116
UNIVERSITE DE DROIT, D’ECONOMIE ET DES SCIENCES D’AIX-MARSEILLE FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE D’AIX-MARSEILLE Centre de Droit Maritime et des Transports LES GARANTIES P&I Mémoire pour le Master 2 Droit Maritime et des Transports Présenté par Marie-Camille DELAYE Sous la Direction de M. Christian SCAPEL Année de soutenance 2007 1

Memoire Sur Les P&I Clubs

Embed Size (px)

Citation preview

  • UNIVERSITE DE DROIT, DECONOMIE ET DES SCIENCES

    DAIX-MARSEILLE FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE DAIX-MARSEILLE

    Centre de Droit Maritime et des Transports

    LES GARANTIES P&I Mmoire pour le Master 2 Droit Maritime et des Transports Prsent par Marie-Camille DELAYE Sous la Direction de M. Christian SCAPEL Anne de soutenance 2007

    1

  • Remerciements Je remercie avant tout Matre Christian Scapel pour sa disponibilit et pour mavoir donn loccasion dintgrer ce Master 2 de Droit Maritime et des Transports.

    Je tiens galement remercier mes Professeurs Messieurs Pierre Bonassies et Georges Figuire pour leur disponibilit et les connaissances quils ont pu mapporter.

    Mes remerciements se tournent aussi vers Monsieur Philippe Garo, directeur de

    McLeans S.A, correspondant de P&I Club ainsi que vers toute son quipe, pour leur patience et leurs prcieux conseils.

    Enfin, je remercie Nelly Laurendon pour son soutien et ses relectures.

    2

  • SOMMAIRE INTRODUCTION.4 CHAPITRE PRELIMINAIRE : Les rgles particulires des P&I Clubs..15

    Section 1 : Rgles originales quant au fonctionnement.15

    Section 2: Pratique particulire au niveau du contentieux.. 20

    CHAPITRE PREMIER : Les garanties classiques proposes par les P&I clubs..32

    Section 1 : Diversit dobjets des garanties clubs...32

    Section 2 : Les lettres de garanties..48

    CHAPITRE SECOND : Les garanties proposes par les P&I Clubs dans le cadre des dommages causs lenvironnement60 Section 1 : Les risques de pollutions...62

    Section 2 : La protection de lenvironnement dans le cadre de lassistance maritime74

    CONCLUSION :..80

    TABLE DES ANNEXES :..82

    BIBLIOGRAPHIE :..112

    TABLE DES MATIERES :..115

    3

  • INTRODUCTION

    Aussi loin que remonte la mmoire humaine, la mer a toujours reprsent le lieu de

    tous les dangers 1. Cependant, il apparut trs tt ncessaire dutiliser des fins commerciales

    cette formidable mais prilleuse immensit, espace naturel dchanges. Les dangers tant

    autrefois encore plus importants quils ne le sont aujourdhui, les premiers navigateurs

    ressentirent le besoin de partager dun point de vue financier les alas maritimes, de mettre en

    commun les risques.

    Lassurance tait ne.

    Cette vision de la mer et du transport, marque par le danger et par lesprit de

    solidarit, a donc lgitimement donn lassurance maritime une place prdominante. Ainsi,

    on ne peut aujourdhui raisonnablement envisager le transport maritime sans lassurance

    maritime, lassurance est la condition mme du commerce maritime. 2

    Diffrents types dassurances existent en transport maritime. Tout dabord, lassurance

    sur facults est une assurance marchandises souscrite par les intrts cargaison afin de protger

    leurs marchandises. Larmateur doit galement assurer ses navires via une assurance corps et

    machines. Larmateur doit aussi se prmunir des risques lis sa responsabilit civile. Pour

    1 Pierre Albertini, Le rle de lassurance , annales IMTM 1997 p. 143 2 Pierre Bonassies et Christian Scapel , Trait de Droit Maritime , LGDJ d. 2006 1280 p. 819

    4

  • cela, il existe deux polices franaises types cres en 1972 linitiative du ministre des

    finances; la police franaise dassurance maritime couvrant la responsabilit du propritaire de

    navires de mer et la police franaise dassurance maritime couvrant la responsabilit du

    transporteur maritime.

    Cependant, en matire de responsabilit de larmateur, lassurance maritime la plus

    utilise est celle fournie par les Protection and Indemnity Clubs ou Clubs de protection et

    dindemnit. Ce sont les garanties fournies par ces P&I Clubs que je vais tenter de traiter dans

    ce mmoire en raison du rle capital de lassurance dans le monde maritime et aussi parce que

    les P&I Clubs sont une institution tout fait atypique et bien quincontournable, assez mal

    connue de certains acteurs du transport maritime.

    Les P&I couvrent globalement la plupart des responsabilits contractuelles ou lgales

    lies lexploitation du navire que le membre soit armateur, affrteur ou oprateur 3 Selon

    larticle 1 de la loi du 3 janvier 1969, larmateur est celui qui exploite le navire en son nom,

    quil en soit ou non propritaire. Nous nenvisagerons cependant dans cette tude que

    larmateur propritaire de navire. Il est important galement de prciser que les Clubs

    envisagent la notion de navire de manire trs large. Ce sont en effet, tous les engins destins

    la navigation sur leau, sous leau, dans leau, peu importe le mode de propulsion. En revanche,

    les navires de sauvetage, de forage, les dragues et autres navires spcialiss sont expressment

    exclus.4

    Dorigine britannique, ces clubs ont eu une cration originale. Il ne sagit pas

    dassurance maritime proprement parler mais de mutuelles. Selon le Doyen Rodire et le

    professeur Emmanuel du Pontavice, la diffrence se fait dans la distribution des risques qui

    peut tre ralise de deux manires soit par lentente de ceux qui courent les risques ; cest le

    procd des mutuelles, o en fin danne, les risques sont galement rpartis entre tous les

    intresss ; soit par lintermdiaire dun professionnel, entrepreneur qui ralisera un profit ;

    cest le systme des compagnies dassurances 5. En 1999, AXA Corporate Solutions, asuureur

    commercial a tent doffrir des garanties P&I mais ce sans succs, ce produit ne reprsentait

    que 0,5% des primes encaisses par Axa CS, le groupe dcida donc de supprimer cette

    couverture fin 2005.

    3 Franoise Foucher, Laction directe contre les P&I Clubs, DMF 600 janvier 2000 p.3 4 Rule 28 des Rules 2007 du Shipowners 5 Ren Rodire et Emmanuel du Pontavice, Droit Maritime, Prcis Dalloz, 11me d, 1991 523 p.411

    5

  • Ces Protection and Indemnity Clubs sont les descendants des assureurs corps constitus

    en Club, les Hull Clubs 6. Ces derniers sont apparus en Angleterre dans le milieu du

    XVIIIme sicle en rponse au Bubble Act de 1720 qui autorisait uniquement la Royal

    Exchange Assurance et la London Assurance de fournir des assurances maritimes.7

    Ce manque de concurrence inquita terriblement les armateurs qui craignaient une

    augmentation importante des primes ainsi quune acceptation rduite des risques assurs. En

    outre, le march tant concentr Londres, certains armateurs devaient recourir des

    intermdiaires dassurance, ce qui augmentait galement les sommes verser pour sassurer.

    Les armateurs britanniques ont donc dcid de sassocier et dassurer leurs alas

    maritimes sur une base mutualiste et sous forme dassociation, cest--dire but non lucratif.

    Au milieu du XIXme sicle, de nombreux Hull Clubs existaient Londres, dont

    certains staient spcialiss, par exemple dans la couverture des risques des caboteurs ou

    encore des voiliers. Ces Clubs possdaient bien des avantages notamment celui dengager des

    cots de fonctionnement rduits, et de crer des relations de proximit entre les membres.

    Cependant, malgr ces avantages, le caractre local et volontairement limit de ces

    clubs devenait un obstacle leur croissance. 8 Ainsi, certains membres dsirant appartenir

    un Club plus puissant, acceptaient ladhsion darmateurs inconnus dont le srieux pouvait

    faire dfaut certains, pnalisant de la sorte les armateurs consciencieux. Ds lors, ds le dbut

    du XIXme sicle les Hull Clubs ont connu une priode de dclin qui saggrava dautant plus

    avec labolition du Bubble Act en 1824. Les armateurs ont donc abandonn peu peu ces

    clubs, qui devinrent par la force des choses des Rust Bucket Clubs !

    En outre, la disparition des clubs concidait avec la rvolution industrielle en Grande-

    Bretagne dont les effets se sont videmment fait sentir aussi dans le monde maritime. Les

    avances technologiques ont conduit produire des navires de plus en plus puissants et par

    consquent plus chers. Aussi les produits plus technologiques, manufacturs pendant la

    rvolution industrielle allaient constituer des marchandises transporter dune plus grande

    valeur marchande.

    6 Aussi appels Mutual Hull Underwritting Associations 7 Il sagit prcisment du Royal Exchange and London Assurance Corporation Act 1719. 8 Georges Figuire, Fascicule Origine et Historique des Clubs p.3

    6

  • Dans ce monde en pleine volution et effervescence, laffaire De Vaux v. Salvador9 de

    1836 allait provoquer des effets retentissants. En effet, les juges de la High Court dcidrent

    quen cas dabordage, lassureur corps ntait plus responsable du remboursement des

    dommages dus la responsabilit de larmateur. Le march anglais de lassurance maritime

    tenta dy remdier en proposant une couverture contre le paiement dune surprime. Toutefois,

    cette couverture ntait pas complte. Les assureurs britanniques ont alors propos une

    couverture hauteur des en cas dabordage, la somme maximum pouvant tre rembourse

    tant celle de la valeur du navire. Il tait de plus fait application des dispositions du Marine

    Insurance Act de 1745 qui interdisait aux armateurs de sassurer pour des sommes excdant la

    valeur du navire. Ainsi, il restait la charge des armateurs des sommes dues ainsi que toutes

    celles excdant la valeur du navire.10

    En outre, une responsabilit sans limite tait impose aux armateurs dans le cadre des

    dcs, dommages corporels et pour les dommages aux objets fixes et flottants (les F.F.O.)11. En

    effet, une srie de textes, dont le Fatal Accidents Act de 1846, qui a permis dattaquer

    larmateur pour le dcs de personnes ( bord ou non) caus par la faute de larmateur. Puis le

    texte de 1847, le Harbours, Docks and Piers Clauses Act donna la possibilit aux ports

    dintenter une action pour les dommages causs aux F.F.O. Enfin, le EmployersLiability

    Act en 1880 a oblig les employeurs et notamment les armateurs garantir leurs employs en

    cas de dommages corporels dans le cadre de leur travail.

    Par consquent, la couverture propose par le march britannique ne correspondait plus

    aux attentes et aux besoins des armateurs. Ces derniers ont ainsi eu lide de reprendre le

    concept des Hull Clubs ; un systme mutualiste dassociation pour les dommages non

    couverts par le march traditionnel, le quart leur charge dans la police traditionnelle en

    cas dabordage, les dommages corporels pour les membres dquipage ainsi que les passagers

    et les F.F.O .

    The Shipowners Mutual Protection Society12 fut le premier club voir le jour en 1855,

    dautres clubs furent institus par la suite. Ces Clubs ntaient alors que des clubs de 9 De Vaux v. Salvador, [1836] 4 Ad. & E. 420, 111 Eng. Rep. 845. 10 Philippe Garo, Intervention la confrence internationale de lUnion des Avocats Europens sur le droit maritime europen, 4 mars 2005 11 Fixed and Floating Object 12 Ce club est le prdcesseur du Britannia P&I Club, un des clubs les plus importants du march encore aujourdhui

    7

  • protection, le service dindemnit (connu sous linitial I) que propose aujourdhui tous les P&I

    clubs nexistait pas. Cest avec les rclamations marchandises (cargo claims) que cette notion,

    ce service est apparu. En effet, jusqu la fin du XIXme sicle, les armateurs ntaient pas

    considrs comme pleinement responsables pour la perte ou le dommage de la cargaison quils

    transportaient. Cette situation abusive disparut grce deux clbres affaires du droit maritime

    anglais.

    Tout dabord, dans les annes 1870 laffaire Westen Hope dans laquelle ce navire

    effectua un voyage jusqu Cape Town en Afrique du Sud mais d se drouter Port Elisabeth

    o il effectua une escale. Le juge dcida que larmateur ne pouvait valablement se prvaloir des

    dispositions contractuelles du contrat de transport et des exceptions qui y taient incorpores.

    Larmateur d ainsi indemniser les intrts cargaison pour la complte valeur de la

    marchandise.

    Ensuite, cest avec laffaire EMILY dans laquelle ce navire ainsi que la cargaison

    furent perdus. Larmateur ne put invoquer lexception du pril de la mer. Le juge dcida que la

    perte de la marchandise et du navire taient due une faute de navigation, ce qui ntait pas

    lpoque exclu par les connaissements. Les protecting clubs ne prvoyaient pas cependant la

    garantie de ce type dvnement dans leur rules.13

    Le retentissement de ces deux dcisions allait entraner une ncessaire adaptation des

    garanties proposes par les protecting clubs. Ils ajoutrent une indemnity class pour fournir

    la couverture indispensable aux armateurs. Tel fut le cas en 1866 pour le Shipowners Mutual

    Protection Society.

    Les P&I Clubs taient ns. 14 Ainsi, comme le remarque justement Franoise

    Fouchet de France P&I les Clubs tels que nous les connaissons aujourdhui sont le rsultat de

    lvolution du march de lassurance et de laugmentation des responsabilits pesant sur les

    armateurs.15

    Si les P&I Clubs de la fin du XIXme sicle taient grs totalement sous forme

    dassociation par les armateurs, les P&I Clubs modernes sont gres par des socits

    commerciales pour les affaires quotidiennes . On peut citer par exemple, la socit Thomas

    Miller (UK Club) ou Tindall Riley & Co (Britannia) situes toutes deux Londres. Ces 13 rules est le terme qui dsigne les rgmes de la police quoffre les P&I Clubs 14 Philippe Garo, Intervention la confrence internationale de lUnion des Avocats Europens sur le droit maritime europen, 4 mars 2005 15 Franoise Foucher, Laction directe contre les P&I Clubs, DMF 600 janvier 2000 p.3

    8

  • socits ont une personnalit morale propre qui leur permet daccomplir tous les actes

    juridiques. Il nest plus ncessaire par exemple, comme il ltait auparavant dintenter une

    action contre chaque membre dans le cadre dun conflit avec le club. Ces socits sont

    constitues comme toute socit conformment au droit des socits de leur sige social.

    En droit anglais, les Clubs ont la forme dune private company limited by guarantee ,

    forme souvent utilise par les associations but non lucratif. En effet, dans ce type de socit,

    labsence de profit ne ncessite donc pas le partage des bnfices et lapport initial lors de la

    cration de la socit nest pas rglement.16

    Pour le UK Club, dans un P&I Club, les managers17 sont les serviteurs du Club,

    consacrs la disposition et au dveloppement du service que les armateurs membres exigent.

    Les assureurs traditionnels fournissent une assurance un armateur client.18 Il y a ainsi une

    diffrence dapproche entre les deux types dassurance, la premire est base sur la mutualit

    sous forme de socit but non lucratif et la seconde est une vritable socit commerciale. La

    mutualit et la forme non lucrative des P&I entranent galement leffet non ngligeable de

    constituer une assurance moins coteuse que celle que pourrait proposer une assurance

    typiquement commerciale.

    En outre, il est important de prciser que les Clubs fournissent galement conseil et

    assistance leur membre via leur important rseau de correspondants travers le monde. Ces

    socits de correspondants bases dans tous les ports du monde vont tre le lien entre le navire

    et le Club. En effet, lorsquun vnement important et urgent se produit, le capitaine contacte

    directement le correspondant de Club du port le plus proche qui prendra toutes les mesures

    ncessaires de gestion du sinistre.

    Cependant, les dcisions trs importantes concernant les grandes orientations du Club

    ( utilisation du fond de rserves du Club, signature des contrats de rassurances, montant des

    calls 19 etc) ou concernant un membre (litige avec un membre, utilisation de lomnibus

    rule, rclamation importante etc) sont nanmoins prises par le board 20qui est compos

    darmateurs membres. Une fois par an, une assemble gnrale extraordinaire est convoque

    afin notamment de renouveler ou non les mandats des directeurs du conseil dadministration.

    16 Davies, P Gower and Davies Principles of Modern Company Law. 7th Edition. Sweet & Maxwell. London 2003 17 managers signifie les directeurs de la socit commerciale 18 http://www.ukpandi.com/ukpandi/infopool.nsf/HTML/About_Home 19 Les calls sont les cotisations demandes au membre 20 Board signifie conseil dadministration que nous appellerons conseil dans cette tude

    9

  • Il est important de prciser quil existe des Clubs spcialiss notamment dans la

    couverture des risques lis laffrteur. Le premier a vu tardivement le jour puisquil a t cr

    en 1986. Il est intressant de souligner quen rgle gnrale, cest le systme de prime fixe qui

    sera utilis dans ce type de Club.21 Un autre Club a pour domaine de prfrence le risque de

    grve22, les lock-outs et arrts ou restrictions de travail. Il existe aussi un club spcialis dans la

    protection du risque de guerre. Un clbre Club est le TT Club, Trough Transport Club cr en

    1968 et spcialis dans la protection des oprateurs du transport multi-modal. Les Clubs

    proposent enfin la classe, Freight, Demurrage and Defence (F.D.D.) qui fournit aux membres

    une assistance pour les frais de dfenses, dexpertises judiciaires en relation avec des

    rclamations concernant les surestaries, le fret, le loyer de laffrtement, la vitesse du navire

    inscrit dans une charte-partie.

    Cependant, nous ntudierons pas ici ni ces clubs spcialiss ni ces diffrentes classes,

    nous nous limiterons aux rgles protecting and indemnity.

    Certaines rgles phares de la classe P&I sont respecter religieusement. En effet, ne

    sont couverts que la responsabilit, la perte ou les dbours dont la couverture est expressment

    mentionne dans les rgles. En outre, ne sont pas couverts la responsabilit, perte ou dbours

    qui font ou auraient pu faire lobjet dune autre couverture. 23 De plus, le Club ne couvre le

    membre que pour ce dont il est lgalement responsable.

    Cependant, le droit traverse souvent mal les frontires. 24 et parfois le droit nest pas

    llment principal considrer. Il peut arriver que pour des raisons locales ou du fait dun

    rapport dexpertise erron, le membre soit condamn alors que les textes taient de son ct.

    Dans ce cas ci, le Club prendra en charge la rclamation. 25

    De plus, le Membre se doit dtre jour dans le paiement de ses primes pour viter

    toute suspension ou cessation de couverture. Il est assez intressant de noter que le

    renouvellement des contrats dassurance se fait le 20 fvrier, date qui marquait la reprise de la

    navigation en mer Baltique autrefois. La particularit des P&I Clubs est quil ne sagit pas

    21 Christopher Hill, Bill Robertson and Steven J. Hazelwood, Introduction to P&I, 2nd ed, LLP, 1996 p.143 22 Il est nanmoins possible via son P&I Club dobtenir une couverture risque de grve strike class 23 Franoise Foucher, Laction directe contre les P&I Clubs, DMF 600 janvier 2000 p.3 24 Pierre Bonassies et Christian Scapel , Trait de Droit Maritime , LGDJ d. 2006 1152 p. 743 25 Mathieu Constantini, Complmentarits entre les conditions de polices dassurance corps et la couverture du P&I club de larmateur, cdmt 2005, p.59

    10

  • dune assurance prime fixe. En effet, les calls reprsentent plus une contrepartie quun

    paiement vritable dune prime dassurance.26

    Ainsi au dbut de chaque exercice, le conseil demandera des advance calls 27 qui

    sont des cotisations calcules en fonction de la jauge du navire, des frais de fonctionnement du

    Club et des indemnisations moyennes prvisibles titre de cotisations de fond provisoire pour

    lexercice en cause. Il est possible pendant lexercice ou la fin de chaque exercice mais avant

    que celui-ci soit cltur que le conseil oblige les membres demander des cotisations

    supplmentaires additional calls 28. Il est en mesure galement de demander des overspill

    calls 29, ce sont des cotisations exceptionnelles demandes aux membres quand le montant des

    indemnits dues par le Club dpasse le plafond des rserves et les prvisions de dpenses de

    celui-ci .30

    Il est prvu que si le navire inscrit est vendu, ou perdu, ou bien si le navire est dsarm

    pour une priode de plus de 30 jours conscutifs dans un port sr, une ristourne sera propose

    au membre, la ristourne ne comprend pas toutefois le montant des overspill calls

    pralablement verss. Ce sont les laid-up returns . 31 En outre, si le conseil avait t trop

    pessimiste dans ses prvisions, le surplus des cotisations initialement perues alimente le fond

    de rserve du Club.32

    Enfin, si un membre cesse dtre assur au titre du navire inscrit, les managers du Club

    peuvent exiger de leur ex membre des appels supplmentaires (excepts les overspill calls )

    reprsentant les obligations estimes de lancien membre.

    La cessation de la couverture se fait aussi lorsque le membre est mort, en faillite,

    incapable pour une personne physique. La couverture cesse lorsque le membre, personne

    morale est en redressement judiciaire, en liquidation judiciaire. De plus, lorsque le navire

    inscrit est vendu, hypothqu, sil perd sa classe, sil est perdu notamment.33

    26 Christopher Hill, Bill Robertson and Steven J. Hazelwood, Introduction to P&I, 2nd ed, LLP, 1996 p.39 27 Rule 50 des Rules 2007 de Shipowners Mutual Protection & Indemnity Association, ci-aprs dnomm Shipowners 28 Rule 51 des Rules 2007 de Shipowners 29 Rule 52 des Rules 2007 de Shipowners 30 Geoges Figuire, Dictionnaire franais-franais de commerce maritime 31 Rule 55 des Rules 2007 de Shipowners 32 Rule 56 des Rules 2007 de Shipowners 33 Rule 45 des Rules 2007 de Shipowners

    11

  • Pour lanne 2007, les Clubs vont offrir un premier niveau de couverture (la Clubs

    retention) qui est de lordre de 7 millions de dollars34. Selon Philippe Garo35, environ 95% du

    nombre de dossiers se situent dans cette couverture, et 80% en terme de montant en jeu

    Treize P&I Clubs se sont regroups au sein de lInternational Group of P&I Clubs afin

    de fdrer leurs intrts, dobtenir une reprsentation et d'acqurir une solide protection en

    rassurance. Il sagit de lAmerican Steamship Owners Mutual Protection and Indemnity

    Association Inc, de lAssuranceforeningen Gard, de lAssuranceforeningen Skuld, du Britannia

    Steam Ship Insurance Association Limited, du Japan Ship Owners' Mutual Protection &

    Indemnity Association, du London Steam-Ship Owners' Mutual Insurance Association Limited,

    du North of England Protection & Indemnity Association , du Shipowners' Mutual Protection

    & Indemnity Association (Luxembourg), du Standard Steamship Owners Protection &

    Indemnity Association (Bermuda) Limited, du Steamship Mutual Underwriting Association

    (Bermuda) Limited, du Swedish Club, du United Kingdom Mutual Steam Ship Assurance

    Association (Bermuda) Limited et du West of England Ship Owners Mutual Insurance

    Association (Luxembourg).

    Beaucoup de ces clubs sont grs de Londres mme si certains Clubs ont fait le choix

    dinstaller leur sige social au Luxembourg ou aux Bermudes ! Dautres Clubs sont situs en

    Scandinavie, au Japon et aux Etats-Unis. 36 Le monopole britannique sest quelque peu effrit

    mais la philosophie des Clubs et leur fonctionnement sont toujours britanniques.

    Linternational Group reprsente environ 90% du tonnage mondial37. Les Clubs sont

    donc incontournables. Ds lors des problmes de concurrence dans le cadre communautaire ont

    pu se poser. En effet, lInternational Group a cr deux accords principaux. Le premier est

    lI.G.A (International Group Agreement), il sagit dun accord entre les P&I Clubs qui tablit

    des rgles sur les mthodes pour offrir une couverture P&I un armateur qui est dj membre

    dun autre club. 38 Le second est lI.G.P.A. (International Group Pooling Agreement) qui

    concerne la couverture au sein du groupe international pour les dossiers entre USD

    5.000.000,00 et USD 30.000.000,00.39

    34 Lanne dernire il tait de 6 millions de dollars. 35 Philippe Garo, Intervention la confrence internationale de lUnion des Avocats Europens sur le droit maritime europen, 4 mars 2005 36 Philippe Garo, Intervention la confrence internationale de lUnion des Avocats Europens sur le droit maritime europen, 4 mars 2005 37 Il existe donc des Clubs nappartenant pas ce groupe mais leur part est peu significative sur le march du P&I. 38 Philippe Garo, ibid 39 Montant de 2005

    12

  • A plusieurs reprises, en 1983 et en 1995 le Greek Shipping Corporation Commitee

    avait soulev laspect non concurrentiel de lInternational Group devant la Commission

    Europenne. Le commissaire responsable de la concurrence, M. Karel Van Miert avait adress

    des objections au groupe international. En effet, selon la commission, la concurrence ne

    fonctionnait pas pleinement lintrieur du groupe obligeant ainsi les clubs offrir le mme

    niveau de couverture et en imposant des limites de concurrence de prix entre eux. En outre,

    avec 90% de part de march, le groupe ne laissait que peu de places aux autres assureurs.

    Le Groupe prit donc rapidement des mesures, il a tout dabord abaiss la limite de

    couverture maximale qui tait lpoque de 18 milliards de dollars 4,25 milliards de dollars,

    tout en laissant la possibilit aux armateurs dobtenir une limite de couverture maximale

    suprieure. Puis en 1997, les clubs acceptrent dexclure de la base de leur calcul des primes

    leurs frais administratifs internes ce qui permettaient douvrir la concurrence sur ce chapitre

    important.40

    La commission renouvelle lexemption en 1999, selon elle, si les clubs avec 90% de

    part de march sont en position dominante, il ny a toutefois pas abus de position dominante41

    et ce notamment grce aux efforts faits par les clubs et les changements et modifications

    consentis par eux. De plus, elle confirme le fait quun tel groupement est ncessaire pour leur

    permettre doffrir le niveau de couverture quils offraient lpoque, niveau rduit aprs

    concertation avec les membres 4, 25 milliards de dollars. Ainsi, laccord entre les assureurs

    mutualistes ne relvent pas des dispositions de larticle 81 du Trait.

    La commission exempta aussi la procdure de tarification qui vise viter que les

    Clubs ne sous-cotent leurs prix les uns par rapport aux autres. En effet, la nouvelle procdure

    de tarification telle quamende par rapport au mcanisme initial, sapplique uniquement aux

    cots qui sont lis aux risques et non plus aux cots administratifs. 42 Ainsi lInternational

    Group bnficie maintenant dune nouvelle exemption de groupe vis--vis des rgles de

    concurrence europenne jusquen 2009.

    Pour lanne 2007, le pooling agreement est compos de deux niveaux. Le premier

    niveau couvre les dossiers entre 7 et 30 millions de dollars et le second niveau couvre les

    40 Philippe Garo, Intervention la confrence internationale de lUnion des Avocats Europens sur le droit maritime europen, 4 mars 2005 41 Cest labus de position dominante qui constitue une infraction au droit de la concurrence et non pas la seule position dominante 42 Philippe Garo, ibid.

    13

  • dossiers entre 30 et 50 millions de dollars. Ce dernier pallier ne concerne quun deux dossiers

    par an en moyenne tandis que le premier pallier concerne une vingtaine de dossiers par an.

    Laccord prvoit aussi un mcanisme de partage des rclamations entre 7 millions de dollars et

    5, 4 milliards de dollars.

    Le groupe est aussi re-assur pour les dossiers entre 50 millions de dollars et 2,5

    milliards de dollars. Cest le plus important contrat dassurance maritime au monde.

    Les clubs malgr ces amnagements, ont su garder leur esprit mutualiste, faisant leur

    originalit et leur force dans le march mondial de lassurance maritime.

    Il apparat maintenant ncessaire avant de prsenter les diffrentes garanties proposes

    par les P&I Clubs dexpliquer, lesprit atypique qui guide les Clubs, les rgles particulires

    quils utilisent.

    Dune manire prliminaire, nous allons donc prsenter les rgles qui font des clubs une

    assurance trs originale tant dans leur fonctionnement interne que dans leur pratique

    contentieuse (chapitre prliminaire). Ensuite, une tude des diffrentes garanties proposes par

    les Clubs sera traite ainsi quune prsentation dun service trs apprci que fournissent les

    Clubs, lmission de lettres de garantie (chapitre premier). Enfin, nous nous attacherons

    prsenter les garanties proposes par les P&I Clubs dans le cadre des dommages causs

    lenvironnement ; la protection de lenvironnement tant un sujet sensible pour lequel les Clubs

    se sont fortement investis ces dernires annes.

    14

  • CHAPITRE PRELIMINAIRE : Les rgles particulires des P&I Clubs Les P&I clubs ont un fonctionnement particulier caus par deux rgles atypiques dans

    leurs relations avec leurs membres (section 1). Ils essayent galement dimposer des rgles

    spcifiques dans leur pratique contentieuse (section 2).

    Section 1 : Rgles originales quant au fonctionnement Les rgles originales utilises par les clubs sont issues pour certaines des rgles de

    Common Law, droit originaire des Clubs. Les Clubs peuvent en effet, avoir recours

    lomnibus rule dans certaines circonstances exceptionnelles, rgle qui a pour but de

    rembourser le membre mme lorsque le risque nest pas lgitimement couvert (1). Enfin, le

    Club suit galement un grand principe de Common Law auquel il ne droge jamais, la rgle

    Pay to be paid (2).

    1 : Lomnibus rule : La rgle de principe est que le membre nest garanti que pour ses obligations lgales et

    non pour des rclamations faites titre commercial. Il existe cependant des exceptions lorsque

    la condamnation est prononce pour des raisons locales, trangres aux rgles

    internationales ou par exemple lorsque la condamnation sest faite sur la base dun rapport

    dexpertise errone.

    15

  • De plus, dans un souci dadaptation laugmentation de la responsabilit des armateurs,

    lomnibus rule permet au conseil dautoriser le paiement de certaines rclamations des

    armateurs qui ne sont pas objectivement prvues dans la couverture du Club mais qui sont

    toutefois dans le champ, dans lesprit de la couverture.43

    Cette clause originale nous rappelle que les Clubs sont des mutuelles but non lucratif,

    elles agissent et existent pour le bnfice des armateurs. Cette rgle de lomnibus permet donc

    au conseil de sadapter de manire trs ractive aux besoins de leurs membres, notamment

    lorsquun nouveau risque apparat ou lorsquun vnement exceptionnel se produit et ne

    correspond pas parfaitement aux clauses des Rules. 44 Cette rgle reprsente galement le

    pragmatisme britannique qui a de nombreuses fois su sadapter aux situations nouvelles.

    On peut citer de clbres exemples, telles les affaires Emily and Westen Hope

    qui ont t rgles par la rgle omnibus. Il en va de mme concernant la dlicate question des

    clandestins, les clubs ont galement largi leur couverture aprs les vnements

    des Vietnamese boat-people .

    En rgle gnrale, les assureurs traditionnels ( prime fixe) sont assez drastiques dans

    lapprciation du champ dapplication de la garantie. Il existe galement des exceptions,

    comme la pratique des rglements commerciaux mais cependant la justification nest pas la

    mme. Lassureur permet le remboursement pour des motifs commerciaux et donc pcuniaires,

    du fait de limportance de son client par exemple. Dans le cadre des P&I Clubs, le

    remboursement seffectue parce que le membre et le Club sont du mme ct. Cette conception

    nest pas commune dans le march de lassurance et notamment dans les assurances maritimes.

    En outre, il est important de souligner que ce ne sont pas les managers du Club qui

    prennent la dcision de faire application de lomnibus rule, mais le board , le conseil

    dadministration compos darmateurs. Cette dcision revient donc aux membres en quelque

    sorte, cest lesprit mutualiste qui prend le pas, la solidarit, parce que le membre qui a mis en

    jeu sa responsabilit mrite vraiment dtre couvert par le Club du fait dun comportement

    43 Notwithstanding anything to the contrary contained in these Rules the Board in its discretion shall have power to admit a right of recovery by a member in respect of liabilities or expenses incidental to the business of owning, operating or managing vessels, which in the opinion of the board fall within the scope of the cover of Rules 2, 3 or 4. provided that A Any amount claimed under this Rule would be expressly excluded by the provisions of any other Rule may only be paid if the decision of those members of the Board present when the claim is considered unanimous. B Any amount claimed under this Rule shall be recoverable to such extent onlas the Board in its discretion may determine. Rule 5 des Rules 2007 du Shipowners 44 www. ukpandi.com/ukpandi/infopool.nsf/HTML/Cover#omnibus

    16

  • exemplaire et donc par chacun des membres. Un souci de justice, dquit anime donc aussi

    cette rgle.

    Lomnibus rule est dcide de manire discrtionnaire par le conseil, qui doit statuer

    lunanimit voire une majorit absolue que la demande du membre tombe dans cette

    catgorie. Le conseil na pas besoin de justifier son refus. Lapprciation de lapplication ou

    non de lomnibus rule se fait au cas par cas et non pas par rfrence un vnement

    antrieur. Il est important en effet, pour les clubs dviter la formation de precedents . Cest

    en effet, un mcanisme qui peut savrer trs contraignant en Common Law, puisque

    le precedent lie de manire trs forte les juridictions en reprsentant le droit et ici les rgles

    de la couverture.

    Mme si les membres nont pas de vritable droit dassigner le conseil pour

    discrimination, le membre ls peut demander un arbitrage conformment aux rgles du Club

    ou demander lassistance du juge.

    En consquence, on reconnat bien ici le pragmatisme des Clubs, qui grce cette rgle

    issue du mutualisme de linstitution, sont en mesure de sadapter aux volutions des

    responsabilits imposes aux armateurs.

    Une autre rgle capitale reprsente bien lesprit des clubs et ainsi leur originalit, la

    rgle pay to be paid qui na pas dquivalent dans le systme franais.

    17

  • 2 : La rgle pay to be paid:

    La rgle pay to be paid dmontre encore une fois la singularit des P&I Clubs dans

    le monde de lassurance maritime internationale et de linfluence particulirement grande de la

    Common Law sur ces institutions.

    Cette rgle qui prvoit que le membre doit au pralable payer le rclamant avant de

    pouvoir prtendre un remboursement par le Club est dune importance capitale car elle

    conditionne une faon diffrente de travailler entre le Club et le membre et surtout elle est la

    base de la problmatique de laction directe qui empche ainsi un recours direct de la victime

    lencontre du Club, problmatique que nous verrons dans la section suivante. Au contraire, en

    France dans les assurances terrestres ou mme dans les assurances franaises, lassureur

    paye directement le tiers ls.

    Le droit anglais prsente une particularit. En effet, il existe la Common Law qui est un

    droit fortement jurisprudentiel et l'Equity qui vient remdier les dysfonctionnements de la

    Common Law. Et la rgle pay to be paid a t cre par la Common Law.

    LEquity a donc tent dapporter des remdes cette rgle qui peut tre, dans certaines

    situations, injuste. En effet, selon les principes de la Common Law, dans un contrat

    dindemnit , il est ncessaire de payer dabord avant de demander un remboursement

    lassureur. Les juges de lordre de lEquity ont dcid dans laffaire Johnston v. The Salvage

    Association 45 que le paiement pralable ntait pas demand dans un contrat dindemnit et

    notamment lorsque ce paiement avait pour consquence de ruiner lassur.

    45 Johnston v. The Salvage Association (1887) 19 Q.B.D. 458 p. 460 per Lindley L.J.

    18

  • Toutefois, dans deux clbres arrts britaniques The Fanti and the Padre

    Island 46, les juges ont dcid que les principes dEquity ne pouvaient supplanter les termes

    clairs dun contrat dindemnit qui prvoyaient que lassur devait rgler dabord le tiers ls et

    que lassureur rembourserait ensuite lassur. La rgle pay to be paid est exprime de

    manire trs claire dans les rules des diffrents clubs, ce qui provoque ainsi lapplication

    certaine des rgles de Common Law.

    Ces deux dcisions ont eu aussi pour effet dtablir le dpart de la prescription dune

    action du membre lencontre du Club lorsque le membre a totalement pay ses dettes de

    responsabilits et non pas partir du moment o sa responsabilit serait seulement tablie et

    quantifie.47

    Le paiement pralable par le membre est une condition imprative pour obtenir un

    remboursement du club. En effet, la rgle peut tre exprime en ces termes : Unless the Board

    in its discretion otherwise decides, it is a condition precedent of a Members right to recover

    from the funds of the Association in respect of any liabilities, costs or expenses that he shall

    first have discharged or paid the same.48

    Cependant comme lindique cette rgle, il existe des exceptions cette rgle gnrale

    qui sont dcides discrtionnairement par le conseil. Ainsi, le conseil dadministration du Club

    peut dcider pour trois raisons de ne pas exiger le paiement au pralable du membre.

    Il sagit gnralement des rglements amiables. Ce sont galement les cas o le Club

    doit fournir une lettre de garantie et enfin lorsque le Club gre directement laffaire avec le

    rclamant sans pour autant admettre une reconnaissance de responsabilit (without

    prejudice).49 Ce sont les seules exceptions et comme toutes exceptions elles sont interprtes

    strictement.

    Ainsi, le fonctionnement des P&I Clubs est soumis des rgles originales issues

    notamment de la Common Law qui marquent les P&I dun particularisme profond. Pour les

    mmes raisons la pratique contentieuse des Clubs est galement marque par les rgles de

    Common Law, droit originaire de ces associations.

    46 The Fanti and the Padre Island [1990] 2 Lloyds Rep. 191, 47 Steven J. Hazelwood P&I Clubs Law and Practice, 3rd Edition, LLP, 2001, p. 355 48 Rules 2007 Shipowners, Rule 16 qui pourraient se traduit en franais par moins que le Conseil discrtionnairement nen dcide autrement, c'est une condition pralable au droit du Membre pour obtenir remboursement du Club de rgler dabord ses dettes de responsabilits et toutes dpenses sy rapportant 49 Steven J. Hazelwood, ibid., p.352

    19

  • Section 2: Pratique particulire au niveau du contentieux

    Les P&I Clubs essayent de faire appliquer le principe de lanti-suit injunction dans leur pratique contentieuse. Ce principe qui est ordonn par le juge anglais afin dempcher toute

    procdure hors du territoire anglais, est une arme redoutable utilise par les Clubs (2). En

    outre, les Clubs, en sappuyant sur la rgle pay to be paid tentent de contrer le principe de

    laction directe (1). Cependant, les Clubs nauront pas toujours le dernier mot dans la matrise

    de la pratique contentieuse.

    1 : La question de laction directe :

    Laction directe est un mcanisme qui permet de pallier les effets ngatifs de la

    relativit des contrats en permettant une personne lse de poursuivre directement, en son

    nom propre et pour son propre compte 50, le dbiteur de son dbiteur.

    En France, larticle L124-3 du code des assurances51 combin aux deux arrts de la

    Chambre Mixte de la Cour de Cassation52 offre une vritable action directe la victime. En

    effet, dans le cadre dune procdure collective, la victime peut se faire payer directement par 50 Franoise Foucher, Laction directe contre les P&I Clubs, DMF 600 janvier 2000 p.4 51 Article L124-3 du code des assurances : L'assureur ne peut payer un autre que le tiers ls tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n'a pas t dsintress, jusqu' concurrence de ladite somme, des consquences pcuniaires du fait dommageable ayant entran la responsabilit de l'assur. 52 Cass. Ch.Mixte, 15 juin 1979, Rev.gn.ass.terr. 1979, 364, conclusions Toubas, note Besson

    20

  • lassureur mme si elle na pas dclare sa crance contre lassur, et que cette crance se

    trouve teinte.53

    Ce principe prsente une scurit importante pour le justiciable. Il est en effet, plus

    confortable de poursuivre un P&I Club dont la solidit financire est connue et reconnue

    mondialement, plutt que de poursuivre par exemple une compagnie maritime du type single

    ship company qui aura t cre par des montages juridiques complexes afin justement de

    perdre lennemi et dont le navire est enregistr sous un pavillon de complaisance.54

    En outre, il nest jamais vain de rappeler que le titulaire de laction directe est bien

    videmment la personne qui a le droit dagir, cest--dire qui possde lintrt et la qualit

    agir conformment aux rgles traditionnelles de procdure civile.55

    Si en France laction directe est possible, ceci est nuancer en droit anglais, droit

    originaire des Clubs. Ces derniers sont trs attachs cette quasi-impossibilit dune action

    directe en droit anglais. La dtermination de la loi applicable est donc lie la recevabilit de

    laction directe. Il suffit alors dutiliser les rgles de droit international priv pour dterminer

    quelle loi sera applicable (chose qui est loin dtre aise eu gard la complexit et au manque

    duniformit de linterprtation de ces rgles).

    Ainsi, en Angleterre (comme en France), la victime de la ngligence dun armateur est

    un tiers au contrat dassurance qui lie cet armateur son assureur, en lespce le contrat entre le

    P&I et son membre. Ceci signifie que la victime navait pas le droit de poursuivre lassureur,

    nayant pas de lien de droit avec ce dernier. Cest pourquoi le Third Party Act de 1930 a

    instaur un systme de subrogation lgale.56 Selon Steven J. Hazelwood, cette loi marque un

    changement dans la conception de lassurance en Angleterre. On va dsormais considrer les

    intrts de la victime plutt que ceux de lassur.57

    Le Third Party Act est une loi qui sapplique aux contrats dassurance, certains

    contestaient le fait que le contrat tabli entre un P&I et son membre constituait un contrat

    53 Christian Scapel, Laction directe contre les P&I Clubs, Mlanges offerts Pierre Bonassies, ditions Moreux 2001 p.338 54 Franoise Foucher, Laction directe contre les P&I Clubs, DMF 600 janvier 2000 p.10 55 article 31 de N.C.P.C L'action est ouverte tous ceux qui ont un intrt lgitime au succs ou au rejet d'une prtention, sous rserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour lever ou combattre une prtention, ou pour dfendre un intrt dtermin. 56 Steven J. Hazelwood, op.cit. p.309 57 Steven J. Hazelwood, ibid. p.309

    21

  • dassurance. Larrt The Allobrogia 58 a estim tout de mme quil sagissait dun contrat

    dassurance.

    Le Third Party Act sapplique ainsi tous les assureurs de responsabilit et donc aux

    P&I Clubs. Nanmoins, cette subrogation lgale ne sapplique que dans le cas o lassur est

    en faillite ou en liquidation judiciaire, peu importe toutefois que cet tat soit arriv avant ou

    aprs la responsabilit59.

    Pour que laction directe sapplique, il faut aussi que le P&I Club ait accept de couvrir

    le risque encouru par le membre, cest--dire que le risque rponde aux conditions des rules,

    quaucune exception ne soit souleve.

    Par ailleurs, on sait que le non paiement des calls , des cotisations par le membre

    interrompt sa couverture. Cependant, pour le contentieux franais, la Cour de Cassation a

    prcis que si l'assureur peut opposer au porteur de la police ou au tiers qui en invoque le

    bnfice, les exceptions opposables au souscripteur originaire, cette disposition n'autorise pas

    l'assureur de responsabilit dduire de l'indemnit due la victime le montant des primes

    chues la date du sinistre et non rgles. 60

    Nanmoins, les P&I Clubs revendiquant firement la rgle pay to be paid ,

    soutiennent donc quune action directe nest pas possible leur encontre. En effet, la rgle

    pay to be paid va lencontre du principe de laction directe. Le membre ayant directement

    pay le tiers rclamant, le Club na aucun lien juridique avec ce dernier. Nanmoins, le Club

    acceptera parfois une action directe son encontre car cela lui permet davoir un contrle plus

    grand sur laffaire.

    58 Re Allobrogia Steamship Corporation [1979] 1 Lloyds Rep.190 59 Third Party Act de 1930 (1) Where under any contract of insurance a person (hereinafter referred to as the insured) is insured against liabilities to third parties which he may incur, then (a) in the event of the insured becoming bankrupt or making a composition or arrangement with his creditors; or (b) in the case of the insured being a company, in the event of a winding-up order or an administration order] being made, or a resolution for a voluntary winding-up being passed, with respect to the company, or of a receiver or manager of the companys business or undertaking being duly appointed, or of possession being taken, by or on behalf of the holders of any debentures secured by a floating charge, of any property comprised in or subject to the charge or of a voluntary arrangement proposed for the purposes of Part I of the Insolvency Act 1986 being approved under that Part; if, either before or after that event, any such liability as aforesaid is incurred by the insured, his rights against the insurer under the contract in respect of the liability shall, notwithstanding anything in any Act or rule of law to the contrary, be transferred to and vest in the third party to whom the liability was so incurred. 60 Civ 1re 31 mars 1993 http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=72804&indice=1&table=CASS&ligneDeb=1

    22

  • En outre, dans les arrts The Fanti et The Padre Island 61 la Chambre des Lords a

    raffirm la prdominance de la rgle pay to be paid et par consquent limpossibilit de

    principe de laction directe.

    Toutefois, les juges prcisent quil existe un principe dEquity qui va venir adoucir

    cette rgle. En effet, lorsque les Rules ne contiendront pas explicitement la rgle pay to be

    paid , laction directe sera possible.62Mais cest un leurre, les Clubs particulirement attachs

    cette rgle, ne manqueront jamais de linscrire de manire explicite dans leurs Rules.

    Les Lords ajoutent que la victime naura jamais plus de droit que le membre, elle doit

    standing in the shoes of the insured . Ainsi, dans le cas o le membre est en liquidation et

    nest plus en tat de payer la victime, cette dernire nest pas fonde se prvaloir de laction

    directe car elle ne saurait avoir plus de droit que les membres qui selon le principe du pay to

    be paid , ne sont plus non plus en position dobtenir une indemnisation du Club 63.On se

    souvient en effet, que les rgles des Clubs sur la cessation de la couverture sont assez

    drastiques et quelles disposent que le membre en liquidation par exemple, ne peut plus

    bnficier dune indemnisation du Club, et donc la rgle pay to be paid ne peut sappliquer.

    En outre, les Lords dans ces deux dcisions soulignent que les Clubs ne cherchaient pas

    par lapplication de la rgle pay to be paid contester lobjectif du Third Parties Rights Act

    car cette rgle tait une rgle part entire des Rules bien avant la proclamation de cette loi.64

    Toutefois, il est intressant de noter que Lord Goff, a prvenu les Clubs que sils se

    cachaient derrire la rgle pay to be paid pour chapper au paiement des personnes victimes

    de dommages corporels ou de mort, une rponse lgislative un tel comportement serait

    donne. Toutefois, on peut raisonnablement penser que les Clubs dans le cadre de dommages

    corporels nauront pas une telle attitude, en raison au moins des retombes mdiatiques que

    pourraient avoir un tel refus.

    Alors, il apparat quen cas dinsolvabilit de larmateur, la victime agissant sur le

    fondement du droit franais, est incontestablement recevable agir contre le Club, mais que

    son action ne puisse aboutir parce que la garantie du club nest pas engage. 65.

    61 The Fanti and the Padre Island [1990] 2 Lloyds Rep. 191, 62 Steven J. Hazelwood, P&I Clubs Law and Practice, 3me d., LLP, 2001 p.318 63 Franoise Foucher, Laction directe contre les P&I Clubs, DMF 600 janvier 2000 p.9 64 Franoise Foucher, ibid., p.9 65 Christian Scapel, Laction directe contre les P&I Clubs, Mlanges offerts Pierre Bonassies, ditions Moreux 2001 p.339

    23

  • Cependant, la Cour de Rouen en 200066 a affirm : est recevable laction directe de

    lassureur sur facults contre lmanation franaise dun P&I Club tranger lorsque cette

    dernire se prsente comme une entreprise rgie par le code franais des assurances et accorde

    au nom du transporteur un report de prescription, prenant ainsi la position dassureur. Il en est

    ainsi, a fortiori, quand la loi trangre dont dpend le P&I Club prvoit que ladite action nest

    pas subordonne lindemnisation pralable de la victime par lassur, en cas dinsolvabilit de

    ce dernier. Cest peut tre une porte de sortie, si cette jurisprudence nest pas interprte en

    fonction des principes de Common Law. Dans le cas contraire, on retombe sur la solution

    dgage dans les arrts The Fanti et The Padre Island .

    En consquence, pour que laction directe produise tous ces effets en France galement,

    il faudrait que la rgle pay to be paid soit considre comme contraire lordre public

    international franais. Cependant, comme le remarque trs justement Maurice

    Cozian : Laction directe est sans doute imprative en droit interne, mais elle nest pas ce

    point essentielle notre civilisation quelle devienne dordre public en droit international

    priv.67

    Par ailleurs, en matire de pollution, la convention de Bruxelles 1969/1992 CLC prvoit

    que les victimes dune pollution par hydrocarbures pourront utiliser le mcanisme de l'action

    directe contre lassureur responsabilit, cest--dire le P&I Club. Si en France, cette nouvelle

    disposition ne change pas le droit, il nen va pas videmment de mme pour le droit anglais.

    Les Clubs qui couvrent la responsabilit des armateurs ptroliers ne pourront, dans le cas des

    dommages par pollution viss par la Convention, chapper laction directe.68

    Il est donc raisonnable de penser que laction directe nest totalement applicable que

    pour les cas de pollution et de dommages corporels. Les Clubs peuvent utiliser une autre arme

    lanti-suit injunction pour se voir appliquer une loi et une juridiction sinon plus clmente, plus

    familire.

    66 CA Rouen, 29 juin 2000, Navire Kovrov Socit Groupama navigation et Transports c/ Socit Translink Navigation et a., D.M.F. Avril 2001, p.336 67 M. Cozian, Laction directe, prf. Ponsard, 1969, p.217 repris par Christian Scapel, Laction directe contre les P&I Clubs, Mlanges offerts Pierre Bonassies, ditions Moreux 2001 p.339 68 Pierre Bonassies, Aprs l'rika : les quatre niveaux de rparation des dommages rsultant d'une pollution maritime par hydrocarbures , Revue de Droit Commercial, Maritime, Arien et des Transports 2000, p.143

    24

  • 2 : Un outil redoutable utilis par les clubs : lanti-suit injunction :

    Il existe enfin, un autre principe issu du droit de la Common Law69, lanti-suit

    injunction ; outil sil est reconnu pouvant tre redoutable. Pour faire appliquer la clause de

    juridiction ou la clause compromissoire contenue dans le contrat, un justiciable va demander

    aux juges dinterdire toute personne de saisir une juridiction trangre.

    Cette procdure a t lorigine imagine par les juridictions dEquity la fin du

    XVIme sicle dans le cadre dun conflit de comptence avec les juridictions de Common

    Law.70 Pour mettre en place une anti-suit injunction, il suffit de demander la High Court de

    Londres, dmettre un ordre interdisant toute personne de saisir une juridiction trangre ou

    dinterrompre une procdure en cours devant une juridiction trangre. Si tous les documents

    sont prsents devant le juge londonien, une anti-suit injunction peut tre obtenue en 24 heures.

    Cette procdure dont la simplicit dconcerte est double de sanctions civiles et pnales trs

    lourdes. En effet, si une personne venait contrevenir cet ordre, cette personne commettrait un

    contempt of court . Ceci signifie que le contrevenant sexpose des dommages-intrts trs

    lourds et peut mme se voir condamner une peine de prison. Ces mesures sont donc

    compltement rdhibitoires, la personne condamne ne tentera plus de fouler le sol anglais !

    Lanti-suit est rdige en anglais et sexprime souvent en ces termes : This order

    prohibits you from continuing, instigating or commencing proceedings whether in rem or

    otherwise or from continuing to detain the vessel [name] for claims arising from alleged

    shortage/damage to cargo carried under bills of lading numbered [numbers] issued on [date]

    at [load port] in any jurisdiction other than before a London arbitration tribunal. If you

    69 On le retrouve galement aux Etats-Unis avec le Supreme Court Act 1981, s.37 qui prvoit :The High Court may by order grant an injunction in allcases which it appears to the Court to be just and convenient to do so. American Club Currents Issue number 23 December 2006 70 Pierre Bonassies et Christian Scapel , Trait de Droit Maritime , LGDJ d. 2006 1174 p. 758

    25

  • disobey this order you may be found guilty of contempt of court and may be sent to prison or

    fined. In the case of a corporate correspondent, it may be fined, its directors may be sent to

    prison or fined or its assets may be seized.71

    Ctte procdure na pas que des effets nfastes. En effet, elle peut permettre, et cest

    lorigine son objectif premier, de se prmunir contre des actions dilatoires ou intempestives et

    enfin protger les clauses compromissoires ou de juridictions intgres dans les contrats.

    Lanti-suit injunction sera autorise ou non suivant quil sagit dune clause

    compromissoire ou dune clause de juridiction et en fonction aussi de la situation gographique

    de la juridiction trangre sur le territoire de lUnion Europenne ou non.

    A Dans le cadre dune procdure juridictionnelle :

    Le respect d aux provisions contractuelles peut justifier lapplication de cette

    procdure. Cependant au vu des prescriptions contenues dans la Convention de Bruxelles du 27

    septembre 1968 puis du Rglement du 22 dcembre 2000 44/2001, cette procdure nest plus

    justifie. En effet, ces deux textes prvoient que les juridictions des Etats membres de lUnion

    Europenne se doivent respect mutuel et doivent cooprer72. Par ailleurs, dans le seizime

    alina du prambule du 22 dcembre, il est inscrit que la confiance rciproque dans la justice

    au sein de la Communaut justifie que les dcisions rendues dans un tat membre soient

    reconnues de plein droit . En outre, lalina 17 prcise que cette mme confiance rciproque

    justifie que la procdure visant rendre excutoire, dans un tat membre, une dcision rendue

    dans un autre tat membre soit efficace et rapide .73Cest pourquoi larrt Turner v. Grovit74

    de la Cour de Justice des Communauts a bien jug en dclarant la procdure danti-suit

    injunction irrecevable pour les actions intentes sur le territoire communautaire.

    Dans cette affaire communautaire, un employ dun groupe international dtach de

    Grande-Bretagne en Espagne avait t licenci. Il intenta une action devant les juridictions

    anglaises tandis que son employeur intenta une action devant les juridictions espagnoles. M.

    71 American Club Currents Issue number 23 December 2006 p.4 72 Philippe Delebecque, ibid., p.1 73 Pierre Bonassies Lentre en vigueur du rglement communautaire n 44-2001 du 22 dcembre 2000 concernant la comptence judiciaire, la reconnaissance et lexcution des dcisions de justice en matire civile et commerciale Revue de Droit Commercial, Maritime, Arien et des Transports 2002 p. 50 74 Turner v. Grovit, affaire C-159/02 27 avril 2004

    26

  • Turner obtint une anti-suit injunction, interdisant donc son employeur de mener une action

    devant les juridictions ibriques. Toutefois, la rponse donne par la Cour de Justice des

    Communauts la Chambre des Lords fut sans quivoque ; la procdure danti-suit injunction

    est incompatible avec le droit communautaire et notamment contraire lesprit et aux

    intentions des textes communautaires prcits.

    Rcemment, une affaire danti-suit sest pose devant le tribunal de commerce de

    Marseille, le 13 janvier 2006, Navire Antigoni 75. Ce navire affrt temps transportait une

    cargaison de riz destination de trois ports africains. Des manquants furent constats

    larrive, les assureurs facults subrogs dans les droits des intrts cargaison agirent contre le

    frteur, membre du London Steamship. Ce Club dlivra alors des lettres de garanties afin de se

    prmunir contre la saisie du navire. En mai 2005, le frteur demanda la High Court de

    Londres une procdure danti-suit injunction contre les assureurs facults afin de protger la

    comptence de la clause compromissoire de la charte partie. Cependant, en septembre, les

    assureurs facults opposrent une demande d anti-anti-suit injunction devant le Tribunal de

    Marseille afin de protger la comptence de la clause de juridiction insre dans les lettres de

    garanties. Par ailleurs, cette demande peut paratre paradoxale puisque les assureurs facults

    contestaient la saisine du juge britannique.

    Pour reprendre une expression dOlivier Cachard dans son article du DMF, il est

    interdit dinterdire 76, le Tribunal de Commerce a donc refus la demande danti-anti-suit

    injunction pour mettre un terme cette contradiction; accorder une anti anti-suit serait tomber

    dans le mme travers que celui qui lui est prcisment reproche, savoir linterdiction de

    conduire une procdure devant une autre juridiction. 77

    En outre, les juges consulaires prcisent qu il ny a en lespce aucun manquement

    caractris de respect de la justice puisque lanti-suit nest pas dirige lencontre de la

    juridiction trangre quest le tribunal de Commerce de Marseille, mais vise la partie qui a

    assign devant ladite juridiction. 78 Ces juges reprennent donc la conception anglaise de

    lanti-suit injunction. En effet, selon eux, lanti-suit injunction vise in personam son

    75 T. Com Marseille 13 janvier 2006, DMF 675 novembre 2006, p. 856-876 obs Olivier Cachard et Anti-suit injunction : la jurisprudence Turner sapplique mme en cas de soumission allgue des litiges larbitrage, Revue de Droit Commercial, Maritime, Arien et des Transports 2006, p.5, Renaud Carrier 76 Ibid., p. 873 obs Olivier Cachard, expression reprise de Monsieur Gaillard 77 ibid., p. 856 obs Olivier Cachard 78 ibid., p. 856 obs Olivier Cachard

    27

  • destinataire 79. Laction est mene contre la personne intentant laction contre le Tribunal

    tranger et non pas contre le Tribunal tranger reprsentant la souverainet de lEtat impliqu.

    Mais la conception communautaire ne va pas du tout dans ce sens. Au point n 27 de

    larrt Turner v. Grovit les juges crivent que ds lors que le demandeur se voit interdire

    dintenter une telle action par une injunction, force est de constater lexistence dune ingrence

    dans la comptence de la juridiction trangre, incompatible en tant que telle avec le systme

    de la convention. 80

    La question de la procdure danti-suit injunction est rgle par la Cour des

    Communaut de Justice au niveau juridictionnelle. Quen est-il maintenant dans le cadre de

    larbitrage ?

    B Lanti-suit injunction et la clause compromissoire :

    Ce qui est souvent en cause lorsque lon rencontre une anti-suit injunction , cest

    lopposabilit dune clause compromissoire, insre dans une charte partie, au tiers porteur du

    connaissement, destinataire de la marchandise. En effet, nombreuses sont les chartes-parties qui

    donnent comptence au droit anglais et la chambre arbitrale de Londres, la LMAA81.

    Le Professeur Bonassies, dans son article de 200282, cest--dire deux ans avant que la

    dcision Turner et Grovit ne soit rendue, avait senti que lexclusion de larbitrage par larticle

    1er du rglement peut alors permettre dviter la confrontation de lanti-suit injunction avec le

    droit communautaire, surtout si lon adopte tort sans doute, mais cest l la tendance de la

    Cour de Justice une conception large de cette exclusion. 83

    En effet, larrt Turner v. Grovit a t rendu pour les clauses de juridictions au visa de

    la Convention de Bruxelles de 1968 qui nenvisage pas les questions darbitrage. De la mme

    79 Philippe Delebecque, Anti-suit injunction et arbitrage : quel remdes ? Gazette de la C.A.M.P. n12, Hiver 2006-2007 p.2 80 T Com Marseille 13 janvier 2006, DMF 675 novembre 2006, p. 874 obs Olivier Cachard 81 LMMA signifie London Maritime Arbitrators Association 82 Pierre BONASSIES Lentre en vigueur du rglement communautaire n 44-2001 du 22 dcembre 2000 concernant la comptence judiciaire, la reconnaissance et lexcution des dcisions de justice en matire civile et commerciale Revue de Droit Commercial, Maritime, Arien et des Transports 2002 p. 48 83 Pierre Bonassies ibid., p. 51

    28

  • faon, le rglement 44/2001 exclut de son champ larbitrage dans son article 162, d. 84 Ainsi, il

    est possible den dduire que la procdure danti-suit injunction est valable dans le cadre dune

    clause compromissoire.

    Cest pourquoi les juges britanniques ont dcid dans laffaire The Front Comor 85

    dans laquelle ce navire, tait entr en collision avec la jete dune raffinerie en Sicile. Les

    propritaires de la raffinerie qui taient galement laffrteur ont intent une procdure

    darbitrage Londres conformment la clause compromissoire de la charte partie. Cependant,

    trois ans plus tard, les assureurs du frteur, propritaire du navire ont intent une action devant

    le Tribunal de Syracuse. Selon ces juges dappel, la jurisprudence communautaire Turner v.

    Grovit ne sapplique pas pour les affaires darbitrage.86 Si pour la majorit des commentateurs

    britanniques, le rglement ne sappliquant pas aux questions darbitrage, lanti-suit reste

    possible dans ces situations, pour le Professeur Delebecque ne vaudrait-il pas mieux interprter

    cette jurisprudence par analogie plutt qua contrario ?87

    Daucuns ne peuvent se satisfaire galement dune telle solution. Cest lopinion

    dfendue par les Professeurs Bonassies et Scapel qui dans leur Trait88 estiment que

    linterprtation extensive de la Cour de Justice des Communauts concernant lexclusion de

    larbitrage dans la Convention de 1968 et du rglement 44/2001 ne peut tre approuve.

    Pour le Professeur Delebecque, la procdure danti-suit injunction intresse, par elle

    mme, la matire civile et commerciale qui ressortit du champ dapplication du rglement

    44/2001(art.1-1). Linjonction anti-suit ne relve pas, en elle-mme, de la matire de

    larbitrage. [] En dautres termes, elle existe part entire et nest pas attraite par la

    procdure quelle cherche garantir, ni mme par celle contre laquelle elle agit. Son rgime

    juridique nest pas tributaire de la procdure quelle entend dfendre et ne lest pas davantage

    de la procdure contre laquelle elle soppose. 89 Ainsi, selon le Professeur Delebecque, lanti-

    suit devrait relever du rglement communautaire.

    Quant Olivier Cachard, il estime quil ne faut pas combattre les anti-suit injunctions

    sur le terrain de la Convention de 1968 et du Rglement 44/2001 mais avec les armes du droit

    de larbitrage qui est notamment le principe comptence-comptence. En effet, selon ces 84 Il est intressant de noter que le rglement ne sapplique pas au Danemark. 85 The Front Comor [2005] EWHC 454 (Comm) 86 Alan Mackinnon, Is Time up ?, Maritime Risk International, May 2005, p.7 87 Philippe Delebecque, Anti-suit injunction et arbitrage : quel remdes ? Gazette de la C.A.M.P. n12, Hiver 2006-2007 p.2 88 Pierre Bonassies, Christian Scapel, Trait de Droit Maritime, L.G.D.J., 1re d., 2006 p. 760 1176 89 Philippe Delebecque, ibid., p.2

    29

  • termes le principe comptence-comptence constitue le remde le plus appropri en ce

    quil protge la comptence de larbitre contre toute interfrence positive (affirmation dune

    comptence concurrente) ou ngative (anti-suit injunction). 90

    Toutefois, il ne faut pas oublier que cette jurisprudence Turner v. Grovit est

    communautaire. Ainsi, les litiges internationaux non communautaires et ils sont nombreux ne

    sont pas soumis cette jurisprudence.

    Selon la jurisprudence britannique, Toniscstar Ltd v. American Home Assurancce Co

    [2004]91, il suffit que la juridiction britannique soit la plus approprie, que la procdure

    engage ltranger soit vexatious and oppressive or unconscionable et enfin, que la

    procdure danti-suit soit prononce de manire discrtionnaire, la Cour devant seulement

    examiner toutes les circonstances de laffaire et prononcer la procdure seulement si les intrts

    de la Justice sont en jeu. 92

    Il faut donc fortement se mfier de cet outil redoutable qui peut parfois sapparenter

    une pratique dloyale. Les Clubs apprciant grandement cet instrument judiciaire, ils dictent

    des recommandations qui sapparentent plus une recette danti-suit injunction .

    LAmerican Club93 demande notamment aux armateurs de toujours prfrer intgrer des

    clauses compromissoires dsignant la Chambre de Londres plutt quune clause de juridiction

    dans la charte partie. De plus, il rappelle aux membres de penser sassurer que le

    connaissement fasse une rfrence expresse la charte-partie.

    La Chambre des Lords a pos une question prjudicielle dans le cadre de laffaire The

    Front Comor sur lopposabilit de la clause compromissoire. Une rponse claire de la Cour

    de Justice des Communauts Europennes est donc trs attendue.

    Ainsi, ce chapitre prliminaire, qui avait pour objectif de dmontrer les caractristiques

    originales du fonctionnement dun P&I Club tait ncessaire avant de prsenter les garanties

    proposes par les P&I clubs ainsi que les services quils sont en mesure de fournir. Les P&I

    clubs sont donc dots dun grand pragmatisme comme le dmontre la rgle de lomnibus

    90 T Com Marseille 13 janvier 2006, DMF 675 novembre 2006, p. 876 obs Olivier Cachard 91 Toniscstar Ltd v. American Home Assurancce Co [2004] EWCH 1234 (Comm) 92 Tim Taylor, Natalie Dabdoub, Do anti_suit injunctions suit ?, Maritime Risk International, June 2005, p. 21 93 American Club Currents Issue number 23 December 2006 p.5

    30

  • rule et la rgle pay to be paid , pragmatisme issu de la Common Law. Les pratiques

    judiciaires des P&I Clubs doivent rester lesprit de tout professionnel intentant une action

    leur encontre, car lissue du litige pourra dpendre de lapplication ou non de ces principes

    chers aux Clubs, quils tenteront de faire appliquer dans chaque affaire.

    31

  • CHAPITRE PREMIER : Les garanties classiques proposes par

    les P&I Clubs

    Les Clubs ayant su adapter leur couverture laugmentation des responsabilits

    imposes aux armateurs, ils sont dsormais en mesure doffrir des garanties nombreuses et

    varies (section 1). De plus, les Clubs proposent le service dmettre des lettres de garanties,

    service trs apprci des membres (section 2).

    Section 1 : Diversit dobjets des garanties clubs

    Il est possible de classer les garanties P&I en quatre catgories, la premire tant celle

    lie la cargaison (1), la deuxime est celle lie aux personnes (2), la troisime est celle lie

    aux navires (3) et enfin une quatrime catgorie concerne les dpenses lies au contentieux et

    aux diverses amendes (4). Nous allons nous appuyer sur les rules proposes par les Clubs

    Shipowners' Mutual Protection & Indemnity Association et London Steam-Ship Owners'

    Mutual Insurance Association Limited.94

    Mais avant il est important dtablir, les diffrents cas dexclusions ou de limitations de

    garanties. Il faut rappeler que ces exclusions, limitations, et exceptions peuvent varier dun

    P&I Club lautre et quil est de plus possible que des amnagements, moyennant une

    94 Vous trouverez en Annexe A p.83 115 les Rules 2007 proposes par Shipowners' Mutual Protection & Indemnity Association

    32

  • surprime, soient raliss dans le contrat liant le Club avec chaque membre95. Il est tout de

    mme possible de dresser un profil de ces garanties.

    Tout dabord, le P&I ne couvre pas videmment ce qui est couvert par une autre

    assurance. Cest la rgle de la double assurance96. Ce sont par exemple, les dommages causs

    aux navires assurs qui sont couverts par une police corps et machines ou les dommages

    couverts par la classe F.D.D. Il en va de mme pour les risques de guerre97. Pour ces risques il

    faut sassurer sous une classe spciale ou un Club spcialis.

    Les termes utiliss par les Clubs pour ce type dexclusions sont trs prcis et dtaills

    afin de se prmunir contre toutes les situations possibles et surtout inimaginables. Par exemple,

    les Clubs vont prciser que ne sont pas couverts les risques de guerre civile, de rvolutions, de

    rebellions, dactes de terrorisme, dutilisation de mines, dexplosifs ou dautres armes de guerre

    similaires. Pour le shipowners, par exemple, les risques de guerre chimiques, biologiques et

    lectromagntiques sont galement carts comme les risques nuclaires.

    Une autre exclusion catgorique est celle rsultant dune conduite dlictueuse volontaire

    (Wilful Misconduct)98 cest--dire, quand un membre agit de manire dlictueuse

    intentionnelle ou commet une faute inexcusable. Dans le droit des assurances, la notion de

    bonne foi est prdominante, et encore plus dans le cadre mutualiste des P&I clubs dans lequel

    le membre et son Club sont supposs marcher main dans la main. Une exclusion lie cette

    dernire est celle de lexclusion de couverture lors dun comportement illgal, imprudent et

    dun transport inadapt la marchandise transporte. Il sagit par exemple, du transport de

    marchandises illgales, interdites (contrebandes, armes etc)

    Le membre doit tre jour dans le paiement de ses cotisations, cest une condition

    imprative.

    Par ailleurs, une exigence est pose par les clubs : ils exigent que le navire soit en tat

    de navigabilit sans quoi, lassur ne pourra se voir rembourser. La notion de navigabilit est

    trs large et ne se limite pas seulement une navigabilit nautique, il peut tre pris en compte

    les notions de navigabilit commerciale et administrative dans cette dfinition. Le navire doit

    avoir aussi une classe satisfaisante et larmateur doit respecter les prescriptions de la socit de

    classification ainsi que celles de lEtat du pavillon.

    95 Rule 3 des Rules 2007 du Shipowners 96 Rule 23 des Rules 2007du Shipowners 97 Rule 25 des Rules 2007 du Shipowners 98 Rule 30 des Rules 2007 du Shipowners

    33

  • Il existe en outre, des limitations dans le montant de certains risques. Par exemple, le

    Club ne couvrira un dommage pour pollution que dans la limite de 1 milliard de dollars pour

    chaque accident ou vnement99, concernant la protection des passagers, elle sera de 2

    millards de dollars.100

    Les Clubs pratiquent aussi le systme des deductibles . Comme le systme de la

    franchise en assurance maritime, lassureur accepte de rembourser le risque uniquement

    quand le risque a excd la franchise ou le deductible . Cependant, concernant la

    franchise, une fois le montant du risque excd lassureur rembourse le montant complet, ab

    initio. A linverse, dans le cadre des deductibles , il restera toujours un montant la charge

    de lassur, lassureur ne remboursera que lexcdent.101

    Selon les auteurs Hill, Hazelwood et Robertson, cette pratique des deductibles se

    justifie pour certains par le fait qu trs long terme, elle va permettre de rduire les cots

    dassurance. Les membres ne gaspilleront ni temps ni argent pour rsoudre des petits litiges qui

    reprsentent les mmes frais que des litiges trs importants. Dautres pensent que cette pratique

    permet aussi aux membres dtre plus consciencieux et prudents sur la faon dexercer leurs

    oprations.102 Le membre peut ngocier le montant des deductibles impos par le club,

    cette ngociation peut se faire lentre du membre dans le club ou loccasion des

    renouvellements.

    Il ne sagit pas dune liste exhaustive des exclusions proposes par les P&I Clubs mais

    dun panel assez reprsentatif des diffrentes exclusions actuelles.

    Comme pour les exclusions, il existe une trame gnrale de garanties mais elles peuvent

    tre amnages pour une situation particulire donne ou pour un armateur donn. Une

    surprime justifiant dans tous les cas la possibilit de couvrir un vnement.

    99 Rule 21 A des Rules 2007 du Shipowners 100 Rule 21 D des Rules 2007 du Shipowners 101 Christopher Hill, Bill Robertson and Steven J. Hazelwood, Introduction to P&I, 2nd ed, LLP, 1996 p. 98-99 102 ibid.,p. 98-99

    34

  • 1 : Les garanties lies la cargaison :

    Historiquement, la garantie cargaison a t ajoute la couverture, au XIXme sicle

    par ce qu taient alors les Clubs de Protection. A partir de l, les clubs sont devenus des P&I

    Clubs. Les cargo claims correspondent la fonction dindemnit car la responsabilit

    survient de lutilisation du navire plutt que de sa proprit. Les avaries cargaison sont les

    avaries les plus frquentes en transport maritime, environ un tiers des rclamations traites.

    Seront prsentes dans un premier temps, les garanties classiques (A), puis le modle de la

    lettre de garantie pour absence de connaissement la livraison, modle institu pour remdier

    une exclusion de la garantie cargaison (B).

    A Les garanties classiques

    Il est tout dabord intressant de souligner que le fait que la marchandise appartienne au

    membre ou un tiers na aucune importance, les mmes rgles seront appliques aussi bien au

    membre qu une tierce personne.

    En rgle gnrale, le Club couvre les avaries, pertes et manquants des marchandises

    transportes par un navire assur, avaries provoques par le membre ou par une personne pour

    laquelle il rpond de ses actes et ngligences et ce, dans le cadre des oprations de chargement,

    manutention, entreposage, soin, garde, dchargement et de livraison de la marchandise. Il est

    souvent prcis que la couverture commence la rception de la marchandise sur le quai

    jusqu la livraison sur le quai. Le Club va galement couvrir les frais engags par le

    dchargement ou la destruction de la marchandise endommage si le membre ne peut recouvrer

    ses dpenses par une autre personne.

    35

  • Le London Steam-Ship103 comme le Shipowners104 par exemple, cest une pratique

    courante, prvoient aussi la couverture des avaries, pertes et manquants et autres

    responsabilits pendant les phases de transport par terre, eaux fluviales et air de ou

    destination du navire assur mais seulement dans les termes du connaissement pralablement

    approuvs par le Club qui peut exiger bien videmment une surprime. Le Club a ainsi une

    vision multimodale du transport.

    Sont galement couverts par le P&I le fait pour le rceptionnaire de navoir pas collect

    sa marchandise, laissant la charge de larmateur les cots de stockage. Larmateur,

    responsable de cette marchandise doit alors essayer de proposer la marchandise au chargeur par

    exemple. Puis, si ni le rceptionnaire, ni le chargeur nacceptent de rcuprer cette

    marchandise, une vente sera alors ralise. Le Club ne couvrira que les frais engags par le

    membre suprieur au montant de la vente et ce, dans la mesure o il n y a pas de tiers pouvant

    rembourser ces sommes105.

    Les Clubs prvoient des conditions impratives pour lapplication de la couverture. En

    effet, le remboursement des litiges cargaison seffectue conformment aux rgles dictes

    par la Convention de la Bruxelles de 1924 et la Convention modifie par le Protocole de Visby

    de 1968. De plus, ne seront pas couverts les avaries dues un droutement sauf si celui-ci

    provient dune des causes dexonrations prvues par les texte prcits. Certains clubs comme

    le London Steam-Ship permettent une attnuation du manquement si le membre prvient

    immdiatement le Club de son droutement. Bien videmment l'apprciation de ces deux

    conditions restent la discrtion du conseil et des accords particuliers conclus entre le

    membre et le Club.106

    Les Clubs se rservent galement la possibilit de crer ou de publier des normes

    donnant des standards concernant le transport ou les procdures de manutention. Ceci reflte le

    travail de prvention qui est effectu par les Clubs. Le manquement lune de ces rgles

    dictes par le Club peut provoquer la cessation de la couverture ou tout le moins une

    rduction significative du montant rembours au membre.

    103 Rule 9.19.1.4. London Steam-Ship 104 Rule 2 Section 14 D 105 La formule trs souvent utilise par les clubs est celle-ci The liabilities and additionnal costs incurred by a Member, over and above the costs which would have been incurred by him if 106 La formule trs souvent utilise par les clubs est celle-ci Unless the Association shall have previously agreed or arranged cover on special terms (which may include the requirement of a further call or premium) or unless the Committee in its sole discretion shall otherwise determine

    36

  • En plus de ces conditions, il existe des exclusions particulires en sus des exclusions

    gnrales prcdemment voques.

    En effet, les Clubs attachs au principe de bonne foi, ne couvriront pas les avaries,

    pertes ou manquants des marchandises qui figuraient sur un connaissement ou une lettre de

    transport maritime erron. Il en va de mme pour les connaissements ou les lettres de transport

    maritime frauduleux notamment les connaissement anti ou post dats. Ne seront pas couverts

    galement les arrives tardives ou les non arrives du navire assur au port de chargement.

    En rgle gnrale ce sont tous les manquements dlibrs et frauduleux de larmateur

    ou de ses prposs au contrat de transport.

    Apparaissent aussi trs souvent dans les exclusions des rules, les marchandises rares tels

    les objets dart, artisanat dart ou ancien mais aussi les mtaux prcieux et les marchandises

    reprsentant une valeur tels les billets de banque, les instruments ngociables etc sauf bien

    entendu accord pralable avec le Club.

    La plupart des Clubs ne couvrent pas au del de USD 2500 par unit, pice ou paquet

    lorsque lon se trouve en prsence dun connaissement ad valorem sauf si un accord avec le

    membre allant dans un sens diffrent le prvoit.

    Enfin, les Clubs ne garantissent pas la livraison de la marchandise sans la production du

    connaissement original par la personne mentionne sur ce dernier ni la dlivrance une

    personne autre que celle mentionne sur ce connaissement ainsi que le dchargement un port

    autre que celui prvu sur le connaissement ou sur tout autre document de transport maritime.

    B La solution propose par les Clubs pour la livraison en labsence de connaissement

    La livraison en labsence de connaissement est une situation trop frquente qui

    sexplique par le fait que le connaissement peut voyager plus lentement que le navire. En effet,

    les services postaux peuvent tre trs longs, les circuits bancaires lors de lmission de crdits

    documentaires sont quant eux parsems dembches, il arrive aussi que le connaissement se

    perde tout simplement! Ainsi, le destinataire naura pas le connaissement original pour

    collecter sa marchandise.

    37

  • Cependant, le transporteur pour des raisons, des pressions commerciales, cause de la

    nature prissable de la marchandise, ou des frais annexes se rapportant au stockage dune

    marchandise, ne pourra refuser la livraison de la marchandise mme sil sait que ceci peut tre

    considr comme une faute et qu la survenance du moindre problme son assureur P&I ne le

    couvrira pas.107 Le transporteur sengagera donc subir laction du vritable titulaire du

    connaissement.

    Ainsi trs souvent le transporteur acceptera de dlivrer cette marchandise sans la

    production du connaissement original la condition que le destinataire lui signe une lettre de

    garantie au dchargement, (letter of guarantee108). Il sagit dune garantie premire

    demande et une garantie autonome. Elle chappe la prescription annale du contrat de

    transport, car elle a pour cause lengagement de payer le prix la banque. 109. Cest en effet ce

    que prcise larrt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation Happy Buccaneer 110. Selon les juges la lettre de garantie consacre un engagement indpendant du contrat de

    transport. Il en rsulte que laction exerce sur le fondement exclusif dune lettre de garantie

    est soumise non la prescription annale du contrat de transport mais la prescription

    commerciale de droit commun . Cest galement lopinion du Professeur William Tetley111,

    pour qui laction porte sur la mauvaise livraison alors que la Convention de Bruxelles ne traite

    pas des questions de livraison.

    Toutefois, il est important de prciser que ces lettres sont remises par le destinataire de

    la marchandise et nont pas le mme objet que les lettres de garanties pour mainleve de saisie

    de navire qui sont remises par le Club. Cependant, les lettres de garanties pour livraison en

    labsence de connaissement intressent notre tude puisque ce sont les Clubs qui ont labor un

    modle type.

    En 1998, lInternational Group recommanda aux P&I Clubs par le biais dune circulaire

    dlaborer de nouveaux standards de lettres de garanties pour absence de connaissement la

    livraison. Cest en 2001 que la version nouvelle fut ralise. Il existe dsormais trois standards

    labors par les P&I Clubs : les lettres de garantie pour livraison de la marchandise sans la

    remise du connaissement original (standard A), les lettres de garantie pour livraison de la

    107 Pierre Bonassies et Christian Scapel , Trait de Droit Maritime , LGDJ d. 2006 1036 p. 663 108 Lintitul des lettres types pour livraison en labsence de connaissement est trs souvent letter of indemnity . Cependant, pour le Professeur William Teltey ce sont des letter of guarantee . Les letter of indemnity tant les lettres de garantie au chargement, lettres qui nont pas du tout le mme objet. 109 Pierre Bonassies et Christian Scapel ,ibid., 1037 p. 664 110 Cass. Com. 17 juin 1997, Happy Buccaneer, DMF 1997. 725, rapp. Rmery 111 William Tetley, www.mcgill.ca/files/maritimelaw/ch38-marine.pdf, p.35

    38

  • marchandise un port autre que celui mentionn sur le connaissement (standard B) et enfin les

    lettres de garantie pour livraison de la marchandise un port autre que celui mentionn sur le

    connaissement et sans la remise du connaissement original (standard C) 112. A ces trois modles

    sajoutent les modles AA, BB, et CC auxquels se greffent les banquiers membres de la British

    Bankers Association (BBA).

    Ces lettres de garanties fournissent une indemnisation larmateur ainsi qu ses

    prposs et ses agents, dans le cadre des responsabilits et dpenses dans une des trois

    hypothses prcites. Les Clubs peuvent mme prendre en charge les frais judiciaires pour ce

    type daffaire.

    Gnralement, il est recommand dimposer une limite financire de 200% de la valeur

    du march de la marchandise. Les personnes signant la lettre verront leur responsabilit tre

    conjointe et solidaire. La loi anglaise ainsi que la High Court seront respectivement loi et

    juridiction comptente.

    Il est intressant de noter que lInternational Group a cr une sorte de prsomption de

    livraison conforme dans le cadre de transport de gaz ou de vrac liquide, ce qui nest pas le cas

    dans le cadre du ptrole.

    Sous la forme A et AA, la responsabilit du destinataire steint lorsque le

    connaissement