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Mécanique Quantique et idéalisme par Miles Mathis  L’évêque Berkeley  Jamais la nature ne nous tromp e ; c’est toujours nous qui nous trom-  pons — Rousseau

Mécanique Quantique et idéalisme

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Mécanique Quantique et idéalismepar Miles Mathis

 L’évêque Berkeley 

 Jamais la nature ne nous trompe ; c’est toujours nous qui nous trom- pons — Rousseau

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qui étaient déjà inondés de termes et de variables auraient du en apprendre unenouvelle liste complète pour pouvoir suivre ses arguments. Mais les physiciens du20e siècle, plus que tous les physiciens de l’histoire, étaient des spécialistes. Ilsn’étaient pas des généralistes et on ne pouvait pas leur demander de connaîtrela terminologie de la philosophie. Ils étaient aussi plus arrogants : la plupart de-mandaient au monde d’apprendre leur terminologie mais ne se préoccupaient pasd’apprendre eux-mêmes la terminologie d’autres domaines.

La manière la plus rationnelle — afin de réduire cette brèche — aurait été deparler une langue commune. Popper aurait du fuir le jargon de la science et dela philosophie et essayer de les décomposer en un langage plus simple et plusdirect. Cela l’aurait rendu bien plus compréhensible. Malheureusement, le milieuconspira contre cette possibilité. Popper sentait qu’il devait prouver sa stature in-tellectuelle et pour cela il n’a pas osé parler le langage simple des gens du peuple.Dans tous les cercles académiques, on se faisait approuver par un langage spécia-lisé. Du fait que Popper se sentait observé à la fois par les philosophes et par lesscientifiques, il a cru nécessaire d’inclure la plupart des termes et des variables

 venant des deux disciplines. Cela rend ses articles presque illisibles pour les scien-tifiques. Il avait passé des années à étudier leur domaine, mais la plupart d’entreeux n’avait pas pris la peine d’étudier le sien. Ils n’étaient donc pas en positionde pénétrer ses arguments. La seule façon pour eux de se protéger contre cetteincapacité à comprendre était de nier qu’il y avait quoi que ce soit à comprendre.D’emblée, ils rejetèrent tout bonnement Popper comme un simple amateur.

Dans tous mes arguments, dans tous mes divers articles, j’ai essayé de corrigerles erreurs formelles de Popper. Ce qui veut dire que j’ai choisi d’ignorer ou detraduire en langage commun toutes les variables et les termes qui n’étaient pasabsolument nécessaires au point discuté. Comme on pouvait s’y attendre, cela anui a ma crédibilité à court terme. La science fait des discours enflammés sur lagrâce et la simplicité mais n’est impressionnée par aucune des deux. Elle est aucontraire impressionnée par le langage à la mode des spécialistes, des tonnes de

 variables et autres ésotérismes préconçus. Mais je pense que dans le long terme, ildeviendra impossible d’ignorer des affirmation vraies, déclarées sans détour. Pop-

per restera toujours impénétrable, quoi qu’il se passe dans le domaine de la scienceou en dehors. Il restera au-delà de la compréhension de la plupart des scientifiquesde façon permanente. Mes articles, compréhensibles mais impopulaires, resterontpatiemment là, disponibles, jusqu’à ce que le statu quo soit fatigué d’aller battrela mauvaise brousse. Finalement, les scientifiques trouveront une raison pratiquepour corriger leurs équations.

L’erreur de base de la Mécanique Quantique est une erreur théorique. Pour par-ler encore plus directement, il s’agit d’un manque de précision dans la définitiondes termes. Afin de comprendre ce que je veux dire, rappelez-vous mes longues

discussions sur la définition du point. J’ai montré en grand détail et dans un lan-gage simple que nous devons faire la différence entre un point réel et un point

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dimensions seront toujours incommensurables : des champs mathématiques nepeuvent correspondre à des champs physiques, du fait que vous ne pouvez pas re-présenter mathématiquement (ou dessiner) une variable à zéro dimension. Maisles maths probabilistes représentent encore moins complètement la réalité, pourdes raisons évidentes. Les maths probabilistes ne nous donnent rien d’autre quedes probabilités.

Tout ceci était du domaine du sens commun dans le passé. Les mathématicienscomprenaient que les probabilités étaient des probabilités. Les probabilités étaientimprécises du fait même de la définition du mot. Mais les scientifiques du 20e sièclene pouvaient vivre avec cette imprécision. Ils étaient si fiers de leur nouvelle théo-rie qu’ils ne pouvaient admettre que cela ne représentait pas la pleine expressionde la réalité. Ils ne pouvaient vivre avec cette « brèche » dans la connaissance.Ils comblèrent donc cette brèche par la force brute. Ils définirent la probabilité

comme étant la réalité. Ils déclarèrent, en fait, « Ceci est ce que nous savons. Nosmaths sont tout ce que nous savons et tout ce que nous pouvons savoir. Elles sontdonc la réalité pour nous. Elles sont donc La Réalité ».

La chose la plus ironique historiquement est que tout ceci est l’exact reflet del’idéalisme de l’évêque Berkeley. Berkeley est l’un des méchants loups des ma-thématiciens et des physiciens. Selon leurs standards, il commit deux fautes cardi-nales. Premièrement, il était anti-matérialiste. Deuxièmement, il contredisait New-ton. Ils n’ont jamais pu lui pardonner ces affronts. J’ai discuté assez en détail sacritique de Newton dans un autre papier. Sa critique du matérialisme se ramène

à ceci : « Nos idées représentent tout ce que nous savons et pouvons savoir. Nosidées sont donc notre réalité. Il s’ensuit que l’existence d’objets matériels n’est riend’autre qu’un préjugé. Elle est non prouvée et non prouvable ».

L’idéalisme de Berkeley a toujours été impopulaire chez l’homme moyen, pourdes raisons évidentes. Il est considéré comme contre-intuitif. Il est encore plus im-populaire chez les scientifiques, pour des raisons évidentes aussi. Les scientifiquessont matérialistes. Jusqu’au 20e siècle, la première supposition de la science étaitque le monde physique existe. La Mécanique Quantique a renversé cette suppo-sition. Ce qui existe pour le physicien moderne, ce sont les mathématiques. En

comblant la brèche entre probabilités et réalité, Heisenberg fit des maths la réa-lité. Mais les maths sont une abstraction et donc une idée. De ce point de vue,les physiciens modernes sont des idéalistes. Ils ont accepté l’argument de Berkeley sans même le réaliser.

La plus importante différence entre Heisenberg et Berkeley, c’est que l’argu-ment d’Heisenberg concerne directement les mathématiques. L’idée des maths estla graine qui ensemence l’idéalisme. Mais cela fait de l’idéalisme d’Heisenbergquelque chose de facilement réfutable. Pour réfuter l’idéalisme d’Heisenberg, toutce que j’ai à faire est de définir la brèche entre ses maths et la réalité en utilisant ses

propres maths. J’ai déjà réalisé cela. J’ai montré que la brèche entre un point ma-thématique et un point physique n’est pas juste un présupposé. Cette brèche peut

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être définie en termes mathématiques précis. Un point physique possède zéro di-mension. Un point mathématique possède une ou plusieurs dimensions. Ces deuxdéfinitions ne sont pas des présupposés métaphysiques. Elles sont des déclara-tions mathématiques avec un contenu réel. Pour le dire d’une autre manière : le« champ » de la réalité est toujours au moins d’une dimension inférieure à toutemathématique. Cela doit être ainsi, en vertu de toutes les règles de la logique eten vertu de la définition de « mathématique », de « champ » et de « nombre ».Cela signifie que la brèche entre maths et réalité ne peut être comblée [pour uneréfutation plus formelle de l’interprétation de Copenhague, voyez l’Annexe].

Ce que le statut existentiel entend par « mathématique » ou par « réalité »n’importe pas du tout. Peu importe que vous croyiez que l’un ou l’autre, ou lesdeux, existe ou pas, par n’importe quel signification du mot « existe ». La seulechose importante est que les mathématiques et la réalité ne peuvent pas et ne

peuvent pas être logiquement équivalentes. Vous ne pouvez pas combler la brèche. Vous ne pouvez pas affirmer que les mathématiques sont la réalité. Si vous lefaites, vous commettez une erreur logique et mathématique. Vous êtes inconsis-tant, puisque vous dites que les mathématiques sont votre outil ou terme opéra-tionnel principal, puis vous jetez par dessus bord une découverte logique de cesmathématiques à votre seul avantage.

De ce point de vue, l’idéalisme mathématique est le préjugé. Heisenberg dé-clare les mathématiques comme étant premières dans sa définition de la réalité,puis il s’en va combler la brèche entre les mathématiques et la réalité à seule fin

de combler son propre désir. Mais ses propres maths définissent cette brèche. Pourcombler la brèche, il doit ignorer ses propres maths. Faisant cela, il tue son propredieu, assassine sa propre logique. Vous ne pouvez accepter des maths pour allerd’un point A à un point B, puis ignorer ces mêmes maths pour aller du point B aupoint C. C’est ce que fait Heisenberg et c’est ce que fait la Mécanique Quantique.

 Vous allez dire que les maths de la MQ ne sont pas des maths traditionnelles,et que donc mes arguments ne sont pas valides. Mais les maths de la MQ sontdérivées des maths traditionnelles. La MQ n’a pas supplanté le calcul différentiel,l’algèbre linéaire et vectorielle etc. Les fondements des maths n’ont pas changé. Ma

définition de la brèche, en tant que séparation nécessaire de dimentionalité, doitaffecter la MQ aussi sûrement qu’elle affecte toutes les autres maths ou sciences.De plus, il est facilement démontrable mathématiquement que les maths des pro-babilités créent une brèche encore plus importante que le calcul différentiel, l’al-gèbre linéaire et ainsi de suite, pas une brèche plus petite. C’est tout ce que j’aibesoin de démontrer. Je n’ai même pas besoin de le démontrer, il me suffit de rap-peler au lecteur que c’est déjà accepté par tout le monde, y compris par ceux dansla MQ, dans l’EDQ 2, dans la CDQ 3 et la théorie des cordes. Personne, dans l’His-toire du monde, n’a jamais argué que les maths des probabilités sont plus précises

2. Électrodynamique Quantique.3. Chromodynamique Quantique.

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que l’addition ou la soustraction. Mais la seule façon de contrer mon argumentserait de suggérer que les maths des probabilités combleraient d’une manière oud’une autre cette brèche, simplement en étant des maths des probabilités. La défi-nition de « probabilité », en elle-même, nous impose le contraire.

" " "

Partie 2

Cette section adresse l’idéalisme de Berkeley et il se peut donc qu’il soit de peud’intérêt pour certains. Il peut être vu par quelques-uns comme un morceau dephilosophie corrompant un article scientifique ou comme un morceau d’histoire

poussiéreuse soufflé par un vent malade. J’encourage ceux qui voient les chosesde cette manière à sauter directement à la conclusion ou à quitter ici, car de parleur propre définition de la science, j’ai terminé mon argumentation scientifique[excepté pour l’Annexe]. Mais je crois que les autres reconnaîtront que puisque

 je viens juste de relier la MQ à l’idéalisme, il peut être intéressant, d’un pointde vue historique ou autre, de voir comment mon nouvel argument affecte lesanciens (pour certains) arguments qui sont toujours de mise de nos jours. Carévidemment la question suivante est : puis-je utiliser mon nouvel argument pourcontrer l’idéalisme de Berkeley aussi ? Je le peux, puisque mon argument ci-dessusme donne la méthode. Certains lecteurs penseront, après avoir lu mon long papiersur le calcul différentiel, que je suis un supporter ou un apologue de Berkeley. Jene le suis pas. Je trouve certaines de ses critiques sur Newton tranchantes, maisson idéalisme ne me tente pas du tout.

Juste comme pour l’idéalisme d’Heisenberg, je n’ai pas besoin de décrire laréalité pour réfuter l’idéalisme de Berkeley. Je n’ai pas à lui donner de paramètresdéfinis ni de discuter une quelconque de ses caractéristiques. Tout ce que j’ai àfaire, c’est de prouver une nécessaire inéquivalence entre ses deux catégories, idéeet réalité . Berkeley, comme Heisenberg, essaye de combler le fossé entre idée etréalité. Il déclare qu’elles sont logiquement indistinguables — la caractéristiquedistinctive étant la dimentionalité du champ. Eh bien, il se fait que l’idée de Berke-ley et la réalité se distinguent exactement de la même façon. La dimentionalité duchamp. Mais au lieu de dimensions mathématiques, nous substituons des niveauxd’abstraction. Tout comme un terme ou variable mathématique est au moins unniveau d’abstraction au-dessus de la réalité qu’il ou elle représente, toute idée doitêtre au moins un niveau d’abstraction au-dessus de la chose qu’elle représente.

Le truc de Berkeley consiste, pour commencer, à ne pas définir précisémentce qu’est une « idée ». Une idée est une représentation d’une autre chose. Une

idée ne peut pas être sa propre cause. Elle ne peut pas se représenter elle-même.Une idée est une abstraction qui implique toujours un générateur. Une idée non

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générée est une contradiction dans les termes, car une idée non générée n’auraitaucun contenu. Le contenu d’une idée doit provenir de l’extérieur de l’idée.

Berkeley peut dire que les maths sont juste une idée qui représentent une autre

idée, la première idée étant les maths et la seconde idée étant ce que nous appe-lons réalité. Mais même si nous acceptons cela, nous devons noter qu’il assumeencore la représentation et la séparation. Une idée est une chose qui représenteune autre chose, et ces deux choses sont séparées. Les maths ne sont pas la réa-lité. La première idée n’est pas équivalente à la seconde idée. La première idéereprésente la seconde idée, et est une abstraction de celle-ci. De même, la secondeidée — si c’est une idée — doit représenter quelque chose d’autre. Si ça représentecette autre chose, alors c’est séparé de cette autre chose.

En utilisant cette seule logique, on peut démontrer que idée et réalité ne peuvent

être équivalentes. Par définition, il doit exister une séparation entre une idée et cequ’elle représente. De ce point de vue, je peux toujours rester en avant de Berkeley.Chaque fois qu’il appelle ma réalité une idée, je peux demander que cette idée aitun générateur. Je n’ai même pas besoin de dire ce que ce générateur doit être. Ilpeut être aussi nébuleux que je le désire ; il n’affectera pas ma logique. Berkeley dira : « OK, démontrez-moi ce qui cause mon idée ». Mais je n’ai pas besoin defaire cela. Je n’ai pas besoin de montrer une cause spécifique ou une caractéris-tique quelconque de cette cause, je dois seulement prouver la nécessaire existencelogique d’une cause. Une idée est une représentation. Une représentation doit re-présenter quelque chose. Je dis à Berkeley : « Cette chose que votre dernière idée

représente, dans votre suite d’idées, je l’appelle réalité ». Je peux la définir aussigénéralement que cela et gagner quand même.

Sa seule défense consiste à nier qu’une idée est une représentation. Il dira :« Votre définition présuppose ce que vous désirez prouver. Définir une idée en tantque représentation demande une suite infinie de causes, et vous appelez simple-ment la limite de cette série réalité. Mais je nie qu’une idée est une représentation.Je proclame qu’une idée peut n’avoir aucune cause ou générateur. Elle peut naîtrespontanément, à partir de rien. Qu’est-ce que vous répondez à ça ? ».

Je réponds que la charge lui revient maintenant de nous montrer une idée quine représente rien, qui est non générée. Logiquement, on ne me demande pasde décrire les caractéristiques de la réalité ultime. Tout ce que j’ai à faire est deprouver que toute idée comme représentation implique nécessairement une sépa-ration entre ce qui représente et ce qui est représenté. Cette séparation l’empêchede pouvoir proclamer l’équivalence entre idée et réalité , quelque soit la façon dontcelles-ci sont définies. Mais s’il nie que les idées sont une représentation, alors cen’est plus une affirmation logique, c’est une affirmation existentielle. Il proclameque des idées non générées existent ; il doit donc nous en montrer au moins une.

 Voyez cela comme suit : je peux facilement donner un exemple d’une idée quireprésente quelque chose d’autre. Celle-ci, par exemple : « J’ai l’idée d’un livre

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dans ma tête. C’est une idée d’un livre qui se trouve maintenant sur le guéridon dema chambre à coucher ». Berkeley dira que le livre dans la chambre est juste uneautre idée dans ma tête, mais ce n’est pas cela l’important. L’important est qu’il y a une séparation d’idées. Les deux idées ne sont pas équivalentes, comme je peuxle prouver en marchant jusqu’à ma chambre et en trouvant le livre imaginé. J’aimaintenant une suite de trois idées, toutes d’un contenu similaire :

1. l’idée d’un livre

2. l’idée que la première idée correspond à un livre dans ma chambre

3. l’idée que je suis allé dans ma chambre et ai trouvé ce même livre.

 Vous voyez que même en le disant dans la terminologie de Berkeley, nous avonsune représentation et une séparation. Nous n’avons pas trois idées apparaissantspontanément de nulle part. Nous avons une suite d’idées, chaque idée étant reliée

à la suivante.Mais Berkeley ne peut pas nous donner un exemple d’idée non générée. À 

chaque idée qu’il va nous présenter, nous pourrons trouver un générateur. Nouspouvons habituellement la relier non pas à une, mais à une multitude d’idéesprécédentes. Même les soi-disant idées innées sont générées ; elle n’apparaissentpas spontanément. Au contraire, les idées innées sont tout simplement la mémoiredes espèces. Les animaux connaissent toutes les choses qu’ils font parce que leurscellules ont trouvé le moyen de codifier la connaissance de l’espèce. Si cela est

 vrai, alors cette codification est tout simplement de la mémoire. La mémoire n’est

pas constituée d’idées non générées, elle est faite d’idées générées. La mémoire estl’entreposage complexe d’expériences.

Berkeley pourrait argumenter que nous ne pouvons pas prouver au-delà de toutdoute que chacune de ces idées précédentes a causé l’idée donnée, et c’est vrai.L’esprit ou la cellule ne garde pas un enregistrement de toutes ses actions ; ou, s’ilou elle le fait, cet enregistrement ne nous est pas encore disponible. Mais nousn’avons pas besoin d’un enregistrement. Tout ce dont nous avons besoin, c’est desens commun. La réponse logique à Berkeley est celle-ci : « Si vous admettez qu’ilexiste des milliers de sensations ou d’idées qui ont pu causer une certaine idée,

pourquoi auriez-vous besoin de postuler que cette idée a été générée spontané-ment ? C’est comme de trouver un homme fou plein de sang dans une boucherieavec un cadavre et des milliers de couteaux à côté de lui. Vous remarquez que lecadavre a sa gorge tranchée. Est-ce que vous postulez que :

1. le meurtre a été commis avec l’un de ces milliers de couteaux

2. l’homme est mort de cause naturelle et sa gorge s’est ouverte spontanémentpar sa propre volonté ? »

Nous n’avons pas besoin d’imaginer que les idées apparaissent spontanément,puisqu’il est extrêmement facile de trouver des générateurs. À partir du moment

où un bébé ouvre ses yeux, son existence entière est un générateur d’idées. Sansaucun doute, l’esprit du bébé possède plein d’outils lui permettant de collecter,

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de combiner, de catégoriser et de réduire toutes ces idées générées. Mais mêmesi nous décidons d’appeler certains ou tous ces outils « idées innées », nous nepouvons pas atteindre l’idéalisme de Berkeley. La théorie de Berkeley requiert quetoutes les idées soient des idées innées. Si une seule idée a été générée de l’exté-rieur, cela entraînerait l’existence d’un extérieur, ce qui prouverait qu’il existe uneréalité extérieure, ce que nie Berkeley.

Maintenant que j’ai critiqué la base historique de l’idéalisme, je pense que cela vaut la peine de préciser que Berkeley lui-même n’a jamais argumenté aussi loindans sa propre défense que je l’ai fait pour lui. Il n’a jamais argumenté que les idéesétaient des idées innées ou que les idées n’étaient pas des représentations. DansThe Principles of Human Knowledge, il accepte qu’une idée doit être « perçue ». Parperception, il entend « gravée dans l’esprit ». Il accepte également que certainesidées sont gravées directement dans les sens. Il croit aux sens. Pour moi, tout ceci

implique de la représentation. De plus, cela implique à la fois un percepteur etune chose perçue. Berkeley accepte explicitement l’existence du percepteur, qu’ilappelle « esprit, âme ou moi-même ». Mais il n’accepte pas l’existence matériellede la chose perçue, excepté quand elle est perçue (auquel cas elle est équivalenteà l’idée de cette chose). Son argument est celui-ci : nous ne pouvons lister ouimaginer aucune caractéristique d’une chose au-delà de la connaissance sensibleque nous avons d’elle. Son existence est la somme de ses caractéristiques sensibles.Il s’ensuit que lorsqu’elle n’est pas perçue par les sens, elle n’existe pas.

 Vous pouvez voir immédiatement que l’argument de Berkeley rentre dans ma

critique d’Heisenberg bien plus vite que je ne l’avais admis jusqu’ici. Je n’ai pas be-soin d’adresser le problème des idées innées ou des idées non générées. Je peux li-miter ma critique à mon argument logique initial, et cet argument est précisémentcelui que j’ai utilisé contre l’idéalisme d’Heisenberg. Cet argument logique est queles perceptions doivent avoir une cause en dehors de la perception elle-même. Lacause de la perception est l’objet extérieur. L’existence de l’objet extérieur est dé-finie par sa capacité  à causer la perception. Le fossé entre l’objet extérieur et laperception ne peut pas être comblé, car il y a séparation logique nécessaire entreles deux. Ils se trouvent à des niveaux différents de causalité et d’abstraction, etils ne peuvent pas être équivalents.

Selon cet argument, il n’importe pas que l’objet extérieur possède des carac-téristiques en plus de celles qui sont perçues ou non. L’argument de Berkeley estcreux, car je peux facilement accepter son affirmation que rien n’existe dans l’ob-

 jet perçu exceptées des qualités pouvant être perçues par les cinq sens, et encorefalsifier son idéalisme. Je peux le faire parce que je ne définis pas l’existence pardes qualités « objectives » — ou par des caractéristiques essentielles qui trans-cendent ou sous-tendent les caractéristiques perçues directement. Je définis l’exis-tence comme étant la capacité à causer des perceptions dans un percepteur, et c’esttout.

Il est intéressant de noter que John Ruskin produisit un argumentaire similaire

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en 1856. Il le présenta de cette manière : « La couleur bleu ne signifie pas lasensation causée par une gentiane [fleur] sur l’œil humain ; mais elle signifie lepouvoir de production de cette sensation; et ce pouvoir est toujours là, dans lachose, que nous soyons là pour l’expérimenter ou pas, et il resterait présent mêmes’il n’y avait plus un seul homme sur la Terre pour l’observer » 4.

Berkeley nie l’existence matérielle parce qu’elle ne possède pas de caractéris-tique propre. Ruskin et moi-même contournons ceci en définissant l’existence ma-térielle non pas par un ensemble de caractéristiques exclusives et objectives, maispar le pouvoir de causer des perceptions. De cette manière, nous pouvons agréerque l’existence de l’objet est d’une certaine façon la somme des perceptions pos-sibles, mais nous n’agréons pas que l’objet constitue ces perceptions. Juste commeavec Heisenberg, il existe un fossé logiquement et mathématiquement nécessaireentre la perception et la cause de celle-ci. Ce fossé ne peut pas être comblé. Com-bler ce fossé constitue une contradiction logique puisque cela implique que la per-ception et la cause de la perception sont équivalentes. Elle ne peuvent être équiva-lentes, et ceci est garanti par définition, y comprises la définition de « perception »et la définition de « représentation ». La perception et la cause de la perceptionsont axiomatiquement séparées, tout comme « maths » et « réalité » sont axioma-tiquement séparées.

Pour le dire d’une dernière manière : Berkeley admet que les idées peuvent êtregravées dans l’esprit. Eh bien, « graver » est un verbe actif. Il requiert un sujet. Une

idée doit être gravée par un quelque chose. Une idée ne peut être gravée par rien. Lequelque chose qui grave est la chose externe à l’esprit. J’appelle cette chose un objet.Son pouvoir de graver des idées dans un esprit, je l’appelle existence externe àl’esprit. De cette manière, mon argument n’est pas différent de l’argument non-ditde Berkeley pour l’existence de l’esprit. Il dit qu’une idée doit être gravée quelquepart. Graver implique un endroit pour graver. Vous ne pouvez pas graver nulle part.

 Vous devez graver quelque part. Le quelque part où est gravé l’idée, il l’appelleesprit ou moi-même. Sa capacité à recevoir une empreinte définit son existence.Logiquement, comment peut-on accepter un argument et pas l’autre ? Commentpeut-on accepter un sujet percepteur et ne pas accepter un objet de perception ?

La réponse est qu’on ne le peut pas si l’on veut rester consistant.

 Au nom de la minutie, je sens que je dois adresser un dernier argument deBerkeley. J’ai dit qu’il n’adresse pas le sujet des idées innées ; mais il adresse lesujet d’idées non directement générées par des sensations. Cette classe d’idées, ill’appelle rêves. Cet argument a historiquement été considéré l’un des argumentsles plus fascinants de Berkeley, quoique je ne puis dire précisément pourquoi. Ildéclare que si nous pouvons montrer des instances définies d’idées créées sansl’empreinte d’« objets matériels », alors nous pouvons imaginer que toutes les ins-tances d’empreintes sont achevées de la même manière. Un matérialiste ne peut

4. Modern Painters , vol. iii, pt. 4, “Of the Pathetic Fallacy.”

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apporter de preuve contre cela, dit-il. Un matérialiste ne peut peut-être pas ap-porter de preuve contre cela, mais il peut facilement apporter une preuve logique.Il est clair que le contenu idéationnel des rêves est fait de recombinaison et desélection provenant de la mémoire. Le contenu des rêves est habituellement fa-cile à tracer par le rêveur lui-même, sans aucun recours à l’hypnose ou à unequelconque aide extérieure. Dans les cas où le rêve est plus difficile à retracer, onpeut imaginer que la mémoire est ancienne, souterraine, inconsciente ou peut-êtrecette mémoire est-elle celle de l’espèce, stockée de façon inconnue de nous. Nousn’avons pas besoin de faire l’hypothèse selon laquelle le rêve vient de nulle part ouest créé totalement par le rêveur. Même Berkeley l’admet. Il n’argumente jamaisque les idées sont non-causées ou non-traçables. Il croit simplement en une autrecause que le monde des objets (voir ci dessous).

L’hypothèse des rêves de Berkeley devint l’hypothèse fameuse du cerveau dans

un bocal, dans laquelle les philosophes proposaient que toute expérience peut êtrefallacieuse — créée chimiquement par des méchants scientifiques dans un labora-toire. Les deux hypothèses montrent la difficulté de faire la différence entre rêves,expérience et vie. Mais ces philosophes ne mettaient pas vraiment en doute la réa-lité. La raison en est est que les contenus des rêves et des hallucinations induitesdoivent venir tous deux de quelque part. Ces méchants scientifiques doivent nousinduire des idées spécifiques. Nous pouvons dire que le cerveau dans le bocal reçoitses idées des méchants scientifiques. Mais d’où proviennent les idées des méchantsscientifiques ? Supposons qu’il y a une chaise dans l’hallucination. Si les méchantsscientifiques n’ont jamais eu l’expérience d’une chaise, d’où peuvent-ils tirer cetteidée ? Leurs cerveaux sont-ils eux aussi manipulés ? Vous voyez que Berkeley etles idéalistes ne font que déplacer la question, mais ne donnent jamais de réponsesignificative à quoi que ce soit. Le contenu des rêves et des hallucinations induitesdemandent une causation tout autant que le contenu d’une expérience éveilléenormale. Supposer que « la vie n’est qu’un rêve » n’adresse pas ce contenu.

La plus grande compréhension de l’idéalisme consiste, à mon avis, à découvrirprécisément pourquoi Berkeley voulait nier le matérialisme. Quel était son pointde départ ? Son point de départ était ceci : « Seul l’esprit existe ». C’était son pre-mier postulat ou axiome, une idée sans preuve ou argument d’aucune sorte. C’estpourquoi il ne trouvait pas nécessaire de prouver l’existence de la conscience. Pourlui, c’était la donnée première. La conscience, en tant qu’agent sensitif, volontaire,fait partie de l’esprit. Les chaises et les tables ne peuvent pas être admises commeexistant de la même manière, puisqu’elles n’ont pas d’esprit. Elles ne sont pasanimées. Ces choses existent seulement en tant qu’idées engravées dans l’esprit.

 Assez bizarrement, Berkeley croyait que cette empreinte a une cause. Les idéesn’apparaissent pas spontanément et ne sont pas créées par moi-même. Pour preuvede ceci, il nous offre plusieurs sensations qui sont au-delà de notre contrôle —des choses telles que le temps qu’il fait et le mouvement des autres personnes.

La cause de toute sensation est, pour lui, Dieu. Cela donne la possibilité à toutcontenu, existence et action d’être donné par l’esprit seul.

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 Vous pouvez constater que ceci n’est pas très éloigné de l’explication par desméchants scientifiques, excepté le fait que Dieu n’est pas méchant ni humain. Maisla vie est encore expliquée par Berkeley comme une sorte de manipulation par unpouvoir supérieur. Le problème, bien sûr, est que le Dieu de Berkeley doit répondreaux mêmes questions que les méchants scientifiques. D’où Dieu tire-t-il ces idéesdont il remplit nos esprits ? Ne devrait-il pas créer et expérimenter un Soleil avantde pouvoir nous donner une idée de celui-ci ?

Une fois que l’on commence à parler d’esprit, d’expérience et d’intention divine,nous sommes dans le royaume de la fantaisie. Pour les besoins de l’argumentation,disons que nous acceptons la proposition selon laquelle toutes les choses existent

 soit en tant qu’idées soit en tant qu’objets (peu importe lequel des deux). Disonsque nous acceptons également que toutes ces choses ont été créées soit par unagent volontaire soit non volontaire (peu importe lequel des deux). Acceptonsd’appeler cet agent Dieu. Maintenant, nous ne pouvons pas savoir si Dieu a créé cesobjets puis les a expérimentés lui-même, ou bien si, rien qu’en les imaginant, il lesa rendus réels dans le sens que nous donnons habituellement à ce mot. Tout celan’est qu’ergotage intellectuel. Mais nous pouvons appliquer de la logique même àl’esprit de Dieu, dans le sens où nous appelons l’esprit de Dieu la totalité de toutesles choses créées. Disons que nous acceptons l’argument de Berkeley, cet argumentétant, grosso modo, que Dieu n’a pas eu besoin de donner une existence physiqueou matérielle aux myriades de choses qu’il a créées dans la Genèse. Quand il lesa créées, il ne les a pas mises dans un monde matériel, il les a simplement créées

dans son esprit. Il imprime alors dans nos esprits des parties de son propre esprit,selon sa volonté. Nous appelons réalité les objets dans l’esprit de Dieu. Avons-nousun problème logique supplémentaire ici, un problème que nous n’avons pas encoreadressé ?

Oui, il y en a un. Berkeley croyait que seul l’esprit peut avoir une existenceprimordiale. Les choses non spirituelles comme les chaises et les tables ne peuventavoir qu’une existence secondaire, en tant qu’idées gravées dans les consciences ouesprits. Finalement, il nous dit que ces idées sont causées par Dieu. Cela voudraitdire qu’avant que l’empreinte soit réalisée, le contenu de ces idées « existait »

seulement dans l’esprit de Dieu. Avant que je puisse avoir l’idée de « Soleil », Dieudoit créer ou avoir l’idée de « Soleil », qu’il partage avec moi selon son bon plaisir.

Maintenant, il est clair que Berkeley peut avoir la volonté de dévaloriser lestatut existentiel des idées dans un esprit mortel comme moi-même. L’esprit morteln’a pas créé ces idées, elles viennent d’au-delà de sa volonté de bien des façons,et elles ne représentent que de pâles ombres des idées qui sont dans l’esprit deDieu. Mais Berkeley a aussi, par sa théorie, dévalorisé les idées dans l’esprit deDieu. Ce n’est pas qu’il les nie matériellement, ce qui est presque en dehors del’argument dans ce contexte. C’est qu’il leur nie une continuité . Si les objets sont

des idées dans l’esprit de Dieu, pouvons-nous imaginer que Dieu les oublie entredeux empreintes? Non, si Dieu les a créées dans son esprit, elles ne peuvent tout

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simplement pas cesser d’exister juste parce que tel esprit mortel regarde ailleursou ferme les yeux. Ces objets doivent persister jusqu’à ce que Dieu décide de leseffacer ou de les convertir en une autre forme. Berkeley est inconsistant mêmedans sa propre théologie. La discontinuité des objets idéationnels dans l’esprit deDieu est tout aussi illogique (certains vont dire hérétique) que la discontinuité desobjets physiques dans un monde matériel.

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Conclusion

Cette longue digression dans l’idéalisme de Berkeley a été nécessaire pour mon-trer les parallèles entre ses arguments et ceux d’Heisenberg et al. La MécaniqueQuantique a incroyablement réussi dans bien des domaines. Elle nous a donné unpremier aperçu de la mécanique du très petit. Mais le temps est venu de dépasserles auto-congratulations et les tapes dans le dos, de réaliser que, à la fois mathé-matiquement et théoriquement, l’explication est très, très partielle. Les physiciensne se lassent jamais de rappeler combien la MQ a été précise, mais cette précisionest due en grande partie au montant des manipulations qui ont été autorisées.Si on vous permet de corriger vos maths après chaque expérience — sans qu’on

 vous demande d’expliquer exactement comment les corrections mathématiques

rentrent dans la théorie — alors évidemment vos maths vont être très précises.L’heuristique est toujours plus précise, puisque ce sont des maths qui ont été choi-sies dans ce but spécifique. L’heuristique, ce sont des maths truquées, et on peutattendre de maths truquées qu’elles soient utiles.

Il est temps maintenant de bâtir un mât sous tous ces trucages — de le connec-ter à un bateau qui peut flotter. Ce ne sera pas facile à réaliser. Je suspecte qu’unegrande partie de ces trucages devra être coupée, de peur qu’ils entraînent unpauvre marin vers sa mort. Ce qui signifie qu’une partie de cette heuristique de-

 vra être jetée par dessus bord. Des « escroqueries 5 » comme la renormalisation

devront être arrimées à une quille plus stable : reliées à des mathématiques etthéories fondées et à une mécanique consistante.

Le premier pas dans la construction de cette fondation est une correction desaxiomes (souvent non-dits) d’Heisenberg, et c’est ce que j’ai fait plus haut. On doitrendre clair ce que représentent les mathématiques premières avant que la ge-nèse de mathématiques secondaires puisse être expliquée. À savoir, la correctionet l’augmentation de la structure doivent commencer au premier niveau, pourmonter ensuite. La MQ, telle qu’elle existe aujourd’hui, est déséquilibrée, chargéed’accrétions pesantes que les murs initiaux ne peuvent soutenir. C’est la raison

5. EDQ, ch. 4, 13.

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pour laquelle nous avons des plafonds qui s’effondrent, comme des « forces si-nistres 6 ». Nous allons d’impasse en impasse, non pas parce que la nature estillogique, comme voudraient nous le faire croire Bohr et Feynman, mais parce quenos fondations étaient illogiques dès le départ. La théorie est la cause du problème,pas la nature. La lumière n’est pas inexplicable ; elle est uniquement inexplicablepar la théorie courante. De même pour la gravitation et le reste.

Durant toute l’histoire de la science, nous n’avons jamais accusé la naturelorsque nos théories ne pouvaient l’expliquer. À présent, pour une raison quel-conque, nous le faisons. Nous faisons plus confiance en nos maths que dans lanature. Je crois que j’ai déjà expliqué pourquoi nous nous sentons justifiés de faireainsi. Nous ne croyons désormais plus en la nature ou dans le monde physique.Nous croyons en nos maths. Nous avons défini nos maths comme étant le mondephysique. Les maths sont maintenant la réalité. Si nos maths sont absurdes, cela

signifie que la réalité est absurde. C’est une théorie commode, car cela signifie quenous ne pouvons plus jamais nous tromper. Quelle que soit la confusion théoriqueou mathématique dans laquelle nous nous trouvons, nous imaginons que c’estune nécessité. Un paradoxe n’est plus le signe d’une faille dans le raisonnement ;un paradoxe est le signe que nous embrassons langoureusement la nature, lèvrecontre lèvre — puisque la nature est elle-même un paradoxe. Bene navigavi, cumnaufragium feci 7.

Nous avons souffert d’un naufrage théorique, et plus aucune vantardise surnos exploits en ingénierie ne pourra cacher ce fait désormais. Nos deux plus fières

réussites — la Mécanique Quantique et la Relativité — nous ont amenés dans uneimpasse. Nous pouvons continuer à rajouter des petites voiles au mât de hunedans l’espoir qu’elles nous sauverons des bas-fonds, mais c’est un espoir insensé.La meilleure solution est de mouiller nos pantalons, de braver les requins et dedésensabler la quille. Nous ne pouvons continuer à nous amuser avec des maths à11 dimensions, des univers parallèles, des bébés trou noir et ainsi de suite, même sinous nous faisons beaucoup d’argent en vendant ces bêtises à des masses bêlantes.Ces choses doivent attendre jusqu’à ce que nous ayons appris quelque chose sur lamécanique de la propagation de la lumière, sur la mécanique de la gravitation, surla mécanique du mouvement circulaire, sur la mécanique de l’électromagnétisme,et ainsi de suite. Nous avons cessé de faire de la physique il y a cent ans de cela, etnous allons profondément le regretter. Les physiciens théoriciens devraient se sen-tir honteux d’être surpris à bâtir des châteaux dans les airs alors qu’il y a tellementde travail sérieux à faire. Je déclare : donnez-moi une théorie de la gravitation, etpas juste des mathématiques. Une fois que vous aurez fait cela, alors vous pourrezessayer de relier cette théorie à la MQ. Pour le moment, vous n’avez même pasune théorie de la Mécanique Quantique. Vous essayez de lier une heuristique la-mentablement incomplète à une autre heuristique lamentablement incomplète . . .

6. Allusion à la « spooky force » d’Einstein parlant des forces à distance de la MQ (N.D.T.).

7. « J’ai bien navigué quand j’ai souffert d’un naufrage » (Érasme — cité aussi par Nietzschedans Le Cas de Wagner)

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et vous êtes surpris d’échouer ?

Essayez donc ceci pour changer : bâtissez le premier étage d’abord, puis le se-cond, puis le troisième. La théorie actuelle veut habiter directement l’appartement-

terrasse, elle achète des tapis persans, des aquariums et des ottomanes avantmême d’avoir fait couler la dalle des fondations, avant même d’avoir terminé lesplans. Nous avons droit à des estimations quotidiennes sur l’âge de l’Univers et surcombien de nanosecondes après la création le premier électron s’est formé. Maisnous ne savons pas plus expliquer la mécanique gravitationnelle qu’Archimède enson temps. Nous donnons des noms rigolos à des sous-sous-particules et nous nousproposons de mesurer leurs oscillations avec une précision d’un milliardième demilliardième de clin d’œil, mais nous sommes incapables d’expliquer l’orbite de laLune.

Est-ce que les lecteurs des magasines scientifiques ne se sont jamais deman-dés sur quoi sont basées les estimations de la taille de l’Univers ? Quelle quantitéde connaissance nous faudrait-il pour pouvoir faire une telle estimation ? Quelleconfiance pouvons-nous avoir dans cette connaissance ? La réponse rapide est quenotre connaissance est si fragmentaire et hypothétique que toute estimation estabsolument absurde. Nous pourrions tout autant estimer de combien de poils étaitcomposée la barbe du premier homme, ou combien d’écailles avait le premierpoisson, ou combien de harpes sont fabriquées chaque jour au paradis.

De même, nous avons droit chaque semaine à une estimation du montant dematière sombre dans l’Univers, en tant que pourcentage du total. Est-ce que per-sonne ne se rend compte à quel point tout cela est à l’envers ? Vous ne pouvezpas connaître un pourcentage à moins de connaître le montant total de matièresombre. Si vous ne savez pas combien il y a de matière sombre — même dansun kilomètre cube ou un mètre cube d’espace réel — vous ne pouvez pas estimerde pourcentage du total. Nous ne savons rien de la matière sombre : nous ne sa-

 vons pas de quoi elle pourrait être faite, comment elle aurait pu être créée ou sielle existe tout simplement, au-delà de certaines petites catégories possibles. Noussommes donc en train de faire des estimations grandioses basées sur une ignorancepresque totale. Est-ce que personne d’autre ne ressent de la honte là-dedans?Est-ce que personne ne se sent embarrassé que nous gaspillions des sommes gi-gantesques d’argent à bâtir des modèles informatiques dans lesquels les donnéesd’entrée sont pratiquement nulles ? Jusqu’à ce que nous puissions définir la ma-tière sombre, toute estimation ne sera rien d’autre qu’une estimation de notreprétention démesurée.

La physique a besoin depuis longtemps d’être recentrée. Les physiciens théo-riciens doivent retourner aux questions sans réponse des fondements. La chosela plus urgente à faire est d’aller sur le pont du navire et de boucher les fuites

d’eau. En suivant l’eau à partir de ces fuites, nous arriverons aux sources de cesfailles dans le plancher et les ponts inférieurs. L’étayage des planchers principaux

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recentrera le mât, ce qui nous permettra d’obtenir un gréement qui fonctionneet qui pourra nous faire naviguer correctement. C’est l’analogie du futur. Tout ceque nous faisons aujourd’hui est d’agiter de petits drapeaux afin d’impressionnerla foule le long des quais.

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 Annexe

Ceci est une réfutation formelle de l’interprétation de Copenhague. Je n’utili-serai pas de mathématique ou de symbolisme car je ne m’intéresse pas à la sténo-

graphie mais à la communication directe et générale. J’utiliserai donc des phrasessimples. Les parties en gras constituent les parties les plus formelles de la preuve ;les parties en maigre peuvent être vues par les puristes comme des commentairesou des élucidations pour les non-puristes.

 Définition 1 :Un point, une ligne, courbe ou figure physique existe dans le monde physique.Ce monde, nous l’appelons réalité.

 Définition 2 :Un point, une ligne, courbe ou figure mathématique représente le monde

physique. C’est donc une abstraction du monde physique.

 Définition 3 :Un point physique possède zéro dimension et ne peut pas être relié à un grapheou à un diagramme, ou être représenté mathématiquement de quelque manièreque ce soit, y compris par son assignation à un nombre. Un mathématicien ne peutpas assigner un nombre ou une variable à un point physique.

 Définition 4 :Les mathématiques doivent être appliquées sur un point mathématique, lequel

doit posséder au moins 1 dimension. Un point sur 1 axe (une ligne) dans undiagramme possède 1 dimension. Un point sur 2 axes (un graphe cartésien) dansun diagramme possède 2 dimensions, etc. Assigner un nombre, un nombre poten-tiel (variable) ou un symbole à un point lui assigne automatiquement au moins 1dimension.

 Déduction 1 (déduite de la définition 3) :Un point dessiné sur du papier ou sur un écran d’ordinateur ou mis en dia-

gramme dans la mémoire est un point mathématique, pas un point physique .Ceci parce que nous dessinons ou mettons sous forme de diagramme le point dansle but de lui assigner un nombre ou une variable ou une autre symbole. Si nousne lui assignons pas un nombre, une variable ou au moins une dimension, alors ilnous est inutile mathématiquement ou en tant qu’abstraction. Dans ce cas, il resteun point sur du papier, ce qui est, bien entendu, une chose physique. Une fois quenous l’utilisons mathématiquement, cependant, son statut physique est remplacéest n’est plus important. Son usage détermine son statut.

 Déduction 2 (déduite des définitions 3 et 4) :

Toute mathématique et tout symbolisme possèdent au moins une dimensionde plus que le monde physique qu’ils représentent .

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 Résultat 1 (de la déduction 2) :Un champ mathématique ne peut être dimensionellement équivalent au ch-

amp physique qu’il représente . Cela signifie que les mathématiques ne peuventpleinement exprimer la réalité. Cela signifie également que les mathématiques nepeuvent pas être définies comme étant la réalité.

 Résultat final :La Mécanique Quantique est de la mathématique appliquée. En tant que telle, elledoit être dimensionellement inéquivalente à la situation physique qu’elle repré-sente. Les champs que créent la MQ ne sont pas des champs physiques. Il s’ensuitque la MQ ne peut pas proclamer que son champ mathématique est la réalité.

Ceci falsifie l’interprétation de Copenhague.

La MQ est seulement une représentation statistique de la réalité. La réalité ne

peut pas être pleinement symbolisée ; ses qualités ultimes doivent être déduites.Ce qui veut dire que nous devons utiliser la raison pour interpréter nos symbolesdu mieux que nous pouvons, en évitant les contradictions.

Les critiques vont dire que j’assume ce que j’essaye de prouver, puisque la Dé-finition 1 est logiquement équivalente à ma conclusion. Ma réponse à cela estdouble :

1. Dans toute déduction, la conclusion est contenue dans les définitions. C’estce que signifie « déduction ».

2. Ma conclusion et la Définition 1 sont similaires mais ne sont pas strictementégales. Ma conclusion est que le monde physique existe et que les mathé-matiques ne la définissent pas. La Définition 1 dit seulement que le mondephysique existe — une définition avec laquelle les physiciens contemporainsseront d’accord, même ces physiciens qui croient que les mathématiques dela MQ définissent l’existence du monde physique.

3. La différence cruciale repose dans la Définition 4, puisque les mathémati-ciens et physiciens contemporains n’ont pas discerné la vérité de ceci jus-qu’à aujourd’hui. Ils accepteront la Définition 3 comme la définition du pointsous-jacente dans leurs mathématiques. La séparation nécessaire entre 3 et4 les forcera donc à admettre que ma conclusion est correcte.

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