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Presses Universitaires du Mirail
Entre mémoire collective et histoire officielle, l'histoire du temps présent en Amérique latineby Luc CAPDEVILLA; Frédérique LANGUEReview by: Michel BERTRANDCaravelle (1988-), No. 95, Mélanges (2010), pp. 252-255Published by: Presses Universitaires du MirailStable URL: http://www.jstor.org/stable/25822181 .
Accessed: 14/06/2014 21:44
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interessado em imagens atuais do mito de Iemanja -como a que se encontra na
capa do livro- do que em velhas imagens de seculos passados... Cristina DUARTE-SIMOES
Universite de Toulouse
Luc CAPDEVILLA et Frederique LANGUE (sous la direction de).- Entre memoire collective et histoire officielle, l'histoire du temps present en Amerique latine
Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2009.- 278 p.
L'ouvrage que coordonnent Luc Capdevilla et Frederique Langue vient confirmer la vigueur d'une orientation de recherches qui n'a cesse de prendre de
1'importance en Amerique latine depuis la fin des dictatures militaires dites de ? securite nationale ? et le retour de la democratie. Cette coincidence n'a rien de
bien surprenant puisque, comme le souligne d'emblee le titre de l'ouvrage, ce
sont bien les rapports etroits, mais aussi les differences profondes, entretenus
entre l'ecriture de l'histoire et les processus memoriels qui sont a l'origine de
cette montee en puissance de l'histoire elite ? du temps present?. Inutile de
revenir ici sur les debats epistemologiques suscites par cette appellation, surgie en France a la fin des annees 70 et qui, en Amerique latine, se traduit de maniere
tres diverse en ? histoire du passe recent? - ce qui n'a pas le meme sens... - ou
en ?histoire du present? ou encore en ?histoire du passe vivant? (ou
briilant, comme une plaie vive...). Autant d'appellations latino-americaines qui toutes soulignent, a leur maniere, la difficulte a cerner un materiau historique
qui, comme l'ecrivait H. Rousso a propos de la France de Vichy, releve ? d'un
passe qui ne passe pas ?. Bien plus meme, ces denominations latino-americaines
d'une histoire du temps present mettent en evidence sa dimension memorielle
etroitement liee, si ce n'est dependante, d'une demande sociale de justice a
l'encontre des responsables de crimes et tortures infliges aux opposants
politiques des regimes dictatoriaux.
De ce point de vue, on doit souligner l'interet du chapitre introductif redige
par les coordinateurs de l'ouvrage. Leur ?invitation a une histoire comparee des
temps presents ? est d'abord un solide et convaincant ? etat de la question ?
qui
permet de voir comment s'est progressivement affirme, outre-Adantique, un
nouveau champ de recherche historique. S'agit-il pour autant, comme ils
l'affirment peut-etre un peu rapidement, d'un nouveau ? courant disciplinaire ? ?
Reprenant le titre d'un texte d'Antoine Prost, nous pensons qu'il s'agit plutot d'une ? histoire comme les autres ?, meme si elle se heurte a une limite qui, elle, lui est specifique : sa difficulte a identifier les ? consequences ? des phenomenes observes et analyses. Par contre, nous partageons pleinement leur affirmation
quand ils identifient l'articulation passe/present comme l'un des aspects essentiels de ce terrain historique. Dans le meme temps, et comme l'a clairement
montre la mise en cause qui a vise O. Petre-Grenouillau a propos de son etude
sur la traite negriere, ce n'est pas la une specificite de l'histoire du temps
present... Quoi qu'il en soit, et compte tenu du nouveau contexte politique qui
accompagne le retour a la democratie en Amerique latine, on ne s'etonne pas de
voir cette ?histoire du temps present? prendre tout a la fois une place
importante dans le champ historiographique latino-americain et une coloration
particuliere. Phenomene d'autant moins surprenant quand on sait combien
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l'histoire occupe dans ces societes, et ce depuis les independances, une place reellement centrale.
L'ouvrage juxtapose trois grandes parties qui repondent a autant d'objectifs
precis, chacun etroitement en rapport avec le sujet de l'ouvrage. La premiere
partie porte precisement sur les ? memoires ? a vif ou les ? memoires blessees ?
d'Amerique latine. II regroupe cinq contributions dont une, inattendue il faut bien l'avouer au vu du titre de l'ouvrage, sur TEspagne... L'element commun a
toutes ces contributions se situe dans la volonte de lutter contre Toubli qui anime les victimes des regimes autoritaires. Sont ici convoques trois des
systemes repressifs emblematiques de ces ?annees de plomb? latino
americaines : le Guatemala et ses probables 300 000 victimes d'une guerre civile, aux relents autant ethnico-racistes qu'ideologiques, etudiee par M. Casaus Arzu ;
le Nicaragua qui fut Tun des terrains de predilection de ces ? guerres de basse intensite ? des annees 80 mais dont pourtant les victimes se comptent par
milliers, analyse par N. Borgeaud-Garciandia ; l'inevitable Chili du dictateur
symbole de ces regimes de securite nationale aborde par M, Garate. A ce sinistre
cortege qui n'a rien d'inattendu, viennent s'ajouter deux etudes de cas, plus
surprenantes au premier abord mais finalement assez bienvenues : la premiere
concerne le cas cubain et une ? operation
? relativement meconnue car oubliee,
baptisee ? Pedro Pan ?
qu'etudie E. Burgos ; la seconde concerne le retour en
force de la memoire republicaine de la guerre civile dans TEspagne democratique d'aujourd'hui presente par M. Joly. Ces cinq contributions
partagent par ailleurs un second element qui renvoie a une approche et une
demarche partagees. Toutes s'appuient en effet sur un meme recours aux
temoignages des victimes ou de leurs proches, notamment de leurs descendants.
En ce sens, on peut d'abord lire ces contributions comme autant de recueils de
paroles de celles et ceux qui furent, directement ou indirectement, malmenes et
broyes par une histoire douloureuse qui bien souvent les depasse. Ces ? parcours de vies ? ne pretendent bien sur a aucune exemplarite. Ils sont la comme autant
de materiaux bmts que rhistorien fait surgir a travers les entretiens qu'il realise.
Ils temoignent aussi de la vigueur d'une demande sociale qui refuse de se
resoudre a l'oubli et dont rhistorien devient en quelque sorte le mediateur. Bien
plus meme, plus l'amnesie collective semble avoir ete efficace, comme dans
l'Espagne franquiste, plus le retour de la memoire semble irrepressible, demontrant le role central qu'occupent aujourd'hui les ? porteurs de memoire ?.
La seconde partie de l'ouvrage aborde un sujet different mais qui entre
pleinement en echo avec les souffrances evoquees par les auteurs de la premiere
partie. Ici, l'aire geographique se reduit a l'espace du Cone sud latino-americain.
Surtout, il ne s'agit plus tant de travailler sur des temoignages directs recueillis
par l'historien que de revenir a des sources plus traditionnelles pour lui, a savoir des traces ecrites. Cependant, ces ? ecritures ? sont, pour le moins, originales. La
contribution de J.M. Pedro et de C. Scheibe Wolf propose en effet une analyse des ?mots ecrits sur les murs? de quelques grandes villes du sud latino americain. De La Paz a Buenos Aires en passant par Montevideo et le Bresil, ce
sont bien les murs qui y ? prirent la parole ? depuis les annees 60 qui constituent le materiau utilise. Cela permet aux auteurs de reconstituer une chronologie des
discours de gauche latino-americains approches sous Tangle du feminisme. Une
tout autre ? ecriture ? est celle qu'etudie M.M. Raimondi. Elle s'appuie sur le
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developpement d'un theatre alternatif dans la ville de Buenos Aires qui s'accompagne de la multiplication de textes. Cette nouvelle activite culturelle,
surgie avec le retour de la democratic, se realise le plus souvent dans un cadre
associatif a l'echelle du quartier. Elle permet ainsi de ?liberer la parole ? en laissant les traditionnels ? sans voix ?
s'exprimer sans veritable restriction si ce
n'est celle qu'ils s'imposent a eux-memes. II s'agit done clairement d'exprimer leurs refiis, leur resistance, face a des decisions dont ils condamnent les
orientations. La encore, aucune pretention a l'exemplarite, mais plutot des
manifestations de la subjectivite dans un contexte micro-politique. Ces espaces de parole donnent naissance a un theatre eminemment politique qui se nourrit
de la demande sociale, au sein de laquelle la question memorielle est inevitablement omnipresente. Enfin, les trois dernieres contributions de cette
seconde section de l'ouvrage concernent toutes trois l'espace paraguayen et sa
relation a la memoire des guerres qui, de la seconde moitie du XIXe siecle - Guerre de la Triple Alliance (1864-1870)
- a la premiere moitie du XXe siecle - Guerre du Chaco (1932-1935) -, affecterent la region. Ces episodes militaires
representent probablement les guerres les plus importantes et les plus meurtrieres de rhistoire de l'Amerique post-coloniale et constituent des cles de
lecture incontournables afin de comprendre les dynamiques internes des pays de la region. Les enquetes et les analyses developpees par les auteurs de ces
contributions permettent de saisir la place qu'occupe, aujourd'hui encore, la
memoire de ces evenements pourtant lointains en termes chronologiques mais
tellement presents chez les populations concernees. A l'image de la contribution
de C. Boidin, au titre de fable, on observe combien ces fractures lointaines
res tent encore, transmission orale aidant, des facteurs de clivage d'une actualite
vivante.
L'ultime partie de l'ouvrage aborde un dernier aspect, d'une certaine maniere
atemporel, tant il est vivant et actif en Amerique latine depuis 200 ans. II renvoie
a l'utilisation de l'histoire par les pouvoirs en place afin de developper une ?histoire officielle?. Cette pratique, aussi ancienne que les Etats nes des
anciennes colonies iberiques, s'est concretisee dans le developpement d'un
courant historiographique baptise d'? historia patria ? qui atteint son apogee au
cours du XIXe siecle. Cette fabrication d'une ? memoire nationale ?, construite
sur cette histoire officielle, ne rencontrait pas de veritable opposition dans le cadre des regimes autoritaires ou des democraties ?confisquees? qui caracterisent l'histoire politique latino-americaine des XIXe et XXe siecles. Tel n'est plus le cas aujourd'hui avec la democratisation qui s'opere sous nos yeux
depuis le recul des regimes dictatoriaux. On comprend alors combien cette
pretention a vouloir ecrire une histoire officielle, chargee d'exprimer et surtout de legitimer une memoire nationale, se heurte vigoureusement a raffirmation de
memoires plurielles portees par les collectifs les plus clivers. C'est l'etude de ces
confrontations, le plus souvent vives, que retracent F. Langue pour le Venezuela
chaviste en recherche de legitimation bolivarienne, D. Albarran pour le Chiapas
zapatiste face a une nation mexicaine fille de la Revolution, G. Borras pour les
Indiens de l'Altiplano bolivien et L. Capdevilla pour le cas paraguayen auquel la seconde partie de l'ouvrage a accorde deja une large place. Tous ces exemples, hautement significatifs des enjeux et des debats latino-americains sur la place de l'histoire dans les processus de constructions nationales, illustrent a merveille les
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transformations en cours dans les rapports que ces societes entretiennent avec
THistoire. Ils mettent en evidence les changements de regimes d'historicites a
Pceuvre dans ces societes pluriethniques et multiculturelles, offrant a Phistorien
un terrain d'observation des plus feconds.
Michel BERTRAND Universite de Toulouse
Javier RAMIREZ JUAREZ, Jean-Christian TULET (Coords.).- Recomposicion territorial de la agricultura campesina en America Latina- Colegio de Postgraduados en
Ciencias Agricolas / Laboratoire Geographie de rEnvironnement (GEODE CNRS), Mexico, Plaza y Valdes, 2010.- 231 p.
?En Amerique Latine l'agriculture familiale represente plus de 80% des unites productives, emploie environ deux agriculteurs sur trois, apporte 30 a
40% du PIB agricole et integre plus de 60% de l'emploi sectoriel?. C'est sur ce constat que Javier Ramirez et Jean-Christian Tulet introduisent ce livre, dont les
contributions sont issues, pour la plupart, d'interventions du cinquieme congres
europeen de latino-americanistes CEISAL (Bmxelles, avril 2007), en particulier suite a une table ronde sur le theme ?^Exclusion o recomposicion del
campesinado en America Latina? ?.
Les transformations du monde agraire latinoamericain des dernieres
decennies donnent en effet lieu a un debat de fond. Car elles ont conduit un certain nombre d'auteurs, a travers la notion de ? nouvelle ruralite ?, a considerer
que les changements sont tels que Ton peut parler d'une transition d'un monde
agraire domine par la production agropastorale a une societe rurale plus
diversifiee. De la, le rural ne signifie plus exclusivement l'agricole, c'est la
? desagrarisation de l'activite productive
?. Cette ? nouvelle mralite ? defendue
notamment par des auteurs comme De Grammont, Perez ou Teubal, affirme
que sous l'effet conjoint de la mondialisation du systeme agroalimentaire
mondial, du controle de celui-ci par des firmes transnationales, et d'un
agencement de ces dynamiques par les politiques d'ajustement structured les
acteurs mraux traditionnels se sont appauvris et ont peu a peu quitte les
campagnes. La realite complexe du monde rural et de ses evolutions s'apprehende par
une approche prudente et rigoureuse, elle demande des travaux de terrain et des
etudes de cas. C'est pourquoi sans chercher a nier les changements souvent
brutaux que connait le monde mral, ni a alimenter une vision duelle voire
manicheenne des enjeux en cours, il est important de nuancer ces affirmations
en prenant en compte l'heterogeneite des processus, et la consequente diversite
des reponses paysannes. C'est la le principal interet de l'ouvrage, dont les contributions mettent en
valeur la diversite des strategies et des reconfigurations agricoles, ainsi que des
possibles voies de developpement de l'agriculmre familiale, a travers l'etude des atouts et des limites de systemes de productions de plusieurs regions de
Colombie, du Venezuela et du Mexique. On y trouve principalement des
exemples de reconversion agricole par l'apparition et le developpement de Thorticulrure dans les hautes vallees tropicales
- souvent par une bonne mise a
profit de reseaux d'irrigation au sein d'exploitations relativement modestes - en
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