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Le court-métrage semble s’articuler autour d’une structure ternaire : 3 personnages
échangent autour d’une table ou d’un bureau, ce qui fait l’objet de 3 séquences, celles-ci
étant d’ailleurs liées entre elles par 3 trajets qui mettent en scène 2 protagonistes cette fois :
Marlon et son oncle.
Mais la construction n’est pas aussi simple qu’elle n’y paraît : en terme de rythme, chaque
séquence de « face à face » à 3 n’est pas d’égale durée, la dernière, majeure dans l’histoire,
est logiquement plus longue et le court-métrage n’est pas simplement divisé en 3 parties :
un plan placé à mi-parcours du film, exactement à la moitié de la durée du court-métrage,
revêt toute son importance, celui du passage du monde libre au monde fermé, cloisonné,
hermétique de l’espace pénitentiaire.
La caméra placée derrière le grillage, à l’intérieur de la prison, obstruant le champ et
découpant les personnages dans des losanges, nous prépare d’une part, au déroulement
effectif de l’objet de la requête initiale de Marlon mais aussi à l’entrée dans l’univers de la
prison fait d’interdits, de restrictions et de tensions.
Enfin, le dispositif choisi par la réalisatrice ne crée pas un échange unique entre trois
personnages, un personnage occupant toujours une place mineure. De plus, Jessica Palud
place sa caméra et réduit la distance avec ses personnages de façon à nous donner le
sentiment de nous inclure progressivement dans chacun des trios.
Proposition activité élèves
A partir de photogrammes ou d’extraits des 3 séquences de « face à face », les élèves
pourraient avoir à comparer la façon dont chaque personnage est placé autour de la table et
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à identifier les emplacements de la caméra - ceci permettant d’isoler la singularité de chaque
séquence et de comprendre, aussi, comment la mise en scène et le cadrage impliquent
notre participation en tant qu’observateur privilégié, ces séquences ne se réduisant ainsi pas
à une simple organisation en triangle. Et aussi, chercher à définir autour de quel(s)
personnage(s) - si tel est le cas – la mise en scène se concentre plus.
1ère séquence chez la juge : 2ème séquence chez la grand-mère : 3ème séquence au parloir : Outre le fait que l’espace qui sépare les personnages se rétrécit : on passe d’un bureau, à
une table de cuisine et enfin à une tablette carrée - ce qui, par conséquent, réduit la distance
entre eux - plusieurs évolutions sont notables : même si Marlon et son oncle sont toujours
présents dans ces entrevues, c’est principalement la place de l’oncle qui change. A ses côtés
face à la juge, sa position part un peu à l’oblique chez la grand-mère pour laisser Marlon
directement en face de son interlocutrice au parloir. A plusieurs reprises et dans d’autres
séquences, l’oncle voit son rôle d’accompagnant - même s’il est toujours protecteur et
bienveillant envers Marlon - être mis plus en retrait (il est flou à l’arrière plan, quitte le
champ, suit ou n’intervient plus qu’en voix hors champ). La caméra n’est jamais dans ou près
de son point de vue.
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Le dispositif nous invite progressivement à nous asseoir à cette table. On entrevoit mieux
notre place dans la cuisine et elle nous est encore plus clairement dédiée au parloir par
l’emplacement de la caméra et la succession des plans entre la mère et sa fille. Nous restons,
cependant, de simples observateurs, notre présence est ignorée (pas de regard caméra)
mais nous nous immisçons chaque fois plus près dans leur intimité familiale.
En effet, un autre élément révèle la progression entre chacune de ces séquences : le cadrage
des plans. Du bureau du juge au parloir, les plans se resserrent sur les visages, plus près des
corps, les gros plans s’enchaînent plus fréquemment au parloir. Nous passons de l’entrevue
administrative pour pénétrer peu à peu dans l’intimité familiale afin d’appréhender ce lien
mère-fille particulier, peut-être idéalisé par Marlon.
Analyse de la 1ère séquence - Le film s’ouvre sur Marlon, centrée dans le cadre.
Ce 1er plan nous laisse découvrir, classiquement, le personnage principal qui occupe donc le
centre du plan. Marlon est une jeune adolescente qui baisse le regard (elle relève les yeux
seulement pour répondre aux questions qui lui sont posées ou lorsque son attention est
captée par des éléments extérieurs, mais elle maintient rarement son regard longuement),
qui esquisse exceptionnellement un sourire et qui, physiquement, n’affiche pas
ostensiblement sa féminité. Une voix féminine hors-champ vient l’interpeler et son regard
nous indique que son interlocutrice lui fait face. Les yeux se lèvent puis se baissent aussitôt,
les réponses de Marlon sont concises. Mais pas d’affrontement dans ce qui semble être a
priori un dialogue à deux : la voix est empreinte d’empathie, d’ailleurs, tous les personnages
qui entourent Marlon sont bienveillants envers elle et soucieux de son bien-être. Un léger
mouvement de caméra nous rapproche un peu plus d’elle alors que les questions se
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succèdent posément sur sa vie familiale et son environnement scolaire. On décèle ainsi alors
un changement majeur dans sa jeune vie : elle habite chez sa grand-mère, a changé
d’établissement scolaire. Marlon ne laisse entrevoir ni enthousiasme ni révolte, elle semble
plutôt subir la situation. Elle paraît émotionnellement fermée.
Toujours pas d’identification de l’interlocutrice, mais c’est un visage masculin qui apparait,
légèrement flou à l’arrière plan, dans un cadrage de profil peu attendu dans un dialogue. Les
dossiers du premier plan et l’interrogatoire, même s’il n’est en aucun cas hostile, nous
mettent sur la voie du contexte judiciaire, ce qui nous sera confirmé peu après. Mais ce
changement de point de vue nous déconcerte à nouveau dans notre quête d’éléments de
compréhension. Nous quittons celui de l’interlocutrice mais pour adopter quel point de
vue ? Nous sommes convoqués une première fois comme observateurs et cette place nous
sera à nouveau dédiée à de multiples reprises, pour entrer davantage dans l’intimité de
cette famille. Le bureau ne nous sépare plus de Marlon, cela nous permettant de nous
rapprocher un peu plus d’elle. Cet homme pourrait être un éducateur qui, ici, se substitue à
Marlon dans cet échange, en intervenant pour la valoriser après que Marlon l’a interpellé du
regard pour prendre le relais.
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Par ce plan, qui n’est, lui non plus, dans le regard d’aucun des deux autres personnages,
nous identifions enfin le visage de la juge (et devinons la présence de la greffière coupée par
le cadre). Elle s’adresse désormais au personnage masculin (mais pas de champ - contre-
champ entre eux deux, ce n’est donc pas l’échange principal) pour nous amener sur la piste
familiale. Nous comprenons alors qu’ils sont unis par un lien familial, oncle et nièce.
Dès lors, nous nous rapprochons encore davantage de Marlon. La mise au point se fait sur
elle alors que son oncle, qui répond alors à la juge, ne bénéficie pas de netteté à l’image
dans un premier temps.
La gêne de Marlon est soulignée par un plan en légère plongée sur ses mains, qu’elle cache
dans son sweat. Plus tard, un autre plan lui fera écho.
Puis vient l’enjeu réel de ce rendez-vous, à nouveau dans un faux champ - contre-champ :
brièvement face au juge, avec Marlon en amorce, le cadrage suivant reprend sa position
latérale. Ce sont les raccords regard qui nous indiquent la place de chaque personnage dans
l’espace. Dans cet échange, nous accusons un retard par rapport aux personnages. Ils
connaissent la situation alors que nous la découvrons par des bribes d’informations : la
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condamnation de la mère de Marlon suite à des actes d’une extrême gravité, l’âge de
Marlon et implicitement, la demande de Marlon pour rendre visite à sa mère incarcérée.
La séquence se clôt sur Marlon regardant fixement la juge, de ¾, en un gros plan qui
s’attarde au moins 5 secondes alors qu’elle affirme : « Je suis prête ». Cette déclaration
lourde de sens, sa détermination qui déclenche immédiatement une mise en mouvement,
trouvent aussi un écho dans la séquence au parloir.
Proposition activité élèves
En comparant cette 1ère séquence à une des versions du scénario disponible sur le site du
festival du court métrage de Clermont-Ferrand : http://my.clermont-
filmfest.com/index.php?m=118&c=98&id_ress=3290&o=178, les élèves peuvent recenser
ce qui a été conservé et au contraire écarté (en déterminant pourquoi) et ainsi rechercher
en quoi, telle qu’elle est présentée, cette 1ère séquence donne le ton du film : une volonté
d’épure et d’éviter tout dialogue ou geste superficiel, la proximité physique avec les
personnages et plus particulièrement avec Marlon, des décors très peu visibles mais ternes,
une recherche de réalisme qui ne sombre jamais dans le jugement des personnages, une
forme de violence latente dont nous ne connaîtrons jamais tous les éléments d’explication.
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Jessica Palud a débuté sa carrière d’assistante réalisatrice dès 2003 aux côtés de B.
Bertolucci sur Innocents, the Dreamers puis a travaillé avec Sofia Coppola sur Marie-
Antoinette et à plusieurs reprises avec Philippe Lioret sur Welcome ou encore Toutes nos
envies notamment.
Sa 1ère réalisation est un long métrage Les Yeux fermés, elle est ensuite passée au format
court avec Poupée en 2016 puis Marlon en 2017, qui a déjà été récompensé par de
nombreux prix. C’est son histoire personnelle qui a motivé son choix pour ce sujet : sa mère
a connu l’incarcération de son père pendant toute son enfance et son adolescence. Ce qui
intéresse Jessica Palud est davantage la façon dont vivent ceux font partie de la famille
proche du détenu que les conditions d’emprisonnement. Le choix de transposer son histoire
entre une mère incarcérée et le désir de sa fille adolescente de maintenir le lien avec elle lui
permet d’aborder la question de la construction personnelle alors que le modèle maternel
est lourdement mis à mal par la violence des actes commis par la mère. Jessica Palud
convoque notamment le cinéma britannique d’Andrea Arnold (Fish Tank pour la lumière et
la relation mère-fille) ou de Ken Loach (It’s a free world qu’elle utilise comme référence pour
le personnage de la mère)
Les séquences transitoires qui relient les étapes du chemin parcouru par Marlon pour
retrouver sa mère s’intéressent, plus particulièrement, aux interrogations de Marlon sur son
rapport à la féminité, à la sexualité, à son devenir de femme qu’elle a à construire en
l’absence de figure maternelle.
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Le trouble est perceptible (toujours dans le regard) lorsqu’elle observe ce garçon jouant au
foot, un peu plus âgé qu’elle, et qui est également capté par l’attention qu’elle lui porte. Il en
va de même dans le train qui l’amène vers le centre pénitentiaire, avec la jeune fille qui lui
fait face. Dans ces deux situations, elle baisse finalement le regard, n’étant peut-être pas
encore prête pour assumer ce qui l’attend.
Hébergée chez sa grand-mère, elle aide aux tâches ménagères et se projette aussi en femme
séduisante face à son miroir, maquillée, revêtant et ajustant un des soutiens-gorge ayant
appartenu à sa mère. Les photos de sa page Facebook la présentent plutôt comme une
femme libre et heureuse qui expose sans retenue sa vie privée. Cela semble exprimer un
besoin pour Marlon de reconstruire ce lien, en se rattachant à l’image et à l’intimité de sa
mère, qu’elle condamne finalement en refermant brutalement son ordinateur portable, face
à la violence et aux insultes qu’elle a générées.
Aussi, la question de la transmission est explicite lors de la discussion avec sa grand-mère qui
renonce par deux fois à accompagner son fils et sa petite fille pour rendre visite à sa propre
fille. Son argument est sans appel : « […] je n’ai pas fait des enfants pour aller les voir en
prison […] je ne les ai pas élevé comme ça »
Pas de modèle paternel par ailleurs, on ne sait rien d’un père qu’elle aurait pu connaître ou
pas. La seule présence masculine à ses côtés est celle de son oncle. Un oncle protecteur et
attentif, proche des jeunes et de leur préoccupation (il s’amuse à essayer un BMX qu’il
emprunte à un petit du quartier). Blagueur envers sa mère, il se laisse aller à des jeux
enfantins, régressant même au stade du petit garçon qui réclame de l’affection à sa maman.
Il n’y a pas vraiment d’homme adulte dans la maison. Mais il ne quitte jamais Marlon, il est
toujours là pour la soutenir et l’accompagner dans sa démarche qu’il ne remet jamais en
cause.
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Les choix retenus par Jessica Palud pour filmer l’espace carcéral et la rencontre au parloir
sont faits de contraintes mais aussi d’une volonté de préserver la spécificité de cette relation
mère-fille. Le tournage a été réalisé, en décor réel, dans une prison pour hommes, la maison
d’arrêt de Reims, en dehors des heures habituelles de visite au parloir. Au-delà des
autorisations et divers contrôles portant sur toute l’équipe de tournage, les scènes tournées
en extérieur au sein de la prison ont nécessité un travail sur le son en post-production (afin
de supprimer les cris des détenus masculins qui s’adressaient depuis leur cellule à l’équipe
de tournage visible dans la cour de la prison) mais en conservant les éléments sonores
propres à l’univers carcéral : bruit des serrures, des lourdes portes qui se referment, des
avertisseurs sonores qui rythment les activités quotidiennes des détenues, des échanges
entre les détenues dès qu’elles quittent leur cellule, des déplacements…
C’est lors du tournage de cette séquence que Flavie Delangle (Marlon), repérée lors d’un
casting sauvage à Reims, rencontre pour la 1ère fois l’actrice professionnelle Anne Suarez qui
incarne sa mère. La réalisatrice a ainsi voulu préserver l’innocence et la spontanéité de ces
retrouvailles tant attendues par Marlon.
Mais comment filmer cette séquence du parloir ?
Habituellement, ce sont seulement deux personnages qui se font face - par le passé, de part
et d’autre d’une surface vitrée à l’aide d’un hygiaphone qui permettait la communication et
que l’on pouvait voir dans les films des années 70 ou 80 ou dans certaines séries ou films
américains - aujourd’hui, de part et d’autre d’une table, pour respecter l’organisation
actuelle de ces salles dédiées aux visites dans les prisons françaises (le parloir à vitre existant
toujours mais n’étant utilisé qu’en cas de sanction disciplinaire).
Extrait Qu’un seul tienne, les autres suivront de Léa Fehner (2009)
Dans chaque box, c’est l’attente des visiteurs qui est d’abord mise en avant, puis chaque
détenu vient s’installer face à celui ou celle qui est venu(e) pour lui. Nous suivons 3 échanges
successivement. Le montage s’organise avec des champs - contre-champs classiques, avec
ou sans amorce mais toujours avec un raccord regard qui nous permet d’identifier la place
des personnages.
Proposition activité élèves
Un autre court-métrage, visible dans son intégralité sur le site de la cinémathèque de
Grenoble , Aux battements du parloir,
https://www.cinemathequedegrenoble.fr/video/aux-battements-du-parloir-integral/ est, lui,
axé exclusivement sur l’espace du parloir. Dans le cadre d’un exercice comparatif proposé
aux élèves, il peut être utilisé en contre-point à la séquence du parloir de Marlon, tant sur le
plan formel que sur le contenu. Ce court-métrage met également en scène trois
personnages : un détenu, sa femme et leur jeune fils. Sa structure est différente dans la
mesure où elle porte sur un temps long (L’action de Marlon est censée se jouer sur 24h)
mais ce n’est pas la seule différence dans le traitement du sujet : hormis l’objet de
l’incarcération qui reste inconnu dans les deux cas, les dialogues sont ici beaucoup plus
fournis et nous révèlent beaucoup d’éléments, certains traits (le jeu du cowboy contre
l’indien du 1er plan) sont grossièrement appuyés : la symbolique est bien présente !, la
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pudeur émotionnelle n’est pas vraiment de mise ici, le scénario est un peu attendu et même
si l’espace est plus réduit, la caméra et le cadrage nous tiennent davantage à distance… Tous
ces éléments ayant pour effet de nous détacher globalement de cette histoire familiale à
laquelle nous sommes finalement beaucoup moins sensibles.
Analyse de la séquence du parloir
Jessica Palud opte pour une mise en scène et des choix scénaristiques plus épurés, qui n’en
sont pas moins dénués de sens et d’effet.
Dès les 1ers plans, par le surcadrage, l’enfermement est évident. La séparation entre la mère
et la fille, malgré l’étreinte liée aux retrouvailles ne pourra pas être remise en question.
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Par un raccord regard, chacun détermine sa place et les regards se focalisent entre la mère
et la fille – le frère ou oncle n’étant pas l’objet de l’attention ni de l’une ni de l’autre, ni de la
caméra, d’ailleurs, qui va l’oublier pendant plusieurs plans. Seule sa voix hors champ nous
signale encore sa présence. La caméra reste placée face à lui et elle pivote, sans que nous
voyions ses mouvements, tour à tour, vers Hélène ou vers Marlon.
Marlon n’intervient qu’en réponse à des questions ou à des propos émis par sa mère, de
façon tout aussi concise qu’avec la juge et avec la même confusion.
La proximité qui nous est allouée avec les personnages par le cadrage en gros plans, nous
incite donc à scruter les moindres détails des expressions de Marlon ou de sa mère : des
regards qui, progressivement, sont plus soutenus, quelques sourires…
Le montage est assez répétitif : alternance de gros plans sur Marlon et sa mère, l’angle de
prise de vue pouvant varier légèrement, les plans ne sont pas vraiment fixes, la caméra est
légèrement mobile.
Chacune s’observe… Le temps a passé, Marlon a coupé ses cheveux, ce qui remobilise deux
thématiques : celle de la question identitaire (« Tu as toujours voulu être un petit gars,
toi ! », le prénom masculin Marlon qui lui a été donné par sa mère à la naissance… Cette
dernière comme son oncle ne peuvent remarquer les changements qui s’opèrent chez
Marlon, la séduction qui commence à l’interroger) et celle de la transmission héréditaire et
de la filiation (cheveux coupés par la grand-mère dans le salon « à l’ancienne »)
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La parole circule entre les trois, les plans alternent principalement entre la mère et la fille
mais l’oncle réapparaît aussi dans quelques plans. Ces échanges portent sur les liens
familiaux : la relation oncle-nièce mais aussi frère-sœur quand il est question de leur mère.
Alors que Marlon a obtenu ce qu’elle désirait tant, ce qui avait motivé son recours auprès de
la juge, elle détourne son regard de sa mère, intriguée par ce qui se joue, hors du triangle
familial donc hors champ : un baiser momentanément autorisé entre un couple que la prison
(la cloison ici) sépare au quotidien. Son regard extérieur la trahit et sa mère la rappelle à
l’ordre une 1ère fois pour regagner son attention. Alors qu’elle l’éloigne de l’intimité de ce
couple, elle va ensuite s’engager sur l’intimité de sa fille… l’effet de cette intrusion est
immédiat et sans surprise : gênée, elle baisse le regard comme elle en a l’habitude, elle ne
répond que très brièvement ou par le geste en ne recourant même plus à la parole. Un plan
de coupe vient faire écho à la séquence chez la juge :
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Marlon bouscule alors la situation en prenant les choses en main, en regardant fixement sa
mère, en lui manifestant son désir de la voir régulièrement : elle s’exprime clairement avec
détermination. Les réserves qu’elle reçoit comme réponse réunissent pour la 1ère fois les 3
personnages dans le plan. Alors que sa mère la projette dans un futur qu’elle aura à se
construire sans elle, Marlon revient sur le passé, sûrement pour mieux tenter de le
comprendre. C’est elle, désormais, qui pose les questions, sur Mathéo (l’auteur des insultes
sur Facebook et vraisemblablement l’ancien compagnon de sa mère… mais peu importe ici,
même si le crime passionnel est évoqué implicitement, c’est le lien mère-fille qui est l’objet
principal de notre attention). Elle n’obtient bien sûr pas de réponse à sa question. Sa mère
se doit de la préparer à une dure réalité. Ses espoirs s’éloignent, le lien du regard se rompt
une nouvelle fois suite à l’intervention de son oncle sur des questions judiciaires.
Ce nouvel écart hors du triangle familial vers le couple qui s’étreint de façon encore moins
pudique que précédemment, durcit le regard d’Hélène qu’elle lance à sa fille. L’espace
familial va se briser définitivement.
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La violence verbale et physique qui en découle enferme Marlon seule, la tête dans les
épaules et isolée dans un nouveau cadre, celui du box qui la sépare maintenant de son oncle
et de sa mère. Tous ses espoirs sont déçus, la situation lui échappe, le lien familial est
fortement mis à mal.
Le surcadrage fait ressurgir sur Hélène sa condition de détenue, privée de liberté et donc de
droits maternels. Elle ne peut que prendre conscience qu’elle n’est pas un modèle pour sa
fille, elle cesse de la regarder, baisse elle aussi à son tour le regard et renonce. Ses seules
paroles seront adressées à la surveillante et à son frère à qui elle ordonne de ne plus
ramener Marlon.
Elle commence à quitter le champ sans que l’on suive son retour en cellule, avant d’être
interrompue par Marlon.
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« Je ne suis pas prête » : cet aveu fait, lui aussi, écho, à la séquence chez la juge, à la réponse
alors positive qu’elle avait donnée plus tôt à la juge, lui permettant ainsi d’obtenir son sauf-
conduit.
Malgré un geste maternel très pudique de consolation, la situation ne se renversera pas :
hors champ, les pas s’éloignent, la porte claque et se referme définitivement face à elle.
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La séquence au parloir occupe une place majeure dans le court-métrage mais les 3
séquences de trajet rendent, elles aussi, clairement compte du parcours effectué par
Marlon, au cours de cette longue journée, au sens propre comme au sens figuré.
Toujours accompagnée de son oncle, et ce à chaque déplacement, Marlon marche
légèrement en retrait lors de ce 1er trajet, sur le chemin qui les conduit du bureau du juge au
domicile familial de la grand-mère. Le parcours se fait en silence. Marlon est prête, elle vient
de l’affirmer à la juge mais elle ne peut le faire seule.
2ème déplacement : suite à une 1ère phase du trajet effectuée en train - ce qui marque
concrètement la distance entre le lieu de vie de la famille et le centre pénitentiaire dans
lequel est incarcérée la mère de Marlon - l’écart se creuse davantage entre Marlon qui
marche tête baissée et toujours en silence, et son oncle jusqu’à ce qu’il constate son mal-
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être et l’ampleur de ses doutes, quand elle renonce à aller plus loin. Il parvient à la
convaincre à poursuivre.
Enfin, dans un ultime trajet et un plan séquence qui suit les 2 personnages depuis qu’ils ont
franchi l’imposante porte de la prison pour femmes, Marlon retrouve le monde libre et elle
précédera désormais son oncle sur le chemin du retour. Silencieux, il garde toujours un œil
sur elle, duquel elle semble s’affranchir, restant enfin seule dans le cadre - la caméra
abandonnant progressivement son oncle au hors champ - et relevant alors longuement le
regard devant elle pour ne plus jamais le baisser.
Marlon, contrainte par la décision brutale de sa mère de lui imposer de ne plus la revoir, est
finalement libérée. Certes violente, cette perte cache, en fait, un geste d’amour maternel et
un lourd sacrifice. Elle lui fait brusquement quitter l’enfance pour lui permettre de prendre,
seule désormais, le contrôle de sa vie d’adulte qui ne fait que commencer.
Céline ROCHON