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De ce récit fabuleux, mensonger, donc et merveilleux, Freud nous apprend que tout homme le forge consciemment dans son enfance, mais qu’il l’oublie, ou plutôt le « refoule », sitôt que les exigences de son évolution ne lui permettent plus d’y adhérer. P.43 Le roman imite un phantasme d’emblée romancé , une ébauche de récit qui n’est pas seulement le réservoir inépuisable de ses futurs histoires, mais l’unique convention dont il accepte la contrainte. P.63. Il était une fois est comme le pensait Hoffman le plus beau de tous ses débuts, ou plus exactement c’est le seul début possible, celui-là même que le roman laisse toujours sous-entendu lorsqu’il croit mettre le plus d’art à le réinventer. P.82. La fin du conte est littéralement sa finalité : il n’a rien d’autre à dire que ce triomphe différé à plaisir, qui est le sens et le but de sa démonstration. Traditionnellement, en effet, l’individu appelé en quelque façon à de grandes choses est nécessairement quelqu’un qui n’aurait pas dû naître et qui, venu au monde en dépit de tous les obstacles, ne survit qu’au prix d’une lutte de chaque instant contre un pouvoir malfaisant (celui du père le plus souvent, parfois d’un tyran étranger servant de doublet à la puissance paternelle). L’être privilégié ou élu en vue de tâches surhumaines ne peut qu’être un malvenu. Non que le héros soit exalté uniquement à cause de l’endurance dont il fait preuve dans les malheurs de ses débuts, il l’est

Marthe Robert Roman Des Origines Et Origines Du Roman

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De ce rcit fabuleux, mensonger, donc et merveilleux, Freud nous apprend que tout homme le forge consciemment dans son enfance, mais quil loublie, ou plutt le refoule, sitt que les exigences de son volution ne lui permettent plus dy adhrer. P.43Le roman imite un phantasme demble romanc, une bauche de rcit qui nest pas seulement le rservoir inpuisable de ses futurs histoires, mais lunique convention dont il accepte la contrainte. P.63.Il tait une fois est comme le pensait Hoffman le plus beau de tous ses dbuts, ou plus exactement cest le seul dbut possible, celui-l mme que le roman laisse toujours sous-entendu lorsquil croit mettre le plus dart le rinventer. P.82.La fin du conte est littralement sa finalit: il na rien dautre dire que ce triomphe diffr plaisir, qui est le sens et le but de sa dmonstration.Traditionnellement, en effet, lindividu appel en quelque faon de grandes choses est ncessairement quelquun qui naurait pas d natre et qui, venu au monde en dpit de tous les obstacles, ne survit quau prix dune lutte de chaque instant contre un pouvoir malfaisant (celui du pre le plus souvent, parfois dun tyran tranger servant de doublet la puissance paternelle). Ltre privilgi ou lu en vue de tches surhumaines ne peut qutre un malvenu. Non que le hros soit exalt uniquement cause de lendurance dont il fait preuve dans les malheurs de ses dbuts, il lest surtout parce que, chass de chez lui et forc par l de rompre les liens du sang, il saffranchit ainsi des contraintes charnelles et spirituelles qui constituent pour lhomme du commun lessentiel de la fatalit. Dpayser pour divertir, mais aussi pour voquer ce quil y a docculte et dinterdit dans les choses les plus familires, tout lart du conte est l, dans ce dplacement de lillusion qui consiste afficher le faux pour obliger dcouvrir le vrai. Le roman raliste certes ajuste la fiction ce quon admet communment comme une image plausible du rel, mais il fait souvent parade de ses invraisemblances, attisant notre curiosit, notre sens critique, et rendant ainsi possible une rvision de ce que nous entendons dune part par le rel et ce que nous acceptons de lautre comme notre inluctable condition.Renferm dans sa bouderie, lEnfant trouv se meut dans son univers rare, o lintensit du dsir lemporte de beaucoup sur la diversit et le nombre des choses dsires. Le Btard au contraire ne se plie aucun schma; sorti de lui-mme pour sapproprier le plus grand nombre possible dobjets tent par toutes les formes empruntes la vie dont lcriture peut semparer, il produit librement des uvres extensives, abondantes, contrastes. Homme du temps et de la quantit, sans cesse forc dinventer de nouveaux procds pour contenter ses normes apptits, le Btard se soucie moins de crer des modles imprissables que de sincorporer le maximum dides actuelles afin daccrotre lillusion de sa ressemblance avec le rel.