent etre reflechies a partir de cette approche. Lauteur fait done partie de ces rares sociologues qui, meme s’ils font peu inter- venir la question de la materialite de I’es- pace, lui prepare une place theorique qui invite le geographe a reflechir a la perti- nence heuristique de notions comme celle de situation ou meme de disposition, et a renouveler le langage de I’espace compris jusqu’a aujourd’hui comme cadre de I’ac- tion. Nathalie Blanc (LadyssKNRS) Vers un rural postindustriel. Rural et environnement dans huit pays europeens Marcel Jollivet (Sous la direction de) L’Harmattan, toll. * Environnement “, 1998, 372 p., 190 F. P our aborder la question de la ruralite dans I’evolution europeenne contem- poraine, les auteurs, sous la direction de Marcel Jollivet, ont ausculte huit pays : la Belgique, I’Espagne, la France, la Crande- Bretagne, la Crete, les Pays-Bas, le Portugal, I’Allemagne. II est dommage que I’ltalie manque a I’appel. Denominateur commun de I’ouvrage, I’approche historique a le merite de montrer que les tendances environnemen- tales contemporaines qui concernent tous ces pays constituent des formes de ruptures cependant infeodees a un passe proche ou lointain. Le cahier des charges que se sont imposes les auteurs facilite grandement une lecture transversale et evite I’ecueil d’une fastidieuse litanie de monographies. Pour chacun des pays, le rural est appre- hende et analyse successivement dans ses dimensions administratives, morpholo- gique, (sociologique et administrative) et politique. L’entree en scene de la gestion environnementale definit enfin ce que le titre suggere a travers le terme de * rural post-industriel m. Les auteurs exhument ce qui, dans cette gestion environnementale, releve plutot d’une certaine ideologie de la ruralite, ou plutot de la reactualisation de I’idee de nature. Ce changement social est aborde en tant que tel mais aussi sous I’angle du changement du regard scientifique et de I’emergence du mouvement interdiscipli- naire qui I’a accompagne. Une des demonstrations les plus reussies de I’ouvrage Porte sur les fonctions poli- tiques et identitaires de la ruralite pensee tantot versus civilisation paysanne, tantot versus espace naturel. Ces deux manieres de penser le rural ne sont pas indepen- dantes de I’histoire de I’urbanisation et de I’industrialisation des differents pays evoques. Si I’on depasse done la fonction primaire de production de biens alimen- taires de I’agriculture et que I’on s’attache a ses fonctions politiques et symboliques souvent bien decortiquees par les auteurs, on y decouvre des constantes, mais aussi d’interessants regroupements. II y a I’Angleterre qui, la premiere indus- trialisee, a designe sa ruralite comme symbole identitaire, comme paysage remarquable, comme objet de preserva- tion L’Angleterre a, des le xvwe siecle, designe ses proprietaires fanciers agricoles comme jardiniers de la nature. Mais les garants de la Merry Old England ayant succombe ces dernieres decennies aux sirenes de I’intensification sont accuses d’avoir failli a leur mission. La precipitation britannique a jouer des mesures agri-envi- ronnementales de I’union europeenne pour tenter de recomposer leur jardin arca- dien a quelque chose de pathetique. Le changement social, la fragmentation sociale contemporaine n’autorise plus ce qui reposait sur I’ordre social victorien. a De plus en plus de Britanniques cherchent leur ruralite perdue dans d’autres pays euro- peens notamment en France n (Henry Buller et Keith Hoggart, lnternaticmal COUnte- rurbanization, Avebury, 1994, 144 p.). Ce cas de figure se presente comme le contrepoint de ce qui se passe dans les autres nations Pvoquees. L’idee de I’agri- culteur jardinier de la nature a precede et non suivi, comme partout ailleurs, le processus de modernisation. En contrepoint, le clivage rural urbain est inoperant pour apprehender I’histoire grecque. La Grece apparait comme I’arche- type d’une societe rurale : a I’agriculture, le NSS. 1999, vol. 7. no 2, 83-89

Marcel Jollivet,Editors, ,Vers un rural postindustriel. Rural et environnement dans huit pays européens (1998) L'Harmattan, coll. « Environnement 372 p

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renvoie a celle du subjectif et de l’objectif, mais invite a considerer la materialite de respace comme hybride : entre dispositifs et dispositions.

Les textes qui composent les trois parties sont issus de travaux divers (colloques ou enquetes de terrains) si bien que le fil qui conduit de I’un a I’autre n’est pas toujours perceptible. De maniere generale, ils invitent a I’examen de I’es- pace public comme lieu de I’action.

La premiere partie explore les modes d’exposition du citadin et ceux de son observation. L’action est analysee comme un drame qui se deroule dans un espace qui, selon les individus et les groupes sociaux, n’est pas represente de la meme maniere. Plus encore, il contribue differem- ment a la definition de I’action. L’auteur y examine egalement la maniere dont les urbanistes definissent un espace public. Quels sont les points de vue a prendre en compte dans son elaboration : celui de la morphologie, des usages, des fonctions.. 7

La deuxieme partie se concentre sur la maniere dont I’autre, forcement &ranger, sinon inconnu, devient accessible dans I’espace public, lieu de sa rencontre, de son accueil. D’ou la vision des lieux publics comme melangeant des gens d’ori- gines multiples et de cultures diverses et I’analyse de ces situations de co-presence paisible comme moment d’urbanite, pour certains de citoyennete.

Un dernier chapitre comporte une critique des 50 dernieres an&es de la recherche urbaine. Les problematiques du * droit a la ville p, contemporaines de I’ur- banisation generalisee, cederaient aujour- d’hui la place a la ville en train de se faire, centree sur les ressorts de la metropolisa- tion et de I’urbanite. Et les problematiques de I’alienation du citadin - pour une socio- logie marxiste - a celles des competences de I’usager, etudiees lors de moments quotidiens et non plus uniquement de moments de fete, rituels privilegies par les reflexions d’Henri Lefebvre entre autres.

Une derniere partie expose des situa- tions dans des espaces publics specifiques : dans la gare du Nord ou a un guichet de la RATP.

Pour une geographe tentant aujourd’hui de reintroduire la dimension naturelle dans I’etude des modes d’habiter urbain, cette approche est interessante. Tout d’abord, elle donne une place a la materialite urbaine dans I’analyse. Decrire une culture citadine implique done de comprendre son role dans les conditions de cohabitation. La ville n’est plus un cadre de vie dans lequel agiraient des habitants, des acteurs, des

sujets, mais ressource constituante de I’ac- tion. Etude ne Porte pas sur les modes d’utilisation de la ville par le citadin, ni sur son temps ou ses moyens de transport ou encore sur son lieu de travail ou de domici- liation et les relations entre ces donnees, mais sur des situations - qui peuvent etre tres courtes du point de vue de la duree - qui donnent a voir toute une organisation materielle et sociale de la vie en ville. Et leur etude fait intervenir I’idee qu’habiter en ville est vivre dans un milieu qui fait appel a la sensibilite (a I’oui’e, a la vue, a I’odorat), dimension qui contribue forte- ment aux relations sociales.

Les notions de paysage, de milieu, si importantes pour la geographie, en parti- culier pour ceux des chercheurs qui souhai- tent aborder les questions d’environne- ment urbain doivent etre reflechies a partir de cette approche.

Lauteur fait done partie de ces rares sociologues qui, meme s’ils font peu inter- venir la question de la materialite de I’es- pace, lui prepare une place theorique qui invite le geographe a reflechir a la perti- nence heuristique de notions comme celle de situation ou meme de disposition, et a renouveler le langage de I’espace compris jusqu’a aujourd’hui comme cadre de I’ac- tion.

Nathalie Blanc

(LadyssKNRS)

Vers un rural postindustriel. Rural et environnement dans huit pays europeens Marcel Jollivet (Sous la direction de) L’Harmattan, toll. * Environnement “, 1998, 372 p., 190 F.

P our aborder la question de la ruralite dans I’evolution europeenne contem-

poraine, les auteurs, sous la direction de Marcel Jollivet, ont ausculte huit pays : la Belgique, I’Espagne, la France, la Crande- Bretagne, la Crete, les Pays-Bas, le Portugal, I’Allemagne. II est dommage que I’ltalie manque a I’appel.

Denominateur commun de I’ouvrage, I’approche historique a le merite de montrer que les tendances environnemen- tales contemporaines qui concernent tous ces pays constituent des formes de ruptures cependant infeodees a un passe proche ou lointain.

Le cahier des charges que se sont imposes les auteurs facilite grandement une lecture transversale et evite I’ecueil d’une fastidieuse litanie de monographies.

Pour chacun des pays, le rural est appre- hende et analyse successivement dans ses

dimensions administratives, morpholo- gique, (sociologique et administrative) et politique. L’entree en scene de la gestion environnementale definit enfin ce que le titre suggere a travers le terme de * rural post-industriel m. Les auteurs exhument ce qui, dans cette gestion environnementale, releve plutot d’une certaine ideologie de la ruralite, ou plutot de la reactualisation de I’idee de nature.

Ce changement social est aborde en tant que tel mais aussi sous I’angle du changement du regard scientifique et de I’emergence du mouvement interdiscipli- naire qui I’a accompagne.

Une des demonstrations les plus reussies de I’ouvrage Porte sur les fonctions poli- tiques et identitaires de la ruralite pensee tantot versus civilisation paysanne, tantot versus espace naturel. Ces deux manieres de penser le rural ne sont pas indepen- dantes de I’histoire de I’urbanisation et de I’industrialisation des differents pays evoques. Si I’on depasse done la fonction primaire de production de biens alimen- taires de I’agriculture et que I’on s’attache a ses fonctions politiques et symboliques souvent bien decortiquees par les auteurs, on y decouvre des constantes, mais aussi d’interessants regroupements.

II y a I’Angleterre qui, la premiere indus- trialisee, a designe sa ruralite comme symbole identitaire, comme paysage remarquable, comme objet de preserva- tion L’Angleterre a, des le xvwe siecle, designe ses proprietaires fanciers agricoles comme jardiniers de la nature. Mais les garants de la Merry Old England ayant succombe ces dernieres decennies aux sirenes de I’intensification sont accuses d’avoir failli a leur mission. La precipitation britannique a jouer des mesures agri-envi- ronnementales de I’union europeenne pour tenter de recomposer leur jardin arca- dien a quelque chose de pathetique. Le changement social, la fragmentation sociale contemporaine n’autorise plus ce qui reposait sur I’ordre social victorien. a De plus en plus de Britanniques cherchent leur ruralite perdue dans d’autres pays euro- peens notamment en France n (Henry Buller et Keith Hoggart, lnternaticmal COUnte- rurbanization, Avebury, 1994, 144 p.).

Ce cas de figure se presente comme le contrepoint de ce qui se passe dans les autres nations Pvoquees. L’idee de I’agri- culteur jardinier de la nature a precede et non suivi, comme partout ailleurs, le processus de modernisation.

En contrepoint, le clivage rural urbain est inoperant pour apprehender I’histoire grecque. La Grece apparait comme I’arche- type d’une societe rurale : a I’agriculture, le

NSS. 1999, vol. 7. no 2, 83-89

commerce, la manufacture, les arts, les sciences * sont autant du domaine du rural que de I’urbain ; le salariat reste minoritaire dans ce pays de petites entre- prises ; les mythes identitaires ne sont pas forges d’opposition ville-campagne, la cite ideale renvoie a I’ensemble de la societe. La faible modernisation de I’agriculture ne pose pas de problemes majeurs de pollu- tion. La pollution atmospherique urbaine reste le probleme numero un.

Les liens sociaux traditionnels qui perdurent, I’art * millenaire du compromis * semblent permettre a I’agri- culteur, par la simple force de sa culture, de maintenir I’equilibre entre ressources naturelles, societe et patrimoine culture1 (Nikos Beopoulos et Stathis Damianakos).

Le plus septentrional et le plus meri- dional des pays de I’echantillon sont, chacun dans leur genre, exceptionnels. Le premier semble payer les consequences d’une politique paysagere volontariste qui n’a su s’adapter ou prendre en compte le changement social et technologique, le second r&out le probleme d’environne- ment par une Ptonnante capacite de maitrise culturelle du changement.

Pour les autres nations, a des degres divers, le rural a pratiquement toujours Pte mobilise au service dun ordre politique, comme embleme d’identite nationale et bien souvent comme garant de l’ordre social.

Si, en Belgique, nee en 1830 et deja industrialisee, le rural n’a jamais PtP une categoric administrative, il a pourtant ete utilise comme ” contre-modele a la prole- tarisation * en permettant a I’ouvrier de rester au village. Les elites, catholiques notamment, ont joue de cette reference villageoise comme garante de paix sociale. Les envlronnementalistes en 1970 ont reactualise cette meme reference pour des preoccupations de cadre de vie, de patrimoine et de paysage.

Pour la Belgique, comme pour le Portugal, il semblerait que les orientations actuelles de la revendication environne- mentale concernant I’espace rural s’ap- puient toujours sur ces fonds culturels anterieurs. C’est simplement la fonction de ce soubassement culture1 qui est reorientee. En Belgique, le referent villa- geois demeure : d’embleme de paix sociale, il devient embleme environne- mental (Marc Mormont).

On retrouve au Portugal la meme Pvolu- tion fonctionnelle du village ou le regime Salazariste, qui designait les paysans comme les garants de I’ordre moral, orga- nisait en 1938 le contours du ” village le plus portugais du Portugal

Aujourd’hui, le plan de developpement rural propose a I’Union europeenne, e des mesures de soutien aux cinq villages portugais les plus traditionnels n (Maria In& Mansinho et Luisa Schmidt).

S’il est difficile de trouver des pistes interpretatives des mutations espagnoles, par contre le chapitre sur la France est de loin le plus acheve. De ce pays qui s’est longtemps enorgueilli d’etre une grande nation agricole et ou, de ce fait, les recherches ont ete nombreuses, Marcel Jollivet dresse le tableau le plus complet et le plus explicatif.

Les fonctions politiques et symboliques essentielles du monde rural et surtout paysan y sont rigoureusement Pvoquees (qu’il s’agisse par exemple de le convo- quer a la rescousse de la Republique en 1875 ou a la rescousse du fascisme en 1940). Aujourd’hui, si le rural a tendance a devenir une * categoric politiquement denuee de sens a, sa nouvelle emergence environnementale est encore loin de lui ” redonner son importance politique d’antan n.

x Cestion ecologique, paysagere, patri- moniale, tertiaire, touristique ou des ressources naturelles renouvelables a, autant de conceptions nouvelles qui renvoient effectivement a I’idee d’une rupture complete. La paysannerie est evacuee au profit d’une representation urbaine de la Nature. Alors que I’on aurait pu s’attendre a ce que le pays europeen le plus agricole tisse, dans sa recomposition environnementale, des liens forts avec son passe paysan, c’est celui ou I’on peut saris doute observer la rupture la plus brutale.

Deux pays enfin se caracterisent par le fait que le passe et le present se rejoignent plutot dans la reactualisation de I’idee de Nature que dans des references aux societes agraires.

Aux Pays-Bas, tres urbanises, il s’est agi des 1905 de preserver la beaute, la nature, les milieux, les especes sauvages. La production agricole, moderniste, ne susci- tait pas d’attachement particulier. C’est ainsi qu’aujourd’hui, les mesures agri-envi- ronnementales de I’Union europeenne ne sont pas considerees comme devant preserver un patrimoine rural, mais bien plutot un patrimoine ecologique : I’eau, le sol, I’air. De I’amour de la nature aux preoccupations ecologiques, cette muta- tion est revelatrice d’une societe depuis si longtemps urbanisee que la nostalgie de la ruralite n’est plus de mise (Jaap Frouws).

LAllemagne industrielle du xlxe siecle, si fiere de sa modernite, a associe la culture paysanne a I’archai’sme et au passe. Par

contre, des cette epoque, sous I’influence des mouvements naturalistes, se met en place une politique de protection de la nature dans le cadre d’une ideologie a la fois romantique et nationaliste : le culte archai’que et mystique d’une nature souvent symbolisee par la for& servit d’identite a la nation allemande en consti- tution. Reprise par les nazis, cette ideo- logic = comporte des elements que I’on retrouve quelques decennies plus tard dans les idees des mouvements ecolo- giques *. C’est ainsi qu’en Allemagne les preoccupations contemporaines, vis-a-vis de I’espace rural, sont plutot nourries d’ecologie que de nostalgie patrimoniale.

En resume, quels que soient ses fonde- ments historiques, le souci de recomposi- tion environnementale est si largement partage par les nations europeennes qu’il fait figure de projet europeen. On peut meme se demander, en refermant cet ouvrage, si la ruralite et I’idee de nature, apres avoir ete en Europe le ferment des identites nationales, des conservatismes sociaux, des nationalismes, voire des systemes totalitaires, nest pas, dans sa metamorphose environnementale stereo- typee, en passe de devenir un des symboles forts de I’identite europeenne.

Bernard Picon (CNRS)

Effet de serre, modtiles et rCalit&. RCflexions d’un physicien sur I’Cvolution du climat Fritz Gassmann CeorG, toll. r Precis de I’environnement n, 1996, 144 p., 149 F.

C et ouvrage constitue la traduction francaise d’un ouvrage original paru

en langue allemande en 1994 * Was ist /OS mit dem Treibhaus Erde D. Dans un domaine ou les connaissances scientifiques progressent de facon spectaculaire, et ou les sujets d’interets se deplacent rapide- ment en fonction de cette avancee des connaissances, mais aussi sous I’effet des 4 surprises n que nous reserve le systeme de I’environnement terrestre, le delai qui &pare I’edition originale de la parution en langue francaise rev& une certaine importance dans I’appreciation que I’on peut porter sur cet ouvrage. Afin d’es- sayer d’en tenir compte, deux chapitres ont d’ailleurs ete ajoutes qui concernent le deuxieme rapport du Croupe intergou- vernemental d’etude du Climat (GIEC) et la negotiation en tours de la Convention de Rio sur le changement climatique.

Les trois chapitres de la premiere partie de I’ouvrage sont consacres aux bases

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NSS, 1999, vol. 7, no 2, 83-89