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Université Paul Valéry- Montpellier III Lettres et Sciences sociales Master 1 d’Histoire militaire, défense et politiques de sécurité Les relations franco-bavaroises de 1852 à 1871 1

Master 1: les relations entre la France et la Bavière de 1852 à 1871

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les relations tumultueuses entre la France et la Bavière face à l'essor du nationalisme allemand incarné par la figure de Bismarck

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Université Paul Valéry- Montpellier III

Lettres et Sciences sociales

Master 1 d’Histoire militaire, défense et politiques de sécurité

Les relations franco-bavaroises

de 1852 à 1871

Présenté par Romain Cano, sous la direction de M. Heyriès,

maître de conférences.

2004/2005

1

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Remerciements

Je remercie pour ce dossier tous les organismes, bibliothèques auxquels j ai eu affaire : pour

leurs accueils et leurs attentions.

Je remercie bien sûr mon maître de master 1 Mr Heyriès pour sa bienveillance et sa

disponibilité.

Et enfin ma famille pour le soutien qu’elle m’apporte chaque jour.

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« Pour qu’un peuple sache où il est et où il va, il faut

qu’il sache d’où il vient. Ceci vaut tant sur le plan de

l’histoire en général que sur le plan des racines

culturelles et spirituelles. » Franz Joseph Strauss

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Sommaire

INTRODUCTION 5

I. DE NOUVELLES RELATIONS BILATÉRALES (1852-1859) 9

A. L’établissement de la diplomatie impériale 9

B. Munich, Paris et la guerre de Crimée (1853-1856) 16

C. De Paris à l’Italie : la méfiance bavaroise (1856-1859) 24

II. LA BAVIÈRE FACE AU RÉVISIONNISME FRANÇAIS (1859-1866) 35

A. Paris et Munich face à la question allemande 35

B. Paris et Munich face à la crise des duchés danois 45

C. Paris et Munich lors de la guerre austro-prussienne 53

III. DU RÉCHAUFFEMENT À LA FIN DES RELATIONS

FRANCO-BAVAROISES (1866-1870) 63

A. Paris et le monde germanique 63

B. Munich et l’Allemagne : le projet « Triade » 70

C. La guerre de 1870 : fin des relations franco-bavaroises 79

CONCLUSION 91

BIBLIOGRAPHIE ET CARTE 95

Table des matières 99

4

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A l’heure où le couple franco-allemand demeure le moteur de l’Europe en

construction, il apparaît intéressant de s’interroger sur la Genèse de cette entente. Les trois

guerres, que les deux puissances se livrèrent, trouvent leurs racines dans le 19ème siècle

européen. Quelles relations la France entretenait avec l’espace germanique ? Cet espace,

divisé en divers Etats au 19ème siècle, constituait un terrain de jeu de politique extérieure pour

les grandes puissances européennes telle la France, l’Autriche et la Prusse. La Confédération

germanique, crée en 1815 au sortir de l’épopée napoléonienne, devait, selon l’article 2,

« maintenir la sécurité intérieure et extérieure de l’Allemagne comme l’indépendance et

l’inviolabilité de chacun des Etats. »1 ; mais elle correspondait plutôt à une zone tampon entre

les grandes puissances continentales.

Dans cette Confédération, le royaume de Bavière occupait une place de premier

choix. Royaume depuis 1806, la Bavière des Wittelsbach était le premier Etat allemand de

second ordre. Elle était peuplée de cinq millions d’âmes environ. Son territoire était coupé en

deux : d’une part, la Bavière transrhénane et d’autre part, le Palatinat cisrhénan récupéré au

congrès de Vienne. La France et la Bavière avaient été, depuis le 17ème siècle, plusieurs fois

allié lors des conflits majeurs comme la guerre de trente ans, ou l’aventure napoléonienne.

La France avait besoin de la Bavière pour avoir un pied dans le Saint Empire Romain

Germanique et la Bavière avait besoin de la France pour maintenir sa sécurité et son

indépendance face à la maison des Habsbourg, qui dominait l’espace germanique.

Au 19ème siècle, trois évènements majeurs marquèrent les relations franco-

bavaroises : l’alliance avec l’Aigle français, les révolutions de 1848 et la restauration de

l‘empire français en 1852, et enfin, la guerre de 1871. L’aventure napoléonienne permit à la

Bavière de se constituer en royaume. Mais en contrepartie, elle devint un satellite de la

1 Sandrine KOTT, L’Allemagne du 19ème siècle, Paris, Hachette, 1999, 254 p

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France, au sein de la Confédération du Rhin. Son revirement à temps contribua à faire de la

Bavière un des vainqueurs de Napoléon Ier. Elle eut sa part du gâteau en 1815. Pourtant

l’oeuvre de Napoléon ne disparut pas. Les idées des Lumières s’étaient propagées dans toute

l’Europe. Le sentiment national subsistait dans les esprits. En Bavière, comme dans toute

l’Allemagne, la guerre face à l’Aigle avait créé les conditions propices à l’émergence d’une

force nationale allemande transcendant tous les particularismes : l’idée de nation allemande se

propageait. Le Discours à la nation allemande de Fichte, en 1806, montrait l’aspiration de

certains allemands à vivre au sein d’une même unité politique. Fichte, avec d’autres

intellectuels allemands comme Herder, entreprit une introspection de l’histoire allemande,

donnant corps au sentiment national allemand.

En France, la restauration monarchique essayait d’effacer les acquis de l’œuvre

révolutionnaire et napoléonienne. Vingt-six ans après la Révolution, la monarchie reprenait

ses droits mais ne parvenait pas à rétablir l’absolutisme. Les restrictions faites aux libertés

furent parmi les causes des révolutions de 1830 et 1848. Celle de 1848 eut un retentissement

européen. Elle inaugura le « printemps des peuples », vaste mouvement insurrectionnel, qui

toucha toutes les capitales européennes. En Allemagne, la révolution échoua, mais elle laissa

des traces durables dans les consciences. En Bavière, le mouvement insurrectionnel eut raison

du trône de Louis Ier, qui abdiqua en faveur de son fils Maximilien. Mais la situation revint à

la normale. Sauf dans le Palatinat où l’insurrection fut réprimée, à la demande de Munich, par

les troupes prussiennes.

A Paris, la révolution triompha. La proclamation de la Seconde République mit fin

à la restauration monarchique. Pour les chancelleries européennes, l’établissement d’une

République en France créait une nouvelle configuration du rapport de force international. La

République française devenait aux yeux de l’Europe un Etat subversif, car il se référait à des

valeurs en totale contradiction avec la notion de monarchie de droit divin. Or, la volonté

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d’établir la démocratie, par le suffrage universel, amena à la présidence de la République

Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de l’Aigle. De 1849 à 1852, il créa les conditions propices

à la restauration de l’empire. Le 2 décembre 1851, Louis-Napoléon réédita le coup d’Etat de

son oncle. Un an après, jour pour jour, l’Empire fut proclamé. A l’extérieur, les chancelleries

lui étaient reconnaissants d’avoir rétabli un ordre personnel en France : la hantise des Etats

européens était de voir se pérenniser une République en France.

A propos des relations franco-bavaroises, la restauration de l’Empire changea les

rapports. Alors que la République se voulait la sœur de toutes les Nations, Napoléon III, tout

en conservant cet héritage, lui donna une forme moins belliciste. Une définition plus

acceptable pour les puissances européennes. Pour la Bavière de Maximilien II, la politique des

nationalités, formulée par Napoléon III, devait inaugurer une nouvelle ère dans les relations

qu’elle entretenait avec la France.

Quels éléments caractérisaient les rapports franco-bavarois au temps du second

empire français ? Quels étaient les déterminants idéologiques et conjoncturels qui

définissaient les relations entre Paris et Munich ? Dans quelle mesure les politiques

extérieures des deux Etats étaient-elles compatibles ?

Nous nous intéresserons de prime abord à l’instauration des nouveaux rapports

bilatéraux à partir de 1852 : de la proclamation de l’Empire à la guerre d’Italie. Ensuite, nous

nous pencherons sur la période 1859-1866, c’est à dire de la guerre d’Italie à la victoire

prussienne de Sadowa : période où les rapports entre la France et la Bavière entrent dans une

nouvelle phase. Enfin, nous étudierons la période 1866-1871, qui débouche sur la fin de

l’Empire napoléonien et sur l’intégration du royaume bavarois au sein du Reich bismarckien,

ce qui signifie la fin de l’existence bavaroise dans le concert des puissances européennes.

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I. De nouvelles relations bilatérales (1852-1859)

A. L’établissement de la diplomatie impériale

1. Une nouvelle équipe de diplomates ?

Avec l’établissement du Second Empire, la diplomatie française s’inséra dans la

continuité de la diplomatie de la monarchie de Juillet et de la IIème République. Napoléon III,

installé dans la dignité impériale, n’avait pas été accompagné par des diplomates qui

partageaient ses vues en matière de diplomatie. Le principe des Nationalités, qu’il érigeait

volontiers en maxime, contribuait à semer le trouble dans le corps diplomatique. Ce dernier

était habitué à soutenir une politique extérieure basée sur le principe monarchique. Cette

politique aurait permis, selon Jacques Bainville2, d’acquérir à la veille des évènements de

1848 le Palatinat bavarois avec la bénédiction des puissances européennes. Mais

l’établissement d’une diplomatie, servant un régime impérial issu du suffrage universel, était

de nature à inquiéter les monarchies européennes.

En outre, l’héritage napoléonien, qui constituait un avantage en politique

intérieure, demeurait un inconvénient dans les affaires extérieures. Pour les chancelleries

européennes, la question était de savoir si la carte européenne issue du congrès de Vienne

allait perdurer face au nouveau régime français. Car Napoléon III, auréolé de son nouveau

prestige, ne pouvait se permettre de rester attentiste. Mais, à la différence de son oncle, il

2 Jacques.BAINVILLE, Louis II, Bismarck et la France, Paris, Fayard, 1927, p 543

9

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pensait pouvoir obtenir beaucoup sans effusion de sang : devant le Corps législatif, en mai

1854, il déclara que « le temps des conquêtes est passé sans retour, car ce n’est pas en

repoussant les limites de son territoire qu’une nation peut désormais être honorée et puissante,

c’est en se mettant à la tête des idées généreuses, en faisant prévaloir partout l’Empire du droit

et de la justice.3 » Cette déclaration était de nature à inquiéter, car les « idées généreuses » se

référaient sciemment aux idéaux des courants nationalistes européens. Cependant elle apparut

comme non belliciste pour les chancelleries d’Europe : la volonté d’expansion territoriale

semblait laisser place à la volonté de répandre une Idée.

Cette conception de la mission historique française fut dûment commentée par les

contemporains et les historiens. Pour les contre-révolutionnaires, ce but fixé par l’empereur

amena la décadence française et la création de deux puissances aux frontières orientales de la

France : le royaume d’Italie et le Reich allemand. Jacques Bainville s’insère dans cette vision

historique.4 Monarchiste, membre de l’Action Française et spécialiste de l’Allemagne, il

considère la politique des nationalités comme l’antithèse du principe fondateur d’une

politique extérieure. Selon lui, seul l’intérêt « matériel » de la France compte. Ainsi, une Italie

et une Allemagne morcelées constituent le but ultime de la conduite diplomatico-stratégique

française. Pour les historiens, la défaite de 1870 fut un obstacle majeur dans la compréhension

de cette époque. De la condamnation du régime par Victor Hugo à l’admiration de Philippe

Seguin5, en passant par le plaidoyer d’Emile Ollivier, la vision historique du régime impérial a

considérablement évolué. L’histoire des relations internationales n’y a pas échappé.

Désormais, Napoléon III est considéré comme un homme du 20ème siècle6, conscient que le

nouvel ordre interétatique à venir devait se fonder sur le concept d’Etat-Nation.

3 Jean TULARD, Dictionnaire du second empire, Paris, Fayard, 19954 Jacques BAINVILLE, Louis II, Paris, Tallandier, 1927, 269 p5 Philippe SEGUIN, Louis Napoléon le Grand, Paris, Grasset, 1990,6 Suzanne DESTERNES, Henriette CHANDET, Napoléon III, homme du 20ème siècle, Paris, Hachette, 1961

10

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Pourtant, comme dit auparavant, Napoléon III n’ébranla pas la manière et les

conditions de la conduite de la diplomatico-stratégique française. La répartition des postes

diplomatiques resta inchangée : en 1853, il existait trente-quatre postes diplomatiques dont six

ambassades et vingt-huit légations.7 En 1870, le régime impérial comptait trente-deux postes

diplomatiques constitués de sept ambassades et vingt-cinq légations.8 Auprès des Etats de la

Confédération germanique, l’Etat français était représenté par des légations : à Francfort,

Brunswick, Dresde, Darmstadt, Stuttgart, Hambourg, Weimar, et enfin Munich. Deux

ambassades clôturaient cette distribution des postes : Vienne et Berlin. Cette dernière reçut

une ambassade au moment de la signature du traité de commerce entre la Prusse et la France

en 1862.

Ainsi, c’est avec une diplomatie inchangée, mais avec de nouvelles idées, que le

nouvel empereur français rentra dans le concert des grandes puissances.

2. La direction des affaires en France et en Bavière

Les Affaires étrangères demeuraient un domaine à part dans les structures

politiques de l’Etat. En France, comme dans le royaume de Bavière, le souverain était le seul

à décider une entrée en guerre.

En Bavière, Maximilien II était monté sur le trône à l’occasion des évènements

de 1848-1849. Le 6 mars 1848, Louis 1er abdiqua en faveur de son fils Maximilien. Les

munichois n’appréciaient pas la liaison du roi Louis 1er avec Lola Montès. Ce fut un des

motifs de l’abdication du roi, selon Max Spindler.9 Maximilien II, le pouvoir consolidé,

7 Jean BAILLOU, Les Affaires étrangères et le corps diplomatique français, Paris, éditions CNRS, 1984, 833 p 8 ibidem9 Max SPINDLER, Bayerische Geschichte im 19 und 20 Jahrundert 1800 bis 1970, Munich, CH Beck, 1978,

11

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organisa les Affaires étrangères autour de sa personne. Il avait de sa fonction une haute idée,

conscient qu’il participait à la marche du monde. Roi philosophe et constitutionnel pour

nombres de ces biographes10 et de ces contemporains, il évoluait dans un univers idéel

« ancien » : fier d’être le descendant d’une grande famille, les Wittelsbach, qui possédaient la

Bavière depuis le milieu du 13ème siècle. Ce sentiment, lié au particularisme bavarois et à

l’éducation catholique, contribuait à faire du sentiment national allemand du roi un concept

lointain et vague. L’idée d’Etat-Nation, propagée en Europe par Napoléon Ier, s’était traduite

dans la pratique par des occupations, des désastres. Ces constats ne permirent pas de convertir

les allemands aux vues françaises : la tradition impériale restait encrée dans l’imaginaire

collectif allemand. Surtout la masse des princes ne voulait pas perdre un pouvoir qu’ils

avaient obtenu à force de combats séculaires. C’est dans ces conditions que Maximilien II

s’inséra dans le jeu des relations interétatiques.

En Allemagne, il faisait la promotion d’une conception fédéraliste de

l’Allemagne contre le dualisme austro-prussien. Afin de mener à bien cette politique, le roi fit

confiance au ministère du baron Ludwig von der Pfordten.11 Issu d’une famille protestante de

Franconie et ancien ministre des Affaires étrangères de Saxe en 1848-1849, il faisait parti de

cette « caste » de politiciens et de juristes, tels Beust ou Hohenlohe, serviteurs d’un potentat

local et toujours prêt à changer de maître quand les circonstances l’obligeaient. Néanmoins,

pour la plupart, et s’en était ainsi de Ludwig von der Pfordten, ils servaient loyalement

l’intérêt du souverain et du royaume. Le baron franconien mena la politique intérieure et

extérieure du royaume de 1849 à 1859. Il essaya de faire entendre la voix de la Bavière, aussi

bien dans la Confédération germanique, que dans le concert des grandes puissances, avec plus

ou moins de succès.

10 M DIRRIGL, Maximilian 2, König von Bayern 1848-1864,198411 Jean TULARD, op.cit, p 125

12

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En France, le nouvel empereur prit naturellement la direction de la politique

extérieure. Comment organisa-t-il le ministère des Affaires étrangères ? Avec qui entama-t-il

cette nouvelle ère impériale, synonyme de diplomatie active voir agressive ?

A son avènement, il se garda de changer totalement l’institution diplomatique. Un

décret en date du 3 juin 1853, confirma le décret de 1844 sur l’organisation du ministère.12 La

direction politique, elle, fut remaniée en quatre sous-directions : celle du Midi et de l’Orient,

celle du Nord, celle de l’Amérique et Indochine, et enfin une concernant les affaires

contentieuses. Comme ministre des Affaires étrangères, l’empereur choisit, à partir de juillet

1852, Drouyn de Lhuys.13 Cet homme, descendant d’un chevalier de Saint-Louis, appartenait

à la tendance conservatrice. Napoléon III cherchait, avec la nomination de ce conservateur, à

s’attacher les cours européennes conservatrices, plus particulièrement l’Autriche et la Russie.

Cette nomination permettait aussi de s’assurer les forces traditionnelles françaises ainsi « que

les doctrines qu’une longue expérience avait fait considérer comme la meilleure sauvegarde

de nos intérêts extérieures. »14 Drouyn de Lhuys s’attacha à rehausser le prestige de la France

auprès des cabinets étrangers. La crise orientale allait constituer sa première épreuve

internationale.

3. Un conflit sourd dans la diplomatie française ?

Selon Emile Ollivier, la diplomatie française aurait connu un conflit interne, qui

aurait contribué à créer des dissensions au sein de l’institution. Ces oppositions étaient surtout

12 Jean BAILLOU, op.cit13 Jean BAILLOU, op.cit 14 Bernard D’HARCOURT, Les quatre ministères de M. Drouyn de Lhuys, Paris, Plon, 1882, 62 p

13

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d’ordre idéologique, mais elles connaissaient des implications pratiques. La politique des

Nationalités constituait la pierre d’achoppement du conflit.

Néanmoins, dans un premier temps, les diplomates se rangèrent du côté de

Napoléon III, car ils lui étaient reconnaissants d’avoir rétabli l’ordre en France. Mais du fait

de leurs extractions aristocratiques, les hommes de la Carrière ne pouvaient être en accord

total avec les principes formulés par l’empereur. Par exemple, sur cent ministres

plénipotentiaires, soixante-dix étaient originaires de familles titrées. C’est ce constat qui

amena les contemporains et historiens à s’interroger sur un éventuel conflit sourd entre le

pouvoir impérial et le corps diplomatique. Il n’est pas ici question de trancher la question,

mais il est intéressant pour le sujet qui nous concerne de décrire ce cas. Ce fut Emile Ollivier,

dans son Empire libéral15, qui en parla le premier. Selon l’ancien ministre, l’origine sociale

du corps diplomatique n’aurait pas permis à l’empereur d’attribuer sa pleine confiance aux

diplomates.

De plus, Napoléon III, dans sa conduite de la diplomatie, avait souvent la

propension à intriguer. Les diplomates se plaignirent de cette diplomatie officieuse : les

célèbres entrevues de Plombières et de Biarritz furent des exemples notables de cette pratique

« occulte », qui faisait abstraction de l’appareil officiel. Bernard d’Harcourt notait que « dès

son entrée à l’Elysée, l’empereur a entretenu des correspondances, noué des relations ou

accueilli des ouvertures auxquelles ses conseillers officiels restaient étrangers.»16 C’est

surtout, au-delà des oppositions idéologiques, « la manière dont l’empereur a conduit sa

politique extérieure »17, qui fit souffrir le corps diplomatique. Les ambassadeurs étrangers

pouvaient avoir accès directement à l’empereur. Comme le constatait Emile Ollivier,

« l’empereur [ ] leur créait des facilités de le pénétrer, de l’influencer, de l’engager, de profiter

15 Emile OLLIVIER, l’empire libéral, 16 Bernard D’HARCOURT, op.cit17 Jean BAILLOU, op.cit

14

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de ses premiers mouvements irréfléchis, en les admettant parmi les familiers de sa

cour. »18L’empereur déclara même à l’ambassadeur de Prusse qu’une « déclaration d’un de

ses ministres n’aurait pas d’importance. Je sais seul quelle sera la politique extérieure de la

France. »19 Ces sur ces dires que le comte Von der Goltz, ministre de Prusse à Paris, a pu

informer Berlin de ne pas prendre en compte les pressions diplomatiques venant du ministère

des Affaires étrangères français. Autre exemple : Walewsky, ministre des Affaires étrangères

en 1859, fut mis au courant de la discussion de Napoléon III avec Cavour cinq mois après

qu’elle eut lieu. De même pour le duc de Gramont, en poste en 1869 à Vienne, qui apprit des

années plus tard par ses homologues autrichiens, l’existence de négociations entre Paris et

Vienne. Avec ce genre de conflits, la diplomatie française ne pouvait peser d’un poids plus

considérable dans le concert des puissances européennes. Elle était discréditée, court-circuitée

par la conduite du souverain. Les étrangers en poste à Paris ne le savaient que trop bien ; ainsi

ils disposaient de moyens supplémentaires pour parvenir à leurs fins.

Ce conflit sourd contribua à semer le trouble et le doute au sein du corps

diplomatique français, mais aussi auprès des chancelleries européennes. Elles se méfiaient du

« neveu de l’Aigle », qu’elles soupçonnaient de vouloir affranchir la France du « joug » des

traités de 1815. Pourtant Napoléon III avait fait preuve de « pacifisme » en déclarant à

Bordeaux le 9 octobre 1852 : « l’empire, c’est la paix.»20  Or, un an plus tard, l’affaire des

chrétiens d’orient lui permettait de sortir la France de son isolement diplomatique.

18 Emile OLLIVIER, op.cit19 Emile OLLIVIER, op.cit20 Jean TULARD, op.cit, p

15

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B. Munich, Paris et la guerre de Crimée (1853-1856)

1. Causes et déroulement de la guerre

La guerre de Crimée, qui opposait les grandes puissances européennes, fut

l’occasion pour Louis-Napoléon de créer une fissure, voir de briser en entier, l’ordre

international issu du congrès de Vienne. Jeu complexe, auquel s’est adonné le souverain, qui

n’alla pas sans risques et calculs de forces. En quoi une affaire religieuse, loin de la France,

pouvait-elle intéresser l’empereur ? Quelles étaient les causes profondes et immédiates de la

guerre? Que pouvaient espérer les différents belligérants dans ce conflit ?

La crise eut pour point de départ un banal problème entre moines latins et grecs.

La protection des « Lieux Saints » et des chrétiens d’orient constituait un antagonisme franco-

russe. La Russie de Nicolas Ier cherchait à obtenir auprès du sultan la protection des chrétiens

d’orient. Aux yeux des ottomans, la protection russe des chrétiens d’orient équivalait à une

ingérence inacceptable de la Russie dans les affaires intérieures du sultanat. Alors que

Menchikov, ambassadeur russe auprès de la Porte, avait obtenu un premier protectorat en mai

1853 grâce à un firman, il réclama, sous forme d’un ultimatum, la protection russe pour tous

les chrétiens d’orient. Avec l’appui britannique, l’empire ottoman, « homme malade de

l’Europe »21 selon Nicolas Ier, repoussa la demande russe : le 23 mai 1853, Menchikov quitta

Constantinople ; les relations russo-ottomanes furent rompues.

Dans ce conflit, Napoléon III joua la carte anglaise. Pourquoi une telle attitude ? Il

était décidé à se rapprocher de l’Angleterre victorienne. Il y vit l’occasion d’entamer une

alliance, qu’il voulait durable, avec les britanniques en s’alignant sur leurs vues. Pour le

souverain, l’Angleterre demeurait le modèle politico-économique le mieux adapté aux valeurs

21 Jean TULARD, op.cit, p 378

16

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« nouvelles.» Sa vie passée, en exil, en Angleterre l’avait convaincu de la pertinence du

système économique capitaliste. Le modèle politique, aussi, obtenait les faveurs de Louis-

Napoléon.

Dans le domaine intérieur, il devait aussi faire face à la majorité catholique, qui

ne voulait pas laisser ses frères d’orient passer sous protection russe, alors que la France était

le protecteur des catholiques latins d’orient depuis 1740.22 Ces aspirations amenèrent

l’empereur à entreprendre une politique extérieure active en accord avec le cabinet

britannique.

Pourtant la guerre ne fut que l’ultime recours. L’entrée des troupes russes dans

Bucarest, le 6 juillet 1854, ne déclencha pas l’intervention militaire franco-anglaise. Une

médiation de l’Autriche fut envoyée à la Russie qui l’accepta. La conférence n’aboutit sur rien

de concret, car les prétentions russes apparaissaient disproportionnées pour les ottomans.

Soutenue par l’Angleterre, le sultan Abd ul Medjid prit l’initiative de la rupture : une flotte

anglaise arrivait vers les Dardanelles. Le 27 mars 1854, la France et L’Angleterre déclarèrent

la guerre à la Russie, après avoir constaté l’échec de la conférence. En avril, le siège russe de

Silistrie dans le Bas Danube était de nature à inquiéter l’Autriche. La coalition occidentale

essaya de s’allier l’Autriche. L’équilibre balkanique était en jeu : ne rien faire signifiait pour

Vienne qu’elle n’obtiendrait aucun gain de quelque nature que ce soit. Les russes, voyant la

menace autrichienne se concrétiser et le débarquement de la flotte franco-britannique dans le

port de Varna, levèrent le siège de Silistrie, le 22 juin, afin d’évacuer les principautés

danubiennes et de préparer la défense de la Russie. L’Autriche souhaitait s’engager plus aux

côtés des franco-anglais. Mais elle ne put y parvenir. Buol, ministre d’Autriche, avait fait

dépendre l’intervention autrichienne dans le conflit d’une approbation de la Confédération

22 ibidem

17

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germanique. La Prusse et la Bavière, principalement, contribuèrent à neutraliser l’organisation

allemande.

Le conflit fut donc localisé : la guerre ne tournait pas en guerre européenne voir

mondiale. Mais, il prit des proportions, d’un point de vue militaire, tel que les historiens23

l’ont désigné comme le premier conflit moderne. Sur le plan militaire, la coalition franco-

britannique débarqua, le 14 septembre 1854, dans la baie d’Eupatoria en Crimée. A partir du

20 septembre commença le siège de Sébastopol, qui allait être la bataille déterminante du

conflit.

La guerre de Crimée, du fait de sa dureté inédite, mit à rude épreuve les relations

entre Etats européens : un nouveau rapport de force pouvait-il sortir du conflit ? L’ordre de

1815 allait-il s’effriter face aux manœuvres diplomatiques des puissances ? Quelle position le

royaume de Bavière a-t-il adopté ? Sa position évolua-t-elle face aux évènements ? Quelles

furent les discussions entreprises entre la France et la Bavière  afin d’aboutir à une position

commune?

2. Bavière et France : des intérêts antagonistes ?

Alors que la guerre se profilait, en Bavière, Maximilien II et son ministre Von der

Pfordten décidaient d’agir et de proposer leurs bons services aux grandes puissances. Pour la

Bavière, un démembrement de l’empire ottoman pouvait coïncider avec un accroissement

territorial du royaume de Grèce ; royaume dirigé par le frère de Maximilien II, Othon Ier de

Grèce. Cela aurait contribué à faire des Wittelsbach, une famille d’Europe des plus

importantes et ainsi rejaillir sur le prestige de la Bavière. Car le royaume bavarois n’abdiquait

pas dans sa volonté de mener une diplomatie indépendante et active. La promotion au titre de

23 Alain GOUTTMAN, la guerre de Crimée, Paris, Perrin, 2003, 437p

18

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roi ; le gain du Palatinat (der Pfalz), au début du dix-neuvième siècle, avaient donné raison à

la diplomatie bavaroise menée par Montgelas. La Bavière, devenue royaume, en 1806, par la

grâce de Napoléon Ier, fut admise au rang des vainqueurs au congrès de Vienne. Elle comptait

toujours peser sur les règlements des conflits internationaux.

La question d’orient, soulevée par la Russie, intéressait donc le souverain bavarois

au plus haut point : intérêt familial et diplomatique s’accordaient. Pour la diplomatie, une

aide à la Russie et aux orthodoxes des Balkans permettrait de rendre la Bavière totalement

indépendante et de la hausser au rang de puissance incontournable. De plus, aider la Russie

permettrait de consolider le trône de Grèce et peut être de l’agrandir.24 Allier le sentiment

religieux avec le sentiment national : voilà ce qui aurait pérennisé le trône grec du

Wittelsbach.

La France et L’Angleterre se sentaient-elles menacées par cette éventuelle

extension des alliances ? Napoléon III et le cabinet britannique ne pouvaient rester insensible

à cette approche bavaroise de la crise. Pour couper court à toute velléité grecque, les franco-

anglais occupèrent le port du Pirée au printemps 1854.25 Ainsi un soulèvement anti-ottoman

en Grèce devenait de moins en moins probable. Maximilien II et son ministre Von der

Pfordten ne purent que constater l’échec de la politique bavaroise.

A partir du printemps 1854, la Bavière décida d’aligner sa politique extérieure sur

les orientations de la Confédération germanique. Au sein de la Confédération, l’Autriche

cherchait à entraîner le Deutsches Bund au côté de la coalition occidentale. En Autriche, la

crise orientale révéla l’existence de deux camps antagonistes : les conservateurs préféraient

l‘alliance russe par respect des traités de 1815, alors que Buol et Bach, à la tête de l’appareil

étatique, penchaient plutôt vers une alliance anglaise afin d’éviter un encerclement russe de

24 Max SPINDLER, op.cit, p 27925 Pierre MILZA, Napoléon III, Paris, Perrin, 2004

19

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l’Autriche dans les Balkans.26 Ils pensaient pouvoir compter facilement sur les Etats du Bund.

Or, il n’en fut rien : la Bavière avait fait son deuil de la grande politique et s’opposait, dans le

cadre du Deutsches Bund, aux prétentions autrichiennes. La neutralité était de mise aussi

parmi les Etats allemands petits et moyens ; « ils se jugeaient menacés par la puissance

renaissante de la France. »27 La Bavière n’échappa pas à cette peur, et voir l’Autriche, et

peut-être la Confédération, s’associer à l’empire français n’éveillait que des soupçons dans les

pays allemands. La volonté de rester neutre, malgré les approches russes, n’empêcha pas

Maximilien II et son fidèle ministre von der Pfordten d’essayer de défendre les intérêts des

Wittelsbach de Grèce. L’occupation du Pirée par la flotte franco-britannique, au printemps

1854, amena la Bavière à organiser une conférence avec les Etats moyens allemands

(Bavière, Saxe, Hanovre, Wurtemberg, Nassau, Bade, Hesse électorale, et la Hesse) à

Bamberg.28 Tenue du 25 au 30 mai 1854, cette conférence permit de trouver une ligne

commune contre les intentions antagonistes de l’Autriche et de la Prusse. Elle aboutit à la

demande, adressée aux grandes puissances, de garantir le droit des grecs. Déclaration de pure

forme, qui n’annihila pas les tensions ouvertes par le conflit dans le Bund. L’obstacle majeur

résidait dans l’attitude des deux grandes puissances allemandes. La Prusse, comme le souligna

Bismarck, envoyé de la Prusse à la Diète confédéral, ne devait pas s’ « enchaîner au vaisseau

de guerre vermoulu qu’était l’Autriche. »29

En février 1855, alors que Vienne contractait une alliance avec les puissances

occidentales, qui stipulait qu’en cas de refus russe d’une médiation autrichienne, cette

dernière était en droit de rentrer en guerre contre la Russie, la Prusse en profita pour se

séparer de l’Autriche. Elle protesta à la Diète confédérale et fut suivie par les autres Etats

allemands. Ils n’admettaient pas que Vienne se serve de l’intérêt du Deutsches Bund pour le

26 Peter RASSOW, Histoire de l’Allemagne, Lyon, éditions Horvath, 1969, p 57127 ibidem28 Max SPINDLER, op.cit, p27929 Peter RASSOW, op.cit, p572

20

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sien propre. Maximilien II de Bavière s’arrangeait bien du refus prussien de mobilisation

contre la Russie. La Prusse fit adoptée par la Diète confédérale en février 1855, un vote qui

adoptait une neutralité armée, mais sans spécifier d’adversaire.30 Pour la Bavière, c’était la

garantie nécessaire pour protéger le Palatinat bavarois d’une éventuelle agression française.

La France et la Bavière, devant les évènements qui se dessinaient, n’ont pu se

retrouver sur une position commune : les buts recherchés par chacun des deux Etats ne

pouvaient se concilier.

3. Bavière et France à la fin de la guerre

La guerre de Crimée n’avait pas empêché les discussions diplomatiques de se

poursuivre. Cependant, chacun des Etats aux prises cherchaient un avantage militaire pour

pouvoir s’asseoir autour d’une table. Cet avantage, ils pensaient le trouver à Sébastopol. La

prise de la tour de Malakoff par Mac-Mahon, commandant de la première division de l’armée

d’orient, décida du sort de Sébastopol. La Russie dut reprendre le chemin de la diplomatie

afin de minimiser la défaite ; mais elle était résolue à continuer la guerre. En Allemagne, la

défaite russe incita les Etats moyens à demander au nouveau tsar Alexandre II de signer des

préliminaires de paix : La Bavière se joignit à cette initiative afin de jouer un rôle dans le

règlement du conflit.31Ces démarches appuyées fortement par l’Autriche, la France et

l’Angleterre, aboutirent à la conclusion des préliminaires de paix, le 4 février 1856.32 Les

différents belligérants allaient se retrouver à Paris pour un congrès. L’heure des armes était

révolue ; vint le temps des cabinets et des discussions en commissions. Paris choisie, cela

manifestait du rôle nouveau que Napoléon III jouait. Son armée impressionna les

30 Max SPINDLER, op.cit, p27931 Alain GOUTTMAN, op.cit, p369 32 Pierre MILZA, op.cit,

21

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chancelleries européennes, et il supplanta la Russie dans son habit d’arbitre de l’Europe

continentale. Paris apparut, donc, comme le lieu idéal pour réunir les puissances concernées.

A la conférence de Paris, la Russie fut contrainte d’appliquer les « quatre

points »33 : garantir l’intégrité de l’Empire ottoman en renonçant au protectorat des

principautés danubiennes ; renoncement au protectorat des chrétiens d’orient ; neutralisation

de la mer noire. Enfin l’Autriche n’obtint que la liberté de navigation sur les bouches du

Danube. Son comportement ne fut pas apprécié par la France et l’Angleterre, et la Russie sut

se souvenir que Vienne occupa les principautés danubiennes (Moldavie et Valachie). La

France, outre le prestige inhérent à toute victoire militaire, obtint la protection des chrétiens

d’orient. Napoléon III, surtout, réussit à ébranler le front de 1815. Ensuite Walewsky,

ministre des Affaires étrangères française et président du congrès, fut autorisé à soumettre la

question des nationalités aux participants. Cela représentait une avancée majeure pour les

tenants de la politique des nationalités. Ainsi l’union des principautés moldavo-valaques sous

le même hospodar fut acceptée par les dirigeants européens ; ce qui représentait une avancée

de taille pour les tenants de la politique des nationalités.

La Bavière, elle, ne fut même pas conviée au congrès. Maximilien II ressentit

durement le coup porté à la Bavière. Pourtant, elle tenta au cours du conflit de se démarquer

des deux grandes puissances allemandes ; elle offrit ses bons offices aux principaux acteurs.

Ludwig Von der Pfordten mena une activité diplomatique considérable, mais les possibilités

d’influence n’étaient pas grandes. L’armée bavaroise se trouvait dans un état déplorable.34 Ce

fut de loin qu’elle assista au règlement du conflit. Le souverain bavarois constata la

destruction du front de 1815 : ses territoires n’étaient plus garantis. Le Palatinat pouvait

devenir l’enjeu de l’appétit des puissances. Surtout, la France de Napoléon III était abhorrée

33 Alain GOUTTMAN, op.cit, p37934 Max SPINDLER, op.cit, p279

22

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par les dirigeants bavarois, car la France jetait son dévolu sur les pays de la rive gauche du

Rhin, « frontières naturelles » de la France35 : le Palatinat était clairement menacé.

Ainsi, Maximilien II comprit qu’il ne pouvait plus agir seul pour influencer les

grandes décisions internationales. L’armée bavaroise n’était pas assez performante pour

mener une politique extérieure efficace. Clausewitz ne fit pas école dans toute l’Allemagne.

La Confédération devint l’organe par lequel le royaume de Bavière essaya désormais

d’influencer les mesures internationales. La priorité, pour le souverain et son ministre,

consistait à aboutir à une réforme du Deutsches Bund. Cette réforme devait amener un gain de

pouvoir en Allemagne. La Bavière, troisième plus grand Etat d’Allemagne, estimait qu’elle

devait jouer un rôle majeur dans les destinées du Bund. La réforme désirée s’insérait dans le

contexte de la question allemande. Les révolutions allemandes de 1848 avaient montré le vif

intérêt que portaient une partie des allemands pour la question de l’unité. Mais, les années

1850 avaient laissé place à l’« ère de la Réaction » : la Prusse et l’Autriche étaient apparues

comme les gendarmes de l’espace germanique. La Bavière, elle, n’essaya pas de s’attirer les

nationalistes, alors que le royaume bavarois présentait un modèle de monarchie

constitutionnelle qui plaisait aux nationalistes. Cependant, l’univers idéel du roi et le

particularisme bavarois ont eu raison de l’intérêt que les nationalistes pouvaient manifester à

l’encontre de la Bavière.

La guerre de Crimée et le congrès de Paris marquèrent la réalisation d’un nouvel

ordre européen. La France et l’Angleterre furent les grands vainqueurs du conflit. La Russie

était renvoyée à sa modernisation, ainsi que l’empire ottoman qui, en plus, devint tributaire

des anglo-français. L’Autriche se retrouvait isolée pour avoir « eu une politique un peu trop

subtile.»36 Les Etats allemands moyens se voyaient écartés. Cela se ressentit dans les rapports 35 la théorie des « frontières naturelles », fortement propagée en France désignait les pays de la rive gauche du Rhin comme des pays à vocation française. Louis Girard, dans sa biographie de Napolèon3, estime que Louis- Napoléon a abandonné cette idée d’incorporer les pays allemands de la rive gauche du Rhin. 36 Peter RASSOW, op.cit, p572

23

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franco-bavarois. Napoléon III incarnait tout ce qui fallait éviter en Bavière : le régime

impérial basée sur le suffrage universel ; l’idée nationale, et les agissements diplomatiques de

Napoléon III inquiétaient. Après avoir ébranlé le front de 1815, où allait-il agir ? L’heure de

l’agrandissement territorial était-il venu ? Maximilien II et son ministre s’interrogeaient sur

les manœuvres françaises. La défense de la Bavière, en piteux état, passait dès lors par la

refonte de la Confédération ou par une alliance durable avec l’une des deux puissances

allemandes.

C. De Paris à l’Italie : la méfiance bavaroise (1856-1859)

1. L’apogée de la diplomatie française en Europe

Au sortir de la guerre de Crimée et du congrès de Paris, toute l’Europe constata

que « l’empereur victorieux apparaissait comme l’arbitre de l’Europe. »37 Avec le retrait russe

et les difficultés de l’Angleterre aux prises avec une gigantesque révolte dans l’Inde, « une

période de prépondérance française s’ouvrait à nouveau. »38  En plus des clauses territoriales

du traité de paix de mars 1856, Napoléon III « attendait davantage de cette imposante réunion

des négociateurs de l’Europe. »39 Il espérait qu’elle « procéda un tour d’horizon de tous les

problèmes qui se posaient sur le continent pour éviter les difficultés futures. »40 Cette volonté

fut manifeste quand le ministre du Piémont, Cavour, fut autorisé d’ « exposer les

revendications piémontaises sur l’état de l’Italie. »41 Cavour expliqua « aux représentants des

puissances que si l’Autriche persistait à maintenir sa domination sur le nord et le centre de la 37 Louis GIRARD, Napoléon III, Paris, Hachette, 1983, p 259 38 ibidem39 ibidem40 ibidem41 ibidem

24

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péninsule italienne, [ ] personne ne pourrait empêcher que se développe une nouvelle flambée

révolutionnaire mettant en péril l’ordre européen et la paix entre les nations. »42

Paradoxalement, le congrès, en plus d’entériner la défaite russe, vit se concrétiser

un rapprochement franco-russe. En novembre 1855, le duc de Morny, demi-frère de

l’empereur français, était entré en relations secrètes avec le ministre Gortchakov. Morny était

partisan d’ « une alliance conservatrice » avec le tsar. L’amitié russe apparaissait plus efficace

que l’alliance autrichienne. Pour la Russie, l’alliance autrichienne devenait caduque : l’enjeu

balkanique prenait le pas sur le maintien en Europe du principe de légitimité monarchique.

Napoléon III avait senti le vent tourné pour l’alliance des deux monarchies. En plus des

correspondances de Morny avec Gortchakov, Napoléon III noua des relations avec le

chancelier Nesselrode par l’intermédiaire de M. de Seebach, ministre de Saxe à Paris.43 Le

souverain français pressa Alexandre II de demander la tenue d’un congrès, tout en faisant

entrevoir un rapprochement des deux peuples qui, « fut-ce sur un champ de bataille, ont eu

l’occasion de se rencontrer et de s’estimer mutuellement. »44  Au congrès, l’empereur se posa,

ainsi, comme l’arbitre des différends entre la Russie et l’Angleterre appuyée par l’Autriche.

L’intervention de Cavour au congrès, le 8 avril 1856, attesta des nouvelles

relations que la France entretenait avec le Piémont. Appuyer le royaume italien dans sa

politique extérieure, n’était-ce pas se mettre à dos l’Autriche, qui domine l’espace italien ?

Cavour le savait que trop bien. Dans ce cas-là, l’appui russe eut été plus appréciable.

l’Angleterre, elle, ne pouvait intervenir sur le continent européen. Son armée de terre ne tenait

pas la comparaison avec l’armée française ou russe (par le nombre). Dans tous ces calculs

complexes, Napoléon III comprit qu’il fallait courtiser Alexandre II afin d’isoler Vienne et de

mener une politique révisionniste aux frontières françaises.

42 Pierre MILZA, op.cit, p 35443 Alain GOUTTMAN, op.cit, p 37144 Alain GOUTTMAN, op.cit, p 375

25

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Pour parvenir à ces fins, Napoléon III sut, après le congrès, s’attirer la Russie en

l’appuyant dans les Balkans. Comme l’atteste Louis Girard, l’empereur «  déploya une intense

activité dans les Balkans [ ], avec la complaisance russe, et souvent au grand dépit des

gouvernements de Vienne. »45 La première manœuvre manifestant le rapprochement franco-

russe fut le soutien apporté par Napoléon à l’union des deux principautés danubiennes. Elles

élirent le même hospodar en la personne d’Alexandre Couza, un noble roumain francophile.46

Ensuite, il orienta son action vers la Serbie et le Monténégro. Ces deux pays étaient ballottés

entre les puissances ottomane, autrichienne et russe. Ils recherchaient leurs autonomies, mais

étaient tributaires de la bonne volonté de l’une des deux puissances chrétiennes pour

s’affranchir du joug ottoman. Napoléon III soutint l’autonomie de la Serbie et du Monténégro

en accord avec la Russie.

La France de Napoléon III, à partir de 1856, s’appliqua à se créer une clientèle

d’Etats. Le Piémont de Victor-Emmanuel, qui, à partir de 1855, avait participé à la guerre de

Crimée, recherchait des appuis afin d’agrandir son royaume et, par là, capter le mouvement

national italien. Napoléon, qui se désignait comme le « prince des nationalités », avait, dans sa

jeunesse, participé à des mouvements insurrectionnels dans l’Italie pontificale. Il lui

apparaissait évident qu’il allait se décider à « faire quelque chose pour l’Italie » au moment

opportun.47 Une Italie à prépondérance française, souhaitée par une partie du pouvoir, dont

principalement le prince Napoléon-Jérôme, chef du camp des « italianistes », emportait les

faveurs du souverain. Il pensait pouvoir contenir la future force du royaume piémontais. Les

années 1857-1858 furent mises à profit pour créer une alliance militaire solide avec le

royaume piémontais tournée contre l’Autriche. En quatre ans de régime napoléonien, la

France recouvrait son honneur d’antan.

45 Louis GIRARD, op.cit, p 25946 Pierre MILZA, op.cit 47 Louis GIRARD, op.cit

26

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L’armée française, par son intervention déterminante dans la guerre de Crimée,

redevenait aux yeux de l’Europe, la première armée du monde. Napoléon III pensait que le

moment était venu de mener, au cœur de l’Europe, une diplomatie active au service du

principe des nationalités. L’Italie, par l’intermédiaire du Piémont, allait être son prochain

terrain de jeu.

2. La Bavière et la France au cours de la guerre d’Italie (1859)

Comme le précise Jean Ganiage, « les affaires d’Italie furent certainement la

grande préoccupation du règne. »48 L’attentat d’Orsini, le 14 janvier 1858, constitua

l’évènement décisif. Pas de paix en France si Napoléon n’intervenait pas dans les affaires

d’Italie : voilà le message que comprit l’empereur. Quatre mois après, le 21 juillet,

Napoléon III rencontra le ministre Cavour à Plombières. En sortit une alliance en bonne et

due forme dans laquelle Cavour savait qu’il aurait le cas échéant, et malgré la divergence de

vue, l’appui militaire de la France. Napoléon III, selon Pierre Milza49, n’était pas prêt à voir

se réaliser l’unité de la péninsule. Il optait plutôt pour la création d’une confédération sous

influence française. L’important résidait dans le fait que le Piémont devait apparaître aux

yeux des puissances comme l’agressé.

Dans tous ces calculs, Napoléon ne cherchait pas à obtenir les bonnes grâces des

Etats moyens allemands dont la Bavière. Il savait qu’il n’y avait pas « grand-chose à

attendre de la Bavière et de la Saxe, trop proches des Habsbourg pour ne pas au moins rester

neutre dans le conflit. »50 Les manœuvres de Napoléon en Italie ne pouvaient qu’éveiller des

soupçons sur la conduite diplomatique française. La Bavière, comme toutes les autres unités

48 Jean TULARD, op.cit, p 65649 Pierre MILZA, Napoléon III, op.cit, p 34550 ibidem

27

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politiques de moindre importance, se sentait menacée dans son existence même. Napoléon

III ne déclarait-il pas que les individus ont tendance à se réunir dans de grandes unités

politiques. En Bavière, cette ligne de conduite allait à l’encontre des principes fondateurs du

royaume. Bien que le royaume bavarois était l’un des Etats les plus avancés, aussi bien au

niveau politique avec la monarchie constitutionnelle que dans le domaine économique (c’est

le premier Etat allemand à avoir construit une ligne de chemin de fer entre 1833 et 1835)51,

il ne pouvait adhérer aux conceptions politiques françaises ainsi qu’au tour que prenait la

politique extérieure impériale. Maximilien II penchait du côté de l’Autriche. Le roi était

plutôt partisan, au sujet de la question allemande, de la solution « Grande Allemagne »

englobant les possessions non germaniques des Habsbourgs. Bouter Vienne d’ Italie

équivaudrait à un affaiblissement de la position bavaroise en Allemagne.

Pourtant, Napoléon III était décidé à en découdre avec les Habsbourg. Le 1er

janvier 1859, Napoléon III lâcha, lors de la réception du corps diplomatique aux Tuileries, au

comte Hübner, ambassadeur d’Autriche : « je regrette que nos rapports ne soient pas aussi

bons que je désirais qu’ils fussent, mais je vous prie d’écrire à Vienne que mes sentiments

pour l’empereur sont toujours les mêmes. »52 Dans le Piémont, Victor-Emmanuel ne pouvait

rester « insensible au cri de douleur » qui provenait « de tant de parties de l’Italie. »53  Le 26

janvier 1859 fut conclu l’alliance franco-sarde. Cette alliance offensive et défensive était

tournée contre l’Autriche. « Il était précisé que le but de l’alliance était d’affranchir l’Italie de

l’occupation autrichienne et de créer un royaume de Haute-Italie de onze millions

d’habitants. »54 La France obtiendrait la Savoie et le comté de Nice. De plus, «  la

souveraineté du pape serait maintenue dans l’intérêt de la religion catholique. »55 Enfin la

France s’engageait à déployer 200 000 soldats aux côtés des 100 000 sardes. L’alliance fut 51 Jean TULARD, op.cit, p12352 Pierre MILZA, op.cit, p 34853 Pierre MILZA, op.cit, p 34954 ibidem, p 34955 ibidem, p349

28

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officialisée avec le mariage du prince Napoléon et la princesse du Piémont, Marie-Clotilde.

Le 3 mars fut conclu un traité secret franco-russe.56 La Russie s’engageait dans une neutralité

bienveillante et promettait une pression amicale vers la Prusse.

Alors que Napoléon III tergiversait et voyait avec effroi les conséquences de ces

manœuvres en Italie, « ce furent les autrichiens qui, en fin de compte, prirent la responsabilité

de déclencher la guerre. »57  «  Les difficultés intérieures de l’Empire ne permettaient pas au

gouvernement de Vienne de maintenir très longtemps sur le pied de guerre une armée

nombreuse. »58 Le 23 avril 1859, l’empereur d’Autriche François-Joseph envoya un

ultimatum au Piémont leur donnant trois jours pour «  cesser leurs préparatifs militaires et

pour démobiliser leur armée. »59 Victor-Emmanuel et Cavour rejetèrent les exigences

autrichiennes. La guerre était donc déclarée. Napoléon III prit le commandement de l’armée.

Le 27 avril 1859, l’armée autrichienne, commandée par Guilay, franchisait le

Tessin. Mais au lieu d’attaquer les piémontais, Guilay attendit la jonction des français avec

les piémontais. La première grande victoire franco-piémontaise eut lieu le 4 juin 1859 à

Magenta. Elle ouvrit la route de Milan, qui fut atteint le 8 juin. Le reste de l’Italie se souleva,

tant et si bien que l’Autriche n’occupait plus que la Vénétie. Le 24 juin, la coalition franco-

sarde remporta la bataille de Solferino, au sud du lac de Garde. Cette victoire obtenue grâce à

un lourd sacrifice des soldats (40 000 morts au total ; 17 500 soldats français)60 devait amener

François-Joseph à accepter les demandes de paix formulées par le général Fleury. Le 11 juillet

fut signé les préliminaires de paix de Villafranca.61

56 Peter RASSOW, op.cit, p 57657Peter RASSOW, op.cit, p 35158 ibidem, p 35159 ibidem, p 35160 ibidem, p 35661 Jean TULARD, op.cit, p 659

29

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3. Enseignements sur les rapports franco-bavarois

Ainsi, avec Villafranca, les armes avaient laissé leur place à la négociation. Alors

que la campagne fut assez rapide et que les franco-sardes étaient en mesure de conquérir la

Vénétie, Napoléon invita Vienne à entamer des pourparlers. Pourquoi un tel revirement ?

Au cours du conflit, l’Allemagne s’était réveillée sous la pression de la Prusse.

Magenta et Solferino contribuèrent grandement au revirement allemand.62 La Prusse profitait

des difficultés autrichiennes pour « prendre en main les destinées de l’Allemagne. »63 Vienne

invita les autres Etats allemands au nom du « germanisme bafoué par la France »64 à mobiliser

leurs troupes. L’opinion publique allemande, dans sa grande majorité, s’était enflammée et le

mot d’ordre suivi expliquait que « le Pô devait être défendu sur le Rhin. »65 La Prusse, elle,

décréta la mobilisation partielle le 28 juin et concentra six corps d’armées dans ses régions

rhénanes.66 La Confédération germanique n’avait pu trouver un accord, car François-Joseph

n’acceptait pas de voir la Prusse prendre la tête des armées du Bund.67 Cette intervention de la

Prusse ne permettait pas à l’armée française de combattre sur deux fronts. Villafranca arrivait

donc à point.

Le traité définitif fut signé à Zürich le 11 novembre 1859. Cependant, il ne

contentait personne : le Piémont, qui obtenait la Lombardie, avait été lâché par la France.

l’Autriche, elle, conservait la Vénétie. Les souverains du reste de l’Italie étaient restaurés dans

leurs prérogatives.68 Napoléon III n’avait pu réaliser « l’Italie libre jusqu’à l’Adriatique. »69 et

ne réclama pas la Savoie et Nice. Les patriotes italiens se sentirent abandonnés par l’ancien

62 Max SPINDLER, op.cit, p 28163 Pierre MILZA, op.cit, p 35764 ibidem65 Peter RASSOW, op.cit, p 57766 Jean TULARD, op.cit, p 65967 Peter RASSOW, op.cit, p 57868 Pierre MILZA, op.cit, p 35869 Pierre MILZA, op.cit, p 358

30

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carbonari, et lui vouèrent une haine durable. Aussi, le sentiment national allemand réveillé, il

prenait progressivement une tournure anti-française, même après la signature du traité de

paix. Napoléon n’allait-il pas après l’Italie s’ingérer dans les affaires allemandes ? Le principe

des nationalités, qui guidait les actes de Napoléon III, ne faisait-il pas de l’Autriche et de ses

alliés, empire multinational, l’ennemi privilégié du souverain français ?

Pour les Etats allemands petits et moyens, ces interrogations subsistaient. Face à

l’appétit napoléonien, que pouvaient-ils faire ? Se jeter dans les bras d’une des deux

puissances allemandes ou réformer le Bund, pour en faire une entité plus efficace sur le plan

militaire, constituaient a priori les deux seules possibilités d’action pour ces Etats-là.

En Bavière, la guerre avait exacerbé le sentiment pro-autrichien Le cercle des

catholiques conservateurs au Parlement avait apporté son soutien aux revendications

autrichiennes. Ils demandaient la mise en alerte de l’armée bavaroise, quitte à se ranger

définitivement du côté autrichien.70 Ils reculèrent devant l’état lamentable (kläglich) de

l’armée.71 Cependant, le 1er mai 1859, Maximilien II, pressé par la frange des conservateurs

catholiques, fut obligé de se séparer de son premier ministre Ludwig Von der Pfordten, qui

dirigeait les affaires bavaroises depuis 1849. Il fit appel à Karl Freiherr von Schrenk-Notzing

et le nomma ministre d’Etat.72 Il réduisit la capacité d’action de la Bavière à l’extérieur.73 La

position officielle bavaroise était de protéger la force du président du Bund, Vienne en

l’occurrence. Mais la paix signée à Villafranca, sans consulter la Confédération, ne plut guère

à Munich, qui avait soutenu l’Autriche. La Bavière fut, avec les autres Etats allemands

moyens, consciente de la nécessité criante de réformer le Bund. Mais la Prusse et l’Autriche

n’admettaient pas que cette initiative vienne des autres Etats allemands. La France était

honnie par le souverain bavarois et l’opinion publique bavaroise. Ils voyaient d’un mauvais

70 Max SPINDLER , op.cit, p 28071 ibidem72 ibidem, p 28173 ibidem

31

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oeil la nouvelle configuration territoriale de l’Europe. La révision des frontières de l’est,

objectif de Napoléon III, entretenait la haine des bavarois et des allemands de l’ouest.

Bien que la paix fût conclue à Zürich, les passions anti-françaises prenaient une

forme singulière en Bavière et en Allemagne. Toutes les couches de la population étaient

concernées. Les petits princes et les monarques se sentaient menacés dans leurs prérogatives.

Napoléon III le sentait, et pour couper court à toutes rumeurs, il proposa une entrevue au

prince-régent de Prusse, Guillaume, afin d’apaiser les craintes des princes allemands. Elle eut

lieu en juin 1860 à Baden-Baden. Les princes allemands, dont le roi Maximilien de Bavière, y

furent conviés. Cependant Napoléon III, comme le confirme Louis Girard, «  en dépit de ses

efforts, [ ] ne put calmer leurs appréhensions. Il semblait puissant, prépondérant ; en fait, il

était isolé. »74 Dans les couches populaires, le nationalisme connut une certaine recrudescence

avec la multiplication des fêtes patriotiques, au sein desquelles les sociétés de tir, de

gymnastiques et les chorales jouèrent un rôle prépondérant.75 Maximilien II, dans le souci de

donner « plus de moyens à la recherche historique sur le passé allemand », créa, en 1859, une

Commission pour la recherche des sources et l’étude de l’histoire de l’Allemagne.76Les

partisans de la grande-Allemagne et de la petite-Allemagne aiguisaient leurs arguments à

renforts de faits historiques. La Bavière était animée par le sentiment patriotique

particulariste. La revue catholique la plus répandue en Bavière était les « Historisch-politische

Blätter » (Cahiers de Politique historique). Fondée par Görres, et repris par Edmund Jörg, elle

« menait le combat du point de vue politique et social tel que l’avait défini le romantisme. Ils

s’attaquaient à l’Etat libéral et constitutionnel et à la négation de la société chrétienne. »77 Ils

contribuaient à encrer dans les esprits bavarois le sentiment particulariste et le lien

« indéfectible » qui l’unissait à l’Autriche, sa sœur catholique.

74 Louis GIRARD, op.cit, p 29775 Jean TULARD, op.cit, p3576 ibidem77 Peter RASSOW, op.cit, p 581

32

Page 33: Master 1: les relations entre la France et la Bavière de 1852 à 1871

De 1852 à 1859, les relations franco-bavaroises connurent une période tourmentée.

L’établissement d’un régime impérial qui reprenait les idéaux de la Révolution de 1789 et de

l’aventure napoléonienne effrayait les dirigeants bavarois.

La crise orientale et son prolongement dans le conflit de Crimée ouvrirent une

période de méfiance. Napoléon III n’avait pas cherché à se lier Maximilien II. Pourtant

Maximilien aurait pu être intéressé par une intervention avec les Occidentaux afin de faire

valoir les droits de son frère en Grèce. Maximilien préféra au départ se lier avec la Russie, qui

symbolisait la puissance du statu quo issu du congrès de Vienne. De plus, la Russie orthodoxe

possédait un lien religieux fort avec les Grecs. Aider la Russie pouvait permettre la croissance

du royaume d’Othon Ier. L’occupation du Pirée en 1854 changea la ligne fragile que tenait la

Bavière. La défense du droit des grecs passait par le poids de la Confédération en matière

internationale.

Le congrès de Paris mit fin au conflit. Les relations franco-bavaroises s’en

ressentirent. Le roi bavarois n’apprécia pas sa mise à l’écart lors du congrès : les destinées de

l’Europe pouvaient être faites sans la Bavière. Douloureux constat pour ce souverain

conscient de la mission historique et « divine » qu’il lui était attribuée. Tout cela ne pouvait

aider le souverain à apprécier Napoléon III. Ils ne pouvaient trouver un modus vivendi afin

d’entrevoir une politique commune. Du congrès de Paris à l’intervention en Italie, les

relations des deux pays se tendirent. La Bavière craignait aussi bien un éventuel conflit

austro-français que la révision des frontières de la France à l’Est, corollaire, semblait-il,

d’une quelconque défaite autrichienne.

33

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Avec l’intervention en Italie, Napoléon III avait réveillé les sentiments

nationalistes dans toute l’Europe. Les cercles nationalistes européens pensaient avoir trouvés

en Napoléon un prince de la Providence, un serviteur de la cause des Nations contre

l’oppression des monarchies de droit divin. Seulement, le nationalisme en Allemagne  se

développa contre Napoléon III : ils ne pouvaient admettre au nom du concept d’Etat-Nation la

perte d’un morceau de territoire de langue germanique .78 Plus Napoléon montrait des velléités

de révision des traités de 1815, plus il devenait urgent pour les Etats allemands moyens en

général et la Bavière en particulier d’organiser une réforme de la Confédération germanique

dans une perspective plus unitaire.

II. La Bavière face au révisionnisme français (1859-1866)

A. Paris et Munich face à la question allemande

1. La Bavière et la Confédération germanique : vers une réforme ?

Avec la guerre d’Italie, le sentiment national allemand avait été ranimé. Les

journaux se déchaînèrent contre la France, ennemi héréditaire de l’Allemagne. L’Autriche

s’était vue châtier en Italie. Son pouvoir s’amenuisait et elle perdait son influence en

Allemagne au profit de la Prusse. Aussi, les menaces de Napoléon III sur les frontières de

l’est poussaient les Etats moyens allemands, dont la Bavière, à hâter une réforme du Bund.

78 Pour le concept d’Etat-Nation, voir Thomas NIPPERDEY, Réflexions sur l’Histoire allemande,

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Page 35: Master 1: les relations entre la France et la Bavière de 1852 à 1871

La réforme du Bund n’était pas une question neuve. Dès la dissolution du Saint

Empire Romain Germanique, en 1806, la question de l’organisation politique allemande

s’ouvrait. La création de la Confédération germanique en 1815 constituait un retour aux

principes « anciens » et ne satisfaisaient guère les partisans de l’unité. Ainsi les révolutions de

1848 s’étaient manifestées contre cet ordre. Le parlement de Francfort cherchait une solution

à la question allemande, mais il achoppait sur le problème des frontières et du fédéralisme.

Car, comme le souligne Peter Rassow, « la réforme de la Confédération allait être

soumise uniquement au jeu des forces politiques intérieures de l’Allemagne… »79 Chaque Etat

cherchait à préserver ses intérêts au mieux. Pour l’Autriche et la Prusse, le but de la réforme

était de bouter l’autre grande puissance des affaires allemandes. Trois évènements allaient

contribuer à éclaircir la situation politique de l’Allemagne.

La Prusse, qui menait une politique hostile à l’égard de l’Autriche, avait cherché,

au cours de la guerre d’Italie, à prendre le contrôle militaire du Deutsches Bund, mais Vienne

s’y opposait fermement. Berlin continuait pourtant à promouvoir une résolution de la question

dans une vue petite-Allemagne. Les classes sociales allemandes attachées à l’idée de l’unité

nationale étaient tiraillées entre les deux grandes puissances. Un mouvement de libéraux-

démocrates se forma en 1859, et prit le nom de Deutscher National Verein (Ligue nationale

allemande), avec à sa tête le libéral hanovrien Rudolf von Bennigsen.80 Cette ligue se donnait

pour mission de promouvoir la convocation d’une assemblée nationale et de délimiter la

future Allemagne dans sa version petite- Allemagne.81 Toute cette effervescence donnait à

Guillaume, prince-régent de Prusse, des moyens d’actions afin d’augmenter le pouvoir royal

en Allemagne. Il proposa de commencer la réforme du Bund par «  une réforme du règlement

de guerre de la Confédération. »82 Pour Rassow, le prince-régent de Prusse «  n’avait vraiment

79 Peter RASSOW, Histoire de l’Allemagne, des origines à nos jours, Paris, J.Horvarth, 1972, p 58880 Jean TULARD, Dictionnaire du second Empire, Paris, Fayard, 1995, p 3581 ibidem82 Peter RASSOW, op.cit, p 588

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pas d’arrière-pensée et ne méditait pas de constituer une Grande-Prusse. Son projet était

simplement né du besoin d’assurer la défense de l’Allemagne en face de la puissance

française. »83 Seulement les Etats allemands, ainsi que Vienne, ne pouvaient accepter cet acte

de « pure générosité ». Berlin dirigea son action ensuite vers l’Autriche en lui faisant miroiter

une solide alliance qui rendrait la Mitteleuropa inexpugnable. Les négociations semblèrent

aboutir, «  mais dans le fond on était devenu encore plus méfiant et plus étranger l’un et

l’autre qu’auparavant. »84

Parallèlement, le Royaume de Bavière tentait, avec les Etats moyens allemands, de

trouver une place ente les deux puissances majeures. Plusieurs conférences eurent lieu de

1859 à 1861. Elles s’efforcèrent de dégager une autre voie à l’unité.85 Lors de ces conférences,

Maximilien II demandait l’élargissement des compétences du Bund : l’institution d’une

citoyenneté allemande ; instauration d’un même système judicaire et d’un même code civil et

pénal. La Prusse et l’Autriche rejetèrent ces propositions. A propos de la réforme de la

constitution militaire de la Confédération (die Bundeskreigsverfassung), les Etats moyens

demandèrent la création de trois haut-commandements militaires. Deux reviendraient aux

deux grandes puissances allemandes. Le troisième était quémandé par la Bavière. Mais le

projet échoua devant la résistance prussienne et l’incapacité des Etats moyens à contraindre la

Prusse.86

De fait, la question allemande, réveillée par l’intervention française en Italie,

n’obtenait de solution politique. Le seul domaine, où il semblait que l’unité progressait, était

le domaine économique. La période 1859-1863 vit la politique du Zollverein (Union

douanière) prendre une tournure plus politique. Crée en 1830, à l’instigation de la Prusse, elle

avait pour but de créer une grande association économique d’Etats. La Bavière s’était jointe à 83 ibidem84 ibidem85 Max SPINDLER, Bayerische Geschichte im 19 und 20 Jahrundert 1800 bis 1970, Munich, CH Beck, 1978, p25786 ibidem

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Page 37: Master 1: les relations entre la France et la Bavière de 1852 à 1871

l’association dès sa création, et en avait tiré des bénéfices substantiels. La Prusse maintenait

l’Autriche hors du Zollverein, mais certains Etats membres, dont la Bavière, poussaient la

Prusse à accepter l’entrée de l’Autriche. Pour Berlin, l’instrument de politique international

que représentait le Zollverein, ne pouvait être partagé avec l’Autriche. C’est dans ces

conditions qu’eut lieu, le 29 mars 1862, la signature d’un traité de commerce franco-

prussien.87 La Prusse n’avait pas demandé l’accord de ses partenaires du Zollverein, alors que

« leur approbation était indispensable. »88 La Bavière, suivie par les autres Etats membres de

Zoll et « aiguillonnés par l’Autriche, »89 rejetèrent le traité franco-prussien. S’en suivit une

lutte d’influence entre la Prusse et l’Autriche. La Bavière et les Etats moyens allaient-ils

soutenir Vienne jusqu’ à la dénonciation totale du Zoll ? Un traité avec la France ne permettait

–il pas à la Prusse de se passer de la Bavière et des autres Etats allemands ?

Dans cette lutte d’influence, le troisième évènement notable fut la proposition

d’une réforme du Bund par l’Autriche. Le traité de commerce franco-prussien emmena

Vienne à réagir sur le plan politique. Alors que la Prusse était empêtré dans un conflit

institutionnel entre le Parlement et le Roi à propos de la Constitution prussienne, Vienne

proposa en août 1863 un nouveau projet de réforme du Bund. Ce projet visait à maintenir le

« système d’une confédération d’Etats »90 tout en renforçant les institutions fédérales. Un

directoire de six princes aurait pour tâche le domaine exécutif. Il serait réparti entre trois

sièges permanents (pour l’Autriche, la Prusse et la Bavière) et trois renouvelables.91 Ce projet

constituait «  un compromis avec les aspirations du mouvement national, »92 mais Berlin ne

voyait dans cela qu’une tentative de plus pour accroître le pouvoir de Vienne au sein de la

Confédération. Bismarck, chancelier de Prusse depuis septembre 1862, déclarait que toute

87 Jean TULARD, op.cit, p 3588 Peter, RASSOW, op.cit, p 59089 ibidem90 Jean TULARD, op.cit, p 3691ibidem 92ibidem

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Page 38: Master 1: les relations entre la France et la Bavière de 1852 à 1871

réforme du Bund devait se faire sur la base de l’égalité entre la Prusse et l’Autriche. Le conflit

rebondit lors de la conférence des princes de Francfort, le 16 août 1863, qui devait discuter le

projet autrichien. A deux reprises, le nouveau roi de Prusse Guillaume refusa de venir à la

conférence. Bien que le projet fut entériné par vingt quatre des trente souverains présents,

dont Maximilien II, le fait que la Prusse n’y participa pas, sonna le glas du projet.

En 1863, la question allemande n’avait toujours pas trouvé de solution.

Maximilien II n’avait pourtant pas ménagé ses efforts, mais il ne pouvait trouver des moyens

coercitifs pour amener les deux grandes puissances à aboutir à un modus vivendi. Ainsi, deux

constats étaient certains: d’une part l’entente austro-prussienne était précaire en ces temps.

D’autre part la réalisation de l’unité allemande ne pouvait sortir de discussions purement

diplomatiques. Comme l’annonçait Bismarck dès son arrivée au pouvoir, en commission du

budget : « les grands problèmes de l’heure ne seraient pas tranchés par des discours et des

votes parlementaires, mais qu’ils le seraient par les armes et par le sang. »93 

2. Napoléon III et l’Allemagne : la préférence prussienne ?

Napoléon III, victorieux en Italie, entreprit une politique allemande dans deux

directions : dans le cadre économique, avec le traité franco-prussien de 1862, et dans le cadre

politique avec l’appui apporté à la Prusse dans les affaires allemandes. Les relations franco-

bavaroises n’étaient pas au beau fixe : Maximilien II n’acceptait pas une éventuelle éviction

de l’Autriche de la Confédération qu’impliquait une entente entre la France et la Prusse. Il

n’avait pu accepter l’éviction de la Prusse en 1863 lors de la conférence des Princes, il n’allait

pas accepter celle de l’Autriche.

93 Peter RASSOW , op.cit, p 592

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Le traité économique fut proposé par Napoléon III au régent de Prusse Guillaume

dès la conférence de Baden-Baden en juin 1860.94 Napoléon III relança l’idée auprès de

Guillaume, lors de l’entrevue de Compiègne, en octobre 1861. Guillaume y fut favorable et

des négociations commencèrent. Celles-ci aboutirent à la signature du traité de commerce

franco-prussien de mars 1862. Pour la Prusse, le lien nouveau, qui l’unissait à la France et aux

puissances occidentales (Angleterre, Belgique), mettait à mal les projets de création d’un

Zollverein d’Europe centrale poursuivie par l’Autriche. Pour Napoléon III, les traités libre-

échangistes, outres leurs causes intérieures, avaient des motifs d’ordre extérieur.

Dans la question allemande, le traité avec la Prusse allait en l’encontre des intérêts

autrichiens. Napoléon, par ce traité, isolait un peu plus l’Autriche dans le monde germanique

et s’impliquait dans une solution petite-Allemagne. De plus, l’empereur pensait obtenir, avec

le traité, «  des sympathies en Allemagne, notamment celles des milieux d’affaires, et aussi à

obtenir l’accord de la Prusse et des Etats du Sud pour atteindre ses objectifs sur le Rhin. »95

En politique extérieure, la France recherchait en plus du traité, l’appui prussien, le

« Piémont du Nord », pour mettre un pied en Allemagne. Avec la nomination du comte Otto

von Bismarck comme ambassadeur de France, et surtout ensuite comme nouveau chancelier

de Prusse à partir de septembre 1862, les relations franco-prussiennes semblaient se

réchauffer. Bismarck était un farouche partisan d’une alliance française .afin «  de soustraire

l’Allemagne à la pression autrichienne. »96 Il eut d’abord pour tâche de faire appliquer le traité

commercial par les membres récalcitrants du Zollverein (Wurtemberg, Bavière, Hesse grand-

ducale, et le Nassau).97 La tentative autrichienne de 1863 pour créer un grand Zollverein

d’Europe centrale tout «  en se déclarant prête à reconstituer une Association douanière avec

les Etats qui accepteraient le traité franco-prussien, [mit] les Etats du Sud au pied du mur. »98

94 Jean TULARD, op.cit, p 3595 Raymond POIDEVIN, les relations franco-allemandes, p 6596Raymond POIDEVIN, op.cit, p 56 97Raymond POIDEVIN, op.cit, p 5798 Raymond POIDEVIN, op.cit, p 58

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Seules le Wurtemberg et la Bavière tentèrent de maintenir la pression, mais devant la panique

des milieux économiques, ils cédèrent face aux exigences prussiennes. Le 1er juillet 1865

rentrait en application le traité de commerce franco-prussien élargi à l’ensemble du

Zollverein. Napoléon III a ainsi aidé la Prusse à accroître son influence économique en

Allemagne. Pour Bismarck, le traité fut utilisé « pour satisfaire les libres-échangistes et se

donner un air libéral et surtout pour renforcer la mainmise prussienne sur le Zollverein. »99

Napoléon III pensait bien pouvoir avec ce traité économique inaugurer une

alliance politique. Bismarck n’y était pas contre. Seulement il ne voulait pas se sentir

tributaire. Bismarck fut accueilli à Paris en octobre 1862. Il cherchait de bonnes relations avec

la France en vue d’un conflit entre la Prusse et l’Autriche. Mais comme l’affirme Raymond

Poidevin, aucune cession territoriale n’a été avancé au cours des conversations entre Bismarck

et Napoléon III.100 Ces conversations ne débouchèrent pas sur une alliance, mais chacun

pensait avoir obtenu les bonnes grâces de l’autre dans l’éventualité d’un conflit. Car pour les

deux Etats il existait un ennemi commun, Vienne en l’occurrence : il était peut être possible

de trouver une entente sur quelques points.

Néanmoins, les évènements internationaux rattrapèrent cette entente. Les

évènements d’Italie, de la fin de la guerre avec l’Autriche à la proclamation du royaume

d’Italie en mars 1861, donnèrent un nouvel espoir aux peuples, qui vivaient dans des

conditions politiques similaires.101 L’Europe de l’Est fut particulièrement touchée. La

Pologne, en tant qu’unité politique, n’existait plus depuis les traités de 1815, mais le

sentiment national demeurait, aidé par une ferveur religieuse, qui plaçaient les polonais, en

majorité catholique, sous la domination de deux puissances non-catholiques : la Prusse et la

Russie. En 1861, le clergé polonais incita ses fidèles, dans la Pologne russe, à manifester

99 ibidem100Raymond POIDEVIN, op.cit, p 66101 Jean TULARD, op.cit, p 661

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Page 41: Master 1: les relations entre la France et la Bavière de 1852 à 1871

pacifiquement en chantant des prières et des cantiques.102 Cet évènement marqua le début de

l’affaire polonaise.

Les puissances européennes ne restèrent pas indifférentes. Car les russes, pour

répondre aux revendications polonaises et « sous prétexte de conscription, déportèrent les

hommes en âge de porter les armes.» 103 Le cycle guérilla-contre-guérilla, avec comme point

culminant l’insurrection du 22 janvier 1863, marqua les opinions publiques occidentales

(France, Belgique et Angleterre) et plus particulièrement Napoléon III. Il ne pouvait oublier

que son oncle avait ressuscité le duché de Varsovie. Ressusciter une Pologne à influence

française serait indéniablement un avantage considérable. De plus « Nation catholique

persécutée par des orthodoxes, elle était chère aux fidèles catholiques. »104 « Des républicains

à Montalembert » l’opinion publique française était unanime et elle désirait voir son empereur

intervenir auprès des puissances pour plaider la cause polonaise. Dans ses démarches

diplomatiques, il s’aperçut que seules la Prusse et la Russie refusaient de voir la résurrection

de la Pologne. Même l’Autriche, qui détenait une partie de la Pologne, se joignit à la

démarche de la France.

Mais Napoléon III hésitait à entrer en guerre pour la Pologne. Cela gênait les

relations avec la Prusse et la Russie. Pouvait-il aller jusqu’à la guerre ? Il préféra demander la

tenue d’un congrès international pour sauver la Pologne. Pour lui, « chaque fois que des crises

profondes ont secoué les bases et déplacé les frontières des Etats, des pactes solennels sont

intervenus pour coordonner les éléments nouveaux consacrer, après une révision, les

transformations accomplies. »105 Mais comme l’atteste Louis Girard «  il y a dans tout cela

une part d’utopie, de rêve. Les grandes assises européennes ont mis fin à de longues guerres :

102 Louis GIRARD, Napoléon III, Paris, Fayard, 1986, p 328103 Louis GIRARD, op.cit, p 329104 ibidem105 Louis GIRARD, op.cit, p 332

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comment les Etats du 19ème siècle accepteraient-ils de céder des provinces sans même avoir

été vaincus. »106

Car Napoléon III, en même temps, esquissait un remaniement conséquent de

l’Europe. Des projets furent lancés, comme celui de l’impératrice Eugénie avec l’ambassadeur

autrichien Richard de Metternich, en février 1863, auprès de l’Autriche afin de l’emmener à

s’allier à la France contre la Russie et la Prusse. 107 En échange de la Vénétie, et de la Galicie,

Vienne obtiendrait la Saxe, la Silésie prussienne, voir la Bavière.108 La Suède annexerait la

Finlande et peut-être le Danemark. L’Empire ottoman disparaîtrait et laisserait place à une

confédération d’Etats. La France obtiendrait des compensations sur la rive gauche du Rhin.109

Ces remaniements impliquaient une alliance solide avec Vienne. Mais Vienne refusa,

méfiante à l’égard de la politique française. De plus elle « aurait dû céder des provinces

qu’elle possédait contre des espérances fort problématiques. »110 

La crise polonaise a eu pour conséquence le refroidissement des rapports franco-

prussiens. La Prusse, par l’intermédiaire de Bismarck, se rangea du côté russe. En février

1863, il dépêcha le général Alvensleben à Saint-Pétersboug afin « de négocier un accord

prévoyant, en cas de besoin, une intervention armée de la Prusse. »111  Le rapprochement

prusso-russe se fit sur le dos de la Pologne. Ils avaient un intérêt commun : garder la Pologne

sous la domination du condominium prusso-russe et contrer les prétentions de la France pour

la défunte Pologne. Les évènements polonais inauguraient ainsi une période d’entente entre la

Prusse et la Pologne.

Ces frictions franco-prussiennes n’empêchèrent pourtant pas un certain

rapprochement de s’opérer. L’expédition du Mexique, réalisée en grande partie par la France,

106Louis GIRARD, op.cit, p 333 107 Raymond POIDEVIN, op.cit, p 67108 Pierre MILZA, Napoléon III, Paris, Perrin, 2004, p 517109 Pierre MILZA, op.cit, p 518110 Louis GIRARD, op.cit, p 331111 Raymond POIDEVIN, op.cit, p 66

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vit un Hohenzollern monter sur le trône. La Roumanie, ensuite, vit monter un autre

Hohenzollern sur le trône. Napoléon III n’avait pas été passif dans ces manœuvres

diplomatiques. Il pensait bien s’offrir les faveurs de la Prusse. Bismarck en était conscient,

mais pour lui seul l’intérêt de son pays prévalait. Ce rapprochement culmina lors de l’entrevue

de Biarritz, en octobre 1865.

Pour les relations franco-bavaroises, les évènements évoqués ne pouvaient que

mettre à mal une éventuelle entente. Les projets français de remaniement complet de l’Europe

faisaient même de la Bavière un enjeu des puissances. La Bavière pouvait-elle être rayée de

la carte ? De plus, la famille des Wittelsbach était de plus en plus isolée en Europe. Mise à

part l’Autriche, alliée « naturelle », Maximilien II ne trouvait guère d’appuis en Europe et

dans la Confédération. Le trône de Grèce, occupé par un Wittelsbach, n’a pu être conservé.

Après trente années de règne, Othon dû s’enfuir en octobre 1862.112 La France et les autres

puissances n’essayèrent pas de rétablir le trône du Wittelsbach, et se mirent à la recherche

d’un nouveau souverain.113

B. Paris et Munich face à la crise des duchés danois

1. La question des duchés

La cause profonde, qui amena la crise, résidait dans l’antagonisme des

nationalismes danois et allemand.114 Cette crise s’insérait aussi dans l’antagonisme austro-

prussien. Les duchés du Schleswig, du Holstein, et de Lauenbourg appartenaient depuis

112 Georges CASTELLAN, Histoire des Balkans, Paris, Fayard, 1991, p 269113 ibidem114 Jean TULARD, op.cit, p 449

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1460115 au roi du Danemark, mais « il y avait communauté de souverain, entre le royaume et

les duchés mais pas d’union politique »116 : le Holstein et le Lauenbourg étaient peuplés

d’allemands et faisaient partis de la Confédération, alors que le Schleswig était composé

d’allemands et de danois.117 Au 19ème siècle, tant que les duchés gardaient un aspect

fédéraliste, le roi du Danemark y maintenait son pouvoir. Seulement le roi Christian VIII et

son successeur Frédéric VII, cherchaient à incorporer le duché du Schleswig dans le royaume

danois. La tension fut à son comble en 1848. La crise fut résolue par la conférence de

Londres de mai 1852. Il fut reconnu que les trois duchés « auraient dans le cadre de l’Etat

danois, leur propre administration et leurs propres assemblées régionales. »118 De plus, la

famille des Augustenbourg renonçait à ses droits sur les duchés. Cependant, « cet

arrangement, vu l’entrecroisement des droits, ne pouvait constituer qu’un statut

provisoire. »119 

En 1863, l’agitation nationale au Danemark fit ressurgir la question des duchés.

Frédéric VII, et son successeur Christian IX de Glücksburg poursuivaient une politique

d’union nationale. Ils cherchaient à proclamer la constitution des Danois de l’Eider « c’est à

dire l’incorporation du Schleswig au royaume. »120 Cette politique impliquait une

« dégermanisation » du Schleswig, et en premier lieu l’interdiction de l’allemand dans les

églises et écoles. Seulement, cette politique se heurtait aux nationalistes allemands du

Schleswig-Holstein.

Le 19 mars 1863, l’assemblée des Etats du Holstein demanda la protection de la

Confédération germanique en réponse à la violation du protocole de Londres. Le Schleswig fit

115Jean TULARD, op.cit, p 450116 ibidem117 Jacques BINOCHE, Histoire des relations franco-allemandes de 1789 à nos jours, Paris, Armand Colin, 1996, p 30118 Peter RASSOW , op.cit, p 600119 ibidem120 ibidem

44

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de même, mais la Confédération se dit incompétente juridiquement.121 Dans un premier temps,

la Bavière, en accord avec le Hanovre, envoya un ultimatum allemand à Copenhague. Devant

le refus danois, la Bavière décida, le 9 juillet 1863, de mettre cette menace à exécution, sans

grand effet.122

Au congrès des Princes de Francfort d’août 1863, l’Autriche, conjointement avec

les autres princes, décida de stopper toute nouvelle initiative danoise. Le ministre saxon von

Beust essaya de convaincre François-Joseph de proclamer le droit des Allemands sur les

duchés. Ainsi, il se mettrait en tête du mouvement national, et court-circuiterait les initiatives

prussiennes.123

Le 18 octobre 1863, les Etats de la Confédération germanique optèrent pour une

exécution fédérale à l’encontre du Danemark pour qu’il respecta la patente de Londres.124 En

réponse, le Parlement danois décida, le 13 novembre 1863, d’appliquer une nouvelle

Constitution commune au Danemark et au Schleswig. Le 17 novembre mourrait Frédéric VII.

Son successeur Christian IX ratifia la nouvelle Constitution. Frédéric d’Augustenbourg

réclama des droits sur les deux duchés. Pour lui, seul son père avait renoncé à ses droits lors

de la conférence de Londres.

En Allemagne, la Prusse et l’Autriche s’opposèrent, le 23 décembre 1863, à

l’initiative de la Bavière et des Etats moyens allemands de reconnaître les droits de Frédéric

d’Augustenbourg sur les duchés.125 Par contre, les troupes saxonnes et hanovriennes

occupèrent, au nom de la Confédération, le Holstein afin de contraindre le Danemark à

respecter les clauses de Londres.126 Pour les deux grandes puissances allemandes, cette crise

devait se régler entre les puissances garantes du traité de Londres. Or, des cinq puissances

121Jean TULARD, op.cit, p 125 122 ibidem123 Jean TULARD, op.cit, p 451124 ibidem125 ibidem126Jean TULARD, op.cit, p 37

45

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cosignatrices de la patente, seules Vienne et Berlin semblaient se soucier du problème. Paris

laissait les mains libres à la Prusse. Londres cherchait à préserver l’intégrité du Danemark,

mais elle ne songeait pas à intervenir militairement pour aider un allié traditionnel. Londres

fit, tout de même, des avances à Napoléon III pour aboutir à une médiation armée.127 Et pour

St-Pétersbourg, empêtré dans ses réformes de modernisation, elle n’interviendrait pas tant que

ses intérêts étaient sauvegardés.

Face au déchaînement du patriotisme allemand, « seul Bismarck semblait garder

son sang-froid.»128 Son but, dans cette affaire, était « non seulement de séparer les duchés du

Danemark, mais encore de les incorporer à la Prusse. »129 Pour ce faire, il ne devait pas

provoquer l’Europe. Il restait sur la ligne des traités de Londres. Ainsi il proposa à Vienne une

action diplomatique commune. Il demanda aussi à la Diète de Francfort d’expulser Frédéric

d’Augustenbourg du Holstein, qui l’occupait avec les troupes fédérales saxonnes et

hanovriennes.

Le 16 janvier 1864, Vienne et Berlin s’accordèrent sur une attitude commune.130

Ils annonçaient leur volonté d’agir contre le Danemark en qualité de puissances cosignatrices

du traité de Londres. Ils refusèrent de reconnaître les droits de Frédéric d’Augustenbourg sur

les duchés. Parallèlement, ils envoyèrent au Danemark un ultimatum réclamant le retrait de la

Constitution des danois de l’Eider. Appuyée par le cabinet britannique de Palmerston, le

Danemark rejeta les exigences austro-prussiennes.

Le 1er février 1864, les armées austro-prussiennes franchirent l’Eider et pénétrèrent

dans le Schleswig. La guerre contre le Danemark débutait.

127 Raymond POIDEVIN, op.cit, p 67128 Jean TULARD, op.cit, p 451129 ibidem130Jean TULARD, op.cit, p 37

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2. La Bavière face à la question des duchés

Dans la question des duchés, la France s’était abstenue d’une quelconque

intervention. Napoléon III avait préféré laisser les mains libres à Bismarck, espérant ainsi

avoir quelques compensations sur le Rhin.131 Maximilien II de Bavière et son successeur

Louis II tentèrent de résoudre la question des duchés dans le cadre de la Confédération. Cela

pouvait –il déboucher sur une réforme du Bund favorable à la Bavière ?

Lorsque la crise éclata, en mars 1863, la Bavière, en accord avec le Hanovre,

proposa d’envoyer un ultimatum au Danemark. Le 9 juillet, elle mit à exécution sa menace.

Sans véritable effet. Le roi du Danemark persistait dans sa politique de « dégermanisation.»

Au congrès des Princes d’août 1863, Maximilien II encouragea, avec le ministre saxon von

Beust, François-Joseph à intervenir fermement au nom de la Confédération germanique. Mais

l’Autriche préféra, après quelques tergiversations, s’allier à la Prusse que de reconnaître les

droits de l’Augustenbourg. Car la Bavière était résolue à défendre les droits de Frédéric

d’Augustenbourg. Elle cherchait à promouvoir l’idée de l’indépendance des duchés dans le

cadre de la Confédération germanique. Une bonne partie de l’opinion publique bavaroise et

allemande s’étaient rangée du côté de Frédéric d’Augustenbourg. Des intellectuels, tels

l’historien Ranke, attendaient, avant tout, la proclamation « du droit qu’ [avaient] les duchés

à disposer d’eux-mêmes »132 car « c’est là un droit imprescriptible appartenant à tous les

peuples. »133 La Bavière obtint des soutiens d’autres Etats allemands tels que le Wurtemberg,

la Saxe et le Bade. Cependant dans cette tentative de Munich, « l’Autriche et la Prusse avaient

vu une initiative des Etats moyens tendant à contester leur leadership. »134

131 Louis GIRARD, op.cit, p 335132 Jacques BAINVILLE, Louis II, Paris, Tallandier, 1927, p 92133 ibidem134 Jean TULARD, op.cit, p 126

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De plus, « elles craignaient [ ] que toute atteinte aux accords de Londres n’aboutit

à l’intervention des puissances européennes »135 Le 3 mars 1864, François-Joseph demanda

énergiquement à Maximilien II de renoncer à défendre les droits du duc d’Augustenbourg.

Car deux guerres venaient de commencer. Une concernait le Holstein, occupé par des troupes

saxonnes et hanovriennes, qui était dirigée par la Confédération. L’autre était menée par les

deux grandes puissances allemandes afin de faire respecter par le Danemark les accords de

Londres pour le Schleswig.136

Du 1er mars 1864 au 9 mai 1864, les évènements militaires démontrèrent la

supériorité du duo austro-prussien. Le 9 mai, devant la débâcle danoise, les puissances

européennes décidèrent d’intervenir en imposant un armistice aux belligérants. La tenue d’une

conférence à Londres fut alors décidée.

Cette conférence réunissait les signataires des accords de Londres. Pas question

d’admettre les Etats moyens allemands. Les droits d’Augustenbourg ne furent pas reconnus.

Mais la conférence ne déboucha sur rien de concret : l’attitude résolue des danois, le refus

russe et anglais d’un plébiscite, souhaité par Napoléon III, eurent raison des bonnes

intentions. La Prusse et l’Autriche étaient donc dégagés, pour un temps, des pressions

internationales.137 Parallèlement, le duc Frédéric d’Augustenbourg tentait auprès de Guillaume

Ier de faire valoir ses droits. Il consentait à devenir duc des nouveaux duchés tout en

abandonnant certains attributs de la souveraineté à la Prusse. Guillaume Ier y était favorable,

mais refusa sous la pression véhémente de Bismarck.

Car les évènements militaires continuaient et pouvaient peut-être créer un rapport

de force plus favorable à la Prusse. Le prince Frédéric-Charles de Prusse avait pris le

commandement des troupes. Il poursuivit l’invasion du territoire danois, dont les plans

135 ibidem136 ibidem137 Peter RASSOW, op.cit, p 603

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avaient été préparés de longue date par le général von Moltke. Ironie du sort, il avait servi en

tant que jeune officier dans l’armée danoise.138 Le 25 juin 1864, les troupes austro-prussiennes

débarquèrent sur le port d’Alsen.139 Tout l’archipel danois était désormais sous la menace

directe des troupes austro-prussiennes. Le 1er août 1864, le Danemark signait, à Vienne, des

préliminaires de paix.140 Le Danemark devait céder les trois duchés du Schleswig, du Holstein

et du Lauenbourg aux deux puissances victorieuses.

En Bavière, la crise des duchés constituait la première épreuve internationale du

nouveau roi Louis II. Comme le déclarait Jacques Bainville : « on veut que la mort du roi

Maximilien ait été hâtée par les inquiétudes que lui causait le sort de la Bavière. »141 A son

avènement sur le trône de Bavière, le 10 mars 1864, Louis II était un jeune homme de dix-

neuf ans.142 Il poursuivit, dans un premier temps, la politique de son père. Il chargea Von den

Pfordten de défendre les droits de Frédéric d’Augustenbourg. Pour le ministre, il ne fallait pas

régler la question des duchés hors de la Confédération. Ce qui concernait les allemands,

devait concerner la Confédération. Mais comment contraindre les deux puissances à concerter

les autres Etats allemands ?

3. De la fin du conflit danois au statut précaire de Gastein

Les préliminaires de paix allaient aboutir à la signature du traité de paix du 30

octobre 1864.143 Les hostilités avaient cessé à partir du 1er août. Le 22 août, à Schönbrunn, eut

lieu une rencontre entre Guillaume Ier et François-Joseph, les deux vainqueurs. Dès ce

138 Jean TULARD, op.cit, p 38139 Peter RASSOW, op.cit, p 603140 ibidem141 Jacques BAINVILLE, op.cit, p 91142 Max SPINDLER, op.cit, p 293143 Jean TULARD, op.cit, p 38

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moment-là, Bismarck annonçait que la Prusse devait annexer les duchés car l’Autriche n’avait

pas d’intérêts dans cette partie de l’Allemagne du nord. L’Autriche, pour Bismarck, n’avait

pas le choix si elle voulait conserver de bonnes relations avec la Prusse.144 François-Joseph

réclama, en compensation, le comté de Glatz, mais Guillaume Ier refusa catégoriquement. Le

23 août, en visite à Munich, Bismarck réitéra ses dires au ministre Ludwig Von den

Pfordten.145 Pour le ministre bavarois, cette prétention constituait une menace directe pour la

Bavière et les autres Etats allemands. Un rapprochement avec l’Autriche était souhaitable afin

de contraindre la Prusse à revoir ses exigences.

La paix définitive fut signée le 30 octobre 1864 à Vienne.. Le Danemark cédait ses

droits sur les trois duchés du Schleswig, du Holstein, et du Lauenbourg. A la place était créé

un condominium austro-prussien. Pour l’Autriche, cette paix équivalait à une quasi-défaite.

Les intentions avouées de Bismarck n’annonçaient rien de bon pour elle. Comment pouvait-

elle défendre ses intérêts dans cette région sans le concours des petits Etats allemands ? Ne

venait-elle pas de les ignorer dans la résolution de la crise des duchés ? Comment retrouver

leurs confiances ? Vienne était donc dans l’embarras, sans appuis solides en Allemagne. Pour

Bismarck, cette paix devait inéluctablement déboucher sur l’annexion des duchés à la Prusse.

Dans la crise, il « avait clairement montré que tout ce qui pouvait contribuer à accroître la

puissance de la Prusse passait, pour lui, avant le problème de l’unification de

l’Allemagne. »146 

La réaction de Vienne arriva le 12 novembre. Tentant de reprendre la main et de se

liguer les Etats de la Confédération, François-Joseph souhaitait voir les duchés être remis au

duc d’Augustenbourg. Ce souhait, il l’exprima en déclarant qu’il voyait dans Frédéric

d’Augustenbourg le futur duc de Schleswig-Holstein.147 Pour la Bavière et les autres Etats de

144 ibidem145 Max SPINDLER, op.cit, p 295146 Jean TULARD, op.cit, p 38147 ibidem

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la Confédération, l’appui de Vienne venait à point nommé. Seule la Prusse refusait de

reconnaître le duc. Bismarck réagit à la manœuvre diplomatique autrichienne en réclamant

des droits spécifiques pour la Prusse en Schleswig-Holstein. Il réclamait l’adoption par le

futur duc d’une convention militaire prévoyant que les soldats du duc devraient prêter serment

devant le roi de Prusse.148 Le duc refusa devant les prétentions exorbitantes de Bismarck.

En mars 1865, Bismarck prit la décision unilatérale de transférer la marine de

guerre prussienne de Dantzig à Kiel «  où il fit commencer d’importants travaux

d’aménagement à visées militaires. »149  En même temps, les juristes du roi de Prusse

affirmèrent que le duc d’Augustenbourg n’avait aucun droit d’héritage sur les duchés.

En réponse, Vienne demanda à ce que l’avenir des duchés fût résolu par la Diète

de Francfort. Bismarck rétorqua qu’il n’était possible pour Vienne de s’écarter de la ligne du

traité de Vienne. L’appel à la Diète de Francfort constituait pour la Prusse une violation du

traité.

Le 14 août 1865, alors que la guerre se précisait, les deux puissances arrachèrent

un accord. La convention de Gastein prévoyait le maintien de la souveraineté austro-

prussienne sur les duchés. Elle attribuait l’administration du Holstein à l’Autriche et celle du

Schleswig à la Prusse. La Prusse était autorisée à transférer sa flotte de guerre à Kiel. Le

duché de Lauenbourg était donné contre paiement d’une indemnité à Guillaume Ier.

La convention de Gastein entérinait un statut précaire des duchés. Bismarck l’avait

voulu ainsi. Il se liait l’Autriche dans une partie de l’Allemagne où les intérêts de Vienne

étaient faibles. L’intransigeance autrichienne devait amener la rupture. Pour les Etats moyens

allemands, Bavière en tête, cette convention constituait un précédent juridique. Un pays

allemand avait vu son sort réglé par deux puissances sans consultation de la Diète ? Après le

148 ibidem149 ibidem

51

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Schleswig-Holstein, les deux puissances pouvaient–elles s’accorder pour faire de même avec

d’autres Etats allemands ?

C. Paris et Munich lors de la guerre austro-prussienne

1. De la convention de Gastein à l’entrée en guerre

Comme l’avait prévu Bismarck, la convention de Gastein ne constituait qu’un

statut précaire. Il devait lier Vienne aux prétentions prussiennes, ou, en cas de refus de celle-

ci, créer un élément de rupture entre les deux puissances. Car Bismarck était décidé à

employer la force pour bouter l’Autriche des affaires allemandes. Il cherchait à gagner du

temps pour préparer au mieux la rupture.

En Europe, les puissances semblaient neutralisées. L’affaire danoise avait

clairement montré que dans cette partie de l’Allemagne, les intérêts étrangers étaient forts,

mais qu’une mésentente entre Londres et Paris, plus une bienveillance russe à l’égard de la

Prusse, était à l’origine de la passivité des puissances européennes. Pour Bismarck, il suffisait

de rééditer le même coup contre Vienne. Londres n’avait aucun intérêt majeur à défendre en

cas de conflit austro-prussien. La Russie était en mauvais terme avec Vienne dans les

Balkans, et « conservait une neutralité bienveillante à l’égard de la Prusse»150, seule puissance

à l’avoir aidé contre l’insurrection polonaise. La France s’était apparemment rangée du côté

prussien espérant quelques compensations. Le nouveau royaume d’Italie était tenté de

s’affranchir de la France et recherchait des appuis pour récupérer Rome et la Vénétie.

L’Autriche récoltait les fruits de sa politique extérieure des plus ambiguë : de son attitude

150 Peter RASSOW,op.cit, p 606

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envers la Russie lors de la guerre de Crimée au rapprochement austro-prussien dans l’affaire

danoise, Vienne n’a pu trouvé d’alliés solides.

En Allemagne, la reconduction du Zollverein en 1864, après d’âpres résistances

des Etats du Sud, constituait un nouvel élément de puissance pour la Prusse. Comme évoquée

plus haut, la Mitteleuropa économique ne se réalisa pas. Les Etats du Sud avaient tenté

d’organiser une résistance afin d’admettre l’Autriche dans le Zoll, mais ils ne pouvaient

rompre totalement avec la Prusse, car l’Union douanière apportait bon nombres d’avantages

économiques.151

La convention de Gastein, compromis précaire, montrait ses limites dès 1866.

L’Autriche cherchait à reprendre la tête de la Confédération, en soutenant ouvertement la

propagande en faveur du duc d’Augustenbourg dans le Schleswig-Holstein. Le 23 janvier

1866, une manifestation eut lieu à Altona, dans le Schleswig-Holstein. Appuyée par Vienne,

elle réclamait la réunion d’une assemblée des Etats des deux duchés.152 Pour Bismarck, cette

initiative, si elle persistait, constituait un motif de rupture de la convention de Gastein.153

Vienne répliqua en informant Berlin que toute ingérence de la Prusse dans le Holstein serait

considérée comme la fin de l’alliance. A Berlin, lors du Conseil de la Couronne du 28 février,

la question de l’entrée en guerre fut abordée.154 « Chacune des deux puissances décida de son

côté, de ne rien faire pour précipiter la guerre, mais de ne rien faire non plus pour l’éviter

désormais »155 Les préparatifs de guerre commençaient.

Le 9 avril 1866, Bismarck déposa un projet de réforme du Bund. Le projet

prévoyait l ‘élection d’un parlement élu au suffrage universel.156 Il serait chargé de discuter les

projets de réformes de la Confédération.157 Ce projet constituait une atteinte majeure aux 151 Jean TULARD, op.cit, p 41152 ibidem153 ibidem154 Peter RASSOW, op.cit, p 607155 ibidem156 ibidem, parlement élu «  d’après la loi électorale révolutionnaire de 1849 »157 Jean TULARD, op.cit, p 41

53

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intérêts de l’Empire d’Autriche en Allemagne. De plus le projet se référait sciemment aux

préceptes des libéraux, des démocrates et des nationalistes de toute l’Europe. Accepter ce

projet signifiait pour l’Autriche la perte probable, par le même procédé, de ses possessions

non-allemandes. François-Joseph, en réponse, décréta la mobilisation générale. Le 1er juin, il

demanda à la Diète de résoudre le problème des duchés de l’Elbe. Bismarck dénonça la

convention de Gastein et envoya ses troupes occuper le Holstein.

Le 10 juin, Bismarck se montra plus agressif. Il déposa un projet de réforme dans

le sens petite –Allemagne : «  exclusion de l’Autriche, commandement des troupes fédérales

du Nord à la Prusse, de celles du Sud à la Bavière, élection d’un parlement au suffrage

universel direct. »158

Le 12 juin, Berlin rompit les relations diplomatiques avec Vienne. Le 14 juin,

Vienne demanda la mobilisation générale de tous les contingents non prussiens de la

Confédération, à l’exception des trois corps d’armées autrichiens. En réponse, Berlin déclara

qu’elle quittait la Confédération. La guerre, qui allait décider du sort de l’Allemagne,

commençait.

2. Paris et Munich : de l’escalade à la guerre austro-prussienne

Dans le conflit qui se précisait, Paris et Munich eurent des politiques différentes et

peu convergentes. Que pouvaient bien rechercher les deux capitales dans un conflit austro-

prussien ?

158 Jean TULARD, op.cit, p 42

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En France, le rapprochement opéré par la France et la Prusse, dès 1860, porta ses

fruits en 1865. Avec la convention de Gastein, Napoléon III avait compris que ce n’était que

le début d’une politique d’exclusion de l’Autriche des affaires allemandes. Soit il fallait s’y

opposer et donc renouer avec Vienne, l’ennemi de la veille. Soit consentir en espérant obtenir

quelques « pourboires ».

En octobre 1865, eut lieu la rencontre de Napoléon III et de Bismarck à Biarritz.

Bismarck y vint s’assurer de la neutralité française dans l’éventualité d’un conflit austro-

prussien. Cependant aucun engagement précis ne sortit de l’entrevue, malgré la cordialité de

celle-ci.159 Au préalable, Bismarck avait déclaré au chargé d’affaires français à Berlin, que la

France pourrait obtenir des accroissements territoriaux « dans la sphère d’action que la

similitude de langue et de race lui assignait. »160 Lors de l’entrevue, par contre « chacun restait

sur ses gardes.»161 Napoléon III évoquait principalement le « boulet vénétien » et restait évasif

sur d’éventuelles compensations en cas de victoire prussienne.162 Bismarck retint de

l’entrevue que la France n’interviendrait pas dans un conflit austro-prussien. Napoléon III

poussa même Bismarck à rechercher une alliance du côté italien, qui se concrétisa le 8 avril

1866 par un traité militaire. Comme le déclara Thouvenel, Bismarck « [était] un gaillard

heureux d’avoir pour rien ce qu’il nous aurait payé, si nous l’avions voulu. »163

Mais, en cette année 1866, Napoléon III hésitait à se ranger si facilement d’un

côté. Il reprit une position plus neutre, cherchant à se faire l’arbitre du conflit en marche. Il

chercha auprès de Vienne quelques garanties. Le 12 juin 1866, alors que les relations austro-

prussiennes étaient rompues, l’empereur français conclut un traité secret avec Vienne. Dans

ce traité, la France garantissait sa neutralité contre la cession de la Vénétie en cas de victoire

159 Pierre MILZA, op.cit, p 540160 Jean TULARD, op.cit, p 40161 Pierre MILZA, op.cit, p 540162 ibidem163 ibidem

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autrichienne.164 De plus, l’Autriche devrait autoriser la création d’un « nouvel Etat

indépendant allemand sur le Rhin.»165 A Bismarck, il donnait son approbation à

l’agrandissement de la Prusse en terre germanique avec des agrandissements français en

Allemagne. Bismarck ne voulait pas s’engager de trop. Il s’accommodait de la neutralité

française alors que la guerre débutait.

En Bavière, Louis II était dans une situation délicate. Il ne pouvait explicitement

rester neutre. Naturellement, il se rangea du coté autrichien. Pour le souverain, c’était la

nation allemande, par l’intermédiaire du Bund, qui était agressée par la Prusse. Mais, dans la

préparation de la guerre, l’attitude bavaroise serait déterminante pour les autres Etats moyens,

c’était pourquoi elle était courtisée par Vienne et Berlin.166 Bismarck proposa à Von den

Pfordten, ministre de Bavière depuis décembre 1865, de créer une confédération des Etats du

Sud à hégémonie bavaroise.167 Malgré l’intérêt que pouvaient porter les puissances envers la

Bavière, cette dernière préférait éviter une guerre austro-prussienne afin de prévenir une

intervention française dans le Palatinat bavarois.168

Pourtant, la guerre se précisait. Le 9 mai 1866, face au discours de Napoléon III

qui était une attaque en règle des traités de 1815, la Bavière mobilisa dans le Palatinat.

Parallèlement, une conférence des Etats moyens se tint à Bamberg. Elle appela les deux

puissances allemandes à interrompre les préparatifs de guerre.169

Cependant, en tant que puissance de la Confédération, elle ne pouvait rester neutre.

Devant les diverses propositions de Bismarck de réformes du Deutsches Bund, elle se rangea

du côté autrichien. Louis II ne pouvait accepter l’établissement d’un parlement élu au suffrage

universel. Avec l’occupation du Holstein et le nouveau projet de réforme du Bund proposée

164 ibidem165 ibidem166 Jean TULARD, op.cit, p 126167 Max SPINDLER, op.cit, p168 Jean TULARD, op.cit, p 126169 ibidem

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par la Prusse le 10 juin 1866, la rupture était inévitable. Le 14 juin, La Bavière vota avec

l’Autriche une exécution fédérale à l’encontre de la Prusse. Les forces de la Confédération

furent mobilisées.

3. Enseignements sur les relations franco-bavaroises

Le 3 juillet 1866, les prussiens et autrichiens se rencontrèrent à Königgrätz

(Sadowa). L’antagonisme austro-prussien devait se jouer dans cette partie de la Bohême. La

défaite autrichienne marqua la fin de la domination de la famille des Habsbourg sur l’espace

germanique. La Prusse venait d’obtenir, par sa victoire, son affranchissement à l’égard de

l’Autriche. Faire l’unité allemande, Bismarck n’y songeait pas, pour l’instant. Car l’Autriche,

le lendemain de Königgrätz, fit appel à la médiation de Napoléon III.170 Cette dernière aboutit

à la signature des préliminaires de paix de Nickolsbourg, le 26 juillet 1866. Le 23 août, la

signature du traité de paix entre l’Autriche et la Prusse reprit les stipulations de Nickolsbourg.

L’Autriche acceptait la dissolution du Deutsches Bund et les annexions de la Prusse au nord

(Schleswig-Holstein, Hanovre, Hesse électorale, Nassau et Francfort). De plus, elle devait

payer une indemnité de quarante millions de thalers. Enfin, elle était exclue de tout système

d’union avec les autres Etats allemands.

Königgrätz symbolisait ainsi la rupture définitive des allemands avec la maison

des Habsbourg. La voie de la petite-Allemagne était tracée. Mais beaucoup d’obstacles

subsistaient à l’extérieur et à l’intérieur de l’espace germanique. La France et la résistance des

Etats moyens allemands devaient empêcher la réalisation de cette Allemagne prussienne. La

170Jean TULARD, op.cit, p 43

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Confédération de l’Allemagne du Nord, qui se créa à la sortie du conflit, ne correspondait

qu’à une Grande-Prusse : tant que la ligne du Main n’était pas dépassée, cette configuration

devait subsister.

En France, Sadowa avait été mal accueilli. Tous les calculs de Napoléon III

reposaient sur l’espoir de voir le conflit perdurer.171 Soit il faisait payer sa neutralité au prix

fort, soit il intervenait militairement, aux côtés d’une des puissances. Avec Sadowa, bien des

calculs tombèrent. Pourtant Napoléon III reprit la main grâce à la demande de médiation

autrichienne du 4 juillet 1866. Il pensait pouvoir limiter les prétentions prussiennes. Mais la

France ne pouvait offrir qu’une médiation amicale : une médiation armée, souhaitée par

Drouyn de Lhuys, était exclue à cause du pacifisme de l’opinion publique française et de la

possibilité de créer un vent de patriotisme en Allemagne, qui pourrait se retourner contre la

France.172 Cette médiation « timide » aboutit aux préliminaires de paix de Nickolsbourg et à la

paix définitive de Prague. Napoléon III s’était fait l’arbitre du conflit. Il avait obtenu la

Vénétie et contraint la Prusse à négocier. Mais les français avaient tout de même « le

sentiment d’avoir été vaincus sans avoir combattu.»173 La ligne suivie, après Sadowa, était de

trouver quelques compensations à cet agrandissement de la Prusse.

En Bavière, la mobilisation avait commencé dès le 9 mai 1866. Devant

l’inéluctabilité de la crise, le 2 juillet, Louis II exhorta son peuple à se battre au côté de

l’Autriche « pour les droits et l’honneur de l’Allemagne, pour la dignité et l’indépendance et

pour l’avenir de la grande nation, [ ] et pour le maintien de la Bavière en tant que membre

indépendant et respectable de la grande patrie allemande.»174 Les armées du Sud, formées de

80 000 soldats, étaient relativement bien équipées et formées.175 Elles étaient divisées en deux

corps d’armées et commandées par le prince Karl de Bavière. Cependant, elles ne 171 Pierre MILZA, op.cit, p 540172Pierre MILZA, op.cit, p 541173 Louis GIRARD,op.cit, p 380174 Jean TULARD, op.cit, p 127175 Max SPINDLER, op.cit, p 297

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s’impliquèrent pas fortement dans le conflit. Louis II et son ministre cherchaient à « laisser les

alliés et l’ennemi s’user et se combattre. »176 La défaite des hanovriens à Langensalza le 29

juin contraint les armées du sud à se replier sur la Bavière. Du 9 juillet au 16 juillet, les

armées du Sud sont balayées à Kissingen, Helmstadt et Rossbrunn.177 La défense du territoire

de chaque participant avait pris le pas sur une défense militaire commune avec l’Autriche : ils

préférèrent gaspiller « leur forces dans des engagements locaux. »178 

Alors que les armées prussiennes, mieux formées et équipées, s’enfonçaient dans

le pays bavarois, von den Pfordten tenta de régler la situation diplomatiquement. Lors d’une

conférence à Munich, du 20 et 21 juillet, le Bade, la Bavière et le Wurtemberg s’accordèrent

pour demander un armistice et l’ouverture de négociations de paix. Le ministre bavarois

cherchait à négocier avec l’Autriche afin d’apaiser les exigences prussiennes. Bismarck, lui,

préféra dissocier les négociations.

La Bavière était isolée. La Prusse neutralisait la France en lui faisant miroiter le

gain du Palatinat bavarois.179 Le 22 août 1866, la Bavière signa le traité de paix.180 Elle devait

verser une indemnité de trente millions de florins. Elle cédait un cinquième de son territoire à

la Prusse. Le traitement apparaissait doux par rapport à d’autres souverains, tel Georges V au

Hanovre, qui se voyaient dépouillés de leurs biens. »181 Enfin, elle signait un traité secret

d’alliance offensive et défensive avec la Prusse, qui outrepassait l’idée d’une confédération

des Etats du sud émise lors du traité de paix de Prague.

Avec la défaite face aux armées prussiennes, la Bavière revenait à la situation

qu’elle connut dans la Confédération du Rhin du temps de Napoléon Ier : indépendante

théoriquement, elle subit peu à peu les exigences militaires de la Prusse. C’était un premier

176 Jacques BAINVILLE, op.cit, p 101177 ibidem178 Jean TULARD, op.cit, p 42179 Jean TULARD, op.cit, p 127180 Max SPINDLER, op.cit, p 298181 Jacques BAINVILLE, op.cit, p 104

59

Page 60: Master 1: les relations entre la France et la Bavière de 1852 à 1871

pas franchi vers l’unité version petite-Allemagne. Elle était des plus isolée : son allié

traditionnel venait de se faire bouter des affaires allemandes. La France cherchait auprès de

Bismarck le gain du Palatinat bavarois. Cette affaire du Palatinat bavarois avait permis à

Bismarck de contracter un traité militaire avec Louis II. La Bavière préférait-elle être sous

influence prussienne, française ou ne plus avoir d’existence réelle : voila les questions que dû

se poser le jeune Louis II.

De 1859 à 1866, les relations franco-bavaroises connurent une période de

méfiance et d’animosité. La guerre d’Italie constituait une menace réelle pour les intérêts

bavarois. Napoléon III déclarait bien volontiers que son pays avait les yeux tournés vers le

Rhin. Mais, d’un autre côté, il déplorait que l’Allemagne n’ait pas de Savoie. En Allemagne,

il poursuivit une politique pro-prussienne. Cette politique lui apparaissait en accord avec le

principe des nationalités, qui guide son action diplomatique. De plus, la Prusse cherchait à

évincer l’Autriche des affaires allemandes. Napoléon III vit dans la Prusse et à partir de 1862

dans Bismarck un acteur, qui pouvait être le continuateur de la politique impériale en

Allemagne. Il pensait pouvoir maîtriser et contenir cette nouvelle force. Ce rapprochement se

faisait sur le dos de l’Autriche et des autres Etats allemands. Napoléon III laissa les mains

libres à Bismarck afin de réduire la puissance autrichienne en Allemagne. Car Vienne restait

le principal Etat garant de l’ordre international.

60

Page 61: Master 1: les relations entre la France et la Bavière de 1852 à 1871

La réforme du Bund et la question des duchés constituaient au cours de la période

1859-1866 les questions brûlantes auxquelles s’attelaient les puissances. La réforme du Bund

vit apparaître trois forces antagonistes : les deux puissances rivales Autriche et Prusse, et le

groupe des Etats moyens. Les querelles à propos de la version d’une Allemagne nouvelle

subsistaient. Mais dans ce début des années 1860, la situation en Allemagne était des plus

précaire. La Prusse, vers laquelle étaient tentés de regarder les libéraux et nationalistes

allemands, s’engageait dans un rapport de force avec son parlement contre les idées

constitutionalistes. Par contre, Vienne s’engageait douloureusement dans une politique

constitutionnelle à l’égard des minorités nationales de son empire.

La crise des duchés danois allait régler la question de l’unité allemande. Ouverte

en 1863, elle aboutit à l’éviction de l’Autriche des affaires allemandes. Le monde germanique

rompait, sous le coup de force prussien, les liens séculaires qu’il entretenait avec la maison

des Habsbourg. La Confédération de l’Allemagne du Nord, avec à sa tête la Prusse, devenait

la force majeure de l’espace germanique. Les quatre Etats allemands du sud (Bavière,

Wurtemberg, Bade, Hesse-Darmstadt) restaient indépendants mais comprenaient qu’un grand

pas venait d’être franchi dans la réalisation de l’Allemagne à hégémonie prussienne. La

France, elle, voyait que Bismarck n’avait pas eu besoin d’elle militairement : Napoléon avait

consenti à l’accroissement de puissance prussienne, mais il s’apercevait qu’elle était déjà

assez puissante pour balayer les armées autrichiennes. Pourtant, il poursuivit sa politique pro-

prussienne, conscient qu’il était arrivé à un point de non-retour. Un retour « timide » à une

politique pro-autrichienne fut entrepris, mais les désaccords étaient nombreux.

61

Page 62: Master 1: les relations entre la France et la Bavière de 1852 à 1871

III. Du réchauffement à la fin des relations franco-bavaroises (1866-1870)

A. Paris et le monde germanique

1. La politique des compensations

Avec la victoire de Sadowa, Bismarck venait de démontrer que la Prusse était une

puissance de premier ordre. Elle venait de s’émanciper de la tutelle autrichienne. Napoléon III

constatait sans plaisir que ses plans avaient échoué. Il cherchait à sauver la face en réclamant

quelques compensations sur la frontière de l’Est. L’opinion publique française s’était

retournée au cours du mois de juillet 1866 : l’élan pacifique laissait place à une envie de

châtier la Prusse.182 La politique impériale était contestée par les français, qui reprochaient à

l’empereur d’avoir mal joué. Comme l’écrivit Magne, un ancien ministre, « le sentiment

national serait profondément blessé si, en fin de compte, la France n’avait obtenu de son

intervention que d’avoir attaché à ses flancs deux voisins dangereux [Prusse et Italie] par leur

puissance démesurément accrue. »183  Profitant de l’ouverture du régime, les partisans d’une

politique traditionnelle en Allemagne et en Italie s’associaient aux opposants de gauche pour

le déstabiliser. Selon le souverain, réparer Sadowa devenait un enjeu de politique intérieure.

L’empereur ne pouvait qu’agir face à ce qu’Eugénie qualifiait de « commencement de la fin

de la dynastie. »184

182 Louis GIRARD, Napoléon III, Paris, Fayard, 1986, p 382183 ibidem184 ibidem

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Page 63: Master 1: les relations entre la France et la Bavière de 1852 à 1871

Alors qu’il avait accepté les conditions de Bismarck, il se mit à réclamer des

compensations. Le 23 juillet, un jour après les préliminaires de Nickolsbourg, Napoléon III,

par l’intermédiaire de Drouyn de Lhuys, fit sa première demande de compensation. Elle

portait sur le retour aux frontières de 1814, sur la cession du Palatinat bavarois et la

démilitarisation du Luxembourg.185 Le 5 août, Bismarck répondait à l’ambassadeur français

Benedetti qu’il ne pouvait donner suite à ses requêtes : « Pas un pouce de territoire allemand »

déclara-il à l’envoyé français. Cette demande permit à Bismarck d’obtenir un traité militaire

avec la Bavière. Cette dernière constatait qu’elle ne pouvait trouver dans l’empereur français

un protecteur : sa situation diplomatique et militaire lui ordonnait d’en trouver un. Valait

mieux se fondre dans un ensemble dominé par le « mauvais frère »186, que d’être une monnaie

d’échange entre les puissances. En réponse au refus de Bismarck, Napoléon III renvoya

Drouyn de Lhuys, et affirma ne pas avoir réclamer de compensations. Rouher se chargea des

affaires diplomatiques.187

Pour apaiser l’opinion publique, qui voyait que la France n’était plus cette grande

nation, politiquement et militairement puissante, Rouher entama de nouveaux pourparlers

avec le chancelier prussien. Cette fois-ci, il était question d’un agrandissement en Belgique et

au Luxembourg.188 Bismarck ne pouvait refuser catégoriquement sans risquer une rupture

avec la France. Elle cherchait à se lier la Prusse avec un traité.189 Napoléon III espérait une

bonne entente avec la puissance de l’Europe du nord. Cela aurait permis de créer un nouvel

ordre européen. En attendant, les discussions traînèrent. Bismarck préférait se garder d’une

alliance avec la France. L’annexion de la Belgique correspondait à un vieux et doux rêve

qu’avait esquissé l’empereur dès le début de son règne.190 Pour lui, il n’existait pas de

185Louis GIRARD, op.cit, p 382186 Jacques BAINVILLE, Louis II, Paris, Tallandier, 1927, p 103187 Louis GIRARD, op.cit, p 384188 Pierre MILZA, Napoléon III, Paris, Perrin, 2004, p 542189 ibidem190 Louis GIRARD, op.cit, p 385

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nationalité belge et « il ne se faisait pas de scrupules d’attenter à l’indépendance d’une petite

nation voisine. »191 Seulement, il savait qu’il rencontrerait l’inimitié de l’Angleterre. Le

Luxembourg, lui, appartenait au roi des Pays-Bas : pour l’annexer, Napoléon III devait

compter sur le consentement de la Prusse, mais aussi sur celui de l’Angleterre.

Le 16 septembre 1866, Napoléon III exposa, par l’intermédiaire de la circulaire

« La Valette », ses intentions à propos de sa politique allemande.192 Elle était une exposition

claire de « la doctrine napoléonienne.»193 L’empereur déclarait que la coalition des trois cours

du Nord (Prusse, Autriche, Russie) de 1815 était brisée ; qu’il ne fallait pas avoir peur d’une

Prusse plus puissante, car, tout comme l’Italie, elle se rapprochait des conceptions politiques

françaises. La France ne devait empêcher et être effrayée par l’émergence de grands Etats

nationaux en Europe, dont elle serait à la tête. La circulaire se poursuivait sur une enquête

démographique des Etats d’Europe. Ce recensement montrait la supériorité démographique

française : France et Algérie avec 40 millions d’habitants contre 29 pour la Confédération de

l’Allemagne du Nord par exemple.194 Mais la circulaire finissait sur un constat amer : « Les

résultats de la dernière guerre indiquent que nous avons besoin d’améliorer sans délai notre

organisation militaire pour la défense de notre territoire. « 195 Comme le dit Louis Girard, « la

destruction soi-disant tant attendue des traités de Vienne n’avait eu pour résultat que de

contraindre la France à augmenter sa puissance militaire. »196 Les « idées napoléoniennes »

pouvaient-elles mettre en danger la France ? C’était ce que dénonçaient les tenants d’une

politique basée sur le morcellement politique de l’Italie et de l’Allemagne. La recherche de

compensations devait ainsi satisfaire l’opinion publique et les opposants : c’était une question

de prestige.

191 ibidem192 Louis GIRARD, op.cit, p 386193 ibidem194 Louis GIRARD, op.cit, p 387195 ibidem196 ibidem

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2. Echec de la politique de compensations

La politique française de compensations se heurtait ainsi à la volonté de Bismarck,

qui ne comptait pas se laisser manipuler. Les manoeuvres françaises étaient mal venues : la

France n’avait pas les moyens militaires et donc diplomatiques pour imposer sa volonté à

Bismarck. L’homme d’Etat prussien savait bien que les armées françaises étaient empêtrées

au Mexique, et dans les colonies africaines et asiatiques. La France avait constaté que la

Prusse s’était agrandie sans son concours militaire ; que, contrairement à l’Italie, elle pouvait

se protéger toute seule.197 Dans les pourparlers à propos des compensations, le rapport de

force avait changé. Et il n’était plus favorable à la France.

En septembre 1866, l’ambassadeur Benedetti avait soumis à Bismarck un projet de

traité concernant l’annexion de la Belgique et du Luxembourg. Bismarck reçut le projet, mais

il n’en dit rien.198 Napoléon III commençait à préparer l’annexion de Luxembourg, pensant

que le silence de Bismarck correspondait à un acquiescement. L’annexion du petit duché

devait être le prélude à l’annexion de la Belgique.199 Dès novembre 1866, Napoléon III

entama des pourparlers directement avec la Haye.200 Le roi des Pays-Bas accepta la cession

du duché contre une forte indemnité. Mais il demanda l’assentiment de la Prusse. Or,

Bismarck déclara, le 1er avril 1867, qu’il n’acceptait pas cette cession sans l’accord du peuple

allemand.201 Devant ce refus, le roi des Pays-Bas cessa les négociations avec la France. Ce

retournement fut un camouflet pour la politique extérieure de la France. Napoléon III, devant

197Louis GIRARD, op.cit, p 385198 Jean TULARD, Dictionnaire du second Empire, Paris, Fayard, 1995, p 136199 Louis GIRARD, op.cit, p 385200 Jean TULARD, op.cit, p 136201 Louis GIRARD, op.cit, p 394

65

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cette perte de prestige, songea à entrer en guerre contre la Prusse, mais il en fut dissuadé par

le maréchal Niel, nouveau ministre de la Guerre. L’armée n’était pas préparée ; les effectifs

étaient insuffisants et les meilleures unités n’étaient pas sur le continent.202 Il fut contraint

d’accepter la tenue d’une conférence internationale à Londres pour mai 1867. La réunion

déboucha sur la neutralisation du Luxembourg. Le duché restait la propriété du roi des Pays-

Bas. La garnison prussienne devait évacuer le duché et la forteresse devait être démontée.203

Avec la conférence de Londres, il apparaissait clair que Bismarck ne comptait aider la France

à s’agrandir. Au lieu de résoudre le différend franco-prussien, la conférence l’avait exacerbé :

« un diplomate [avait] compar[é] l’arrangement de Londres à celui de Gastein ; une simple

halte dans la marche vers la guerre. »

La discorde franco-prussienne rebondit en 1868 à propos des chemins de fers du

Luxembourg. En janvier 1868, la compagnie de l’Est obtint, grâce à une société privée

luxembourgeoise, l’exploitation des lignes du Luxembourg pour quarante-cinq ans. De plus,

deux compagnies de chemins de fers belges, qui étaient endettées, rentrèrent en négociations

avec la compagnie de l’Est pour l’exploitation du réseau belge. L’acquisition était en bonne

voie et permettait à la France d’acquérir un avantage stratégique, avec la ligne Bâle-

Luxembourg, en cas de conflit avec la Prusse. Il pouvait aussi permettre l’annexion à terme de

la Belgique. Mais le gouvernement belge, poussée par Londres, refusa une telle acquisition.

Clarendon, premier ministre anglais, sentait que Bismarck poussait Napoléon III vers la

Belgique afin d’envenimer les relations franco-anglaises.204 L’affaire fut réglée en avril 1869 :

les contrats étaient annulés et la Belgique garantissait des indemnités conséquentes aux

entreprises ferroviaires françaises concernées.205

202 Pierre MILZA, op.cit, p 543203 ibidem204 Louis GIRARD, op.cit, p 401205 Jean TULARD, op.cit, p 136

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Ainsi, après Sadowa, la politique extérieure menée par Napoléon III connaissait

des difficultés considérables. La carte prussienne avait échoué et s’était même retournée

contre son créateur. Les calculs, qu’il avait entrepris, tournaient en permanence autour de

l’alliance avec la Prusse. Mais cette alliance, Bismarck n’en a pas voulu. Il préférait n’être

redevable de personne. Face à ce camouflet, la diplomatie française allait se tourner vers

l’Autriche afin de conclure une alliance pour effacer les erreurs nées de la défaite

autrichienne.

3. Vers un rapprochement avec l’Autriche

A partir de 1868, il était clair pour Napoléon III, qu’il devait croiser le fer avec la

Prusse. Elle avait affaibli le prestige de la France. L’alliance autrichienne aurait permis de

reprendre la main en Allemagne. L’Autriche ne cherchait-elle pas à réparer les conséquences

de Sadowa ? Une attaque franco-autrichienne contre la Prusse pouvait-elle satisfaire les deux

parties ? Dans ce cas, n’est-ce pas pour Napoléon III se contredire ? Ce retour brusqué à une

politique extérieure « traditionnelle » constituait-il un facteur de stabilité et de lisibilité pour

l’opinion publique française ?

En tout cas, dans la panique qui s’emparait du corps diplomatique tout entier, le

rapprochement avec l’Autriche s’opérait. Dès avril 1867, Napoléon proposait à François-

Joseph une alliance offensive et défensive.206 Elle prévoyait après la victoire commune sur la

Prusse, que l’Autriche puisse former une confédération d’Allemagne du Sud. L’Autriche

pourrait s’emparer de la Silésie, perdue au début du 19ème siècle. La France occuperait la rive

206 Pierre MILZA, op.cit, p 543

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Page 68: Master 1: les relations entre la France et la Bavière de 1852 à 1871

gauche du Rhin. L’alliance n’aboutit pas, car Vienne ne consentait à céder des territoires

allemands, mais les marques d’amabilités se multipliaient. Vienne était préoccupé d’abord

par sa situation intérieure. La défaite de Sadowa correspondait à une défaite du camp

allemand dans l’Etat habsbourgeois. Les Hongrois se sentaient renforcés dans la volonté de

s’emparer d’une partie du pouvoir et d’obtenir une large autonomie.207 Beust fut chargé de

changer la Constitution. De ce changement naquit l’Autriche-Hongrie dernière version. Ceci

devait amener des modifications dans la conduite de sa politique extérieure. La défense de

l’indépendance des Etats de l’Allemagne restait tout de même une priorité de Vienne. Mais

les intérêts à défendre passaient plus par les Balkans désormais que par un retour de la

puissance habsbourgeoise en Allemagne. Beust cherchait, en cette année 1868, à recréer le

front de Crimée : une coalition contre la Russie devait amener la Prusse à s’aliéner les

courants nationalistes allemands en cas d’intervention aux côtés des russes.

Napoléon III ne désirait pas s’en tenir à des paroles de pure forme avec François-

Joseph. En août 1867, le couple impérial français se rendit à Salzbourg rencontrer François-

Joseph et Elisabeth. Cette rencontre fut suivie de discussions politiques.208 Les discussions ne

débouchèrent pas sur un traité définitif, vivement souhaité par Napoléon III. Malgré cet échec,

l’Europe constatait que le rapprochement franco-autrichien prenait corps de jour en jour. Dans

ce rapprochement, l’Autriche voulait élargir les discussions avec l’Italie de peur d’avoir une

puissance hostile sur son flanc sud.209 Napoléon y était favorable. Mais les discussions

achoppèrent sur deux obstacles. D’abord la question romaine entravait l’éventualité d’une

entente. L’Autriche, en tant que puissance catholique ne pouvait se résoudre à laisser Rome

au royaume d’Italie. Il en allait de même pour Napoléon III, qui ne voulait pas s’aliéner les

catholiques français. Ensuite, l’Italie réclamait la cession par l’Autriche du Trentin. Refus

207 Peter RASSOW, Histoire de l’Allemagne, des origines à nos jours, J.Horvath, 1972, p 646208 Jean TULARD, op.cit, p 87209 ibidem

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catégorique de François-Joseph. L‘intransigeance des différents dirigeants sur la question

romaine ne permit pas d’aboutir à la conclusion d’un accord.

La politique pro-prussienne de Napoléon III dans la première moitié des années

1860 avait au bout du compte affaiblit le régime à l’extérieur mais aussi à l’intérieur. La

politique « désespérée » de rapprochement avec l’Autriche n’eut pas de conséquences

sécurisantes pour la France. Elle aurait pu être suivie d’un rapprochement avec les Etats du

sud de l’Allemagne. Mais il n’en fut rien. De 1867 à 1870, la France apparaît de plus en plus

isolée en Europe. Toute sa politique extérieure, depuis le début du régime impérial, venait de

subir un revers important. L’ensemble des capitales européennes avait des griefs à l’encontre

de Napoléon III. Le voir, dans une certaine mesure, subir une défaite diplomatique ou

militaire ne les gênaient pas.

B. Munich et l’Allemagne : le projet « Triade »

1. 1866 : fin du projet ?

La Bavière, dans l’espace germanique, occupait une place de choix. Troisième Etat

après la Prusse et l’Autriche, elle cherchait, depuis le début du 19ème siècle, à se créer une zone

d’influence en Allemagne. Face à l’antagonisme austro-prussien montant, elle pensait pouvoir

trouver son bonheur en proposant une troisième voie dans la réalisation de l’unité allemande.

L’unité allemande restait la question la plus préoccupante dans les années 1850-1860. Mais

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chaque Etat avait une conception particulière de la future unité : le morcellement politique de

l’Allemagne fut un des obstacles majeurs à l’unité prônée par les révolutionnaires de 1848.

Ce projet de triade fut un des buts de la politique menée par Maximilien II et son

ministre Von der Pfordten. Dès les conférences de Dresde du 23 décembre 1850 au 15 mai

1851210, elle cherchait à obtenir plus de suffrages à la Diète de Francfort.211 Le royaume de

Bavière proposa que les quatre royaumes (Bavière, Wurtemberg, Saxe et Hanovre) aient le

même nombre de voix que les deux grandes puissances allemandes.212 Les petits Etats, non

concernés par la réforme proposée, refusèrent ce projet.

La guerre de Crimée fit rebondir la question. L’attitude radicalement différente de

l’Autriche et de la Prusse fit ressurgir l’importance d’une réforme du Bund.213 La Bavière, qui

était économiquement liée à la Prusse, et politiquement à l’Autriche, pensait qu’une réforme

du Bund dans un sens plus fédéraliste permettrait de «  pouvoir assurer une fois encore la paix

du monde grâce à l’appui d’une Allemagne forte de ses 70 millions d’habitants. »214 Elle

réussit à s’affranchir de l’Autriche en soutenant la Prusse dans sa volonté de neutraliser le

Bund dans la guerre de Crimée. C’était dans le but de contraindre l’Autriche à envisager une

réforme tripartite du Bund. Pour arriver à leurs fins, huit représentants d’Etats moyens

(Bavière, Saxe, Hanovre, Wurtemberg, Nassau, Les deux Hesse) se réunirent à Bamberg les

25 et 26 mai 1854. Il en sortit une attitude commune face aux prétentions autrichiennes, mais

pas de réel projet de Triade, qui aurait pu contrebalancer le condominium austro-prussien.

Avec la guerre d’Italie, les projets de réformes de la Confédération germanique se

multiplièrent. Et la Bavière devenait un enjeu pour les deux grandes puissances. S’accorder

avec la Bavière permettrait de balayer les résistances des autres Etats allemands. Le baron

210 Max SPINDLER, Bayerische Geschichte im 19 und 20 Jahrundert 1800 bis 1970, Munich, CH Beck, 1978, p 274211 Jean TULARD, op.cit, p 124212 ibidem213 ibidem214 ibidem

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Ludwig Von der Pfordten, ambassadeur de Bavière à la Diète de Francfort à partir de 1859,

pensait qu’inévitablement et « en raison de sa taille, de l’importance de sa population, de la

mission culturelle dont elle était investie, la Bavière était appelée à prendre la tête de la

troisième Allemagne. »215 Lors de conférences d’Etats moyens allemands à Munich et

Wurzbourg en 1859, Maximilien II, soutenu par la Saxe, proposa l’élargissement des

compétences du Deutsches Bund. Il demandait l’institution d’une citoyenneté allemande, tout

en conservant les nationalités de chaque Etat. De plus, il réclamait l’instauration d’un même

système judiciaire, d’un même code civil et pénal, d’une législation commune sur les

patentes, d’un seul et unique système de poids et mesures.216 Face à ses exigences, Vienne et

Berlin y virent une tentative des Etats moyens de s’affranchir d’eux. La Prusse refusa ce

projet.

En 1863, l’antagonisme austro-prussien augmentait et la réforme du Bund devenait

un enjeu majeur pour les deux puissances. Elles courtisèrent la Bavière chacune de leur côté

afin de faire adopter sa vision de l’organisation politique allemande. D’abord l’Autriche, qui

proposa une réforme lors de la conférence des Princes de Francfort du 17 août 1863.217 Dans

ce projet, la Bavière occupait une place équivalente à celle des deux grandes puissances

allemandes. Le projet prévoyait un renforcement de l’exécutif, avec la constitution d’un

directoire de six membres. La Prusse se sentait menacée par ce projet et refusa de participer à

la conférence des Princes. La Bavière, devant le refus prussien, ne donna pas suite au projet :

elle avait refusée l’Allemagne sans l’Autriche, elle ne pouvait et ne voulait voir l’Allemagne

sans la Prusse.218

Avec la crise des duchés danois, la Bavière prit la tête des revendications des Etats

moyens da la Confédération. Maximilien II, comme les autres souverains, n’acceptait pas que

215Jean TULARD, op.cit, p 125216 ibidem217 Max SPINDLER, op.cit, p 277218 Jean TULARD, op.cit, p 125

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l’affaire soit réglée par les deux grandes puissances sans concertation des autres Etats. Dans

cette perspective, Maximilien II et son successeur Louis II se faisaient les défenseurs des

droits de Frédéric d’Augustenbourg sur les duchés danois. La survie de la Confédération était

en jeu. La Bavière réussit à influencer Vienne pour qu’elle accepta Frédéric d’Augustenbourg

comme duc du Schleswig-Holstein. Seulement la convention de Gastein remit en cause cette

initiative : Vienne retournait à l’alliance prussienne.

La dernière tentative pour réaliser cette troisième force fut proposée par Bismarck.

Le 10 juin 1866, Bismarck proposa la création d’un Etat fédéral dirigé par une conférence des

ambassadeurs des Etats membres avec un Parlement élu au suffrage direct. L’Autriche serait

exclue de l’Etat fédéral mais elle contracterait une alliance militaire avec. La Bavière

recevrait le commandement des troupes de l’Allemagne du Sud. Tour à tour, Vienne et Berlin

cherchaient à s’allier Munich. Mais la proposition de Bismarck ne pouvait convenir à Louis

II. Son horreur de la démocratie ; le fait que les catholiques se retrouveraient en minorité dans

ce nouvel Etat furent les motifs du rejet bavarois.

La position, que la Bavière souhaitait avoir dans une éventuelle réforme du Bund,

était fondamentalement précaire. D’une part ; elle ne possédait pas une armée équipée et

formée, qui lui aurait permis d’ « être la continuation de la politique par d’autres moyens »,

comme le proclamait Clausewitz. Ensuite, afin d’arriver à ses fins, elle devait compter avec le

duo austro-prussien. Or les « frères ennemis » n’étaient pas décidés à laisser une place au

soleil à la Bavière. De même pour les petits et moyens Etats allemands, qui ne voulaient pas

d’une tutelle bavaroise : le Bade, par exemple, préférait une tutelle lointaine, celle de la

Prusse, plutôt qu’une tutelle bavaroise proche. La guerre de 1866 était l’ultime occasion de

faire admettre l’idée d’une troisième force en Allemagne. Pour y parvenir, il fallait se montrer

le plus militairement possible neutre malgré la participation bavaroise à la coalition anti-

prussienne. Seulement la supériorité prussienne contrecarra les projets de Louis II. L’armée

72

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prussienne avait la capacité de mettre en péril les armées bavaroises, et ceci n’avait pas été

prévu par Louis II.

Avec la victoire foudroyante de la Prusse, l’idée d’une troisième force allemande

persistait, mais uniquement dans les pensées chimériques de certains responsables politiques

bavarois. La réalité montrait bien que cette volonté devenait anachronique. La création d’une

Confédération de l’Allemagne du Sud, évoquée lors des traités de paix de Prague, ne pouvait

faire de cette entité qu’un pion dans les mains des grandes puissances. Dans ce cas, vers qui se

tourner ? L’Autriche avait déçu. Du côté français, « la Bavière ne recevait plus que des

menaces de démembrement territorial. »219 La Prusse, elle, n’accepterait pas la création d’une

Confédération de l’Allemagne du sud : en témoignaient les traités militaires conclus en août

1866 avec les Etats allemands du Sud. A partir de 1866, la Bavière était donc dans une

situation des plus alarmantes. Elle devenait un enjeu de l’appétit des puissances voisines.

L’indépendance bavaroise risquait-elle d’être sacrifier par une grande puissance au cours du

prochain conflit à venir ? Dans ce cas, comment préserver au mieux l’indépendance de la

Bavière et le maintien de la dynastie des Wittelsbach ?

2. Le ministère Hohenlohe : vers la prussification ?

Dès le 29 août 1866, Louis II, conscient de la nouvelle donne politique, écrivait à

son oncle de Prusse, Guillaume Ier : «  Maintenant que la paix est conclue entre nous et

qu’une ferme et durable amitié s’est établie entre nos Maisons et nos Etats, je désire lui

donner une expression extérieure et symbolique, en offrant à Votre Majesté Royale la

possession commune du burg de ses aïeux à Nuremberg. Lorsque au faîte de ce château le

pavillon des Hohenzollern et celui des Wittelsbach flotteront au vent, en mêlant leurs plis,

219 Jacques BAINVILLE, op.cit, p 96

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puisse-t-on voir là le symbole de la bonne garde que font la Prusse et la Bavière unies sur

l’avenir de l’Allemagne, avenir que la Providence a introduit dans des voies nouvelles par

l’entremise de Votre Majesté. »220  Cette lettre témoignait bien de la nouvelle voie que prenait

la diplomatie bavaroise.

Son premier acte fort et symbolique fut l’éviction du baron Ludwig Von der

Pfordten, partisan de la grande-Allemagne. Il le remplaça définitivement le 31 décembre 1866

par le prince Chlodwig von Hohenlohe-Schillingsfürst.221 Cette nomination représentait les

intérêts prussiennes. Il était clairement un libéral, anticlérical, farouche partisan de la petite-

Allemagne. Il réussit à entamer des réformes de types libérales grâce à un Landtag

(Parlement) à majorité libérale jusqu’en 1868.222

Le principal obstacle à la « prussification »223  fut le catholicisme, ciment du

particularisme bavarois. Le catholicisme bavarois était isolé au sein du catholicisme : le 19ème

siècle marqua une recrudescence de l’ultramontanisme. Or, dans leurs combats en Bavière, les

catholiques étaient divisés sur la marche à suivre face au mouvement national allemand. La

condamnation du monde moderne par le Pape, en 1864, avec le Syllabus, amena des

intellectuels catholiques, comme Döllinger, à se rapprocher des conceptions luthériennes et

ainsi de la Prusse. Avec ces divergences au sein du catholicisme bavarois, il était plus facile

de mener, pour Louis II, une politique libérale. Le ministre Hohenlohe put entreprendre, en

prélude au Kulturkampf, une série de réformes, qui réduisaient le pouvoir du catholicisme

dans la société bavaroise. La première tâche, qui lui incombait, était de commencer la

séparation de l’Eglise et de l’Etat dans les domaines où le Trône et l’Autel étaient toujours

associés. Dans le domaine social, le ministre fit adopter une loi, datée du 29 avril 1869, qui

enlevait aux ecclésiastiques le soin des malades.224 Ce furent les communes, qui se chargèrent 220 Jacques BAINVILLE, op.cit, p 105221 Max SPINDLER, op.cit, p 301222 ibidem223 Jacques BAINVILLE, op.cit, p 97224 Max SPINDLER, op.cit, p 302

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dès lors des soins aux malades. Le ministre, dans sa volonté de libéraliser l’Etat bavarois,

adopta des lois en faveur de la mobilité des citoyens : mobilité, qui était l’un des fondements

de tout système capitaliste et libéral. De plus, la loi du 30 janvier 1868 autorisa la liberté

d’entreprendre dans tout le royaume, ce qui contrastait avec le système des concessions, qui

était en vigueur jusque-là.225 Dans le domaine militaire, il introduisit une réforme, le 30

janvier 1868, qui tirait les conclusions du traité militaire bavaro-prussien d’août 1866.226 La

réforme s’engageait dans la voie de la conscription générale. Elle permettait de faire de la

Défense un devoir pour le citoyen. L’armée put ainsi voir ses effectifs gonflés. Le service était

de six ans, dont trois dans l’armée active et trois ans dans la Réserve. La Landwehr (Défense

territoriale) devait s’inspirer du modèle prussien, qui en faisait «  un instrument-modèle au

point de vue technique. »227 Ainsi, elle « serait une armée absolument dévouée à la couronne

et immédiatement prête à combattre. »228 

Dans le domaine économique, la dépendance à l’égard de la Prusse s’accentuait.229

Avec la création de la Confédération de l’Allemagne du Nord le 1er juillet 1867, le Zollverein

devait être renouvelé. Bismarck cherchait à se lier plus fortement les quatre Etats du sud de

l’Allemagne. La nouvelle organisation se composait de deux commissions. Un conseil fédéral

du Zoll (Zollbundesrat) et un parlement du Zoll (Zollparlament). Le parlement devait être élu

au suffrage universel direct. La Prusse obtenait le monopole du droit de veto. Le 8 juillet

1867, le nouveau traité fut signé.230 En Bavière, malgré la signature, les oppositions restaient

vives. A la chambre des députés, les conservateurs dénonçaient «  la sanction de la dictature

économique prussienne»231  ; ainsi que la probable domination politique de la Prusse dans le

cas où la réalisation de l’unité allemande se concrétisait. La Chambre Haute (Reichsräte) 225 Max SPINDLER, op.cit, p 304226ibidem 227 Peter RASSOW, op.cit, p 585228 ibidem229 Max SPINDLER, op.cit, p 302230 ibidem231 ibidem

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aussi, résista durablement à la ratification du traité économique. Seul en Bavière, le Parti du

Progrès (Fortschrittpartei) pensait que le traité constituait une avancée souhaitable vers

l’établissement d’une petite-Allemagne. Pourtant, le traité fut ratifié sous la pression de Louis

II en accord avec son idée de ménager la Bavière face à « l’ogre » prussien. Des élections

eurent lieu, le 10 février 1868, pour le Zollparlament.232 Sur les quarante-huit députés

envoyés par la Bavière, trente s’opposait à la politique pro-prussienne du Zoll. De là se créa

un Parti bavarois patriote animé par Ernst Zanders et Joseph Edmund Jörg. Au parlement et

par l’intermédiaire du « Augsburger Postzeitung » ils propageaient des idées patriotiques et

pro-cléricales. Ce parti se mit à concurrencer le Fortschrittpartei au sein des institutions.233

Sur le plan des relations internationales, le souverain bavarois, conscient de son

isolement, cherchait à « conduire son Etat dans la voie qu’il jugeait la moins dangereuse. »234

Aider la Prusse dans ses revendications sans trop aller loin, voilà le « pénible mariage de

raison » que Louis II dû entretenir. Il ne cachait pourtant pas son horreur de ce que

représentait la Prusse : la bureaucratie, le militarisme. Cela contrastait avec le « lyrisme

exalté », l’  « inutile rêverie » et la « solitude malsaine » qui caractérisaient le jeune souverain

bavarois.235 Il confia même à M. de Cadore, ministre de France à Munich, que «  Bismarck

[voulait] faire de son royaume une province prussienne. »236 M. de Cadore pensait néanmoins

que la Bavière marcherait avec la Prusse en cas de conflit avec la France.

Les évènements internationaux de 1866 à 1870 n’étaient pas de nature à créer un

rapprochement franco-bavarois. Alors que tous les éléments étaient réunis pour entrevoir une

entente, l’affaire du Luxembourg entretint la méfiance des Etats allemands du sud, dont la

Bavière qui possédait le Palatinat à la frontière française. Le Palatinat était une région

convoitée par Napoléon III. Du moins, tout agrandissement de la France à l’Est passait quasi 232 ibidem233 ibidem234 Jacques BAINVILLE, op.cit, p 107235 Jacques BAINVILLE, op.cit, p 109236 ibidem

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inévitablement par le Palatinat bavarois. Jusqu’en 1870, les manœuvres françaises en

Belgique et au Luxembourg suscitèrent des craintes à Louis II. Bismarck sut en tirer profiter

pour se lier la Bavière.

Ainsi, la solution prussienne semblait, pour Louis II, la plus raisonnable pour

maintenir quelques artifices de la souveraineté bavaroise. Mais les résistances en Bavière

restaient vives. La politique libérale de Hohenlohe avait permis la constitution d’une force

politique particulariste, le Parti bavarois. En mai 1869 et en novembre 1869, les élections au

Landtag donnèrent une majorité aux catholiques conservateurs (quatre-vingt sièges contre

soixante et quatorze sièges pour les libéraux).237 Sous la pression des deux Chambres, le 8

mars 1870, Louis II accepta la démission de Hohenlohe. Le comte Otto Graf Bray-Steinburg

le remplaça au ministère des Affaires étrangères et devint ministre principal.238 Cette

nomination représentait le retour au devant de la scène des tenants de la politique

particulariste et grande-Allemagne. Elle pouvait constituer une aubaine pour la diplomatie

française qui s’évertuait à affaiblir par tous les moyens la puissance prussienne. Le retour à

une politique d’influence dans les Etats du sud de l‘Allemagne avait des chances d’aboutir.

Avec une alliance autrichienne solide, la Prusse devait s’attendre à une confrontation

prochaine. La France se devait de réparer Sadowa, ainsi que les humiliations subies lors de la

politique des compensations. Mais pouvait-elle attendre longtemps : son armée montrait des

signes de faiblesses dans moult domaines importants. L’armée prussienne avait fait ses

preuves au Danemark et face à l’Autriche. Elle était en confiance et n’était nullement

inquiétée par un éventuel conflit avec la France impériale. Bismarck devait cependant tout

mettre en oeuvre pour éviter une quelconque intervention des puissances européennes. Ce fut

Bismarck, qui se décida à agir de façon plus agressive vis a vis de la France. La candidature

Hohenzollern au trône d’Espagne allait mettre le feu aux poudres.

237 Max SPINDLER, op.cit, p 307238 ibidem

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C. La guerre de 1870 : fin des relations franco-bavaroises

1. Causes et rapports de force au déclenchement de la guerre

Le conflit, qui éclata en juillet 1870, entre la France et la Prusse apparut pour les

historiens comme un affrontement « inéluctable »239, préparé de longue date par Bismarck. Le

chancelier savait que le dernier obstacle à la réalisation de l’unité allemande sous domination

prussienne était la France. Il avait pu mettre en retrait la France lors du conflit avec l’Autriche

en lui faisant miroiter quelques compensations à l’est. Mais la supercherie dura quelques

temps jusqu’à ce que la France comprit que l’alliance prussienne était caduque. Dès lors, il

fallait refaire ce qui avaient été défait, c'est-à-dire se tourner vers l’Autriche pour contrer la

puissance arrogante prussienne.

En Allemagne, Bismarck sentait que la réalisation de l’unité allemande lui

échappait et que le particularisme reprenait de la force dans les Etats du sud de l’Allemagne.

Une guerre contre la France, menée dans certaines conditions, lèverait les obstacles à la

réalisation de l’unité. Mais il fallait trouver le prétexte adéquate pour rompre avec la France.

Sans le savoir, la candidature d’un prince Hohenzollern au trône d’Espagne, allait devenir

l’instrument de la rupture des relations avec la France.

239 Jean TULARD, op.cit, p 597

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Le trône d’Espagne était vacant depuis 1868. La reine Isabelle avait du quitter le

trône et partir en France chercher asile.240 Napoléon III était naturellement intéressé par ce qui

pouvait se passer dans l’Etat transpyrénéen. Mais il ne sut trouver un candidat pour le trône.

En février 1869, la candidature du prince Léopold de Hohenzollern, qui appartenait à une

branche catholique des Hohenzollern, au trône vacant d’Espagne, fut connue. Mais elle ne

paraissait pas sérieuse.

En février 1870, Bismarck relança la candidature du prince Léopold. Il savait

qu’elle serait susceptible de froisser la France.241 De février à juin 1870, Bismarck réussit à

convaincre Léopold et le roi Guillaume de présenter la candidature. En juin, le général Prim,

qui dirigeait l’Espagne, n’avait plus qu’à soumettre la candidature au Cortès. Le 2 juillet

1870, la candidature Hohenzollern fut rendue publique.242Selon Louis Girard et Pierre Milza,

la réaction de l’opinion publique parisienne fut si explosive que la diplomatie française se

devait de réagir énergiquement. Les républicains et les royalistes s’en prenaient allègrement à

l’incohérence de la diplomatie française. Adolphe Thiers, dans un discours à l’Assemblée le 3

mai avait déjà mis en garde Napoléon III face à une résurrection de l’empire de Charles

Quint.243 Les autres réclamaient une réaction forte : l’avenir de la dynastie impériale pouvait

être en jeu.

Napoléon III essayait de garder la tête froide face cette « hystérie ambiante. »244 Il

devait tout de même relever la « provocation nouvelle », car il en allait du prestige et de

l’honneur de la dynastie.245 Devant les pressions internationales, Guillaume Ier demanda le

retrait de la candidature. Il fut officiel le 12 juillet 1870. A Paris, un sentiment de victoire

s’installait au sein du pouvoir. Mais certains politiciens ne voulaient pas se contenter de ce

240 Louis GIRARD, op.cit, p 456241 ibidem242Louis GIRARD, op.cit, p 457243Louis GIRARD, op.cit, p 458244 Pierre MILZA, op.cit, p 579245 ibidem

79

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simple retrait. L’impératrice Eugénie et les bonapartistes autoritaires poussèrent Napoléon III,

« diminué physiquement et psychologiquement » par la maladie, à exiger des « garanties » à

la Prusse.246Ces garanties correspondait à une renonciation du chef de famille des

Hohenzollern, en l’occurrence Guillaume Ier de Prusse, à toute montée d’un prince

Hohenzollern sur le trône d’Espagne. Benedetti, ambassadeur de France à Berlin, fut chargé

de transmettre les demandes françaises au roi de Prusse. Le 13 juillet, Benedetti rencontra

Guillaume Ier à Ems. Le roi de Prusse se refusa à donner des garanties par écrit, mais fit

savoir à l’envoyé français que l’affaire de la candidature lui apparaissait comme de l’histoire

ancienne. Entre-temps, le roi fit parvenir le compte-rendu de l’entrevue à Bismarck. Il s’en

servit pour humilier l’honneur de la France. Il la manipula et la fit publier. Le 14 juillet, la

fameuse dépêche d’Ems fut connue à Paris. Le 15 au matin, l’entrée en guerre de la France

face à la Prusse fut décidée. Le 19 juillet, la déclaration de guerre fut remise à la Prusse. A

l’entrée en guerre, quels étaient les rapports de force diplomatiques et militaires ?

Sur le plan diplomatique, Bismarck avait des raisons de ne pas trop s’inquiéter. La

France n’a pu trouver d’alliés sûrs pour cette guerre. En déclarant la guerre, la France s’aliéna

un bon nombre d’Etats. L’Angleterre en premier lieu resta neutre. Bismarck avait su

habilement faire publier dans le Times le projet de traité français, datant de 1866, d’annexion

de la Belgique.247La Russie était favorable à la Prusse tant que ses intérêts n’étaient pas en jeu.

Rester l’Autriche et l’Italie. Aucune des discussions pendant la période 1866-1870 n’avait

abouti à un traité militaire. François-Joseph et son ministre Beust se déclarèrent neutres. Le

fait que se fut Napoléon III, qui déclara la guerre, empêcha l’Autriche de mener une guerre

contre son voisin du Nord. Ils rentreraient dans le conflit du côté français, si la France se

montrait militairement supérieure. Avec l’Italie, les discussions ne durèrent pas longtemps. Le

roi Victor-Emmanuel voulait payer « la dette d’honneur » envers son protecteur. Seulement,

246Pierre MILZA, op.cit, p 580247Pierre MILZA, op.cit, p 585

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la question romaine ne trouvant pas de solutions, le royaume d’Italie choisit finalement de

rester neutre. Napoléon III, pressé par Gramont, ne voulait pas « défendre son honneur sur le

Rhin et le sacrifier sur le Tibre. »248 En Allemagne, la manœuvre habile de Bismarck

déboucha sur l’entrée des Etats du sud en guerre au côté de la Prusse, comme prévue dans les

traités militaires de 1866. Pendant le conflit, la tâche de Bismarck fut de ne pas l’élargir. Pour

la France, le contraire apparaissait souhaitable.

Diplomatiquement isolée, la France se devait de relever le défi dans le domaine

militaire. Or les évolutions aussi bien techniques que tactiques et stratégiques ne furent pas

nombreuses. La guerre de Crimée, la guerre d’Italie, les expéditions en Chine, au Mexique et

en Afrique avaient montré la qualité du soldat français. Mais le commandement avait souvent

fait défaut, malgré la réputation des généraux. A la fin août 1870, Napoléon III ne disposait

que de 300 000 soldats alignés. La coalition allemande comptait 450 000 hommes plus les

troupes de la Landwehr.249 L’artillerie allemande semblait supérieure ainsi que son

organisation : Moltke avait, bien avant le conflit, préparé des plans d’attaques.

Bien sûr, les responsabilités furent partagées : entrer en guerre sans avoir une

connaissance précise des forces militaires en présence et en se fiant à la bravoure du soldat

français paraissait a posteriori risqué.250 La défaite à venir trouvait ses responsabilités dans

l’infériorité de la « capacité d’action collective » française.251 Cette responsabilité incombait à

la Nation dans son ensemble, car la victoire, de tout temps, apporte une supériorité morale. La

défaite ne peut que créer le phénomène inverse, c'est-à-dire une remise en cause des valeurs

morales de l’époque. Comment ne pas attribuer la responsabilité aux français et à leurs

représentants qui ont rejeté puis vidé de sa substance la loi Niel ? Cette loi de 1868 devait 248 ibidem249 Louis GIRARD, op.cit, p 476250 François ROTH, La guerre de 70, Paris, Fayard, 1990, p 553-581251 Raymond ARON, Paix et guerre entre les Nations, Paris, Calmann-Lévy, 1984, 8ème édition, p 225 en parlant de l’empire romain : «  la supériorité qui a pour fondement une capacité d’action collective, en

l’espèce la discipline militaire, n’est pas immédiatement transmissible, elle est liée aux structures sociales, elle exige un entraînement prolongé. »

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permettre d’atteindre un niveau militaire égal à celui de la Prusse. La création d’une garde

nationale mobile, sur le modèle prussien rencontra de vives oppositions. La mort du maréchal

Niel enterra le projet.

L’impréparation de l’armée, l’isolement diplomatique n’annonçait rien de très

réjouissant pour Napoléon III. L’empereur, pour préserver l’intérêt dynastique, était

condamné à la victoire. Le 28 juillet 1870, il prit la tête des troupes françaises à Metz.252 La

guerre franco-prussienne débutait. En Allemagne, elle prenait des allures de guerre de

libération nationale.

2. Paris et Munich dans le conflit

Le conflit entre la Prusse, avec les Etats du sud de l’Allemagne, et la France

impériale marqua un tournant dans l’histoire des relations internationales : un nouvel équilibre

des forces allait en sortir. Dans cette épreuve de volonté, la France devait échouer. François

Roth dans son livre la guerre de 70 a fait une description des évènements militaires majeurs.

Ici, il est question de retracer les évènements, qui concernent la Bavière et la France.

A Munich, Louis II ne pouvait se dérober au devoir qu’il lui incombait. La visite

de Bismarck, le 14 juillet 1870, avait donné le ton sur l’attitude de la Prusse à l’égard de la

Bavière au cas où celle-ci hésita.253 Il fit savoir qu’une hésitation bavaroise serait pour lui un

signe de rupture d’alliance. Bien que la question de la neutralité fût évoquée, il semblait pour

Bray et pour Louis II qu’une victoire prussienne sans le concours de la Bavière signifierait la 252 François ROTH, op.cit, p 25253 Max SPINDLER, op.cit, p 309

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fin du royaume bavarois.254 Le conseil des ministres du 15 juillet 1870 jugea que seul le roi

pouvait décréter la mobilisation. Le 16 juillet, le roi Louis II franchissait « le Rubicon du

particularisme.»255 La décision prise, il fallait faire voter les crédits de guerre. Le 18 et 19, la

Chambre se saisissait de l’affaire. Le 19, après d’âpres oppositions, les demandes de crédits

du gouvernement furent approuvées par 101 voix contre 47 : le sentiment d’être allemand

prenait le pas sur le particularisme bavarois.

L’armée bavaroise fut associée étroitement à l’armée prussienne. L’armée

allemande était divisée en trois armées. Les deux corps d’armées bavarois étaient intégrés à

l’armée du Sud, qui comprenait en plus trois corps d’armées prussiens, un du Wurtemberg, un

de Bade et une division de cavalerie prussienne.256 Chaque corps d’armée était composé de

deux divisions d’infanterie, un corps d’artillerie et souvent un corps de cavalerie.257 Sur le

Rhin, trois grandes armées furent formées : une confiée au général Steinmetz, la seconde au

prince Frédéric-Charles, et la troisième, celle du Sud, sous le commandement du prince

Frédéric de Prusse.258

En face, l’armée française était organisé en deux armées : l’armée d’Alsace sous

le commandement de Mac-Mahon et la deuxième, celle de Lorraine sous le commandement

du maréchal Bazaine.259 Napoléon III préféra choisir une position défensive articulée autour

de la ligne Metz-Strasbourg.

Le 4 août, une division de l’armée d’Alsace fut accrochée à la ville frontière de

Wissembourg. Elle tomba sur une division de l’armée du Sud. Les bavarois y prirent part.

Dans la nuit, les français, conscients de leur infériorité numérique, se replièrent : 10 000

français venaient de combattre 40 000 allemands.260 Le 6 août, les bavarois attaquèrent, à 254 ibidem255 Jacques BAINVILLE, op.cit, p 116256 Max SPINDLER, op.cit, p 309257 François ROTH, op.cit, p 28258 ibidem259 ibidem260 François ROTH, op.cit, p 46

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Woerth (Frœschwiller pour les allemands) l’aile gauche du dispositif de l’armée d’Alsace.

Devant la débâcle française, Mac-Mahon se retira sur Reichshoffen. La route de Strasbourg

était dégagée. En Lorraine, la situation n’était guère meilleure pour les français. Le 6 août, la

bataille de Forbach décida Napoléon III et Bazaine à se replier sur Metz.

L’annonce des premières défaites fit chanceler le trône impérial : Emile Ollivier

démissionna le 9 août. La population parisienne s’en prenait ouvertement au régime, seul

responsable des défaites. L’impératrice Eugénie, aidée par Eugène Rouher, se chargea du

gouvernement. Ce dernier fut composé de bonapartistes autoritaires tels Jérôme David et

Clément Duvernois. Le nouvel homme fort du gouvernement fut le comte de Palikao. Car

l’empereur était tenu à l’écart. Comme le constate François Roth, l’empereur « a été

dépouillée de ses pouvoirs en moins d’un mois. »261 Même à Metz, il ne savait que faire. Le

12 août, alors que Nancy était occupée sans combat, Napoléon III abandonnait son

commandement en chef au maréchal Bazaine. Il fut décidé de se replier vers le camp de

Châlons. Mais sur le chemin, l’armée française rencontra la première armée allemande de

Steinmetz. L’affrontement fut égal et chacun pensait avoir pris l’avantage sur l’autre.262 Le 16

août, l’armée française subit une lourde défaite à Rezonville-Mars-la-Tour.263 Le repli sur

Verdun fut décidé côté français. Mais l’armée allemande ne laissa aucun répit aux français.

En bon disciple de Clausewitz, Moltke cherchait à engager l’armée française principale dans

une bataille décisive. Le 18 août, la défaite de Saint-Privat condamnait les français à se replier

sur Metz. Le 20 août, le blocus de la ville lorraine commençait.264

Napoléon III, qui rejoignit Mac-Mahon dans sa retraite, allait être encerclé par les

armées prussiennes entre Sedan et la frontière belge. Les allemands s’avancèrent vers

Strasbourg, « ville allemande volée au Reich par Louis XIV. »265 Le 20 août, le siège de 261François ROTH, op.cit, p 58262François ROTH, op.cit, p 73263 François ROTH, op.cit, p 75264 François ROTH, op.cit, p 87265 François ROTH, op.cit, p 102

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Strasbourg et celui de Metz étaient effectifs. L’armée allemande du Sud, elle, traversait la

Lorraine en écharpe. Le 18 août, elle se trouvait à Bar-le Duc. Son objectif était le camp de

Châlons. Du côté français, le gouvernement Palikao demanda à Mac-Mahon de remonter vers

le nord à la rencontre de Bazaine qui se repliait, semblait-il, sur Verdun. Le 22 août, Mac-

Mahon était à Reims. Il continua sa marche vers le Nord, sans savoir que Bazaine était

enfermé à Metz. Mis au courant par la presse française, Moltke ordonnait, le 26 août, à

l’armée du Sud de remonter vers le nord pour rejoindre Mac-Mahon. Ce dernier constata que

l’étau se refermait sur lui. Le 29 août, il se résignait à s’enfermer dans Sedan. L’armée de

Bazaine ne s’était jamais montrée. Le 30 août, l’encerclement de Sedan par les allemands

débutait. Le 1er, les bavarois attaquèrent le village de Bazeilles, suivis par les autres armées

prussiennes .266 Devant la défaite cuisante, le 1er septembre, Napoléon III décida d’hisser le

drapeau blanc. Le colonel Bronsart von Schellendorf fut chargé de rentrer en contact avec

l’armée française. Il entra dans Sedan et fut surpris de la présence de Napoléon III. Ce dernier

lui confia une lettre pour le roi Guillaume : «  Monsieur, mon frère ! N’ayant pas eu le

bonheur d’être tué à la tête de mes troupes, il ne me reste qu’à remettre mon épée à Votre

Majesté. »267 Le 2 septembre, la capitulation de Sedan fut signée. Napoléon III rendait son

épée mais pas celle de la France.

3. Les relations franco-bavaroises à l’épreuve de l’unité allemande

266François ROTH, op.cit, p 121267 François ROTH, op.cit, p 124

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La guerre franco-allemande n’était pas finie, mais elle venait de faire une première

victime d’importance : Napoléon III et son régime. Le jour de la capitulation de Sedan, il fut

transféré et assigné à résidence au château de Wilhelmshöhe près de Cassel en Westphalie. Au

soir du 3 septembre, la capitulation de Sedan fut connue à Paris. Mérimée, ami de

l’impératrice écrivait : «  je pense que l’empereur veut se faire tuer. Je m’attends dans une

semaine à entendre proclamer la République et dans une quinzaine de jours, à voir les

prussiens. »268 Le 4 septembre, le Corps législatif fut envahi et dispersé. La République était

proclamée.

La capitulation de Sedan fut le dernier acte politique de Napoléon III. Il avait pris

le pouvoir par un coup de force, il le perdait par un coup de force. Sedan devint l’acte final,

qui vouait le régime napoléonien aux gémonies pour de longues années. Il avait joué dans

cette guerre le tout pour le tout : l’avenir de la dynastie en dépendait. Il avait perdu

lamentablement, non la Nation française. Les républicains reprirent leur slogan de la « Nation

en armes » pour mener la guerre face aux prussiens qui s’avançaient vers Paris.

Du côté allemand, la décapitation de la France précipita ce que Bismarck avait en

tête. Il était temps de réaliser l’unité allemande. Les Etats du sud de l’Allemagne s’étaient

joints à l’effort prussien : d’une simple querelle franco-prussienne, Bismarck l’avait

transformé en guerre nationale. La Nation allemande devait se protéger face à la menace

française. La constitution d’une entité politique représentant la nation allemande sous

direction prussienne devait sortir du conflit. Mais comment y parvenir malgré la levée de bons

nombres d’obstacles ? Bismarck savait qu’il devait composer avec les susceptibilités des Etats

du Sud. Il savait qu’il ne pouvait annexer purement et simplement ces quatre Etats. Mais le

« révolutionnaire blanc » savait aussi que ces Etats, devant le rapport de force si favorable à la

268 Louis GIRARD, op.cit, p 487

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Prusse, ne pouvaient refuser de rentrer en négociations avec lui pour résoudre la question

allemande.

Dans ces calculs, Bismarck pensait qu’une initiative de la Bavière condamnait les

autres Etats du sud à accepter la domination prussienne sans aucunes réserves. Le cas du

Hanovre en 1866 avait eu des répercussions psychologiques sur les dirigeants des quatre

Etats.

En Bavière, Louis II et son ministre Bray avaient compris qu’avec la victoire sur la

France, la Bavière devait avancer dans la question nationale et transigeait avec une

Confédération sous domination prussienne. Bismarck avait fait savoir à la Bavière que la

Confédération pouvait se faire sans elle, et dans ce cas-là, elle perdrait le Palatinat au profit de

la nouvelle Confédération. La Bavière deviendrait un enjeu des puissances si elle ne

participait pas à la nouvelle organisation politique allemande. Le 11 septembre, Bray informa

Bismarck qu’il avait tiré toutes les conséquences de la guerre, et qu’ainsi il ne pouvait

s’opposer à l’ouverture de négociations pour la création d’une nouvelle Confédération

allemande.269

A partir du 24 octobre, s’ouvrit des négociations à Versailles entre la Prusse et les

quatre Etats allemands du sud.270 Le Bade et la Hesse demandaient prestement le

rattachement à la Confédération du Nord. Le Wurtemberg et la Bavière étaient les plus

réticents. Bray cherchait à obtenir l’établissement d’une Confédération « plus large et une

direction supérieure, presque dualiste, des affaires générales et surtout des affaires étrangères,

en échange de quoi il était prêt à accorder le titre d’Empereur qui aurait plus correspondu à

une situation prestigieuse qu’à une autorité réelle. »271 Bismarck ne pouvait accepter. Il laissa

le temps jouer pour lui. En contrepartie, il apaisa l’amour-propre de Louis II. La Bavière

269 Max SPINDLER, op.cit, p 312270 ibidem271 Peter RASSOW, op.cit, p 657

87

Page 88: Master 1: les relations entre la France et la Bavière de 1852 à 1871

gardait sa propre poste, ses chemins de fer et le système des impôts indirects touchant l’eau de

vie et la bière. Elle conservait l’autonomie de son armée en temps de paix, mais les soldats

devaient prêter serment d’obéissance au général en chef de la Confédération et le droit

d’inspection était maintenu même en temps de paix. Elle obtenait la présidence de la

commission de politique étrangère au sein du Conseil fédéral. Sur ces bases, Louis II signa le

traité le 23 novembre 1870.272

L’apothéose de l’œuvre de Bismarck fut la renaissance du titre impérial. Ce titre

marquait l’aboutissement de la guerre nationale face à la France ; «  c’était un signe qu’une

politique était arrivée à sa conclusion et que ses ambitions n’allaient pas s’étendre à l’infini,

mais au contraire savaient se borner sagement. »273 Mais comment l’obtenir ? Seul le plus

grand prince après Guillaume Ier de Prusse pouvait proposer la dignité impériale à ce dernier.

Ce fut Louis II de Bavière, de la famille des Wittelsbach, qui devait jouer le rôle déterminant.

Mais il réclamait, pour prix de sa complicité, un accroissement territorial pour relier la

Bavière et le Palatinat bavarois, et le remboursement de l’indemnité de guerre de 1866.

Bismarck refusa la première demande, mais il accepta le versement d’une indemnité  de 5

millions de marks.274 Le 27 novembre 1870, Louis II reçut de Bismarck la Kaiserbrief, par

laquelle le jeune souverain demandait au nom des princes allemands à ce que Guillaume de

Prusse accepta la dignité impériale. Il signa la lettre le 6 décembre.

Le 18 janvier 1871, dans la galerie des glaces de Versailles eut lieu le

couronnement impérial de Guillaume Ier, premier empereur allemand. Louis II préféra ne pas

y participer. Le titre impérial en poche, il fallait le faire accepter selon le droit de chaque Etat

entrant. En Bavière, les deux Chambres devaient ratifier les deux traités. La première

Chambre les ratifia. La deuxième Chambre refusa la ratification. Il fallut attendre le 21 janvier

272 Peter RASSOW, op.cit, p 658273 ibidem274 Jean TULARD, op.cit, p 129

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Page 89: Master 1: les relations entre la France et la Bavière de 1852 à 1871

1871 pour que la ratification fût votée. Elle le fut à deux voix près (102 pour ; 48 contre),

car la majorité des deux-tiers était requise.

Ainsi, en 1871, les relations franco-bavaroises n’existaient plus. La Bavière venait

d’être « avalée » par « l’ogre de Prusse. »275 La France de Napoléon III avait négligé «  cette

force de résistance de première ordre. »276 Elle payait chèrement les erreurs de sa diplomatie

basée sur le principe des nationalités. L’établissement de la République en France n’était pas

du genre à calmer les craintes qu’elle suscitait. Le régime de Napoléon III était abhorré par

les puissances conservatrices. Elles n’appréciaient guère les caractères démocratiques du

régime impérial. Comment pouvaient-elles alors se lier avec une toute jeune République ? La

guerre de 1870 marquait ainsi le début de l’isolement diplomatique français et la fin de

l’existence de la Bavière sur le plan international.

275 Jacques BAINVILLE, op.cit, p 136276 ibidem

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Page 91: Master 1: les relations entre la France et la Bavière de 1852 à 1871

La guerre de 1870 mit ainsi fin à plusieurs siècles de relations entre la France et la

Bavière. La force de l’idée nationale, exacerbée par l’attitude de Napoléon III, l’avait

emporté, en Allemagne, sur une longue tradition particulariste. L‘empereur français avait

inauguré une politique extérieure basée sur l’idée d’Etat-Nation ; il pensait que les nations

devaient constituer les nouveaux acteurs interétatiques. Cette politique permit à Napoléon III

de sortir la France de son isolement, mais elle contribua aussi à sa chute.

Dans cette ligne de conduite, la politique allemande d’appui à la Prusse paraît a

posteriori équivoque. La Prusse, comparé au royaume piémontais, ne correspondait pas au

modèle d’Etat susceptible de devenir un Etat-Nation : il soumettait des polonais dans son

territoire et quand bien même l‘unité allemande réalisée, la Prusse n’aurait pas accepté la

perte de provinces avec la création d’un Etat-Nation polonais.

Napoléon III pensait que l’Etat bavarois était trop différent du reste de

l’Allemagne pour espérer réaliser l’unité : la Réforme, la guerre de trente ans, l’œuvre

constitutionnaliste avaient encré dans la population bavaroise le sentiment particulariste et

l’attachement à la dynastie des Wittelsbach. Aucun homme politique bavarois n’avait compris

l’importance de l’idée nationale en tant qu’instrument de politique extérieure. C’est ce que

Bismarck comprit et il mit cette idée au service du royaume de Prusse. Il en résulta la

disparition sur le plan international de la Bavière et la création d’un nouveau Reich.

Par cette étude, nous avons analysé les causes profondes et immédiates qui

caractérisaient les relations entre la France et la Bavière de 1852 à 1871. Seulement, plusieurs

interrogations subsistent. Le peu d’études entreprises sur le sujet, de part et d’autre du Rhin,

nous incite à penser qu’une étude poussée peut être entreprise, qui nous laisse un champ

historique considérable. Les historiens bavarois se sont plutôt intéressés au processus

91

Page 92: Master 1: les relations entre la France et la Bavière de 1852 à 1871

d’intégration de la Bavière dans l’empire bismarckien. En France, la défaite de 1870 a

entraîné les historiens à se pencher sur les relations franco-prussiennes : les relations avec la

Bavière passèrent au deuxième plan. Seul Jacques Bainville brossait le portrait de Louis II,

comme pour conjurer le sort.

De plus, d’autres études transversales peuvent être entreprises. Dans le cadre d’une

histoire des représentations, une étude sur la perception de la politique extérieure française

dans le royaume de Bavière, selon le roi, le gouvernement, ou l’opinion publique peut

contribuer à étoffer la connaissance des relations entre les deux Etats. Pour l’histoire militaire,

une étude comparative peut nous renseigner sur la capacité d’action que possédait le royaume

en matière de politique extérieure. En outre, une approche prosopographique du soldat

bavarois pendant les guerres de 1866 et 1870 peut nous renseigner sur la formation du

sentiment d’appartenance à la nation allemande.

Toutes ces pistes nous renvoient à la spécificité bavaroise au sein de ce qui est

communément appelée « l’exception allemande ». Exception qui se concentre sur le passé

hitlérien et sur le long chemin vers l’occident.277 Dans cette histoire commune des allemands,

la Bavière fait toujours figure d’exception : elle fut un frein à la prussification de

l’Allemagne ; elle s’opposa plus que d’autres régions du Reich à l’œuvre hitlérienne ; elle

refusa la création de la RFA jusqu’en 1949. A l’heure de l’Europe du marché unique et avec

l’élargissement aux pays de l’Est, la Bavière peut être tentée par un retour du particularisme

politique : l’idée nationale, qui transcendait les particularismes, est tombée en désuétude avec

le régime hitlérien. L’Europe, telle qu’elle est, propose un modèle supranational. Au sein du

marché unique, la Bavière a une situation géographique centrale en plein milieu de la

Mitteleuropa. Le sentiment nationaliste fait place à un sentiment pro-européen : dans ce cadre,

Berlin apparaît comme un boulet. Tant que la capitale était Bonn, le Land de Bavière était le

277 Heinrich August WINCKLER, Histoire de l’Allemagne 19ème et 20ème siècle, le long chemin vers l’occident, Munich, C h Beck, 2000, 1154 p

92

Page 93: Master 1: les relations entre la France et la Bavière de 1852 à 1871

plus puissant. Depuis le transfert de la capitale à Berlin, les ressentiments, à l’égard des

anciens de la RDA, se font ressentir en Bavière : en témoigne les récentes déclarations

d’Edmund Stoiber, ministre-président CSU (Union des Chrétiens Sociaux) du Land de

Bavière, concernant les élections législatives du 18 septembre 2005 : « Je n’accepte pas que

l’Est décide à nouveau qui sera le chancelier. Il ne faut pas que les frustrés décident du destin

de l’Allemagne », considérant que les électeurs de l’ex-RDA sont « moins intelligents qu’en

Bavière. »

93

Page 94: Master 1: les relations entre la France et la Bavière de 1852 à 1871

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96

Page 98: Master 1: les relations entre la France et la Bavière de 1852 à 1871

Table des matières

SOMMAIRE 4

INTRODUCTION 5

I. DE NOUVELLES RELATIONS BILATÉRALES (1852-1859) 9

A. L’établissement de la diplomatie impériale 91. Une nouvelle équipe de diplomates ? 92. La direction des affaires en France et en Bavière 113. Un conflit sourd dans la diplomatie française ? 13

B. Munich, Paris et la guerre de Crimée (1853-1856) 161. Causes et déroulement de la guerre 162. Bavière et France : des intérêts antagonistes ? 183. Bavière et France à la fin de la guerre 21

C. De Paris à l’Italie : la méfiance bavaroise (1856-1859) 241. L’apogée de la diplomatie française en Europe 242. La Bavière et la France au cours de la guerre d’Italie (1859) 273. Enseignements sur les rapports franco-bavarois 30

II. LA BAVIÈRE FACE AU RÉVISIONNISME FRANÇAIS (1859-1866) 35

A. Paris et Munich face à la question allemande 351. La Bavière et la Confédération germanique : vers une réforme ? 352. Napoléon III et l’Allemagne : la préférence prussienne ? 39

B. Paris et Munich face à la crise des duchés danois 441. La question des duchés 442. La Bavière face à la question des duchés 473. De la fin du conflit danois au statut précaire de Gastein 50

C. Paris et Munich lors de la guerre austro-prussienne 531. De la convention de Gastein à l’entrée en guerre 532. Paris et Munich : de l’escalade à la guerre austro-prussienne 553. Enseignements sur les relations franco-bavaroises 58

III. DU RÉCHAUFFEMENT À LA FIN DES RELATIONS

FRANCO-BAVAROISES (1866-1870) 63

A. Paris et le monde germanique 631. La politique des compensations 632. Echec de la politique de compensations 66

98

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3. Vers un rapprochement avec l’Autriche 68

B. Munich et l’Allemagne : le projet « Triade » 701. 1866 : fin du projet ? 702. Le ministère Hohenlohe : vers la prussification ? 74

C. La guerre de 1870 : fin des relations franco-bavaroises 791. Causes et rapports de force au déclenchement de la guerre 792. Paris et Munich dans le conflit 833. Les relations franco-bavaroises à l’épreuve de l’unité allemande 87

CONCLUSION 91

BIBLIOGRAPHIE ET CARTE95

Table des matières 99

99