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Margot, la reine rebelleLes épreuves et les jours
DU MÊME AUTEUR
Aux éditions Jean-Jacques PauvertLa Femme buissonnière, roman, 1971.
Aux éditions Bernard GrassetLa Dernière Femme de Barbe Bleue, 1976, traduit en allemand.La Marie-Marraine, 1978, Grand Prix des Lectrices de Elle, le Livre de Poche, diverses
collections, traduit en plusieurs langues. Adapté à l’écran sous le titre L’Empreinte desgéants par Robert Enrico.
La Guenon qui pleure, 1980.L’Écureuil dans la roue, roman, 1981, diverses collections. Adapté à l’écran par Alain
Maline sous le titre Ni avec toi ni sans toi, 1984.Le Bouchot, roman, 1982, prix du Livre Inter, le Livre de Poche, diverses collections.Le Tournis, roman, 1984, le Livre de Poche, diverses collections.Jardins-labyrinthes (avec Georges Vignaux), 1985.Capitaine Dragée, roman, 1986, Grasset/Pauvert.La Fille du saulnier, roman, 1992, Grand Prix de l’académie de Saintonge, le Livre de
Poche.La Jupière de Meaux, roman, 1993, traduit en tchèque.L’Arbre à perruque, 1995.
Aux éditions BayardSaint Expédit, le jeune homme de ma vie, 1996.
Aux éditions FlammarionLe Diable blanc (le roman de Calamity Jane), 1987, J’ai Lu, réédition «ÞGrandes Bio-
graphiesÞ», 1998.La Garde du cocon, roman, 1987, J’ai lu.Le Château d’absence, roman, 1989, J’ai lu.Comtesse de Ségur, née Sophie Rostopchine, «ÞGrandes BiographiesÞ», 1990, «ÞBiographies
historiquesÞ», 2000, J’ai lu, diverses collections. Réédition 2007.Cléopâtre, la fatale, récit, 1998, J’ai lu, diverses collections.Moi, Néron, biographie historique, 1999, J’ai lu.Marie-Antoinette, la mal-aimée, biographie, 2001, J’ai lu, diverses collections.Au vent fou de l’Esprit, roman, 2002, J’ai lu, diverses collections.Sissi, les forces du destin, biographie, 2003, J’ai lu, diverses collections.Le Bois des abeilles, roman, 2005, diverses collections. Finaliste prix Jean d’Heurs
(Verdun), et prix des Mouettes (prix du Conseil général de la Charente-Maritime),2006.
Ce que l’océan ne dit pas, Flammarion, 2008.
Aux éditions du RocherSalve Regina, roman, Le Rocher, 1997.Eléonore par-dessus les moulins, Le Rocher, (textes inédits), 1997.Le Perroquet de Tarbes, roman, Le Rocher, 1998.Colette, la vagabonde assise, Grande Biographie, Le Rocher, 2000, Prix de la culture bour-
guignonne, J’ai Lu.Un si grand objet d’amour, roman, Le Rocher, 2001.George Sand, la somnambule, Grande Biographie, Le Rocher, 2002, J’ai Lu, traduit en
tchèque.L’Ange rose, roman, Le Rocher, 2004.Marie Stuart, Grande biographie, Le Rocher, 2007.
Aux éditions du SeuilLa Cinquième Saison, récit, dessins de Marc Daniau, Seuil Jeunesse, 1996, Prix Enfantasia
de la ville de Genève.Charivari, roman, dessins de Blutch, Seuil 1998.Mademoiselle Noémie, roman, dessins de Blutch, Seuil, 2001.Mon vieux Léon, roman, dessins de Blutch, Seuil 2003.
Hortense Dufour
Margot, la reine rebelleLes épreuves et les jours
Flammarion
© Flammarion, 2010ISBNÞ: 978-2-0806-8533-9
À G.V.
À Thierry Billard,François Guillaume,
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ANCÊTRES PATERNELSDE MARGUERITE DE VALOIS
«ÞQui offense ne pardonne jamais.Þ»
Marguerite de Valois
15
PRÉAMBULE
Marguerite de Valois a traversé le siècle turbulent de la Renaissance.Alexandre Dumas, dans son célèbre roman La Reine Margot, publié en1845, lui a donné ce charmant sobriquet. Ses contemporains la nom-maient «Þla reine MargueriteÞ». Ses ennemis, parfois ses frères, sesamants peut-être, disaient «ÞMargotÞ». Manière de la réduire ou de luichuchoter quelques tendres affronts. En ce livre, nous alternerons.
L’appeler «ÞMargotÞ» permet de la démarquer des deux autres«ÞMargueriteÞ» qui séduisirent cette époque. Son siècle, mélange defaste et du sanglant tumulte des guerres de religion, connut, rareexception, dix reines. Certaines ont exercé un vrai pouvoir.
Marguerite de Valois fut la dernière de ces reines.Elle appartient à une double culture. La France et l’Italie. Cette
ardente fille d’un Valois, le roi HenriÞII, et de la Florentine, Catherinede Médicis, est la petite-fille de FrançoisÞIer et du duc d’Urbino.
Marguerite fait partie du beau trio, ces «ÞTrois GrâcesÞ» qui inspi-rèrent sans doute le sculpteur Goujon. Il convient pourtant de ne pasconfondre «Þles trois MargueriteÞ». Certes, elles ont, de tante en nièce,des points communs. La culture, l’intelligence, le charme. Elles furentl’ornement spirituel de la Renaissance, à la façon dont tout artisteexalte son œuvre. Mais les réalités furent souvent autres. L’Histoire etle temps modifient les êtres et les choses. Margot, du luxe à la chute,de la beauté à la disgrâce, est ce «ÞportraitÞ» qui évolue au rythme desmassacres et des splendeurs de son époque. Ne nous leurrons pas surles splendeurs. Les pires tensions surgissent.
Trois femmes, trois Marguerite, ont participé à embellir ces annéesbrillantes et furieuses. Ces années des extrêmes. Les trois Margueriteinspirent les poètes de la Pléiade. «ÞMargueriteÞ», margarita en latin,signifie «ÞperleÞ». Trois grandes princesses, trois «ÞcréatricesÞ», trois
MARGOT, LA REINE REBELLE
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femmes, trois perles, chacune à sa manière. Toutes les trois sont issuesde la Maison régnante de France. On les nomme «ÞMarguerite deFrance et de ValoisÞ», d’où la confusion.
Margot est la cadette. Sa vie s’achève au début du XVIIeÞsiècle.Ronsard groupe en poésie ce glorieux bouquet de femmes, intrépides,éprises de culture, d’entreprises – en général laissées aux hommes. LaRenaissance serait-elle «Þune femmeÞ»Þ? «ÞMargueriteÞ» offre à la France,en ce prénom floral, selon Ronsard, ses plus nobles méritesÞ:
Que dirons-nous encore, France, de tes méritesÞ?C’est toi qui as nourri trois belles Marguerites1.
L’aînée est Marguerite d’Angoulême, sœur de FrançoisÞIer.Elle est la grand-tante de Margot. Veuve du duc d’Alençon, elle
épouse Henri d’Albret, roi de Navarre. Mère de JeanneÞIII d’Albret,protestante, épouse d’un Bourbon. Jeanne accoucha d’Henri de Navarre.Il fut l’unique époux de Margot. Il devint le futur HenriÞIV.
Marguerite d’Angoulême vit en Béarn, pays protestant. Cettecatholique a l’allure austère. Elle s’habille en noir. Elle n’aime pas lestoilettes qui entravent le corps et ruinent la bourse. Joyeuse, subtile,charitable, le malheur du peuple la touche. «ÞCorps féminin, cœurd’homme et tête d’ange.Þ» Ainsi est-elle perçue par la coterie mâle,point tendre aux femmes d’action et qui osent l’indépendance de lapensée… Amie de Clément Marot, protestant, elle est l’auteur deL’Heptaméron que l’on attribue à tort à la reine Margot. Elle laissa desvers, Miroir de l’âme pécheresse, dont la hardiesse religieuse inquiéta laSorbonne et ses théologiens. Catholique, elle comprend les protes-tants. Cette religion «ÞréforméeÞ» la fait réfléchir. Elle en ressent unecertaine connivence. Elle écrivait en litière, lors de ses nombreuxdéplacements. Femme d’action, elle n’hésita pas à rendre visite enEspagne à son frère FrançoisÞIer, prisonnier de Charles Quint. Ondisait son frère au bord de la mort. Un voyage lourd de risques. Elletrouva FrançoisÞIer dans le coma et le veilla. Son «Þabcès au cerveauÞ»creva soudain en saignements et sanies par le nez. Il ouvrit les yeux. Ilétait sauvé. Sa sœur, Marguerite, lui souriait. Elle eut le courage defranchir à nouveau les hostiles barrages espagnols.
La seconde Marguerite est sa nièce, Marguerite de Savoie. Elle estla fille de FrançoisÞIer et de la modeste reine Claude. Elle est la sœurd’HenriÞII. On la nomme «ÞMarguerite de FranceÞ», cette épouse de
1. In Œuvre poétique, Pierre de Ronsard, Librairie Marcel Didier, 1967. Les vers deRonsard à mesure signalés proviennent de cette édition.
PRÉAMBULE
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Philibert de Savoie. Coquette, elle aimait le faste italien. Les jeux del’esprit. «ÞHôtelière des musesÞ», selon Ronsard, le grec et le latinl’enchantaient. On la nomme aussi «ÞMinerveÞ», «ÞPallasÞ», compa-raison flatteuse avec la déesse de la Sagesse. Elle voue une affectionsincère à sa petite belle-sœur, la délaissée, la mal aiméeÞ: Catherine deMédicis. Elle apprécie sa culture et sa vive intelligence. Elles lisentPlaton dans le texte. Elles tentent de composer des nouvelles.Marguerite se consolait mal de son veuvage. Du Bellay lui voua unepassion chaste. Dans ses Regrets perce celui d’avoir soupiré en secretpour Marguerite…
La troisième Marguerite, fille, sœur et épouse de roi, «Þla reineMargotÞ» est sa nièce. La plus éclatante et tumultueuse des «ÞMargueriteÞ».Marguerite de Valois puis de Navarre, après son mariage avec leBéarnais, diffère de ses tantes sur certains points. Elle transgresse legrand interdit fait aux femmesÞ: elle ose avoir des amants. Beaucoupd’amants. On a dit cent, on a dit une citadelle. Âgée, elle séduit tou-jours. Cette ardente aime l’amour dont elle possède la science. Gloireet bannissement sont liés aux imprudences de la reine Margot.
La dernière fille des Valois a un destin d’héroïne de cape et d’épée.Elle est, du moins en sa jeunesse, la plus belle des «ÞMargueriteÞ». «ÞSibelle, écrit Brantôme, que rien n’existe de si beau au monde1.Þ» Sa vieamoureuse est liée à l’impensable liberté des sens. Le corps d’unereine se doit d’être sacré, honoré du seul époux. Coucher ailleurs estencourir le risque de quelque bâtard. C’est, à une reine, non à un roi,un crime. Margot couche au vent fou de ses routes… et de sa fratrie.Elle osa, toute jeune, l’inceste. Elle y puisa plus de plaisir que de trau-matisme. Ses «ÞmœursÞ», sa nature inquiétante lui ont ôté tout res-pect, toute crédibilité. On devine un reproche machiste en ces versque Ronsard, à mesure des frasques de Margot, écrit à son sujetÞ:
«þElle avait la tête près du bonnet et le bonnet volontiers de traversþ».Sa parentèle, les uns, les autres, l’hypocrisie qui la cernait, eussent
préféré qu’elle se contentât de sa beauté et de sa culture. Qu’il y eûtun épais silence sur «Þles jeuxÞ» de ses frères impurs. Stérile, on luiaurait peut-être pardonné ce marasme rédhibitoire pour une reine, sielle avait ployé aux ordres de ses frères, de sa mère et de son époux.Que faire d’une épouse stérile et libre à outranceÞ? Lui trouver uneélégante répudiation en quelque château isolé, mieux encore, la mortsymbolique d’un couventÞ? Le silence. L’oubli. NenniÞ! La rebelle
1. In «ÞMargueriteÞ», Brantôme. Les extraits au sujet de Marguerite écrits parBrantôme sont puisés dans Vie des dames illustres, Éditions Garnier Frères, 1873.
MARGOT, LA REINE REBELLE
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s’expose, agit, complote avec la Ligue, ennemie du roi. Elle coucheavec qui lui plaît, jette ce fameux «ÞbonnetÞ» par-dessus les moulinsdes convenances, entraînant à grand fracas sa fragile couronne. On neréduit pas ainsi celle qui suscita l’éloge du perspicace, et peu influen-çable, président Étienne Pasquier, considéré un grand esprit duXVIeÞsiècle. Il avait compris qui était Marguerite.
«ÞDe vous promettre cette reine non fautive, je serais un sotÞ: carencore que Dieu l’ait créée grande princesse, toutefois elle est compo-sée de même pièce que nous tousÞ; conséquemment, il faut considéreren elle la perfection… et crois qu’entre toutes les grandes dames celle-ci sera la moins imparfaite1.Þ»
Son enthousiasme (en était-il éprisÞ?) va jusqu’à souligner sa si libremanière de vivreÞ: «ÞVivre à la franche Marguerite…Þ» Il est des rareshommes de son temps qui l’eussent volontiers adoptée comme souve-raine régnante. Il eût bousculé pour elle la pesante loi salique, quiinterdit à une femme de régner.
L’opinion de certains historiens lui fut sévère. Michelet voit en elle«Þune catinÞ». Il n’aime pas son menton, «Þbas, fuyantÞ», signé Médicis.Il souligne ses défauts. La ressemblance sous-jacente avec l’ingratvisage de sa mère Catherine, aux yeux bombés, lourds de noirscalculs. En cette Belle, il décèle la déchéance. Point ébloui de saculture, il la fustige. Elle lit L’Astrée, L’Amadis de Gaule, Le Lazarillede TormesÞ? Ce sont là récits espagnols, «ÞpicaresquesÞ», selonMichelet, «Þromans de mendiants et de voleursÞ». Michelet, il est vrai,est rarement partial en son Histoire de France, dès qu’il s’agit d’unefemme qui ose se mêler de pouvoir et d’aimer à son goût. Il abomine,sans nuance, Catherine de Médicis. Il méprise Margot avec violence.Elle a osé coucher pour le plaisir. C’est une «Þfée fataleÞ», terme dontil flétrit Marie Stuart, reine d’Écosse, fugitive et tragique belle-sœurde Margot. Le portrait de Margot s’anéantit dans ce rejet. C’est unefemme, donc une «ÞsorcièreÞ». Sa mission est d’entraîner tout mâle à saperte. L’Histoire, cette affaire d’hommes, s’est souvent arrangée decette humiliante lapidation.
1. In Mémoires de Marguerite de Valois, Mercure de France, 2004, p.Þ16. À mesure desréférences liées aux Mémoires de Marguerite de Valois, nous écrirons Mémoires. Il s’ytrouve, outre l’introduction d’Yves Cazaux, les mémoires et les écrits deMarguerite, ses lettres. La bibliographie établira à nouveau la référence complètede ce texte essentiel qui accompagne au plus près cette biographie de Marguerite deValois. Par souci de clarté, les textes ont été modernisés. Quand, par moments, le texteadopte l’italique, c’est aussi dans le but de souligner l’intensité émotionnelle despersonnages.
N° d’éditionÞ: L.01ELKN000117.N001Dépôt légalÞ: marsÞ2010
Préambule
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