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Masques trompeurs et diagnostics différentiels du trouble bipolaire

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182 L’Encéphale, 2004 ; XXX : 182-93

MISE AU POINT

Masques trompeurs et diagnostics différentiels du trouble bipolaire

P. GORWOOD (1)

(1) Hôpital Louis Mourier (AP-HP, Paris VII), Service de Psychiatrie, 178, rue des Renouillers, 92700 Colombes.

Travail reçu le 30 janvier 2003 et accepté le 2 juillet 2003.Tirés à part : P. Gorwood (à l’adresse ci-dessus).

Résumé. De plus en plus d’arguments plaident en faveurd’une identification précoce du trouble bipolaire, qui sembleconstituer un enjeu thérapeutique majeur. Le diagnostic pré-coce, sous réserve qu’il se traduise par la mise en route rapided’un traitement adapté (et ce n’est pas toujours le cas), éviteraen effet des errances thérapeutiques (neuroleptiques au longcours, antidépresseurs devant tout symptôme dépressif, abs-tention thérapeutique) dont on connaît la nocivité (virages,accélération des cycles, souffrance non soulagée, stigmatesdes effets indésirables…). La prise en charge précoce per-mettra également de réduire la durée et la sévérité des épi-sodes, ainsi que leur retentissement délétère sur la vie dusujet, et de diminuer le risque suicidaire, qui semble majoréchez le sujet non ou mal pris en charge (notamment sans thy-morégulateur). Enfin, la compliance thérapeutique, paramè-tre essentiel dans l’efficacité du traitement au long cours,pourrait être améliorée si le sujet était correctement pris encharge au début de sa maladie, avant que ne surviennent leseffets délétères des phases thymiques sur sa vie et sonentourage. Cette revue de la littérature propose de rappelerles différents pièges diagnostiques (troubles de l’humeur nonbipolaires, schizophrénie, bouffée délirante aiguë, personna-lité borderline, pathologie organique, dépendance, psychosepuerpérale, hyperactivité-déficit de l’attention et troublesanxieux) dont les limites avec le trouble bipolaire sont parfoisdifficiles à tracer.

Mots clés : Comorbidité ; Manie ; Spectre bipolaire.

Confusing clinical presentations and differential diagnosis of bipolar disorder

Summary. An early recognition of bipolar disorders mayhave an important impact on the prognosis of this disorderaccording to different mechanisms. Bipolar disorder is never-theless not easy to detect, the diagnosis being correctly pro-posed after, in average more than a couple of years and three

different doctors assessments. A short delay before introdu-cing the relevant treatment shoulp help avoiding inappropriatetreatments (prescribing, for example, neuroleptics for longperiods, antidepressive drugs each time depressive symp-toms occurs, absence of treatment despite mood disorders),with their associated negative impact such as mood-switch-ing, rapid cycling or presence of chronic side-effects stig-mates. Furthermore, non-treated mood disorders in bipolardisorder are longer, more stigmatizing and may be associatedwith an increased risk of suicidal behaviour and mortality.Lastly, compliance, an important factor regarding the longterm prognosis of bipolar disorder, should be improved whenthere is a short delay between correct diagnosis and treat-ment and onset of the disorder. We therefore propose toreview the literature for the different pitfalls involved in thediagnosis of bipolar disorder. (1) Non-bipolar mood-disordersare frequently quoted as one of the alternative diagnosis.Hyperthymic temperament, side-effects of prescribed treat-ments and organic comorbid disorders may be involved.Bipolar disorders have a sex-ratio closer to 1 (men are thusmore frequently of the bipolar type in mood-disorders), withearlier age at onset, and more frequent family history of sui-cidal attempts and bipolar disorder. (2) Schizo-affective dis-orders are also a major concern regarding the diagnosis ofbipolar disorder. This is explained by flat affects sometimesclose to anhedonia, presence of a schizoïd personality inbipolar disorder, persecutive hostily that can be consideredto be related to irritability rather than a schizophrenic symp-tom. Rapid cycling, mixed episodes and short euthymia peri-ods may also increase the risk to shift from bipolar to schizo-phrenia diagnosis. (3) Schizophreniform disorder (« boufféedélirante » aiguë in France) is a frequent form of bipolar dis-order onset when major dissociative features are not obvious.The borderline personality is also a problem for the diagnosisof bipolar disorder, some authors proposing that bipolar dis-order is a mood-related personality disorder, sometimesimproved by mood-stabilizers. Phasic instead of reactional,

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weeks and not days-length, clearcut onset and recovery ver-sus non-easy to delimit mood-episodes may help to adjustthe diagnosis. (4) Organic disorders may lead to diagnosticconfusion, but it is generally proposed that bipolar disordershould be treated the same way, whether or not an organiccondition is detected (with special focus on treatment toler-ance). (5) Addictive disorders are frequent comorbid condi-tions in bipolar disorders. Psychostimulants (such as amphet-amins or cocaine) intoxications sometimes mimic manicepisodes. As these drugs are preferentially chosen by sub-jects with bipolar disorder, the later diagnosis should be sys-tematically assessed. (6) Puerperal psychosis is a frequenttype of onset in female bipolar disorder. The systematic pre-scription of mood-stabilizers for and after such episode, whenmood elation is a major symptom, is generally proposed.(7) Attention deficit-hyperactivity disorder also has unclearborder with bipolar disorder, as a quarter of child hyperactivitymay be latterly associated with bipolar disorder. The assess-ment of mood cycling and their follow-up in adulthood maythus be particularly important. (8) Lastly, presence of someanxious disorders may delay the diagnosis of comorbid bipo-lar disorder.

Key words : Bipolar spectrum ; Comorbidity ; Mania.

INTRODUCTION

Si le diagnostic de maladie maniaco-dépressive (60),ou trouble bipolaire, peut être évident pour certainspatients, tel n’est pas toujours le cas. Les difficultés du dia-gnostic ont été objectivées dans l’étude de Lish et al. (88)qui a montré, sur une large population de patients bipo-laires, qu’un sujet bipolaire sur deux a consulté au moins3 professionnels de santé avant de recevoir un diagnosticapproprié. De plus, le diagnostic n’avait été posé qu’après10 ans d’évolution chez un tiers des patients. Cettelatence avant le diagnostic n’est pas anecdotique,puisqu’un délai moyen de 10 ans a aussi été retrouvé dansune étude clinique multicentrique américaine (112).

Parmi les patients bipolaires de cette population dont levrai diagnostic n’a pas été repéré, le trouble unipolaire avaitété le plus fréquemment proposé (44 %), avant le diagnos-tic de schizophrénie (34 %). Sur une population françaisede 250 patients pris en charge pour un épisode dépressifmajeur, le diagnostic de trouble bipolaire de type II estestimé au départ à 22 % selon l’avis des cliniciens, il passeà 40 % après évaluation systématique (66). Les erreursdiagnostiques sont également fréquentes chez les patientshospitalisés, puisqu’elles se situent autour de 40 % (56).Enfin, même en se limitant aux patients venant consulterpour une première phase hypomaniaque ou maniaque, letrouble unipolaire reste une erreur diagnostique qui ne serarepérée que dans environ 40 % des cas (55).

Le pronostic au long cours du trouble bipolaire diagnos-tiqué, notamment de type I, est relativement médiocre sil’on en croit les résultats des quelques grandes études decohorte. Ainsi, selon la cohorte de Zurich, qui se base surun suivi de plus de 50 ans (15), le taux de « guérison »

(avec ou sans traitement) du trouble bipolaire atteint seu-lement 15 %. Le retentissement psychosocial majeur dela maladie maniaco-dépressive sur la vie des sujets, etnotamment sur leur qualité de vie, est d’ailleurs chose con-nue (61).

La complication la plus redoutée est le suicide. Le trou-ble bipolaire est effectivement une pathologie qui met enjeu le pronostic vital, avec un taux de mortalité par suicideatteignant 10 % à 15 % (15). Une large méta-analyse por-tant sur 3 700 sujets bipolaires, recrutés à partir de 7 paysdifférents, montre un risque suicidaire multiplié par 15 parrapport à la population contrôle sans trouble bipolaire (68).D’autre part, on estime généralement que 25 % à 50 %des sujets bipolaires ont fait, ou feront, une tentative desuicide (78). Les données basées sur la population géné-rale, et non la population de malades, font part de résultatsconvergents : ainsi, parmi les 1 400 décès par suicide enFinlande sur une période d’un an (77), 30 sujets souf-fraient de trouble bipolaire (2 %). Dans cette population,le suicide s’est essentiellement effectué au cours de l’épi-sode mélancolique (80 %), mais on retrouve tout de même10 % d’épisodes mixtes et 10 % d’épisodes maniaques(avec caractéristiques psychotiques). Enfin, pour de nom-breux cliniciens, le taux de mortalité par suicide des trou-bles bipolaires non traités serait encore plus important,situé entre 15 % et 20 % (44). En dehors du risque suici-daire, l’impact du trouble bipolaire, notamment non traité,sur la vie des patients qui en souffrent est majeur. Uneenquête réalisée auprès de 600 sujets bipolaires montrele rôle délétère de ce trouble sur la vie relationnelle (amis,famille et mariage), les aspects professionnels et scolai-res, financiers, et de santé générale y compris l’abusd’alcool ou d’autres substances addictives (76).

L’impact des thymorégulateurs sur l’évolution du trou-ble bipolaire est tel, qu’effectuer un diagnostic clair et pré-coce permettant la mise en route rapide d’un traitementadapté, peut se révéler essentiel pour le pronostic à longterme. Or, le trouble bipolaire est souvent pris en chargebien après les premiers symptômes. Sur une cohorte de500 patients, on a pu montrer un décalage de 5 ans entrel’âge de début (15 ans à 19 ans) et l’âge du premier trai-tement (88), écart qui atteint 10 ans pour 35 % de l’échan-tillon. Ainsi, un tiers des patients demandeurs de soinsaprès un premier épisode recevra un diagnostic erroné.Qui plus est, même lorsque le diagnostic de trouble bipo-laire est posé, la prise en charge n’est pas toujours adap-tée.

Comme tous les troubles phasiques, c’est-à-dire quivarient dans le temps en présence, forme et intensité, letrouble bipolaire présente d’importantes difficultés dia-gnostiques. La comorbidité constitue un exemple desnombreux pièges qui compliquent l’accès au diagnostic(« l’arbre qui cache la forêt »).

Cette revue de la littérature propose de situer les diffi-cultés de reconnaissance des troubles bipolaires, en insis-tant sur les autres troubles de l’humeur (et notamment lestroubles unipolaires), la schizophrénie (et notamment lestroubles schizo-dysthymiques), les bouffées délirantesaiguës et les psychoses puerpérales, la personnalité

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limite, les troubles organiques (notamment la démence,l’épilepsie ou les médicaments « maniacogènes »), lesaddictions, les troubles pédopsychiatriques (notammentl’hyperactivité), et enfin les troubles anxieux.

Une recherche sur Medline® a donc été effectuée entrejanvier 1990 et avril 2003, utilisant différentes combinai-sons de mots-clés bipolar, spectrum, differential diagnosiset certaines variantes incluant mania, hypomania, sub-type. De plus, les références des articles considéréscomme potentiellement intéressants (n = 160) ont été pri-ses en considération.

TROUBLE BIPOLAIRE AU SEIN DES DIFFÉRENTSTROUBLES THYMIQUES

L’approche catégorielle du trouble bipolaire revient auxpsychiatres français Baillarger (17, 18) et Falret (45, 46).Falret, entre 1851 et 1854, et à partir d’observations lon-gitudinales, a proposé le terme de « folie circulaire » pourdécrire des périodes de manie, de mélancolie et d’euthy-mie chez le même sujet. La « folie à double forme » deBaillarger (17) se base sur la même observation de varia-tions cycliques de l’humeur, affirmant de plus l’apparte-nance de ces troubles au groupe des psychoses (18), opti-que maintenant contestée (50). Les aspects historiquesdu trouble bipolaire dans la psychiatrie française ont étédécrits dans un numéro de l’Encéphale dévolu à l’identi-fication des troubles bipolaires (69).

À partir de la « folie circulaire », réunissant phasesmaniaques et dépressives caractérisées, plusieurs trou-bles cycliques de l’humeur ont été considérés comme rele-vant du même spectre. Si la prévalence sur la vie (lifetime)du trouble bipolaire de type I (anciennement appelé psy-chose maniaco-dépressive) est généralement estimée à1 % dans la population générale, avec un sex-ratio autourde 1 (12), celle des troubles du spectre bipolaire (selon leDSM IV) serait beaucoup plus élevée : ainsi, une revuerécente (13) retrouve une prévalence sur la vie qui variesuivant les études entre 2,6 % et 7,8 % pour le trouble duspectre bipolaire. L’inclusion de symptômes maniaquesinfrasyndromiques dans le spectre bipolaire fait monter laprévalence sur la vie du trouble bipolaire de l’étude ECAde 1,3 %, initialement à 6,4 % (80). De même, lorsque lescritères d’hypomanie sont assouplis (incluant l’hyperacti-vité comme symptôme, excluant la durée de l’épisodecomme critère, mais conservant le retentissement fonc-tionnel), la prévalence du trouble bipolaire II (spectrelarge) est de 10,9 % dans la cohorte de Zurich (14).

Le spectre bipolaire du DSM IV inclut les bipolaires detype I, de type II et le trouble cyclothymique, mais la défi-nition du spectre bipolaire varie selon les auteurs, certainsproposant l’inclusion de 6 (84) voire de 7 (6) entités clini-ques différentes (tableau I). Certaines caractéristiques(cliniques notamment) montrent assez clairement queplus le spectre s’élargit, moins les différentes formes syn-dromiques s’apparentent au type I (tableau II). Le dia-gnostic devient donc de plus en plus difficile pour les for-mes éloignées du type I.

La manie est une élévation persistante de l’humeuravec un retentissement psychosocial marqué, nécessitantle plus souvent une hospitalisation. L’hypomanie en par-tage la présentation en dehors de la sévérité et du reten-

TABLEAU I. — Comparaison des différents spectres du trouble bipolaire.

Le spectre DSM IV

1. Bipolaire de type I........ Manie ou épisode mixte2. Bipolaire de type II....... Hypomanie3. Cyclothymie ................. Cyclothymie

Le spectre ICD-10

1. Bipolaire de type I........ Manie ou épisode mixte (avec au moins un autre épisode thymique)

2. Bipolaire de type II....... Hypomanie3. Cyclothymie ................. Cyclothymie

Le spectre large (Klerman, 1981)

1. Bipolaire de type I........ EDM et manie2. Bipolaire de type II....... EDM et hypomanie3. Bipolaire III ................... Symptômes dépressifs et

hypomanie4. Bipolaire IV................... Troubles secondaires à substance

ou maladie5. Bipolaire V.................... EDM et antécédents familiaux de

trouble bipolaire6. Bipolaire VI................... Manie « monopolaire »

Le spectre large (Akiskal & Pinto, 1999)

1. Bipolaire de type I........ Manie3. Bipolaire I 1/2 ............... Hypomanie chronique2. Bipolaire de type II....... Hypomanie spontanée4. Bipolaire II 1/2 .............. Cyclothymique5. Bipolaire III ................... Manie ou hypomanie suite à la prise

d’antidépresseur6. Bipolaire III 1/2 ............. Bipolarité révélée par un abus de

stimulants7. Bipolaire IV................... Dépression hyperthymique

TABLEAU II. — Caractéristiques des sujets souffrant de trouble bipolaire de type I, II et III comparés à des sujets souffrant

d’un trouble unipolaire (à partir de 37).

Caracté-ristiques

Types de troublede l’humeur récurrent

Diffé-rence

BP I(n = 35)

BP II(n = 94)

BPIII(n = 71)

UP(n = 487)

Signifi-cativité

Hommes (%) 46 41 44 26 +Âge (ans) 43 49 51 51 +Âge de début (ans)

28 34 41 41 ++

Facteurs de stress (%)

40 50 62 56 0

Tentative de suicide (%)

26 18 8 11 +

ATCD familiaux de BP

23 11 8 2 ++

ATCD = antécédents.

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tissement, qui sont moindres. Dans les états mixtes, lepatient présente les critères à la fois pour l’épisode dépres-sif caractérisé et pour l’épisode maniaque, à peu près tousles jours, et pendant au moins une semaine (et non deux)(9). Les états dépressifs mixtes sont caractérisés par unedysphorie, une irritabilité, un sentiment extrême de fati-gue, une tachypsychie, une anxiété (avec parfois des atta-ques de panique), des obsessions et des impulsions sui-cidaires (2). Le tempérament hyperthymique correspond,quant à lui, à des modalités stables de fonctionnement.Ces sujets sont généralement considérés comme extra-vertis, voire exubérants, hyperoptimistes, sûrs d’eux-mêmes, pleins d’énergie, désinhibés et chercheurs desensations (3). Il s’agit donc d’un trouble égosynthoniqueavec certains avantages (succès professionnels…),même si la prise de risque et les idées de grandeur peu-vent être préjudiciables.

Lorsque l’épisode maniaque est majeur, le retentisse-ment familial, professionnel, voire juridique est tel quel’hospitalisation est fréquente, et le diagnostic relative-ment aisé, du moins pour les formes typiques. Cependant,en dehors du cadre de l’hospitalisation, le diagnostic, quidoit souvent être posé de manière rétrospective, est plusdifficile. La dépression « récurrente » ou la dépression« atypique » sont des diagnostics souvent retenus lorsqueles phases d’exaltation de l’humeur n’ont pas été repé-rées. Une étude portant sur un échantillon extrait de lapopulation générale des États-Unis a ainsi montré quemoins de un cinquième des sujets souffrant de troublebipolaire (selon le Mood Disorder Questionnaire) connais-sait son diagnostic, le diagnostic le plus souvent rapportépar les sujets étant la dépression unipolaire (31,2 %) (76).Dans une revue de la littérature récente, Akiskal (3) estimeque 30 % à 55 % des épisodes dépressifs caractérisésdécrits dans les études réalisées ces 10 dernières annéesconcernent le spectre bipolaire au sens large. Bowden(27) propose donc d’évoquer le diagnostic de bipolaritédevant toute dépression marquée par une humeur peustable, un fort ralentissement et plutôt une hypersomnie.Ces données ont été confirmées sur une population fran-çaise, dans une étude montrant que les bipolaires II sedistinguent des unipolaires par un excès d’idées de mortet une majoration de troubles du sommeil, notamment detype hypersomnie (66). De même, lorsque le trouble récur-rent de l’humeur est marqué par un âge de début précoce,des épisodes dépressifs fréquents, un pourcentage detemps de maladie important, et des épisodes avec moded’entrée relativement brutal, le trouble bipolaire doit êtrerecherché, sans se limiter au diagnostic immédiat de trou-ble de l’humeur unipolaire.

La sous-évaluation du diagnostic de bipolarité et soncorollaire, la faible fréquence de soins adaptés, se retrou-vent de manière encore plus frappante pour l’hypomanie.Les membres de la National Depressive and Manic-Depressive Association ont repéré que 60 % d’entre euxavaient consulté initialement pour dépression et non pourmanie (75). Dans une étude portant sur 100 patients vusde manière consécutive par leur médecin généraliste ettraités pour dépression, plus d’un quart avaient un trouble

du spectre bipolaire, essentiellement de type II (90). Dansune autre étude italienne, la réanalyse de quelques85 dossiers de sujets traités pour « dépression atypique »selon les critères DSM IV (avec prise de poids, hypersom-nie…), a permis de retrouver plus de 70 % de troubles del’humeur du spectre bipolaire, là aussi essentiellement detype II (97). Selon un travail multicentrique français portantsur des sujets souffrant de dépression caractérisée, le dia-gnostic bipolaire de type II était proposé dans 22 % descas, alors que la recherche systématique de l’hypomanieselon les critères du DSM IV élevait ce taux à 40 % (66).Enfin, un tiers des patients suivis pour dépression unipo-laire se sont en fait révélés être bipolaires au décours dusuivi d’un an (55), avec un excès de traitement par anti-dépresseur aux dépens des thymorégulateurs (56).

Les virages sous antidépresseurs sont un mode derévélation des troubles bipolaires non négligeable. Lesétudes rétrospectives montrent que l’on peut observer cesvirages jusqu’à 35 % des cas pour à peu près toutes lesclasses d’antidépresseurs (8). Le groupe des maniesobservées chez des sujets unipolaires au décours del’interruption brutale des antidépresseurs peut aussi poserun problème de prise en charge. Faut-il les considérercomme des virages maniaques authentiques, même s’ilssont pharmacologiquement induits, au même titre que lesvirages sous antidépresseurs ? C’est l’optique que sem-ble prôner l’équipe de Post (58), soulevant l’intérêt des thy-morégulateurs associés.

Différents instruments ont été proposés pour aider à lareconnaissance des troubles bipolaires, comme le récentMDQ de Hirschfeld (75). Il s’agit d’un autoquestionnairerapide qui reprend les 13 items des critères DSM IV demanie, avec 2 questions supplémentaires, l’une testant laprésence de plusieurs symptômes durant la mêmepériode, l’autre effectuant une évaluation semi-quantita-tive du retentissement psychosocial de l’épisode détecté.Cet instrument possède un bon ratio sensibilité (73 %)/spécificité (90 %), et est disponible sur le web dans sa ver-sion originale (www.ndmda.org). D’autres instrumentssont proposés, dont le DIGFAST (56) qui rappelle combien7 éléments cliniques peuvent être informatifs pour le dia-gnostic de bipolarité (donnant en français le RAPIIDE :Rapidité de la parole ; activités accrues ; pensées accé-lérées ; insomnie de type hyposomnie ; insouciance ;distractibilité ; expansion du Moi [idées de grandeur]). Unechecklist d’hypomanie (11) ou le QTH (75) sont aussi pro-posés. Certains auteurs ont suggéré l’utilisation d’instru-ments plutôt de type mini-questionnaire, tels le SCI-MOODS (37). Les différents instruments de mesure et dedétection de la manie sont décrits dans un article de syn-thèse (16).

TROUBLES SCHIZOPHRÉNIQUES

Les symptômes psychotiques, congruents ou non àl’humeur, sont assez fréquemment observés dans lamanie. Inversement, plusieurs études ont retrouvé unefréquence non négligeable de symptômes maniaques

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associés à des symptômes schizophréniques, rendant dif-ficile le diagnostic de ces épisodes « schizomaniaques ».Le trouble schizo-affectif (trouble de l’humeur bipolairechez un schizophrène) rendrait mal compte, par exemple,du fait que ces sujets ont des antécédents familiaux, uneréponse au lithium et un pronostic plus proches de ceuxdes troubles bipolaires que de ceux de la schizophrénie.Ainsi, le passage du trouble schizoaffectif au trouble bipo-laire pur n’est pas rare au cours de la vie d’un sujet (91).Gonzales-Pinto et al. (59) ont mis en exergue ces difficul-tés en reprenant l’anamnèse de 160 sujets bipolaires (dia-gnostic par entretien semi-structuré réalisé par 2 clini-ciens, en omettant tous les cas litigieux) du Pays Basqueespagnol. Pour 30 % de cette population, un trouble psy-chotique de type schizophrénie a été proposé comme pre-mier diagnostic ; 80 % de cet échantillon a présenté à unmoment ou à un autre des symptômes psychotiques, etpour 44 %, ces symptômes psychotiques étaient non con-gruents à l’humeur. Parmi les critères qui singularisent lessujets pour lesquels le diagnostic de trouble bipolaire n’aété donné que dans un deuxième temps, on retrouve unâge plus jeune au moment de l’évaluation (25 ans au lieude 31 ans pour les autres), un statut marital plus précaire(63 % de personnes seules, contre 26 % pour les autres)et enfin la présence de symptômes psychotiques non con-gruents à l’humeur largement en excès (84 % versus24 %). En revanche, le nombre d’hospitalisations ou leniveau de fonctionnement global n’étaient pas discrimi-nants. En analyse de régression, ce sont bien ces symp-tômes psychotiques non congruents qui ont le plus fortpouvoir discriminant, puisqu’ils sont bien plus fréquentschez les bipolaires ayant reçu initialement le diagnostic deschizophrénie (OR = 16). La séquence des symptômespeut aussi être importante : dans le trouble bipolaire, lessymptômes délirants et hallucinatoires suivent, et ne pré-cédent pas, en général une période de trouble del’humeur.

La distinction entre psychose et bipolarité est particu-lièrement difficile lorsque ces troubles apparaissent aumoment de l’adolescence. Il semble donc essentiel d’éva-luer le niveau de fonctionnement prémorbide, les antécé-dents familiaux, l’anamnèse naturelle du trouble (existe-t-il des épisodes psychotiques sans troubles thymiques ?)ainsi que les caractéristiques des différents épisodes pré-cédents (s’ils existent) pour faciliter le diagnostic différen-tiel entre trouble bipolaire et trouble schizophréniquedysthymique. Les symptômes négatifs sont aussi discri-minants, comme le montre une étude comparant dessujets bipolaires à des sujets schizophrènes au cours d’unépisode psychotique aigu (40). Les symptômes cognitifs,incluant la désorganisation cognitive, la difficulté à l’abs-traction, les pensées stéréotypées et le manque d’insight,tous symptômes retrouvés de manière plus importantechez les sujets souffrant de schizophrénie, différenciaientle mieux ces 2 populations.

Étant donné la difficulté de différencier ces 2 troubles,certains auteurs proposent, dans le doute, d’essayer untraitement thymorégulateur (plutôt que d’emblée neuro-leptique), ce d’autant que l’on note chez le patient des

symptômes de négativisme, de délire paranoïde, d’exci-tation psychomotrice et d’hyperactivité. Akiskal et al. pro-posent par exemple une liste de plusieurs pièges cliniquesqui ont amené les cliniciens à proposer le diagnostic deschizophrénie alors qu’il s’agissait de trouble bipolaire(tableau III).

BOUFFÉE DÉLIRANTE AIGUË

La bouffée délirante aiguë (BDA) est une entité contro-versée au plan international, mais largement utilisée enFrance. La BDA suit le concept de Legrain en 1910 surles « délires à éclipses » et la description académique deMagnan du « coup de tonnerre dans un ciel serein ». Faceà une émergence psychotique brutale et de moins d’unmois, le DSM classe ce trouble immédiatement dans lestroubles de l’humeur (maladie maniaco-dépressive) si ladimension thymique est au premier plan, ou dans les trou-bles schizophréniques (trouble schizophréniforme) si ladissociation est majeure et qu’il existe des éléments con-vergents en faveur de ce diagnostic.

La bouffée délirante aiguë se constitue en quelquesjours, parfois en quelques heures et correspond à l’émer-gence brutale d’un délire polymorphe avec une cons-cience préservée et une altération de l’humeur (souventexpansive, parfois inhibée). Des idées de grandeur, derichesse, de filiation sont parfois observées, l’exaltationmajeure et le risque de passage à l’acte auto- ou hétéro-agressif étant non négligeables. Les autres caractéristi-ques de ce syndrome délirant sont sa fluctuation, avec une

TABLEAU III. — Pièges diagnostiques du trouble bipolaire – risque de diagnostic erroné de schizophrénie (d’après 7).

1. Anhédonie et dépersonnalisation dépressive attribuées à l’athymhormie2. Épisode maniaque ou dépressif psychotique chez un sujet ayant une personnalité introvertie3. Dépression ou manie avec caractéristiques psychotiques chez un sujet ayant un retard mental4. Non-retour à un fonctionnement intercritique normal5. Trouble bipolaire à cycle rapide6. Prédominance des symptômes d’irritabilité, d’hostilité et d’agressivité7. Présence d’un délire persécutif8. États mixtes9. Hyposomnie et troubles métaboliques dus à une réduction des apports caloriques et hydriques10. Symptômes de sevrage d’une dépendance inconnue aux drogues et à l’alcool11. Fuite des idées prise pour des troubles du cours de la pensée12. Manque de pratique sur la phénoménologie des hallucinations et des symptômes délirants présents dans les troubles de l’humeur13. Présence d’idées délirantes bizarres14. Poids important attribué aux symptômes hallucinatoires (de premier rang) pour le diagnostic de psychose

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labilité émotionnelle (passage de l’excitation psychomo-trice à la prostration), et la présence fréquente de stressmajeur prémorbide.

On conçoit donc combien les accès maniaques déli-rants peuvent facilement prendre la forme de boufféesdélirantes aiguës. Le diagnostic peut être reconsidérépour la manie délirante si on note une exaltation au pre-mier plan, ou pour la mélancolie délirante si prostration etralentissement sont constamment notés. Des antécé-dents personnels ou familiaux d’épisodes thymiques, laprésence de symptômes inauguraux de type thymique (etnon délirant ni d’apparence dissociative) sont autant d’élé-ments qui feront évoquer un mode d’entrée dans le troublebipolaire plutôt qu’une forme mineure, résolutive ou épi-sodique de schizophrénie. Il est important de noter qu’àpartir du moment où les symptômes réellement dissocia-tifs (c’est-à-dire non limités à l’impact des hallucinationssur le cours de la pensée) ne sont pas au premier plan,l’évolution vers un trouble de l’humeur est non seulementfréquente mais vraisemblablement la règle, quoique nousmanquions d’étude de cohorte (79). Il semble donc impor-tant, devant toute bouffée délirante aiguë, de systémati-quement évoquer l’hypothèse d’un mode d’entrée vers lamaladie maniaco-dépressive.

PSYCHOSE PUERPÉRALE

La psychose puerpérale forme une classe pathologiqueà part, du fait de ses spécificités étiologiques et sémiolo-giques. Ces « troubles psychiatriques de l’accouche-ment » s’organisent dans les deux premières semainesaprès l’accouchement, s’individualisant donc des baby-blues et de la dépression du post-partum. Il s’agit de jeu-nes femmes (20 à 35 ans), présentant une « bouffée con-fuso-délirante aiguë » dans le post-partum précoce.L’obnubilation peut aller jusqu’à une stupeur quasi confu-sionnelle, parfois jusqu’à un état oniroïde, avec une cons-cience fluctuante. La psychose puerpérale est sémiologi-quement caractérisée par une forte présence d’élémentsaffectifs (agitation anxieuse, tristesse, idées suicidaires etde meurtre du nouveau-né, parfois agitation maniaque)associés à un syndrome délirant concernant essentielle-ment le nouveau-né (négation de la grossesse ou del’enfant, culpabilité délirante, idées de persécution). Dansla majorité des cas, ce tableau est transitoire, mais il peutaussi s’agir d’un mode d’entrée dans un processus chro-nique, maladie maniaco-dépressive ou schizophrénieessentiellement.

Les frontières diagnostiques des psychoses puerpéra-les sont parfois floues, notamment avec les troubles thy-miques non puerpéraux et les troubles de la personnalité(42, 92). Cela peut être en partie expliqué par la périodedéfinissant le « post-partum », 6 semaines pour certains(101), 6 mois pour d’autres (64), voire même 1 an (39).

La présentation clinique des psychoses puerpérales estsouvent proche des phases maniaques du trouble bipo-laire en dehors de l’accouchement (42). De plus, le risquede psychose puerpérale est beaucoup plus important chez

les femmes souffrant de trouble bipolaire, puisque l’onretrouve jusqu’à 30 % de tels épisodes après un accou-chement dans ce groupe à risque (83). Dans un mêmeordre d’idée, le facteur de risque psychiatrique le plusimportant pour la psychose puerpérale est l’existenced’antécédents de troubles thymiques, et spécialement detroubles bipolaires. Le suivi de femmes souffrant de mala-die maniaco-dépressive retrouve 20 % de psychose puer-pérale chez 82 femmes pour une étude, et 30 % dans uneautre série de 20 femmes (64). Enfin, le risque de nouvelépisode de psychose puerpérale (au prochain accouche-ment) est évalué entre 25 % et 30 %, ce qui en fait unepathologie récurrente, comme la maladie maniaco-dépressive (41).

Il semble donc particulièrement important, suite à unepsychose puerpérale relativement indemne de symptô-mes dissociatifs, de rechercher les éléments diagnosti-ques en faveur d’une maladie bipolaire (antécédentspersonnels d’épisodes dépressifs ou hypomaniaques,antécédents familiaux de trouble thymique ou de suicide).Plusieurs auteurs proposent une mise systématique sousthymorégulateurs des psychoses puerpérales si lessignes de schizophrénie ou d’organicité peuvent être rai-sonnablement écartés.

PERSONNALITÉ LIMITE (BORDERLINE)

La personnalité borderline est un diagnostic difficile :venant d’un concept psychodynamique (variation de laqualité de la relation transférentielle sur des registres par-fois névrotiques et parfois psychotiques), elle ne peut setarguer de symptômes cliniques pathognomoniques. Lespersonnalités limites ont des relations interpersonnellesintenses et instables avec de fortes tendances abandon-niques, des difficultés d’identité (sexuelle, de buts, d’amis,de carrières…). L’impulsivité (pour les achats, les relationssexuelles, ou la prise de substances addictives), l’insta-bilité affective (avec des moments brutaux d’humeur triste,irritable et anxieuse), les idées et les gestes suicidairesavec automutilations, et le sentiment de vide et d’ennuichronique peuvent facilement évoquer un trouble thymi-que. De plus, les variations brutales de l’humeur de la per-sonnalité limite pourraient rappeler les oscillations de lathymie du sujet bipolaire. De fait, la personnalité borderlinepourrait faire partie du spectre des troubles bipolairesselon certains auteurs (110).

Que la personnalité borderline appartienne au spectrebipolaire ou en soit indépendante, les erreurs diagnosti-ques entre ces deux familles de troubles sont fréquentes.Selon Akiskal et al. (5), sur une série de 100 patients con-sultant en psychiatrie pour un diagnostic de personnalitélimite, 25 % ont les critères de trouble bipolaire de type IIou de cyclothymie sur un suivi de quelques mois.

La comorbidité entre les troubles thymiques et la per-sonnalité borderline est estimée entre 35 % et 52 % (126),venant encore compliquer les relations entre ces 2 trou-bles. Parmi les leçons de clinique promues par l’AmericanJournal of Psychiatry, Bolton et Gunderson (26) présen-

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tent une patiente dont le diagnostic de trouble bipolaire aété freiné par un diagnostic initial d’état limite. Ce cas cli-nique détaillé et discuté est éclairant quant aux difficultésdiagnostiques dans la clinique psychiatrique usuelle.

Le diagnostic différentiel entre personnalité borderlineet trouble bipolaire se fait essentiellement sur les pat-terns de changement d’humeur. Dans le trouble de la per-sonnalité de type borderline, l’humeur est rapidementlabile (changement d’un jour à l’autre, voire d’une heureà l’autre), réactive, fréquemment en rapport avec les évé-nements du jour, notamment relationnels. Certainssymptômes seront considérés comme évocateurs (pré-sence d’automutilations, fonctionnement intercritique dequalité médiocre), mais ne peuvent éliminer un troublebipolaire.

À partir de 4 échantillons, avec ou sans trouble de lapersonnalité limite, et avec ou sans trouble bipolairetype II, Henry et al. (71) ont montré que l’instabilité affec-tive était assez commune aux 2 troubles, mais que le typede variation d’humeur permettait de les distinguer relati-vement bien. Ainsi, les variations de l’humeur de l’euthy-mie à la colère et l’anxiété sont associées à la personna-lité limite sans trouble bipolaire comorbide, alors que leschangements d’humeur de l’euthymie à la dépression etl’accès maniaque, et les virages de la dépression àl’accès maniaque sont spécifiques des bipolaires de typeII. De plus, les scores d’impulsivité et d’agressivité sontplus élevés chez les sujets souffrant de personnalitélimite.

Le problème du diagnostic différentiel entre personna-lité limite et maladie bipolaire semble se poser de manièreparticulièrement sensible pour les troubles de l’adoles-cent. La question est d’autant plus importante que cesadolescents se voient souvent prescrire des antidépres-seurs, dont on connaît les effets indésirables parfoisobservés chez les bipolaires (virage de l’humeur, accélé-ration des cycles). La personnalité limite doit donc resterun diagnostic d’élimination devant des variations cycli-ques de l’humeur, ce d’autant que la comorbidité thymiquepeut exister.

La complexité du diagnostic de trouble bipolaire en casde trouble de la personnalité comorbide ne se limite pasà la personnalité borderline, mais pourrait intéresserl’ensemble du cluster B, qui comprend aussi les troublesde la personnalité de type psychopathique, histrionique etnarcissique. Les études récentes sur la fréquence destroubles de la personnalité chez les sujets souffrant detrouble bipolaire mettent en évidence une comorbiditéentre 40 % et 50 %, avec un excès spécifique des per-sonnalités du cluster B (19, 34, 43, 81, 103, 116).

En conclusion, remarquons que l’intérêt d’identifier lacomorbidité entre personnalité limite et trouble bipolairerésiderait plutôt dans une meilleure compréhension clini-que et psychopathologique du trouble que dans l’accèsà un traitement adéquat, puisque l’intérêt des thymoré-gulateurs dans la prise en charge des personnalités limi-tes a été démontré, tout au moins pour la réduction del’impulsivité et l’amélioration du fonctionnement global(38, 109).

PATHOLOGIES ORGANIQUES

La dichotomie, longtemps prisée, entre trouble « orga-nique », « neurologique » ou « encéphalique » d’une part,et « psychiatrique » d’autre part, est largement utilisée,renvoyant plutôt aux troubles psychiatriques primaires misen opposition avec les troubles secondaires à des lésionsou des dysfonctionnements cérébraux objectivables.Parmi ces derniers, la confusion, la démence, les intoxi-cations ou le sevrage à des substances toxiques sont sou-vent cités. Les troubles des fonctions cognitives, de lamémoire, de l’orientation, des fonctions intellectuelles etdu jugement, ainsi que des signes focaux neurologiquespériphériques sont ainsi classiquement évocateurs d’untrouble organique. En présence de ces symptômesd’appel, les examens complémentaires, tels que scannercérébral, IRM, électro-encéphalogramme et ionogrammesanguin, ont toute leur place.

Le diagnostic différentiel entre trouble bipolaire et trou-ble organique associé à un trouble de l’humeur secondaireest parfois difficile. Pour Krauthammer et Klerman, la dis-tinction entre trouble bipolaire primaire et secondaire n’apas vraiment de raison d’être : en effet, en dehors de l’âgede début, plus tardif pour les troubles bipolaires secon-daires (41 ans), la présentation et l’évolution thymique destroubles primaires ou secondaires sont superposables.Les antécédents familiaux de troubles thymiques (113) oula modalité de réponse au traitement seraient ainsi demauvais facteurs discriminants.

Le SIDA est un exemple récent de pathologie organiqueposant le problème du diagnostic différentiel avec les trou-bles de l’humeur. Les symptômes maniaques (52) oudépressifs (33, 100) peuvent en effet faire partie des symp-tômes inauguraux du SIDA. Ils témoigneraient alorsd’atteintes du système nerveux central par le virus neu-rotrophique qu’est le VIH.

Au niveau plus directement pharmacologique, des pro-duits très variés ont été considérés comme potentielle-ment inducteurs de trouble bipolaire, sans qu’il soitpossible d’affirmer que les produits incriminés aient réel-lement induit, et non uniquement révélé, une bipolarité.Différentes listes de ces produits « maniacogènes » ontété proposées. À partir d’une dizaine de cas de troublebipolaire faisant immédiatement suite à la prise de corti-costéroïdes, Wada et al. (117) ont repéré quelques spé-cificités de ces troubles de l’humeur pharmacologique-ment induits. On retrouvera par exemple la notion d’uneffet dose (les doses élevées, et notamment en intravei-neux, étant associées à des symptômes plus brutaux), undébut en général de type subaigu, une prédominance desformes maniaques sur les formes dépressives, une fré-quence élevée de symptômes psychotiques.

La distinction entre le trouble bipolaire primaire et lesmanifestations thymiques des troubles épileptiques estégalement difficile, ce d’autant que la frontière entre trou-ble bipolaire et épilepsie est de plus en plus floue, tant auniveau des mécanismes que des traitements (99). Lamaladie épileptique touche 1 % de la population généraleet constitue la maladie chronique du système nerveux

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central la plus fréquente. Plus de la moitié des patientsépileptiques ont des crises non convulsives, dont la majo-rité est temporale (psychomotrice ou complexe). Les étu-des épidémiologiques sur les patients épileptiques mon-trent que les symptômes psychotiques sont 10 fois plusfréquemment observés dans les épilepsies temporalesque dans les épilepsies de type grand mal (57). Sur100 patients souffrant d’épilepsie temporale, Flor-Henrytrouve 42 sujets ayant des traits maniaco-dépressifs ouschizophréniformes. Selon différentes séries de maladessouffrant de trouble bipolaire, des symptômes inaugurauxépileptiques de type temporal peuvent être notés pour10 % à 50 % des cas (72, 87), avec hallucinations olfac-tives, expérience de « déjà-vu », anxiété spontanée, peurou colère, viscosité idéative, pensées imposées, trous demémoire ou dépersonnalisation.

La fréquence de la comorbidité et l’étroitesse des liensentre épilepsie et trouble bipolaire rappellent combien unsimple électroencéphalogramme doit faire partie du bilanplus ou moins systématique du trouble bipolaire.

Le problème des troubles organiques se pose plus fré-quemment en pratique clinique pour les personnes âgées.Une étude rétrospective portant sur 50 patients âgés d’aumoins 65 ans et hospitalisés pour un épisode maniaque(115) a permis de mieux cerner les troubles bipolaires dela personne âgée. Dans cette population âgée, 28 % despatients présentaient leur premier épisode, dans ce casessentiellement avec un trouble neurologique comorbide(manie secondaire). Ces troubles neurologiques sont net-tement moins importants (28 %) chez les sujets âgésayant déjà eu des épisodes thymiques avant cet âge.

Une place à part pourrait être réservée aux ex « mélan-colies d’involution », terme aujourd’hui inusité, qui décritles dépressions mélancoliques de la personne âgée asso-ciées à un ralentissement cognitif majeur. Les dépres-sions chez une personne âgée fragilisée peuvent recouvrirde nombreuses caractéristiques du syndrome démentiel.Il est d’autant plus important de proposer des antidépres-seurs que le « test thérapeutique » est parfois la seulemanière de distinguer ces 2 troubles proches. L’âge dedébut des troubles (par définition tardif dans la mélancolied’involution) n’est pas parfaitement discriminant. En effet,le patient souffrant de mélancolie d’involution est souventdifficile à interroger sur d’éventuels épisodes thymiquespassés, et même en cas de premier épisode, il ne faut pasnégliger le mode d’entrée tardif dans le trouble bipolaire,un petit pourcentage de patients débutant leur maladieaprès 50 ou 60 ans. De plus, les formes tardives de troublebipolaire se caractérisent par des cycles plus nombreuxet un risque plus important de chronicité, ce qui augmentela possibilité de confusion diagnostique.

Pour la distinction entre trouble organique et troublebipolaire primaire, les symptômes neurovégétatifs sem-blent peu discriminants. Il apparaît donc important deproposer des tests thérapeutiques, d’évaluer les varia-tions thymiques, mais aussi, sur un plus long terme, desurveiller l’apparition de symptômes neurologiques oucognitifs qui évoqueront alors plutôt un trouble secon-daire.

ABUS ET DÉPENDANCE

Selon l’étude ECA, le trouble bipolaire est la pathologiede l’axe I la plus fréquemment comorbide à l’alcoolisme(45 % d’abus ou de dépendance à l’alcool) (30). Par rap-port à la population générale, les sujets bipolaires sonteffectivement largement plus exposés, sur la vie entière,aux problèmes liés à l’alcool (46 % vs 14 %) (101). Cettecomorbidité fréquente aggrave sérieusement le pronosticdu trouble bipolaire, ne serait-ce que par une augmenta-tion du risque suicidaire (64).

De manière cumulative, le trouble bipolaire de type II estassocié dans la moitié des cas à un abus de substance(31). Les sujets bipolaires, dans les études américaines,abusent ou ont abusé plus spécifiquement de haschich(30 % à 64 % d’abus), d’amphétamines (30 % à 64 %), decocaïne (15 % à 39 %), de LSD et d’hallucinogènes(30 %), d’héroïne (6 % à 25 %) et de PCP (11 %), alorsque les sédatifs de type barbituriques (3 %) et benzodia-zépines (3 %) sont rarement utilisés (30, 123). Si l’on prendle problème dans l’autre sens, on remarque que dans unepopulation de sujets abuseurs de drogue, la fréquence dutrouble bipolaire de type I varie entre 0 % et 11 % (35, 95,104, 122), alors que la fréquence du trouble bipolaire detype II se situe entre 7 % et 25 % (53, 85, 119, 122). Il sem-ble que l’excès de drogue soit assez spécifiquement asso-cié au trouble maniaque plutôt qu’aux dépressions (102).

La difficulté diagnostique du trouble bipolaire en casd’abus de substance comorbide a plusieurs origines, puis-que l’abus de substance masque certains symptômes eten renforce d’autres. La présence d’un abus de substanceaggrave le trouble bipolaire en le rendant plus sévère.Ainsi les symptômes mixtes, y compris les cycles rapides,sont fréquents chez les patients abuseurs de substance,avec des épisodes plus longs à traiter, et des hospitalisa-tions plus fréquentes (31, 32, 70, 73, 96, 108, 115). Lesrésultats des études sont cependant hétérogènes concer-nant l’impact des addictions comorbides sur la sévéritésymptomatique, la fréquence des hospitalisations ou l’uti-lisation de structures de santé mentale ; cet impact n’estpas toujours démontré (20, 29, 94, 118). En revanche, lesétudes sont plutôt concordantes concernant la moinsbonne compliance aux thymorégulateurs des patientsbipolaires ayant un abus de drogue comorbide (1, 118).

La fréquence des tentatives de suicide, plus élevéechez les patients bipolaires dont l’abus de drogue a débutéavant le trouble de l’humeur (49), est un autre argumentpour chercher le diagnostic de trouble bipolaire chez lessujets dépendants. Il pourrait en être de même pour lescomportements agressifs et violents (106). Au niveau thé-rapeutique, les thymorégulateurs anticonvulsivants pour-raient être plus efficaces que le lithium dans ce type depathologie intriquée (31, 120).

HYPERACTIVITÉ

La fréquence des troubles comorbides dans la popula-tion d’enfants souffrant de troubles maniaques bipolaires

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semble importante (22, 36, 54). Elle pose fréquemmentla question de l’appartenance des symptômes : par exem-ple, une hyperactivité désordonnée peut être attribuée àun trouble oppositionnel, à une hyperactivité ou à un trou-ble des conduites plutôt qu’à un trouble de l’humeur (10).

Étant donné l’existence de symptômes proches, voirecommuns, à l’hyperactivité et à l’épisode maniaque (dis-tractibilité, hyperactivité motrice, logorrhée), la comorbiditéde ces deux troubles pourrait être due à une contaminationdiagnostique, plus qu’à une réelle comorbidité. La techni-que proportionnelle (on ôte les items non spécifiques, maison restreint proportionnellement le nombre de symptômesnécessaires au diagnostic) donne une comorbidité de69 %. Néanmoins, la technique de soustraction (on élimineles items non spécifiques, mais l’on garde le nombred’items nécessaires pour faire le diagnostic) montre toutde même une comorbidité de 48 %. La comorbidité entreces 2 troubles ne semble donc pas exclusivement impu-table à des biais méthodologiques de type contaminationd’items (21, 94). Si l’on se limite à des symptômes relati-vement spécifiques (de type élation et sentiment de gran-deur), la comorbidité du trouble bipolaire avec l’hyperacti-vité (87 %) ou le trouble oppositionnel (71 %) reste en effetimportante chez l’enfant et l’adolescent (54).

Selon une étude portant sur 300 patients de moins de12 ans adressés pour prise en charge d’une hyperactivité(124), 16 % avaient en fait un diagnostic de trouble bipo-laire. Après cette étude transversale, les mêmes auteursont cherché l’incidence de troubles bipolaires dans unecohorte d’enfants hyperactifs. Une fois écartés les 11 %d’enfants initialement étiquetés hyperactifs qui en faitétaient bipolaires, l’étude montre qu’après 4 ans de suivi,12 % d’enfants hyperactifs finissent par révéler un troublebipolaire (21). Au total, un quart des enfants hyperactifsont, ou auront, un diagnostic de trouble bipolaire. Quelquestraits (réponse au traitement, sous-type clinique et âge dedébut) peuvent aider à soulever le diagnostic (différentielou comorbide) de bipolarité chez des enfants ou adoles-cents pour qui le diagnostic d’hyperactivité a été posé.

1) Les modalités de réponse thérapeutique peuvent eneffet être informatives. Chez les enfants bipolaires ayantdes symptômes maniaques, les thymorégulateurs sontefficaces, alors qu’antidépresseurs et amphétamines nepermettent pas d’obtenir une amélioration réelle (22). Enrevanche, l’existence d’un trouble maniaque avec hyper-activité comorbide est associée à une moins bonneréponse au lithium (111).

2) Dans une population de jeunes patients adresséspour hyperactivité, Faraone et al. (48) ont montré que lesformes de type mixte (inattentive et impulsive) étaient lesplus fréquemment observées parmi les patients hyperac-tifs ayant un trouble bipolaire comorbide (26 %). Les deuxautres types spécifiques peuvent aussi faire l’objet d’unenon-reconnaissance du trouble bipolaire (14 % pour lesformes impulsives et 9 % pour les formes inattentives),mais ces 2 sous-types sont moins concernés par le pro-blème de la comorbidité.

3) L’âge du sujet, et surtout l’âge de début, donnentaussi des informations importantes. Parmi les adoles-

cents bipolaires, la comorbidité avec l’hyperactivité seraitplus faible, de l’ordre de 57 % (121). De fait, c’est l’âge dedébut précoce du trouble qui est le facteur déterminantpour la comorbidité avec l’hyperactivité. Lorsque le troublebipolaire commence durant l’enfance (avant 13 ans),l’hyperactivité comorbide est beaucoup plus importante(90 %) que lorsque le trouble bipolaire débute durantl’adolescence (de 13 à 19 ans) (60 %) (48). Dans uneétude plus récente, seuls les sujets ayant un âge de débutdu trouble bipolaire inférieur à 19 ans pouvaient présenterune comorbidité avec l’hyperactivité (105). En se basantenfin sur les antécédents familiaux de l’un ou l’autre trou-ble, on remarque que les enfants dont l’un des parents estbipolaire ont un trouble maniaque avec une hyperactivitécomorbide si l’âge de début est vraiment précoce, enmoyenne de 12 ans dans cet échantillon (105).

Notons que l’hyperactivité n’est pas le seul diagnosticdifférentiel ou comorbide chez l’enfant : le trouble des con-duites pourrait être assez fréquemment observé chez lesenfants et adolescents ayant un trouble bipolaire, et a étéévalué entre 40 % et 70 % (85, 86, 124). Il semble en êtrede même pour le trouble oppositionnel, avec une comor-bidité autour de 80 % (21, 65, 124).

TROUBLES ANXIEUX

Les troubles anxieux constituent également une caté-gorie diagnostique piège. En effet, les sujets souffrant detrouble bipolaire sont plus à risque que la population géné-rale d’être atteints de différents troubles anxieux, notam-ment le trouble panique (entre 11 % et 37 %), le troubleobsessionnel-compulsif (entre 3 % et 35 %), la phobiesociale (entre 0 % et 47 %), le syndrome de stress post-traumatique (entre 7 % et 40 %) ou le trouble anxieuxgénéralisé (entre 6 % et 32 %) (pour revue, voir 51). Cettesurmorbidité anxieuse distinguerait aussi les sujets souf-frant de trouble bipolaire de ceux souffrant de trouble uni-polaire, tout au moins pour le trouble panique et en partiepour le trouble anxieux généralisé (107). Enfin, si l’on ana-lyse cette comorbidité dans l’autre sens, on confirme queles patients souffrant de trouble panique, par exemple,sont plus à risque de trouble bipolaire au sens large (de13 % à 23 %). Cette donnée est aussi vérifiée pour letrouble obsessionnel-compulsif sur une population de315 sujets d’origine italienne (97), comme sur une popu-lation française de 453 sujets (67), montrant que la fré-quence du trouble bipolaire type II est située entre 11 %et 16 % chez les sujets souffrant de trouble obsessionnel-compulsif.

Les troubles anxieux, fréquents chez les sujets souffrantde trouble bipolaire, peuvent donc gêner le diagnostic dutrouble thymique primaire. Ceci est d’autant plus vrai queles symptômes anxieux peuvent varier selon l’état thymique.Ainsi, les symptômes de TOC semblent s’amender durantles phases maniaques et réapparaître à l’arrêt de la phasemaniaque ou à l’apparition d’un épisode dépressif (82).

L’attitude souvent prônée est donc d’évoquer systéma-tiquement un trouble bipolaire devant tout trouble anxieux,

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surtout s’il s’agit d’un trouble panique, s’il existe des varia-tions cycliques dans ces manifestations anxieuses ou,bien sûr, si l’on observe un épisode maniaque induit parun antidépresseur prescrit dans un but anxiolytique.

CONCLUSION

De plus en plus d’arguments plaident en faveur d’uneidentification précoce du trouble bipolaire, qui sembleconstituer un enjeu thérapeutique majeur.

Le diagnostic précoce, sous réserve qu’il se traduise parla mise en route rapide d’un traitement adapté (et ce n’estpas toujours le cas), évitera en effet des errances thérapeu-tiques (neuroleptiques au long cours, antidépresseursdevant tout symptôme dépressif, abstention thérapeutique)dont on connaît la nocivité (virages, accélération des cycles,souffrance non soulagée, stigmates des effets indésira-bles…). La prise en charge précoce permettra égalementde réduire la durée et la sévérité des épisodes ainsi que leurretentissement délétère sur la vie du sujet, et de diminuerle risque suicidaire, qui semble majoré chez le sujet non oumal pris en charge (notamment sans thymorégulateur).Enfin, la compliance thérapeutique, paramètre essentieldans l’efficacité du traitement au long cours, pourrait êtreaméliorée si le sujet était correctement pris en charge audébut de sa maladie, avant que ne surviennent les effetsdélétères des phases thymiques sur sa vie et son entourage.

Cependant, tout en s’accordant à reconnaître l’impor-tance d’une prise en charge précoce des troubles bipolai-res, force est de constater que leur diagnostic est parfoisdifficile, comme en atteste leur identification tardive. S’ilpeut être en effet simple d’établir le diagnostic du troublebipolaire de type I (ancienne psychose maniaco-dépres-sive), tout au moins lors d’un épisode maniaque franc, lespathologies du spectre bipolaire (de II à VI) sont en revan-che nettement plus difficiles à envisager, reconnaître, dia-gnostiquer, traiter et prévenir… La limite à partir delaquelle l’élargissement du spectre des troubles bipolairesperd de sa pertinence est par ailleurs un sujet importantet conflictuel (pour revue, voir 89).

Ainsi, les troubles de l’humeur unipolaires, la schizo-phrénie, les bouffées délirantes aiguës, la personnalitélimite, les troubles organiques, les dépendances à dessubstances psychotropes, la psychose puerpérale,l’hyperactivité et les troubles anxieux constituent autantde pièges diagnostiques parfois difficiles à éviter. Plu-sieurs critères sont proposés dans cette revue, sans quecela n’épargne totalement les cliniciens du doute diagnos-tique et de leur responsabilité personnelle dans la recon-naissance et la prise en charge des patients bipolaires.

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