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Université de Strasbourg Ecole nationale d’administration Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration publique Spécialité Administration et finances publiques Titre : Les collectivités territoriales à la lumière de la Constitution marocaine de 2011 Sous la direction de M. David MELLONI Professeur agrégé de droit public à l'Université de Haute-Alsace Soutenu par Jawad ABIBI CIL Promotion Winston Churchill (2014-2015) Jury composé de : M. Gabriel ECKERT, président M. David MELLONI, directeur de mémoire M. Fabrice LARAT, membre du jury

Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

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Page 1: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

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Université de Strasbourg

Ecole nationale d’administration

Master Droit, Economie, Gestion

Mention Administration publique

Spécialité Administration et finances publiques

Titre : Les collectivités territoriales à la lumière de la

Constitution marocaine de 2011

Sous la direction de

M. David MELLONI

Professeur agrégé de droit public à l'Université de Haute-Alsace

Soutenu par

Jawad ABIBI

CIL Promotion Winston Churchill (2014-2015)

Jury composé de :

M. Gabriel ECKERT, président

M. David MELLONI, directeur de mémoire

M. Fabrice LARAT, membre du jury

Page 2: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

2

REMERCIEMENTS

J’adresse de chaleureux remerciements en premier lieu à M. David

MELLONI, Professeur agrégé de droit public à l'Université de Haute-Alsace

qui a bien voulu, malgré sa lourde responsabilité, diriger mon travail. Je lui

suis reconnaissant pour le temps conséquent qu’il m’a accordé, ses qualités

humaines, pédagogiques et scientifiques, sa franchise et sa sympathie. J’ai

beaucoup appris à ses côtés et je lui adresse ma gratitude pour tout cela.

Je remercie également MM. Gabriel ECKERT et Fabrice LARAT de l’intérêt

qu’ils ont porté à ce travail en acceptant de prendre part au jury de

soutenance.

Merci à ma femme et à toute ma famille qui ont supporté mon éloignement

durant ces deux ans de formation.

Merci à tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à ce mémoire.

J. ABIB

Page 3: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

3

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE PREMIERE PARTIE : LE STATUT CONSTITUTIONNEL DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

CHAPITRE I : LE CONCEPT DE « COLLECTIVITE TERRITORIALE »

I. La nature juridique de la collectivité territoriale

II. Les éléments fondamentaux d’identification

III. Les catégories des collectivités territoriales

IV. Les relations entre les collectivités territoriales

CHAPITRE II : LA LIBRE ADMINISTRATION DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

I. La portée du principe de libre administration

II. Les implications du principe de libre administration

III. Les limites du principe de libre administration

CHAPITRE III : LA SUBSIDIARITE ET LES COMPETENCES DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

I. Le principe de subsidiarité

II. Les compétences des collectivités territoriales

DEUXIEME PARTIE : LE CONTROLE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

CHAPITRE I : LA TUTELLE ET LE CONTROLE ADMINISTRATIF

I. La tutelle administrative

II. Le contrôle administratif

CHAPITRE II : LE CONTRÔLE JURIDICTIONNEL

I. Le contrôle exercé par les juridictions administratives

II. Le contrôle exercé par les juridictions financières

CHAPITRE III : LE CONTROLE POLITIQUE ET DE BONNE GOUVERNANCE

I. Le contrôle exercé par les acteurs politiques

II. Le contrôle exercé par les instances de la bonne gouvernance

CONCLUSION GENERALE

Page 4: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

4

LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES

BO : Bulletin officiel

CA : Cour d’Appel

CCR : Commission consultative de la régionalisation

CE : Conseil d’Etat (français)

CNDH : Conseil national des droits de l’Homme

IGAT : Inspection générale de l’administration territoriale

IGF : Inspection générale des finances

REMALD : Revue marocaine d’administration locale et de développement

Page 5: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

5

INTRODUCTION GENERALE

La constitutionnalisation des diverses branches du droit ne cesse pas de

progresser au rythme du développement de l’application et de l’interprétation de

la Constitution par le juge constitutionnel, ainsi que sa mise en œuvre par les

autorités politiques, administratives et juridictionnelles1.

Il en est ainsi pour le droit de la décentralisation et des collectivités territoriales.

En effet, les Constitutions, notamment dans les Etats à organisation

décentralisée, consacrent des règles et des principes applicables aux

collectivités décentralisées.

Etant donné que les règles constitutionnelles sont établies principalement pour

réglementer les bases organisationnelles de l’Etat et la fonction des organes

étatiques2, et que les collectivités décentralisées constituent des organes

étatiques territoriaux, il est normal que l’organisation et le fonctionnement de ces

dernières soient prévus par les Constitutions.

Au Maroc, les Constitutions qui se sont succédé ont toujours contenu des

dispositions relatives à la décentralisation et aux collectivités locales.

Néanmoins, la Constitution du 29 juillet 2011 se démarque de ses devancières

par l’importance qu’elle a accordée à la décentralisation territoriale. En effet, elle

consacre, pour la première fois, la décentralisation comme forme de

l’organisation territoriale du Royaume3 et réserve tout un titre, composé de douze

articles, aux collectivités territoriales.

Ainsi, le constituant de 2011 semble vouloir poser un nouveau régime juridique

pour la décentralisation territoriale. L’objectif serait de repenser l’organisation de

l’Etat et ses relations avec les acteurs territoriaux pour les impliquer davantage

dans la résolution des problèmes locaux4.

1 André ROUX, Droit constitutionnel local, ECOOMICA, 1995, p 05. 2 Panayotis POULIS, Droit constitutionnel et institutions helléniques, L’Harmattan 2008, p 83. 3 Article premier de la Constitution du 29 juillet 2011. 4 Ahmed BOUACHIK, La régionalisation avancée dans la Constitution de 2011, in REMALD n° 77/2012,

p105.

Page 6: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

6

L’étude de ce nouveau régime juridique nécessite préalablement une lecture

approfondie dans les différents textes existants relatifs à la question. En effet, le

Maroc s’est engagé, depuis l’indépendance dans un processus de

décentralisation. Celui-ci a été amorcé en 1960. Cependant, l’année 1976

demeure une date qui marque un tournant historique en la matière, avec

l’adoption d’une charte communale faisant des communes des véritables

collectivités décentralisées et transférant aux élus locaux d’importantes

attributions antérieurement dévolues aux autorités locales.

Concernant la décentralisation régionale, le Roi Hassan II, dans son discours

du 24 octobre 1984, avait exprimé son intention de mettre en place des régions

disposant des pouvoirs législatif et exécutif à l’image des Etats à organisation

fédérale ou régionalisée. Le Roi à l’époque avait une grande admiration pour le

régime territorial allemand et pensait que ce modèle pourrait convenir au Maroc,

vu la pluralité de ses traditions et la diversité de ses cultures5.

Cependant, la région-collectivité locale n’a été instituée qu’en 1997, c’est-à-

dire cinq ans après sa consécration dans la Constitution, et treize ans après le

discours royal cité. Aussi, son statut et les compétences dont elle dispose en font

une institution beaucoup plus proche d’une entité administrative que d’une

collectivité décentralisée.

Par ailleurs, l’installation de la Commission consultative de la régionalisation

en 2010, chargée d’élaborer des propositions pour mettre en place une

régionalisation avancée, a été considérée comme étant une étape importante et

déterminante pour assurer le passage d’une régionalisation naissante et limitée

à une régionalisation sereine avec une décentralisation plus forte et plus

participative6. Son objectif est de proposer une nouvelle forme de l’organisation

territoriale institutionnalisant de nouveaux rapports entre le centre et la

périphérie, et entre l’Etat et la région sur la base du principe de subsidiarité, et

5 Autonomie locale et régionalisation en Méditerranée: actes du séminaire international, Rabat 2-3

septembre 199, p 35. 6 Idem.

Page 7: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

7

de rénover et moderniser les structures de l'Etat pour la consolidation du

développement intégré7.

Le constituant de 2011 s’est largement inspiré des recommandations de la

Commission citée. La reconnaissance de la décentralisation à l’article premier de

la Constitution revêt un caractère symbolique et juridique. Elle a pour objectif de

marquer le caractère irréversible de la décentralisation au Maroc. Elle rappelle

que la décentralisation implique un mouvement descendant qui ne va que dans

un sens : du haut vers le bas, c’est-à-dire de l’Etat vers les collectivités

territoriales. Cela empêche toute tentative de recentralisation. Mais

parallèlement, on affirme que cette organisation n’est que décentralisée, c’est-à-

dire que cette inscription ne change pas la forme de l’Etat, et que le Royaume

n’est ni fédéral ni régional.

Ainsi, la nouvelle Constitution, en plus de l’organisation horizontale des

pouvoirs entre les institutions constitutionnelles, ouvre la voie à une organisation

verticale des rapports et des compétences entre l’Etat et les collectivités

territoriales, et ce à travers les points suivants :

La définition d’un statut juridique qui encadre l’organisation, la gestion et

les attributions des collectivités territoriales.

La consécration des principes directeurs de la décentralisation, il s’agit

notamment des principes suivants : La libre administration, la subsidiarité,

la solidarité et la coopération;

La mise en place des mécanismes de contrôle et de contractualisation

entre l’Etat et les collectivités territoriales.

En outre, des dispositions constitutionnelles confient, pour la première fois, à

la loi organique la compétence de fixer l’ensemble des règles relatives au statut,

au fonctionnement et aux compétences des collectivités territoriales8.

Nous proposons dans ce travail l’étude des différentes dispositions de la

Constitution de 2011 qui concernent les collectivités territoriales, et ce à la

7 Discours royal du 3 janvier 2010 à l’occasion de l’installation de la Commission consultative de la

régionalisation. 8 Article 146 de la Constitution du 29 juillet 2011.

Page 8: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

8

lumière des travaux développés en la matière, soit par la doctrine, soit par la

jurisprudence, au Maroc et ailleurs.

Il est vrai que le nombre des travaux de recherche qui ont été réalisés sur le

sujet des collectivités territoriales est très important. En revanche, l’originalité de

notre travail, est liée, au moins, à trois points suivants :

Nous avons travaillé à la lumière d’un nouveau texte qui est la Constitution

du 29 juillet 2011, ce qui a nécessité un effort de relecture des textes

juridiques qui régissent la décentralisation, tout en gardant à l’esprit les

nouvelles dispositions constitutionnelles et le nouveau contexte

institutionnel.

Nous avons effectué notre recherche dans un contexte politique marqué

par l’importance donnée à la question de la décentralisation et de la

régionalisation, ce qui a imposé la prise en considération des discours

politiques et des décisions prises à différents niveaux se rattachant à cette

question.

Nous avons traité des points qui constituent une nouveauté au Maroc,

notamment les principes constitutionnels qui devraient encadrer

l’organisation, le fonctionnement et les compétences des collectivités

territoriales ainsi que les contrôles que l’Etat exerce sur elles.

La question centrale de notre recherche est de savoir quel régime juridique

des collectivités territoriales pourrait découler des nouvelles dispositions

constitutionnelles relatives à la décentralisation territoriale ? Cette question

centrale englobe un ensemble d’autres questions à savoir :

Quelle est la nature juridique des collectivités territoriales ? Comment

sont-elles organisées et administrées à la lumière de la Constitution de

2011 ?

Quels sont les principes constitutionnels directeurs de la décentralisation

territoriale ? Comment les définir ? Et quels en sont l’étendu et les limites ?

Quel est la nature des rapports entre l’Etat et les collectivités territoriales ?

Quels sont les mécanismes de contrôle exercé par l’Etat sur elles? Quels

sont les limites de ce contrôle ?

Page 9: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

9

Pour essayer de répondre à la question centrale de notre recherche et aux

sous-questions qui en découlent, nous avons scindé notre travail en deux

parties : la première partie sera consacrée au statut constitutionnel des

collectivités territoriales et la deuxième traitera des contrôles exercés sur celles-

ci.

Page 10: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

10

PREMIERE PARTIE

LE STATUT CONSTITUTIONNEL DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

Les communes, les provinces et les préfectures ont bénéficié d’une

reconnaissance constitutionnelle, en tant que collectivités locales, dès 1962. En

effet, la première Constitution du Royaume a consacré son huitième titre,

composé de trois articles (93,94 et 95), aux collectivités locales.

Quant à la région, sa consécration constitutionnelle ne date que de 1992. Le

texte constitutionnel du 21 octobre 1992 a réservé son titre dix aux collectivités

locales. Ce titre comporte également un article relatif aux compétences des

gouverneurs en leur qualité de coordinateurs de l’action des administrations

(article 96)9.

De même, la Constitution de 1996, dans son article 100, réaffirme que les

collectivités locales du Royaume sont : les régions, les provinces, les préfectures

et les communes. Son titre onze encadre l’organisation de ces collectivités et les

attributions des gouverneurs10.

Cependant, ces dispositions constitutionnelles ne peuvent pas être

considérées comme portant statut des collectivités territoriales. Il est vrai que

certaines de ces dispositions régissent l’organisation des collectivités,

notamment celles qui concernent l’élection des conseils, la gestion démocratique

et l’exécution des délibérations, mais elles n’ont jamais donné lieu à une

jurisprudence constitutionnelle, ce qui en fait des simples principes directeurs et

non pas des vraies règles exécutoires susceptibles de former un statut

constitutionnel des collectivités territoriales.

En outre, la naissance d’une jurisprudence constitutionnelle en la matière était

entravée par le retard enregistré au niveau de la consécration du contrôle de la

constitutionnalité des lois. Ce contrôle n’a été possible qu’à partir de 1992, et la

9 La Constitution de 1992, BO n° 4173 du 21 octobre 1992. 10 La Constitution de 1996, BO n° 4420 bis du 10 octobre 1996.

Page 11: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

11

première décision du Conseil constitutionnel relative au contrôle de

constitutionnalité d’une loi ordinaire ne date que de 199411. D’autant plus que les

lois ordinaires, contrairement aux lois organiques, ne sont pas automatiquement

contrôlées par le juge constitutionnel. Par conséquent, les lois relatives à

l’organisation des collectivités territoriales d’avant la Constitution de 2011 n’ont

jamais fait objet d’un contrôle de constitutionnalité.

Ainsi, le statut des collectivités territoriales était, jusqu’à l’adoption de la

Constitution de 2011, d’ordre législatif, en ce sens que l’établissement des règles

régissant l’organisation, le fonctionnement et les attributions de ces entités était

confié au législateur.

Par ailleurs, la Constitution de 2011 marque une grande innovation en la

matière. Elle dépasse ses devancières par le fait qu’elle n’accorde pas

uniquement une simple reconnaissance aux collectivités territoriales, mais elle

porte un "statut juridique complet"12 de celles-ci, consacre un ensemble de

principes leur permettant une liberté d’action et pose des normes relatives à leur

organisation et à leurs compétences.

Le titre IX de la Constitution de 2011, intitulé " Des régions et des collectivités

territoriales" et composé de douze articles (de 135 à 146), porte un véritable

statut constitutionnel des collectivités territoriales. L’article 146 renvoie à une loi

organique complétant ce statut. Ainsi, toutes les conditions sont réunies pour

produire une jurisprudence constitutionnelle des collectivités territoriales et pour

constituer un véritable « droit constitutionnel territorial ».

Pour appréhender le statut réservé aux collectivités territoriales par la

Constitution de 2011, nous allons tout d’abord étudier la notion de « collectivité

territoriale » (chapitre I). Nous allons essayer de définir juridiquement cette notion

à partir des dispositions constitutionnelles y afférentes. Nous étudierons

également les différentes catégories des collectivités territoriales marocaines et

11 Mohammed Amine BENABDALLAH, Le Conseil constitutionnel et la loi sur les paraboles : Note sous

décision du Conseil constitutionnel n° 37-94 du 16 août 1994, REMALD n° 9, 1994, p. 9. 12 Tarik ZAIR, Le nouveau statut constitutionnel des collectivités territoriales, in REMALD, numéro double

99-100, juillet-octobre 2011, p. 21.

Page 12: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

12

les rapports que peuvent entretenir entre elles en application des dispositions

constitutionnelles et des lois qui les régissent.

Ensuite, nous nous arrêterons à l’étude de l’administration de ces collectivités

(chapitre II). Il ne sera pas question de faire une simple description des processus

électoraux et des organes de ces entités décentralisées. Il s’agira plutôt de traiter

les nouveautés du texte constitutionnel relatives à ce point. Ainsi, nous allons

nous attarder sur un principe constitutionnel majeur, à savoir, la libre

administration. Pour étudier ce principe, notre référence sera essentiellement les

textes juridiques français ainsi que la jurisprudence et la doctrine. Il sera question

également de l’analyse des implications de la gestion démocratique des affaires

de la collectivité prévue par la Constitution.

Enfin, nous essayerons d’analyser les dispositions relatives aux compétences

des collectivités territoriales (chapitre III). Il ne s’agira pas d’énumérer les

compétences respectives de chaque collectivité. Nous essaierons d’étudier les

procédés par lesquels le pouvoir constituant a cherché à encadrer le partage des

compétences entre le pouvoir central et les collectivités territoriales. Il s’agit

précisément du principe de subsidiarité. En l’absence de toute définition textuelle,

nous nous chargerons d’en chercher les significations et les applications dans le

droit français, et de concevoir les éventualités de son adaptation au contexte

marocain.

Page 13: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

13

CHAPITRE I

LE CONCEPT DE « COLLECTIVITE TERRITORIALE »

Les collectivités territoriales sont des structures administratives distinctes de

l’administration de l’Etat. Elles ont pour mission la prise en charge des intérêts

de la population d’un territoire précis. Elles sont dotées des compétences propres

qui leurs sont confiées par le législateur. Néanmoins, elles ne constituent pas des

Etats dans l’Etat. Elles ne détiennent pas de souveraineté et ne peuvent pas se

doter, de leur seule initiative, de compétences ou d’organes nouveaux13.

La notion de « collectivité territoriale » n’est pas nouvelle en droit marocain. Il

est vrai qu’un grand nombre de textes relatifs à la décentralisation utilise la notion

de collectivité locale et pas de collectivité territoriale, néanmoins, le Dahir du 23

juin 1960 relatif à l’organisation communale, a défini les communes comme « des

collectivités territoriales14 de droit public dotées de la personnalité civile et de

l'autonomie financière »15, et le Dahir portant loi n° 1-76-583 du 30 Septembre

1976 relatif à l'organisation communale a défini les communes comme « des

collectivités territoriales16 de droit public, dotées de la personnalité morale et de

l'autonomie financière »17. Sur le plan constitutionnel, la notion de collectivité

territoriale est utilisée pour la première fois par la Constitution du 29 juillet 2011,

et commence de plus en plus à remplacer celle de collectivité locale dans les

différents textes juridiques18. En France, jusqu’à la révision constitutionnelle du

28 mars 2003, les deux termes apparaissaient dans la Constitution : collectivités

locales à l’article 34 et collectivités territoriales au titre XII. Mais depuis cette

révision, seule l’expression collectivité territoriale figure dans le texte

13 Jean-Luc BŒUF et Manuela MAGNAN, Les collectivités territoriales et la décentralisation, La

documentation française, Paris, 2008, p. 07 14 Le concept utilisé dans la version arabe est : الوحدات الترابية 15 L’article premier du Dahir n° 1-59-315 du 28 hija 1379 (23 juin 1960) relatif à l'organisation communale

Bulletin Officiel n° : 2487 du 24/06/1960 – p. 1230. 16 Le concept utilisé dans la version arabe est : الوحدات الترابية 17 L’article premier du Dahir portant loi n° 1-76-583 (30 Septembre 1976) relatif à l'organisation

communale. Bulletin Officiel n° 3335 bis du 1er octobre 1976. 18 Exemples : La loi organique n°28‐11 relative à la Chambre des conseillers, B.O. n° 6066 (les articles : 1,

11, 14, 15…), la loi organique n° 27-11 relative à la Chambre des représentants, B.O n° 5992 (l’article

13)…

Page 14: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

14

constitutionnel. Ainsi, l’expression collectivité locale n’est plus juridiquement

fondée et les collectivités sont désormais des « collectivités territoriales »19.

La notion de collectivité territoriale ne doit pas être confondue avec des notions

voisines. Elle doit notamment être distinguée des circonscriptions administratives

qui sont dépourvues de la personne morale. Elle doit également être distinguée

de l’établissement public local qui est une personne publique spécialisée, alors

que la collectivité territoriale bénéficie d’une compétence générale lui permettant

de prendre en charge toute affaire d’intérêt local.

Les collectivités territoriales ont une nature juridique très particulière (I). Il s’agit

des institutions constitutionnelles dotées d’un certain nombre de compétences à

caractère réglementaire. Elles constituent des personnes morales de droit

public distinctes de l’État, cette qualité leur est reconnue par le texte

constitutionnel. A ce titre elles bénéficient d’une autonomie juridique, financière

et patrimoniale et possèdent un certain nombre de droits et d’obligations.

Par ailleurs, les collectivités territoriales ont une identité juridique et

symbolique forgée à partir d’un ensemble d’éléments constitutifs dont les plus

fondamentaux sont le nom, le territoire et la population (II).

Sur un autre plan, les collectivités territoriales au Maroc sont de trois

catégories définies par la Constitution (III) qui entretiennent entre elles des

relations juridiques de différentes natures (IV).

I. La nature juridique de la collectivité territoriale

La Constitution marocaine prévoit explicitement que les collectivités

territoriales constituent des personnes morales de droit public. Le législateur

réaffirme cette caractéristique et consacre leur autonomie financière.

19 Jean-Luc BŒUF et Manuela MAGNAN, Les collectivités territoriales et la décentralisation, La

documentation française, Paris, 2008, p. 07.

Page 15: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

15

A. La personne morale de droit public

La collectivité territoriale est une personne morale de droit public. Autrement

dit, elle dispose de la personnalité juridique. A ce titre, elle « se détermine

librement et ne peut se voir imposer une décision, indépendamment de son

consentement. De même, dans l’exercice de ses attributions, elle ne subit pas

l’interférence d’une autre institution»20. Cependant, les collectivités territoriales,

tout en étant des personnes morales de droit public, subissent le contrôle

étatique, étant donné que l’Etat a un statut juridique supérieur qui lui permet de

contrôler toutes les institutions.

Dans le même ordre d’idées, l’action réglementaire et administrative s’exerce

au sein des collectivités territoriales, au nom et pour le compte de la personne

morale, derrière laquelle s’effacent les détenteurs physiques du pouvoir. Par voie

de conséquence, leurs organes n’agissent que dans le but de satisfaire l’intérêt

général. A cet effet, les collectivités territoriales, en leur qualité de personnes

morales de droit public, disposent d’un patrimoine propre et des moyens

financiers nécessaires pour l’accomplissement de leurs missions.

Au Maroc, durant les différentes expériences de la décentralisation territoriale,

c’est toujours le législateur qui accorde cette personnalité morale aux collectivités

territoriales. Cependant, la Constitution de 2011 marque une rupture dans ce

sens en accordant, elle-même, cette qualité aux collectivités en question21.

D’ores et déjà, la personne morale de droit public des collectivités territoriales a

la valeur constitutionnelle. Par conséquent, le législateur ne peut pas, sous peine

d’inconstitutionnalité, ni supprimer ni limiter cette prérogative. En outre, le

contentieux relatif à cette question, relève, dorénavant, de la compétence du juge

constitutionnel et non plus de celle du juge administratif.

Par ailleurs, trois conséquences découlent de cette qualité. La première est

que la collectivité territoriale est une institution de droit public. Elle se différencie

ainsi des sujets de droit privé, et ses activités sont soumises à l’application des

20 Antoine Delblond, Droit administratif, Larcier 2009, p. 402 21 L’article 135 de la Constitution de 2011 : «les collectivités territoriales du Royaume sont les régions, les

préfectures, les provinces et les communes. Elles constituent des personnes morales de droit public et

gèrent démocratiquement leurs affaires… ».

Page 16: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

16

règles de droit public et à la compétence des juridictions administratives.

Néanmoins, les collectivités territoriales peuvent exceptionnellement, pour

certaines de leurs activités, être soumises au droit privé et à la compétence des

juridictions de droit commun.

La seconde conséquence est que la collectivité territoriale est une personne

morale de droit public. A ce titre, elle exerce ses compétences en son propre nom

et pour son propre compte ; elle peut acquérir des droits et contracter des

obligations, ester en justice et elle est responsable de ses actes devant les

tribunaux. En outre, la collectivité territoriale dispose d’organes qui lui sont

propres. La personne morale implique aussi son indépendance financière. La

collectivité territoriale a un patrimoine, une comptabilité et un budget propres,

distincts de ceux de l’Etat22. En cette qualité, la collectivité territoriale se

différencie de la régie, qui est une forme traditionnelle de gestion des services

publics. En effet, la régie, tout en étant une institution de droit public, est

dépourvue de la personnalité juridique. Ainsi, elle ne peut agir qu’au nom et pour

le compte de l’Etat ou de la collectivité dont elle relève.

En dernier lieu, les collectivités territoriales se distinguent des personnes

morales de droit privé par cela qu’elles sont « créées par les pouvoirs publics et

maitrisées par eux en vue de gérer des intérêts publics et qu’elles disposent à

cette fin de prérogatives de puissance publique et sont soumises aux sujétions

correspondantes »23.

Enfin, il est à préciser que la collectivité territoriale se démarque de

l’établissement public, qui est aussi une personne morale de droit public, par sa

compétence générale. En effet, les compétences de la collectivité territoriale ne

sont, en principe, limitées que spatialement, et non matériellement, alors que

l’établissement public est créé en vue de gérer un service public. La première a

donc une compétence générale, tandis que le second est doté d’une mission

spéciale.

22 Pascal Mahon, La Décentralisation administrative: étude de droit public français, allemand et suisse,

Librairie Droz, Genève, 1985, pp. 66-67 23Philippe Bouvier, Éléments de droit administratif, éditions De Boeck Université, 2002, pp. 65-66.

Page 17: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

17

En revanche, en France, la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 relative à

la réforme des collectivités territoriales avait supprimé la clause de compétence

générale pour les départements et les régions dans l’objectif de clarifier les

compétences respectives de chaque collectivité. Cette clause a été rétablie pour

les collectivités concernées par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de

l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Dans ce même

contexte, un projet de loi portant organisation territoriale de la République

propose la suppression de la clause de compétence générale pour les régions24.

Ainsi, la compétence générale pourrait, au moins en France, ne pas constituer

un élément nécessaire pour définir une collectivité territoriale ou pour la

distinguer d’un établissement public.

B. L’autonomie financière

L’autonomie financière d’une collectivité signifie qu’elle dispose du pouvoir de

décider librement les recettes et les dépenses qui figureront ou non à son budget.

L’existence d’un tel pouvoir suppose que lors de l’établissement de son budget,

la collectivité n’est soumise ni à une obligation, ni à une interdiction de recette ou

de dépense. Or, force est de constater que ces collectivités ne disposent pas

d’une entière liberté à l’occasion de détermination de leurs recettes et

dépenses25. En revanche, l’autonomie financière des collectivités territoriales

constitue un élément essentiel de leur définition et demeure consacrée par

plusieurs textes juridiques.

La Constitution marocaine du 29 juillet 2011 ne prévoit pas d’une manière

explicite l’autonomie financière des collectivités territoriales. Cependant, un

ensemble de dispositions constitutionnelles consacrent implicitement cette

autonomie. C’est surtout le cas de l’article 141 qui énonce que : « les régions et

les autres collectivités territoriales disposent de ressources financières propres

et de ressources financières affectées par l’Etat… ». C’est aussi le cas de l’article

136 qui prévoit le principe de la libre administration des collectivités territoriales.

24 Projet de loi n° 636 enregistré à la présidence du Sénat le 18 juin 2014. www.senat.fr/leg/pjl13-636.html,

consulté le 06-11-2014 à 16h30mn. 25 Gestion financière des collectivités locales, Communes et régions d’Europe n° 50, publication du Conseil

de l’Europe, 1993, p. 26.

Page 18: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

18

Sur le plan doctrinal, il est admis, au moins en France, que ce principe

« implique l'existence d'un pouvoir budgétaire, donc d'un budget pour chaque

collectivité, d'un pouvoir d'appréciation en matière de dépenses, ce qui suppose

des ressources suffisantes pour l'exercice des compétences locales ».26

En définitive, si les dispositions de la Constitution ne sont pas suffisantes pour

affirmer la valeur constitutionnelle de l’autonomie financière des collectivités

territoriales, il n’en demeure pas moins qu’elles constituent des éléments d’une

protection potentielle de cette autonomie dont l’effectivité dépendrait de

l’appréciation et de l’interprétation du juge constitutionnel.

Dans tous les cas, l’autonomie financière ne peut pas être absolue. Le

législateur demeure compétent pour encadrer le pouvoir budgétaire des

collectivités territoriales. Ainsi, la loi peut leur imposer un certain nombre de

charges obligatoires ou réduire une part de leur ressources, à condition de ne

pas entraver leur libre administration. Toute la question va alors être de savoir où

se situe la ligne que le législateur ne saurait franchir27. Seule la jurisprudence

constitutionnelle pourrait répondre à cette question. Et seul le juge constitutionnel

pourrait apprécier quand est ce que le droit des collectivités territoriales à

disposer de leurs ressources financières est transgressé.

II. les éléments fondamentaux d’identification

Les collectivités territoriales sont juridiquement identifiables à travers plusieurs

éléments. Nous allons nous contenter, dans cette section, de présenter les plus

fondamentaux, à savoir : le nom, le territoire et la population.

A. Le nom

Le nom constitue un élément constitutif de la personne juridique, et le droit au

nom fait partie des droits reconnus à la personnalité. La collectivité territoriale,

en tant que personne juridique et à l’instar de toute personne physique ou morale,

a droit à avoir un nom qui la désigne. Les noms des collectivités se nourrissent

en principe de l’histoire et de la géographie.

26 Loïc PHILIP, L'autonomie financière des collectivités territoriales, in Cahiers du Conseil constitutionnel

n° 12 (Dossier : Le droit constitutionnel des collectivités territoriales) - mai 2002 27 Idem.

Page 19: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

19

Le droit des collectivités territoriales au nom implique leur droit à le protéger

contre toute usurpation ou exploitation illégale. Si la jurisprudence marocaine, à

notre connaissance, ignore encore des cas liés à cette question, il n’en demeure

pas moins que le juge français a condamné une exploitation commerciale

injustifiée d’un nom d’une collectivité territoriale. (Cour d’Appel de Paris 4ème

Ch. Section A 12/12/2007 ville de Paris / SIMON)28.

Dans un autre cas similaire, la Cour d’Appel de Montpellier a considéré

l’utilisation de l’abréviation du nom d’une commune, dans la dénomination d’un

site Internet sans précision ou complément permettant la différenciation avec le

nom de la collectivité, comme constituant un trouble manifestement illicite, ce qui

était de nature à induire une confusion dans l’esprit du public en laissant croire

aux internautes qu’il s’agissait d’un des sites officiels de la commune (CA

MONTPELLIER Ch.5, section A 16/10/2008 n°08/00878. L’Association LA VOIE

DU RIBERALE / COMMUNE DE SAINT-ESTEVE).

Dans ce même sens, il est à noter qu’en France, le Code des postes et des

communications électroniques, notamment son article L 45-2 prévoit un régime

de protection des noms de domaine des collectivités territoriales29.

En revanche, les collectivités territoriales marocaines ne bénéficient pas

encore des normes juridiques qui protègent, d’une manière explicite, les droits

qu’elles devraient posséder sur leurs propres noms.

Dans le même ordre d’idées, la consécration constitutionnelle d’un véritable

statut des collectivités territoriales et de leur qualité de personne morale n’aurait

pas son plein sens sans la mise en place des textes d’application et des

dispositions légales et réglementaires nécessaires pour la protection des noms

de ces collectivités contre toute exploitation abusive.

28 « … Considérant que le dépôt de la marque "PARIS L'ÉTÉ", dont l'exploitation n'est pas démontrée,

porte atteinte au nom de la ville de PARIS ; que le préjudice d'ordre moral en résultant sera entièrement

réparé par l'allocation de la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts ;….

… Dit que le dépôt par Stéphane SIMON de la marque "PARIS L'ÉTÉ" n° 033242771 porte atteinte aux

droits antérieurs que détient la ville de Paris sur son nom…

Annule l'enregistrement de la marque "PARIS L'ÉTÉ"n°033242771… ». 29 L’article L 45-2 du Code des Postes et des Communications Electroniques modifié par la loi n° 2011-

302 du 22 mars 2011.

Page 20: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

20

Par ailleurs, les collectivités territoriales, en droit marocain, ne peuvent pas

décider souverainement du changement de leurs noms. Ainsi, à titre d’exemple,

la modification du nom d’une commune « est décidé par décret, sur proposition

du ministre de l’intérieur après consultation du conseil communal intéressé, ou

sur proposition de ce dernier »30.

En droit français, les changements des noms des communes sont

subordonnés à un décret en Conseil d’Etat, pris sur demande de la commune et

après avis du conseil général concerné31.

B. Le territoire

Le territoire est l’élément essentiel de l’identification des collectivités

territoriales. Chacune de ces collectivités exerce une compétence générale sur

un territoire bien défini en fonction d’un découpage adopté par voie législative ou

réglementaire. Additionnés, les territoires de toutes les collectivités territoriales

couvrent l’ensemble du territoire national.

Les dimensions du territoire différent d’une collectivité à une autre, même

quand il s’agit des collectivités se trouvant au même rang. En outre, « le territoire

des collectivités territoriales comporte un centre de gravité juridique, qui est le

chef-lieu, où va se trouver le siège principal des autorités et services : c’est le

centre administratif de la collectivité »32.

Néanmoins, la collectivité territoriale ne détient pas une compétence exclusive

en matière d’administration de son propre territoire. En effet, un même territoire

relève de plusieurs collectivités territoriales, ainsi à titre d’exemple le territoire

d’une commune relève aussi de la compétence de la province ou de la préfecture

et de la région dont relève la commune en question. L’administration du territoire

est également assurée par les services déconcentrés de l’Etat.

Toutes ces considérations permettent de faire une distinction entre le territoire

en tant qu’élément constitutif de l’Etat sur lequel ce dernier exerce sa

souveraineté et monopole le pouvoir légitime, d’une part, et le territoire en tant

30 Article premier de la loi n° 87.00 portant la charte communale. 31 Nadine Dantonel-Cor, Droit des collectivités territoriales, 3° édition, BREAL 2007, p. 09. 32 Idem.

Page 21: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

21

qu’élément d’identification et de limitation de la compétence de la collectivité

territoriale d’autre part.

La délimitation du ressort territorial des collectivités peut se baser sur des

considérations diverses qui peuvent être d’ordre historique, culturel, politique ou

économique. Pendant longtemps, le découpage territorial relevait du règlement

autonome. Cependant, depuis la Constitution de 29 juillet 2011, le Parlement est,

en vertu de l’article 71, compétent pour définir les principes de cette délimitation.

Ainsi la compétence réglementaire en cette matière est, dorénavant, liée par le

respect de ces principes sous peine d’illégalité. La première illustration de nos

propos est le décret n°2-15-40 du 20 février 2015 portant nouveau découpage

régional qui a été pris sur la base des principes définis par la loi n° 12-131 du 27

juillet 2013.

C. La population

La collectivité territoriale n’est pas un territoire vide, elle a une population qui

fait partie des éléments constitutifs de son identité juridique. Les actions des

collectivités territoriales visent la réalisation du développement et du bien-être de

leurs populations dans le cadre de l’intérêt général national.

En principe, toutes les collectivités territoriales ont une population. Cependant,

dans certains pays, des territoires sans population peuvent être érigés en

collectivités territoriales pour des raisons historiques ou autres. Ainsi, à titre

d’illustration, en France « certaines communes du département de la Meuse :

Beaumont-en-Verdunois, Bezonvaux, Haumont-près-Samogneux et Louvement-

Cote-du-Poivre…Bien qu’ayant perdu leur population, elles ont conservé leur

statut en raison des souvenirs, liés à la première guerre mondiale, qu’elles

évoquent »33.

La notion de population des collectivités territoriales a une existence juridique.

En effet, le nombre de la population est le plus souvent pris en compte pour

l’application des textes relatifs à l’organisation territoriale ou pour l’évaluation

des bases des impôts locaux. Ainsi, par exemple, le mode d’élection du conseil

33 Idem.

Page 22: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

22

de la collectivité peut dépendre de nombre de la population, d’où l’importance

des recensements de populations des collectivités territoriales.

Dans le même sens, la Constitution marocaine a donné une importance

particulière à la population en matière d’organisation territoriale. En effet, cette

dernière, en vertu de l’article 136 doit assurer « la participation des populations

concernées à la gestion de leurs affaires et favorise leur contribution au

développement humain intégré et durable ».

III. Les catégories des collectivités territoriales

La Constitution marocaine de 2011, comme fut le cas de sa devancière, retient

trois niveaux de décentralisation territoriale. En effet, l’article 135 prévoit trois

catégories de collectivités territoriales, à savoir : les communes, les préfectures

et les provinces et enfin les régions.

A. Les communes

La commune fut la première collectivité territoriale qu’a connue le Maroc. En

effet, jusqu'à 1963 les communes étaient les seules collectivités locales

existantes. Les communes sont instituées, pour la première fois, par le Dahir du

1 septembre 1959 dont l’article premier stipulait que « Le territoire de notre

Royaume est divisé en communes urbaines comprenant les municipalités et les

centres autonomes, et en communes rurales »34.

Par ailleurs, le Dahir du 23 juin 1960 relatif à l'organisation communale fut le

premier texte qui a érigé les communes en collectivités territoriales dotées de « la

personnalité civile et de l'autonomie financière ». Cependant, l’année 1976

demeure une date qui marque un tournant historique en matière de

décentralisation communale avec l’adoption de la loi du 30 septembre 1976

relative à l'organisation communale faisant des communes des véritables

collectivités décentralisées et transférant aux élus locaux d’importantes

attributions antérieurement dévolues aux autorités locales. Ce texte a été modifié

et complété plusieurs fois. La dernière modification date du 18 février 200935.

34 Dahir n° 1-59-161 du 27 safar 1379 (1er septembre 1959) relatif à l'élection des conseils communaux,

Bulletin Officiel n° : 2445 du 04/09/1959 – p. 1477. 35 La loi n° 17.08 promulguée par le dahir n° 1.08.153 du 18 février 2009, BO n° 5714 du 5-3-2009.

Page 23: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

23

Depuis le dernier découpage administratif de 2009, les communes sont au

nombre de 1 503 dont 221 communes urbaines et 1 282 communes rurales.

A côté de ce qu’on peut appeler les communes de droit commun, certaines

communes sont soumises à des régimes particuliers. Ces dernières sont de trois

catégories : d’abord, les communes soumises au régime d’arrondissements

prévues par le titre VIII de la Charte communale. Au sein de ces communes des

arrondissements, dépourvus de la personnalité juridique, mais jouissant d'une

autonomie administrative et financière et dotés de conseils d'arrondissement sont

créés. Ensuite, les communes des Méchouars sièges de Palais Royaux. Les

attributions reconnues aux présidents des conseils communaux sont exercées

dans cette catégorie de communes par un Pacha assisté d'un adjoint, à qui il peut

déléguer partie de ses attributions et qui le remplace en cas d'absence ou

d'empêchement. Enfin, la commune urbaine de Rabat qui dispose d’un régime

particulier. La principale particularité de ce régime est que les attributions

reconnues aux présidents des conseils communaux sont exercées par le wali,

gouverneur de la préfecture de Rabat.

Jusqu’à l’adoption de la Constitution du 29 juillet 2011, la commune a constitué

l’instance qui porte l’ensemble de l’édifice territorial, et ce sur les plans politique,

juridique et financier. En effet, c’est au niveau communal que le processus

électoral est entamé, par l’élection des conseils communaux au suffrage

universel direct, pour servir ensuite de plate-forme de base pour l’élection des

organes des deux autres catégories de collectivités territoriales. La commune a

constitué, depuis sa création, la cellule de base du développement politique,

social et économique36.

En revanche, le texte constitutionnel de 2011 reflète l’intention du pouvoir

constituant d’accorder à la région une prééminence par rapport aux commune et

aux préfectures et provinces.

36 Michel ROUSSET et Mohammed Amine BENABDALLAH, Actualité du droit administratif 2003-2009,

La Porte, 2010, p. 63.

Page 24: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

24

B. Les préfectures et les provinces

La préfecture et la province sont des subdivisions territoriales intermédiaires

se situant entre la commune et la région. La première est à dominante urbaine

tandis que la seconde est à dominante rurale.

Avant la mise en place de la première Constitution marocaine, les préfectures

et les provinces étaient déjà les principales circonscriptions administratives. Elles

étaient dirigées par des gouverneurs et administrées d'une manière très

centralisée. Leur budget n'était qu'une simple section du budget général de l’Etat.

Par ailleurs, en tant que collectivités locales, les préfectures et les provinces

sont instituées, pour la première fois, par la Constitution du 7 décembre 1962. En

effet, dans son article 93, elle disposait que : « les collectivités locales du

Royaume sont les préfectures, les provinces et les communes. Elles sont créées

par la loi ».

Les préfectures et les provinces constituent un échelon important d’une

administration de proximité. Il ne s’agit pas de véritables collectivités territoriales

au sens sociologique du terme37, mais plutôt des institutions intermédiaires

représentant des entités qui sont à la fois décentralisatrices et déconcentrées.

Ces entités sont placées sous le contrôle direct de l’Etat. Ainsi, il est difficile de

parler d’une véritable décentralisation, même si des conseils élus incarnent

juridiquement cette vocation.

Ce constat peut être expliqué par le fait que la création des préfectures et

provinces n’est pas uniquement motivée par le souci de rapprocher

l’Administration des administrés ou d’assurer une certaine participation des

populations à la gestion de leurs affaires territoriales, mais aussi et surtout par le

souci d’avoir un contrôle direct et effectif sur les populations.38

Cependant, la réorganisation des préfectures et provinces mise en place par

la loi n° 79-00 du 3 octobre 2002 a radicalement modifié les principes régissant

les conseils préfectoraux et provinciaux. Ainsi, les nouvelles règles régissant la

37 Idem, p. 62. 38 Abdellah Boudahrain, Éléments de Droit Public Marocain, L’Harmattan, 1994, p. 171.

Page 25: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

25

composition et le fonctionnement de ces conseils ont tendance à aligner, à

quelques différences, l’organisation des préfectures et provinces sur celles des

communes39.

Dans le même ordre d’idées, la Constitution du 29 juillet 2011 prévaut la

logique décentralisatrice et opte pour une séparation entre la préfecture et

province - administration déconcentrée dirigée par le gouverneur - d’une part, et

la préfecture et province - collectivité territoriale dont le président du conseil, et

non plus le gouverneur, est l’autorité qui est chargée de l’exécution des

délibérations et décisions du conseil préfectoral et provincial - d’autre part40.

C. Les régions

Les régions ont été créées au Maroc par le Dahir n° 1-71-77 du 16 juin 1971,

qui a été plusieurs fois modifié pour tenir compte de l’évolution de la division

administrative du pays41. Les régions créées par ce Dahir ne constituaient pas

des collectivités territoriales. Il s’agissait en fait, et comme le précisait l’article 2

de ce Dahir, « d’un cadre d'action économique dans lequel des études seront

entreprises et des programmes réalisés en vue d'un développement harmonieux

et équilibré des différentes parties du Royaume »42. Ainsi, les régions de 1971

constituaient un cadre géographique destiné à la spatialisation du plan43 et non

pas à l’instauration de la décentralisation régionale.

La région en tant que collectivité territoriale a été consacrée, pour la première

fois, par la Constitution de 1992. Quatre ans plus tard, la Constitution de 1996 a

confirmé le choix du renforcement de la décentralisation régionale. Cependant,

pour mettre en place cette nouvelle catégorie de collectivités territoriales, il a fallu

attendre l’adoption de la loi du 2 avril 1997 relative à l’organisation régionale. Ce

39 Tarik Zair, La gestion décentralisée du développement économique au Maroc, L’Harmattan, 2007, p53. 40 L’article 138 de la Constitution de 29 juillet 2011 dispose que « les présidents des conseils régionaux et

les présidents des autres collectivités territoriales exécutent les délibérations et décisions de ces conseils ». 41 Abdellah Boudahrain, Éléments de droit public marocain, L’Harmattan, 1994, p. 165. 42 L’article 2 du Dahir n° 1-71-77 du 22 rebia II 1391 (16 juin 1971) portant création des régions, Bulletin

Officiel n° : 3060 du 23/06/1971 – p. 685 43 Michel ROUSSET et Mohammed Amine BENABDALLAH, Actualité du droit administratif 2003-2009,

La Porte, 2010, p. 50.

Page 26: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

26

Dahir a institué, conformément à l’article 100 de la Constitution de 199644, « des

régions-collectivités locales dotées de la personnalité morale et de l’autonomie

financière »45.

En revanche, la personnalité morale et l’autonomie financière de la région,

sous la Constitution de 1996, avaient un aspect beaucoup plus théorique que

réel étant donné que l’exécutif revenait au représentant de l’Etat, c’est-à-dire au

gouverneur de la préfecture chef-lieu de la région.46. Ce constat constituait une

grande entrave devant le projet de la décentralisation régionale préconisé par les

responsables politiques. Pour la surmonter, des réformes radicales, aussi bien

institutionnelles que constitutionnelles étaient nécessaires.

Dans ce même contexte, le projet de la régionalisation avancée initiée par le

Chef de l’Etat, notamment dans son discours du 3 janvier 2010 à l’occasion de

l’installation de la Commission consultative de la régionalisation, requiert des

propositions constructives visant l’établissement, entre autres, d’une

«régionalisation d’essence démocratique ».

Ainsi, les propositions de ladite Commission, dont certaines sont retenues

dans la Constitution de 2011, ont comme objectif d’élargir le cadre représentatif

de la région et son autonomie financière et décisionnelle47. Dans ce cadre, la

Constitution de 2011 a consacré l’élection des Conseils régionaux au suffrage

universel direct et elle a doté leurs présidents de la fonction exécutive. En outre,

le texte constitutionnelle a donné une existence juridique au concept de « la

régionalisation avancée », en stipulant dans son premier article

que : « l’organisation territoriale du royaume est décentralisée. Elle est fondée

sur une régionalisation avancée ».

44 L’article 100 de la Constitution de 1996 dispose que « les collectivités locales du Royaume sont les

régions, les préfectures, les provinces et les communes ». 45 L’article premier du Dahir du 3 avril 1997 dispose : « les régions, instituées par l’article 100 de la

Constitution, sont des collectivités locales dotées de la personnalité morale et de l’autonomie

financière… ». Dahir n° 1-97-84 du 2 avril 1997 portant promulgation de la loi n° 47-96 relative à

l’organisation de la région, BO n° 4470 du 3 avril 1997, p. 292. 46 Réformes et mutations des collectivités territoriales, ouvrage collectif sous la direction de : Joseph

Carles,Didier Guignard,Serge Regourd, L’Harmattan, 2012, p 533 47 CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Aspects institutionnels, pp. 7et 8.

Page 27: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

27

IV. Les relations entre les collectivités territoriales

Les collectivités territoriales sont appelées à entretenir entre elles des relations

de coopération afin de réaliser des objectifs communs (B). Ces relations sont

fondées sur les principes de l’égalité entre ces collectivités et de l’interdiction de

tutelle de l’une sur une autre (A).

A. L’interdiction de la tutelle d’une collectivité sur une autre

L’interdiction de la tutelle d’une collectivité sur une autre a pour objectif de

protéger la libre administration des collectivités territoriales. En effet, ces

dernières se trouvent placées sur un pied d’égalité, qu’elles soient de même

niveau territorial, ou situées à des niveaux différents. Ainsi, seul l’État est habilité

à exercer un contrôle sur ces entités.

En France, l’interdiction de la tutelle entre les collectivités territoriales a été

consacrée, d’abord par la loi depuis 1983 (loi du 7 janvier 1983)48, et ensuite par

la Constitution depuis 2003. En effet, l’alinéa 5 de l’article 72 de la Constitution,

introduit lors de la révision de 2003, dispose qu’"aucune collectivité territoriale ne

peut exercer une tutelle sur une autre ».

Au Maroc, avant la Constitution de 2011, aucune interdiction de la tutelle d’une

collectivité sur une autre n’a été expressément consacrée, ni par la loi ni par la

Constitution. Néanmoins, les deux lois relatives respectivement à l’organisation

préfectorale, provinciale et régionale contiennent des dispositions qui interdisent

l’empiétement d’une collectivité territoriale sur les compétences d’une autre49. Il

48 « Les transferts de compétences prévus par la présente loi au profit des communes, des départements et

des régions ne peuvent autoriser l'une de ces collectivités à établir ou exercer une tutelle, sous quelque

forme que ce soit, sur une autre d'entre elles ». Article 2 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la

répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat (France). 49 « Le conseil régional règle par ses délibérations les affaires de la région, et, à cet effet, décide des

mesures à prendre pour lui assurer son plein développement économique, social et culturel, et ce, dans le

respect des attributions dévolues aux autres collectivités locales ». Alinéa 1 de l’article 6 du Dahir n° 1-

97-84 du 23 kaada 1417 (2 avril 1997) portant promulgation de la loi n° 47-96 relative à l'organisation de

la région.

« Le conseil préfectoral ou provincial règle par ses délibérations les affaires de la collectivité préfectorale

ou provinciale. A cet effet, il décide des mesures à prendre pour assurer son développement économique,

social et culturel, dans le respect des attributions dévolues aux autres collectivités locales ». Alinéa 1 de

l’article 35 du Dahir n° 1-02-269 du 25 rajab 1423 (3 octobre 2002) portant promulgation de la loi n° 79-

00 relative à l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales.

Page 28: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

28

est vrai que l’interdiction de l’empiétement n’est pas synonyme de l’interdiction

de la tutelle, mais l’application des dispositions en question est susceptible de

prévenir toute forme de tutelle d’une collectivité sur une autre.

L’absence d’une disposition similaire dans la charte communale peut être

expliquée par deux raisons : d’une part, la commune constitue l’échelon le plus

inférieur de la décentralisation, et par conséquent il n’y a aucune collectivité

territoriale pouvant constituer un objet potentiel de la tutelle communale ; et

d’autre part, le législateur a probablement l’intention de doter les commune d’une

compétence plus générale que celle des autres collectivités territoriales.

Par ailleurs, la Constitution du 29 juillet 2011 interdit formellement et d’une

manière explicite toute tutelle pouvant être exercée par une collectivité territoriale

sur une autre. En effet, le premier alinéa de l’article 143 dispose : qu’ « aucune

collectivité territoriale ne peut exercer de tutelle sur une autre ». En revanche,

cette interdiction ne devrait pas être considérée comme incompatible avec la

prééminence dont jouit la région par rapport aux autres collectivités en matière

d’élaboration et de suivi des programmes de développement régionaux et des

schémas régionaux d’aménagement des territoires, tant que les compétences

propres des autres collectivités sont respectées (alinéa 2. Article 143).

Les formules par lesquelles, en France et au Maroc, l’interdiction de la tutelle

est consacrée constitutionnellement, ne concernent que les rapports des

collectivités territoriales entre elles. Et les deux Constitutions sont silencieuses

quant à l’interdiction ou non d’une tutelle qui pourrait être exercée sur les

collectivités par leurs propres établissements publics, notamment par le biais de

groupements de collectivités.

La jurisprudence constitutionnelle française a, d’une manière indirecte, interdit

aux établissements publics d’exercer la tutelle sur les collectivités territoriales.

Ainsi, dans la décision n° 2000-436 DC du 7 décembre 200050, le conseil

constitutionnel français, saisi de la loi relative à la solidarité et au renouvellement

urbains, a considéré que les schémas de cohérence territoriale, élaborés par un

50 Conseil constitutionnel français, décision n° 2000-436 DC du 7 décembre 2000, Journal officiel du 14

décembre 2000, p. 19840.

Page 29: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

29

établissement public de coopération intercommunale ou par un syndicat mixte,

n’ont vocation qu’à déterminer les orientations générales de développement à

l’échelle de l’agglomération concernée. Par conséquent, ils ne portent pas

atteinte à la libre administration des communes. Des prescriptions plus

normatives auraient pu être constitutives d’une tutelle et déclarées

inconstitutionnelles51.

En parallèle, le droit marocain contient des dispositions autorisant à certains

établissements publics d’adresser aux communes des prescriptions normatives.

C’est le cas, à titre d’exemple, de l’obligation pour la commune de respecter l’avis

conforme émis par l’Agence urbaine en matière des autorisations de

lotissements, groupes d’habitations, morcellements et constructions52.

Néanmoins, l’occasion ne s’est pas encore présentée au juge constitutionnel

marocain pour se prononcer sur la constitutionnalité ou non de ce genre de

dispositions.

B. La coopération entre les collectivités territoriales

Le législateur, à travers les textes relatifs à l’organisation des différentes

collectivités territoriales, a autorisé ces dernières à entretenir entre elles des

relations de coopération, et ceci à travers deux techniques majeures : les

conventions et les groupements.

Ainsi, en vertu de l’alinéa premier de l’article 61 de la loi n° 47-96 relative à

l'organisation de la région, « les régions peuvent être autorisées à établir entre

elles des relations de coopération pour la réalisation d'une œuvre commune, d'un

service d'intérêt inter-régional ou pour la gestion des fonds propres à chacune

d'elles et destinés au financement de travaux communs et au paiement de

certaines dépenses communes de fonctionnement. La coopération inter-

régionale est gérée par un comité inter-régional de coopération ».

51Les relations entre collectivités territoriales, ouvrage collectif sous la direction de Sylvie Caudal, 2005,

l’Harmattan, pp. 67-68. 52 Voir l’article 3 alinéa 4 de la loi n° 1-93-51 su 10 septembre 1993 instituant les agences urbaines, BO n°

4220 du 15-09-1993, pp 481-482. Voir aussi l’article 3 alinéa 4 de la loi n° 1-84-188 du 9 octobre 1984

relatif à l’Agence urbaine de Casablanca (BO n° 3762 du 5-12-1984, pp 424-425) tel qu’il a été modifiée

et complétée par la loi n° 1-93-323 du 6 octobre 1993, BO n° 4223 du 6-10-1993, pp. 535-536.

Page 30: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

30

Les régions peuvent aussi conclure des conventions avec l'Etat ou toute autre

personne morale de droit public en vue d’entreprendre toute action nécessaire

au développement régional53.

Par ailleurs, les préfectures, les provinces et les communes peuvent conclure

entre elles ou avec d'autres collectivités territoriales -les communes peuvent

conclure aussi avec les administrations publiques, les établissements publics ou

les organismes non gouvernementaux d’utilité publique- des conventions de

coopération ou de partenariat pour la réalisation d'un projet d'intérêt commun, ne

justifiant pas la création d'une personne morale de droit public ou privé54.

Dans le même contexte, les préfectures, les provinces et les communes

peuvent constituer, entre elles ou avec d'autres collectivités territoriales, des

groupements en vue de la réalisation d'une œuvre commune ou pour la gestion

d'un service d'intérêt général. Les groupements en question ont la forme

d’établissements publics dotés de la personne morale et de l’autonomie

financière.

Sur le plan constitutionnel, la Constitution du 29 juillet 2011 a consacré tout un

ensemble de dispositions à la question de la coopération entre les collectivités

territoriales. D’ores et déjà, cette coopération bénéficie d’une protection

constitutionnelle, et les collectivités sont en principe libres d’en définir les

modalités.

Ainsi, conformément aux dispositions de l’article 136 de la Constitution, la

coopération est l’un des principes sur lesquels l’organisation territoriale du

Royaume est reposée. De même, l’alinéa 3 de l’article 143 dispose que : «

lorsque le concours de plusieurs collectivités territoriales est nécessaire à la

réalisation d’un projet, les collectivités concernées conviennent des modalités de

leurs coopération ».Toujours dans le même sens, l’article 144 précise que « les

53« En outre, les régions peuvent entreprendre toute action nécessaire au développement régional, en

collaboration avec l'Etat ou tout autre personne morale de droit public, dans des conditions fixées par des

conventions ». Alinéa 3 article 8 de la loi n° 47-96 relative à l'organisation de la région. 54 Voir les articles : 78 de la loi n° 78.00 relative à la charte communale telle que modifiée et complétée par

la loi n° 17.08 du 18 février 2009, et 66 de la loi n° 79-00 relative à l'organisation des collectivités

préfectorales et provinciales.

Page 31: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

31

collectivités territoriales peuvent constituer des groupements en vue de la

mutualisation des programmes et des moyens ».

Les modalités de coopération entre les collectivités territoriales prévues par

les textes législatifs en vigueur sont soumises à l’approbation ou à l’autorisation

du ministre de l’intérieur ou de son délégué. Cependant, la constitutionnalisation

de cette coopération et du principe de la libre administration rend cette forme de

tutelle incompatible avec la Constitution, par conséquent, elle doit disparaitre

dans les prochaines lois relatives aux collectivités territoriales sous peine

d’inconstitutionnalité.

Une éventuelle suppression de la tutelle en la matière ne sera pas synonyme

d’une liberté absolue des collectivités quant à la détermination des modalités de

coopération. En effet, les actes relatifs à cette coopération doivent être conformes

aux dispositions légales sous peine d’annulation par le juge administratif. Ainsi,

à titre d’exemple, la jurisprudence administrative française admet qu’une

convention de coopération entre les collectivités territoriales serait entachée

d’illégalité si elle porterait atteinte aux règles relatives à la publicité de la

commande publique (CE, 3 février 2012, Commune de Veyrier-du-Lac,

n° 353737).

Page 32: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

32

CHAPITRE II

LA LIBRE ADMINISTRATION DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

Le principe de libre administration des collectivités territoriales est affirmé par

l’article 136 de la Constitution du 29 juillet 2011. Selon cet article :

« L’organisation territoriale du Royaume repose sur les principes de libre

administration, de coopération et de solidarité… ». C’est ainsi que ce principe,

qui n’avait pas d’existence juridique en droit marocain, a été érigé au rang de

principe constitutionnel. Par conséquent, il s’impose au législateur et à toutes les

autorités administratives.

La constitutionnalisation de ce principe traduit la volonté du constituant de faire

des collectivités territoriales des véritables institutions décentralisées, libres et

autonomes par rapport aux autres administrations de l’Etat. Il s’agit donc d’une

garantie constitutionnelle de la liberté de ces collectivités à l’encontre des

ingérences dans leurs propres affaires par les représentants de l’Etat55.

Cependant, le texte constitutionnel ne donne aucune définition précise du

principe en question ; il ne fixe pas non plus les conditions relatives à l’exercice

de la libre administration par les collectivités territoriales. Dans cette situation, il

appartient à la loi, à la jurisprudence mais aussi à la doctrine de développer les

différents aspects devant définir et encadrer ce principe.

Par ailleurs, en droit français, le principe de libre administration des

collectivités territoriales a été consacré par la Constitution de 1946 (article 87). Il

a été réaffirmé par le texte constitutionnel de 1958 à deux reprises : les articles

34 et 72. Selon les dispositions de ce dernier article, les collectivités territoriales

« s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir

réglementaire pour l’exercice de leurs compétences ». Le même article stipule

55 Tarik ZAIR, le nouveau statut constitutionnel des collectivités territoriales, in REMALD, numéro double

99-100, juillet-octobre 2011, pp. 25-26.

Page 33: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

33

que les conditions de l’exercice de cette libre administration sont fixées par voie

législative56.

Sur le plan législatif, l’article 1111-2 du Code général des collectivités locales

dispose que : « Les communes, les départements et les régions règlent par leurs

délibérations les affaires de leur compétence».

Enfin, sur le plan jurisprudentiel, la valeur constitutionnelle du principe de libre

administration est consacrée, pour la première fois, par la décision du Conseil

constitutionnel n° 73-104 du 23 mai 1979 relative au Territoire de Nouvelle

Calédonie. Selon A. ROUX, le juge constitutionnel a fait, à l’occasion de cette

décision, « œuvre créatrice, car à la lecture de l’article 72 al. 2 de la Constitution,

il était permis de voir dans la libre administration un principe de simple valeur

législative »57.

Comme tous les principes à valeur constitutionnelle, la portée (I), les

implications (II) et les limites de la libre administration (III), dépendent largement

de l’action jurisprudentielle, des textes de mise en application adoptés par le

législateur et des travaux de la doctrine.

I. La portée du principe de libre administration

Le principe de libre administration des collectivités territoriales constitue

incontestablement un principe fondamental d’organisation administrative de ces

entités (A). Néanmoins, la jurisprudence et une partie de la doctrine le

consacrent également comme une liberté fondamentale (B).

A. La libre administration comme principe d'organisation administrative

La consécration constitutionnelle de la libre administration des collectivités

territoriales vaut reconnaissance de l’existence des intérêts locaux qui doivent

56 « Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus

et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences ». Alinéa 3 Article 72 de la

Constitution française de 1958. 57 André ROUX, Droit constitutionnel local, ECONOMICA, 1995, p.09.

Page 34: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

34

être organisés et gérés par des entités décentralisées bénéficiant d’un « budget

particulier et d’un statut garantissant l’exercice de leurs libertés »58.

En France, ce principe n’a été utilisé durant les vingt premières années de la

V° République que comme règle de répartition des pouvoirs entre le Parlement

et le Gouvernement. Mais à partir des années quatre-vingt, la jurisprudence

constitutionnelle a fait de la libre administration un principe de fond qui s’impose

à la loi59et qui détermine l’organisation administrative des collectivités

territoriales.

Le juge constitutionnel a défini, dans plusieurs de ses décisions, le sens qu’il

convient de donner à ce principe, notamment dans sa décision du 8 août 1985

où il a précisé que celui-ci signifie que les collectivités territoriales doivent

disposer des conseils élus dotés d’attributions effectives (Conseil constitutionnel,

décision du 8 août 1985, Loi sur l’évolution de la Nouvelle-Calédonie)60.

Il découle de cette jurisprudence que deux principaux éléments sont

considérés comme constitutifs de la libre administration des collectivités

territoriales. D’une part, l’élection des assemblées ; et d’autre part, les

compétences effectives de ces assemblées. Par conséquent, les lois et les

règlements ne doivent pas porter atteinte à ces deux éléments sous peine

d’inconstitutionnalité.

Par référence à cette jurisprudence, on pourrait penser que la clause de

compétence générale en serait l’une des composantes. En revanche, le juge

constitutionnel ne s’est pas opposé à la spécialisation de l’action de chaque

collectivité territoriale en dérogeant même à la clause de compétence générale

à l’occasion de la modification du Code général des collectivités territoriales. Ceci

dit que « cette clause n’a, par elle-même, pas acquis de valeur constitutionnelle

58Marie-Christine Rouault, L’intérêt communal, Presses Universitaires de Lille 1991, p. 148 59 Francis-Paul BENOIT, Encyclopédie des collectivités locales, Dalloz 2004, p. 63-16. 60 « …Considérant…qu'il résulte, d'autre part, de l'article 72 que, pour s'administrer librement, le territoire

doit, dans les conditions qu'il appartient à la loi de prévoir, disposer d'un conseil élu doté d'attributions

effectives… » . Conseil Constitutionnel Français, Décision n° 85-196 DC du 08 août 1985, Loi sur

l’évolution de la Nouvelle-Calédonie, Journal officiel du 8 août 1985, p. 9125.

Page 35: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

35

et qu’elle ne saurait être confondue avec le principe constitutionnel de libre

administration »61.

En outre, il ne ressort pas de cette jurisprudence que le principe étudié

implique la nécessité de doter les présidents des assemblées des collectivités

territoriales du pouvoir exécutif et de l’ordonnancement des dépenses et des

recettes. En effet, le législateur est compétent pour confier ces tâches soit aux

présidents des assemblées élus, soit aux représentants de l’Etat nommés par le

pouvoir central.

Par ailleurs, le droit marocain qui actuellement ne donne aucune définition

précise du principe de libre administration, comporte des dispositions, d’ordre

constitutionnel et légal, susceptibles d’en définir les contours et les implications.

Ainsi, les lois relatives aux différentes collectivités locales ont consacré la

pratique de l’élection des conseils de ces collectivités et doté les organes de ces

dernières des compétences effectives.

En outre, la Constitution du 29 juillet 2011 a renforcé la démocratie locale et

les compétences des collectivités territoriales. Nous allons nous contenter, dans

ce chapitre, de l’étude des implications du principe de libre administration qui sont

liées à l’organisation et à l’administration des collectivités territoriales. Les

éléments relatifs aux compétences seront traités dans un chapitre à part (chapitre

III).

B. La libre administration comme liberté fondamentale

La libre administration des collectivités territoriales constitue-t-elle une liberté

fondamentale ? La réponse à cette question est d’une importance particulière ;

d’abord en France depuis l’adoption de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative

au référé devant les juridictions administratives, mais surtout depuis l’introduction

de l’exception d’inconstitutionnalité par l’article 61-1 de la Constitution, issu de la

révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 ; ensuite au Maroc depuis la

61 Rapport du Comité pour la réforme des collectivités locales présidé par Edouard Balladur, remis le 5

mars 2009 au président de la République Française, p. 37.

Page 36: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

36

consécration de l’exception d’inconstitutionnalité par l’article 133 de la

Constitution de 2011.

Cette réponse déterminerait si la collectivité territoriale pourrait ou non saisir le

juge des référés en cas d’une atteinte grave et manifestement illégale à sa libre

administration62. Elle déterminerait également si la collectivité pourrait ou non

soutenir, au cours d’un procès, qu’une disposition législative – la loi dont dépend

le litige, pour le cas du Maroc- porte atteinte à sa libre administration en tant que

liberté garantie par la Constitution, et ce dans le cadre de l’exception

d’inconstitutionnalité63.

Si les débats autour de cette question ne sont pas encore entamés au Maroc,

il n’en demeure pas moins que les éléments de réponse sont déjà disponibles en

France, dans les textes, dans la jurisprudence et dans la doctrine.

Au niveau des textes, même si la libre administration n’est considérée comme

liberté fondamentale par aucune disposition constitutionnelle ou autre, il n’en

reste pas moins, que « les libertés » sont reconnues aux collectivités territoriales

par certains textes juridiques. Déjà l’article 89 de la Constitution de 1946 a

consacré l’expression « des libertés départementales et municipales »64. Dans le

même sens, la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 a donné une existence juridique

à la notion de « libertés locales »65.

Au niveau de la jurisprudence, il est vrai que le Conseil constitutionnel français

n’a pas tranché expressément cette question à l’occasion de sa décision n° 79-

62 « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures

nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou

un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de

ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai

de quarante-huit heures. » Art. L. 521-2. - du code de justice administrative introduit par la loi n° 2000-

597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives. 63 Voir l’article 133 de la Constitution marocaine du 29juillet 2011 et l’article 61-1 de la Constitution

française de 1958 introduit par la révision du 23 juillet 2008. 64 « Des lois organiques étendront les libertés départementales et municipales ; elles pourront prévoir,

pour certaines grandes villes, des règles de fonctionnement et des structures différentes de celles des petites

communes et comporter des dispositions spéciales pour certains départements ; elles déterminent les

conditions d'application des articles 85 à 88 ci-dessus… ». L’article 89 de la Constitution française de

1946. 65 Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, Journal Officiel n°190

du 17 août 2004, p14545.

Page 37: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

37

104 DC du 23 mai 1979 dans laquelle il a reconnu valeur constitutionnelle au

principe de libre administration66. Néanmoins, le Conseil d’Etat, dans sa décision

n° 229247 du 18 janvier 2001, a répondu positivement à la question et a

considéré la libre administration comme une liberté fondamentale67.

Sur le plan doctrinal, un article a été publié par Louis FAVOREU et André

ROUX en 2002 intitulé « La libre administration des collectivités territoriales est-

elle une liberté fondamentale? »68. Les auteurs ont essayé de mettre en évidence

l’idée selon laquelle la libre administration constitue une liberté fondamentale des

collectivités territoriales. Ainsi, ils se sont posé deux questions, à savoir : Les

personnes morales, plus précisément les personnes morales de droit public,

sont-elles susceptibles d'être titulaires de droits et libertés fondamentaux ? La

libre administration des collectivités territoriales est-elle, en elle-même, une

liberté fondamentale ?

Pour réponde à ces deux questions, L. FAVOREU et A. ROUX soutiennent

d’abord que les libertés ne peuvent être applicables aux personnes morales

qu’ « en raison de leur nature ». Ainsi, si une personne morale ne peut demander

« l'asile politique ni prétendre bénéficier de la liberté d'aller et venir », il n’en

demeure pas moins qu’il est tout à fait concevable que celle-ci demande que lui

soit reconnue « la liberté d'expression, ou le droit de propriété, ou la liberté

d'association, ou encore la liberté d'entreprendre ainsi que la liberté

contractuelle ». Ensuite, ces auteurs concluent que « la libre administration se

présente comme une liberté constitutionnellement reconnue et garantie dont le

respect s'impose au législateur ».

Ainsi, ce débat tend vers sa clôture en France. La question est pratiquement

tranchée en faveur de la collectivité territoriale. Cette dernière se voit reconnue

le droit de saisir le juge des référés et de soulever la question de l’exception

66 Louis FAVOREU, André ROUX, La libre administration des collectivités territoriales est-elle une liberté

fondamentale? Cahiers du Conseil constitutionnel n° 12 (Dossier : Le droit constitutionnel des collectivités

territoriales) – mai 2002. 67 Conseil d’Etat, 18 janvier 2001, n° 229247, Commune de Venelles et Morbelli). 68 Louis FAVOREU, André ROUX, La libre administration des collectivités territoriales est-elle une liberté

fondamentale? Cahiers du Conseil constitutionnel n° 12 (Dossier : Le droit constitutionnel des collectivités

territoriales) – mai 2002.

Page 38: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

38

d’inconstitutionnalité à chaque fois qu’elle estime que sa libre administration est

mise en cause.

Par ailleurs, en droit marocain, les éléments de réponse ne sont pas encore

réunis. La doctrine ne s’est pas encore engagée dans ce débat. L’occasion ne

s’est pas encore présentée, ni au juge administratif, ni au juge constitutionnel,

pour se prononcer sur la question. Enfin, un ensemble de textes d’application de

la Constitution susceptibles de porter plus d’éclaircissements à la question, ne

sont pas encore adoptés. C’est le cas particulièrement de la loi organique relative

à l’exception d’inconstitutionnalité, prévue par l’article 133 de la Constitution.

II. Les implications du principe de libre administration

Le principe de libre administration des collectivités territoriales est une

condition sine qua non d’une décentralisation effective. Il implique, entre autres,

une véritable autonomie administrative de ces collectivités et de leurs organes

qui ne doivent relever d’aucun pouvoir hiérarchique ou disciplinaire du pouvoir

central. L’élection de ces organes constitue une garantie de leur indépendance

et une source de légitimité de la personne morale et de l’autonomie financière

dont disposent les collectivités territoriales. Au Maroc, les conseils délibérants

des collectivités territoriales et l’exécutif communal sont depuis toujours élus (A),

et depuis la Constitution de 2011, l’élection des organes exécutifs a été

généralisée aux autres collectivités territoriales (B).

A. L’élection des conseils délibérants

Pour que la libre administration de la collectivité territoriale soit assurée, d’un

point de vue organique, l’existence du conseil délibérant élu doté d’attributions

effectives représente le minimum requis69. Ainsi, une éventuelle administration

de la collectivité par un organe délibérant composé, en totalité ou en partie, de

membres nommés, serait une atteinte au principe de libre administration.

En effet, le principe de l’élection des membres des conseils des collectivités

territoriales a été consacré depuis le premier texte relatif à l’organisation

69 André ROUX, Droit constitutionnel local, ECONOMICA 1995, p.18.

Page 39: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

39

communale établi en 1959. L’article 3 de ce dernier stipule que « Les membres

des conseils communaux sont élus au scrutin uninominal à la majorité relative à

un tour, au suffrage universel et direct, pour une durée de trois ans…»70.

De même, la constitutionnalisation de ce principe remonte à la première

Constitution du Royaume adoptée en 1962. Selon l’article 94 de cette dernière,

les collectivités locales gèrent démocratiquement leurs affaires par des conseils

élus71. Cette disposition a toujours été maintenue à l’occasion des différentes

révisions constitutionnelles.

Ainsi, la volonté de démocratisation qui a inspiré, dès le lendemain de

l’indépendance, plusieurs textes juridiques, notamment celui de 1958 relatif aux

libertés publiques, celui de 1959 relatif aux élections communales et celui de

1960 relatif au régime communal, est formellement affirmée par le premier texte

constitutionnel du Royaume et réaffirmée par toutes les révisions

constitutionnelles72.

Si l’élection au suffrage universel direct des conseils communaux est établie

depuis 1959, il n’en reste pas moins que, pour les conseils des autres collectivités

territoriales, le procédé retenu, jusqu’à l’adoption de la Constitution du 29 juillet

2011, est celui de suffrage universel indirect.

La consécration du suffrage universel indirect ne contredit pas le principe

constitutionnel de la gestion démocratique des affaires des collectivités

territoriales. Ce principe se trouve réaffirmé dans le troisième alinéa de l’article

premier de la loi n° 47-96 relative à l'organisation de la région qui prévoit

que : « Les affaires de la région sont librement gérées par un conseil

démocratiquement élu pour une durée de six ans, conformément à la législation

en vigueur ». Dans le même ordre d’idées, l’article 3 de la loi n° 79-00 relative à

l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales dispose que « Les

70 Dahir n° 1-59-161 du 27 safar 1379 (1er septembre 1959) relatif à l'élection des conseils communaux.

Bulletin Officiel n° : 2445 du 04/09/1959, p. 1477. 71 « Elles élisent des assemblées chargées de gérer démocratiquement leurs affaires dans les conditions

déterminées par la loi… ». Article 94 de la Constitution marocaine de 1962. Cette disposition est retenue

par l’article 101 de la Constitution de 1996. 72 Mohamed BRAHIMI, La commune marocaine : un siècle d’histoire, de la veille du protectorat à 2009,

Tome I, in REMALD, série « thèmes actuels », n° 65, 2010, p. 359.

Page 40: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

40

affaires de la collectivité préfectorale ou provinciale sont gérées par un conseil

élu, dont la durée du mandat et les conditions d'élection sont prévues par les

dispositions de la loi formant code électoral.. ».

Les différents textes constitutionnels qu’a connus le Maroc, excepté le dernier,

imposent en effet l’élection des conseils, sans pour autant définir les modalités

de cette élection ; ce qui a laissé au législateur le pouvoir de déterminer librement

les conditions et les formalités de cette opération.

Le suffrage universel direct adopté par la loi pour l’élection des conseils

communaux a pu faire des communes les collectivités les plus proches des

citoyens et les plus représentatives de leurs intérêts et de leurs projets. En

parallèle, l’adoption du suffrage universel indirect pour l’élection des membres

des conseils des préfectures, des provinces et des régions était animée

principalement par le souci du législateur d’assurer la représentation des

chambres professionnelles et des élus des autres collectivités territoriales qui

relèvent de la collectivité concernée. La loi relative à la région assure également

la représentation des salariés et des parlementaires de la région73.

Toutefois, la Constitution du 29 juillet 2011 a introduit une innovation

essentielle en matière d’élection des conseils des collectivités territoriales. Cette

innovation consiste à décider que les conseils des régions et des communes

seraient élus au suffrage universel direct74. Pour les conseils communaux, il s’agit

d’une affirmation constitutionnelle d’une pratique qui est déjà consacrée par la

loi. En revanche, pour les conseils régionaux, leur élection au suffrage universel

direct se trouve consacrée pour la première fois. D’ores et déjà, il n’est plus

possible au législateur d’établir un mode du scrutin autre que le suffrage universel

direct pour l’élection des conseils des communes et des régions. Ainsi, la

modification de ce mode nécessite la révision du texte constitutionnel.

73 « Conformément à la législation en vigueur, le conseil régional est composé de représentants élus des

collectivités locales, des chambres professionnelles et des salariés. Il comprend également les membres du

Parlement élus dans le cadre de la région ainsi que les présidents des assemblées préfectorales et

provinciales sises dans la région qui assistent à ses réunions avec voix consultative ». Article 3 du Dahir

n° 1-97-84 du 23 kaada 1417 (2 avril 1997) portant promulgation de la loi n° 47-96 relative à l'organisation

de la région. 74 « Les Conseils des régions et des communes sont élus au suffrage universel direct ». Alinéa 3 de l’article

135 de la Constitution du 29 juillet 2011.

Page 41: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

41

Cependant, le législateur demeure compétent pour fixer le mode d’élection des

conseils préfectoraux et provinciaux.

B. L’élection des organes exécutifs

On entend par organe exécutif la personne ou l’ensemble de personnes

compétentes pour appliquer les décisions qui émanent de la collectivité, d’une

autorité supérieure, du Parlement ou du juge75. C’est à l’organe exécutif de la

collectivité territoriale qu’il revient d’appliquer la loi et le règlement et d’exécuter

les délibérations du conseil.

L’étude de l’évolution du régime juridique de l’exécutif des collectivités

territoriales nécessite la distinction entre deux expériences différentes : d’une part

l’expérience communale, et, d’autre part, l’expérience préfectorale, provinciale et

régionale.

S’agissant de l’expérience communale, l’exécutif est confié au président du

conseil depuis 1960. Cependant, le Dahir du 23 juin 1960 relatif à l'organisation

communale a instauré, aux côtés de l’exécutif élu, un exécutif nommé par le

pouvoir central en la personne du Pacha ou du Caïd. Ces derniers, mieux formés,

outillés et mieux perçus par la population locale, ont « éclipsé le président du

conseil communal », ce qui est considéré comme préjudiciable pour la

décentralisation76.

Dans l’objectif de corriger cette situation, le législateur de 1976 a renforcé le

rôle du président du conseil communal. Ainsi, la charte communale de 1976 a

confié au président élu une grande partie des pouvoirs qui étaient jusqu’ici

exercés par l’autorité locale. En outre, l’article 37 de la même charte fait du

président le seul organe exécutif de la commune en disposant que : « Le

président exécute les délibérations du conseil, prend les mesures nécessaires à

cet effet et en assure le contrôle ».

Les différentes modifications qu’a connues la charte de 1976 n’ont cessé de

renforcer le statut du président du conseil communal en tant que véritable organe

75 Antoine Delblond, droit administratif, Larcier 2009, p. 60 76BASRI Driss, La décentralisation au Maroc de la commune à la région, NATHAN 1994, p. 39.

Page 42: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

42

exécutif de cette collectivité territoriale et ordonnateur de ses dépenses et

recettes.

Dans le même ordre d’idées, jusqu’à l’année 2002, le président du conseil

communal exerçait des attributions de police administrative communale sous le

contrôle de l’administration supérieure77. Ces dispositions faisaient de cet organe

élu un subordonné de l’administration de tutelle ce qui était une atteinte à

l’autonomie administrative de la commune. En revanche, depuis l’adoption de la

loi n° 78.00 du 3 octobre 2002, ces attributions sont exercées par le président de

plein droit78.

S’agissant de l’expérience des autres collectivités territoriales, jusqu’au 29

juillet 2011, date d’entrée en vigueur de l’actuel texte constitutionnel, l’exécution

des délibérations et l’ordonnancement des dépenses et des recettes des conseils

préfectoraux, provinciaux et régionaux relevaient des attributions des agents

d’autorités, à savoir : les walis (gouverneurs des chefs-lieux des régions) pour

les régions79 et les walis ou les gouverneurs pour les préfectures et les

provinces80.

Le texte constitutionnel de 2011 marque une rupture significative avec ce

régime juridique de l’autorité exécutive des collectivités territoriales. Dorénavant,

ce sont les présidents de ces collectivités qui sont compétents pour exécuter les

délibérations et les décisions de leurs conseils81. Le fait de confier aux présidents

élus cette compétence exercée auparavant par les agents d’autorité nommés par

le pouvoir central, reflète la volonté du constituant de consacrer le principe de la

gestion démocratique des collectivités territoriales et de donner un sens

beaucoup plus large – par rapport au sens donné par la jurisprudence

77 Article 44 du Dahir portant loi n° 1-76-583 (30 Septembre 1976) (5 chaoual 1396) relatif à l'organisation

communale (B.O. 1er octobre 1976). 78 Article 49 de la loi n° 78.00 modifiée par la loi n° 17.08 du 18 février 2009, BO n° 5714 du 5 mars 2009. 79 « Le gouverneur du chef-lieu de la région assure l'exécution des délibérations du conseil régional dans

les conditions fixées par la présente loi ». Alinéa 5 de l’article premier du Dahir n° 1-97-84 du 23 kaada

1417 (2 avril 1997) portant promulgation de la loi n° 47-96 relative à l'organisation de la région. 80 «Le wali ou le gouverneur de la préfecture ou la province exécute les délibérations du conseil. Il prend

les mesures nécessaires à cet effet après avis du président du conseil préfectoral ou provincial ». alinéa

premier de l’article 45 Dahir n° 1-02-269 du 25 rejeb 1423 (3 octobre 2002) portant promulgation de la loi

n° 79-00 relative à l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales. 81 « Les présidents des conseils régionaux et les présidents des autres collectivités territoriales exécutent

les délibérations et les décisions de ces conseils ». Article 138 de la Constitution du 29 juillet 2011.

Page 43: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

43

constitutionnelle française82- au principe de libre administration de ces

collectivités.

Ainsi, la Constitution consacre l’une des recommandations les plus

importantes énoncées dans le rapport de la Commission consultative de la

régionalisation. Pour cette dernière, l’objectif de ce procédé est de permettre aux

collectivités territoriales de contrôler leurs propres organes d’exécution afin de

pouvoir rendre compte de leurs responsabilités83.

Les walis et les gouverneurs qui ne sont plus compétents pour exécuter les

délibérations des conseils préfectoraux, provinciaux et régionaux, sont

dorénavant appelés, en vertu de l’article 145 de la Constitution, à assister les

présidentes des collectivités territoriales dans la mise en œuvre des plans et des

programmes de développement84. Néanmoins, certains auteurs, à l’instar de T.

ZAIR, exprime leur inquiétude de voir les dispositions de cet article interprétées

par le représentant de l’Etat comme « règle de co-administration ». ZAIR insiste

sur le rôle que doivent jouer le législateur et le juge constitutionnel pour clarifier

les nouveaux rapports entre les présidentes des collectivités territoriales et les

représentants de l’Etat85.

III. Les limites du principe de libre administration

Une décentralisation effective est conditionnée par la libre administration des

collectivités territoriales. Cependant, cette libre administration ne signifie pas

l’indépendance. Les collectivités disposent des pouvoirs de décision propres,

mais elles doivent se soumettre aux règles de la Constitution, des lois et des

règlements qui les régissent.

82 Conseil constitutionnel français, Décision n° 85-196 DC du 08 août 1985, Loi sur l’évolution de la

Nouvelle-Calédonie, Journal officiel du 8 août 1985, p. 9125. 83 « Les objectifs ainsi tracés supposent, à l’égard du thème en revue, que les collectivités locales jouissent

d’un réel pouvoir d’exécuter leurs délibérations et décisions et de contrôler, en conséquence, leurs propres

organes d’exécution, dans le respect des lois et règlements en vigueur ; condition fondamentale pour

assumer valablement leurs responsabilités et en rendre compte». Commission consultative de la

régionalisation/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Aspects institutionnels, p.38. 84 « Les walis et les gouverneurs assistent les présidents des collectivités territoriales et notamment les

présidents des conseils régionaux dans la mise en œuvre des plans et des programmes de développement ».

Alinéa 3de l’article 145 de la Constitution du 29 juillet 2011. 85 Tarik ZAIR, le nouveau statut constitutionnel des collectivités territoriales, in REMALD, numéro double

99-100, juillet-octobre 2011, pp. 26-27.

Page 44: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

44

Ainsi, comme tous les principes de valeur constitutionnelle, la libre

administration des collectivités territoriales n’est pas absolue, ni sans limites.

Celles-ci sont d’ordre textuel (A), jurisprudentiel (B) voire même pratique (C).

A. Les limites d’ordre textuel

Les limites de la libre administration tiennent d’abord au principe de

l’indivisibilité de la souveraineté qui, selon l’article 2 de la Constitution, appartient

à la nation. En outre, la forme unitaire de l’Etat consacrée par le préambule du

texte constitutionnel est incompatible avec une liberté illimitée des collectivités

territoriales. Il en découle que ces collectivités ne peuvent disposer que d’une

autonomie administrative et non politique. Elles sont mêmes interdites d’émettre

des vœux86 et de délibérer sur des affaires à caractère politique87. Il ressort

également des dispositions de la Constitution que les collectivités territoriales ne

peuvent disposer que d’un pouvoir réglementaire et non législatif. L’article 140

énonce que « …les régions et les autres collectivités territoriales disposent, dans

leur domaines de compétence respectifs et dans leur sort territorial, d’un pouvoir

réglementaire pour l’exercice de leurs attributions ». Par conséquent, les

collectivités territoriales ne peuvent pas choisir leur organisation, leurs

compétences, leurs ressources ou leur régime électoral. Ces choix sont de la

compétence du législateur.

De même, les collectivités territoriales, en vertu de l’article 137 de la

Constitution, ne peuvent que participer à la mise en œuvre de la politique

générale de l’Etat. Elles ne sont donc habilitées à définir les politiques territoriales

qu’à travers leurs représentants à la Chambre des conseillers.

Ensuite, Le principe de libre administration des collectivités territoriales ne

saurait remettre en cause l’unité de l’ordre juridique de l’Etat. En effet, la

86 « Le conseil peut, en outre, émettre des vœux sur toutes les questions d’intérêt communal, à l'exception

des vœux à caractère politique… ». Alinéa 2, article 44 de la loi n° 78.00 modifiée par la loi n° 17.08 du

18 février 2009, BO n° 5714 du 5 mars 2009. 87 « Le conseil régional ne peut délibérer sur des affaires à caractère politique ou étrangères aux questions

d'intérêt régional ». Alinéa 6, article premier du Dahir n° 1-97-84 du 23 kaada 1417 (2 avril 1997) portant

promulgation de la loi n° 47-96 relative à l'organisation de la région.

Page 45: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

45

Constitution prévoit un ensemble de mécanismes de contrôle des collectivités

territoriales.

Il s’agit plus précisément du contrôle administratif confié aux Walis et

Gouverneurs et du contrôle juridictionnel exercé par les juges du Royaume. En

outre, un certain nombre de dispositifs de contrôle ont été prévus par des textes

législatifs et réglementaires dans l’objectif de prévenir ou de sanctionner les

manquements aux lois et aux règlements en vigueur.

Enfin, toute collectivité territoriale est tenue, en vertu des textes en vigueur et

dans l’exercice de ses attributions, de respecter les prérogatives de l’Etat, les

compétences des autres collectivités et le principe de l’inexistence de tutelle

d’une collectivité territoriale sur une autre.

B. Les limites d’ordre jurisprudentiel

Le principe de libre administration n’est pas le seul principe de valeur

constitutionnelle. Il en existe une pluralité hiérarchisée. Certains sont considérés

par la jurisprudence comme supérieurs aux autres. Ainsi, la libre administration

doit être conciliée avec les principes constitutionnels qui lui sont supérieurs88.

Si ce débat demeure encore étranger à la jurisprudence constitutionnelle

marocaine, il n’en reste pas moins que le Conseil constitutionnel français a

produit un certain nombre de décisions constituant déjà une jurisprudence en la

matière.

Ainsi, à titre d’exemple, le juge constitutionnel fait prévaloir le principe d’égalité

des citoyens devant la loi et celui de liberté de l’enseignement sur la libre

administration. Le législateur peut prévoir l’octroi d’une aide des collectivités

territoriales aux établissements d’enseignement privés mais les conditions

essentielles d’application de cette législation ne peuvent pas dépendre de

décisions de ces collectivités et doivent être les mêmes sur l’ensemble du

territoire (Conseil constitutionnel, décision du 13 janvier 1994, aide aux

88 Nadine Dantonel-Cor, Droit des collectivités territoriales, 3° édition, BREAL 2007, p. 12.

Page 46: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

46

investissements des établissements d’enseignement privé)89. Dans le même

ordre d’idées, le Conseil constitutionnel fait prévaloir le principe de continuité des

services publics sur celui de libre administration (Conseil constitutionnel, décision

28 décembre 1982 relative à l’organisation administrative de Paris, Lyon,

Marseille)90.

C. Les limites d’ordre pratique

On entend par les limites pratiques, l’ensemble des éléments qui ne sont

imposés ni par les textes, ni par la jurisprudence, et qui entravent la libre

administration des collectivités territoriales

En effet, les collectivités territoriales sont dotées de larges compétences dans

l’ensemble des domaines relevant des affaires locales. L’exercice de ces

compétences nécessite la mobilisation des moyens considérables91.

Néanmoins, les moyens humains, matériels et financiers dont disposent ces

collectivités ne sont pas toujours suffisants pour remplir leurs missions. Ainsi,

89 « …Considérant qu'il résulte des dispositions et principes à valeur constitutionnelle ci-dessus rappelés

que le législateur peut prévoir l'octroi d'une aide des collectivités publiques aux établissements

d'enseignement privés selon la nature et l'importance de leur contribution à l'accomplissement de missions

d'enseignement ; que si le principe de libre administration des collectivités locales a valeur

constitutionnelle, les dispositions que le législateur édicte ne sauraient conduire à ce que les conditions

essentielles d'application d'une loi relative à l'exercice de la liberté de l'enseignement dépendent de

décisions des collectivités territoriales et, ainsi, puissent ne pas être les mêmes sur l'ensemble du territoire

; que les aides allouées doivent, pour être conformes aux principes d'égalité et de liberté, obéir à des

critères objectifs ; qu'il incombe au législateur, en vertu de l'article 34 de la Constitution, de définir les

conditions de mise en œuvre de ces dispositions et principes à valeur constitutionnelle ; qu'il doit

notamment prévoir les garanties nécessaires pour prémunir les établissements d'enseignement public

contre des ruptures d'égalité à leur détriment au regard des obligations particulières que ces établissements

assument ;

… Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'article 2 de la loi déférée doit être déclaré contraire

à la Constitution… ». Conseil constitutionnel français, Décision n° 93-329 DC du 13 janvier 1994/ Loi

relative aux conditions de l'aide aux investissements des établissements d'enseignement privés par les

collectivités territoriales, Journal officiel du 15 janvier 1994, p. 829. 90 « …Considérant que, selon le dernier alinéa de l'article 72 précité de la Constitution, le délégué du

Gouvernement, outre la charge des intérêts nationaux, a celle du contrôle administratif et du respect des

lois ; qu'il appartient donc au législateur de prévoir l'intervention du délégué du Gouvernement pour

pourvoir, sous le contrôle du juge, à certaines difficultés administratives résultant de l'absence de décision

de la part des autorités décentralisées normalement compétentes lorsque cette absence de décision risque

de compromettre le fonctionnement des services publics et l'application des lois ; qu'ainsi, les dispositions

du dernier alinéa de l'article 12 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ne sont pas

contraires à la Constitution… ». Conseil constitutionnel français, Décision n° 82-149 DC du 28 décembre

1982/ Loi relative à l'organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de

coopération intercommunale, Journal officiel du 29 décembre 1982, p.3914. 91 BASRI Driss, La décentralisation au Maroc de la commune à la région, NATHAN 1994, p. 122.

Page 47: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

47

l’insuffisance de moyens ne constitue pas uniquement une limite à la libre

administration mais à l’idée de la décentralisation en général.

Dans le même sens, les limites d’ordre pratique sont liées également à la

confusion qui caractérise la répartition des compétences entre l’Etat et les

collectivités territoriales d’une part, et entre les collectivités territoriales elles-

mêmes d’autre part.

De même, la formule « libre administration » constitue, elle-même, une limite.

En effet, il ne s’agit pas pour les collectivités territoriales de gouverner librement

mais tout simplement de s’administrer librement. Ainsi, elles ne disposent que de

la liberté de gestion des affaires locales, dans le respect des lois et règlements

en vigueur. Autrement dit, la libre administration se limite à des compétences

administratives et exclut les compétences régaliennes qui demeurent un

domaine réservé de l’Etat.

Page 48: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

48

CHAPITRE III

LA SUBSIDIARITE ET LES COMPETENCES DES COLLECTIVITES

TERRITORIALES

La subsidiarité est un principe de répartition des compétences. Au sein d’un

Etat unitaire, elle règle le cadre et les limites des organisations infra-étatiques92.

Il s’agit donc d’une nouvelle façon de penser l’intervention publique et d’une idée

capable de transformer l’action publique. Selon A. Faure, la subsidiarité

s’apparente à une procédure de répartition des tâches et des missions.

Cependant, il ne s’agit pas d’un principe neutre permettant la répartition des

compétences d’une manière évidente et objective. Le sens du principe de

subsidiarité dépend en fait des négociations et des interprétations des acteurs93.

Contrairement à la Constitution française du 4 octobre 1958 qui ne contient

pas l’expression « principe de subsidiarité », l’article 140 de la Constitution

marocaine du 29 juillet 2011 consacre explicitement le principe en question. Cet

article dispose que : « sur la base du principe de subsidiarité, les collectivités

territoriales ont des compétences propres, des compétences partagées avec

l’Etat et celles qui leur sont transférables par ce dernier… ».

Ainsi, sur la base de ce principe, les collectivités territoriales disposent d’un

ensemble de compétences dont le cadre général et les domaines sont définis par

la Constitution et par les textes législatifs relatifs à la décentralisation.

Dans ce chapitre, nous allons d’abord examiner le contexte d’apparition et de

constitutionnalisation du principe de subsidiarité ainsi que les implications de ce

principe (I). Ensuite, nous aurons à analyser le cadre général et les catégories

des compétences dont disposent les collectivités territoriales (II).

92 Guillaume Drago, Le principe de subsidiarité comme principe de droit constitutionnel, in: Revue

internationale de droit comparé. Vol. 46 N°2, Avril-juin 1994, pp. 583-592. 93 Territoires et Subsidiarité: L'action publique locale à la lumière d'un principe controversé, ouvrage

collectif sous la direction d’Alain Faure, L’Harmattan 1997, p. 27

Page 49: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

49

I. Le principe de subsidiarité

Avant la Constitution de 2011, le principe de subsidiarité n’avait aucune

existence juridique dans le droit positif marocain. Sa consécration comme "base"

des compétences des collectivités territoriales constitue l’une des nouveautés du

nouveau texte constitutionnel. Néanmoins, il pose certaines difficultés quant à sa

portée et à ses implications.

A. Le contexte d’apparition du principe

L’apparition du concept de subsidiarité comme principe de répartition des

compétences entre les différents centres de pouvoir est marquée par un contexte

politique particulier. En effet, les démocraties libérales ont connu une prolifération

institutionnelle inédite, ce qui a engendré de nouveaux enjeux à différents

niveaux : enchevêtrement des compétences et des responsabilités,

revendication d’une plus grande implication et participation des citoyens à la

gestion des affaires publiques et appel généralisé à un rapprochement entre

décision et citoyen. Tous ces enjeux convergent vers une même philosophie,

celle de la proximité.

En outre, la complexité de la gestion publique et les contraintes managériales

d’efficacité administrative ont donné un nouveau souffle aux anciens débats sur

l’efficacité technocratique d’une part ; et la légitimité et la proximité démocratique

d’autre part.

Dans ce contexte, la subsidiarité apparait comme un principe pouvant

répondre aux différents dilemmes posés et fournir des choix susceptibles

d’accorder l’efficacité et la proximité.

Le concept de subsidiarité a vu le jour dans la terminologie de droit

communautaire européen et mis en exergue au moment de la ratification du

Traité de Maastricht en 1992. Il a été conçu dans l’objectif de répartir les

compétences entre les institutions de l’Union européenne et les Etats membres.

Par la suite, ce concept a été intégré dans de différents domaines, à tel point que

Alain Faure a écrit : « l’expression "principe de subsidiarité" a investi tous les

Page 50: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

50

champs de nos pensées contemporaines, tant dans le domaine du philosophe,

du juriste, de l’universitaire que du politique »94.

Ultérieurement, le principe de subsidiarité a été introduit dans le droit public

interne dans l’objectif d’en faire un critère objectif et raisonnable de la répartition

des compétences spécialement entre l’Etat et ses entités décentralisées.

En Europe, la Suisse offre précisément un exemple typique de subsidiarité,

selon lequel tout problème doit être résolu, si possible, au sein de collectivité de

niveau inférieur ; ce n’est qu’en cas de difficultés insurmontables qu’on juge

opportune l’intervention à un niveau supérieur95.

B. La constitutionnalisation de la subsidiarité

En France, l’expression "principe de subsidiarité" ne figure pas dans le texte

constitutionnel. Ainsi, la subsidiarité ne doit être considérée, dans ce pays, que

comme un concept doctrinal et non pas un concept de droit positif.

En revanche, la disposition constitutionnelle prévue par l’article 72 al. 2 de la

Constitution de 1958, tel qu’il résulte de la révision du 28 mars 2003, est

interprétée comme la consécration du principe de subsidiarité en droit

constitutionnel français. La disposition en question précise que : « Les

collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des

compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon».

Par ailleurs, en droit marocain le "principe de subsidiarité" est, bel et bien, un

concept de droit positif. En effet, l’introduction explicite du principe de subsidiarité

est l’une des innovations de la Constitution du 29 juillet 2011. Ainsi, et

contrairement à la Constitution française, le texte marocain donne une existence

juridique et constitutionnelle à la notion de subsidiarité.

Il en découle que la définition des différentes catégories de compétences des

collectivités territoriales doit être conforme aux exigences de la subsidiarité.

94 Alain Faure, Territoires et subsidiarité: L'action publique locale à la lumière d'un principe controversé,

l’Harmattan 1997, p. 65. 95 Idem, p. 74.

Page 51: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

51

Cependant, la Constitution marocaine ne donne aucune définition du principe et

ne renvoie à aucune loi devant déterminer ce qu’on devrait entendre par cette

notion. Dans cette situation de fait, le juge constitutionnel assumerait la charge

de définir le principe, sa portée et ses limites. Ses références majeures seraient

la jurisprudence française et la doctrine, et la première occasion serait

probablement le contrôle de la constitutionnalité de la loi organique prévue par

l’article 146 de la Constitution, et qui fixera, entre autres, « les compétences

propres, les compétences partagées avec l’Etat et celles qui sont transférables

aux régions et aux autres collectivités territoriales».

C. La portée du principe de subsidiarité

Selon Francis-Paul BENOIT, « La notion de subsidiarité se manifeste avec

les compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à l’échelon d’une

collectivité ». Toujours selon cet auteur, la subsidiarité « vise la répartition des

compétences entre l’Etat et l’échelon local mais aussi sans doute entre les

différents échelons de collectivités »96.

La subsidiarité ne peut pas signifier que les collectivités territoriales

déterminent elles-mêmes les compétences qu’elles estiment être le mieux à

même de mettre en œuvre. En effet, le législateur demeure compétent, aussi

bien en France qu’au Maroc, pour définir les compétences de chacune des

catégories de collectivités territoriales.

Néanmoins, le législateur ne détient plus une souveraineté absolue en matière

de définitions des attributions des collectivités territoriales. Il est désormais tenu

d’attribuer à ces collectivités les compétences qui peuvent être mieux mises en

œuvre à leur échelon. Autrement dit, le pouvoir discrétionnaire du législateur en

la matière devient limité par une règle de fond sous le contrôle du juge

constitutionnel.

Par ailleurs, le principe de subsidiarité n’a pas nécessairement une portée

décentralisatrice, c’est-à-dire qu’il ne mène pas automatiquement vers le

renforcement des attributions des collectivités territoriales. Il est vrai que ce

96 Francis-Paul BENOIT, Encyclopédie des collectivités locales, Dalloz 2004, pp. 63-23.

Page 52: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

52

principe vise à repenser l’intervention des pouvoirs publics dans son ensemble

et à transférer davantage de responsabilités aux collectivités territoriales.

Cependant, la prise en compte de certaines exigences constitutionnelles telles

que l’égalité entre les citoyens, pourrait aussi conclure au choix de l’échelon

national ou de l’échelon régional de préférence à un échelon préfectoral,

provincial ou encore communal.

Sur un autre plan, le principe de subsidiarité n’apporte pas de réponses

précises, clefs en main, sur ce que devrait être une répartition idéale des

compétences entre le pouvoir central et les entités décentralisées. Cette carence

revient au fait qu’il n’est pas possible de savoir à l’avance si l’exercice d’une

compétence peut le mieux être mise en œuvre à tel ou tel échelon territorial. Ce

n’est qu’après l’expérimentation et l’évaluation qu’il devient possible de se

prononcer sur l’efficacité et la performance d’une compétence mise en œuvre à

un échelon donné.

Pour faire face à cette carence, le constituant français, par l'article 37-1 de la

Constitution, a ouvert la possibilité des expérimentations qui permettraient

éventuellement de déterminer le niveau adéquat pour l'exercice de telle ou telle

compétence97. Aucune possibilité pareille n’est prévue par le Constituant

marocain.

En définitive, l’identification des compétences qui conviennent le mieux à un

échelon donné n’a rien d’évident. Ainsi, le principe de subsidiarité reste un

concept beaucoup plus doctrinal que pratique. Même s’il est consacré

implicitement par la Constitution française et explicitement par la Constitution

marocaine, son sens est ambigu et la détermination de sa portée juridique

dépendrait de l’action jurisprudentielle. Seul le juge constitutionnel peut y

procéder au cas par cas. L’occasion ne s’est pas encore produite pour le juge

marocain. Quant au juge français, il semble qu’il a déjà raté sa première

opportunité en s’abstenant de faire des remarques relatives au principe qui nous

retient, et ce à l’occasion du contrôle de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004

97 « La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère

expérimental ». L’article 37-1 de la Constitution française de 1958.

Page 53: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

53

relative aux libertés et responsabilités locales, qui a opéré des réaménagements

importants de compétences des collectivités territoriales98.

Ce constat pousse une partie de la doctrine à penser que le principe de

subsidiarité n’est pas bien précis et ne peut être qu’un concept promoteur. Son

caractère opérationnel n’est guère évident a priori. La délimitation des

compétences en matière d’action publique « est à la fois complexe et évolutive

et elle n’est guère compatible avec une définition générale et abstraite »99.

II. Les compétences des collectivités territoriales

La Constitution de 2011 consacre, pour la première fois dans l’histoire

constitutionnelle marocaine, un ensemble de dispositions relatives aux

compétences des collectivités territoriales. Ces dispositions tracent le cadre

général de ces compétences et en définissent les catégories.

A. Le cadre général

La définition des attributions des collectivités territoriales relève de la

compétence du législateur. Ce dernier ne peut pas dépasser les contours

délimités par le constituant. Ainsi, il ne peut les doter que d’un pouvoir

réglementaire. En outre, certaines dispositions retraçant le cadre général des

compétences des collectivités sont d’ordre législatif. C’est surtout le cas de la

clause générale de compétence consacrée par les textes relatifs à l’organisation

des collectivités territoriales.

1. La compétence législative en matière de définition des attributions

La Constitution consacre la compétence législative en matière de définition

des compétences des collectivités territoriales. Cette consécration constitue une

protection des principes constitutionnels liés à cette matière, particulièrement la

libre administration et la subsidiarité, contre des atteintes éventuelles émanant

du pouvoir exécutif. Ces principes sont également protégés contre les abus du

98 Conseil constitutionnel français, Décision n° 2004-503 du 12 août 2004/ Loi relative aux libertés et

responsabilités locales. Journal Officiel du 17 août 2004, p. 14648. 99 Les collectivités territoriales en France, coordonné par Maryvonne BONNARD, La documentations

française, 2008, p. 24.

Page 54: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

54

législateur lui-même, notamment que les compétences des collectivités

territoriales sont fixées par une loi organique qui, par définition, doit subir le

contrôle de constitutionnalité.

Ainsi, le constituant de 2011 confie au pouvoir législatif la mission de

répartition des compétences, ce qui comporte un risque, malgré toutes les

garanties, de porter atteinte aux principes de subsidiarité, de libre administration

et de l’effectivité des compétences qui en découle. En vue de maitriser ce risque,

certains auteurs pensent qu’il est nécessaire d’exiger un certain seuil de

compétence. Autrement dit, un minimum de compétences propres devrait être

consenti aux collectivités territoriales à l’occasion de la répartition des

compétences100.

Par ailleurs, et contrairement à la Constitution française101, la Constitution

marocaine ne prévoit pas des matières que le législateur ne devrait pas confier

ou transférer aux collectivités territoriales. En principe, le législateur dispose d’un

pouvoir discrétionnaire en matière de définition des compétences de ces

collectivités, à la seule condition de respecter les compétences des autres

collectivités publiques qui leur sont dévolues par le texte constitutionnel.

Sur un autre niveau, la question de compétence réglementaire du

Gouvernement pour l’exécution des lois relatives aux collectivités territoriales se

pose. En France, une thèse développée dans les années quatre-vingt était hostile

à cette compétence. Cette thèse est aujourd’hui définitivement abandonnée,

100 Tarik ZAIR, Le principe de libre administration des collectivités territorial, in REMALD, numéro 107,

novembre-décembre 2012, p. 17. 101 «Dans les départements et les régions d’outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit.

Ils peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces

collectivités.

Ces adaptations peuvent être décidées par ces collectivités dans les matières où s’exercent leurs

compétences et si elles y ont été habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement.

Par dérogation au premier alinéa et pour tenir compte de leurs spécificités, les collectivités régies par le

présent article peuvent être habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement, à fixer elles-mêmes les

règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la

loi ou du règlement.

Ces règles ne peuvent porter sur la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques,

l’état et la capacité des personnes, l’organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la

politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que

le droit électoral. Cette énumération pourra être précisée et complétée par une loi organique… ». Article

73 de la Constitution française de 1958.

Page 55: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

55

notamment après avoir été écartée par le juge constitutionnel en ne censurant

pas le renvoi aux décrets opéré par la loi relative à la fonction publique territoriale

(décision n° 83-168 DC du 20 janvier 1984). Cette attitude jurisprudentielle a été

confirmée par la suite dans un ensemble de décisions du Conseil constitutionnel

français102.

En définitive, le constituant marocain consacre une compétence législative de

principe en matière des collectivités territoriales en général103 et en matière de

détermination de leurs compétences en particulier104. Le pouvoir réglementaire

national ne peut pas intervenir d’une manière autonome dans ces matières. Son

intervention doit se limiter à la mise en application des lois sous le contrôle du

juge administratif.

2. Un pouvoir réglementaire non autonome

Le deuxième alinéa de l’article 140 de la Constitution du 29 juillet 2011 dispose

que : « les régions et les autres collectivités territoriales disposent, dans leurs

domaines de compétence respectifs et dans leur sort territorial, d’un pouvoir

réglementaire pour l’exercice de leurs attributions ». Ceci signifie que, ni le

principe de libre administration, ni celui de subsidiarité n’impliquent nullement

l’existence d’un pouvoir législatif local.

En effet, le Maroc est un Etat unitaire dont la souveraineté est indivisible. Ainsi,

le pouvoir normatif trouve sa source première dans l’Etat, et le législateur national

est le seul compétent pour légiférer pour tout le territoire national.

Si le pouvoir réglementaire est reconnu constitutionnellement aux collectivités

territoriales, il n’en demeure pas moins qu’il ne saurait être autonome. Autrement

dit, la disposition constitutionnelle énoncée ci-dessus ne peut pas constituer une

source directe du pouvoir réglementaire des collectivités territoriales. Elle ne leur

permet pas d’intervenir dans le domaine de l’administration locale pour fixer des

102 Les collectivités territoriales en France, coordonné par Maryvonne Bonnard , la documentation française

2008, p. 33. 103 Article 71 de la Constitution du 29 juillet 2011. 104 Article 146 de la Constitution du 29 juillet 2011.

Page 56: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

56

normes initiales et indépendantes des lois préexistantes ou pour préciser les

conditions d’application d’une loi sans que celle-ci l’ait prévu.

Ainsi la différence entre le pouvoir réglementaire national et le pouvoir

réglementaire des collectivités territoriales est établie. Le premier est général et

autonome, tandis que le second est lié et limité. L’acte réglementaire national

peut être un acte d’application de la loi comme il peut être un acte pris en

application de la loi. Alors que l’acte réglementaire local ne peut être qu’un acte

pris en application de la loi105.

Dans le même ordre d’idées, l’exercice du pouvoir réglementaire par les

collectivités territoriales ne doit pas être en dehors de leurs domaines de

compétences, ni au-delà de leurs ressort territorial.

En définitive, le pouvoir réglementaire territorial, tout en étant consacré par la

Constitution, ne peut être qu’un pouvoir limité et subordonné au respect du

principe de légalité sanctionné par le juge administratif. Et il n’y a pas lieu que

l’exercice de ce pouvoir puisse être soumis au contrôle de constitutionnalité,

n’étant pas autonome, ce pouvoir ne peut émaner que d’une loi faisant écran

entre lui et la Constitution106.

3. La clause générale de compétence

Les lois relatives à la décentralisation consacrent la clause générale de

compétence qui consiste à reconnaître à la collectivité territoriale une

compétence générale de principe107. Cette clause permet à la collectivité de se

105 Les contrôles de l'Etat sur les collectivités territoriales aujourd'hui, sous la direction de Pascal

COMBEAU, L’Harmattan 2007, p. 122.

106 Mohammed Amine BENABDALLAH, Du contrôle de la constitutionnalité des décrets réglementaires

autonomes, REMALD, 2003, n° 53, p. 9. 107 - « Le conseil régional règle par ses délibérations les affaires de la région, et, à cet effet, décide des

mesures à prendre pour lui assurer son plein développement économique, social et culturel, et ce, dans le

respect des attributions dévolues aux autres collectivités locales ». Article 6, al 1 du Dahir n° 1-97-84 du

23 kaada 1417 (2 avril 1997) portant promulgation de la loi n° 47-96 relative à l'organisation de la région.

- « Le conseil préfectoral ou provincial règle par ses délibérations les affaires de la collectivité préfectorale

ou provinciale. A cet effet, il décide des mesures à prendre pour assurer son développement économique,

social et culturel, dans le respect des attributions dévolues aux autres collectivités locales ». Article 35, al

1 du Dahir n° 1-02-269 du 25 rejeb 1423 (3 octobre 2002) portant promulgation de la loi n° 79-00 relative

à l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales.

Page 57: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

57

saisir des affaires relevant de son territoire. Ainsi, la clause générale de

compétence est définie comme la possibilité reconnue à une collectivité

territoriale de délibérer sur toute matière pour répondre à un intérêt public local,

à condition de ne pas empiéter sur les compétences attribuées par la loi à une

autre autorité publique, qu’il s’agisse de l’Etat ou d’une autre collectivité

territoriale. Ceci dit que cette clause n’a pas un sens absolu, ou selon les propos

de Gérard MARCOU, « elle n’a jamais signifié que les collectivités territoriales

avaient une compétence générale, ou de principe »108.

Cependant, cette clause engendre, selon les termes de M. BRAHIMI, des

imprécisions et des contradictions, ce qui crée des situations de conflits de

compétences entre collectivités publiques sur un même territoire109.

La consécration de cette clause, malgré son inconvénient lié à l’imprécision,

présente un avantage pragmatique et technique, en ce sens qu’elle dispense le

législateur de la difficulté de l’énoncé précis et exhaustif qui nécessite

l’établissement d’un inventaire des matières relevant de la compétence de la

collectivité avec le risque de manquer à l’exhaustivité110.

En parallèle avec cette clause, le législateur marocain énumère un ensemble

de matières dévolues aux collectivités territoriales, ce qui pourrait être interprété

comme une consécration de la théorie des blocs de compétences. En revanche,

étant donné que les deux théories : La clause générale de compétence et le bloc

de compétences "reposent sur deux principes intellectuellement différents, et

même opposés111 "; ou encore, selon les termes de C. Nach Mback, sont

"incompatibles et contradictoires " ; cette énumération ne devrait être considérée

- « Le conseil règle par ses délibérations les affaires de la commune. A cet effet, il décide des mesures à

prendre pour assurer le développement économique, social et culturel de la commune ». Article 35 al 1 de

la loi 78-00 relative à la charte communale, telle que modifiée et complétée par la loi n° 17.08 promulguée

par le dahir n° 1.08.153 du 18 février 2009. B.O n° 5714 du 5-3-2009. 108 Gérard MARCOU, « la réforme territoriale. Analyse du nouveau projet de réforme des collectivités

territoriales », in « Quelle nouvelle réforme pour les collectivités territoriales Françaises », sous la direction

de Jean-Claude NEMERY, L’Harmattan 2010, p. 70. 109 Mohamed BRAHIMI, La commune marocaine : un siècle d’histoire, de la veille du protectorat à 2009,

Tome II, in REMALD, série « thèmes actuels », n° 65 bis, 2010, p. 212. 110 Idem, p. 213. 111 Rapport d’information n°283 au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la

décentralisation sur la clarification de la répartition des compétences entre l’État et les collectivités

territoriales, fait par Antoine LEFÈVRE, Sénat-France, 2011, p. 07.

Page 58: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

58

que comme une simple précision des attributions des collectivités territoriales112

et non pas une liste exhaustive de ces attributions.

B. Les domaines d’attribution des collectivités territoriales

Les lois relatives à la décentralisation distinguent trois catégories de

compétences des collectivités territoriales, à savoir : les compétences propres,

les compétences transférables et les compétences consultatives. Par ailleurs, la

Constitution du 29 juillet 2011 consacre une nouvelle catégorisation. Les

compétences propres et transférables sont maintenues, alors que les

compétences consultatives ont laissé la place à une nouvelle catégorie appelée

compétences partagées entre l’Etat et les collectivités territoriales.

1. Les compétences propres

Enracinée dans les textes relatifs à l’organisation des différentes collectivités

territoriales marocaines, et consacrée par le constituant de 2011, la notion de

compétences propres mérite qu’on s’y attarde pour essayer de l’élucider.

M. BRAHIMI affirme que le concept de « compétence propre » incline à penser

qu’il s’agit des compétences qui relèvent du « domaine exclusif » de la

collectivité113. Pour sa part, T. ZAIR pense que l’existence des compétences

propres interdites à l’intervention des personnes autres que les collectivités

territoriales, est une condition incontournable pour asseoir les bases de la libre

administration114.

Les compétences propres sont exercées par la collectivité territoriale pour la

gestion de ses propres affaires et pour son propre compte. Elles s’opposent ainsi

aux compétences déléguées ou transférées que la collectivité territoriale exerce

pour la gestion des affaires de l’Etat et pour le compte de ce dernier115.

112 Charles Nach Mback, Démocratisation et décentralisation: Genèse et dynamiques comparées des

processus de décentralisation en Afrique subsaharienne, KARTHALA 2003, p. 420. 113 Mohamed BRAHIMI, La commune marocaine : un siècle d’histoire, de la veille du protectorat à 2009,

Tome II, in REMALD, série « thèmes actuels », n° 65 bis, 2010, p. 215. 114 Tarik ZAIR, Le principe de libre administration des collectivités territorial, in REMALD, numéro 107,

novembre-décembre 2012, p. 17. 115Autonomie locale et régionalisation en Méditerranée: actes Séminaire international, décembre 1999 à

Rabat, Etudes et travaux, n°67, éditions du Conseil de l’Europe 2000, p. 58.

Page 59: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

59

En l’absence d’une définition constitutionnelle de ce concept, il appartient au

législateur de définir son contenu et ses contours. Les textes en vigueur, sans

donner aucune définition générale, énumèrent un ensemble de matières relevant

des compétences propres de chaque collectivité territoriale. Il s’agit

particulièrement des matières relatives au développement économique et social

de la collectivité, la gestion du patrimoine et les moyens financiers,

l’aménagement du territoire, les services publics locaux et la promotion de

l’emploi et des investissements116. Chacune des trois catégories des collectivités

territoriales dispose d’un domaine de compétences propres légèrement différent

de celui des autres.

2. Les compétences transférables

Les lois relatives à la décentralisation contiennent une disposition

reconnaissant à l’Etat la faculté de transférer aux collectivités territoriales des

nouvelles compétences, dans des domaines définis, appelées les compétences

transférables117. Le texte constitutionnel de 2011, en retenant cette catégorie de

compétences, accorde une valeur constitutionnelle à cette disposition.

Néanmoins, cette constitutionnalisation ne comporte aucun aspect prescriptif

ou obligatoire. D’une autre manière, la Constitution n’énumère pas des matières

à transférer obligatoirement aux collectivités territoriales. Il s’agit d’une simple

autorisation de transfert de compétences accordée au législateur, et il revient à

ce dernier de définir le moment de ce transfert, son objet et son bénéficiaire.

Dans un contexte similaire, M. BRAHIMI considère que les dispositions

législatives énonçant la faculté pour l’Etat de transférer de nouvelles

compétences aux communes, comme « porteuse de simples promesses et n’ont

pas de force exécutoire ».

Ainsi, les compétences transférables demeurent de l’apanage de l’Etat qui est

libre de les transférer aux collectivités territoriales ou de ne pas le faire. La

116 Mohamed BAHI, les compétences du wali, du gouverneur et des autres agents d’autorité : 1. Domaine

des collectivités locales (communes, préfectures, provinces et régions), 1er édition 2005, pp. 21, 49 et 37. 117 Article 8 de la loi n° 47-96 relative à l'organisation de la région. Article 37 de la loi n° 79-00 relative à

l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales. Article 43 de la loi n° 78.00 portant charte

communale.

Page 60: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

60

Constitution n’impose aucune exigence de temps pour effectuer le transfert qui

relève de l’appréciation de l’Etat118.

Par ailleurs, le législateur marocain a consacré le principe de la compensation

financière des transferts de compétences. Ainsi, il retient que tout transfert de

compétences de l'Etat aux collectivités territoriales doit s'accompagner du

transfert des ressources nécessaires à leur exercice. La notion de ressources

comprend aussi bien les moyens humains que les moyens financiers119.

La Constitution de 2011, à l’instar de la Constitution française120 a hissé ce

principe au rang constitutionnel. En effet, le deuxième alinéa de son article 141

dispose que « tout transfert de compétences de l’Etat vers les collectivités

territoriales doit s’accompagner d’un transfert des ressources correspondantes ».

Ainsi, il est interdit à l’Etat de se servir de la transférabilité des compétences pour

transférer les charges121.

L’absence de mise en œuvre des dispositions législatives relatives au transfert

de compétences de l’Etat aux collectivités territoriales, laisse penser qu’il s’agit

des dispositions superfétatoires122. De même, la reconnaissance

constitutionnelle de cette transférabilité de compétences n’apparait pas

suffisante pour y donner un aspect effectif.

3. Les compétences partagées avec l’Etat

L’article 140 de la Constitution du 29 juillet 2011 consacre, pour la première

fois, une nouvelle catégorie des compétences des collectivités territoriales. Il

s’agit des compétences partagées entre ces dernières et l’Etat.

118 Tarik ZAIR, Le principe de libre administration des collectivités territorial, in REMALD, numéro 107,

novembre-décembre 2012, p. 17. 119 Mohamed BRAHIMI, La commune marocaine : un siècle d’histoire, de la veille du protectorat à 2009,

Tome II, in REMALD, série « thèmes actuels », n° 65 bis, 2010, p. 224. 120 « Tout transfert de compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales s’accompagne de

l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou

extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales

est accompagnée de ressources déterminées par la loi ». L’article 72-2 al.4 de la Constitution française de

1958. 121 Mohamed BRAHIMI, La commune marocaine : un siècle d’histoire, de la veille du protectorat à 2009,

Tome II, in REMALD, série « thèmes actuels », n° 65 bis, 2010, p. 224. 122 Idem, p. 225.

Page 61: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

61

Conformément aux dispositions de ce même article, la fixation des

compétences partagées entre l’Etat et les collectivités territoriales doit être

effectuée sur la base du principe de subsidiarité. Il revient au législateur de définir

les domaines relevant de cette catégorie123.

A l’égard de ce type de compétences, les collectivités territoriales ne

possèdent aucun pouvoir exclusif d’exercice124. Néanmoins, cette catégorie de

compétences est susceptible de contribuer à la redéfinition des rapports entre

l’Etat et les collectivités territoriales sur la base de partenariat et de collaboration.

4. Les compétences consultatives

Cette catégorie de compétences n’a pas une existence constitutionnelle. Elle

n’a qu’une valeur législative. En effet, les lois relatives à l’organisation des

collectivités territoriales reconnaissent respectivement à celles-ci la possibilité de

présenter à l’Etat et aux autres personnes morales de droit public, des

propositions et des suggestions sur les actions à entreprendre pour promouvoir

leur développement économique, social et culturel lorsque ces actions dépassent

leurs compétences ou leurs moyens. Elles peuvent également émettre des avis

et des vœux sur toutes les questions d’intérêt local, à l’exception des vœux à

caractère politique125.

Les matières qui relèvent de cette catégorie ne constituent pas des véritables

compétences. En effet, si on retient la définition de B. MEUNIER, une

compétence serait « toute aptitude légale, matérielle, territoriale, temporelle et

personnelle dont dispose une autorité pour agir »126. Autrement dit, une

compétence implique une action ou une possibilité d’agir fondée sur un texte

123 Article 146 de la Constitution du 29 juillet 2011. 124 Tarik ZAIR, Le principe de libre administration des collectivités territorial, in REMALD, numéro 107,

novembre-décembre 2012, p. 16. 125 Article 9 de la loi n° 47-96 relative à l'organisation de la région. Article 38 de la loi n° 79-00 relative à

l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales. Article 44 de la loi n° 78.00 portant charte

communale. 126 Benjamin MEUNIER, Les règles relatives aux transferts de compétences entre collectivités publiques,

Thèse dirigée par Claude DEVES, UNIVERSITE D’AUVERGNE – CLERMONT FERRAND I, 2006, p.

05.

Page 62: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

62

juridique. Alors que la faculté d’émettre un avis ou une proposition est beaucoup

plus une liberté qu’une compétence.

C’est peut-être cette raison qui a poussé le constituant à écarter cette

catégorie du texte fondamental. Néanmoins, sa consécration législative ne peut

pas être mise en cause par le simple fait qu’elle n’est pas consacrée par la

Constitution.

Page 63: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

63

DEUXIEME PARTIE

LE CONTROLE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

Au début du 20ème siècle, le doyen Maurice Hauriou a écrit : « Non seulement

l’administration centrale subsiste, mais elle conserve un contrôle étendu sur les

administrations décentralisées, contrôle qui porte le nom de tutelle

administrative. Ainsi on peut dire que la centralisation reste la règle et que la

décentralisation est l’exception »127.

Aujourd’hui encore, le constat du doyen Hauriou semble être toujours valable.

Il est vrai que le régime des collectivités territoriales a subi depuis des

modifications considérables et que leur autonomie est devenue plus effective,

néanmoins, l’Etat influence encore largement la gestion des affaires locales,

notamment à travers les multiples contrôles qu’il exerce sur ces collectivités.

En effet, la décentralisation, quelle que soit son ampleur, n’implique jamais

une liberté pleine et entière des collectivités territoriales, celles-ci restent malgré

tout soumises au contrôle des autorités étatiques128.

La réalité de la décentralisation au Maroc n’échappe pas à cette logique. La

Constitution du 29 juillet 2011, même si elle instaure une nouvelle organisation

territoriale basée sur la régionalisation avancée et qu’elle consacre les principes

de la décentralisation, il n’en demeure pas moins vrai qu’elle met en évidence le

caractère unitaire de l’Etat. Ceci donne toute légitimité aux différents contrôles

institués sur les collectivités territoriales, soit par la Constitution elle-même, soit

par des textes législatifs ou réglementaires.

Ainsi certains contrôles exercés sur les collectivités territoriales relèvent de

l’ordre constitutionnel. C’est notamment le cas du contrôle effectué par les cours

régionales des comptes et qui est prévu par l’article 149 de la Constitution, mais

127 Pascal COMBEAU, « Les contrôles de l'État sur les collectivités territoriales aujourd'hui », L’Harmattan

2007, p. 01. 128 Céline ABSOLON, la télétransmission des actes des collectivités territoriales soumis au contrôle de

légalité, mémoire d’obtention de DESS en Droit De L’Internet : Administration et Entreprises, Université

Paris 1, 2004, p. 09.

Page 64: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

64

également du contrôle administratif dont l’exercice est confié, conformément aux

dispositions de l’article 145, aux walis de régions et aux gouverneurs de

provinces et préfectures.

Dans le même contexte, le texte constitutionnel de 2011 met en place un

ensemble d’institutions et d’instances de protection des droits et libertés, de

bonne gouvernance et de régulation dont le contrôle s’étend aux activités des

collectivités territoriales. (Articles 161 à 167).

De même, le législateur organique est compétent, en vertu de l’article 146,

pour fixer les règles relatives au contrôle de la gestion des fonds et programmes

des collectivités territoriales, à l’évaluation de ses actions et à la reddition des

comptes. D’autres types de contrôle sont consacrés par des textes législatifs ou

réglementaires.

Ainsi, l’action des collectivités territoriales se trouve soumise à une pluralité de

contrôles exercés par plusieurs organismes. Chaque type du contrôle à sa raison

d’être et couvre une réalité complexe129.

Dans cette partie, nous allons distinguer entre le contrôle administratif assuré

par des instances administratives (chapitre I), le contrôle juridictionnel confié aux

juridictions du Royaume (chapitre II) et enfin le contrôle politique exercé par des

institutions politiques et des instances de bonne gouvernance (chapitre III).

129 Céline ABSOLON, la télétransmission des actes des collectivités territoriales soumis au contrôle de

légalité, Mémoire d’obtention du DESS en Droit De L’Internet : Administration et Entreprises, université

Paris 1, Septembre 2004.

Page 65: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

65

CHAPITRE I

LA TUTELLE ET LE CONTROLE ADMINISTRATIF

L’exercice du pouvoir local par les collectivités territoriales peut présenter un

certain nombre de risques, d’où la nécessité de le soumettre à la tutelle de

l’administration et au contrôle de l’Etat pour préserver le caractère unitaire de ce

dernier et pour assurer la protection de l’intérêt général.

L’existence de ces mécanismes de contrôle ne met pas en cause la

philosophie de la décentralisation. Bien au contraire, et comme l’explique P.

Combeau, « La notion même de décentralisation ne peut se concevoir sans un

contrôle des collectivités territoriales par l’Etat »130.

La tutelle administrative constitue le moyen de contrôle le plus rigoureux et

limite considérablement le champ de manœuvre des collectivités décentralisées.

Elle correspond à ce que M.A. BENABDALLAH appelle « le stade primaire de la

décentralisation»131. Elle peut s’exercer a priori ou a posteriori et prend plusieurs

formes : approbation ou annulation des décisions, pouvoir de substitution,

suspension ou révocation des élus voire même dissolution des assemblées.

En France, la tutelle administrative sur les collectivités territoriales a été

supprimée depuis l’adoption de la loi du 2 mars 1982 et remplacée par le contrôle

administratif.

Par ailleurs, au Maroc, les dispositions relatives à la tutelle sont toujours en

vigueur, sauf que la consécration constitutionnelle du contrôle administratif

reflète la volonté du constituant de 2011 de passer à un nouveau stade de la

décentralisation où les collectivités seront affranchies de la tutelle administrative.

130 Pascal Combeau, Les contrôles de l'État sur les collectivités territoriales aujourd'hui, L’Harmattan 2007,

p. 01. 131 Mohammed Amine BENABDALLAH, Propos sur la décentralisation territoriale au Maroc, Economica,

2003, p. 19.

Page 66: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

66

I. La tutelle administrative

Le concept de tutelle est emprunté au droit civil. Il s’agit d’une mesure de

protection et de représentation juridique permettant la protection par

un tuteur d'une personne majeure dont les capacités physiques ou mentales sont

altérées, ou de mineurs qui ne sont pas protégés par l'autorité parentale.

La tutelle administrative de droit public est une forme de pouvoir ou de contrôle

d'une personne morale de droit public ou d'un organe administratif sur une autre

institution publique.

L’objectif de la tutelle administrative exercée sur les collectivités territoriales

est d’assurer le respect du droit et la sauvegarde de l’intérêt général contre

l’inertie préjudiciable, les excès et les empiètements des collectivités territoriales.

P. Fraisseix définit la tutelle comme « une sorte de contrôle disciplinaire assuré

par une autorité étatique ou un représentant de l’Etat sur une autorité locale élue

décentralisée »132.

La tutelle administrative n’est pas la négation de l’autonomie locale ou de la

libre administration. Elle constitue en fait l’acte par lequel l’Etat, qui confère aux

collectivités territoriales l’exercice des responsabilités publiques locales, veille au

respect par les conseils délibérants et les organes exécutifs des lois et

règlements en vigueur et d’assurer la protection de l’intérêt général133. Il s’agit,

pour emprunter l’expression à M.A. BENABDALLAH, d’un « procédé nécessaire

de la défense de l’intérêt général contre les éventuels excès des collectivités

décentralisées »134.

Par ailleurs, la tutelle doit être distinguée de la subordination hiérarchique qui

constitue un pouvoir général qui s’exerce même en cas de silence des textes. La

132Patrick Fraisseix, Institutions administratives: administrations centrale et locale, missions de

l'administration, justice administrative, Panorama du droit 2006, p. 14. 133Mohamed BRAHIMI, La commune marocaine : un siècle d’histoire, de la veille du protectorat à 2009,

Tome II, in REMALD, série « thèmes actuels », n° 65 bis, 2010, p. 240. 134 Mohammed Amine BENABDALLAH, Propos sur la décentralisation territoriale au Maroc, Economica,

2003, p. 19.

Page 67: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

67

tutelle constitue un pouvoir conditionné. Elle ne comporte pas le pouvoir de

donner des instructions, ni celui de réformation135. Elle est considérée comme un

« régime d’exception ». Autrement dit, le principe est l’autonomie des collectivités

territoriales. La tutelle ne se présume pas. Elle doit être prévue expressément

par un texte conformément au principe « pas de tutelle sans texte »136.

Le législateur marocain a soumis toutes les catégories de collectivités

territoriales à une tutelle administrative très étroite. On distingue entre la tutelle

sur les personnes et la tutelle sur les actes qui sont exercées par les services du

ministère de l’intérieur.

Les collectivités territoriales et leurs groupements sont soumis également à un

régime particulier de contrôle budgétaire confié aux services du ministère des

finances. En outre l’Etat, via les corps d’inspection, exerce un contrôle a posteriori

sur la gestion des collectivités territoriales.

A. La tutelle sur les personnes

Historiquement, la modalité la plus rigoureuse de contrôle exercé par l’Etat sur

les organes des collectivités territoriales a été la nomination gouvernementale de

ces organes. Cette nomination était habituellement accompagnée d’un pouvoir

disciplinaire de sanction, de suspension, de destitution et même de dissolution

des organes en question.

Ce type de contrôle n’est plus compatible avec les exigences de la démocratie

locale ni avec les principes de la décentralisation137. La tutelle sur les collectivités

territoriales constitue une alternative au contrôle hiérarchique. Elle permet

d’exercer un contrôle disciplinaire sur les organes de ces collectivités sans mettre

en cause substantiellement leur autonomie.

135 Pascal Mahon, La Décentralisation administrative: étude de droit public français, allemand et suisse,

Librairie Droz, Genève 1985, p. 58. 136 Tarik Zair, La gestion décentralisée du développement économique au Maroc, L’Harmattan 2007, p.

365. 137 Le contrôle et l’audit de l’action des collectivités locales, Rapport du Comité directeur sur la démocratie

locale et régionale (CDLR) préparé avec la collaboration de Juan Santamaria Pastor et de Jean-Claude

Nemery in communes et régions d’Europe n° 66, Conseil de l’Europe, mars 1999, p. 24.

Page 68: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

68

La tutelle administrative exercée sur les personnes et les organes des

collectivités territoriales est strictement encadrée par la loi. En effet, les textes

relatifs à la décentralisation prévoient expressément les cas, les conditions et les

modalités de son exercice.

La tutelle sur les personnes concerne tous les organes des collectivités

territoriales : les présidents des conseils, les conseils et les élus pris

individuellement. Elle se matérialise par un ensemble de sanctions. Ainsi, dans

les conditions prévues par la loi, les membres des conseils peuvent être

suspendus ou déclarés démissionnaires par arrêté motivé du ministre de

l’intérieur ou révoqués par décret motivé du Chef du Gouvernement. De même,

les conseils peuvent être suspendus par arrêté motivé du ministre de l’intérieur

ou dissous par décret motivé138.

Malgré l’efficacité de la tutelle sur les personnes en termes de la discipline des

élus et des conseils et de leur respect de la légalité et de la régularité, elle

constitue « une profonde atteinte à l’autonomie des pouvoirs décentralisés »139.

B. La tutelle sur les actes

La tutelle est exercée aussi bien sur les actes des conseils délibérants que sur

ceux des organes exécutifs. Elle est exercée par les wali de régions ou les

gouverneurs de provinces et préfectures pour les actes des communes rurales

et certains actes des communes urbaines, et par le ministre de l’intérieur ou son

délégué pour les actes des autres collectivités territoriales140.

1. La tutelle sur les actes des conseils délibérants

Les textes relatifs à la décentralisation prévoient une tutelle administrative

rigoureuse sur les délibérations et les actes des conseils des collectivités

138 Articles 20 à 27 de la loi n°78-00 portant charte communale, articles 22 à 28 de la loi n° 79-00 relative

à l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales et les articles 17, 19, 20 et 33 de la loi n° 47-

96 relative à l'organisation de la région. 139 Tarik Zair, La gestion décentralisée du développement économique au Maroc, L’Harmattan 2007, p.

366. 140 L’article 73 de la loi n°78-00 portant charte communale, l’article 60 de la loi n° 79-00 relative à

l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales et l’article 43 de la loi n° 47-96 relative à

l'organisation de la région.

Page 69: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

69

territoriales. En effet, les actes pris en matière financière, budgétaire ou fiscale

et les décisions relatives à la gestion du patrimoine, la gestion des services

publics locaux ou la coopération et le partenariat, ne sont exécutoires qu’après

leur approbation par l’autorité de tutelle141.

En outre, les textes en vigueur prévoient que l’autorité de tutelle peut

provoquer, par demande motivée, un nouvel examen par le conseil délibérant

d'une question dont celui-ci a déjà délibéré, s'il ne lui paraît pas possible

d'approuver la délibération prise.

2. La tutelle sur les actes des organes exécutifs

La charte communale consacre son chapitre II à la tutelle sur les actes du

président du conseil communal. Conformément à son article 76, les actes

réglementaires pris par le président en vertu de l’article 47 paragraphe 2 et de

l’article 50, doivent être, pour être exécutoires, revêtus du visa du ministre de

l’intérieur ou son délégué pour les communes urbaines et du wali ou du

gouverneur pour les communes rurales.

En outre, l’article 77 de la charte communale reconnait à l’autorité

administrative locale la possibilité de substituer au président du conseil

communal qui refuse ou s’abstient de prendre les actes qui lui sont légalement

impartis lorsque ce refus ou cette abstention a pour effet de se soustraire à une

disposition législative ou réglementaire, de nuire à l’intérêt général ou de porter

atteinte à des droits des particuliers.

Par ailleurs, les textes relatifs à l’organisation préfectorale, provinciale et

régionale ne prévoient aucune forme de tutelle sur les actes de l’exécutif. En

effet, les walis et les gouverneurs qui sont chargés d’exécuter les délibérations

des conseils préfectoraux, provinciaux et régionaux sont des représentants de

l’Etat. A ce titre, ils subissent une subordination hiérarchique qui permet à l’Etat

141 Voir l’article 41 de la loi n° 47-96 relative à l'organisation de la région, l’article 69 de la loi n° 78-00

portant charte communale et l’article 59 de la loi n° 79-00 relative à l'organisation des collectivités

préfectorales et provinciales.

Page 70: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

70

de contrôler leurs actes d’une manière beaucoup plus rigoureuse et efficace que

la tutelle.

La Constitution de 2011, en accordant aux présidents des préfectures, des

provinces et des régions le pouvoir exécutif de leurs collectivités, met leurs actes

à l’abri de tout contrôle hiérarchique. Ce constat peut conduire à la mise en place

d’une tutelle administrative sur ces actes à l’image de la tutelle exercée sur les

actes du président du conseil communal. Cependant, la constitutionnalisation de

la libre administration et du contrôle administratif n’est compatible avec aucune

forme de tutelle administrative.

C. Le contrôle budgétaire

Le principe de la séparation de l’ordonnateur et du comptable conduit à confier

l’exécution du budget des collectivités territoriales à deux catégories d’agents

nettement séparés. Le président de la collectivité intervient dans la phase

administrative, en tant qu’ordonnateur ; et le comptable public intervient dans la

phase comptable des opérations142. Ce dernier manipule les deniers publics et

les textes le chargent d’effectuer le contrôle de certaines opérations budgétaires.

Ainsi, en vertu des dispositions de l’article 55 du Décret n° 2-09-441 du 3

janvier 2010 portant règlement de la comptabilité publique des collectivités

locales et de leurs groupements, les dépenses de ces derniers sont soumises au

contrôle budgétaire effectué par les services de la trésorerie générale du

Royaume. Deux types de contrôle budgétaire sont à distinguer : le contrôle de

l’engagement et le contrôle du paiement143.

142 Gestion financière des collectivités locales, communes et régions d’Europe n°50, Conseil de l’Europe

1993, p. 49. 143 Décret n° 2-09-441 du 17 moharrem 1431 (3 janvier 2010) portant règlement de la comptabilité publique

des collectivités locales et de leurs groupements. Bulletin officiel n° 5814 du 03 rabii I 1431 (18 février

2010).

Page 71: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

71

1. Le contrôle de l’engagement

Ce contrôle est prévu par l’article 61 du décret cité. Il intervient avant que

l’engagement ne devienne définitif. Il est exercé par le trésorier payeur communal

et porte sur les points suivants:

La disponibilité des crédits et des postes budgétaires ;

L’imputation budgétaire ;

L’exactitude des calculs du montant de l’engagement ;

Le total de la dépense à laquelle la collectivité territoriale ou le groupement

s’oblige pour toute l’année d’imputation.

Pour l’exercice de ce contrôle, les propositions d’engagement de dépenses

faites par les ordonnateurs des collectivités territoriales et de leurs groupements

sont accompagnées d’une « fiche navette » aux fins de certification et de prise

en charge comptable (article 62).

Le contrôle de l’engagement est sanctionné soit par la certification de la fiche

navette, soit par la suspension de la certification de celle-ci qui est alors renvoyée

à l’ordonnateur pour régularisation. (Article 63).

L’ordonnateur peut maintenir une proposition d’engagement d’une dépense

ayant fait l’objet d’une suspension de certification. Dans ce cas, il doit saisir le

ministre de l’intérieur ou son délégué pour passer outre cette suspension de

certification, sauf si celle-ci est motivée par l’insuffisance ou l’indisponibilité des

crédits ou des postes budgétaires. (Article 66).

2. Le contrôle du paiement

Ce contrôle est confié à la même autorité chargée du contrôle de

l’engagement, à savoir le trésorier payeur. Conformément aux dispositions de

l’article 74 du Décret portant règlement de la comptabilité publique des

collectivités locales et de leurs groupements, cette autorité est compétente pour

vérifier :

L’exactitude des calculs de liquidation ;

L’existence de la certification préalable d’engagement budgétaire ;

Page 72: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

72

Le caractère libératoire du règlement.

La signature de l’ordonnateur qualifié ou de son délégué ;

La disponibilité des crédits de paiement ;

La disponibilité des fonds ;

La production des pièces justificatives prévues par la réglementation en

vigueur, dont celles comportant la certification du service fait par

l’ordonnateur qualifié.

Ce contrôle est sanctionné, soit par le visa et le règlement des dépenses

lorsqu’aucune irrégularité n’a été relevée, soit par la suspension du visa en cas

de constatation d’irrégularités. Dans ce second cas, les ordonnances de

paiement non visées sont renvoyées à l’ordonnateur aux fins de régularisation.

Toutefois, en cas de suspension du visa, l’ordonnateur peut passer outre le

trésorier payeur par le biais d’un ordre écrit et sous sa responsabilité, appelé

ordre de réquisition. Cette procédure permet au trésorier de procéder au visa

pour paiement sans en être responsable. (Article 75).

Par ailleurs, l’ordre de réquisition doit être refusé par le trésorier payeur

lorsque la suspension du paiement est décidée pour l’un des motifs suivants :

L’absence, l’indisponibilité ou l’insuffisance des crédits ;

L’absence, l’indisponibilité ou l’insuffisante des fonds ;

L’absence de certification préalable de la proposition d’engagement ;

Le défaut du caractère libératoire du règlement.

D. Le contrôle de la gestion par les corps d’inspection

L’Inspection générale des finances et l’Inspection générale de l’administration

territoriales effectuent, au nom des ministres chargés respectivement des

finances et de l’intérieur, un contrôle a posteriori sur les actes des collectivités

territoriales. Ces corps d’inspection constituent des autorités administratives dont

le contrôle porte sur la légalité, la régularité et la sincérité. A cet effet, ils vérifient

la réalisation effective des services fournis, les fournitures livrées et les travaux

effectués.

Page 73: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

73

1. L’Inspection générale des finances

L’Inspection générale des finances est un corps supérieur d’inspection créé

par le Dahir n° 1.59.269 du 14 avril 1960. En matière de contrôle des collectivités

territoriales, elle est compétente pour :

- Effectuer les vérifications des services de caisse et de comptabilité,

deniers et matières, des comptables publics chargés d’exécuter les

recettes et les dépenses des collectivités territoriales ;

- Contrôler et auditer la gestion des comptables publics et des collectivités

territoriales;

- Auditer les actions réalisées dans le cadre de l’Initiative nationale pour le

développement humain en partenariat avec l’Inspection générale de

l’administration territoriale144;

- Evaluer les résultats atteints en comparaison avec les objectifs tracés et

les moyens utilisés et s’assurer que le contrôle interne, les systèmes

d’information et les procédures appliquées garantissent, au sein de

l’organisme, une gestion optimale des ressources, et de leur utilisation

ainsi que la protection de son patrimoine.

- Formuler des recommandations en vue d’améliorer la gestion des

collectivités contrôlées.

Les rapports de l’Inspection générale des finances, établis définitivement

après l’engagement de la procédure contradictoire permettant aux entités

inspectées de formuler leurs réponses et explications, sont adressés au ministre

de l’intérieur et à la cour régionale des comptes pour tout ce qui concerne la

discipline budgétaire et financière145.

2. L’Inspection générale de l’administration territoriale

L’Inspection générale de l’administration territoriale est un corps de contrôle

institué au sein du ministère de l’intérieur. Elle assure le contrôle et la vérification

144 L’article 13 du décret n°02. 05. 1017 du 19 juin 2005 relatif aux modalités d’exécution des dépenses du

compte spécial de l’INDH. 145 L’article 2 du Dahir n° 1-59-269 du 14 avril 1960 relatif à l'inspection générale des finances et l’article

138 de la loi n° 62-99 formant code des juridictions financières.

Page 74: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

74

de la gestion administrative, technique et comptable des services relevant du

ministère de l'intérieur, des collectivités territoriales et de leurs groupements146.

Ses missions peuvent être des missions d’inspection, d’audit ou d’étude et de

réflexion.

En matière de contrôle de la gestion des collectivités territoriales et de leurs

groupements, elle contrôle la manière dont le bureau exécutif gère les biens de

la collectivité. A cet effet, elle est chargée de s’assurer de la légalité et de la

régularité des décisions de l’organe exécutif et des délibérations des

assemblées.

L’IGAT effectue également un contrôle d’opportunité. Dans ce sens, elle

évalue la pertinence des décisions prises et leur adéquation avec les exigences

d’une bonne gestion des affaires locales de la collectivité concernée et formule

des recommandations en vue d’améliorer la performance et l’efficience de la

gestion147.

Les inspecteurs de l’administration territoriales rendent compte

individuellement de leurs inspections, par des rapports écrits, au ministre de

l'intérieur148. Ces rapports comportent des propositions de mesures à prendre en

fonction de la nature et de la gravité des anomalies constatées (redressement,

suspension, révocation, saisine de la cour régionale des comptes et poursuites

judiciaires).

Par ailleurs, la mise en application des nouvelles dispositions

constitutionnelles relatives aux collectivités territoriales va changer

substantiellement la nature des missions de l’IGAT. Le principe de libre

administration est incompatible avec les sanctions administratives que les

inspecteurs peuvent proposer au ministre de l’intérieur. Il est à noter que les

projets des lois organiques relatifs aux collectivités territoriales confient la

146 L’article 2 du Décret n° 2-94-100 du 16 juin 1994 portant statut particulier de l'inspection générale de

l'administration territoriale, Bulletin Officiel n° 4264 du Mercredi 20 Juillet 1994. 147 Les organes du contrôle et leur rôle dans la lutte contre la corruption, Ministère de la modernisation des

secteurs publics, octobre 2011, pp. 17-18. 148 L’article 7 du Décret n° 2-94-100 du 16 juin 1994 portant statut particulier de l'inspection générale de

l'administration territoriale, Bulletin Officiel n° 4264 du Mercredi 20 Juillet 1994.

Page 75: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

75

compétence de la révocation des élus locaux exclusivement au juge

administratif149. Ainsi, après l’adoption de ces projets, aucune sanction

administrative ne pourrait être prononcée contre un élu local. Par voie de

conséquence, les rapports de l’IGAT ne pourraient plus proposer ce type de

sanctions.

II. Le contrôle administratif

La notion de contrôle administratif est entrée dans le droit positif marocain

depuis l’adoption de la Constitution du 29 juillet 2011. Elle a été insérée par

l’article 145 qui énonce que « Dans les collectivités territoriales, les walis de

régions et les gouverneurs de provinces et préfectures représentent le pouvoir

central. Au nom du Gouvernement, ils assurent l’application des lois, mettent en

œuvre les règlements et les décisions gouvernementales et exercent le contrôle

administratif».

Le texte constitutionnel ne donne aucune définition de cette notion. De même,

l’article 146 qui prévoit les matières que la loi organique relative aux collectivités

territoriales doit réglementer, ne fait aucune référence au contrôle administratif.

Toutefois, rien n’empêche le législateur organique de définir les conditions de

son exercice étant donné que les matières qui figurent dans l’article 146 ne sont

listées qu’à titre indicatif et non pas exhaustif tel que le montre l’adverbe

« notamment »150. Il appartient donc au législateur organique, sous le contrôle du

juge constitutionnel, de déterminer les conditions de l’exercice du contrôle

administratif, ses modalités et ses procédures.

Ce contrôle doit permettre aux walis et gouverneurs en tant que représentants

du pouvoir central d’assurer l’application de la loi et la prééminence des intérêts

149 L’article 63 du projet de loi organique n° 113-14 relatif aux communes, l’article 64 du projet de loi

organique n° 112-14 relatif aux préfectures et provinces et l’article 66 du projet de loi organique n° 111-14

relatif aux régions. Consultés sur

http://www.sgg.gov.ma/ProjetsTextesDiffus%C3%A9sMembresGouvernement.aspx, le 02-03-2015,

disponibles uniquement en langue arabe.

150 « Une loi organique fixe notamment :…. » L’article 146 de la Constitution de 29 juillet 2011.

Page 76: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

76

nationaux sur les intérêts locaux, et faire prévaloir l’unité de l’ordre juridique

national.

Toutefois, le législateur doit veiller à ne pas porter atteinte au principe

constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. Ainsi, l’enjeu

serait de trouver un équilibre entre la libre administration des collectivités

territoriales et le contrôle administratif exercé par le représentant de l’Etat.

L’expérience française en la matière serait inévitablement une référence

importante.

En effet, la Constitution française consacre le contrôle administratif dans son

article 72151. Les modalités de son exercice sont fixées par des dispositions

législatives notamment celles de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et

libertés des communes, des départements et des régions.

Si le contrôle administratif est considéré par certains spécialistes comme étant

en « flagrante contradiction avec le principe de libre administration »152, il n’en

demeure pas moins qu’il constitue un moyen du contrôle beaucoup plus souple

et plus respectueux des libertés locales que la tutelle administrative153.

Le contrôle administratif ne peut pas porter sur l’opportunité des actes. Il porte

uniquement sur leur légalité. Le représentant de l’Etat contrôle aussi bien la

légalité externe que la légalité interne. Toutefois, il ne dispose pas du pouvoir

d’approbation ni d’annulation. Il ne dispose que de la possibilité de saisir le juge

administratif pour les actes qu’il considère comme entachés d’illégalité154.

A. La nature du contrôle administratif

Le contrôle administratif est un contrôle de légalité exercé a posteriori par le

représentant de l’Etat sur les actes des collectivités territoriales. Il est exercé en

151 « …Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l’État, représentant de

chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du

respect des lois ». L’article 72 de la Constitution française de 1958. 152 Tarik ZAIR, le nouveau statut constitutionnel des collectivités territoriales, in REMALD, numéro double

99-100, juillet-octobre 2011, p. 27. 153 Marie-José TULARD, la réforme du contrôle de légalité, in Les contrôles de l'État sur les collectivités

territoriales aujourd'hui, L’Harmattan 2007, p. 09. 154 Diane Roman, L'indispensable du droit administratif, Studyrama 2004, p. 29.

Page 77: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

77

France par les préfets de régions et les préfets de départements155. Au Maroc, il

est confié aux walis de régions et aux gouverneurs de préfectures et provinces156.

La vérification de la légalité des actes des collectivités territoriales constitue la

raison d'être essentielle de ce contrôle. Son fondement se trouve dans les

principes de l'Etat de droit.

En effet, les collectivités territoriales, à l’instar de toutes les autorités

administratives, sont tenues de respecter le principe de légalité aussi bien dans

leurs rapports avec les autres collectivités publiques et l'Etat que dans leurs

rapports avec les administrés157.

Le contrôle administratif, comme son nom l’indique n’est pas un contrôle

juridictionnel. Le représentant de l’Etat peut contrôler seul et conclure à la légalité

de l’acte. Il peut également, en cas d’irrégularité, entrer dans des négociations

avec la collectivité territoriale en question en vue d’obtenir une rectification de

l’acte contesté. Cependant, il n’est pas compétent pour annuler l’acte objet du

contrôle. S’il estime qu’il est entaché d’illégalité il peut, dans le cadre du déféré

préfectoral, saisir le juge administratif qui est le seul compétent pour déclarer son

illégalité et pour l’annuler158.

B. Le champ d’application du contrôle administratif

En France, le contrôle administratif porte sur l’ensemble des actes des

collectivités territoriales qu’ils soient unilatéraux ou contractuels. Toutefois, les

actes du maire exerçant ses fonctions en tant que représentant de l’Etat et les

actes relevant du droit privé sont exclus de ce contrôle.

Par ailleurs, deux catégories d’actes soumis au contrôle administratif sont à

distinguer. D’abord, les actes soumis à l’obligation de transmission, dont la liste

155 L’article 34 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée relative aux droits et libertés des communes,

des départements et des régions, et l’article 4 du Décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs

des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements. 156 L’article 145 de la Constitution marocaine du 29 juillet 2011. 157 Le contrôle et l’audit de l’action des collectivités locales, Rapport du Comité directeur sur la démocratie

locale et régionale (CDLR) préparé avec la collaboration de Juan Santamaria Pastor et de Jean-Claude

Nemery in communes et régions d’Europe n° 66, Conseil de l’Europe, mars 1999, p. 25. 158 Nadine Dantonel-Cor, Droit des collectivités territoriales, 3éme édition, BREAL 2007, p. 261.

Page 78: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

78

est déterminée exhaustivement par la loi, qui ne sont exécutoires qu’après leur

publication ou leur notification et leur transmission au représentant de l’Etat.

Ensuite, les actes non soumis à l’obligation de transmission et qui sont

exécutoires dès leur publication ou leur notification.159.

Au Maroc, étant donné que le président du conseil communal n’a pas la qualité

du représentant de l’Etat, les textes qui réglementeraient le contrôle administratif

l’étendraient éventuellement à tous les actes des collectivités territoriales

relevant du droit public.

C. La saisine du tribunal administratif

Dans le cadre du déféré préfectoral, le représentant de l’Etat peut saisir le

tribunal administratif de tout acte pris par les collectivités territoriales et qu’il

estime contraire à la légalité, soit de sa propre initiative, soit sur demande d’un

administré lésé.

La jurisprudence française a considéré le déféré préfectoral comme un

véritable recours pour excès de pouvoir (CE 26 juillet 1991 Commune de Sainte-

Marie et CE 28 février 1997 Commune du port). En effet, le déféré est soumis à

toutes les règles qui régissent ce recours, soit au niveau des cas d’ouverture ou

des conditions de recevabilité160. Ainsi, ne peuvent faire objet du déféré que les

actes qui réunissent les trois conditions suivantes:

- L’acte doit être administratif : ainsi les actes des collectivités territoriales

qui relèvent du droit privé ne peuvent pas faire objet de déféré préfectoral.

- L’acte doit faire grief : c’est-à-dire qu’il doit s’agir d’un acte qui modifie

l’ordonnancement juridique et qui crée des droits ou des obligations au

profit ou à la charge des administrés161.

159 Les collectivités territoriales en France, coordonné par Maryvonne Bonnard, la documentation française

2008, p. 38. 160 Nadine Dantonel-Cor, Droit des collectivités territoriales, Bréal 2007, p. 262. 161 Nadine Poulet-Gibot Leclerc , Droit administratif: Sources, moyens, contrôles, Bréal 2007, pp. 222-223.

Page 79: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

79

- L’acte ne doit pas être soumis au contrôle budgétaire : en vertu du principe

de l’exception de recours parallèle, un acte soumis au contrôle budgétaire

ne peut pas faire objet du déféré162.

Le délai de recours en matière de déféré est régi, lorsque la loi n’en dispose

pas autrement, par les règles de droit commun de la procédure devant les

tribunaux administratif. Ainsi, le préfet dispose d’un délai franc de deux mois qui

commence à courir le lendemain du jour de la publication ou la notification (ou

encore de la soumission pour les actes soumis à cette formalité), et reste ouvert

jusqu’à la fin de la vingt-quatrième heure du jour où les deux mois sont atteints163.

En cas de saisine du tribunal administratif d’un acte d’une collectivité

territoriale, le représentant de l’Etat auteur de la saisine doit en informer sans

délai la collectivité concernée et lui communiquer toutes les précisions sur les

illégalités invoquées à l’encontre de l’acte objet de saisine.

L’objectif de cette formalité est de mettre la collectivité territoriale en mesure,

dès l’engagement de la procédure contentieuse, de modifier, si elle le souhaite,

l’acte contesté dans le sens de la légalité ou de le retirer définitivement. Cette

procédure permet d’éviter les contentieux et saisines inutiles.

Par ailleurs, le juge administratif français a considéré que le déféré préfectoral

a un caractère facultatif. Le préfet dispose d’un pouvoir discrétionnaire en la

matière. Il peut, après avoir déféré un acte, se désister pour des motifs

d’opportunité (CE, 25 février 1991, Brasseur). Il lui est possible aussi de refuser

à une personne physique ou morale la demande de déférer un acte au juge

administratif164.

Si le contrôle administratif effectué par le représentant du pouvoir central est

considéré comme le plus respectueux de l’autonomie locale, il n’en reste pas

moins qu’il est légitime de le considérer comme portant risque d’ouvrir la porte

aux abus des responsables locaux.

162 Nadine Dantonel-Cor, Droit des collectivités territoriales, Bréal 2007, p. 264. 163 Marie-José TULARD, La réforme du contrôle de légalité, in Les contrôles de l'État sur les collectivités

territoriales aujourd'hui, L’Harmattan 2007, pp. 23-24. 164 Nadine Dantonel-Cor, Droit des collectivités territoriales, Bréal 2007, p. 263.

Page 80: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

80

En vue de faire face à cette carence et de renforcer le contrôle de légalité des

actes des collectivités territoriales, une partie de la doctrine propose la création

d’un « ministère public de la décentralisation » qui serait compétent pour

poursuivre devant le juge administratif les violations de la légalité administrative

commises par les autorités locales165.

165 Hugues CLEPKENS, la fonction juridique dans les collectivités locales : connaissance et

méconnaissance du droit, in La gestion locale face à l'insécurité juridique: Diagnostic, analyse,

propositions, publié par l’Institut de la décentralisation, L’Harmattan 1997, p. 240.

Page 81: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

81

CHAPITRE II

LE CONTRÔLE JURIDICTIONNEL

Les collectivités territoriales sont soumises à une pluralité de contrôles

juridictionnels. Le contrôle de légalité est assuré par le juge administratif qui peut

être saisi par les administrés, à travers le recours pour excès de pouvoirs, ou par

le représentant de l’Etat, à travers le mécanisme du déféré dans le cadre du

contrôle administratif traité dans le chapitre précédent.

En outre, les juridictions financières sont compétentes pour contrôler les

activités budgétaires et financières des collectivités territoriales. En effet, les

cours régionales des comptes sont chargées, en vertu de l’article 149 de la

Constitution, d’assurer le contrôle des comptes et de la gestion des collectivités

territoriales. Elles sont compétentes aussi pour sanctionner « les manquements

aux règles qui régissent les opérations financières publiques ».

Le contrôle des collectivités territoriales peut également être assuré par les

juridictions civiles, c’est le cas du contrôle des actes qui relèvent du droit

commun. La juridiction pénale peut aussi intervenir pour réprimer des infractions

de nature pénale commises par les organes locaux.

Nous laisserons de côté les contrôles juridictionnels civil et pénal pour ne

traiter que le contrôle exercé par le juge administratif (I), et celui exercé par le

juge financier (II).

I. Le contrôle exercé par les juridictions administratives

La reconnaissance du principe d’autonomie locale et de la libre administration

des collectivités territoriales exige un nouveau cadre du contrôle qui jouerait le

rôle d’arbitre de la nouvelle politique décentralisatrice. Ce contrôle est confié aux

juges administratifs.

Page 82: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

82

Dans l’accomplissement de cette tâche, les juges exercent un strict contrôle

de légalité. Ils ne sont pas compétents pour se prononcer sur l’opportunité des

actes et ne peuvent pas, par conséquent, modifier une décision librement

adoptée par une collectivité dans un domaine d’activité où celle-ci bénéficie

d’une marge d’appréciation discrétionnaire166.

Le contrôle de légalité exercé par le juge administratif sur les collectivités

territoriales est considéré comme le plus respectueux des libertés locales que la

tutelle administrative. Il permet de concilier entre le caractère unitaire de l’ordre

juridique de l’Etat et le principe de la libre administration des collectivités

territoriales167.

Ce contrôle est exercé a posteriori puisqu’il intervient après que l’acte ait effet.

Il s’agit donc du contrôle le plus respectueux envers l’autonomie locale168 et le

plus compatible avec le principe de libre administration des collectivités

territoriales.

Les actes administratifs des collectivités territoriales sont donc soumis, à

l’instar des actes administratifs de l’Etat, au contrôle de légalité exercé par le juge

administratif. Un contrôle qui est fondé sur le principe de la hiérarchie des normes

et qui exige que ces actes soient conformes aux normes réglementaires et

législatives qui leur sont supérieures.

En France, depuis la loi du 2 mars 1982 la tutelle a été supprimée et les

collectivités territoriales ne sont soumises qu’au contrôle de légalité exercé par

le juge administratif. Cette loi pose le caractère exécutoire des actes des

collectivités territoriales dès leur publication, notification ou transmission169.

Par ailleurs, en droit marocain, le contrôle de légalité coexiste avec la tutelle

administrative. L’article 118 de la Constitution du 29 juillet 2011 dispose que

166 Le contrôle et l'audit de l'action des collectivités locales, in communes et régions d’Europe n°66, Conseil

de l’Europe, mars 1999, p. 34. 167 Pascal Combeau, Les contrôles de l'État sur les collectivités territoriales aujourd'hui, L’Harmattan 2007,

p.09. 168 Le contrôle et l'audit de l'action des collectivités locales, éditions du conseil de l’Europe, Communes et

Régions d’Europe n°66, mars 1999, p. 39. 169Nadine Poulet-Gibot Leclerc, Droit administratif: Sources, moyens, contrôles Bréal 2007, p. 28.

Page 83: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

83

« …Tout acte juridique, de nature réglementaire ou individuelle, pris en matière

administrative, peut faire l’objet de recours devant la juridiction administrative

compétente ». Ainsi, aucune disposition législative ou réglementaire ne peut

soustraire aucun acte administratif au contrôle du juge administratif.

De ce fait, les actes des collectivités territoriales qui ont un caractère

administratif sont susceptibles de recours en annulation devant le juge

administratif. Ce dernier est compétent pour l'appréciation de leur légalité.

En effet, en vertu de l’article 8 de la loi n° 41-90 instituant les tribunaux

administratifs170, le juge administratif est compétent pour juger les recours en

annulation pour excès de pouvoir formés contre les décisions des collectivités

territoriales en tant qu’autorités administratives, les litiges relatifs aux contrats

administratifs conclus par ces collectivités et les actions en réparation des

dommages causés par leurs actes ou leurs activités, à l'exclusion toutefois de

ceux causés sur la voie publique par leurs véhicules.

Ils sont également compétents pour connaître des litiges nés à l'occasion de

l'application de la législation et de la réglementation des pensions et du capital-

décès des agents des collectivités territoriales, de la législation et de la

réglementation en matière électorale et fiscale, du droit de l'expropriation pour

cause d'utilité publique, des actions contentieuses relatives aux recouvrements

des créances du trésor et des litiges relatifs à la situation individuelle de leurs

fonctionnaires et agents.

Le contrôle des actes des collectivités territoriales par les juridictions

administratives est effectué principalement dans deux cas : le recours en

annulation pour excès de pouvoir qui doit être introduit dans le délai de soixante

jours à compter de la publication ou de la notification à l'intéressé de l'acte

attaqué171, et l'exception d'illégalité qui ne peut être invoquée que lors d'une

instance juridictionnelle (sans condition de délai).

170 Dahir n° 1-91-225 (22 rebia I 1414) portant promulgation de la loi n° 41-90 instituant des tribunaux

administratifs (B.O. 3 novembre 1993). 171 L’article 23 du Dahir n° 1-91-225 (22 rebia I 1414) portant promulgation de la loi n° 41-90 instituant

des tribunaux administratifs (B.O. 3 novembre 1993).

Page 84: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

84

A. La saisine du juge administratif

L’article 3 de la loi n° 41.90 instituant les tribunaux administratifs dispose que

« le tribunal administratif est saisi par une requête écrite signée par un avocat

inscrit au tableau de l'un des barreaux du Maroc… ». La requête doit indiquer le

nom, le prénom, la qualité ou la profession, le domicile ou la résidence du

défendeur et du demandeur, ainsi que, s'il y a lieu, le nom, la qualité et le domicile

du mandataire du demandeur. Si le requérant est une société, la requête doit

indiquer la dénomination sociale, la nature et le siège de la société. En outre, la

requête doit énoncer sommairement l'objet de la demande, les faits et moyens

invoqués172.

Par ailleurs, la personne qui saisit le juge administratif doit être capable d’agir

en justice et présenter un intérêt à agir. C’est-à-dire, la recevabilité de la

demande en justice est subordonnée à la présence de l'intérêt à agir.

Si la notion "d’intérêt à agir" se matérialise, en plein contentieux, par

l’existence d’un préjudice direct et personnel causé par l’administration, il n’en

demeure pas moins que dans le cadre du contentieux de la légalité, l’intérêt à

agir peut être purement moral. Dans ce sens, Pascal Labbée a écrit : « Pour avoir

qualité à agir, il faut appartenir à une catégorie définie et limitée de personnes

touchées par un acte critiqué ou potentiellement touché par l’acte. Il faut

appartenir au cercle des "intéressés"»173.

B. Le champ d’application du contrôle de légalité

Les collectivités territoriales agissent principalement en leur qualité de

personnes de droit public qui disposent de la prérogative de la puissance

publique. A ce titre, elles émettent des actes administratifs soumis au contrôle du

juge administratif. Cependant, ces collectivités peuvent, exceptionnellement, agir

en tant que personnes de droit privé et prendre des actes qui échappent au

contrôle des juridictions administratives.

172 Article 32 de la loi n° 1-74-447 portant code de la procédure civile. 173 Pascal Labbée, introduction au droit processuel, Presses Universitaires de Lille 1995, p. 48.

Page 85: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

85

1. Les actes soumis au contrôle de légalité

En vertu des dispositions de l’article 118 de la Constitution, tous les actes

administratifs, de nature réglementaire ou individuelle, sont susceptibles de

recours devant le juge administratif. De ce fait, les actes émis par les collectivités

territoriales en matière administrative peuvent faire objet de recours devant les

juridictions administratives.

Le contrôle du juge administratif couvre aussi bien les délibérations des

conseils que les actes unilatéraux et les actes contractuels des organes exécutifs

qui relèvent du droit public.

2. Les actes échappant au contrôle de légalité

Certains actes émis par les collectivités territoriales échappent au contrôle du

juge administratif. En effet dans certaines circonstances, la collectivité peut

entretenir des rapports de droit commun et agir comme une personne privée. Il

en est par exemple ainsi des actes relatifs à la gestion du domaine privé des

collectivités territoriales et des contrats de droit privé conclus avec les personnes

privées. Les actes émis dans ces conditions n’ont pas la qualité d’acte

administratif. De ce fait, ils sont exclus du contrôle de légalité et ne relèvent pas

de la compétence des juridictions administratives. Toutefois, ils sont soumis au

contrôle du juge civil qui leur applique le droit privé.

C. Les éléments du contrôle de légalité

A l’occasion de l’appréciation de la légalité d’un acte administratif, le juge

administratif assure le contrôle de deux types de légalité : la légalité externe et la

légalité interne :

1. Le contrôle de légalité externe

Le contrôle de légalité externe porte sur la compétence de l’autorité qui a pris

l’acte et sur la forme et la procédure suivie pour son édiction. A cette occasion,

le juge se livre à une appréciation de la compétence de son auteur. Il s’assure

Page 86: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

86

également du respect des règles de forme (motivation de la décision, procédure

contradictoire…)174.

2. Le contrôle de légalité interne

Le contrôle de légalité interne porte sur le contenu de l’acte. A cet effet, le juge

administratif contrôle tout d’abord la conformité de son contenu au droit en

vérifiant l'absence d'erreur de droit ou de fait. Il examine ensuite, dans le cadre

du contrôle de détournement de pouvoir, les intentions subjectives de l’auteur et

vérifie que l’acte a été effectué pour des raisons que retient la loi175.

II. Le contrôle exercé par les juridictions financières

Le contrôle juridictionnel des collectivités territoriales est confié, en matière

financière, aux cours régionales des comptes. Celles-ci assurent la vérification et

jugement des comptes et la gestion de fait (A), la discipline budgétaire et

financière (B), le contrôle des actes relatifs à l’exécution du budget (C) et enfin le

contrôle de la gestion (D).

A. La vérification et jugement des comptes et la gestion de fait

Les cours régionales des comptes sont compétentes pour assurer la

vérification et le jugement des comptes des collectivités territoriales (1) et pour

déclarer les gestions de fait dans les conditions prévues par la loi (2).

1. La vérification et jugement des comptes

En vertu de l’article 149 de la Constitution, « les cours régionales des comptes

sont chargées d’assurer le contrôle des comptes et de la gestion des régions et

des autres collectivités territoriales et de leurs groupements ».

A ce titre, et conformément aux dispositions de la loi n° 62-99 formant code

des juridictions financières, les cours régionales des comptes assurent la

vérification et le jugement des comptes des collectivités territoriales, de leurs

groupements et des établissements publics et des entreprises dont le capital est

174 Diane Roman, L'indispensable du droit administratif, Studyrama 2eme édition 2004, p. 143. 175 Idem, p. 144.

Page 87: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

87

souscrit exclusivement par des collectivités territoriales, des groupements et des

établissements publics relevant de la tutelle de ces collectivités et groupements,

qui sont dotés d’un comptable public176.

L’instruction des comptes est confiée à un conseiller rapporteur qui peut être

assisté par des magistrats et des vérificateurs désignés par le président de la

chambre compétente. La procédure d’instruction est, en vertu de l’article 30 de

la loi n° 62-99 formant code des juridictions financière, écrite et contradictoire.

A la fin de l’instruction, le conseiller rapporteur établit deux rapports à remettre

au président de la chambre compétente : le premier rapport présente les résultats

de l’instruction du compte ou de la situation comptable présentée par le

comptable public et, le cas échéant, les observations sur des faits de nature à

mettre en jeu la responsabilité, notamment, de l’ordonnateur, du contrôleur ou du

comptable public dans les matières juridictionnelles de la cour. Le deuxième

rapport retrace les observations relatives à la gestion du service concerné et qui

relèvent des compétences de la cour en matière de contrôle de la gestion177.

Le premier rapport est remis à un conseiller contre rapporteur qui émet son

avis dans un délai d’un mois et transmet le dossier au Procureur du Roi. Ce

dernier transmet le dossier accompagné de ses conclusions au président de la

chambre pour inscription au rôle des audiences178.

En cas de l’existence d’irrégularités, la cour invite le comptable public, par un

arrêt provisoire, à produire par écrit ses justifications ou de verser les sommes

déclarées comme étant dues à l’organisme public concerné. La cour se prononce

par arrêt définitif qui établit si le comptable public est quitte, en avance ou en

débit tout en prononçant les mesures nécessaires, et ce dans un délai d’un an à

la date de l’arrêt provisoire179.

Les jugements définitifs rendus par la cour régionale des comptes sont

susceptibles de faire objet d’appel devant la Cour des comptes. L’appel a un effet

176 L’article 126 de la loi n° 62-99 formant code des juridictions financières. 177 L’article 32 de la loi n° 62-99 formant code des juridictions financières. 178 Les articles 33, 34 et 35 de la loi n° 62-99 formant code des juridictions financières. 179 Les articles 37 et 40 de la loi n° 62-99 formant code des juridictions financière

Page 88: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

88

suspensif, sauf si l’exécution provisoire du jugement est décidée par la cour

régionale180.

2. La gestion de fait

L’article 131 de la loi n° 62-99 formant code des juridictions financière dispose

que « Dans les limites de son ressort, la cour régionale déclare les gestions de

fait, dans les conditions prévues à l'article 41 de la présente loi ».

Ainsi, la cour déclare comptable de fait, « toute personne qui effectue sans y

être habilitée par l'autorité compétente, des opérations de recettes, de dépenses,

de détention et de maniement de fonds ou de valeurs appartenant à l'un des

organismes publics soumis au contrôle de la cour, ou qui, sans avoir la qualité

de comptable public, procède à des opérations portant sur des fonds ou valeurs

n'appartenant pas auxdits organismes, mais que les comptables publics sont

exclusivement chargés d'exécuter en vertu des lois et règlements en vigueur »181.

Conformément aux dispositions de l’article 41 de la loi précitée, « tout

fonctionnaire ou agent ainsi que tout titulaire d'une commande publique, qui en

consentant ou en incitant soit à exagérer les mémoires et factures, soit à en

dénaturer les énonciations, s'est prêté sciemment à l'établissement

d'ordonnances de paiement, de mandats, de justifications ou d'avoirs fictifs »,

peut être considéré comme coauteur responsable d’une gestion de fait.

Le Procureur du Roi défère les opérations de nature à constituer des gestions

de fait, soit de sa propre initiative, soit à la demande du ministre de l’intérieur, du

wali ou du gouverneur à la limite de leurs compétences, du ministre des finances,

du trésorier général, préfectoral ou provincial, du représentant légal de la

collectivité territoriale ou du groupement ou des comptables publics. La cour

régionale peut également s’en saisir d’office sur la base des constatations faites

à l’occasion de la vérification des comptes182.

180 L’article 134 de la loi n° 62-99 formant code des juridictions financières. 181 L’article 41 de la loi n° 62-99 formant code des juridictions financières. 182 L’article 132 de la loi n° 62-99 formant code des juridictions financières.

Page 89: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

89

Toute personne déclarée comptable de fait doit produire son compte et le

présenter à la cour dans un délai qui ne doit pas dépasser deux mois. Au cas où

il ne fait pas objet de poursuites pénales, le comptable de fait peut « être

condamné par la cour à une amende calculée selon l'importance et la durée de

la détention ou du maniement des fonds et valeurs, sans que le montant de cette

amende puisse excéder le total des sommes indûment détenues ou

maniées »183.

B. La discipline budgétaire et financière

Le contrôle des collectivités territoriales opéré par le juge financier en matière

de discipline budgétaire et financière est prévu par l’article 136 du code des

juridiction financières184.

L’objectif de ce contrôle est la répression des infractions commises185 par les

ordonnateurs, les fonctionnaires et les agents des collectivités territoriales et de

leurs groupements, et ce dans le but d’assurer le respect du droit budgétaire et

financier et d’instaurer les principes d’une bonne gestion et d’une bonne

gouvernance territoriales186.

Conformément au paragraphe 4 de l’article 118 du code des juridictions

financières, les personnes soumises à la discipline budgétaire et financière de la

cour régionale des comptes peuvent être des responsables, fonctionnaires ou

agents des organismes suivants :

- Les collectivités territoriales et de leurs groupements ;

- Les établissements publics relevant de la tutelle de ces collectivités et

groupements;

- Les sociétés ou entreprises dans lesquelles des collectivités territoriales

ou leurs groupements possèdent, séparément ou conjointement,

183 L’article 44 de la loi n° 62-99 formant code des juridictions financières. 184 Dahir n° 1-02-124 du 1er rabii II 1423 portant promulgation de la loi n° 62-99 formant code des

juridictions financières.(B.O du 15 août 2002). 185 Les infractions prévues par les articles 54, 55 et 56 du code des juridictions financières. 186 Mohamed HARAKAT, les cours régionales des comptes au Maroc, guide pratique du contrôle des

finances locales, Diwan 3000, Rabat 2004, pp. 183, 184 et 185.

Page 90: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

90

directement ou indirectement, une participation majoritaire au capital ou

un pouvoir prépondérant de décision.

Ce même paragraphe dispose également que « Le wali et le gouverneur sont

soumis à la juridiction de la cour régionale lorsqu'ils agissent en tant

qu'ordonnateur d'une collectivité locale ou d'un groupement ». Cependant, cette

disposition, depuis que la Constitution de 2011 a accordé la qualité d’ordonnateur

aux présidents des collectivités territoriales n’a plus raison d’être.

La responsabilité en matière de discipline budgétaire et financière est engagée

à l’égard des personnes citées à l’article 118 qui ont commis l’une des infractions

prévues aux articles 54, 55 et 56 de la loi portant code des juridictions financières.

En cette matière, la cour régionale des comptes fonctionne comme une cour

de justice ordinaire. Les droits de la défense sont garantis. Les justiciables ont le

droit d’être écoutés et de présenter leurs explications et justifications, comme ils

peuvent citer toute personne dont le témoignage leur paraît nécessaire.

La cour régionale est saisie par le Procureur du Roi, soit de sa propre initiative,

soit à la demande du président. Sur la base de rapports de contrôle ou

d'inspection appuyés des pièces justificatives, le ministre de l'intérieur et le

ministre chargé des finances peuvent également saisir la cour régionale par

l'intermédiaire du son Procureur du Roi187.

Les jugements de la cour régionale des comptes peuvent faire objet d’un

recours en révision ou d’un recours en appel. Le recours en révision est effectué

auprès de la cour qui a rendu le jugement en cas de découverte d’un fait nouveau

à l’expiration du délai prévu pour l’appel. Ce recours est ouvert également au

Procureur du Roi, au ministre de l'intérieur, au wali ou au gouverneur dans la

limite de leurs compétences, au ministre chargé des finances ou au trésorier

régional, préfectoral ou provincial et au représentant légal de la collectivité

territoriale ou du groupement ou de l'établissement concerné188.

187 L’article 138 du Code des juridictions financières. 188 L’article 135 du code des juridictions financières.

Page 91: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

91

Quant au recours en appel, il est effectué devant la Cour des comptes sur la

base d’une requête déposée par la personne concernée au greffe de la cour

régionale des comptes dans les 30 jours qui suivant la notification du jugement.

C. Le contrôle des actes relatifs à l’exécution du budget

Les dispositions de l’article 142 du code des juridictions financières accordent

au ministre de l'intérieur, au wali et au gouverneur dans le cadre de leurs

compétences, la possibilité de soumettre à la cour régionale des comptes toute

question concernant les actes relatifs à l'exécution du budget d'une collectivité

territoriale ou d'un groupement.

Ces autorités sont compétentes pour saisir la cour d’un compte administratif

qui n’a pas été adopté par l’organe délibérant d’une collectivité territoriale ou d’un

groupement, soit de leur propre initiative, soit à la demande de l'ordonnateur de

la collectivité concernée ou de la partie qui a refusé le compte administratif.

La cour rend un avis sur les conditions d'exécution du budget de la collectivité

territoriale ou du groupement concerné. Au vu de cet avis, le ministre de

l'intérieur, le wali ou le gouverneur, chacun dans la limite de ses attributions,

décide des mesures à prendre. La décision doit être motivée lorsqu’elle n’est pas

conforme à l’avis de la cour régionale des comptes.

D. Le contrôle de la gestion

En vertu de l’article 147 du code des juridictions financières, la cour régionale

des comptes est compétente pour contrôler la gestion des collectivités

territoriales et pour en apprécier la qualité et formuler des suggestions

susceptibles d’améliorer cette gestion.

Les collectivités territoriales et les autres organismes soumis à ce contrôle sont

tenus de transmettre annuellement à la cour régionale, leurs comptes ou leurs

documents comptables. Cette dernière procède à l’appréciation de la réalisation

des objectifs assignés, des résultats obtenus, ainsi que le coût et les conditions

d'acquisition et d'utilisation des moyens mis en œuvre.

Page 92: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

92

Le contrôle de la gestion porte également sur la régularité et la sincérité des

opérations réalisées ainsi que sur la vérification matérielle des prestations, des

fournitures et des travaux effectués par la collectivité. En outre, la cour veille sur

la gestion optimale des moyens et sur la protection du patrimoine.

Elle est habilitée à se faire communiquer tous documents ou pièces

justificatives susceptibles de renseigner sur la gestion des collectivités

territoriales et des autres organismes assujettis à son contrôle. Elle peut aussi

procéder à l'audition des personnes dont elle estime le témoignage nécessaire.

Les rapports de la cour régionale des comptes établis en matière de contrôle

de la gestion sont communiqués au ministre de l'intérieur, au wali ou au

gouverneur dans la limite de leurs compétences et au ministre chargé des

finances ou au trésorier régional, préfectoral ou provincial, et ce en vue de

formuler leurs avis ou suggestions.

Dans le même sens et conformément aux dispositions de l’article 153 du code

des juridictions financières, Le ministre de l'intérieur ou le ministre chargé des

finances peut demander à la cour régionale des comptes d'inscrire à son

programme annuel l'examen d'une question intéressant la gestion des

organismes soumis à son contrôle.

Page 93: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

93

CHAPITRE III

LE CONTROLE POLITIQUE ET DE BONNE GOUVERNANCE

Le contrôle politique des collectivités territoriales est confié à une pluralité

d’institutions dont certaines relèvent de l’organisation interne des collectivités

territoriales elles-mêmes, le cas des conseils délibérants, alors que d’autres sont

extérieures à ces collectivités, il s’agit notamment du contrôle exercé par les

citoyens et éventuellement le contrôle exercé par les commissions d’enquête

parlementaires (I).

Par ailleurs, un ensemble d’instances de bonne gouvernance sont instituées

par le texte constitutionnel de 2011. Celles-ci participent, dans la limite de leurs

attributions, au contrôle des collectivités territoriales (II).

I. Le contrôle exercé par les acteurs politiques

Les collectivités territoriales subissent un contrôle d’ordre politique exercé soit

par leurs propres organes délibérants ; soit par des acteurs extérieurs, en

l’occurrence les citoyens par le biais du vote et le Parlement par le biais des

commissions d’enquête.

A. Le contrôle exercé par les conseils délibérants

Les lois de la décentralisation instaurent une séparation stricte entre les

fonctions délibératives des conseils des collectivités territoriales et les fonctions

administratives de leurs organes exécutifs. Ainsi à titre d’exemple, la charte

communale interdit formellement aux conseillers, en dehors du président et des

Page 94: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

94

vice-présidents, d’exercer des fonctions administratives au sein de la

commune189.

Par ailleurs, ces mêmes lois n’instaurent pas de véritables mécanismes de

contrôle politique permettant à l’organe délibérant d’engager la responsabilité de

l’exécutif. Il est vrai que les exécutifs de la province, de la préfecture et de la

région, avant l’adoption de la Constitution de 2011, ne puisent pas leur légitimité

des conseils ce qui peut justifier l’absence du contrôle politique à leur égard,

néanmoins, la suppression de la possibilité, prévue par l’ancienne charte

communale, pour le conseil de voter une motion de censure contre le

président190, reflète la volonté du législateur de protéger l’organe exécutif, que ce

soit élu ou nommé, contre toute sanction politique pouvant faire objet de

délibérations du conseil.

Cependant, si les organes délibérants des collectivités territoriales sont

incapables de démettre leurs exécutifs, il n’en reste pas moins que les

assemblées élues de ces collectivités disposent des compétences importantes

qui leur permettent d’exercer un contrôle effectif sur l’action des organes

exécutifs. En effet, elles exercent un contrôle rigoureux sur la gestion financière.

A ce titre, elles examinent et votent les budgets. Ce pouvoir limite le champ

d’action des présidents qui ne peuvent effectuer que des opérations financières

autorisées préalablement par le conseil, que ce soit en termes de recettes ou de

dépenses.

En outre, les assemblées sont chargées de veiller sur la gestion des biens des

collectivités territoriales. Elles statuent sur toutes les transactions portant sur des

biens de domaine privé et approuvent tous les actes relatifs à la gestion ou

l’occupation du domaine public.

189 « Il est formellement interdit aux conseillers communaux, en dehors des présidents et des vice-

présidents, d'exercer au-delà de leur rôle délibérant au sein du conseil ou des commissions qui en

dépendent, des fonctions administratives de la commune, de signer des actes administratifs, de gérer ou

de s'immiscer dans la gestion des services publics communaux, à peine de révocation prononcée dans les

formes prescrites à l'article 21 cidessus, sans préjudice de poursuites judiciaires pour exercice de fait de

fonctions réglementées ». Article 23 de la loi n° 78.00 portant charte communale. 190 Tarik Zair, La gestion décentralisée du développement économique au Maroc, L’Harmattan 2007, p. 64.

Page 95: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

95

Dans le même contexte, l’ordonnateur de la collectivité territoriale est tenu de

rendre compte annuellement des opérations budgétaires qu’il a exécutées. En

effet, il doit établir, à la clôture de l’exercice budgétaire, le compte administratif du

budget principal ainsi que les comptes administratifs des différents budgets

annexes et les soumettre à l’examen et au vote du conseil délibérant191.

En cas de vote négatif d’un compte administratif d’une collectivité territoriale

par son organe délibérant, le ministre de l'intérieur, le wali ou le gouverneur,

chacun à la limite de ses compétences et sans préjudice des dispositions

permettant la demande d'un nouvel examen, en saisit la cour régionale des

comptes compétente, soit d'office, soit à la demande de l'ordonnateur concerné

ou de l’organe qui a refusé le compte administratif192.

Par ailleurs, les organes délibérants des communes, des provinces et des

préfectures exercent un contrôle sur les actes exécutifs relatifs au jumelage et à

la coopération décentralisée. A cet effet, ils sont compétents, en vertu des lois

relatives à l’organisation de ces collectivités, d’examiner et d’approuver les

conventions signées en la matière193.

B. Le contrôle exercé par le citoyen

Les collectivités territoriales sont soumises à un contrôle d’ordre politique

exercé par le citoyen. Ce contrôle constitue une composante essentielle de la

décentralisation et de la démocratie locale. En France, sa consécration remonte

à la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789. En effet, son article

14 précise que « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou

par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir

librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le

recouvrement et la durée ». Son article 15 ajoute que « La Société a le droit de

191 Article 7 de la loi n° 47-96 relative à l'organisation de la région, l’article 36 de la loi n°79-00 relative à

l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales et l’article 37 de la loi n° 78.00 portant charte

communale. 192 Article 143 du Dahir n° 1-02-124 du 1er rabii II 1423 portant promulgation de la loi n° 62-99 formant

code des juridictions financières. (B.O du 15 août 2002). 193 L’article 36 de la loi n°79-00 relative à l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales et

l’article 42 de la loi n° 78.00 portant charte communale.

Page 96: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

96

demander compte à tout agent public de son administration ». Aujourd’hui, ce

contrôle se matérialise par une pluralité de mécanismes juridiques et politiques

consacrés soit par les textes (exemple de vote), soit par la pratique (exemple des

manifestations).

Au Maroc, l’ampleur du contrôle politique exercé par le citoyen diffère selon

qu’il s’agit d’une catégorie de collectivité ou d’une autre, ou qu’il s’agit d’un

organe ou d’un autre. Ainsi, le contrôle exercé sur les conseils communaux est

beaucoup plus effectif que celui qui est exercé sur les conseils des autres

collectivités du fait que les premiers sont élus aux suffrages universel direct alors

que les seconds sont élus au suffrage indirect.

Dans le même sens d’analyse, le contrôle exercé sur l’exécutif de la commune

est plus rigoureux par rapport au contrôle exercé sur l’exécutif des autres

collectivités. Ce constat s’explique par le fait que le premier est élu alors que le

second est désigné.

Néanmoins, la Constitution de 2011 donne plus d’effectivité au contrôle

politique exercé par le citoyen, et ce en consacrant l’élection des conseils

communaux et régionaux au suffrage universel direct194 et en accordant le

pouvoir exécutif dans toutes les collectivités aux présidents élus195 d’une part ; et

en instituant un ensemble de mécanismes permettant l’exercice de ce contrôle

d’autre part.

Ainsi, le citoyen dispose, au moins, de cinq moyens de contrôle de l’action des

collectivités territoriales et qui sont tous institués et protégés par le texte

constitutionnel, à savoir : le vote, la saisine de juge administratif, l’accès à

l’information, la présentation des pétitions et l’organisation des manifestations.

1. Le vote

Il est vrai que le mandat de l’élu local est représentatif et non pas impératif. Il

est général, libre et non révocable. Par conséquent, l’élu peut agir en tous

194 Article 135 de la Constitution de 2011. 195 Article 138 de la Constitution de 2011.

Page 97: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

97

domaines de sa compétence à sa guise sans être tenu de respecter les

engagements qu'il aurait éventuellement pris devant ses électeurs.

En revanche, les citoyens sont invités périodiquement à valider ou à

sanctionner, a posteriori, la gestion des collectivités territoriales par leurs élus.

Le vote des citoyens constitue la source de légitimité des organes de ces

collectivités. Il s’agit du contrôle politique le plus effectif et le plus direct qui permet

à l’électeur de renouveler ou pas le mandat d’un élu.

2. la saisine du juge administratif

Le droit de saisir la justice est un droit constitutionnel consacré par l’article 118

de la Constitution. Cet article dispose que : « L’accès à la justice est garanti à

toute personne pour la défense de ses droits et de ses intérêts protégés par la

loi ». Il ajoute que « Tout acte juridique, de nature réglementaire ou individuelle,

pris en matière administrative, peut faire l’objet de recours devant la juridiction

administrative compétente ».

Ainsi, peut-on avancer que le citoyen peut se servir de la justice administrative

pour contrôler l’action des collectivités territoriales. Il en est ainsi lorsqu’il est, ou

il prétend être, lésé par un acte d’une collectivité territoriale. Ou encore pour

demander à celle-ci d’exercer une action qui lui appartient et qu’elle refuse

d’exercer.

3. l’accès à l’information

L’accès à l’information détenue par l’administration publique, les institutions

élues et les organismes investis d’une mission de service public est un droit

garanti par la Constitution. En vertu des dispositions de son article 27, seule la

loi peut limiter ce droit « dans le but d’assurer la protection de tout ce qui concerne

la défense nationale, la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat, ainsi que la vie

privée des personnes, de prévenir l’atteinte aux droits et libertés énoncés dans

la présente Constitution et de protéger des sources et des domaines

expressément déterminés par la loi ». Par conséquent, le législateur ne dispose

pas d’une compétence illimitée pour le réglementer. Il ne peut pas le limiter dans

un but autre que ce qui est prévu par la Constitution. De même, les collectivités

Page 98: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

98

territoriales ne sont pas compétentes pour limiter l’accès à l’information qu’elles

détiennent.

Par ailleurs, plusieurs dispositions contenues dans les lois relatives à la

décentralisation consacrent des mécanismes permettant aux citoyens d’accéder

à l’information relative à la gestion des affaires locales par les collectivités

territoriales. Ainsi, à titre d’exemple, les délibérations des conseils et les arrêtés

pris par les organes exécutifs, sont publiés ou portés à la connaissance du public

par tous moyens appropriés. En outre, tout électeur a le droit de demander

communication et de prendre à ses frais copie totale ou partielle des

délibérations. Il peut également les publier sous sa responsabilité.196.

4. La présentation des pétitions

Le droit des citoyens à présenter des pétitions aux pouvoirs publics est protégé

par la Constitution. En effet, son article 15 dispose que « les citoyennes et les

citoyens disposent du droit de présenter des pétitions aux pouvoirs publics. Une

loi organique détermine les conditions et les modalités d’exercice de ce droit ».

Dans le même contexte, l’article 139 de la Constitution dispose que «…Les

citoyennes et les citoyens et les associations peuvent exercer le droit de pétition

en vue de demander l’inscription à l’ordre du jour du Conseil, d’une question

relevant de sa compétence ».

Il s’agit donc d’un nouveau mécanisme constitutionnel de contrôle qui

permettrait aux citoyens et citoyennes d’influencer les décisions des pouvoirs

publics en général, et des collectivités territoriales en particulier et de contrôler la

gestion des affaires publiques locales.

5. l’organisation des manifestations

Les citoyens peuvent organiser des manifestations pacifiques, des réunions

ou des rassemblements pour exprimer leur mécontentement vis-à-vis d’une

décision ou d’un projet initié par une collectivité territoriale. Ce droit est garanti

196 Articles 32, 52 et 55 de la loi n° 47-96 relative à l'organisation de la région, l’article 42 et 58 de la loi

n°79-00 relative à l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales et l’article 55 et 67 de la loi

n° 78.00 portant charte communale.

Page 99: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

99

par l’article 29 de la Constitution et ne peut être limité que par la loi. En outre, en

vertu de l’article 28 du même texte, les citoyens peuvent exprimer et diffuser

librement, dans les seules limites expressément prévues par la loi, les

informations, les idées et les opinions.

Le contrôle politique exercé par les citoyens peut aussi prendre la forme des

lobbies, des groupes de pression, des associations, des syndicats ou des partis

politiques197. L’objectif de ce contrôle est d’influencer les autorités territoriales en

vue de prendre une décision favorable à leurs intérêts ou à retirer une décision

qu’ils estiment défavorable.

C. Le contrôle exercé par le Parlement

La compétence du Parlement en matière de contrôle des collectivités

territoriales peut découler des dispositions de l’article 67 de la Constitution qui

précise que « … peuvent être créées à l’initiative du Roi ou à la demande du tiers

des membres de la Chambre des Représentants, ou du tiers des membres de la

Chambre des Conseillers, au sein de chacune des deux Chambres, des

commissions d’enquête formées pour recueillir les éléments d’information sur

des faits déterminés ou sur la gestion des services, entreprises et établissements

publics, et soumettre leurs conclusions à la Chambre concernée… ». Les

organismes pouvant faire l’objet d’une commission d’enquête ne sont pas bien

définis dans cet article. Si on excepte l’établissement public qui est un concept

dont la définition est très claire en droit administratif, les deux autres notions,

services et entreprises, ne sont pas juridiquement définies. Si le constituant

entend par services les services publics et par entreprises les entreprises

publiques, les collectivités territoriales dans ce cas peuvent, en tant que

prestataires de services publics, être soumises aux contrôle du Parlement par le

biais des commissions d’enquête.

Cependant, en l’absence d’antécédents en la matière –sauf erreur de notre

part-, seule la jurisprudence constitutionnelle pourrait trancher la question et

197Emmanuel Evah-Manga, Le contrôle de gestion dans les collectivités territoriales: Une approche

sociologique, L’Harmattan 2012, p. 166.

Page 100: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

100

préciser si le Parlement peut ou non diligenter une commission d’enquête en vue

de s’enquérir de la gestion d’une collectivité territoriale.

Par ailleurs, l’article 102 de la Constitution relatif aux commissions

permanentes et qui dispose que « Les commissions concernées dans chacune

des deux Chambres peuvent demander à auditionner les responsables des

administrations et des établissements et entreprises publics, en présence et sous

la responsabilité des ministres dont ils relèvent », ne peut, en aucun cas,

concerner les responsables des collectivités territoriales. Certes, ces dernières

constituent des administrations, mais ne relèvent d’aucun ministre. Elles sont en

fait autonomes financièrement et administrativement.

II. Le contrôle exercé par les instances de la bonne gouvernance

Le titre XII de la Constitution de 2011 est consacré à la bonne gouvernance,

ses principes généraux et ses instances. Deux catégories d’instances sont à

distinguer : les instances des droits de l’Homme et les instances de la bonne

gouvernance et de régulation. L’objectif est « le respect de la loi, de neutralité,

de transparence, de probité et d’intérêt général 198». Le champ d’action de ces

instances couvre tous « les agents des services publics199 », y compris

inévitablement les responsables des collectivités territoriales. Il est question

notamment des instances suivantes :

A. Le Conseil national des droits de l’Homme

Le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) est créé par le Dahir n° 1-

11-19 du 1er mars 2011200 pour remplacer le Conseil consultatif des droits de

l’Homme. Il est consacré par l’article 161 de la Constitution de 2011 qui dispose

que « le Conseil national des droits de l’Homme est une institution nationale

pluraliste et indépendante, chargée de connaître de toutes les questions relatives

à la défense et à la protection des droits de l’Homme et des libertés, à la garantie

de leur plein exercice et à leur promotion, ainsi qu’à la préservation de la dignité,

des droits et des libertés individuelles et collectives des citoyennes et citoyens,

198 Article 155 de la Constitution de 2011. 199 Idem. 200 Bulletin officiel n° 9522 du 3 mars 2011, pp. 260 à 266.

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101

et ce, dans le strict respect des référentiels nationaux et universels en la

matière ».

Dans le cadre des missions qui lui sont assignées, le CNDH exerce un contrôle

sur toutes les personnes de droit public, notamment celles qui sont en contact

permanent avec les citoyens et dont les actes peuvent comporter une violation

des droits et des libertés. Ainsi, les collectivités territoriales sont naturellement

concernées par ce contrôle. Dans ce sens, il exerce, entre autres, les missions

suivantes :

L’observation, la surveillance et le suivi de la situation des droits de

l’Homme aux niveaux national et régional ;

La surveillance des cas de violations et engagement des investigations et

des enquêtes nécessaires ;

La soumission au Roi des rapports annuels et thématiques sur les droits

de l’Homme ;

La présentation devant chacune des deux Chambres du Parlement du

contenu des deux rapports : le rapport annuel sur la situation des droits de

l’Homme et le rapport sur les perspectives d’action du Conseil.

Le CNDH, peut également, en coordination avec les autorités concernées,

intervenir par anticipation et urgence chaque fois qu’il s’agit d’un cas de tension

qui pourrait aboutir à une violation individuelle ou collective des droits de

l’Homme.

Par ailleurs, le CNDH est doté de compétences régionales à travers des

commissions régionales des droits de l’Homme dont les présidents sont nommés

par Dahir201. Ces commissions sont compétentes pour assurer le suivi et le

contrôle de la situation des droits de l’Homme au niveau régional, recevoir et

examiner les plaintes et les violations qui leurs sont soumises et élaborer des

rapports spéciaux ou périodiques sur les mesures prises pour le traitement des

affaires et des plaintes à caractère régional ou local. Les commissions régionales

assurent également la mise en œuvre des programmes et projets du Conseil en

201 Article 40 du Dahir n° 1-11-19 du 1er mars 2011.

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102

matière de promotion des droits de l’Homme en coopération avec les acteurs

locaux202.

Il n’est donc pas rare qu’un administré ou un fournisseur fasse recours au

CNDH contre une décision ou une attitude d’une collectivité territoriale. Cette voie

est parfois préférée à celle de la justice administrative dont la procédure est lente

et coûteuse et dont les décisions ne sont pas tout le temps exécutées.

B. Instance centrale de prévention de la corruption

Jusqu’à 2011, l’Instance centrale de prévention de la corruption n’avait qu’une

valeur réglementaire. Elle a été instituée auprès du premier ministre par le décret

n° 2-05-1228 du 13 mars 2007. Elle a été hissée au rang constitutionnel en la

consacrant par l’article 167 de la Constitution de 2011 sous l’appellation

«Instance nationale de probité et de lutte contre la corruption ».

D’une manière transitoire et jusqu’à l’adoption de la loi fixant la composition,

l’organisation, les attributions et les règles de fonctionnement de l’Instance

nationale de probité et de lutte contre la corruption, le décret instituant l’Instance

centrale de prévention de la corruption demeure en vigueur.

Les missions incombant à l’Instance centrale sont très diverses. Pour ce qui

nous concerne, nous allons nous contenter de présenter ses attributions relavant

du contrôle des collectivités territoriales. Il s’agit notamment des missions

suivantes :

Suivre et évaluer les mesures prises pour la mise en œuvre de la politique

de prévention de la corruption ;

Proposer des mesures de sensibilisation de l'opinion publique et organiser

des campagnes d'information ;

Collecter les informations et gérer la base de données relative à la

corruption;

202 Articles 28 et 29 du Dahir n° 1-11-19 du 1er mars 2011.

Page 103: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

103

Informer l'autorité judiciaire compétente de tous les faits portés à sa

connaissance à l'occasion de l'exercice de ses missions, qu'elle considère

être susceptibles de constituer des actes de corruption punis par la loi.

Par ailleurs, le contrôle exercé par cette instance ne peut être que limité. Ceci

s’explique par l’absence de l’autonomie administrative et financière et par

l’insuffisance des moyens juridiques dont elle dispose.

Pour faire face à cette carence, un projet de loi relatif à l’Instance nationale de

probité et de lutte contre la corruption a été adopté. Il consacre la pleine capacité

juridique et l’autonomie financière de cette institution. Il reconnait, en outre, sa

compétence à présenter des recommandations aux administrations, collectivités

territoriales et établissements publics pour renforcer les valeurs d’intégrité et de

transparence203.

C. Institution du Médiateur

En vertu des dispositions de l’article 162 de la Constitution, le Médiateur qui

est une institution nationale indépendante et spécialisée est compétent pour

contrôler la gestion des administrations, des établissements publics, des

collectivités territoriales et des organismes dotés de prérogatives de la puissance

publique, et ce dans l’objectif de défendre les droits, de contribuer à renforcer la

primauté de la loi et à diffuser les principes de justice et d’équité, et les valeurs

de moralisation et de transparence.

Le Médiateur, promu au rang d’institution constitutionnelle depuis l’adoption

de la Constitution de 2011, a été créé par Dahir204 en tant qu’autorité

indépendante afin de moderniser «Diwan Al Madalim», institué en 2001.

Dans l’attente de l’adoption de la loi fixant l’organisation, les attributions et les

règles du fonctionnement du Médiateur conformément à l’article 171 de la

Constitution, l’Institution du Médiateur est régie par les dispositions du Dahir n°

1-11-25 du 17 Mars 2011.

203 Projet de loi n° 12-113 relatif à l’Instance nationale de probité et de lutte contre la corruption,

http://www.icpc.ma, le 06-08-2013. 204 Dahir n° 1-11-25 du 17 Mars 2011 portant création de l’Institution du Médiateur.

Page 104: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

104

Par ailleurs, en matière de contrôle des collectivités territoriales, le Médiateur

est compétent, conformément aux dispositions de l’article 5 du Dahir n° 1-11-25

du 17 Mars 2011, pour contrôler leurs actes. Ainsi, il peut « instruire, soit de sa

propre initiative conformément aux modalités fixées dans le règlement intérieur

de l'Institution, soit sur plaintes ou doléances dont il est saisi, les cas qui

porteraient préjudice à des personnes physiques ou morales, marocaines ou

étrangères en raison de tout acte de l'administration ».

Le contrôle effectué par le Médiateur ne se limite pas à vérifier si l’acte en

cause est entaché ou non d’excès ou d’abus de pouvoir, il s’étend à la vérification

du respect ou non des principes de justice et d’équité.

Pour ce faire, le Médiateur est habilité, en vertu de l’article 13 du Dahir précité,

« dans la limite de ses attributions, à mener des enquêtes et des investigations

pour s'assurer de la véracité des faits portés à sa connaissance et de l'étendue

du préjudice causé au plaignant ou au requérant et à procéder à la qualification

juridique de la nature dudit préjudice ».

Dans le même objectif, le Médiateur est compétent pour « provoquer les

explications des autorités concernées sur les faits objet de la plainte ou de la

doléance et se faire communiquer les éclaircissements nécessaires, les

documents et les informations y afférents ».

L’Institution du Médiateur est également compétente pour intervenir, en cas

de refus de la collectivité territoriale d’exécuter une décision judiciaire définitive.

En effet, lorsque ce refus est dû, soit à une position injustifiée d’un responsable,

d’un fonctionnaire ou d’un agent, soit à un manquement du devoir d’exécution de

ladite décision, il soumet au Chef du Gouvernement un rapport sur le cas. Le

Médiateur peut, dans ce cas, adresser à la collectivité en question une

recommandation d’engager la procédure disciplinaire ou judiciaire à l’égard de

tout responsable des manquements précités.205

Le Médiateur du Royaume, après avoir informé le ministre concerné en vue

de prendre les sanctions et les mesures nécessaires à l’égard du responsable

205 Article 32 du Dahir n° 1-11-25 du 17 Mars 2011 portant création de l’Institution du Médiateur.

Page 105: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

105

ou fonctionnaire concerné, adresse au Chef du Gouvernement des rapports

spéciaux relatant d’éventuels dysfonctionnements et l’informant de tous les cas

où l’administration s’est abstenue de répondre aux demandes d’information qui

lui sont adressées ou de donner suite à ses recommandations206.

Il soumet également au Chef de l’Etat un rapport annuel sur le bilan d’activité

et les perspectives d’action de l’Institution. Ce rapport comprend un inventaire du

nombre et du contenu des plaintes, doléances et demandes de règlement

traitées, ainsi qu’un aperçu sur sa gestion financière et administrative. Ce rapport

fait état des dysfonctionnements et défaillances relevés et des recommandations

et des propositions formulées. Il est publié au Bulletin officiel et « diffusé à grande

échelle »207.

D. Le Conseil de la concurrence

Le Conseil de la concurrence est une instance administrative de bonne

gouvernance et de régulation. Il a été institué par l’article 14 de la loi n°06-99 sur

la liberté des prix et de la concurrence. Il est ensuite promu au rang

constitutionnel et consacré par l’article 166 de la Constitution de 2011. En vertu

de cet article, ce conseil qui est une institution indépendante est « chargée, dans

le cadre de l’organisation d’une concurrence libre et loyale, d’assurer la

transparence et l’équité dans les relations économiques, notamment à travers

l’analyse et la régulation de la concurrence sur les marchés, le contrôle des

pratiques anticoncurrentielles, des pratiques commerciales déloyales et des

opérations de concentration économique et de monopole ».

Le Conseil de la concurrence est habilité à contrôler, dans la limite de ses

attributions, les activités des collectivités territoriales relatives à l’achat public,

notamment ce qui concerne la conclusion des marchés publics et des bons de

commande. Ainsi, il est chargé de constater les pratiques anticoncurrentielles et

de formuler des avis, des conseils et des recommandations à leur sujet.

206 Article 13 du Dahir n° 1-11-25 du 17 Mars 2011 portant création de l’Institution du Médiateur. 207 Article 37 du Dahir n° 1-11-25 du 17 Mars 2011 portant création de l’Institution du Médiateur.

Page 106: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

106

Il communique son avis au Chef du Gouvernement ou aux organismes dont

émane la demande d'avis, et recommande, le cas échéant, les mesures,

conditions ou injonctions prévues par la loi précitée (art 25).

En vertu de l’article 66 de cette loi, les enquêteurs du Conseil peuvent, sans

se voir opposer le secret professionnel, accéder à tout document ou élément

d'information détenu par les administrations, les établissements publics et

collectivités territoriales.

En outre, conformément à l’article 26 du même texte, le Conseil de la

concurrence peut, lorsque les faits lui paraissent de nature à justifier l'application

des sanctions pénales, recommander au Chef du Gouvernement de saisir le

Procureur du Roi près le tribunal de première instance compétent afin d’engager

les poursuites judiciaires.

Page 107: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

107

CONCLUSION GENERALE

Pour conclure, il est à constater que la Constitution du 29 juillet 2011 marque

une innovation singulière par rapport à ses devancières qui se limitaient à une

simple reconnaissance des collectivités locales. En effet, elle a posé un véritable

statut des collectivités territoriales faisant d’elles des personnes morales de droit

public dotées de l’autonomie financière et administrative. Un statut qui ne se

limite pas à énoncer les fondements et les principes généraux de la

décentralisation territoriale, mais qui en définit aussi les règles et les dispositifs

d’organisation, de fonctionnement et de répartition des compétences.

Les principes de libre administration et de subsidiarité consacrés par le texte

fondamental du Royaume, constituent le noyau dur de ce statut, et sont

susceptibles d’aménager le chemin pour une décentralisation territoriale plus

poussée. Tous les textes qui compléteront ce statut doivent, sous peine

d’inconstitutionnalité, en respecter la lettre et l’esprit. Ils sont conçus dans

l’objectif de déterminer la nature des relations que les collectivités territoriales

peuvent nouer avec l’Etat ou avec d’autres personnes morales de droit public.

Ainsi, le Constituant de 2011 donne un nouveau sens aux rapports entre l’Etat

et les collectivités territoriales pour passer des rapports verticaux d’autorité

qu’implique la notion de tutelle à des rapports de coopération, de concertation et

de convergence. Ces collectivités ne sont pas des simples entités administratives

soumises à la tutelle de l’Etat, elles sont des partenaires potentiels de celui-ci.

Elles sont appelées à jouer un rôle primordial en matière d’administration

territoriale et de gestion des affaires locales. En parallèle, l’Etat est tenu de leur

accorder les moyens appropriés pour accomplir leurs missions. C’est dans cet

objectif que la Constitution inscrit, dans son article 141, le principe de

l’équivalence des ressources et des compétences qui impose à l’Etat

d’accompagner tout transfert de compétences vers les collectivités territoriales

d’un transfert des ressources correspondantes.

Page 108: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

108

En revanche, certaines dispositions constitutionnelles qui ont fait objet de

notre étude réduisent le rôle des collectivités territoriales à la simple participation

à la mise en œuvre de la politique générale de l’Etat. Par conséquent, elles ne

sont pas compétentes pour élaborer leurs propres politiques territoriales. Nous

dirons donc que la conception et l’élaboration des politiques publiques demeurent

l’apanage du pouvoir central. Les collectivités territoriales ne peuvent intervenir

dans ce sens qu’à travers leurs représentants dans la Chambre des conseillers.

Rappelons que celle-ci assure la représentation des collectivités territoriales à

raison de trois cinquièmes de ses membres, et celle des chambres

professionnelles, des organisations professionnelles des employeurs et des

salariés à raison de deux cinquièmes.

Dans le même ordre d’idées, le contrôle administratif exercé par le

représentant de l’Etat constitue inévitablement une véritable entrave à

l’émancipation de ces collectivités. Il reflète une tendance centralisatrice de

l’administration et constitue un mécanisme de protection du caractère unitaire de

l’Etat. Ce procédé rappelle l’idée du doyen Hauriou selon laquelle la centralisation

reste la règle et la décentralisation est l’exception.

La décentralisation territoriale n’est donc pas synonyme de l'abandon des

prérogatives de l'Etat. Il s’agit plutôt d’un usage de celles-ci, d’une manière

raisonnée et adaptée à l'émergence d'une démocratie locale et aux exigences de

la bonne gouvernance territoriale. Elle implique l’obligation pour l’Etat non

seulement de transférer un ensemble de compétences aux collectivités

territoriales, mais aussi d’assurer le suivi et le contrôle de leur exercice.

Dans ce contexte, force est de constater que l’organisation territoriale du

Royaume est très loin de celle d’un Etat fédéral, dans le sens que chaque région

n’a pas sa propre constitution, les collectivités territoriales sont des entités

administratives et n’ont aucun pouvoir politique. Elle est très loin également de

celle d’un Etat régional, dans le sens que ces collectivités ne disposent nullement

de pouvoirs législatifs, elles ne disposent que d’un pouvoir réglementaire pour

l’exercice de leurs attributions.

Page 109: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

109

Cependant, la Constitution de 2011 a eu le mérite de mettre en exergue le

pouvoir réglementaire local, ce qui va permettre d’en renforcer l’étendue au fur

et à mesure que seront effectués les partages et transferts de compétences en

application des dispositions de l’article 140. Cette inscription constitutionnelle lui

confère une base solide et une protection assurée par le juge constitutionnel.

Le statut constitutionnel des collectivités territoriales ainsi défini laisse poser

une pluralité de questions quant aux perspectives de l’organisation territoriale

marocaine. On est donc dans le droit de se demander si ce statut permet de

concrétiser le projet de la régionalisation avancée qui aspire à concrétiser la

volonté royale de doter le Maroc d’une décentralisation régionale, d’essence

démocratique et vouée au développement intégré et durable sur les plans

économique, social, culturel et environnemental.

En effet, le modèle proposé par la Commission royale de la régionalisation

vise à assurer une conception concertée et coordonnée du développement

intégré dans l’espace régional, par l’émergence de la région en tant que

collectivité territoriale bénéficiant de la prééminence pour coordonner et intégrer

les visions, les plans et les programmes des autres collectivités territoriales

impactant l’espace régional, et en tant que partenaire privilégié de l’Etat en la

matière.

Si la Constitution, dans son article 143, reconnait à la région un rôle

prééminent par rapport aux autres collectivités dans l’élaboration et le suivi des

programmes de développement régionaux et des schémas régionaux

d’aménagement des territoires, nous ne pouvons pas, pour autant, en conclure

que la mise en application des dispositions constitutionnelles étudiées au cours

de notre travail est susceptible de mettre en place la régionalisation avancée

préconisée dans les discours royaux. La confirmation ou l’infirmation de cette

hypothèse pourra constituer l’objectif d’un prochain travail de recherche.

Sur un autre niveau, la mise en place de la nouvelle organisation territoriale

présente un défi majeur, celui de la nécessité de corriger les disparités

territoriales que vit le pays. A-t-on prévu des mécanismes susceptibles de mettre

un terme, ou au moins d’atténuer les disparités inter-régionales et intra-

Page 110: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

110

régionales ? Certes, le constituant prévoit la solidarité et la coopération comme

deux principes, entre autres, sur lesquels repose cette organisation, et institue

deux fonds pouvant guider ce projet dans le sens de réaliser l’équité territoriale,

à savoir : un fonds de mise à niveau social et un autre de solidarité régionale.

Mais, cet objectif dépond beaucoup plus de l’action politique et des programmes

des gouvernants que des mécanismes juridiques.

En dernier lieu, il est important de signaler que la mise en place d’une

décentralisation territoriale approfondie nécessite préalablement l’instauration

d'une déconcentration effective. C’est une condition sine qua non pour instituer

un dialogue efficace entre l'Etat et les collectivités territoriales et pour faciliter la

coordination et la coopération entre les différents acteurs locaux. En effet, la

décentralisation nécessite un rapport d’interpénétration et de complémentarité,

dans ce sens les élus locaux doivent trouver en face d’eux, à l’échelon territorial,

des représentants du pouvoir central qui sont investis de responsabilité et de

pouvoir réel en matière de prise de décision.

Si la décentralisation territoriale constitue un choix constitutionnel, n’y-a-t-il

pas besoin de prévoir des mécanismes constitutionnels obligeant les

responsables au niveau de l’administration centrale à déléguer des pouvoirs

effectifs à leurs représentants au niveau territorial? La nécessité de la

déconcentration a été solennellement rappelée, à plusieurs occasions, par le

Chef de l’Etat, cependant, le processus de sa mise en place demeure encore lent

par rapport au rythme de la décentralisation.

En définitive, la mise en application des dispositions constitutionnelles

relatives à la décentralisation territoriale et l’adoption des lois organiques et

ordinaires et des textes réglementaires régissant la matière, compléteront et

modifieront substantiellement le statut des collectivités territoriales. Il appartient

donc au législateur, au juge, à l’administration et à la doctrine de l’interpréter et

de le compléter tout en veillant au respect du texte fondamental du Royaume.

Ainsi, la loi organique prévue par l’article 146 de la Constitution constituera un

véritable code général des collectivités territoriales. Le législateur y définira

l’ensemble des conditions et des mécanismes nécessaires à la mise en

Page 111: Master Droit, Economie, Gestion Mention Administration

111

application des principes et des dispositifs constitutionnels relatifs à l’organisation

territoriales. Il y précisera également, sous le contrôle de la Cour

constitutionnelle, toutes les dispositions devant régir l’organisation, le

fonctionnement et les compétences des différentes collectivités territoriales.

En outre, la jurisprudence, aussi bien constitutionnelle qu’administrative,

contribuera nécessairement à l’établissement de l’édifice de la décentralisation

marocaine. Le contrôle de constitutionnalité de la loi organique citée sera une

grande occasion pour le juge constitutionnel pour poser la pierre angulaire de la

jurisprudence constitutionnelle en matière des collectivités territoriales.

L’enjeu pour les différents intervenants en la matière, notamment le législateur

organique et le juge constitutionnel, est de savoir comment concilier les principes

de libre administration et de subsidiarité avec le caractère unitaire de l’Etat et les

contrôles exercés sur les collectivités territoriales.

Sur le plan doctrinal, il est judicieux de se demander si la constitutionnalisation

d’un ensemble de principes et de règles relatifs à l’organisation et au

fonctionnement des collectivités territoriales, va inciter les juristes à mener des

recherches et des réflexions sur une discipline jusque-là fort ignorée de la

doctrine marocaine, à savoir « le droit constitutionnel des collectivités

territoriales ». En France, celui-ci constitue déjà une discipline juridique

confirmée. En effet, la revue « Cahier du Conseil constitutionnel » lui a consacré

son numéro 12 publié en mai 2002. Avant même cette date, un ouvrage d’André

Roux, intitulé « Droit constitutionnel local » a été publié par l’éditeur ECONOMICA

en 1995. L’auteur y traite les différents principes constitutionnels régissant

l’organisation territoriale de la République française.

Les spécialistes marocains de droit constitutionnel auront intérêt à explorer

cette nouvelle discipline. Leurs recherches constitueront inévitablement une

référence importante pour les différentes autorités, afin qu’elles puissent assurer

une meilleure mise en application des dispositions constitutionnelles relatives à

la question, et inspireront le juge, tant constitutionnel qu'administratif, dans

l’élaboration d’une jurisprudence riche et cohérente en la matière.

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ANNEXES

Annexe 1 : TITRE IX DE LA CONSTITUTION MAROCAINE : DES REGIONS ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ;

Annexe 2 : TITRE XII DE LA CONSTITUTION FRANÇAISE : DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES.

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Annexe 1

TITRE IX DE LA CONSTITUTION MAROCAINE DE 2011 -DES REGIONS ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES-

Article 135 Les collectivités territoriales du Royaume sont les régions, les préfectures, les provinces et les communes. Elles constituent des personnes morales de droit public et gèrent démocratiquement leurs affaires. Les Conseils des régions et des communes sont élus au suffrage universel direct. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant, en substitution d’une ou plusieurs collectivités mentionnées à l’alinéa premier. Article 136 L’organisation territoriale du Royaume repose sur les principes de libre administration, de coopération et de solidarité. Elle assure la participation des populations concernées à la gestion de leurs affaires et favorise leur contribution au développement humain intégré et durable. Article 137 Les régions et les autres collectivités territoriales participent à la mise en œuvre de la politique générale de l’ةtat et à l’élaboration des politiques territoriales à travers leurs représentants à la Chambre des Conseillers. Article 138 Les présidents des Conseils régionaux et les présidents des autres collectivités territoriales exécutent les délibérations et décisions de ces Conseils. Article 139 Des mécanismes participatifs de dialogue et de concertation sont mis en place par les Conseils des régions et les Conseils des autres collectivités territoriales pour favoriser l’implication des citoyennes et des citoyens, et des associations dans l’élaboration et le suivi des programmes de développement. Les citoyennes et les citoyens et les associations peuvent exercer le droit de pétition en vue de demander l’inscription à l’ordre du jour du Conseil, d’une question relevant de sa compétence. Article 140 Sur la base du principe de subsidiarité, les collectivités territoriales ont des compétences propres, des compétences partagées avec l’ةtat et celles qui leur sont transférables par ce dernier. Les régions et les autres collectivités territoriales disposent, dans leurs domaines de compétence respectifs et dans leur sort territorial, d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs attributions. Article 141 Les régions et les autres collectivités territoriales disposent de ressources financières propres et de ressources financières affectées par l’ةtat. Tout transfert de compétences de l’ةtat vers les collectivités territoriales doit s’accompagner d’un transfert des ressources correspondantes. Article 142 Il est créé, pour une période déterminée, au profit des régions, un fonds de mise à niveau sociale destiné à la résorption des déficits en matière de développement humain, d’infrastructures et d’équipements.

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Il est créé, en outre, un fonds de solidarité interrégionale visant une répartition équitable des ressources, en vue de réduire les disparités entre les régions. Article 143 Aucune collectivité territoriale ne peut exercer de tutelle sur une autre. Dans l’élaboration et le suivi des programmes de développement régionaux et des schémas régionaux d’aménagement des territoires, la région assure, sous l’impulsion du président du Conseil régional, un rôle prééminent par rapport aux autres collectivités, dans le respect des compétences propres de ces dernières. Lorsque le concours de plusieurs collectivités territoriales est nécessaire à la réalisation d’un projet, les collectivités concernées conviennent des modalités de leur coopération. Article 144 Les collectivités territoriales peuvent constituer des groupements en vue de la mutualisation des moyens et des programmes. Article 145 Dans les collectivités territoriales, les walis de régions et les gouverneurs de provinces et préfectures représentent le pouvoir central. Au nom du Gouvernement, ils assurent l’application des lois, mettent en œuvre les règlements et les décisions gouvernementales et exercent le contrôle administratif. Les walis et gouverneurs assistent les présidents des collectivités territoriales et notamment les présidents des Conseils régionaux dans la mise en œuvre des plans et des programmes de développement. Sous l’autorité des ministres concernés, ils coordonnent les activités des services déconcentrés de l’administration centrale et veillent à leur bon fonctionnement. Article 146 Une loi organique fixe notamment : • Les conditions de gestion démocratique de leurs affaires par les régions et les autres collectivités territoriales, le nombre des conseillers, les règles relatives à l’éligibilité, aux incompatibilités et aux cas d’interdiction du cumul de mandats, ainsi que le régime électoral et les dispositions visant à assurer une meilleure participation des femmes au sein de ces Conseils, • Les conditions d’exécution des délibérations et des décisions des Conseils régionaux et des autres collectivités territoriales, conformément aux dispositions de l’article 138, • Les conditions d’exercice du droit de pétition prévu à l’article 139, • Les compétences propres, les compétences partagées avec l’ةtat et celles qui leurs sont transférables au profit des régions et des autres collectivités territoriales, prévues à l’article 140, • Le régime financier des régions et des autres collectivités territoriales, • L’origine des ressources financières des régions et des autres collectivités territoriales conformément à l’article 141, • Les ressources et les modalités de fonctionnement des fonds de mise à niveau sociale et de solidarité interrégionale prévus à l’article 142, • Les conditions et les modalités de constitution des groupements visés à l’article 144, • Les dispositions favorisant le développement de l’intercommunalité, ainsi que les mécanismes destinés à assurer l’adaptation de l’organisation territoriale dans ce sens,

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• Les règles de gouvernance relatives au bon fonctionnement de la libre administration, au contrôle de la gestion des fonds et programmes, à l’évaluation des actions et à la reddition des comptes.

Annexe 2

TITRE XII DE LA CONSTITUTION FRANÇAISE DE 1958 -DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES-

Article 72 Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d’une ou de plusieurs collectivités mentionnées au présent alinéa. Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon. Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences. Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l’a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences. Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Cependant, lorsque l’exercice d’une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l’une d’entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune. Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l’État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois. Article 72-1 La loi fixe les conditions dans lesquelles les électeurs de chaque collectivité territoriale peuvent, par l’exercice du droit de pétition, demander l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée délibérante de cette collectivité d’une question relevant de sa compétence. Dans les conditions prévues par la loi organique, les projets de délibération ou d’acte relevant de la compétence d’une collectivité territoriale peuvent, à son initiative, être soumis, par la voie du référendum, à la décision des électeurs de cette collectivité. Lorsqu’il est envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d’un statut particulier ou de modifier son organisation, il peut être décidé par la loi de consulter les électeurs inscrits dans les collectivités intéressées. La modification des limites des collectivités territoriales peut également donner lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi. Article 72-2

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Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi. Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l’assiette et le taux dans les limites qu’elle détermine. Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en œuvre. Tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales. Article 72-3 La République reconnaît, au sein du peuple français, les populations d’outremer, dans un idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité. La Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint- Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis et Futuna et la Polynésie française sont régis par l’article 73 pour les départements et les régions d’outre-mer et pour les collectivités territoriales créées en application du dernier alinéa de l’article 73, et par l’article 74 pour les autres collectivités. Le statut de la Nouvelle-Calédonie est régi par le titre XIII. La loi détermine le régime législatif et l’organisation particulière des Terres australes et antarctiques françaises et de Clipperton. Article 72-4 Aucun changement, pour tout ou partie de l’une des collectivités mentionnées au deuxième alinéa de l’article 72-3, de l’un vers l’autre des régimes prévus par les articles 73 et 74, ne peut intervenir sans que le consentement des électeurs de la collectivité ou de la partie de collectivité intéressée ait été préalablement recueilli dans les conditions prévues à l’alinéa suivant. Ce changement de régime est décidé par une loi organique. Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut décider de consulter les électeurs d’une collectivité territoriale située outre-mer sur une question relative à son organisation, à ses compétences ou à son régime législatif. Lorsque la consultation porte sur un changement prévu à l’alinéa précédent et est organisée sur proposition du Gouvernement, celui-ci fait, devant chaque assemblée, une déclaration qui est suivie d’un débat. Article 73 Dans les départements et les régions d’outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. Ces adaptations peuvent être décidées par ces collectivités dans les matières où s’exercent leurs compétences et si elles y ont été habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement.

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Par dérogation au premier alinéa et pour tenir compte de leurs spécificités, les collectivités régies par le présent article peuvent être habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement, à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement. Ces règles ne peuvent porter sur la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral. Cette énumération pourra être précisée et complétée par une loi organique. La disposition prévue aux deux précédents alinéas n’est pas applicable au département et à la région de La Réunion. Les habilitations prévues aux deuxième et troisième alinéas sont décidées, à la demande de la collectivité concernée, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Elles ne peuvent intervenir lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti. La création par la loi d’une collectivité se substituant à un département et une région d’outre-mer ou l’institution d’une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités ne peut intervenir sans qu’ait été recueilli, selon les formes prévues au second alinéa de l’article 72-4, le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités. Article 74 Les collectivités d’outre-mer régies par le présent article ont un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d’elles au sein de la République. Ce statut est défini par une loi organique, adoptée après avis de l’assemblée délibérante, qui fixe : – les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables ; – les compétences de cette collectivité ; sous réserve de celles déjà exercées par elle, le transfert de compétences de l’État ne peut porter sur les matières énumérées au quatrième alinéa de l’article 73, précisées et complétées, le cas échéant, par la loi organique ; – les règles d’organisation et de fonctionnement des institutions de la collectivité et le régime électoral de son assemblée délibérante ; – les conditions dans lesquelles ses institutions sont consultées sur les projets et propositions de loi et les projets d’ordonnance ou de décret comportant des dispositions particulières à la collectivité, ainsi que sur la ratification ou l’approbation d’engagements internationaux conclus dans les matières relevant de sa compétence. La loi organique peut également déterminer, pour celles de ces collectivités qui sont dotées de l’autonomie, les conditions dans lesquelles : – le Conseil d’État exerce un contrôle juridictionnel spécifique sur certaines catégories d’actes de l’assemblée délibérante intervenant au titre des compétences qu’elle exerce dans le domaine de la loi ; – l’assemblée délibérante peut modifier une loi promulguée postérieurement à l’entrée en vigueur du statut de la collectivité, lorsque le Conseil constitutionnel, saisi notamment par les autorités de la collectivité, a constaté que la loi était intervenue dans le domaine de compétence de cette collectivité ;

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– des mesures justifiées par les nécessités locales peuvent être prises par la collectivité en faveur de sa population, en matière d’accès à l’emploi, de droit d’établissement pour l’exercice d’une activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier ; – la collectivité peut participer, sous le contrôle de l’État, à l’exercice des compétences qu’il conserve, dans le respect des garanties accordées sur l’ensemble du territoire national pour l’exercice des libertés publiques. Les autres modalités de l’organisation particulière des collectivités relevant du présent article sont définies et modifiées par la loi après consultation de leur assemblée délibérante. Article 74-1 Dans les collectivités d’outre-mer visées à l’article 74 et en Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement peut, par ordonnances, dans les matières qui demeurent de la compétence de l’État, étendre, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole ou adapter les dispositions de nature législative en vigueur à l’organisation particulière de la collectivité concernée, sous réserve que la loi n’ait pas expressément exclu, pour les dispositions en cause, le recours à cette procédure. Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis des assemblées délibérantes intéressées et du Conseil d’État. Elles entrent en vigueur dès leur publication. Elles deviennent caduques en l’absence de ratification par le Parlement dans le délai de dix-huit mois suivant cette publication. Article 75 Les citoyens de la République qui n’ont pas le statut civil de droit commun, seul visé à l’article 34, conservent leur statut personnel tant qu’ils n’y ont pas renoncé. Article 75-1 Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France.

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BIBLIOGRAPHIE

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Les collectivités territoriales en France, coordonné par Maryvonne Bonnard, la documentation française 2008 ;

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Rapport du Comité pour la réforme des collectivités locales présidé par Edouard, remis le 5 mars 2009 au Président de la République Française ;

Commission Consultative de la Régionalisation/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre II : Aspects institutionnels ;

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La télétransmission des actes des collectivités territoriales soumis au contrôle de légalité, mémoire d’obtention de DESS en Droit De L’Internet : Administration et Entreprises, Université Paris 1, 2004 ;

Le contrôle et l’audit de l’action des collectivités locales, Rapport du Comité directeur sur la démocratie locale et régionale (CDLR) préparé avec la collaboration de Juan Santamaria Pastor et de Jean-Claude Nemery in communes et régions d’Europe n° 66, Conseil de l’Europe, mars 1999 ;

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Dahir n° 1-11-25 du 17 Mars 2011 portant création de l’Institution du Médiateur ;

Dahir n° 1-02-124 du 1er rabii II 1423 portant promulgation de la loi n° 62-99 formant code des juridictions financières.(B.O du 15 août 2002) ;

Dahir n° 1-91-225 (22 rebia I 1414) portant promulgation de la loi n° 41-90 instituant des tribunaux administratifs (B.O. 3 novembre 1993) ;

loi n° 1-74-447 portant code de la procédure civile ;

loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions. (France) ;

Dahir n° 1-59-269 du 14 avril 1960 relatif à l'inspection générale des finances ;

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Dahir n° 1-59-315 du 28 hija 1379 (23 juin 1960) relatif à l'organisation communale Bulletin Officiel n° : 2487 du 24/06/1960 - Page : 1230 ;

Dahir portant loi n° 1-76-583 (30 Septembre 1976) (5 chaoual 1396) relatif à l'organisation communale (B.O. 1er octobre 1976) ;

loi n° 78.00 modifiée par la loi n° 17.08 du 18 février 2009, BO n° 5714 du 5 mars 2009 portant charte communale ;

Dahir n° 1-59-161 du 27 safar 1379 (1er septembre 1959) relatif à l'élection des conseils communaux. Bulletin Officiel n° : 2445 du 04/09/1959 - Page : 1477 ;

loi n° 1-93-51 su 10 septembre 1993 instituant les agences urbaines, BO n° 4220 du 15-09-1993, PP 481-482 ;

loi n° 1-84-188 du 9 octobre 1984 relatif à l’Agence urbaine de Casablanca (BO n° 3762 du 5-12-1984 PP 424-425) tel qu’il a été modifiée et complétée par la loi n° 1-93-323 du 6 octobre 1993, BO n° 4223 du 6-10-1993, PP 535-536 ;

Code des Postes et des Communications Electroniques modifié par la loi n° 2011-302 du 22 mars 2011. (France) ;

Dahir n° 1-71-77 du 22 rebia II 1391 (16 juin 1971) portant création des régions, Bulletin Officiel n° : 3060 du 23/06/1971 - Page : 685 ;

Dahir n° 1-02-269 du 25 rejeb 1423 (3 octobre 2002) portant promulgation de la loi n° 79-00 relative à l'organisation des collectivités préfectorales et provinciales ;

Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, Journal Officiel n°190 du 17 août 2004 page 14545. (France) ;

Projet de loi n° 12-113 relatif à l’Instance nationale de probité et de lutte contre la corruption, http://www.icpc.ma, le 06-08-2013 ;

Décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;

Décret n° 2-94-100 du 16 juin 1994 portant statut particulier de l'inspection générale de l'administration territoriale, Bulletin Officiel n° 4264 du Mercredi 20 Juillet 1994 ;

Décret n° 2-09-441 du 17 moharrem 1431 (3 janvier 2010) portant règlement de la comptabilité publique des collectivités locales et de leurs groupements. Bulletin officiel n° 5814 du 03 rabii I 1431 (18 février 2010) ;

Décret n°02. 05. 1017 du 19 juin 2005 relatif aux modalités d’exécution des dépenses du compte spécial de l’INDH.

Jurisprudence

Conseil constitutionnel français, décision n° 82-149 DC du 28 décembre 1982/ Loi relative à l'organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale, Journal officiel du 29 décembre 1982, p.3914 ;

Conseil constitutionnel français, décision n° 85-196 DC du 08 août 1985, Loi sur l’évolution de la Nouvelle-Calédonie, Journal officiel du 8 août 1985, p. 9125 ;

Conseil constitutionnel français, décision n° 2000-436 DC du 7 décembre 2000, Journal officiel du 14 décembre 2000, p. 19840 ;

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Conseil constitutionnel français, décision n° 2004-503 du 12 août 2004/ Loi relative aux libertés et responsabilités locales. Journal Officiel du 17 août 2004, P14648 ;

Conseil d’Etat, 18 janvier 2001, n° 229247, Commune de Venelles et Morbelli).

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TABLES DES MATIERES

REMERCIEMENTS 02

SOMMAIRE 03

LISTES DES SIGLES ET ACRONYMES 04

INTRODUCTION GENERALE 05

PREMIERE PARTIE : LE STATUT CONSTITUTIONNEL DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

10

CHAPITRE I : LE CONCEPT DE « COLLECTIVITE TERRITORIALE »

13

I. La nature juridique de la collectivité territoriale 14

A. La personne morale de droit public 15

B. L’autonomie financière 17

II. Les éléments fondamentaux d’identification 18

A. Le nom 18

B. Le territoire 20

C. La population 21

III. Les catégories des collectivités territoriales 22

A. Les communes 22

B. Les préfectures et les provinces 24

C. Les régions 25

IV. Les relations entre les collectivités territoriales 27

A. L’interdiction de la tutelle d’une collectivité sur une autre 27

B. La coopération entre les collectivités territoriales 29

CHAPITRE II : LA LIBRE ADMINISTRATION DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

32

I. La portée du principe de libre administration 33

A. La libre administration comme principe d'organisation administrative

33

B. La libre administration comme liberté fondamentale 35

II. Les implications du principe de libre administration 38

A. L’élection des conseils délibérants 38

B. L’élection des organes exécutifs 41

III. Les limites du principe de libre administration 43

A. Les limites d’ordre textuel 44

B. Les limites d’ordre jurisprudentiel 45

C. Les limites d’ordre pratique 46

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125

CHAPITRE III : LA SUBSIDIARITE ET LES COMPETENCES DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

48

I. Le principe de subsidiarité 49

A. Le contexte d’apparition du principe 49

B. La constitutionnalisation de la subsidiarité 50

C. La portée du principe de subsidiarité 51

II. Les compétences des collectivités territoriales 53

A. Le cadre général 53

B. Les domaines d’attribution des collectivités territoriales 58

DEUXIEME PARTIE : LE CONTROLE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

63

CHAPITRE I : LA TUTELLE ET LE CONTROLE ADMINISTRATIF

65

I. La tutelle administrative 66

A. La tutelle sur les personnes 67

B. La tutelle sur les actes 68

C. Le contrôle budgétaire 70

D. Le contrôle de la gestion par les corps d’inspection 72

II. Le contrôle administratif 75

A. La nature du contrôle administratif 76

B. Le champ d’application du contrôle administratif 77

C. La saisine du tribunal administratif 78

CHAPITRE II : LE CONTRÔLE JURIDICTIONNEL 81

I. Le contrôle exercé par les juridictions administratives 81

A. La saisine du juge administratif 84

B. Le champ d’application du contrôle de légalité 84

C. Les éléments du contrôle de légalité 85

II. Le contrôle exercé par les juridictions financières 86

A. La vérification et jugement des comptes et la gestion de fait

86

B. La discipline budgétaire et financière 89

C. Le contrôle des actes relatifs à l’exécution du budget 91

D. Le contrôle de la gestion 91

CHAPITRE III : LE CONTROLE POLITIQUE ET DE BONNE GOUVERNANCE

93

I. Le contrôle exercé par les acteurs politiques 93

A. Le contrôle exercé par les conseils délibérants 93

B. Le contrôle exercé par le citoyen 95

C. Le contrôle exercé par le Parlement 99

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II. Le contrôle exercé par les instances de la bonne gouvernance

100

A. Le Conseil national des droits de l’Homme 100

B. L’Instance centrale de prévention de la corruption 102

C. L’Institution du Médiateur 103

D. Le Conseil de la concurrence 105

CONCLUSION GENERALE 107

ANNEXES 112

BIBLIOGRAPHIE 119

TABLE DES MATIERES 124