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BULLETIN SEMESTRIEL GRATUIT NUMÉRO 6 — SEPTEMBRE 2007 — tirage 5 000 exemplaires Page 1 MAX JACOB : LE FILM ! Cette année, 90 e anniversaire de la parution du Cornet à dés, nous réserve des moments jacobiens passionnants ! En septembre, nous vous invitons aux avant-premières excep- tionnelles du téléfilm Monsieur Max 1 avant sa diffusion le 14 septembre à 20h40 sur ARTE. En octobre, paraîtront Les Cahiers Max Jacob. Vous y lirez un dossier consacré aux rapports du poète avec l'Espagne comportant, entre autres, deux inédits : la conférence qu'il prononça à Madrid en 1926 et son carnet de voyage riche en anecdotes pittoresques, ponctué de ses remarques de peintre visitant Le Prado et vous surprendrez Jacob à « usurper » une béné- diction épiscopale à Lourdes ! Rencontrons-nous lors de la Fête des Associations au Campo Santo d’Orléans le 9 septembre (stand A01) puis au Salon des Revues à Paris du 19 au 21 octobre ! Les Cahiers Max Jacob y organisent, anniversaire oblige, une table-ronde volontairement polémique sur l’actualité du Cornet à dés. Pendant ce même Salon, vous pourrez égale- ment applaudir la générosité de l'éditeur José Millias-Martin, à l'occasion de sa donation à l'Association de l'édition de 1922 de cet ouvrage fondamental de l'œuvre jacobienne ! Plus que jamais l'AMJ est au cœur d'une actualité féconde qui par sa variété démontre la modernité et la place de l'œu- vre jacobienne dans tous les domaines artistiques. La télévision nous réservera cette année la plus grande surprise. Si nous connaissons plusieurs documentaires concernant la vie et l'œuvre de Jacob 2 , Monsieur Max est la première fiction consacrée au poète. Son titre évoque probablement l'injonction du poète faite à ses correspondants, pendant l'Occupation, de ne plus inscrire le nom Jacob sur les enveloppes, celui-ci « étant suspect ». Ce titre souligne aussi l'attachement de Dan Franck, son auteur, pour le poète. Il faut tout d'abord saluer l'émouvante composition de Jean-Claude Brialy dont ce fut l'un des derniers grands rôles à l'écran. Au Festival du Film de Rome, un prix d'inter- prétation lui a été attribué à titre posthume. Sans fard, J.-C. Brialy a usé de distance et de tendresse pour capter la personnalité profonde du personnage. D'une grande sobriété, il interprète avec une simplicité bouleversante le poème emblématique de l'œuvre jacobienne, L'Amour du prochain, laissant le texte filer dans toute sa clarté lumineuse. Autour de lui, Gabriel Aghion, le réalisateur, a rassemblé une distribution d'exception (cf. p. 8). Dan Franck a déjà évoqué Max Jacob dans ses livres 3 . Pour Monsieur Max, sa liberté d'auteur l'a amené à reconstruire la biographie du poète afin d'intensifier le ressort dramatique propre à la fiction. L'écriture cinématographique possède une rhétorique qui oblige certainement à des recompositions narratives. Les débats passionnants et passionnés (!) ne manqueront donc pas sur les rapports réalité/fiction, vérité historique/interprétation, anachronisme/« vérité fiction- nelle », recherche scientifique/vulgarisation. C'est le sort des œuvres (et surtout des grandes œuvres) que d'être saisies par d’autres artistes avec le risque toujours présent d'un prisme incomplet ou trop singulier. L'interpolation de Dan Franck n'échappe pas à cette règle. Lettres et Mots se fera l'écho des réactions des téléspectateurs dans son prochain numéro ! Mais, Monsieur Max est une fiction émou- vante et de qualité que la disparition récente de J.-C. Brialy rend évidemment bouleversante. Cependant, l'émotion n'oblitère pas le regard critique ! Les différentes libertés fictionnelles ne nuisent certes pas, à la qualité de l'évocation du poète mais on pourra regretter que Dan Franck ait été à plusieurs reprises en deçà de la réalité, la vie du poète ayant été parfois bien supérieure à la fiction. Ainsi, par exemple, Max Jacob est montré cousant son étoile jaune au revers de sa veste puis, plus tard, violemment interpellé par un policier qui lui ordonne de mieux la recoudre. Or Jacob ne portait pas son étoile de la façon dont la loi l'y obligeait : elle était seulement apposée non détourée au-dessus de sa légion d'honneur. L'évocation de la réalité aurait suffi pour montrer que Jacob enfreignait la loi par un acte de désobéis- sance civile dont il ne pouvait ignorer les effets. Il est certain que Monsieur Max conduira à Max Jacob de nouveaux lecteurs qui, n'en doutons pas, deviendront de futurs Amis auxquels l'AMJ apportera toutes les informations littéraires pour entrer dans la complexité de cette œuvre immense et saisir la personnalité de son auteur toute aussi complexe ! Mais, en des temps où on aimerait considérer toute commémoration comme une repentance inutile, alors qu'il s'agit d'un lien fondamental à l'Histoire, la volonté persévérante de Dan Franck, de Gabriel Aghion, de Jean- Claude Brialy — comme de Daniel Leconte, de Jérôme Clément, les producteurs — à réaliser de tels films est à saluer. Dans Monsieur Max Dan Franck a présenté la figure du poète que la solitude et la vie en marge des sentiers battus ont profondément ému. Il a construit son récit à partir d'un fait réel : l'abandon en 1907 par le couple Picasso-Olivier d'une petite Raymonde (Alice dans le film) que Jacob dut ramener à l'orphelinat 4 . Filant la métaphore poétique de l'abandon, l'auteur imagine qu'Alice, adulte, sera la seule à œuvrer pour sauver Jacob quand il sera arrêté le 24 février 1944. © Frédéric Gaillard - Film en Stock

MAX JACOB : LE FILMde Jean-Claude Brialy dont ce fut l'un des derniers grands rôles à l'écran. Au Festival du Film de Rome, un prix d'inter-prétation lui a été attribué à titre

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Page 1: MAX JACOB : LE FILMde Jean-Claude Brialy dont ce fut l'un des derniers grands rôles à l'écran. Au Festival du Film de Rome, un prix d'inter-prétation lui a été attribué à titre

BULLETIN SEMESTRIEL GRATUIT NUMÉRO 6 — SEPTEMBRE 2007 — tirage 5 000 exemplaires Page 1

MAX JACOB : LE FILM !

Cette année, 90e anniversaire de la parution du Cornet àdés, nous réserve des moments jacobiens passionnants ! Enseptembre, nous vous invitons aux avant-premières excep-tionnelles du téléfilm Monsieur Max1 avant sa diffusion le14 septembre à 20h40 sur ARTE. En octobre, paraîtrontLes Cahiers Max Jacob. Vous y lirez un dossier consacréaux rapports du poète avec l'Espagne comportant, entreautres, deux inédits : la conférence qu'il prononça à Madriden 1926 et son carnet de voyage riche en anecdotespittoresques, ponctué de ses remarques de peintre visitantLe Prado et vous surprendrez Jacob à « usurper » une béné-diction épiscopale à Lourdes !

Rencontrons-nous lors de la Fête des Associations auCampo Santo d’Orléans le 9 septembre (stand A01)puis au Salon des Revues à Paris du 19 au 21 octobre !Les Cahiers Max Jacob y organisent, anniversaire oblige,une table-ronde volontairement polémique sur l’actualité duCornet à dés. Pendant ce même Salon, vous pourrez égale-ment applaudir la générosité de l'éditeur José Millias-Martin,à l'occasion de sa donation à l'Association de l'édition de1922 de cet ouvrage fondamental de l'œuvre jacobienne !

Plus que jamais l'AMJ est au cœur d'une actualité fécondequi par sa variété démontre la modernité et la place de l'œu-vre jacobienne dans tous les domaines artistiques.

La télévision nous réservera cette année la plus grandesurprise.

Si nous connaissons plusieurs documentaires concernant lavie et l'œuvre de Jacob2, Monsieur Max est la premièrefiction consacrée au poète. Son titre évoque probablementl'injonction du poète faite à ses correspondants, pendantl'Occupation, de ne plus inscrire le nom Jacob sur lesenveloppes, celui-ci « étant suspect ». Ce titre souligneaussi l'attachement de Dan Franck, son auteur, pour lepoète. Il faut tout d'abord saluer l'émouvante compositionde Jean-Claude Brialy dont ce fut l'un des derniers grandsrôles à l'écran. Au Festival du Film de Rome, un prix d'inter-prétation lui a été attribué à titre posthume. Sans fard, J.-C.Brialy a usé de distance et de tendresse pour capter lapersonnalité profonde du personnage. D'une grandesobriété, il interprète avec une simplicité bouleversante lepoème emblématique de l'œuvre jacobienne, L'Amour duprochain, laissant le texte filer dans toute sa clartélumineuse. Autour de lui, Gabriel Aghion, le réalisateur, arassemblé une distribution d'exception (cf. p. 8).

Dan Franck a déjà évoqué Max Jacob dans ses livres3. PourMonsieur Max, sa liberté d'auteur l'a amené à reconstruire labiographie du poète afin d'intensifier le ressort dramatiquepropre à la fiction. L'écriture cinématographique possèdeune rhétorique qui oblige certainement à des recompositionsnarratives. Les débats passionnants et passionnés (!) nemanqueront donc pas sur les rapports réalité/fiction, véritéhistorique/interprétation, anachronisme/« vérité fiction-nelle », recherche scientifique/vulgarisation. C'est le sortdes œuvres (et surtout des grandes œuvres) que d'êtresaisies par d’autres artistes avec le risque toujours présentd'un prisme incomplet ou trop singulier. L'interpolation deDan Franck n'échappe pas à cette règle. Lettres et Mots se

fera l'écho des réactions des téléspectateurs dans sonprochain numéro ! Mais, Monsieur Max est une fiction émou-vante et de qualité que la disparition récente de J.-C. Brialyrend évidemment bouleversante. Cependant, l'émotionn'oblitère pas le regard critique ! Les différentes libertésfictionnelles ne nuisent certes pas, à la qualité de l'évocationdu poète mais on pourra regretter que Dan Franck ait été àplusieurs reprises en deçà de la réalité, la vie du poète ayantété parfois bien supérieure à la fiction. Ainsi, par exemple,Max Jacob est montré cousant son étoile jaune au revers desa veste puis, plus tard, violemment interpellé par unpolicier qui lui ordonne de mieux la recoudre. Or Jacob neportait pas son étoile de la façon dont la loi l'y obligeait : elleétait seulement apposée non détourée au-dessus de salégion d'honneur. L'évocation de la réalité aurait suffi pourmontrer que Jacob enfreignait la loi par un acte de désobéis-sance civile dont il ne pouvait ignorer les effets.

Il est certain que Monsieur Max conduira à Max Jacob denouveaux lecteurs qui, n'en doutons pas, deviendront defuturs Amis auxquels l'AMJ apportera toutes les informationslittéraires pour entrer dans la complexité de cette œuvreimmense et saisir la personnalité de son auteur toute aussicomplexe ! Mais, en des temps où on aimerait considérertoute commémoration comme une repentance inutile, alorsqu'il s'agit d'un lien fondamental à l'Histoire, la volontépersévérante de Dan Franck, de Gabriel Aghion, de Jean-Claude Brialy — comme de Daniel Leconte, de JérômeClément, les producteurs — à réaliser de tels films est àsaluer.

Dans Monsieur Max Dan Franck a présenté la figure du poèteque la solitude et la vie en marge des sentiers battus ontprofondément ému. Il a construit son récit à partir d'un faitréel : l'abandon en 1907 par le couple Picasso-Olivier d'unepetite Raymonde (Alice dans le film) que Jacob dut ramenerà l'orphelinat4. Filant la métaphore poétique de l'abandon,l'auteur imagine qu'Alice, adulte, sera la seule à œuvrer poursauver Jacob quand il sera arrêté le 24 février 1944.

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Page 2: MAX JACOB : LE FILMde Jean-Claude Brialy dont ce fut l'un des derniers grands rôles à l'écran. Au Festival du Film de Rome, un prix d'inter-prétation lui a été attribué à titre

On sait que la réalité est tout autre etl'on renvoie le lecteur à la bibliographiesélective ci-après et à notre site(www.max-jacob.com) qui présenteavec exactitude le calendrier fatidiquede l'arrestation tragique et les effortsconjugués pour tenter de le sauver. ÀSt-Benoît, à Orléans, à Montargis, tousles amis se mobilisèrent immédiate-ment. À Paris, André Salmon, l'ami detoujours, au cours d'une réunion d'ur-gence, distribua les rôles : la voie diplo-matique pour Cocteau, la Gestapo pourGuitry, le Haut CommandementMilitaire pour Moricand. Georges Prade— Conseiller Général — fut l'inter-cesseur auprès de l'Ambassaded'Allemagne et remit la lettre queCocteau avait rédigée à Von Bose,attaché culturel. Cette missive futprécédée d'une note personnelle dePrade associant immédiatement Guitryà la démarche5. Le 6 mars, Von Bosetransmettait la lettre6 à son supérieurhiérarchique le conseiller Klingenfuss« pour raison de compétence ». MaxJacob était mort la veille.

Les Allemands savaient-ils qu'il étaitdéjà mort ? La requête suivit-elle soncours ? Un ordre de libération fut-ilporté à Drancy ? À ce jour il est impos-sible d'affirmer que Jacob aurait étéeffectivement libéré s’il avait été encoreen vie. En effet, malgré les recherchesauprès des administrations et archivesconcernées, il n'a été retrouvé aucundocument l'attestant.

La lettre de Cocteau apparaît donc, etsous réserve de la découverte d'undocument formel, comme le début de laprocédure de recevabilité de la libéra-tion hypothétique de Max Jacob.

La réponse d'Albert Buesche, critiqueau Pariser Zeitung, qui assurait à RogerToulouse que « [son] ami a[vait]bonnes chances »7, celle de la Gestapoqui réussit à convaincre Prade que lepoète bénéficierait d'un « régime defaveur [et serait placé] non pas dans lecamp mais en dehors dans une villa »abusèrent les consciences. Aucun deceux qui œuvrèrent dans cette chaîned'espérance de la libération ne pouvaitconcevoir que pour un Klingenfuss,coupable de la mort de milliers de juifsen Europe centrale, ou pour un Brunner,chef de Drancy, coupable de la déporta-tion de milliers d'autres, la vie de ce juifne « valait » rien, n'étant pas mêmeconsidéré comme un homme (unter-mensch).

Il est donc probable que la procédureadministrative ne fut pas menéejusqu'à son terme et qu'elle ne déclen-cha dans l'administration allemande

aucun empressement particulier.

Cocteau, Guitry, Picasso pouvaient-ilsfaire plus ou mieux ? Dan Franck en estcertain. Aussi, le film charge-t-il lesillustres compagnons de route dupoète. C’est pourquoi L'AMJ qui n'a pasété associée à son élaboration mais quiput voir l’œuvre une fois terminée enprojection privée a demandé et obtenuque le carton : « Cocteau écrivit unelettre à l'ambassade d'Allemagne.Sacha Guitry fut reçu par la Gestapo.Max Jacob était déjà mort » soit inséréau générique de fin pour restituer l'ex-actitude des démarches entreprises.

Jacob a envoyé de brefs et poignantsS.O.S. : il voulait être sauvé. Il postades missives grâce à « la complaisancedes gendarmes ». Mais, en franchissantles barbelés de Drancy, quel enferdécouvrit celui qui était réduit à l'hor-reur du matricule 15 872 ? Quellesfigures du Mal anéantissant touteparole, a t-il vues à la remise de l'éti-quette verte signifiant le départ versPitchipoï, le lointain, où son frère et sasœur avaient déjà été tués ? Lui à qui lamort faisait si peur « la vraie peur »celle dont parle Bernanos « que rienn'égale son élan, rien ne peut soutenirson choc », a t-il pu désirer la mortcomme la seule espérance ?

Max Jacob a t-il été abandonné ?Non ! Sut-il que ses amis tentaientde le sauver ? Probablement non.Pouvait-il l'espérer ? Oui car il ne

pouvait douter d'aucun d'eux. Maisil mourut seul, au cœur de la solitudeabsolue. À l’heure de l'abandon ultime,Jacob fit face dans la vérité de sa foi,cette « passion à qui il donna toute savie ». Si la thèse de l'abandon peutdonc être repoussée, Dan Franck anéanmoins spirituellement raison :Jacob fut un être très entouré mais trèsseul. À ce titre, la scène où un prêtre,horrifié par les confessions de Jacob seretire abandonnant le pénitent est unmoment poignant du film. En ayantréussi à capter ce visage intime dupoète, Franck a donné une visionpersonnelle de Jacob et soulève par sonévocation une réflexion plus généralesur la condition d'artiste. Pour cetteraison Monsieur Max touchera le publiccar : « il veut ce cri propre de tesentrailles. Il s'agit d'émotion (…) cellequi vient (…) de la rencontre enfin ! deton humanité à toi »8. Franck a voulu« faire comprendre [car] c'est faireaimer »9. Il a raison ; ainsi que le disaitMaurice Druon : « on peut rouvrir LeCornet à dés » et c'est d'actualité, salecture tout comme la figure de MaxJacob résistent encore aujourd'hui.

Patricia Sustrac, Présidente de

l'Association des Amis de Max Jacob

__________

1. Monsieur Max, réal. Gabriel Aghion, scénarioDan Franck, Film en Stock (DanielLeconte)/ARTE France, S.F.P. avec la participa-tion de France 3-C.N.C- ANGOA-PROCIREP et lesoutien de la région Île-de-France.2. Cahiers Max Jacob n°7 P. Sustrac « Vous allezdonc au cinématographe ? » pp. 124-128 3. Cf. Bohèmes, éd. Calmann-Lévy, 1984 et Lesannées Montmartre, éd. Mengès, 2006.4. Max Jacob-Picasso, éd. R.M.N., H. Seckel etA. Cariou, 1994, pp. 60 et 61. 5. Prade avait interdit à Picasso de se joindre àeux « jugeant que sa caution morale n'ap-porterait rien, d'autant qu'il venait d'êtreinquiété » Figaro, 19 mars 1982.6. La lettre est signée : 6. 3. B.7. Lettre du 4 mars 1944 à R. Toulouse.8. Lettre à Marcel Béalu du 13 avril 1937.9. Le Cornet à dés, éd. Gallimard, 2003, p. 20.

« Il n'y avait de beauté que son extraordinaire regard. » Charles-Albert Cingria

BULLETIN SEMESTRIEL GRATUIT NUMÉRO 6 — SEPTEMBRE 2007 — tirage 5 000 exemplaires Page 2

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BIBLIOGRAPHIE

www.max-jacob.com, rubrique “arresta-tion”MAX JACOB, B. Mousli, éd. Flammarion,2006ARRESTATION ET MORT DE MAX JACOB,L. Lachgar, éd. de la Différence, 2004MAX JACOB À DRANCY OU L'ULTIMEVISION DU POÈTE, P. Favre, Europe, août-sept. 1994L'AMITIÉ-LETTRES À CHARLES GOLD-BLAT, présentation d'A. Roumieux, éd.Castor Astral, 1994.

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LES COLLOQUES

SOCIÉTÉ DES ÉTUDES CAMUSIENNESCÉLÉBRATIONS DU

50e ANNIVERSAIRE DU PRIX NOBEL

Max Jacob fut l’un des premiers lecteursde Camus. Jean Grenier lui adressa lespremiers essais de jeunesse parus dansSUD. Jacob dressa l’horoscope de cette« âme compatissante qui s'attirera dessympathies » qui contenait cette phraseprémonitoire : « je ne sais ce qui [me] faitdire que vous mourrez de mort tragique. »

ACTUALITÉ DE CAMUSORLÉANS

SAMEDI 17 NOVEMBRE 16 hMÉDIATHÈQUEPlace Gambetta

avec J.-Y. Guérin et S. Boulouque,modérateur : G. Basset

* * * * *

ACTUALITÉ DE CAMUSPARIS

VENDREDI 7 DÉCEMBRE13 h 30 - 18 h

MAIRIE DE PARIS réservation obligatoire [email protected]

avec J. Daniel, O. Todd, C. Juliet

informations sur les colloques internationaux de Barcelone et Tunis

[email protected]

* * * * *

SOCIÉTÉ D'ÉTUDES J.-R. BLOCH60e ANNIVERSAIRE

DE LA MORT DE J.-R. BLOCHVENDREDI 23 NOVEMBRE

E.N.S.45 Rue d’Ulm, 75005 PARIS

LES INTELLECTUELS ET LE COMMUNISME EN 1947, ENTRE

GUERRE ET GUERRE FROIDEDirection Sophie Cœuré et Nicole Racine

La journée d'étude se propose d'interrogerla place des intellectuels communistesdans la période 1944-1947, et la recom-position du paysage intellectuel à laLibération.

* * * * *

L'AMJ entretient des liens naturels avec laSociété d'Études J.R. Bloch, cousin dupoète, aux destins si différents mais ilseurent cependant des liens intellectuelsimportants dont témoigne leur correspon-dance (cf. Europe, 1984).

* * * * *

MONSIEUR MAX

LES AVANT - PREMIÈRES

* * * * *

SAMEDI 1er SEPTEMBRE18 heures

STUDIO DU CHAPEAU ROUGE

QUIMPER

En présence de Gabriel AGHIONRéservez au 02 98 98 89 00

* * * * *

SAMEDI 8 SEPTEMBRE20 h 30

SALLE DES FÊTESRue Max Jacob

ST-BENOÎT-SUR-LOIRE

En présence de J.-C. DREYFUSEntrée libre dans la limite des places

disponibles

* * * * *

MERCREDI 12 SEPTEMBRE 18 h 15

MUSÉE DES BEAUX ARTS

ORLÉANS

En présence de Dominique BLANCentrée libre dans la limite des places

disponibles

* * * * *

CONSULTEZ LE DOSSIERCOMPLET DU FILM

www.max-jacob.com

* * * * *

L'AMJ remercie chaleureusement lesproducteurs Daniel Leconte et JérômeClément, pour leur généreuse autori-sation, Élodie Polo et Chloé, chargéedes relations publiques et assistanteprès de Daniel Leconte, AuréliaCapoulun, chargée des relations avecla presse auprès d’Arte ; les co-organ-isateurs pour leur aide technique etmatérielle : les villes de Quimper et StBenoît ; Le Chapeau Rouge, Le StudioSafran, l'OTI Val d'Or Forêt et leMusée des Beaux-Arts d'Orléans ainsique tous les médiateurs culturels quiont mobilisé leur réseau pour assurerle succès de ces événements.

* * * * *

« Il n'y avait de beauté que son extraordinaire regard. » Charles-Albert Cingria

BULLETIN SEMESTRIEL GRATUIT NUMÉRO 6 — SEPTEMBRE 2007 — tirage 5 000 exemplaires Page 3

ARCHIVES ET BIBLIOTHÈQUEDE L'AMJ

Max Jacob a une histoire, son associationégalement. Or nos archives sont encore troplacunaires. Lors de notre AG du 4 mars 2007nous avons modifié nos statuts afin depouvoir recevoir les versements de vosarchives. NOUS LANÇONS UN APPEL :une lettre, un carton d'invitation, uneconvocation fournissent des élémentsessentiels pour reconstituer notre histoire etrendre hommage à ceux qui ont œuvrédepuis 1949 à la meilleure connaissance del'œuvre et de la vie du poète. Nous recevonségalement tous les dossiers de recherchebio-bibliographiques jacobiens et copie detous vos travaux concernant l'œuvre dupoète. Ces documents sont mis à la disposi-tion des chercheurs et contribuent à écrirel'histoire posthume du poète. N’hésitez pasà nous contacter et à vider vos armoires !

* * * * *VERSEMENTS

Hélène Henry continue de puiser dans savaste documentation. Pascale Honnegger aremis une copie des dédicaces du poète aucompositeur. José Millias-Martin, éditeur, aremis l'ex. de l'édition originale n°42 dePour en revenir à Max Jacob (gravure origi-nale de R. Toulouse, 1969, relié pleine toilesur papier Vergé) et de Max Jacob au quoti-dien d'André Peyre (1976). Que tous soientremerciés chaleureusement de leur grandegénérosité.

* * * * *VENTES

L'AMJ diffuse par courrier électronique desinformations concernant les ventes aux

enchères. Sivous nefaites pasencore partiede la liste ded i f f u s i o n ,n'hésitez pasà nousc o m m u n i -quer votre@. L'AMJ estun intermé-d i a i r egracieux etse fera unplaisir demettre encontact les

honorables acheteurs avec les honorablesvendeurs et vice versa.Vente de l'édition VISIONS DES SOUF-FRANCES ET DE LA MORT DE JÉSUS FILSDE DIEU (1928). Illustration de 40 dessins deM. Jacob et d'un auto-portrait éd. Aux Quatrechemins, coll. Maurice Sachs. Etat correctepour ce livre poignant.

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BULLETIN SEMESTRIEL GRATUIT NUMÉRO 6 — SEPTEMBRE 2007 — tirage 5 000 exemplaires Page 4

« Il n'y avait de beauté que son extraordinaire regard. » Charles-Albert Cingria

LES CAHIERS MAX JACOB N°7

(éd. A.M.J. /PressesUniversitaires de Pau)

Les Cahiers présentent undossier consacré aux

rapports de Jacob avecl'Espagne. Celle du séjour àCéret en 1913 avec le couplePicasso/Éva Gouel où Jacob

s'essaie aux peinturescubistes et celle de 1926

lorsque le poète est invité àprononcer une conférence à

Madrid. Les manuscritsinédits de son Carnet de

voyage et de sa conférenceVrai sens de la religion

catholique contribuent àdresser le panorama desrapports esthétiques et

poétiques que Jacob entre-tient avec le pays dePicasso. Les Cahiers

participeront au 17e Salondes Revues où nous

célèbrerons le 90e anniver-saire de la parution du

CORNET À DÉS.

17e SALON DES REVUES48 rue Vieille du Temple

75004 ParisLes 19-20-21 octobre

10 h à 19 hnocturne le 19 de 21 h à 23 h

* * *

90e ANNIVERSAIRE DUCORNET À DÉS

SALON DES REVUESSamedi 20 octobre

14 h 30 - 15 h 30 TABLE - RONDE

Le CORNET À DÉS résiste-t-il encore à la lecture

aujourd'hui ?Modérateur : A. Rodriguez

15 h 45RÉCEPTION DE LA

DONATION DE M. J. MILLIAS-MARTIN

DE L'ÉDITION DUCORNET À DÉS (1922)

suivie d'un verre de l’amitié* * *

Afin de minorer les fraispostaux : adhérents,

abonnés et futurs abonnésdes Cahiers sont vivementinvités à retirer leur exem-plaire au Salon où ils sont

attendus très nombreuxpour la célébration de

l'anniversaire du CORNET À DÉS.

PRIX MAX JACOBEn 2007, grâce à une dotation spéciale du Centre National du Livre et de la Fondation Florence Gould, mécène etcréatrice du prix depuis 1951, le jury du prix Max Jacob présidé par Jean Orizet a pu distinguer l'œuvre de troispoètes. Nous avons présenté Marie Huot (cf. L&M n°5) , voici les deux autres lauréats.

Danièle CorreÉNIGME DU SOL ET DU CORPS éd. Aspect.Titre énigmatique : osmose entre l'être et la terre ou bien jeu de miroir entremémoire et écritire ? À coup sûr l'écriture guide sur un chemin que bordentdes ronciers. « Nous avons traversé les phrases froides » dit D. Corre pour nousencourager à la suivre « hors de nous-mêmes ». Au détour d'un vers et puis d'unautre, d'une image, d'un mot, nous nous découvrirons, nous nous retrou-verons. La voix du poète se fait aussi discrète que pénétrante. ÉNIGME DUSOL ET DU CORPS, certes, mais aussi énigme de l'écriture, mieux encore, del'acte d'écrire qu'elle décline en une problématique subtile tissée fil à fil dansla trame du poème. Les mots, tantôt demeurent « poussières » ou bien « cail-lots », tantôt choisis en urgence pour « colmater les brèches » ; « douleur du mot» bien au-delà des « phrases vaines ». Lequel paraîtra tout à l'heure ou plus tard« aux jeux du cirque » ? On peut penser alors à un autre poète de la nébuleuseJacob, à R.-G. Cadou écrivant en son temps, en des moments de doute : « dansle cirque des mots j'ai trop fait de voltiges ». Au final, le poème est là pour voir « les hâtives séquences /desinstants épargnés ». Ce dernier poème du recueil révèle que ces moments fugaces retrouvés et fixés parl'écriture ressemblent à des instants d'éternité. C'est pourquoi - rêvons un peu nous aussi- D. Corre auraitfort bien pu, elle aussi, participer à l'aventure des poètes de l'École de Rochefort dont Jacob suivit leparcours avec tendresse. Aussi ce prix récompense-t-il fort justement un talent simple et vrai, une poésiede grand air qui nous laisse, la dernière page tournée, dans une paix profonde.

Alain Germain

PRIX MAX JACOB ÉTRANGER

Vasco Graça MouraUNE LETTRE EN HIVER ET AUTRES POÈMES (1963-2005), éd. de laDifférence, trad. J. Vidal.

Un désir de salut jusqu'au dernier momentLa poésie est faite de tout petits riens et de tout petits tout. Vasca GarçaMoura, poète portugais, né en 1942, vérifie s'il en était besoin cet adage.Personnages du passé et du présent, pensées furtives, lieux visités et mêmeoeuvres d'art se côtoient dans son oeuvre dans une familiarité due au regarddu poète sur les choses, sur les rencontres, sur la vie. « Moi je transforme touten littérature » fait-il ainsi dire à une écrivaine américaine au cœur des odeursd'une nuit d'été. Dans ce florilège, c'est à une odyssée sans fin que nousconvie le poète, celle dans laquelle « j'apprends la leçon de la terre et lui donne lamienne ». Et cette découverte du Nouveau monde est aussi, pour ce députéeuropéen, la découverte de l'Ancien monde. Elle ne l'est pas au sens d'unpèlerinage mais plutôt, dans une mélancolie ironique, mise au service de lamémoire, appel espéré plus que désespéré à ce cortège de tous ceux qui l'ontprécédé : le poète ou l'écrivain qui est toujours privilégié, mais aussi le pein-

tre, ou l'anonyme Homme au Verre du Louvre dont il n'existe même pas une carte postale ou même l'om-bre du chat, le chien du rêve ou le chien insouciant de Pompéi « étranger au luxe, à la corruption ». Ainsipétri de culture, Moura ne saurait s'en défaire et ses poèmes sont farcis — comme un plat cuisiné — deréférences explicites ou implicites très variées à l'histoire, la poésie, la peinture. Moura entretient unrapport privilégié à la peinture, d'abord italienne : elle est la réalité travaillée, qui reste énigmatique etdont il faut percer le secret, mais surtout elle se donne à voir, avec le nom de son créateur. Car les oeuvrescitées ne sont jamais anonymes : œuvres antiques comme modernes qui construisent un panthéon sansfin. Car à quoi sert d'écrire dans l'histoire, celle qui nous rattrape comme celle qu'on oublie, rencontresmanquées dans lesquelles la femme occupe sa place. « Un jour je me suis demandé comment mettre le mondedans un poème, je ne connais pas la réponse et j'ignore au bout de très longues années si quelqu'un la connaît »pourrait être le manifeste autant que la raison d'être ou d'écrire de Moura. Celle qui l'habite depuis sonpremier recueil publié en 1963. Tout florilège cueille autant qu'il rassemble, à la fois pour ouvrir à unenouvelle vie et pour faire regretter que tous ses recueils de poésie ne soient pas encore accessibles. Mais« l'espoir persiste néanmoins jusqu'au bout, et c'est pour cela que nous vivons et que la vie encore affleure ». Ledésarroi parfois perceptible trouve remède dans la résignation et la fuite en avant qui est une forme deconfiance. Alors prend sens le cri de la chanson autobiographique de 1984 « chanson, chansons que tu nefinirais jamais de t'écrire, va-et-vient de tant de choses » ! « Les oiseaux migrent / calmement, je demeure ici / veil-lant l'eau lisse qui a vu passer leurs vols / et sur laquelle tu auras à te pencher» C'est pourquoi on n'en finit jamaisavec la poésie, quelle que soit sa nationalité d'origine et on aurait tort de ne voir dans la poésie de Mouraque des « balivernes apparemment très intellectuelles », de celles, dit le poète, « que la France est toujours prêteà exporter et qu'elle n'exporte jamais assez », même si le Prix Max Jacob est venu saluer son œuvre.

Guy Basset

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MAX JACOB, PORTRAITS D'ARTISTES :

LE CATALOGUE

En 2004, Orléans et Quimper présentaienten leur musée des beaux-arts la très belleexposition éponyme qui venait souligneravec éclat les différentes manifestationsorganisées pour le 60e anniversaire de lamort du poète.

André Cariou et Isabelle Klinka,Conservateurs et Commissaires de l'expo-sition ont accompagné le parcours muséo-graphique d'un très beau catalogue. À lafois chronologique et thématique, ilprésente les richesses des fonds artistiqueset documentaires existants augmentés desnombreux prêts obtenus pour l'occasion,permettant d'appréhender ainsi lesdifférentes représentations de l'artiste.Outil précieux pour tous ceux qui s'in-téressent à la vie du poète, ce cataloguevous deviendra vite indispensable !

Pour fêter le 90e anniversaire du CORNETS À DÉS, le catalogue est

proposé par les éditions SOMOGY au prix de 19 € (port compris)

au lieu de 30 €.

Règlement par chèque, coordonnées obligatoires,

à SOMOGY M. Thierry Massip

57 rue de la Roquette 75011 - Paris

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« Il n'y avait de beauté que son extraordinaire regard. » Charles-Albert Cingria

HOMMAGE À MGR JEAN-MARIE LUSTIGER

Mgr Lustiger avait célébré la messe solen-nelle du 50e anniversaire de la mort de MaxJacob. En ce 5 mars 1994, l'office commençait,on n’attendait plus que lui. « Il doit s'êtreperdu ! » — « Mais non ! les routes du Loiret luisont familières ! » alors a déboulé une 2 CV etil est sorti en souriant : « j'ai lu du Max Jacobtoute la nuit ! ». Un homme d'exception, arti-san d'un dialogue fécond entre les religionsvient de nous quitter, l'AMJ s'associe audeuil de tous ceux qui le pleurent. Grâce aufrère Louis Marie nous publions des extraitsde l’homélie « improvisée » qu’il prononçaen ce 3e dimanche du carème (texte completsur notre site).

« Frères et soeurs,

Max Jacob eût été le premier étonné de cerassemblement. Dans ses méditations, il a unjour souhaité pouvoir imaginer ce qui sepasserait dans l'avenir et était bien loin d'en-trevoir que nous serions tous ainsi présentsaujourd'hui pour nous souvenir de lui, alorsque nous n'avons encore guère déchiffré sonsecret.

Depuis vingt-quatre heures, j'ai relu lesvolumes de Max dont certains gardent traced'une lecture ancienne, et je pensais laisser àlui seul la parole,mais je vois quecela ne convientpas. Je cite cepen-dant deux poèmes :Le tambour de villeet Il a été perdu unebelle âme à l'état deneuf, la rapporter àDieu son propriétaire ; et, comme en pendant,l'aveu bien étrange de ce pénitent : "la rivièrede ma vie est devenue un lac ; ce qui s'y reflèten'est plus que l'amour, amour de Dieu, amour enDieu". Oui, sa vie demeure une énigme, toutautant que sa mort. Énigme parce qu’on n'avu en lui qu'une sorte de saltimbanque degénie et cependant poète infiniment aimé detous ceux qui ont su deviner son secret, oudu moins l'entr'apercevoir.

Or, il s'est éteint comme une flamme sautil-lante, alors que ses familiers sont devenusces géants qui livrent à notre époque l'artcontemporain et l'aventure esthétique de cesiècle finissant. On a peu souligné, en effet,dans l'épisode de son baptême au début dusiècle, conté par lui avec la verve qui lui étaitconstante, que Picasso avait été son parrain.Ils étaient ensemble à Montmartre, où seretrouvaient beaucoup de ceux quimarquèrent notre temps. Picasso et Jacobsont ainsi liés dans leur aventure initiale ;vous vous souvenez sans doute du cousinexplorateur qui rapporta des imagesd'Afrique et donna à Picasso l'idée de

gommer la perspective et de désarticuler leclassicisme de l'académie auquel il étaitencore soumis. Des deux quel est celui quidonne son sens à notre siècle ? Le pauvreMax pénitent de St Benoît, mort à Drancy en1944, ou l'homme couvert de gloire dont lesœuvres remplissent les musées de l'Anciencomme du Nouveau monde ? Lequel nousdonne le secret d'une aventure qui est aussila nôtre et qui n'est pas seulement une aven-ture esthétique ?

Confrontés aux lectures de cette célébrationque nous avons entendues, les écrits de Maxy font écho : c'est lui qui donne le secret denotre temps, en le contestant. D'une autrefaçon, il le fait aussi dans sa mort. Rappelez-vous le petit poème dédié à Jean Rousselotqu'il a appelé Amour du prochain ! (…).

L'Évangile de ce jour nous a montré le Christqui purifie le Temple, demeure de Dieu, etqui ainsi ouvre la voie à la sainteté et à lapratique des commandements lus dans lelivre de l'Exode. L'acte purificateur du Christsanctifie la demeure de Dieu, le cœur del'homme en réalité, temple véritable, etpermet que se réalise la volonté sainte deDieu. Ainsi nous est révélé l'amour infini de

Dieu et la vocationde l'homme à lasainteté. Entre lapurification duTemple et celle ducoeur de l'homme,il y a le mystèrescandaleux ducrucifié, du Messiehumilié par qui

toute la faiblesse des hommes, tous lespéchés du monde sont portés, pardonnés, etpar qui la grâce est donnée à l'homme d'ac-complir l'impossible, de changer sa vie, nonpas pour une autre vie seulement, mais déjàpour une vie autre en ce temps, dansl'espérance de l'ultime accomplissement. Etce mystère qui est un scandale, c'est celui dela mort. de l'innocent, et déjà du pauvrecrapaud qui traverse la rue, auquel Max s'estvolontairement identifié. (…)

Or, ce travail de soutier, ce travail de moine,car il se disait lui-même le plus étrange desmoines, c'est le travail de conversion denotre temps engagé dans une oeuvreséduisante au plan esthétique. S'étantconverti, ayant découvert son péché, ayantdécouvert sous l'image l'idole, Max a voulupurifier son regard, son coeur, pour neregarder que l'autre image seule digne del'homme, l'icône.

Dans sa recherche esthétique, Max a saisiqu'il devait purifier la fascination idôlatriquepour emprunter un chemin de contempla-

« Oublies-tu que je me souviens ?Non ! souviens-toi que je t'oublieAmour la moitié de ma vieamour. Que serai-je demain ? »

Devant une colonne blanche d'église(Derniers Poèmes, p. 42-43, © éd. Gallimard)

tion et de découverte de la vérité de l'hommecomme de la vérité de Dieu. Et ce cheminn'est pas seulement un jeu de l'esprit, uneconfrontation d'idées. Il est le cheminconcret, obstiné d'un retournement du cœur,d'une redécouverte des axes fondamentauxde la vie humaine, pour que celle-ci à sontour devienne capable de produire son fruit.Et je crois que cette longue patience de Max,cette obstination, est un signe et un appelpour tous ceux qui s'interrogent sur ledevenir de notre temps. (…) »

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« Il n'y avait de beauté que son extraordinaire regard. » Charles-Albert Cingria

Daniel LECONTE (producteur)

De gros cigare il n'en a pas ! Daniel Leconteest aux antipodes de la représentation cari-caturale des producteurs hollywoodiens.Volontaire et obstiné (5 ans de travail pourfaire aboutir Monsieur Max) il concentretous ses efforts sur la création. Si la logiquede diffusion ne lui est pas étrangère (il seréjouit de ce que Télérama ait sollicité dediffuser 30 000 DVD de Monsieur Max) ilenracine d'abord ses choix dans unelogique de création et suit avec exigenceles parcours d'un art cinématographiquedont il écarte les démesures au bénéficed'une médiation réflexive entre le specta-teur et la réalité. Grand Reporter d'abord àLibération puis à Antenne 2 il a réalisé denombreuses émissions dont pour mémoireLa deuxième vie de Klaus Barbie (Prix A.Londres, 1988). Autant dire que DanielLeconte n'est pas un rêveur mais unhomme solidement ancré dans notreépoque. En 1994, il fonde sa propre sociétéde production Doc en Stock (près de 300documentaires à son actif) puis en 2001Film en Stock et inscrit déjà à son palmarèsquelques beaux succès (Princesse Marie de

B. Jacquot avec C. Deneuve). PourquoiMonsieur Max ? L'initiative lui en revient.D'un scénario initial sur Picasso jugéiconoclaste et repoussé par France 2 ilretient l’évocation de Max Jacob etdemande à Dan Franck de recentrer lepropos sur le poète. Il veut montrer cepersonnage atypique qu'il découvre au furet à mesure que le scénariste en lui brossele portrait. Son destin tragique, les avant-gardes d'un siècle qui allait bientôt appren-dre à gémir, les choix cruciaux d'uneépoque, tout cela convient à cet hommed'engagement qui sait pouvoir trouver enJérôme Clément, Président d'ARTE, unpartenaire à la hauteur : « ce film est unmiracle : un tournage de 23 jours ; un engage-ment financier exceptionnel d'ARTE et uneéquipe qui a su maîtriser les impératifs finan-ciers grâce au professionnalisme de GabrielAghion ». Producteur au plus près de sesauteurs, Leconte suggère que le person-nage fictionnel d'Alice soit l'articulationdramatique d'une histoire qu'il voitcomme un parcours solitaire du poète àopposer aux folies d'un siècle. Homme depari, Leconte fait venir à la télévision G.Aghion dont les nombreux succès s'at-

tachent plus à des comédies populaires(Pédale douce, Belle Maman…) qu'à dessujets rudes : « j'avais vu ses films de jeunesseet j'avais découvert des qualités de sensibilité,un bel ouvrage, j'étais sûr de mon choix. Lamanière dont il a ensuite parlé du scénario etm'a proposé J.-C. Brialy m'a convaincu ». Del'effet de surprise, Leconte se réjouit, car ilaborde ce qui l'entoure avec impertinenceet questions. Engagé dans son siècle, il enrapporte les tensions et interroge : qu'au-rait-il été possible de faire ? D'une interro-gation morale qui nécessite évidemmentun recours à l'Histoire pour échapper àl'anathème, D. Leconte veut sans aucundoute rappeler que « le chemin d'Auschwitzfut terrible mais pavé d'indifférences » etqu'en temps de guerre des mondes coexis-tent : celui où l’on s’accommode, celui oùl'on souffre, Jacob étant pour lui embléma-tique de cette rupture . Homme de projets,Daniel Leconte n'en manque pas et sabesace regorge d'images. Reste enfoui dansses poches, le projet d'un Picasso car il s'ex-aspère encore de ne pas voir la télé se saisir« du génie patrimonial du XXe siècle ». Unnouveau rendez-vous avec Max Jacobnous est donc promis ?

Gabriel AGHION (réalisateur)

G. Aghion est connu pour ses nombreusescomédies à succès : qui n'a pas encore vuCatherine Deneuve se déchaîner surMarcia Baila ou Josyane Balasko en viragodéjantée doit voir ses films qui renouentavec les plus jolies comédies du cinémafrançais. Aussi, quelle surprise de leretrouver aux commandes de MonsieurMax ! Ce décalage de registre revient auproducteur Daniel Leconte « il a sans doutesenti combien la question de la solitude metouchait ». Le réalisateur aborde unnouveau répertoire et une maturiténouvelle : « avec la comédie il est facile de direcertaines choses, c'est « pour rire », mais jecommence à grandir. Jusqu'alors dans mesfilms j'avais plutôt mis en scène ceux que lasociété oblige à mener une double vie. Je mesens proche des gens en marge ». Ému parl'œuvre de Jacob qu'il connaissait, Aghion« a toujours eu l'intuition que son univers étaithanté par la solitude » et s'il a d'abord craint« de lire un scénario linéaire, biographique,ennuyeux », il fut « bouleversé par le scénariode Dan Franck » et accepta sans hésiter de leréaliser. « La douleur avait deux visages -Jacob et Alice. Les personnages se tendaient lamain et se reconnaissaient dans leur solitude :« l'enfant m'a donné la main et je l'ai gardécontre le malheur ! »». Comment se passel'alchimie entre la lecture du scénario et

son incarnation ? « La grande difficulté dufilm était le travail sur la mémoire des person-nages, l'aller-retour permanent entre présent etpassé, un chemin non linéaire. Je ne voulais pasmettre en scène « deux » Picasso, « deux » MaxJacob. Il fallait filer au contraire une continuitéintime absolue, trouver des acteurs qui serépondent ». Il engage de suite J.-C. Brialycertain qu'« il possède la dimension tragiquenécessaire pour le rôle » et lui associe immé-diatement G. Gallienne : « les deux photosaccolées : c'était ça ! ». Ignorant la maladiede l'acteur : l’œil exercé du metteur enscène perçoit à l'objectif de subtiles tracesd'un traitement, mais il ne peut imaginer« la présence de la mort si proche » et s'agacedes résistances du comédien à se raser latête pour interpréter Jacob : « j'ai cru à uncaprice ». J.-C. Brialy lui donne généreuse-ment les minuscules détails d'appropria-tion nécessaires aux rôles de ses camaradesde jeu : « le geste de Guitry : envoyer un baiseren disant aux gens « je vous aime »». GabrielAghion a ressenti l'honneur d’avoir faittourner une des figures solaires du cinémafrançais : « Brialy était un acteur solidaire etgénéreux, il avait une énorme empathie, je laressentais à chaque instant. J'ai eu la peine dele perdre avant même que le film ne sorte. »

Gabriel Aghion sera présent à l'avant-première du 1er septembre à 18h. àQuimper (Studio du Chapeau Rouge).

Monsieur Max

Téléfilm de Gabriel AghionScénario de Dan FranckInterprétation : J.-C. Brialy (Max Jacob),Dominique Blanc (Alice) GuillaumeGallienne (Max Jacob jeune), FéodorAtkine (Picasso), J.-C. Dreyfus (Guitry),J.-C. Sibertin-Blanc (Cocteau), NazimBoudjenah (Picasso jeune), Eric Nagar(Curé de Saint-Benoît).

SYNOPSIS

Février 1944. LaGestapo arrête Jacob.Il a fréquenté 40 ansplus tôt le BateauLavoir. Ami intime dePicasso, dont il est lecompagnon desdébuts, il est aussitrès proche deCocteau et Guitry. Ilpartage avec euxc o n f i d e n c e s ,enchantements etfrasques du Paris del'entre deux guerres.Jacob est conduit àDrancy. Alice, unejeune femme orphe-line à qui le poèteavait donné son amourquand elle étaitenfant, va tenter l'im-possible pour lesauver.

MONSIEUR MAX : LES AUTEURS

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Dan FRANCK (scénariste)

Depuis Bohèmes consacré à ceux qui firentéclore l'art du XXe siècle, Dan Franck « vitavec Max Jacob » profondément ému de« son destin de clown tragique, [qu'] il portedepuis l'enfance », pour lui, « le poète s'esttoujours considéré comme abandonné. Sedésespérant quand on lui préférait un autre ».C'est en concertation avec les producteursJ. Clément ( dont on sait l'implication dansla Shoah depuis la publication de Plus tardtu comprendras) et D. Leconte qu'il retra-vaille un scénario initial sur Picasso dont letraitement iconoclaste déplaisait à France 2et s'attelle à « raconter la naissance de Jacob àl'art ». Est-ce parce qu'il « se sent proche desgens en marge, des battus de l'histoire » et quela question de la rupture et de l'abandonhante son œuvre (cf. La Séparation) qu'il nedécolère pas de la mort du poète ?« Pourquoi Cocteau n'a t-il pas appelé

Brecker ? comment accepter la réponse deGuitry à propos de Myrté-Léa ? ». Franck estabsolu, radical : « deux mondes s'opposaient,celui des Juifs pourchassés et celui de ceux quis'accommodaient». Ses choix artistiques leportent à approfondir cette césureprofonde : « j'achève le scénario du dernierlivre de J. Clément et je prépare un livre surl'Orchestre Rouge ». Impliqué dans la réali-sation, il incite Brialy à s'inspirer du« formidable don d'improvisation du poète » ;donne une épaisseur émotionnelle au rôled'Alice qui « traverse la réalité de la vie dupersonnage de Jacob pour la sublimer » etinsiste sur tout ce qui va mener le specta-teur à saisir la déportation. « Je tenais à l'au-tobus, le symbole du Vél' d'Hiv. L'autobus,c'est un personnage de la guerre. Quand onvoit arriver Jacob à Drancy dans un autobus,on comprend que c'est fini ». Franck écrit sonindignation ; celle de la mémoire blessée :six millions d'êtres assassinés vivent en lui.

UN ENFANT QUI PLEURE

Un homme âgé au milieu des enfants dechœur de St-Benoît, enfant lui-même, quis'est évidemment donné à sa foi et à sonDieu sans jouer à l'adulte, sans jouer àl'esprit fort : c'est une des premières imagesde Monsieur Max. Le spectateur sait déjàqu'il a affaire à un vrai travail de mise enscène et non pas aux téléfilms un peu courtsauxquels il est trop habitué. Cette imagetrès frappante sur le plan esthétique,lumineuse quant à l'allégorie poétique,interprétée justement à la fois par le jeu deBrialy et la réalisation d’Aghion, gagneinstantanément la confiance et l'empathie.Jusqu'à la fin, la tension émotionnelle nefaiblira pas grâce à une écriture très serréedu scénario, un casting judicieux de grandset solides acteurs, un rythme rapidesouligné par la musique sans effets inutilesd'Antoine Duhamel dont on connaît parailleurs la carrière prestigieuse au cinéma(Truffaut, Tavernier, Godard.). Prenantcomme levier le retour imaginaire de lapetite Raymonde (D. Blanc alias Alice) quePicasso avait recueillie brièvement en 1907puis abandonnée, D. Franck déroule lesentiment d'abandon ressenti par le poètequi le plaçait constamment en marge et leconduira à la mort. Malgré l'interrogationmorale toujours vive posée par le destintragique du poète, Franck ne caricature pasle rôle de ceux qui n'ont pas réussi à lesauver. Il montre au contraire Picasso,Cocteau et Guitry désireux d'aider Jacobsans qu'aucun puisse réellement se départirde ses limites, de ses propres peurs, de sonabsence d'héroïsme. La mise en miroir despersonnages de Jacob et d'Alice est à la fois

habile et très pertinente sur le plan de l'écri-ture scénaristique : elle tisse le filmétaphorique de deux solitudes, de deuxrencontres, même si elle touche légèrementl'invraisemblable dans les derniers plansquand Alice retrouve Jacob à Drancy. Maisil n'est pas inacceptable d'assister à desscènes oniriques de retrouvailles impos-sibles dans une fiction qui raconte la mortd'un homme à Drancy. Le décès de Brialyrend évidemment bouleversante son inter-prétation de la disparition du poète etconstitue un magnifique testament ciné-matographique. Mais au-delà de l'émotion,on admire surtout la maturité d'un grandcomédien qui intériorise la vie, la souffranceet le destin d'un homme dont il connaissaitl'œuvre et l'entourage artistique. Cettechronique d'une mise à l'écart par labarbarie, mais aussi par la faiblesse et l'in-compréhension, est remise en perspectivepar le rappel d'une vie, celle d'un homme-artiste qui a cherché sa voie en parcourantdes chemins de traverse. En temps de paix,la souffrance, même vive, reste d'ordresocial ; quand le Nazi est là, elle prendévidemment d'autres proportions.L'exclusion était déjà un thème traité parAghion dans ses comédies. Son passage à latragédie est très réussi. Peut-être, ici et là,les moyens ont-ils manqué pour donnertoute la force que les conditions de tournaged'un film de cinéma lui auraient sans doutedonnée. Mais on ne peut que saluer l'élé-gance de ce téléfilm émouvant qui rappelleconstamment qu'en chacun d'entre nous, ily a un enfant qui pleure.

René Marx, critique à Fenêtre sur cours

SORTIR

MUSÉE INTERNATIONAL D'ART NAÏFANATOLE JAKOVSKY

Un dialogue : R. Rimbert - M. Gromaire Av. de Fabron, Nice - jusqu'au 21/10/07

En 1921, une lettre de Jamaïque destinée àJacob poète, peintre, astrologue à l'adresseincomplète, est destinée au rebut ; un jeunefacteur larecueille, l'en-voie au poètedont il connaîtune desadresses maissans donnerson nom. Jacobs'en remet àFortuna etrépond auCommis despostes présentce jour- là au centre de tri ! De là naîtra uneamitié et une belle correspondance (éd.Rougerie, 1983) décisives pour Rimbert àqui Jacob servira de mentor auprès de lagalerie Percier lui ouvrant ainsi une bellecarrière jamais démentie pendant 50 ans.Rimbert fut également l'ami de Gromaireet c'est dans la volonté d'aiguiser lesregards que le Musée Jakovsky poursuitintelligemment sur les cimaises, ledialogue d'une amitié partagée entre lesdeux artistes. Aux chromatismes denses età « l'affirmation de l'objet » de Gromaire,Rimbert opposera l'à-plat léger de formesgéométriques. À signaler le catalogueinstructif et richement illustré.

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MONSIEUR MAX : LA CRITIQUE

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Jean-Claude DREYFUS (Sacha Guitry)Si on ne peut s'empêcher d'évoquer tout desuite avec lui ses personnages veules (leboucher anthropophage de Délicatessen,Marcello, l'homme de cirque inquiétant deLa Cité des Enfants Perdus, ou l'infâmeCommandant Lavrouye d'Un Long Dimanchede Fiançaille), J.-C. Dreyfus ne s'en offusquepas. Il précise seulement : « je veux donnerune humanité aux personnages insauvables, j'aile devoir de faire quelque chose pour eux ou aumoins j'ai le devoir de faire croire qu'on peut lessauver ». Tout comme dans La Nonna deLavelli où il interprétait une vieille femme,parabole des dictatures, dévoreuse desêtres et des choses qu'il rendait malgré toutdans l'innocence, J.-C. Dreyfus prêtesouvent sa sensibilité à des personnagescontrastés. Interpréter Sacha Guitry a étépour lui une gageure : « c'est un homme dontl'attitude n'a pas toujours été droite mais il est haut en couleur dansl'humour et la désinvolture et c'est ce contraste qui le rend attractif àincarner ». Touché par « l'histoire d'un homme perdu », il ressentJ.C. Brialy dont « la présence était marquée d'une convivialité etd'une générosité graves ». « J'ignorais qu'il était malade, sans doutea t-il insufflé sa souffrance dans ce rôle : jouer avec lui était simple,naturel, direct ; jouer avec Dominique Blanc qui est une grande comé-dienne était une grâce ». Dreyfus est un acteur mystérieux oncroit le connaître, en rire parfois, mais il a une pudeur, uneétrangeté celle des « modestes interprètes » dont il se réclame.

J.-C. Dreyfus sera présent à l'avant-première du film le 8 sept.à 20h30 à St Benoît-sur-Loire.

Dominique BLANC (Alice)On ne compte plus les nombreuses distinctions remises à D. Blancdepuis le César du meilleur espoir en 1986. Actrice exigeante,discrète et sensible, son amplitude de jeu la fait passer avec excel-lence du cinéma au théâtre. Elle restera pour tous les raciniens unePhèdre d'exception habitée de la déréliction divine, libérée de lapompeuse diction grâce au renversement spectaculaire de lalecture de la pièce par Chereau : jamais tragédie racinienne n'étaitapparue aussi charnelle, aussi humaine, aussi vivifiée. Déjà miseen scène au théâtre par Aghion, elle « lui connaissait ce côté fantasqueque ses comédies avaient révélémais découvre une gravitéqu'elle ignorait ». Bien qu'ellese fût juré de ne plusaccepter de rôles drama-tiques, elle accepte departiciper à Monsieur Max,« émue et heureuse qu'onpuisse penser à elle pour lerôle », troublée par la figurede fiction d'Alice dont ellemesure à la fois la« grandeur de l'engagement, lafêlure tragique et la missionsymbolique entre les person-nages du Max de la jeunesse etde celui de Drancy ». D. Blancporte en elle ses person-nages : « je vieillirai avec Mme de Maintenon, avec Phèdre », se juge àleur aune : « et moi, qu'aurais-je fait en ces temps troublés ? ». Pour cefilm elle retient « les êtres désemparés qui aiment plus qu'ils ne sontaimés, au martyre choisi par amour » et ajoute songeuse « qu'on peutmourir d'amour, tout le temps ». De sa carrière si dense, si belle, elledit simplement que « la passion sauve de la médiocrité ». De J.C.Brialy elle se rappelle la gravité joyeuse pendant le tournage et sonengagement « visible qui donna une grâce particulière à l'équipe. Trèsau fait des acteurs, il aimait les comédiens ». En août, France Culturedemandait à D. Blanc d'ouvrir sa bibliothèque : Max Jacob y figureen belle place.

Dominique Blanc sera présente à l'avant-première du 12 septem-bre au Musée des Beaux-arts d'Orléans.

« Il n'y avait de beauté que son extraordinaire regard. » Charles-Albert Cingria

BULLETIN SEMESTRIEL GRATUIT NUMÉRO 6 — SEPTEMBRE 2007 — tirage 5 000 exemplaires Page 8

Guillaume GALLIENNE (Max Jacob jeune)Une force volcanique se dégage de cet acteur ! Qu'il incarne Dionysos ou Bob des Temps Difficiles, il est capable dejouer la souffrance jusqu'à la folie dans une totale innocence. L'énergie de son jeu oscille entre l'air et le feu, l'aérienet la chute comme un Zarathoustra moderne. Alors de sa jeunesse, on se dit qu'elle est déjà celle d'une antique vertu :la grâce des Dieux. Sa carrière resplendit de toutes les promesses à venir et des galons des grands rôle qu'il lui a déjàété donné de jouer au théâtre : il conduit ses choix en amoureux des mots et de la poésie. « Incarner Max Jacob réson-nait à ma palette de sensibilité ; je n'ai pas hésité ». S'il avoue qu'il connaissait peu l'œuvre du poète il a été séduit parle personnage doté « d'une vraie matière, d'une histoire dense, d'un chemin étroit entre la rédemption et le péché ». De Jacobil parle avec empathie de « l'élégance racée d'un prince sans titre » et ressent par alchimie secrète « des désirs inaboutisdu poète, une puissance profonde de s'enraciner ». « Je voulais faire comprendre les poids terribles qui pesaient à son cœur : lepêché du corps, l'ivresse de la passion, la puissance de créer. Rien ne devait être sordide : son amour pour les sergents de villeou ses confessions devaient être dans la grâce absolue ». G. Gallienne n'incarne pas des personnages, il a des missions :« je devais poser des bases : montrer l'amour inconditionnel pour Picasso, l'espoir de la rédemption par la conversion et surtoutl'affiliation du poète à la petite Alice pour que le spectateur puisse comprendre comment la tendresse profonde entre ces deuxêtres allait imposer « naturellement » un sacrifice à la jeune adulte qu'elle deviendrait ». « Il fallait jouer l'amour, parler de lalumière, être en proie à la fièvre, jouer en donnant au poète démuni l'élégance de sa liberté qui était le gage de sa vie ». G.Galienne joue subtilement de toutes les vibrations de son corps, son visage s'éclaire de ses larmes. L'acteur nous offrele lien de son cœur qui fait advenir un Jacob de vie et d'espérance.

MONSIEUR MAX : UNE DISTRIBUTION D'EXCEPTION

Crédits© coll. privées : fonds Altounian, Béalu, Toulouse; © M. B. A. de Quimper et d'Orléans; ©Man Ray Trust/ADAGP, Paris 2007; © Coll. Rimbert, musée Jakovsky; Film en Stock(Daniel Leconte)/ARTE France 2007; clichés Frédéric Gaillard, Film en Stock; © Éd.Gallimard; © A. M. J. ; droits réservés.RÉDACTIONDirecteur de publication-rédacteur en chef : P. SustracRédaction : G. Basset, F. Deguilly, A. Germain, René Marx, A. Rodriguez, P. Sustrac, M.H. Viviani Maquette : C. VivianiISSN 1774-007XPOUR TOUTE CORRESPONDANCEAMJ - La Gibussière - 45460 Bray-en-ValSITE INTERNET : www.max-jacob.com

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