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Université Paul Valery Montpellier III Maîtrise de Français Langue Etrangère DAZY Rhéa Numéro d’étudiant : 20206912 MEMOIRE DE STAGE Titre : De l’utilité de l’analyse et de l’intervention de la langue maternelle dans l’apprentissage d’une langue étrangère.

MEMOIRE DE STAGE - asl.univ-montp3.frasl.univ-montp3.fr/UE11/languematernelle.pdf · 1. Rapport de stage d’observation ... Reflets 3, cahier d’exercices. - L’exercisier –

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Université Paul Valery

Montpellier III

Maîtrise de Français Langue Etrangère

DAZY Rhéa

Numéro d’étudiant : 20206912

MEMOIRE DE STAGE

Titre : De l’utilité de l’analyse et de l’intervention de la langue

maternelle dans l’apprentissage d’une langue étrangère.

Table des matières

RESUME.......................................................................................................... 4

INTRODUCTION............................................................................................ 4

1. Rapport de stage d’observation.................................... 5

1.1. Présentation du stage......................................................................... 5

1.1.1. Lieu et durée du stage ........................................................................... 5 1.1.2. Description du stage .............................................................................. 5

1.1.2.1. Public et objectif du cours................................................................ 5 1.1.2.2. L’enseignante................................................................................... 5 1.1.2.3. Les élèves......................................................................................... 6 1.1.2.4. Les rapports entre les apprenants et l’enseignante........................... 6 1.1.2.5. Le cours et son déroulement ............................................................ 6

1.1. Remarques.................................................................................... 7

1.2.1. remarques sur l’enseignante................................................................ 7 1.2.2. Remarque sur l’enseignement............................................................. 8

1.2. Réflexions liées au stage.............................................................. 8

1.3.1 Constatation ......................................................................................... 8 1.3.2 Interrogation et expériences................................................................. 8 1.3.3 Réflexion, hypothèses .......................................................................... 9

2. Mémoire de stage ....................................................... 12

2.1. l’arbitraire et les rapports sociaux : acteurs de la langue et de la

communication....................................................................................... 12

2.1.1. Le découpage de la réalité................................................................... 12 2.1.2. Le signe, l’erreur et les rapports de force. ........................................ 13

2.2. Spécificités communicatives........................................................... 14

2.2.1. L’interlangue : production bâtarde ................................................... 14 2.2.2. la particularité de la situation de communication en classe de langue......................................................................................................................... 15

2.3. Qu’est ce qu’un hellénisme ? .......................................................... 15

2.3.1. Définition .............................................................................................. 15 2.3.2. Les causes ............................................................................................. 16

2.3.2.1. Démarche d’apprentissage ............................................................. 16 2.3.2.2. Conséquences de cette démarche................................................... 17

2.4. Sur la piste de l’erreur ..................................................................... 18

2.4.1. L’origine du raisonnement ................................................................. 18

2

2.4.2. Refaire le raisonnement ...................................................................... 18

2.5. Exemples et analyses d’hellénismes ............................................... 19

2.5.1. Le calque : traduction mot à mot ....................................................... 19 2.5.1.2. Description du tableau, analyse des raisonnements....................... 20 2.5.1.3. Prise en compte du raisonnement lié à l’hellénisme pour la correction .................................................................................................... 22

2.5.2. Hellénismes dus à la confusion des pronoms relatifs........................ 23 2.5.2.1. Tableau des pronoms relatifs ......................................................... 23 2.5.2.2. Les causes de la confusion............................................................. 23 2.5.2.3. Les conséquences sur le raisonnement de l’élève.......................... 24 2.5.2.4. Tableau illustratif et explicatif ....................................................... 24 2.5.2.5. Commentaire du tableau : sur la piste du raisonnement ................ 25 2.5.2.6. Prise en compte du raisonnement lié à l’hellénisme pour la correction .................................................................................................... 25 2.5.2.7. Autre exemple d’erreurs sur le pronom relatif............................... 25

2.5.3. Hellénismes dus à la non correspondance des genres dans les deux langues ............................................................................................................ 26

2.5.3.1. Tableau des genres......................................................................... 26 2.5.3.2. Exemples d’erreurs dues à l’absence de l’article indéfini du pluriel en grec ....................................................................................... 26 2.5.3.3.1. La cause de ces erreurs........................................................... 26 2.5.3.3.2. La prise en compte de cette cause pour la correction de ces erreurs..................................................................................................... 27 2.5.3.3.3. Les conséquence de ce type de correction ............................. 27

2.5.3.4. Erreurs dues à la non équivalence du découpage de la réalité entre la langue grecque et la langue française. .................................................... 27

2.5.3.5. Genres différents dans les deux langues, pas d’équivalence 28 2.5.3.6. Hésitations dues à l’inexistence du genre neutre en français................................................................................................................ 28 2.5.3.6.1. Les causes de ces erreurs........................................................ 28 2.5.3.6.2. Démarche en vue d’une correction ........................................ 28

2.5.4. Problème de polysémie........................................................................ 28 2.5.4.1. La cause ......................................................................................... 29 2.5.4.2. Les raisonnements possibles .......................................................... 29 2.5.1.4.1. les solutions de correction........................................................... 29

CONCLUSION .............................................................................................. 30

Bibliographie....................................................................................... 32

3

RESUME L’intervention de la langue maternelle dans le cadre de l’apprentissage d’une langue

étrangère est souvent méprisé. L’apprenant fait pourtant fréquemment appel et de manière

presque toujours instinctive à sa langue maternelle. Celle-ci lui sert de modèle, de fil

conducteur. L’intervention de la langue maternelle ne reste cependant pas sans influencer

les productions en langues étrangère. Une action déformatrice donne ainsi naissance à un

type particulier d’erreur : les hellénisme. Le fait de tenir compte de la langue maternelle

peut alors améliorer la qualité des corrections de ce type d’erreurs et donner la possibilité

aux apprenants d’accéder de façon intelligente à l’acquisition de la langue étudiée.

INTRODUCTION L’utilisation de la langue maternelle de l’apprenant dans l’apprentissage d’une

langue étrangère est un sujet sensible, les avis sont partagés. Les partisans de l’immersion

totale, de la méthode naturelle1, de la méthode directe, se refusent totalement à l’utiliser.

D’autres restent plus réservés ; les partisans de la méthode audio-orale envisagent des

explications en langue maternelle, les partisans de la méthode communicative passent par

la traduction de la langue étrangère en se basant sur celle-ci. Tous ces choix ont des

conséquences sur l’apprentissage et son déroulement. En effectuant mon stage, j’ai

ressenti une certaine frustration en observant la non-utilisation de la langue maternelle.

Lors de mes recherches à ce sujet, en analysant certains exemples d’hellenismes, j’ai

constaté qu’une intervention passive de la langue maternelle pouvait avoir des résultats

bénéfiques..

1 BESSE Henri : Méthodes et pratiques des manuels de langue, collection : essai, école normale supérieure

de Saint-Cloud, Didier, 1985.

4

1. Rapport de stage d’observation

1.1. Présentation du stage

1.1.1. Lieu et durée du stage J’ai effectué mon stage d’observation à l’I.F.A., Institut français d’Athènes se

trouvant au centre d’Athènes, au 31 de la rue Sina. Ce stage a duré cinquante heures.

Grâce à ce stage, j’ai pu observer le déroulement d’un cours de français proposé par cet

institut.

1.1.2. Description du stage

1.1.2.1. Public et objectif du cours Ce cours est destiné à la préparation du D.E.L.F.. Il s’adresse à des élèves ayant un

niveau intermédiaire et prépare plus particulièrement aux unités A5 et A6 du D.E.L.F..

1.1.2.2. L’enseignante Nicole Mobilotte, l’enseignante de ce cours, est une Française native d’une

quarantaine d’année, qui s’est installée en Grèce depuis plusieurs années. Elle ne dispose

d’aucun diplôme officiel, ni grec, ni français, pour enseigner le français, mais a fait

plusieurs stages et formations de F.L.E. en France pour pouvoir travailler à l’I.F.A.

C’est elle qui organise le cours, qui mène le jeu, qui décide de l’ordre des activités,

qui régule les échanges, qui donne des explications, qui interpelle les élèves, qui sollicite

leurs interventions, qui les informe sur l’actualité française et les habitudes des Français.

L’enseignante paraphrase souvent les textes afin de les faire comprendre aux

élèves sans passer par la traduction. Enfin, grâce à des corrections, des reformulations, des

commentaires appréciatifs, des critiques, elle évalue les élèves, leurs travaux, leurs

progrès.

5

1.1.2.3. Les élèves Les élèves de ce cours appartiennent dans leur majorité à une tranche d’âge

relativement homogène. Ils ont entre 18 et 25 ans. La plupart sont étudiants ou encore

lycéens.

Leur niveau est également assez homogène, il est moyen : l’enseignante m’a

montré le cahier de notes des élèves. Celui-ci ne contenait ni des résultats brillants, ni une

progression étonnante.

Leur motivation laisse un peu à désirer. En effet, ils ne font pas systématiquement

le travail demandé par l’enseignante, et avouent, après avoir été interrogés sur la question,

ne pas apprendre le français de leur plein gré, mais plutôt de répondre à un désir parental.

Leur participation est assez limitée. Elle se limite souvent aux interventions

guidées par la non-compréhension d’un élément du cours. Les élèves posent des questions

lorsqu’ils ne comprennent pas, mais répondent rarement de façon volontaire et spontanée

aux sollicitations de l’enseignante.

Ils s’expriment uniquement en français, lorsqu’ils s’adressent à la classe ou à

l’enseignante, mais utilisent le grec lorsqu’ils discutent entre eux, lorsqu’ils

communiquent à voix basse.

1.1.2.4. Les rapports entre les apprenants et l’enseignante Les rapports entre les apprenants et l’enseignante sont assez bons. Il n’y a pas trop

de problèmes de discipline, le cours se déroule par conséquent dans de bonnes conditions.

Il y a parfois, en générale après l’intervention déplacée d’un élève, des crises de rires qui

détendent l’atmosphère.

1.1.2.5. Le cours et son déroulement L’enseignante dispose de matériel audio, vidéo, et d’une salle informatique. Elle

utilise les manuels suivants :

6

- NICOLE MOBILOTTE / BARBARA STYLIANOU : Voyage vers le D.E.L.F.,

2nd degré, niveau A5 / A6, Vitori.

- CATHERINE DOLLEZ / SYLVIE PONS, Reflets 3, méthode de français,

Hachette livre français langue étrangère.

- CATHERINE DOLLEZ / SYLVIE PONS, Reflets 3, cahier d’exercices.

- L’exercisier – expression française pour le niveau intermédiaire, PUG Flem.

Les deux premiers manuels cités ont été écrits par l’enseignante en question qui a travaillé

en collaboration avec une autre enseignante de F.L.E. de l’I.F.A.. Ces deux enseignantes

ont actuellement pour mission de rédiger la collection des manuels utilisés par l’I.F.A..

Le cours commence souvent par des mini exposés oraux d’actualité, puis

l’enseignante enchaîne au choix, par des exercices de grammaire proposés par la méthode

Reflet 3 et son cahier d’exercices , par de la lecture de texte tiré du manuel Voyage vers le

D.L.E.F. ou d’article de la presse, des exercices de compréhension, de rédaction,

d’expression orale…

Tout le cours se déroule sans un mot de grec.

1.1. Remarques

1.2.1. remarques sur l’enseignante L’enseignante n’est à mes yeux, ni trop sévère, ni trop autoritaire. Elle demande

souvent l’avis des élèves, essaie de rendre le cours plus divertissant… Les apprenants la

respectent, et approuvent, m’ont-ils dit, la qualité de son enseignement.

En règle générale l’enseignante fait toujours preuve de bonne volonté, et est

toujours prête à expliquer. Elle varie également les supports : iconographiques, (photos de

presse, publicités), audiovisuels, (journal télévisé, interviews)…et rompt ainsi la

monotonie des cours.

7

1.2.2. Remarque sur l’enseignement Le seul aspect négatif que j’ai pu repérer dans son enseignement est l’absence de

correction phonétique de la prononciation des élèves. Il est vrai que le volume horaire des

cours, deux fois trois heures par semaine de septembre à mai à peu près, comparé au

programme fixé ne laisse pas beaucoup de temps à ce genre d’exercices. Il me semble

néanmoins assez déplorable qu’après trois ans de français, certains élèves éprouvent

encore des difficultés par rapport à la discrimination de consonnes telles que [s] et [z] ! Et

cela est d’autant plus regrettable si l’on sait que le D.E.L.F. est aussi composé d’unités

reposant sur l’expression orale.

1.2. Réflexions liées au stage

1.3.1 Constatation En observant cette classe à raison de deux fois par semaine, j’ai pu constater, étant

moi-même hellénophone, que la plupart des interventions orales des élèves étaient

hésitantes, incertaines et que ces hésitations étaient souvent dues au rapport établi par

l’élève entre la langue maternelle et la langue étrangère étudiée.

1.3.2. Interrogation et expériences Je me suis souvent interrogée sur la question de l’utilisation de la langue maternelle

en classe de langue. Je n’ai personnellement jamais eu l’expérience d’un apprentissage où

la langue maternelle était exclue.

Ayant discuté quelque peu sur le sujet avec l’enseignante, j’ai compris que

l’enseignante s’érigeait totalement contre l’utilisation de la langue maternelle en classe de

langue. Elle était malheureusement pressée et n’a pas semblé vouloir me donner

d’explication à ce propos. Ayant lu quelques ouvrages traitant de ce sujet, j’ai continué à

8

me poser la question car ce refus de l’utilisation de la langue maternelle dans le cadre de

l’apprentissage d’une langue étrangère.

1.3.3. Réflexion, hypothèses L’intervention de la langue maternelle peut-elle être profitable à l’apprentissage

d’une langue étrangère ? Bien sûr l’immersion de l’apprenant dans la langue étrangère est

bénéfique, mais ce n’est malheureusement pas toujours possible. Un cours de six heures de

français par semaine ne peut prétendre remplacer une immersion. Ainsi peut-on

différencier deux types d’intervention de la langue maternelle en classe de langue :

- La première est une intervention active : c’est la langue principale de

communication entre les élèves et l’enseignant. L’enseignant utilise cette langue

pour expliquer ce qu’ils n’ont pas compris, pour enseigner le métalangage de la

grammaire…

- La deuxième est une intervention passive : l’enseignante connaît la langue des

élèves et l’utilise pour comprendre les erreurs des élèves, pour retracer le

cheminement de leurs pensées.

Le premier type d’intervention réduit considérablement les échanges dans la

langue étrangère étudiée et de ce fait s’éloigne ainsi totalement de l’immersion évoquée

précédemment.. Ceci est regrettable dans la mesure où le nombre d’heures de

l’enseignement est déjà relativement faible.

Le deuxième type d’intervention de la langue maternelle est celui qui a attiré mon

attention. Le refus catégorique d’une grande partie du corps enseignant en ce qui concerne

l’utilisation de la langue maternelle me semble très totalitaire. J’ai moi-même eu des

expériences d’enseignement du français à des enfants, qui m’ont parues très laborieuses en

l’absence de l’utilisation de la langue maternelle. J’ai souvent eu l’impression de faire du

sur place, j’ai vu des enfants se démotiver, et provoquer ainsi ma déception. L’être

9

humain, lorsqu’il parvient à un âge où son système cérébral est en mesure de réfléchir, se

sent diminué lorsqu’il ne peut utiliser son raisonnement logique, son cerveau, pour s’aider

dans ses nouvelles acquisitions.

L’intervention passive de la langue maternelle paraît être une solution adoucissant

le mur dressé par la non utilisation de celle-ci. En effet, en observant la classe, j’ai

constaté que la plupart des productions hésitantes, incertaines, bancales étaient dues chez

les élèves à l’intervention presque instinctive de leur langue maternelle sur leur

production. « La langue maternelle constitue toujours pour l’apprenant de langue étrangère

un point de repère fondamental.»2. La correction des erreurs commises à cause de ce

processus n’était pourtant jamais mise en rapport avec le système de la langue maternelle

des élèves.

J.P. ASTOFLI place l’erreur « au cœur du processus d’apprentissage »3. Il désigne

l’erreur comme étant « un indicateur de processus » 2 et incite pour cela à « [décortiquer]

la logique de l’erreur » 2. L’identification de la raison pour laquelle une erreur a été faite

améliore les conditions de sa correction et permet l’élaboration du stratagème de cette

correction. Si la raison principale de l’erreur réside dans le fait que l’apprenant a utilisé sa

langue maternelle, comment peut-on ignorer ce fait ? Il ne me semble pas que l’ignorance

serve à la connaissance. Mieux vaut comprendre pourquoi on a fait telle faute, qu’évacuer

sans raison apparente du point de vue de l’élève, un comportement qui de manière presque

2 CUQ J.P. : Une introduction à la didactique de la grammaire en F.L.E., collection : Didactique du français,

Didier Hatier, 1996 3 ASTOFLI Jean-Pierre : Pratiques et enjeux pédagogiques (L’erreur, un outil pour enseigner), E.S.F.

éditeur, 1997, page 15.

10

inévitable va refaire surface à un moment ou a un autre. Mieux vaut prévenir que guérir, et

cela me paraît particulièrement vrai en langues, car un mécanisme langagier une fois

acquis, une fois assimilé, est très difficile à corriger.

C’est cette réflexion qui m’a poussé à choisir le sujet de mon mémoire. J’ai

recherché des exemples d’intervention passive de la langue maternelle auxquels

l’enseignant pouvait avoir recours pour aider au maximum les apprenants grecs dans leurs

productions en français. C’est donc pour cette raison que je me suis penchée plus

particulièrement sur les hellénismes et ‘leurs fabrications’, afin de démontrer que leur

analyse pouvait aider à la progression de l’apprentissage d’une langue étrangère.

11

2. Mémoire de stage

2.1. l’arbitraire et les rapports sociaux : acteurs de

la langue et de la communication

2.1.1. Le découpage de la réalité Le découpage de la réalité est loin d’être un fait évident. Chaque groupe

linguistique possède une langue qui en fonction des habitudes de celui-ci, en fonction de

ses manières de penser, en fonction de son entourage, de son mode de vie etc., découpe la

réalité de façon différente. Pour dire la même chose, deux personnes appartenant à deux

groupes linguistiques emploieront des méthodes totalement différentes. Chaque personne

même inconsciemment transporte dans sa langue toute la culture de son groupe

linguistique. Par exemple, le découpage des couleurs, qui nous paraît évident, est en réalité

totalement arbitraire et dépend d’une logique qu’un autre groupe linguistique ne partage

pas forcément.

Il existe en général deux découpages différents de la réalité dans une classe de

langue où l’origine des élèves est homogène et l’enseignant natif de la langue qu’il

enseigne. Par exemple : un mot unique en français : « temps » pour « le temps qui passe »

et « le temps qu’il fait » renvoie à deux mots en anglais « time » et « weather », à deux

mots en grec « χρόνος» « καιρός »… Ainsi la production d’un élève en langue étrangère,

surtout lors des premières années de l’apprentissage, fera appel à un découpage différent

de celui de la langue qu’il est en train d’étudier. L’application du découpage de la langue

12

maternelle sur la langue étudiée tel un phénomène de « rémanence »4 entraîne des

déformations. Ces déformations tiennent « à la nature complexe du sémème dans la langue

maternelle comme dans la langue seconde, or cette nature complexe du sémème n’est pas

plus saisi par l’élève dans la langue maternelle que dans la langue seconde ». Aussi, si

l’enseignant connaît la langue maternelle des élèves, s’il est sensible à son découpage de la

réalité, il est alors en mesure de comprendre un certain nombre d’erreurs liées à ce fait. Et

qui dit : comprendre, dit : être capable de tracer le raisonnement effectué par l’élève qui a

commis l’erreur, dit : être capable d’envisager un système de correction adéquat.

2.1.2. Le signe, l’erreur et les rapports de force. Le signe n’existe pas indépendamment d’un groupe social qui l’utilise dans sa

communication. Sa valeur en découle directement. En effet, c’est à partir de ses points de

référence, qu’ils soient autoritaires ou contractuels, que le groupe social classera un signe

dans le domaine de l’erreur ou de la réussite.

Lorsqu’un sujet produit du sens, il reste toujours « logique et cohérent par rapport à

son répertoire d’expérience et de savoirs, par rapport à son état du moment et aux autres

contextes de réception. »5. C’est seulement lorsque cette production entre en contact avec

un représentant d’un groupe social, qu’elle est jugée, qu’elle est admise ou rejetée. C’est à

ce moment que la notion d’erreur peut apparaître.

La logique d’un sujet est donc confrontée à une autre logique. Cette autre logique

peut être celle d’un autre sujet prêt à accepter tout écart au code établi par le groupe social,

mais en général il s’agit plutôt d’un rapport de force du type : enfant / école. L’une des

deux logiques détient de façon légitime le pouvoir et n’accepte aucun écart à la règle, sous

peine de juger les paroles de l’autre, de les désigner en tant qu’erreurs.

4 BOUTON C. P. : L’acquisition d’une langue étrangère, collection : Initiation à la linguistique,

Klincksieck, 1974, page 269.

5 D. DESCOMPS : La dynamique de l’erreur, 1999, page 8

13

Ainsi il n’y a pas de signes justes ou faux. Il n’y a pas d’utilisation des signes juste

ou fausse. Il y a des signes et des utilisations de signes compatibles ou non à la

communication d’un groupe social, d’un groupe linguistique.

L’émetteur peut produire une infinité d’énoncés, mais seules seront retenues les

productions acceptées par le récepteur. Les autres seront aussitôt qualifiées d’erreur et

rejetées. Lorsque l’apprenant commet une erreur parce qu’il fait appel à sa langue

maternelle, il émet un raisonnement qui est souvent juste par rapport au système de celle-

ci, et en général faux par rapport au système de la langue étudiée. Cette erreur est donc à

double tranchant puisqu’elle peut être fausse et juste en même temps, et mérite par

conséquent une attention particulière.

2.2. Spécificités communicatives

2.2.1. L’interlangue : production bâtarde « On apprend une langue étrangère que parce que l’on connaît déjà la sienne »6. De

façon consciente ou non, l’apprenant fait très souvent appel à sa langue maternelle pour

s’aider lors des productions en langue étrangère. Le système de la première langue se

plaque alors de façon presque inévitable sur celui de la langue étrangère. Il en découle

alors une production assez bâtarde : l’ interlangue. « L’apprenant identifie certaines

structures de la langue cible comme identique à celles de la langue maternelle et en déduit

des stratégies d’apprentissage appropriées. Il se construit une sorte de grammaire

provisoire. »7. L’apprenant utilise par exemple des mots appartenant au système de la

langue étrangère et les adapte à une façon de penser appartenant à la langue maternelle qui

6 BOUTON C. P. : L’acquisition d’une langue étrangère, collection : Initiation à la linguistique, Klincksieck,

1974.

7 CUQ J.P. : Une introduction à la didactique de la grammaire en F.L.E., collection : Didactique du français,

Didier Hatier, 1996

14

peut déteindre sur la syntaxe d’un énoncé, sur son vocabulaire, sur l’organisation de ses

idées…

2.2.2. la particularité de la situation de communication en classe de langue

La situation de communication en classe de langue est différente de la situation

habituelle. Si l’enseignant est en mesure de retracer le cheminement de la pensée d’un

élève lorsqu’il commet une production erronée, il est alors capable de mieux recevoir le

message émis par l’élève. Il ne rejette donc pas d’emblée son énoncé parce qu’il est faux.

Son champ de réception du sens est par conséquent plus large que celui du groupe social

de la langue en question.

L’enseignant, lorsqu’il repère une production erronée, au lieu de la rejeter, essaye

de la comprendre, et surtout de la corriger. C’est ce contrat didactique qui démarque la

situation de communication en classe. Aussi l’élève s’applique-t-il à faire le moins de

fautes possibles, il propose des énoncés à l’enseignant, il sait que ces énoncés seront

d’abord jugés selon leur forme et ensuite selon leur contenu. Dans une situation de

communication normale, c’est surtout le contenu qui importe, la forme étant donnée.

2.3. Qu’est ce qu’un hellénisme ?

2.3.1. Définition Un hellénisme est une erreur dans une production en langue étrangère commise par

un sujet grec faisant appel à sa langue maternelle. Cette erreur peut concerner l’axe

syntaxique d’un énoncé - sa structure, ou l’axe paradigmatique - le choix de son contenu.

Ou les deux.

L’interlangue d’un apprenant grec est souvent composé d’une compétence

largement imprégnée de grec moderne qui influence sa performance en déformant les

énoncés produits en langue étrangère.

15

La langue maternelle peut avoir une influence sur la syntaxe de la langue

étrangère. Elle peut modifier la structure d’un énoncé, en plaquant sa syntaxe sur la

syntaxe de la langue étrangère, elle peut ainsi changer l’ordre des groupes grammaticaux,

leur nature, etc.

La langue maternelle peut avoir une influence sur les paradigmes utilisés.

Elle peut d’abord les recréer, en important un mot de son système et en l’adaptant aux

règles du système de la langue étrangère. Elle peut aussi utiliser un mot pour un autre : les

associations d’idées, les antonymes, les familles de mots, les champs lexicaux, ne sont pas

forcément identiques d’une langue à l’autre.

Enfin l’action de la langue maternelle peut être si grande qu’elle peut dicter sa

propre structure et ses propres mots à la langue étrangère qui n’est alors plus qu’un strict

calque : une traduction littérale.

2.3.2. Les causes

2.3.2.1. Démarche d’apprentissage La démarche d’un adolescent ou un adulte qui apprend une langue étrangère n’est

pas la même que la démarche d’apprentissage de la langue maternelle.

« Pour acquérir la langue de son milieu, l’enfant bénéficie d’étapes ontogéniques

privilégiées. Ainsi, dès les premières manifestations de son activité verbale, il dispose

d’automatismes préalablement élaborés. Toutes les étapes de l’acquisition sont étroitement

associées aux étapes du développement neurophysiologique de l’enfant et marquent en

même temps les phases successives de son développement mental. »8. L’apprenant d’une

langue étrangère ne disposant plus de ses « étapes privilégiées » va utiliser sa langue

maternelle pour organiser son acquisition. Chaque chose qu’il apprendra sera donc

8 BOUTON C. P. : L’acquisition d’une langue étrangère, collection : Initiation à la linguistique, Klincksieck,

1974.

16

consciemment ou non comparée, filtrée, analysée etc., par le système de la langue

maternelle.

Sans autre aide, la langue étrangère ne se charge de signification qu’à travers le

modèle de la langue maternelle. Ce modèle a une action principalement déformatrice et

donne à l’énoncé de la langue étrangère son propre pouvoir de signification.

2.3.2.2. Conséquences de cette démarche Apprendre une nouvelle langue implique la modification des habitudes acquises de

la langue maternelle en fonction des caractéristiques nouvelles du système de la langue

étrangère. Il faut « rééduquer »9

ses habitudes. Il faut rééduquer son articulation, sa

perception, ses concepts pour pouvoir se rapprocher du découpage de la réalité de la

langue que l’on veut étudier.

Cette rééducation n’est cependant pas inoffensive et peut « agresser»8 l’apprenant.

Celui-ci peut alors inconsciemment se protéger en se réfugiant derrière les mécanicismes

plus rassurant de sa langue maternelle. L’action de la langue maternelle dans ce cas sera

renforcée et aura encore plus de conséquences sur l’acquisition de la langue étrangère.

« L’action de la langue maternelle se manifeste à tous les moments de

l’apprentissage, elle est responsable de la plupart des déformations. »8. Plus les systèmes

des langues concernées se ressemblent, plus l’action du système de la langue maternelle

sur la langue étrangère est grande. Cette action peut être organisatrice. Lorsqu’il y a, par

exemple, des similitudes entre la langue maternelle et la langue étrangère étudiée, elle

dispense tout simplement l’apprenant de l’apprentissage des savoirs en question. Elle peut,

à l’inverse, être désorganisatrice et entraîner des déformations telles que les hellénismes.

9 BOUTON C. P. : L’acquisition d’une langue étrangère, collection : Initiation à la linguistique, Klincksieck,

1974.

17

2.4. Sur la piste de l’erreur

Corriger une erreur, signifie d’abord : identifier sa nature, puis par la suite : retracer le

cheminement fait par l’élève, reproduire son raisonnement, comprendre sa façon de

penser. Plus un enseignant comprend l’erreur d’un élève, plus les résultats de sa correction

seront positifs.

2.4.1. L’origine du raisonnement Lorsqu’un apprenant commet une erreur, il pense rarement que ce qu’il dit est

faux. Il peut bien sûr se douter qu’il est en train de faire une erreur, mais en général,

lorsqu’il parle, il essaie de s’exprimer le plus justement possible, même si ce n’est souvent

pas le cas. Cet effort de justesse montre un comportement linguistique particulier qui a ses

règles de fonctionnement, même si ce n’est pas exactement les règles du comportement

linguistique de la langue étrangère. Cet interlangue qui se trouve donc entre la langue

maternelle et la langue étrangère suit une logique qui lui est propre et qui répond à toutes

sortes de raisonnements formés lors de l’acquisition.

Ces raisonnements peuvent être des raisonnements venant directement du système

de la langue maternelle. Ils peuvent également être un amalgame de raisonnements de la

langue maternelle, et de la langue étrangère. Ils peuvent enfin être des raisonnements

erronés issus de la mauvaise compréhension d’un raisonnement de la langue étrangère.

2.4.2. Refaire le raisonnement Après avoir identifié l’origine du raisonnement, l’enseignant doit retracer son

cheminement. Il doit comprendre à quel élément de la langue maternelle il renvoie.

Pourquoi l’élève a-t-il pensé ainsi ? Pourquoi a-t-il fait tel rapprochement ? Qu’y a-t-il de

semblable dans la langue maternelle de l’apprenant qui puisse expliquer cette erreur ?

Quel élément de l’énoncé a-t-il amené l’apprenant à utiliser telle formule ou tel mot ? etc.

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2.5. Exemples et analyses d’hellénismes

2.5.1. Le calque : traduction mot à mot L’hellénisme le plus flagrant est celui de l’expression puisée telle quelle dans la

langue maternelle, c’est à dire le grec moderne et plaquée par simple traduction du

vocabulaire en langue étrangère, ici le français. La structure, c’est à dire la syntaxe de la

langue maternelle n’est pratiquement pas altérée.

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2.5.1.1. Tableaux d’hellénismes

2.5.1.2. Description du tableau, analyse des raisonnements Dans la colonne de gauche de ce tableau, on peut voir des expressions

idiomatiques grecques qui ont été traduites mot pour mot sans que l’ordre de la syntaxe ne

soit changé. Il est dans ce cas assez facile de comprendre le raisonnement et le

comportement de l’élève par rapport à sa production. Soit par fainéantise, soit par

ignorance, soit de façon spontanée, l’élève à fait appel à sa langue maternelle et traduit des

expressions sans savoir si celles-ci conservaient leurs sens une fois transposées en

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français. Le résultat est souvent une structure grammaticale bancale, des mots inadaptés,

une sorte de charabia incompréhensible pour un Français ne parlant pas le grec.

Dans la colonne centrale du tableau, le schéma de la transformation est un peu plus

complexe. La traduction prend en compte l’inclusion du pronom personnel au verbe dans

la conjugaison grecque. L’apprenant lorsque ce cas ce présente ne reproduit pas bêtement

la syntaxe en faisant des phrase du type : « le bien que te veux », mais il apporte certains

acquis grammaticaux qu’il a du français et déforme par cette démarche la syntaxe initiale

de l’expression grecque. Cependant on peut constater qu’ils respectent le genre des

pronoms anaphoriques « τα, το, την » : « les, le, la » sans s’occuper de savoir si ce genre

renvoie à un élément du même genre en français.

Dans la colonne de droite, les schémas de transformation sont variés.

Le premier schéma fait preuve de l’initiative d’une addition d’un élément de

coordination « et », comme si l’apprenant savait ou avait ressenti qu’il ne pouvait pas

juxtaposer deux verbes en français aussi facilement qu’en grec.

Le deuxième schéma montre une phrase qui mot pour mot aurait dû être traduite :

« va me sortir, l’huile ». L’apprenant semblait cependant savoir qu’en français le sujet

se trouve en général devant le verbe et a inversé en conséquence la structure pour donner à

« l’huile » sa fonction sujet.

Le troisième schéma montre également un phénomène d’inversion mais laisse

aussi apparaître un changement de vocabulaire. En effet en traduisant le mot « πέρα » qui

signifie « là-bas » par le mot « ailleurs », l’apprenant déplace légèrement le sens initial de

la phrase et laisse ainsi transparaître l’interprétation qu’il fait lui-même de l’expression

grecque, le « là-bas » démonstratif est remplacé par un « ailleurs », sorte de « là-bas » plus

général.

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2.5.1.3. Prise en compte du raisonnement lié à l’hellénisme pour la correction La correction de ces ‘erreurs’ peut faire appel à une sensibilisation aux

idiomatismes. On peut proposer aux apprenants une série d’idiomatismes français puisés

dans les proverbes par exemple, et comparer ce qu’ils comprennent avec le sens réel de

ces idiomatismes. Cette action agit en quelques sorte à la façon d’un miroir qui réfléchit la

démarche qu’ils ont suivie lorsqu’ils ont traduit presque mot pour mot des expressions

prises dans leur langue maternelle.

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2.5.2. Hellénismes dus à la confusion des pronoms relatifs L’utilisation du pronom relatif est aussi sujette à de nombreux hellénismes.

2.5.2.1. Tableau des pronoms relatifs

2.5.2.2. Les causes de la confusion Les pronoms relatifs grecs ont été simplifiés dans la langue démotique, les formes

composées ont laissé leur place au « που » pronom relatif multifonctionnel.

Les paradigmes du pronom relatif sont donc plus nombreux en français que dans l’usage

courant du grec démotique :

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2.5.2.3. Les conséquences sur le raisonnement de l’élève L’apprenant grec se trouve alors dans une situation assez inconfortable où il fait

appel pour s’aider dans sa production, soit aux formes composées de sa langue, soit à la

fonction du pronom relatif pour trouver le pronom relatif adéquat français.

2.5.2.4. Tableau illustratif et explicatif

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2.5.2.5. Commentaire du tableau : sur la piste du raisonnement En produisant l’énoncé : « le rôle qui joue la société », l’apprenant grec suit deux

raisonnements.

Dans un premier temps il reproduit exactement l’ordre syntaxique grec de la phrase

grecque équivalente. Il se trouve alors face à un problème de traduction de pronom relatif

« που ». Problème : car il y a un paradigme grec « που » pour plusieurs paradigmes

français « qui, que, où…. »

Il recherche ainsi dans un deuxième temps la fonction du groupe nominal que le

pronom relatif remplace. Etant influencé par l’ordre syntaxique grec et ayant appris qu’en

français le sujet occupe normalement la première place de la phrase, il n’affine pas son

analyse et fait appel au pronom relatif sujet du français : « qui ».

2.5.2.6. Prise en compte du raisonnement lié à l’hellénisme pour la correction La correction de cette erreur ne sera que partielle si l’enseignant ne prend pas en

compte le raisonnement fait par l’élève. La répétition d’une règle de grammaticale par

exemple où l’incitation à une analyse plus fine des groupes grammaticaux n’éclairera pas

forcément la production de l’élève qui la fois prochaine se retrouvera face à la même

confusion. L’enseignant peut alors proposer une solution qui permette à l’apprenant de

savoir assez rapidement quel pronom relatif employer, « qui » ou « que » et dans quelles

conditions. Il peut suggérer l’éloignement du verbe par rapport au pronom relatif, et

préciser que l’entourage grammatical du « que » et du « qui » sont différents en français.

En effet, on ne pourra pas remplacer un « που » par un « qui » si celui-ci est entouré de

deux substantifs dont la fonction est sujet et dont le cas est nominatif en grec.

2.5.2.7. Autre exemple d’erreurs sur le pronom relatif - Les outils qu’ils ont besoin

- Des pensées qu’on ne connaît pas l’existence

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- Le soir que nous nous sommes rencontrés

- Des études lesquelles je n’ai pas terminées

2.5.3. Hellénismes dus à la non correspondance des genres dans les deux langues

L’aspect arbitraire du genre entraîne une référence au système grec. Le découpage

n’est cependant pas le même dans les deux langues et c’est ce qui provoque des erreurs.

2.5.3.1. Tableau des genres

2.5.3.2. Exemples d’erreurs dues à l’absence de l’article indéfini du pluriel en grec - Je lis journaux / διαβάζω εφηµερίδες

- Il y a chats dans la rue / έχει γάτες στο δρόµο

2.5.3.3. Exemples d’erreurs dues à l’absence de partitif en grec

[De + article] en français = [ ] en grec

- Il a humour / έχει χιούµορ

- Elle avait fièvre / είχε πυρετό

- Je mange pain / τρώω ψωµί

2.5.3.3.1. La cause de ces erreurs Il est en général beaucoup plus difficile de remplacer un vide que de remplacer une

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structure existante. En effet une structure, même si elle ne peut être traduite telle quelle,

fonctionne à la manière d’un repère, d’un signal. L’apprenant sait, en voyant cette

structure, qu’il doit procéder à telle ou telle démarche pour la remplacer. Si la structure

n’existe pas, il faut alors procéder à une autre sorte d’apprentissage.

2.5.3.3.2. La prise en compte de cette cause pour la correction de ces erreurs L’élève doit comprendre que le vide concerné dans sa langue maternelle est un

vide plein de sens, que ce vide renvoie à une notion précise, et que c’est cette notion qui

est traduite dans la langue étrangère, ici, le français.

Il faut donc passer par une matérialisation de l’ensemble vide, par l’explication de son

rôle, de son sens, et permettre ainsi à l’élève de savoir pourquoi il doit remplacer un vide

par un article pluriel indéfini. Si l’élève ne comprend pas cette démarche, il se trouve alors

devant une situation où il doit agir et produire de façon absurde, sans trop savoir pourquoi,

si ce n’est parce que « c’est comme ça qu’on dit en français ! ».

2.5.3.3.3. Les conséquence de ce type de correction Donner la possibilité à l’élève de comprendre ce qu’il dit et pourquoi il doit le dire

ainsi, l’aide par la suite à se sentir plus sûr, à s’affirmer d’avantage, mais surtout à pouvoir

s’auto-corriger. L’élève peut alors comprendre pourquoi il a fait une erreur, retracer le

raisonnement qui l’y a poussé et enfin la corriger en étant capable de fournir des

explications.

2.5.3.4. Erreurs dues à la non équivalence du découpage de la réalité entre la langue grecque et la langue française.

Pluriels grec = singulier français

- En ayant seulement les nécessaires / Έχοντας µόνο τα απαραίτητα

- Les argents / τα λεφτά

- Les espoirs / οι ελπίδες

- J’apprends les français, les anglais… / µαθαίνω τα γαλλικά, τα αγγλικά …

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2.5.3.5. Genres différents dans les deux langues, pas d’équivalence - La progrès / η πρόοδος

- La pays / η χώρα

2.5.3.6. Hésitations dues à l’inexistence du genre neutre en français - La problème / το πρόβληµα

- Un caractéristique / το χαρακτηριστικό

- Un école / το σχολείο

- Un chose / το πράγµα

2.5.3.6.1. Les causes de ces erreurs Le découpage de la réalité varie en fonction des langues. Le grec a par exemple

trois genres alors que le français n’en a que deux. Beaucoup de genres coïncident car ils

sont en rapport avec la nature des choses qu’ils décrivent, mais beaucoup d’autres sont

arbitraires et peuvent par conséquent être totalement différents.

2.5.3.6.2. Démarche en vue d’une correction En tenant compte de la langue maternelle de l’apprenant, l’enseignant, pour

diminuer ce type d’erreur, peut fournir des listes de vocabulaire ciblées. Il peut regrouper

les mots courants à problème, faire des listes du type : mots grecs masculins qui sont

féminins en français, mots grecs neutres qui sont masculins en français etc. En adaptant

l’apprentissage du vocabulaire à la langue maternelle, on aide l’élève à mieux mémoriser

ce qu’il apprend, à regrouper ces connaissances, et finalement, encore une fois, à

apprendre intelligemment.

2.5.4. Problème de polysémie L’hellénisme peut aussi se rencontrer dans la mauvaise utilisation d’un verbe.

L’apprenant en faisant appel à sa langue maternelle choisit souvent un verbe qui n’est pas

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adapté à la situation, ou qui ne se construit pas avec la même structure.

- La maison où je reste / το σπίτι oπου µένω

2.5.4.1. La cause Dans cet exemple, l’apprenant a fait une traduction du verbe « µένω ». Ce verbe a

cependant deux significations en grec : habiter et rester.

2.5.4.2. Les raisonnements possibles Il existe alors deux explications :

- soit l’apprenant ne sait pas que le verbe « µένω » a deux traductions en français et

que celles-ci dépendent du sens que « µένω » a dans la phrase.

- soit l’apprenant connaît les deux traductions du verbe « µένω » mais n’a pas su

choisir la bonne. En effet lorsqu’une unité de la langue maternelle renvoie à deux

unités de la langue étrangère, il peut y avoir confusion. L’élève n’a pas de modèle

précis dans sa langue maternelle auquel il peut se référer, et doit passer par une

analyse de concept : « habiter », « rester », quelle est la différence, dans quel cas

traduire « µένω » par « habiter », dans quel cas par « rester » ?

2.5.1.4.1. les solutions de correction L’enseignant, s’il a conscience de cette ambiguïté, peut aider l’élève à différencier

les deux concepts. Il peut expliquer la raison de cette confusion de l’élève. Il peut

également devancer ce genre de difficultés en attirant l’attention de l’élève sur les

problèmes de polysémie lorsqu’ils se présentent. L’enseignant peut ainsi éveiller

l’attention de l’élève qui prend conscience petit à petit que le découpage de la réalité n’est

pas équivalent d’une langue à l’autre, et qu’il est bon de s’interroger à ce sujet lorsqu’on

apprend du vocabulaire, ou lorsqu’on recherche un mot dans le dictionnaire…

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CONCLUSION L’intervention passive de la langue maternelle s’appliquant uniquement à la

correction des hellénismes, a l’avantage de ne pas trop entamer le volume horaire consacré

aux échanges en langue étrangère. En invitant l’enseignant à retracer le raisonnement de

l’apprenant lorsqu’il a commis une erreur, à rechercher les causes de cette erreur dans le

système de sa langue maternelle, elle permet une analyse plus précise et donne la

possibilité d’envisager une correction plus fine et plus appropriée aux besoins et

problèmes de l’élève.

L’enseignant peut alors adapter ses méthodes d’apprentissages et créer des

exercices plus ciblés. De même que l’analyse du profil et des besoins d’un public est utile

à un apprentissage, la prise en compte des caractéristiques de la langue maternelle de

l’apprenant enrichit la méthode et les acquis de son apprentissage.

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enseigner), E.S.F. éditeur, 1997.

• RENARD R.: La méthode verbo-tonale de correction phonétique, Didier, 1979.

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collection : Référence, Hachette, 1996

• AMIGUES René, L’erreur,

http://recherche.aix-mrs.fr/publ/voc/n1/amigues3/texte.html

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