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N°44 Juin 2013

Mensuel du droit du travail · 3 A - CONTRAT DE TRAVAIL, ORGANISATION ET EXÉCUTION DU TRAVAIL 1. Emploi et formation *CDD - Cas de recours utilisés Sommaire Il résulte des articles

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SOMMAIRE

A - CONTRAT DE TRAVAIL, ORGANISATION ET EXÉCUTION DU TRAVAIL

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B - DURÉE DU TRAVAIL ET RÉMUNÉRATIONS

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D - ACCORDS COLLECTIFS ET CONFLITS COLLECTIFS DU TRAVAIL

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E - REPRÉSENTATION DU PERSONNEL ET ELECTIONS PROFESSIONNELLES

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F - RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

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G - ACTIONS EN JUSTICE

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A - CONTRAT DE TRAVAIL, ORGANISATION ET EXÉCUTION DU TRAVAIL 1. Emploi et formation *CDD - Cas de recours utilisés Sommaire Il résulte des articles L. 1242-7 et L. 1242-12 alinéa 2 du code du travail que l’avenant de renouvellement du contrat de travail à durée déterminée conclu pour la durée du congé de maternité d’une autre salariée, comporte en l’absence de terme précis une durée minimale. Doit être cassé l’arrêt qui, pour requalifier cet avenant en un contrat de travail à durée indéterminée, retient que l'avenant de renouvellement ne prévoit pas la durée minimale du contrat renouvelé. Soc., 25 juin 2013 Cassation partielleArrêt n° 1144 FS-P+B N° 11-27.390 - C.A. Douai, 30 septembre 2011 M. Lacabarats, Pt. - M. Ballouhey, Rap. - M. Foerst, Av. Gén. *CDD – Requalification Sommaire Encourt la cassation l’arrêt qui, après avoir requalifié des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, déboute le salarié de sa demande en paiement de rappels de salaire pour les périodes intercalées entre deux contrats à durée déterminée au motif qu’il avait obtenu des allocations de chômage lors de ces périodes, alors que la seule perception d’indemnités de chômage n’exclut pas, à elle seule, que le salarié se tienne à la disposition de l’employeur. Soc., 25 juin 2013 Cassation partielle Arrêt n° 1148 FS-P+B N° 11-22.646 - C.A. Paris, 8 juin 2011 M. Lacabarats, Pt. - M. Florès, Rap. - M. Foerst, Av. Gén.

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En cas de non-respect des prescriptions des articles L. 1242-1 et suivants du code du travail, une relation contractuelle faite de contrats à durée déterminée (CDD) peut être requalifiée en contrat à durée indéterminée (CDI). Prévue à l’article L. 1245-1 du même code, cette sanction civile est prononcée par le juge à la demande du salarié en raison de l’inobservation de ces dispositions d’ordre public. Si cette requalification-sanction est prononcée, la rupture de la relation contractuelle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La requalification étant rétroactive, le salarié percevra, en sus d’autres indemnités, les rappels de salaire correspondant aux périodes non travaillées, intercalées entre deux CDD et ce sans réaliser un cumul d’indemnités illicite (Soc., 8 juillet 2003, pourvoi n° 02-45.092, Bull. 2003, V, n° 225). Néanmoins, le droit à un rappel de salaire au titre des périodes interstitielles ne résulte pas de la seule requalification en CDI. La chambre sociale a ainsi jugé concernant des contrats de mission requalifiés en contrat à durée indéterminée que le salarié ne peut obtenir le paiement de salaires au titre de périodes d’inactivité entre plusieurs missions « que s’il s’est tenu à la disposition de l’employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail » (Soc., 9 décembre 2009, pourvoi n° 08-41.737, Bull. 2009, V, n° 282) avant de reprendre cette solution s’agissant d’un salarié engagé par plusieurs contrats à durée déterminée non successifs et dont la relation de travail avait été requalifiée à durée indéterminée, dans un arrêt resté inédit (Soc., 22 septembre 2010, pourvoi n° 09-42.344). Dans la présente affaire, le litige était relatif à l’appréciation de cette condition de mise à disposition d’une personne embauchée par une société de télévision comme éclairagiste puis chef-opérateur, dans le cadre d’une succession de CDD conclus pour divers motifs et dont l’intéressé sollicitait la requalification en CDI.

La cour d’appel, tout en requalifiant les CDD en CDI et disant que la rupture du contrat de travail s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a débouté le salarié de sa demande en paiement de rappels de salaires. Elle a considéré que le salarié avait perçu des allocations chômages lors des périodes non travaillées, de sorte qu’il ne s’était pas tenu à la disposition de son employeur. Le salarié forma alors un pourvoi concernant sa demande en paiement de rappels de salaires, faisant valoir notamment que sa qualité de demandeur d’emploi ne l’avait pas empêché de se tenir à disposition de cet employeur. La chambre sociale casse l’arrêt attaqué, énonçant au visa de l’article 1134 du code civil « que la seule perception d’indemnités de chômage n’exclut pas, à elle seule, que le salarié se tienne à la disposition de l’employeur. » A travers cet attendu, la Cour de cassation sanctionne les juges du fond d’avoir déduit de cette seule circonstance une absence de mise à disposition du salarié à son employeur. Si la position de demandeur d’emploi implique une recherche active d’emploi, le bénéfice des allocations afférentes résulte des droits ouverts en fonction de la durée de cotisation du bénéficiaire, en fonction du régime contractuel qui était le sien avant la requalification. La Cour de cassation indique ainsi que les juges du fond ne peuvent s’appuyer sur ce seul élément pour décider que le salarié ne se tenait pas à la disposition de l’employeur pendant les périodes intercalées entre deux contrats à durée déterminée ultérieurement requalifiés. *Existence du contrat de travail

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Sommaire Une cour d'appel, qui a retenu que l'objet du contrat ne consistait pas dans l'organisation d'un jeu, que l'élection de "Mister France" était un concept d'émission et non une compétition ayant une existence propre, organisée de manière autonome, et que la prestation des candidats servait à fabriquer un programme audiovisuel à valeur économique, a pu en déduire que la qualification de contrat de jeu devait être écartée. Soc., 25 juin 2013 Cassation partielleArrêt n° 1170 FS - P + B N° 12-13.968 - C.A. Versailles, 13 décembre 2011 M. Lacabarats, Pt. - M. Linden, Rap. - M. Foerst, Av. gén. Note Une société de production a élaboré un programme télévisuel dénommé « Election Mister France 2003 », qui consistait à faire sélectionner préalablement 27 participants par un comité, participants parmi lesquels étaient élus « Mister France 2003 » et ses deux dauphins, après diverses épreuves. Les répétitions se sont déroulées du 27 mai au 3 juin 2003, date à laquelle l’émission relative à la sélection a été diffusée en direct. Auparavant les candidats ont signé avec la société de production un document contractuel dénommé « Règlement participants pour participer au programme Election Mister France 2003 ». Ce règlement faisait référence à l’émission et aux conditions de tournage préalable. Il plaçait les activités exercées sous les directives –notamment horaires- de la société de production, il interdisait aux candidats d’interrompre ou de suspendre même momentanément leur participation au programme, sous peine de sanctions pouvant aller jusqu’à la rupture unilatérale du contrat. Le lauréat était désigné par le public de l’émission, et recevait un prix évalué à 30000 euros. En juin 2008, le candidat élu « Mister France 2003 » a saisi un conseil de prud’hommes aux fins de requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée et de reconnaissance du statut de mannequin. Le jugement, confirmé en appel, lui ayant donné gain de cause sur le premier point et l’ayant débouté sur le second, le candidat a formé un pourvoi contre l’arrêt d’appel et la société de production un pourvoi incident contre la même décision. Dans son mémoire en défense, la société de production faisait valoir que le contrat liant les parties était de nature aléatoire, excluant la qualification de contrat de travail. Selon la société de production, l’objet du contrat était la participation à une compétition avec pour objectif de remporter un prix dont l’attribution était liée à la victoire (être élu Mister France) ou à l’arrivée en deuxième ou troisième position (être élu deuxième ou troisième dauphin), les lauréats étant exclusivement désignés par le vote du public, intervenant en direct, sans aucune intervention de la société de production . Elle soutenait que la cour d’appel ne pouvait exclure la qualification de contrat aléatoire, la circonstance que les lauréats aient dû leur victoire à des qualités ou des atouts personnels n’étant pas de nature à faire disparaître le caractère imprévisible, pour chaque participant, de l’évènement constituant la cause de sa participation. Le contrat était, selon la société, un contrat de jeu : l’objectif était pour les lauréats de remporter un prix, et leur désignation ne dépendait pas de la société organisatrice, mais du vote du public. Selon l’article 1964 du code civil, « le contrat aléatoire est une convention réciproque dont les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l’une ou plusieurs d’entre elles, dépendent d’un événement incertain. Tels sont : (…) Le jeu et le pari (…) ». Dans un arrêt de la chambre commerciale du 10 juin 1960, la Cour de cassation a précisé que le contrat est aléatoire « quand l’avantage que les parties en retireront n’est pas appréciable lors de la formation du contrat parce qu’il dépend d’un événement incertain ».

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La définition de l’événement incertain résulte de l’article 1104 du code civil, selon lequel le contrat est « commutatif lorsque chacune des parties s’engage à donner ou à faire une chose qui est regardée comme l’équivalent de ce qu’on lui donne, ou de ce qu’on fait pour elle. Lorsque l’équivalent consiste dans la chance de gain ou de perte pour chacune des parties, d’après un événement incertain, le contrat est aléatoire ». De la combinaison des articles 1964 et 1104, alinéa 2, du code civil, il ressort que l’aléa doit exister au moment de la formation du contrat. A ce moment, les parties ne peuvent apprécier l’avantage (gain ou perte de gain) qu’elles retireront du contrat, car cet avantage dépend d’un événement dont la survenance relève du hasard. Cependant, la rédaction de l’article 1964 ne fait pas suffisamment ressortir que l’aléa doit être supporté par toutes les parties à l’acte. Pour la jurisprudence, la survenance de l’événement hasardeux doit être méconnue des deux parties au moment de la formation du contrat. Par exemple, « le contrat d’assurance, par nature aléatoire, ne peut porter sur un risque que l’assuré sait déjà réalisé ». (1re Civ., 27 février 1990, pourvoi n° 88-14.364, Bull. 1990, I, n° 52). Par ailleurs, le fait que le contrat soit un contrat d’adhésion ne supprime pas l’existence de l’aléa. Le pourvoi soumis en l’espèce à la chambre sociale donnait à celle-ci, à la différence de l’affaire « Ile de la tentation » (Soc., 3 juin 2009, pourvois n° 08-41.712 et suivants, Bull. 2009, V, n° 141), l’occasion de répondre tout d’abord à l’argumentation de la société productrice qui invoquait le contrat de jeu pour qualifier les relations contractuelles en cause, avant d’envisager dans un second temps ces relations à l’aune des critères du contrat de travail. Dans les jeux de télé-réalité, l’aléa pour les participants consiste à accéder ou non à la finale, après avoir usé d’attitudes stratégiques, de postures travaillées, également après avoir éventuellement bénéficié du vote du public, surmontant ainsi des épreuves éliminatoires dont l’issue est toujours incertaine pour eux. Du côté de la société productrice du spectacle audiovisuel, et organisatrice des jeux, l’aléa existait-t-il ? La société avançait l’argument que le jeu était un concours de beauté, que la désignation du lauréat dépendait exclusivement du vote du public, et qu’il s’agissait bien d’un contrat de jeu. Mais dans l’analyse qu’elle fait des relations entre les candidats et la société, la chambre sociale réfute le caractère spontané, autonome, du jeu proposé, et souligne au contraire que « la prestation des candidats servait à fabriquer un programme audiovisuel à valeur économique ». L’organisation répétée de concours de beauté qui fidélisent un public et contribuent à l’audience d’une chaîne de télévision met à mal la thèse d’une activité de jeu purement aléatoire, spontanée et gratuite, dont l’aboutissement dépendrait d’un événement hasardeux y compris pour la société organisatrice. Déjà dans le communiqué relatif à l’arrêt précité du 3 juin 2009, la Cour de cassation faisait ressortir que l’activité, même ludique et exempte de pénibilité, produite « pour le compte et dans l’intérêt d’un tiers en vue de la production d’un bien ayant une valeur économique » était une prestation de travail. En réalité, la société de production mettait en scène l’activité des candidats, après les avoir encadrés, aux fins de maximiser le profit qu’elle tirera de la diffusion télévisuelle. Dans ce processus, l’enchaînement des événements hasardeux ne tient en haleine que les candidats et le public. La société, elle, sait qu’il y aura toujours un lauréat, et qu’elle détiendra un bien audiovisuel à forte valeur économique. Cette analyse permet à la chambre sociale d’écarter l’argumentation du contrat de jeu, et de caractériser au contraire l’existence d’un contrat de travail.

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2 - Droits et obligations des parties au contrat de travail *Clause de mobilité Sommaire Selon les dispositions de l'article L. 1225-55 du code du travail, à l'issue du congé parental d’éducation, la salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente. Il en résulte que la réintégration doit se faire en priorité dans le précédent emploi, de sorte que lorsque l'emploi précédemment occupé par la salariée est disponible, celle-ci doit retrouver son poste, peu important la stipulation d’une clause de mobilité dans le contrat de travail. Soc., 19 juin 2013 RejetArrêt n° 1133 F-P+B N° 12-12.758 - C.A. Bourges, 25 novembre 2011 M. Blatman, f.f. Pt. - M. Hénon, Rap. - M. Foerst, Av. Gén. *Contrôle et surveillance des salariés Sommaire Les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l'exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel de sorte que l'employeur peut y avoir accès hors sa présence. Des courriels et fichiers intégrés dans le disque dur de l’ordinateur mis à disposition du salarié par l’employeur ne sont pas identifiés comme personnels du seul fait qu’ils émanent initialement de la messagerie électronique personnelle du salarié. Soc., 19 juin 2013 CassationArrêt n° 1103 F-P+B N° 12-12.138 - C.A. Versailles, 1er décembre 2011 M. Bailly, f.f.Pt. - Mme Sommé, Rap. Note Entre le 20 février et le 4 mars 2008, un salarié avait échangé des courriels avec un collègue à partir de leurs adresses électroniques personnelles ; l’ensemble de ces échanges avait été enregistré par le salarié sur le disque dur de son ordinateur professionnel. En présence d’un huissier de justice, un expert mandaté par l’employeur avait procédé au retrait du disque dur et à la copie de son contenu. Il avait ensuite effectué une expertise de ce support informatique. Licencié pour faute grave, le salarié a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes. Constatant que la consultation par un tiers mandaté par l’employeur des courriels échangés entre les deux collègues à partir de leurs messageries personnelles a eu lieu « hors de la présence du salarié qui n’a pas été dûment appelé ou de ses représentants », la cour d’appel en a déduit qu’ « une atteinte au respect de sa vie privée » était constituée. Par conséquent, le mode de preuve utilisé par l’employeur a été caractérisé comme illicite et les constatations effectuées par l’expert mandaté ont été jugées inopposables au salarié. La Cour de cassation devait se prononcer sur le caractère personnel ou non des courriels échangés à partir de messageries personnelles et enregistrés sur le disque dur de l’ordinateur mis à

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disposition du salarié par l’employeur. De la qualification de ces documents découle en effet le régime de leur consultation par l’employeur. La chambre sociale a déjà traité de litiges relatifs aux nouvelles technologies de l’information et de télécommunication (NTIC) dans les relations de travail. Il a en effet été décidé que « les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l'exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel de sorte que l'employeur peut y avoir accès hors sa présence » (Soc., 18 octobre 2006, pourvoi n° 04-48.025, Bull. 2006, V, n° 308). Le commentaire de cet arrêt au Rapport annuel précise que « comme l’a relevé le rapport de la Commission nationale de l’informatique et des libertés sur la cybersurveillance sur les lieux de travail (2004, Chap. 3, p. 21et 22), un ordinateur mis à la disposition d’un salarié ou d’un agent public dans le cadre de la relation de travail est la propriété de l’entreprise et ne peut comporter que subsidiairement des informations relevant de l’intimité de la vie privée ». Si le critère du support, professionnel ou personnel, des dossiers et fichiers détermine la présomption de la qualification de ces documents, la dénomination de leur nature, professionnelle ou personnelle, est le paramètre permettant de renverser cette présomption. La Cour de cassation a étayé sa jurisprudence concernant ces deux aspects. Tout d’abord, en ce qui concerne le support des documents, la chambre sociale a décidé, sur le fondement des articles 9 du code de procédure civile et L. 1121-1 du code du travail, qu’« une clé USB, dès lors qu'elle est connectée à un outil informatique mis à la disposition du salarié par l'employeur pour l'exécution du contrat de travail, étant présumée utilisée à des fins professionnelles, l'employeur peut avoir accès aux fichiers non identifiés comme personnels qu'elle contient, hors la présence du salarié » (Soc., 12 février 2013, pourvoi n° 11-28.649, en cours de publication).

Ensuite, concernant la désignation de la nature des documents, la Cour de cassation a jugé, au visa des articles 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, que « la seule dénomination "Mes documents" donnée à un fichier ne lui confère pas un caractère personnel » (Soc., 10 mai 2012, pourvoi n° 11-13.884, Bull. 2012, V, n° 135). Par ailleurs, la chambre sociale énonce qu’une cour d’appel « qui a constaté que les fichiers ouverts par l'employeur étaient intitulés "essais divers, essais divers B, essais divers restaurés", en a justement déduit que ceux-ci n'ayant pas un caractère personnel, l'employeur était en droit de les ouvrir hors de la présence de l'intéressé » (Soc., 15 décembre 2009, pourvoi n° 07-44.264, Bull. 2009, V, n° 284). Le commentaire de cet arrêt au Rapport annuel précise que « la chambre sociale, s’inspirant de la position du législateur qui, comme le montre la terminologie prudente et équilibrée de l’article L. 1121-1 du code du travail, a cherché à concilier la nécessaire protection des droits du salarié et les tout aussi légitimes intérêts de l’entreprise, a donc maintenu sa perception raisonnable de la question des libertés dans l’entreprise ».

L’arrêt rendu le 19 juin 2013 au visa des articles 9 du code civil et 9 du code de procédure civile insiste sur la présomption de caractère professionnel des dossiers et fichiers créés par le salarié grâce à l’outil informatique mis à la disposition par l’employeur pour l’exécution de son travail. Cette présomption est renversée dans l’hypothèse où les dossiers et fichiers sont identifiés comme personnels. Le critère de provenance de la messagerie électronique personnelle n’est pas suffisant pour qualifier des messages comme personnels s’ils figurent sur le disque dur de l’ordinateur professionnel du salarié. *Discriminations entre salariés

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Sommaire L'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés et la seule circonstance que des salariés exerçant des mandats syndicaux aient pu bénéficier de mesures favorables n'est pas de nature à exclure en soi l'existence de toute discrimination à l'égard d'autres salariés. Encourt par voie de conséquence la cassation l'arrêt qui, pour rejeter la demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale présentée par un salarié, retient que si l'intéressé a bien fait l'objet d'un traitement désavantageux en matière de formation et de rémunération, aucune raison objective n'étant présentée par l'employeur pour justifier le rejet de ses demandes dans ces domaines, la disparité ainsi constatée n'est pas fondée sur son appartenance syndicale dès lors qu'il est établi que figurent parmi les salariés ayant bénéficié de formation et de promotion des responsables syndicaux. Soc., 12 juin 2013 Cassation partielleArrêt n° 1116 FS-P+B N° 12-14.153 - C.A. Paris, 15 décembre 2011 M. Lacabarats, Pt. - M. Struillou, Rap. – Mme Taffaleau, Av. Gén. Note Si l’article L. 1132-1 du code du travail pose un principe général d’interdiction des actes discriminatoires commis par un employeur notamment lorsqu’ils sont motivés par les activités syndicales du salarié, l’article L. 2141-5 du même code renforce cette prohibition en cette matière en interdisant à l’employeur « de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail », sous peine de dommages et intérêts. La preuve d’une discrimination n’étant pas toujours aisée, le législateur a conçu un régime spécifique concernant la charge de la preuve, énoncé à l’article L. 1134-1 du code du travail. Dans un premier temps, le salarié protégé qui s’estime victime d’un acte discriminatoire de la part de son employeur doit apporter au juge les éléments de fait laissant présumer d’une telle discrimination. Dans un second temps, il appartient à l’employeur de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination. Les juges du fond doivent apprécier les faits soumis dans leur globalité, et non pas isolément (Soc., 29 juin 2011, pourvoi n° 10-15.792, Bull. 2011, V, n° 166). Ils peuvent procéder à une comparaison qui facilitera la mise en lumière d’une éventuelle distorsion entre salariés et pour que cette comparaison soit pertinente, devront constituer un panel de salariés placés dans une situation identique. Ils pourront ainsi analyser l’évolution de la carrière de salariés protégés avant et après l’acquisition du mandat. Cependant l’existence d’une discrimination n’implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d’autres salariés (Soc., 10 novembre 2009, pourvoi n° 07-42.849, Bull. 2009, V, n° 246 ; Soc., 29 juin 2011, pourvoi n°10-14.067, Bull. 2011, V, n° 166), qui n’est d’ailleurs pas matériellement toujours possible. Dans la présente affaire, le salarié investi de plusieurs mandats syndicaux et d’un mandat prud’homal avait agi à l’encontre de son employeur en paiement de dommages et intérêts. La cour

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d’appel n’avait pas retenu de discrimination, au motif que, bien que l’employeur n’ait pas démontré l’existence de raisons objectives au traitement désavantageux du requérant sur le plan de la formation et de la rémunération, il était établi que d’autres salariés protégés avaient pu bénéficier de ces avantages, ce qui signifiait que cette différence de traitement n’était pas fondée sur son appartenance syndicale. Le salarié fit valoir principalement dans le cadre de son pourvoi que la cour d’appel ne pouvait constater l’existence d’une différence de traitement à laquelle l’employeur n’apportait pas d’éléments objectifs en réponse, tout en rejetant sa demande en paiement de dommages et intérêts pour discrimination syndicale. Ainsi, le problème de droit posé à la chambre sociale était de savoir si, en ayant constaté une différence de traitement à l’encontre du salariée investi de divers mandats, les juges du fond pouvaient conclure à l’absence de discrimination syndicale au motif que d’autres salariés protégés n’avaient pas été discriminés. La Cour de cassation censure ici l’erreur de raisonnement quant aux moyens d’apprécier la discrimination. Elle relève que les juges du fond ont uniquement appliqué la méthode comparative pour rechercher l’existence d’une discrimination. La déduction résultant de cette comparaison s’avère erronée puisque la cour d’appel a considéré que le fait que les salariés investis de mandats syndicaux n’avaient pas été discriminés signifiait que la différence de traitement qu’elle avait par ailleurs admise concernant le requérant ne pouvait être causée par une discrimination. Or, non seulement il était permis de douter du manque de pertinence du panel choisi, lequel ne correspondait pas précisément à la situation du salarié lésé qui était aussi investi d’un mandat prud’homal alors que les salariés servant de comparaison étaient uniquement investis que de mandats syndicaux, mais encore ce raisonnement était-il de nature à valider potentiellement des discriminations résultant de l’appartenance à un syndicat particulier (par rapport à tel autre) voire se rapportant à une prise de position par un salarié investi d’un mandat. *Qualification professionnelle du salarié Sommaire Selon l’article L. 6321-1 du code du travail, l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. Encourt dès lors la censure, l’arrêt qui, pour rejeter la demande en paiement d’une somme à titre de dommages et intérêts pour violation de cette obligation de formation, retient que le poste de travail du salarié n’avait pas évolué, ce qui ne justifiait aucune formation d’adaptation au poste de travail, et que le salarié n’avait fait aucune demande au titre du congé ou du droit individuel de formation, alors que l’employeur n’avait fait bénéficier le salarié, pendant seize ans, dans le cadre du plan de formation, d’aucune formation lui permettant de maintenir sa capacité à occuper un emploi au regard de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. Soc., 5 juin 2013 Cassation partielleArrêt n° 1034 FS-P+B N° 11-21.255 - C.A. Poitiers, 17 mai 2011 M. Gosselin, Pt. et Rap- M. Richard de la Tour, Av. Gén.

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5. Statuts particuliers *Journalistes professionnels Sommaire Il résulte de l'article 32-2 de l'avenant pour les sociétés de l'audiovisuel public du 9 juillet 1983, prévoyant que tout journaliste peut obtenir, à titre exceptionnel, pour une période de deux ans, renouvelable une fois, exceptionnellement deux fois et dans les conditions fixées par le président, des congés non rémunérés, que le renouvellement de ces congés n'est pas de droit. Encourt en conséquence la censure l'arrêt qui, pour décider que le licenciement d'un journaliste n'ayant pas repris son poste après avoir obtenu des congés non rémunérés que l'employeur avait refusé de renouveler était sans cause réelle et sérieuse, retient que, le renouvellement de ces congés étant de droit, le refus du salarié n'était pas fautif. Soc., 25 juin 2013 CassationArrêt n° 1146 FS-P+B N° 12-12.804 - C.A. Paris, 24 novembre 2011 M. Lacabarats, Pt. – Mme Vallée, Rap. - M. Foerst, Av. Gén. B - DURÉE DU TRAVAIL ET RÉMUNÉRATIONS 1- Durée du travail, repos et congés *Temps partiel - temps complet Sommaire Selon l'article L. 3123-14 du code du travail, le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Il en résulte que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur. Cette exigence légale d'un écrit s'applique non seulement au contrat initial mais aussi à ses avenants modificatifs de la durée du travail ou de sa répartition. Ainsi, la cour d’appel qui, après avoir constaté qu'à partir d’une certaine date, les bulletins de paie du salarié ne mentionnaient plus la durée contractuelle de travail de 43,33 heures par mois, mais une durée de 91 heures, sans qu'un avenant écrit mentionne la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, a fait ressortir que l'employeur ne rapportait pas la preuve qui lui incombait de la durée exacte de travail convenue, accorde légalement au salarié un rappel de salaire sur un travail à temps complet. Soc., 20 juin 2013 RejetArrêt n° 1171 FS-P+B N° 10-20.507 - C.A. Montpellier, 12 mai 2010 M. Lacabarats, Pt. – M. Blatman, Rap. - M. Aldigé, Av. Gén.

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Note Un salarié avait été embauché à temps partiel par un institut de formation en qualité de professeur de coiffure. Son contrat de travail, signé en 1999 prévoyait une durée hebdomadaire de 10 heures par semaine, soit 43,33 heures par mois et sa répartition entre les jours de la semaine. A la suite de son licenciement pour inaptitude physique, le salarié a engagé une instance prud’homale dans le cadre de laquelle il sollicitait notamment la requalification de son contrat à temps plein, faisant valoir qu’à compter de 2003, ses bulletins de salaire avaient mentionné une durée mensuelle de travail de 91 heures, sans qu’aucun avenant au contrat n’ait été signé. La cour d’appel a jugé que l’absence d’avenant précisant la durée du travail et la répartition des horaires faisait présumer d’un contrat à temps complet ; que le salarié produisait différentes attestations de témoins affirmant qu’il travaillait à temps plein ; enfin que l’employeur non seulement ne justifiait pas des horaires réalisés mais encore était à l’origine d’une lettre d’avertissement adressée au salarié rappelant que celui-ci travaillait « de 9 heures à 12 heures et de 13 heures à 17 heures ». Les juges du fond en avaient conclu que la présomption n’était pas renversée et que la demande de rappel de salaire sur la base d’un temps plein était fondée. Le pourvoi de l’employeur soutenant que la loi n’exigeait pas l’existence d’un écrit pour l’avenant modifiant un contrat à temps partiel régulier, il revenait à la Cour de cassation de trancher la question du régime applicable à la modification d’un tel contrat. L’article L. 3123-14 du code du travail exige que le contrat de travail à temps partiel soit conclu par écrit, celui-ci devant notamment mentionner « la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif de travail conclu en application de l’article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ». Il est de jurisprudence constante que l’absence d’écrit fait présumer que le contrat a été conclu à temps complet (Soc., 25 février 2004, pourvoi n° 01-46.541, Bull. 2004, V, n° 63). L’employeur peut renverser cette présomption en rapportant la preuve « d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur » (Soc., 9 avril 2008, pourvoi n° 06-41.596, Bull. 2008, V, n° 84). La chambre sociale a ainsi récemment précisé que les juges du fond ne peuvent, dès lors que le contrat de travail à temps partiel ne répondait pas aux exigences de l’article L. 3123-14 du code du travail, écarter la présomption de travail à temps complet qui en résulte « sans constater que l’employeur fait la preuve de la durée de travail exacte, mensuelle ou hebdomadaire, convenue » (Soc., 9 janvier 2013, pourvoi n° 11-16.433, en cours de publication). Le texte précité prévoit par ailleurs que le contrat à temps partiel mentionne les cas dans lesquels une modification éventuelle de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois peut intervenir ainsi que la nature de cette modification. A défaut de clause de variation ou de modification de l’horaire, la modification de la répartition du temps de travail à temps partiel constitue une modification du contrat de travail (Soc., 7 juillet 1998, pourvoi n° 95-43.443, Bull. 1998, V, n° 373). Ces éléments ont amené la Haute juridiction à juger dans l’arrêt ici rapporté que l’avenant à un contrat à temps partiel doit respecter l’exigence légale d’un écrit, dès lors qu’il a pour objet de modifier la durée du travail ou sa répartition. A défaut, la présomption de temps complet s’applique, à charge pour l’employeur de la renverser conformément aux exigences

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jurisprudentielles, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, ainsi que les juges du fond l’ont fait ressortir sur la base des éléments versés aux débats. *Repos journalier Sommaire Le temps de déjeuner, qui s’intercale entre deux séquences de travail effectif, constitue une pause au sens de l’article 6 de l’avenant du 20 juin 2002 relatif aux salariés des centres d’appels non intégrés de la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire du 13 août 1999. Soc., 20 juin 2013 CassationArrêt n° 1173 FS-P+B N° 12-10.127 - C.P.H de Caen, 4 novembre 2011 M. Lacabarats, Pt. – Mme Goasguen, Rap. - M. Aldigé, Av. Gén. Note Plusieurs salariés d’un centre d’appel avaient formé une demande de rappel de salaire au titre de temps de pause non pris en raison de l’organisation du travail par l’employeur. Travaillant le matin et l’après midi en deux fois deux séquences de deux heures, entrecoupées d’une pause de dix minutes, avec une interruption pour le déjeuner de quarante-cinq minutes, les salariés soutenaient que l’avenant du 20 juin 2002 de la convention collective des centres d’appel non intégrés n’était pas respecté, en ce sens que son article 6 prévoit que l’employeur est tenu d’accorder une pause de dix (ou quinze) minutes pour chaque période continue de travail effectif de deux (ou trois) heures non suivie d’un repos. Le conseil de prud’hommes avait fait droit à leur demande en considérant que la pause due après deux heures de travail ne pouvait être considéré comme incluse dans la pause de quarante-cinq minutes prévue pour le déjeuner. L’employeur contestait ce raisonnement en faisant valoir que la deuxième séquence de travail ne pouvait ouvrir droit à une pause, dans la mesure où elle était suivie de la pause-déjeuner de plus de quinze minutes. La loi prévoit qu’après six heures de travail effectif, le salarié doit disposer d’une pause d’au moins vingt minutes mais autorise à déroger conventionnellement dans un sens plus favorable en prévoyant des temps de pause plus longs. La Cour de cassation a défini le temps de pause comme un arrêt de travail de courte durée sur le lieu de travail ou à proximité (Soc., 5 avril 2006, pourvoi n° 05-43.061, Bull. 2006, V, n° 142) dont l’objectif de préservation de la santé et de la sécurité des travailleurs est affirmé par le droit communautaire. En l’espèce, dès lors que les deux séquences de travail de deux heures chacune étaient interrompues par une pause de dix minutes et qu’entre la séquence de fin de matinée et celle de début d’après-midi, était intercalée une interruption de quarante-cinq minutes, les salariés ne pouvaient réclamer en supplément l’interruption de dix à quinze minutes, selon qu’ils avaient travaillé deux à trois heures sur la séquence précédente. La chambre sociale a donc censuré le raisonnement des juges du fond en rappelant que la pause réservée au déjeuner telle que prévue en l’occurrence constitue bien un temps de pause au sens de l’avenant applicable.

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2- Rémunérations * Frais professionnels Sommaire Les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur, doivent être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition, d’une part, que cette somme forfaitaire ne soit pas manifestement disproportionnée au regard du montant réel des frais engagés, et, d’autre part, que la rémunération proprement dite du travail reste chaque mois au moins égale au SMIC. La cour d’appel ayant constaté que le forfait de remboursement des frais professionnels était structurellement insuffisant et ne représentait que le tiers des frais réellement engagés a estimé que ce forfait était manifestement disproportionné et a apprécié souverainement le montant des frais réellement exposés qui devaient être remboursés au salarié (arrêt n° 1, pourvoi n° 11-19.663). Fait une exacte application de la loi la cour d’appel qui, ayant fait ressortir une disproportion manifeste du montant des remboursements forfaitaires de frais professionnels prévus au contrat au regard de la réalité des frais engagés par le salarié, a décidé que la clause relative au remboursement forfaitaire de ces frais ne lui était pas opposable (arrêt n° 2, pourvoi n° 11-23.071). Soc., 20 juin 2013 Cassation partielleArrêt n° 1176 FS-P+B N° 11-19.663 - C.A. Paris, 17 février 2011 M. Lacabarats, Pt. - M. Florès, Rap. - M. Aldigé, Av. Gén. Soc., 20 juin 2013 Cassation partielleArrêt n° 1172 FS-P+B N° 11-23.071 - C.A. Rennes, 14 juin 2011 M. Lacabarats, Pt. - M. Gosselin, Rap. - M. Aldigé, Av. Gén. Note commune aux arrêts n° 1172 et 1176 Par les deux arrêts ici évoqués rendus dans des litiges opposant deux salariés à la même entreprise, la chambre sociale fait évoluer sa jurisprudence sur la mise en œuvre de l’indemnité forfaitaire de remboursement des frais professionnels, qui peut être prévue au contrat de travail. Dans la première affaire (arrêt n° 1176), le salarié, engagé en qualité de conseiller en gestion de patrimoine, avait saisi la juridiction prud’homale de différentes demandes en paiement, invoquant la nullité de la clause de son contrat de travail prévoyant une rémunération fixe constituée d’un salaire de base égal au SMIC, augmenté d’une indemnité forfaitaire de 230 euros au titre des frais professionnels et d’une partie variable de rémunération. La cour d’appel, jugeant l’indemnité forfaitaire structurellement insuffisante, déclara la clause inopposable au salarié et condamna l’employeur au paiement d’une certaine somme à titre de remboursement complémentaire en sus de celle déjà versée au titre de l’indemnité forfaitaire. Dans la seconde affaire (arrêt n° 1172), le salarié, engagé en qualité de chargé de clientèle, avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, en raison du refus de l’employeur de lui rembourser l’ensemble des frais professionnels par lui exposés. Il obtint gain de cause, la cour d’appel déclarant nulle la clause relative au remboursement des frais professionnels et condamnant l’employeur à régler la part de ces frais qui étaient avérés et non pris en charge par l’indemnité forfaitaire.

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Eu égard au caractère d’ordre public du SMIC, la jurisprudence a posé le principe que « les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent lui être remboursés sans qu’ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu’il ait été contractuellement prévu qu’il en conserverait la charge moyennant le versement d’une somme fixée à l’avance de manière forfaitaire et à la condition que la rémunération proprement dite du travail reste au moins égale au SMIC » (Soc., 25 février 1998, pourvoi n° 95-44.096, Bull. 1998, V, n° 106 ; Soc., 9 janvier 2001, pourvoi n° 98-44.833, Bull. 1998, V, n° 1). Le principe est donc le remboursement de frais professionnels. Corrélativement, est prohibée leur imputation sur la rémunération versée. La seule exception admise est tirée de la liberté contractuelle. A défaut d’avoir son origine dans le contrat de travail, une telle dérogation est illicite. La chambre sociale a ainsi jugé que « l’employeur ne peut fixer unilatéralement les conditions de prise en charge des frais professionnels en-deçà de leur coût réel » (Soc., 23 septembre 2009, pourvoi n°07-44.477, Bull. 2009, V, n° 204). Les parties sont donc autorisées à convenir que le salarié conserve la charge des frais professionnels exposés, dès lors que le contrat prévoit le versement en contrepartie d’une indemnité forfaitaire. La chambre sociale a eu l’occasion de réaffirmer que « la rémunération proprement dite du travail » devait rester au moins égale au SMIC (Soc., 10 novembre 2004, pourvoi n° 02-41.881, Bull. 2004, V, n° 282), ce dont elle faisait découler que viole l’article 1134 du code civil la cour d’appel qui condamne l’employeur au remboursement des frais professionnels exposés au-delà du forfait, alors que la créance du salarié ne pouvait porter que sur la différence entre la rémunération proprement dite (c’est-à-dire celle correspondant au salaire de base, majoré de l’indemnité forfaitaire et minoré des frais réels) et le SMIC. C’est le régime de l’indemnité forfaitaire qui se trouve ici précisé. La clause contractuelle fixant un remboursement mensuel par forfait reste licite mais pour être opposable au salarié, il faut non seulement que la rémunération proprement dite du travail reste chaque mois au moins égale au SMIC mais encore –et c’est là que réside la nouveauté- que cette somme forfaitaire ne soit pas manifestement disproportionnée au regard du montant réel des frais engagés. Il revient ainsi aux juges du fond de vérifier l’absence de disproportion manifeste entre les frais réellement exposés, qu’il incombe au salarié de prouver- et l’indemnité forfaitaire convenue. *Salaire (à travail égal, salaire égal) Sommaire Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe “à travail égal, salaire égal” de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération. Lorsque le salarié soutient que la preuve de tels faits se trouve entre les mains d’une autre partie, il lui appartient de demander au juge d’en ordonner la production. Ce dernier peut ensuite tirer toute conséquence de droit en cas d’abstention ou de refus de l’autre partie de déférer à une décision ordonnant la production de ces pièces. Soc, 12 juin 2013 RejetArrêt n° 1114 FS-P+B N° 11-14.458 - C.A. Versailles, 13 avril 2010 M. Lacabarats, Pt. - M. Flores, Rap. - Mme Taffaleau, Av. Gén.

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Note Par le présent arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation apporte des précisions sur les règles de preuve lorsqu’une atteinte au principe “à travail égal, salaire égal” est invoquée par un salarié à l’encontre de son employeur. Il est de jurisprudence constante que lorsqu’un salarié invoque une atteinte à ce principe, il lui appartient de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement (Soc., 13 janvier 2004, pourvoi n° 01-46.407, Bull. 2004, V, n° 1 (2); Soc., 28 septembre 2004, pourvois n° 03-41.825 et suivants, Bull. 2004, V, n° 228; Soc., 25 mai 2005, pourvoi n° 04-40.169, Bull. 2005, V, n° 178 (1); Soc., 20 octobre 2010, pourvoi n° 08-19.748, Bull. 2010, V, n° 242). Pour ce faire, la production de pièces en justice est soumise aux dispositions de l’article 11, alinéa 2, du code de procédure civile qui dispose que “si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l’autre partie lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d’astreinte. Il peut, à la requête de l’une des parties, demander ou ordonner, au besoin sous la même peine, la production de tous documents détenus par des tiers s’il n’existe pas d’empêchement légitime”. Le juge dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour ordonner ou non la production d’un élément de preuve détenu par une partie et n’est pas tenu de s’expliquer sur une telle demande (2e Civ., 16 octobre 2003, pourvoi n° 01-13.770, Bull. 2003, II, n° 307 (2); 1re Civ., 27 janvier 2004, pourvoi n° 01-13.976, Bull. 2004, I, n° 25 (2); 2e Civ., 2 décembre 2010, pourvoi n° 09-17.194, Bull. 2010, II, n° 198 (1)). Il peut toujours, même d’office, inviter une partie à fournir des éléments de nature à l’éclairer (2e Civ., 12 octobre 2006, pourvoi n° 05-12.835, Bull. 2006, II, n° 267). Les parties sont tenues d’apporter leur concours aux mesures d’instruction sauf au juge à tirer toute conséquence d’une abstention ou d’un refus (article 11, alinéa 1er, du code de procédure civile). Dans la présente affaire, un salarié qui invoquait une atteinte au principe “à travail égal, salaire égal” avait été débouté par la cour d’appel de sa demande de rappels de salaire au motif qu’il avait procédé par voie de simple allégation en affirmant que son employeur avait procédé à une augmentation générale des salaires, alors qu'il lui appartenait de fournir au moins un commencement de preuve permettant d'étayer sa réclamation. Au soutien de son pourvoi, le salarié faisait valoir qu’il avait produit le double de la demande, faite en vain à l’employeur, de produire pour la période considérée les bulletins de salaires de collaborateurs exerçant les mêmes fonctions pour le même emploi. La question posée à la Cour de cassation était donc la suivante : le fait pour un salarié de demander à son employeur sans obtenir de réponse la production de bulletins de salaire constitue t-il un commencement de preuve de l’inégalité de traitement alléguée ? La réponse est négative : la seule demande formulée vainement entre les parties ne peut être assimilée à la production d’éléments factuels de nature à caractériser une inégalité de rémunération. Le salarié doit donc demander au juge d’ordonner cette production lorsqu’il soutient que la preuve de l’inégalité de rémunération se trouve entre les mains d’une autre partie. En s’abstenant de le faire, il ne permet pas qu’un débat s’engage sur l’éventuelle disparité, le juge n’ayant pas à suppléer la carence des parties dans l’administration de la preuve. Sommaire 2 Au regard du principe d’égalité de traitement, la seule différence de statut juridique ne permet pas de fonder une différence de rémunération entre des salariés qui effectuent un même travail ou un travail de valeur égale, sauf s’il est démontré, par des justifications dont le juge contrôle la réalité et la pertinence, que la différence de rémunération résulte de l’application de règles de droit public.

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C’est à bon droit qu’ayant constaté qu’une commune se bornait à invoquer les fondements réglementaires d’éléments de rémunération facultatifs, sans faire état d’autres raisons propres à justifier que les salariés relevant de contrats de droit privé soient privés de primes liées à des sujétions professionnelles et accordées à des agents de droit public exposés aux mêmes désagréments dans l’exercice des mêmes fonctions, la cour d’appel en a déduit que cette différence de traitement n’était pas fondée. Soc., 12 juin 2013 Cassation partielleArrêt n° 1117 FS-P+B N° 12-17.273 - C.A. Montpellier, 8 février 2012 M. Lacabarats, Pt. – Mme Pécaut-Rivolier, Rap. – Mme Taffaleau, Av. Gén. Note Au regard de la spécificité des relations de travail résultant du lien de subordination unissant le salarié à son employeur, la loi organise la protection des droits et libertés fondamentaux au sein de l’entreprise. Ainsi l’article L. 1121-1 du code du travail dispose que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ». Au rang des droits fondamentaux protégés par la législation du travail figure le principe d’égalité. Une des déclinaisons de ce principe est l’égalité des salaires pour la réalisation d’un travail égal, principe dégagé par l’arrêt Ponsolle (Soc., 29 octobre 1996, pourvoi n° 92-43.680, Bull. 1996, V, n° 359). L’article L. 3221-4 du code du travail précise que « sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse ».

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La jurisprudence admet que des salariés placés dans une même situation fassent l’objet d’une différence de traitement dès lors que celle-ci repose sur des raisons objectives matériellement vérifiables, dont la preuve incombe à l'employeur. Qu’en est-il lorsque cette différence de traitement repose uniquement sur le statut des agents, les uns étant soumis au droit public, les autres, au droit privé ? La Cour de cassation a jugé qu’une différence de traitement entre agents de droit public et agents de droit privé ne pouvait être justifiée, « s’agissant d’un complément de rémunération fixé, par décision de l’employeur applicable à l’ensemble du personnel sur le critère de la fonction ou du travail occupé » (Ass. Plén., 27 février 2009, pourvoi n° 08-40.059, Bull. 2009, Ass. Plén. n° 2). La chambre sociale a ensuite précisé qu’ « au regard du principe d’égalité de traitement, la seule différence de statut juridique ne permet pas de fonder une différence de rémunération entre des salariés qui effectuent un même travail ou un travail de valeur égale, sauf s’il est démontré, par des justifications dont le juge contrôle la réalité et la pertinence, que la différence de rémunération résulte de l’application de règles de droit public » (Soc., 16 février 2012, pourvoi n° 10-21.864, Bull. 2012, V, n° 76). Autrement dit, une différence de traitement n’est justifiable que si elle résulte d’une règle de droit public, sans considération pour le travail réellement effectué par l’agent. Dans le présent cas, un agent avait été engagé par une commune pour une durée de six mois dans le cadre d’un contrat d’accès à l’emploi (CAE) renouvelable. Le contrat à durée déterminée ayant pris fin dans des conditions irrégulières, le salarié a saisi la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir notamment le paiement de rappels de salaires correspondant aux primes pour travaux dangereux et primes de sujétion horaire dont il avait été privé. La cour d’appel a condamné la commune au paiement de ces primes sur le fondement du principe d’égalité de traitement. Dans le cadre de son pourvoi, l’employeur faisait valoir que les primes litigieuses, prévues par des textes réglementaires, constituaient des éléments de rémunération spécifiques de la fonction publique dont étaient exclus notamment les salariés embauchés en CAE. La Haute juridiction rejette cette argumentation. Les juges du fond ayant constaté que la commune se bornait à invoquer les fondements réglementaires d’éléments de rémunération facultatifs et ayant relevé par ailleurs que les primes en question se rapportaient à la fonction et au poste occupé, ils en ont à juste titre déduit que l’employeur n’apportait pas de justification à la différence de traitement entre les agents de droit public et ceux de droit privé, soit en l’espèce la catégorie particulière à laquelle appartient l’agent engagé en CAE. Certes, la prime pour travaux dangereux est prévue par le décret n° 67-624 du 23 juillet 1967 et la seconde, dite de sujétion horaire, par le décret n° 2002-532 du 16 avril 2002. Mais la seule source réglementaire d’un élément de rémunération ne permet pas d’en déduire que la différence de rémunération résulte de l’application de règles de droit public. Il convient en réalité d’examiner l’objet de l’élément de rémunération considéré. D’ailleurs, ainsi que l’avait relevé la cour d’appel, le décret n° 2002-532 du 16 avril 2002 prévoit que la prime de sujétion horaire « peut être versée aux agents titulaires, aux agents contractuels sous contrat à durée indéterminée ou aux ouvriers de l’Etat affectés » ce qui signifiait bien que les bénéficiaires pouvaient être autant des agents de droit privé que de droit public, parce qu’en fait, elle ne constituait non pas un élément spécifique de la rémunération d’agents de droit public mais venait rétribuer une obligation de disponibilité qu’étaient susceptibles d’assumer les agents exerçant les mêmes fonctions, qu’ils soient engagés dans un cadre de droit privé ou de droit public.

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Les juges d’appel ayant constaté que les primes avaient vocation à être allouées en fonction des sujétions subies par le personnel, il en résultait que les agents de droit privé exerçant le même travail ou occupant la même fonction que ceux de droit public subissaient aussi les mêmes désagréments. L’employeur ne pouvait dans ces conditions procéder à une distinction dans l’attribution de la prime fondée sur la différence de statut. Seul l’exercice ou non de la tâche considérée ou l’assujettissement aux contraintes particulières de la fonction (en l’occurrence travaux dangereux et sujétions horaires) constitue le critère pertinent de l’attribution de la prime afférente. En conséquence, si l’élément de rémunération trouve son fondement dans la particularité des tâches à accomplir, l’employeur se doit de mettre en œuvre le texte réglementaire à l’égard de l’ensemble des salariés occupant les mêmes tâches, quand bien même ils ne seraient pas directement visés par les dispositions en question. D - ACCORDS COLLECTIFS ET CONFLITS COLLECTIFS DU TRAVAIL 1- Accords et conventions collectives *Accords collectifs et conventions collectives divers Sommaire Selon 23 l’article de la convention collective des ingénieurs et des cadres des industries des métaux, “ Les appointements minima garantis comprennent les éléments permanents de rémunération, y compris les avantages en nature. Ils ne comprennent pas les libéralités à caractère aléatoire, bénévole ou temporaire”. La cour d’appel qui a constaté que la prime variable annuelle (dite de PVA) et que les plans de commissionnement, établis et reconduits depuis plusieurs années, étaient déterminés en fonction des performances de chaque salarié, en a exactement déduit qu’ils constituaient non pas une libéralité au sens de l’article 23 de la convention collective applicable, mais un élément de rémunération permanent et obligatoire. Soc., 20 juin 2013 RejetArrêt n° 1177 FS-P+B N° 12-15.504 - C.A. Versailles, 5 janvier 2012 M. Lacabarats, Pt. - M. Hénon, Rap. - M. Aldigé, Av. Gén. Note La présente affaire concernait une entreprise ayant adhéré à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972, étendue par arrêté du 27 avril 1973. L’article 23 de cette convention, intitulé « Appointements minima », dispose que : « Les appointements minima garantis fixés par l’annexe à la présente convention correspondent à un horaire de travail hebdomadaire de 39 heures. Les appointements minima garantis comprennent les éléments permanents de la rémunération, y compris les avantages en nature. Il ne comprennent pas les libéralités à caractère aléatoire, bénévole ou temporaire ». Dans l’entreprise en question, avait été mis en place, outre la rémunération fixe, un système de complément distinct selon les catégories professionnelles, consistant en des plans de commissionnement pour les commerciaux et techniciens et en une prime variable annuelle (PVA) pour les autres salariés.

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Plusieurs syndicats avaient saisi le tribunal de grande instance, reprochant à l’employeur de faire entrer la prime variable annuelle et les primes versées dans le cadre des plans de commissionnement dans le calcul de la rémunération annuelle garantie, en méconnaissance de l’article 23 précité. Selon les demandeurs, ces primes constituaient des libéralités ne devant pas être prises en compte dans le calcul des minima. La détermination du salaire minimum conventionnel correspondant à chaque emploi résulte de la fixation par les conventions collectives extensibles du salaire minimum professionnel et de la grille indiciaire qu’elles prévoient. La question de l’imputation des avantages consentis au salarié sur le salaire minimum peut poser difficulté. La Cour de cassation juge qu’ « en l’absence de dispositions conventionnelles contraires, toutes les sommes versées en contrepartie du travail entrent dans le calcul de la rémunération à comparer avec le salaire minimum garanti » (Soc., 7 avril 2010, pourvoi n° 07-45.322, Bull. 2010, V, n° 89). La catégorie des sommes versées en contrepartie du travail inclut ainsi une prime contractuelle allouée en contrepartie de la réalisation d’objectifs impartis (Soc., 4 juin 2002, pourvoi n° 00-41.140, Bull. 2002, V, n° 190) ou encore des commissions (Soc., 7 avril 2004, pourvoi n° 01-47.009, Bull. 2004, V, n° 116). Inversement, sont exclues de l’imputation sur le salaire minimum les gratifications libérales, lesquelles résultent de la discrétion de l’employeur, mais aussi les compléments de salaire qui revêtent un caractère aléatoire, tels une prime de fin d’année remise en cause à chaque exercice (Soc., 16 juillet 1987, pourvoi n° 85-46.289, Bull. 1987, V, n° 499) ou une prime de non-accident, indépendante de l’activité professionnelle (Soc., 3 juillet 2001, pourvoi n° 99-42.758, Bull. 2001, V, n° 243). Pour revêtir la qualité d’élément de rémunération, la chambre sociale s’appuie sur la permanence des règles de calcul retenues (Soc., 20 juillet 1978, pourvoi n° 76-41.053, Bull. 1978, V, n° 611) le caractère de fixité du versement de la prime dont le montant suit l’évolution des salaires sans dépendre des résultats de l’entreprise (Soc., 16 mars 1989, pourvoi n° 87-41.105, Bull. 1989, V, n° 224) ou encore, dans le cadre de la convention collective en cause dans l’affaire ici évoquée, le caractère permanent et obligatoire de la prime d’exploitation (Soc., 18 mars 1992, pourvoi n° 89-40.273, Bull. 1992, V, n° 189). Au présent cas, la question était donc de déterminer si la prime PVA et les plans de commissionnement avaient le caractère d’éléments permanents de la rémunération ou constituaient des libéralités que la convention collective définissait dans des termes identiques à la jurisprudence. Les juges du fond avaient constaté que la prime PVA était reconduite d’année en année, répondait à des conditions établies à l’avance, relatives aux résultats individuels et collectifs et ne ressortant pas de la simple volonté de l’employeur. Quant aux plans de commissionnement, ceux-ci étaient établis annuellement puis trimestriellement, le niveau de gain potentiel étant fixé dans une lettre d’objectifs remise à chaque salarié éligible au dispositif. La chambre sociale approuve en conséquence la cour d’appel d’avoir déduit de ses constatations que ni la prime PVA, ni la prime versée dans le cadre de plans de commissionnement, ne revêtaient le caractère d’une libéralité au sens de la disposition conventionnelle en cause.

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E - REPRÉSENTATION DU PERSONNEL ET ELECTIONS PROFESSIONNELLES 1- Elections professionnelles *Négociation préélectorale Sommaire En vertu des articles L. 2314-10 et L. 2324-12 du code du travail, seul un accord signé entre l’employeur et l’ensemble des organisations syndicales représentatives dans l’entreprise peut déroger au nombre légal de collèges. Il en résulte qu’en l’absence d’un tel accord, il n’appartient pas au tribunal d’instance d’autoriser une dérogation au nombre de collèges. Soc, 26 juin 2013 RejetArrêt n° 1246 FS-P+B N° 12-27.480 - T.I. Boulogne-Billancourt, 31 octobre 2012 M. Lacabarats, Pt - Mme Pécaut-Rivolier, Rap. - M. Lalande, Av. Gén. Note La décision ici évoquée offre un éclairage sur le pouvoir du juge d’instance et ses limites, lorsqu’est envisagée par voie conventionnelle une dérogation aux règles légales relatives au nombre de collèges servant de cadre à l’élection des délégués du personnel et des représentants du personnel au comité d’entreprise. Le litige était né au sein d’une unité économique et sociale (UES) composée de six établissements. Un comité central d’entreprise et des comités d’établissement avaient été mis en place au sein de l’UES. A l’occasion de l’élaboration du protocole électoral, était apparue une difficulté concernant trois établissements ; en effet, dans ces trois entités, l’un des trois collèges comportait très peu de salariés par rapport à l’effectif total. C’est la raison pour laquelle l’employeur avait proposé aux organisations syndicales de déroger au nombre légal de collèges dans ces trois structures, en procédant à une fusion des premier et deuxième collèges dans les deux premiers établissements et à une fusion des deuxième et troisième collèges dans le dernier. Cette dérogation conventionnelle contenue dans le protocole préélectoral avait emporté l’adhésion de cinq organisations syndicales, mais la sixième s’y était opposée. Saisi par deux des sociétés composant l’UES pour qu’il autorise la modification du nombre de collèges électoraux, à défaut d’accord unanime des organisations syndicales représentatives sur ce point, le tribunal d’instance les avait déboutées de leur demande. La question posée par le présent pourvoi était la suivante : lorsque le nombre de salariés appartenant à l’un des collèges électoraux est manifestement insuffisant pour justifier qu’un siège soit attribué à ce collège, le juge d’instance a-t-il compétence pour autoriser une dérogation au nombre légal de collèges, nonobstant l’absence d’unanimité des organisations syndicales représentatives dans l’entreprise ? L’article L. 2314-10 du code du travail relatif aux élections des délégués du personnel dispose que “le nombre et la composition des collèges électoraux ne peuvent être modifiés par une convention, un accord collectif de travail, étendus ou non, ou un accord préélectoral que lorsque la convention

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ou l’accord est signé par toutes les organisations syndicales représentatives existant dans l’entreprise”. L’article L. 2324-12 du code de travail relatif aux élections des représentants du personnel au comité d’entreprise édicte la même règle sous une formulation identique. Concernant les collèges eux-mêmes, il est utile de rappeler que l’article L. 2314-8 du code du travail dispose que les délégués du personnel sont élus, d’une part par un collège comprenant les ouvriers et employés, d’autre part par un collège comprenant les ingénieurs, chefs de service, techniciens, agents de maîtrise et assimilés, l’article L. 2324-11 reprenant la même règle pour les représentants du personnel au comité d’entreprise, avec cette précision que, lorsque le nombre d’ingénieurs, de chefs de service et de cadres est au moins égal à 25 au moment de la constitution ou du renouvellement du comité, ces catégories constituent un troisième collège. Sur les conséquences pratiques de l’institution d’un collège électoral, il a été jugé que le respect des dispositions des articles L. 2314-8 et L. 2324-11 impose que soit attribué à chaque collège au moins un siège afin qu’une catégorie de personnel ne soit pas exclue de toute participation aux élections des représentants du personnel et de toute représentation dans les instances élues (Soc., 4 juillet 2012, pourvoi nos 11-60.229, 11-60.230 et 11-60.232, Bull. 2012, V, n° 214). Sous l’empire des anciens articles L. 423-3 alinéa 1er et L. 433-2 alinéa 5 du code du travail, la chambre sociale ne s’était pas montrée favorable à ce que le juge d’instance se substitue à un accord non unanime des organisations syndicales pour autoriser une dérogation au nombre légal de collèges électoraux. Ainsi, dès 1983 a-t-elle jugé que le tribunal d’instance, qui s’est déclaré à bon droit compétent pour statuer sur le litige portant sur le nombre de collèges électoraux et a constaté qu’aucun accord unanime entre le chef d’entreprise et l’ensemble des organisations syndicales représentatives n’existait pour créer un nouveau collège en a déduit, sans se contredire, qu’il ne lui appartenait pas de se substituer aux parties pour en décider (Soc., 18 mai 1983, pourvoi n° 82-60.322, Bull. 1983, V, n° 272). Cette solution a largement été confirmée depuis, l’unanimité des organisations syndicales représentatives étant la condition sine qua non de la dérogation au nombre légal de collèges (Soc., 7 mai 1987, pourvoi n° 86-60.362, Bull. 1987, V, n° 283 ; Soc., 10 octobre 1990, pourvoi n° 88-60.515, Bull. 1990, V, n° 444 ; Soc., 16 novembre 1993, pourvoi n° 90-60.553, Bull. 1993, V, n° 276 ; Soc., 26 janvier 1999, pourvoi n° 98-60.256, Bull. 1999, V, n° 40). Un protocole préélectoral non unanime ne peut pas davantage faire échec aux dispositions fixant le nombre et la composition des collèges électoraux résultant d’un accord collectif d’entreprise unanime (Soc., 29 mai 2001, pourvoi n° 00-60.024, Bull. 2001, V, n° 186). Cette règle de l’unanimité des organisations syndicales représentatives n’a toutefois pas une portée absolue, les dispositions particulières de la septième partie du code du travail pouvant faire échec à son application. Il a en effet été jugé qu’un collège électoral spécifique pour les journalistes professionnels et assimilés pouvait être créé, et ce même à défaut d’accord unanime des organisations syndicales représentatives, l’article L. 7111-7 du code du travail n’exigeant pas l’unanimité (Soc., 2 mars 2011, pourvoi n° 09-60.419, Bull. 2011, V, n° 60). Par ailleurs, un assouplissement des principes a été admis dans le domaine de la prorogation des mandats. La chambre sociale a en effet autorisé une prorogation d’office des mandats de représentants du personnel en cours par le juge en cas de suspension du processus électoral due à la saisine de l’autorité administrative (Soc., 26 septembre 2012, pourvoi n° 11-60.231, Bull. 2012, V, n° 241) ; dans le cas d’espèce, le protocole préélectoral n’avait pas pu être conclu aux conditions de majorité posées par l’article L. 2314-3-1, ce qui avait impliqué la saisine du directeur régional

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des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) aux fins de déterminer les établissements distincts, fixer la répartition des électeurs et la répartition des sièges dans les collèges. Dans une autre décision du même jour, la chambre sociale a jugé que “le tribunal d’instance, juge de l’élection, a le pouvoir de prendre toutes les mesures nécessaires au bon déroulement des opérations électorales” et que, plus particulièrement, il entre dans ses attributions de fixer le calendrier de déroulement des opérations électorales, dans une hypothèse où, en raison d’un désaccord persistant entre l’employeur et les syndicats sur le maintien de l’existence d’un établissement distinct, le processus électoral était bloqué et les mandats des représentants du personnel avaient expiré depuis plusieurs mois (Soc., 26 septembre 2012, pourvoi n° 11-26.659, Bull. 2012, V, n° 243). Au présent cas, les deux sociétés invoquaient un argument tiré de l’influence directe du nombre de collèges sur la représentativité syndicale. Ainsi était-il soutenu que compte tenu du faible nombre de salariés dans l’un des collèges au sein des trois établissements, l’application des règles légales relatives au nombre et à la composition des collèges électoraux était susceptible d’entraîner la surreprésentation d’une catégorie de salariés et, partant, d’altérer la fidélité du critère de l’audience et donc de la représentativité. Dans le cas d’espèce, seul le regroupement de deux collèges était, selon elles, de nature à garantir des modalités équitables de représentation des salariés dans les établissements concernés ; il était enfin souligné que ce regroupement était conforme à la volonté du législateur qui avait entendu reconnaître une place majeure à l’audience des organisations syndicales et à la représentativité. La Haute juridiction ne devait cependant pas se démarquer d’une solution jurisprudentielle précitée, jugeant en l’espèce que seul un accord signé entre l’employeur et l’ensemble des organisations syndicales représentatives dans l’entreprise peut déroger au nombre légal de collèges. Faute d’accord unanime, il n’entrait pas dans les attributions du juge d’instance d’autoriser une fusion des collèges au sein des établissements concernés, en sorte que les élections devaient être organisées sur la base des collèges légalement institués. 2 - Représentation du personnel 2.2 Institutions représentatives du personnel *Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail Sommaire Selon l’article L. 4614-10 du code du travail, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est réuni à la demande motivée de deux de ses membres représentants du personnel ; il en résulte que dès lors que la demande remplit ces conditions, l’employeur est tenu d’organiser la réunion. Doit en conséquence être censuré l’arrêt d’une cour d’appel qui, saisie par l’employeur, retient que des demandes de réunion ne sont pas justifiées en l’absence de projet important, alors que, ayant constaté que les demandes de réunion avaient été formées par deux membres des CHSCT et qu’elles étaient motivées, la cour d’appel n’avait pas à vérifier leur bien fondé. Soc, 26 juin 2013 Cassation partielleArrêt n° 1210 FS-P+B N° 12-13.599 - C.A. Versailles, 1er décembre 2011 M. Lacabarats, Pt - Mme Pécaut-Rivolier, Rap. - Mme Lesueur de Givry, Av. Gén.

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Note Lieux d’information, de consultation, et de décision, les réunions du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) sont réglementées par les articles L. 4614-7 à L. 4614-11 du code du travail. Du premier texte cité, il résulte que le CHSCT se réunit au moins tous les trimestres à l’initiative de l’employeur, et plus fréquemment en cas de besoin, notamment dans les branches d’activité présentant des risques particuliers. A ces réunions périodiques, au rythme d’un minimum de quatre par an et laissées à l’initiative de l’employeur, sont prévues d’autres réunions dictées par certains événements. Ainsi l’article L. 4614-10 du code dispose-t-il que le CHSCT est réuni à la suite de tout accident ayant entraîné ou ayant pu entraîner des conséquences graves ou à la demande motivée de deux de ses membres représentants du personnel, étant précisé que, dans ce dernier cas, l’ordre du jour devra nécessairement comporter les points indiqués dans leur demande. La variété des sujets susceptibles de motiver une demande de réunion de la part de membres de la délégation du personnel du CHSCT est à l’image de l’importance croissante des missions de cet organisme technique, créé afin d’associer le personnel au maintien et à l’amélioration des conditions d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail dans l’entreprise. La difficulté résulte du fait qu’aucune précision textuelle n’est donnée, non seulement quant aux motifs qui sous-tendent la demande de réunion présentée par deux des membres du CHSCT, dont on peut se demander s’ils doivent nécessairement se confondre avec les cas de consultation ou si au contraire ils peuvent excéder ce cadre, mais également quant au pouvoir d’appréciation par l’employeur du ou des motifs invoqués à l’appui de cette demande. En d’autres termes, l’employeur est-il fondé à dire non valable le motif allégué par les représentants du personnel ? Par ailleurs, consacrer un pouvoir d’appréciation de l’employeur en la matière revient à poser la question du contrôle judiciaire de la justification sur le fond de la demande de réunion extraordinaire, dans la mesure où les auteurs de la demande, faisant état d’un refus injustifié de l’employeur de procéder à la convocation des membres du comité, sont légitimes à venir solliciter en justice l’organisation de la réunion litigieuse. En l’espèce, dans le cadre d’un projet de simplification et de modernisation de l’infrastructure de la SNCF impliquant le regroupement sur trois “territoires de production” des 23 directions régionales, et suite à la consultation d’un comité d’établissement régional, au cours de laquelle avait été prise une délibération visant à demander au préalable aux CHSCT concernés de réaliser une étude et de rendre un avis sur le projet de mise en place de ces “territoires de production”, quatre salariés, agissant respectivement en leur qualité de secrétaires, secrétaire adjoint et membre représentant du personnel de CHSCT, avaient sollicité de la direction de l’entreprise la tenue d’une réunion extraordinaire au sein de tous les CHSCT concernés. Pour une bonne compréhension du litige, il est à noter que sur le plan de la représentation du personnel, la SNCF est dotée d’un comité central d’entreprise et de comités d’établissements régionaux au nombre de 23. Chaque établissement est constitué de plusieurs unités opérationnelles et/ou de production et les CHSCT ont été institués en concordance avec une ou plusieurs de ces dernières. Suite à une saisine du juge des référés par le comité central d’entreprise et plusieurs comités d’établissement régionaux pour qu’il soit sursis à la réorganisation tant que les CHSCT ne seraient pas consultés, la SNCF a fait citer au fond les quatre salariés devant le tribunal de grande instance, aux fins de voir annuler leurs demandes de réunion extraordinaire.

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Il a été jugé en première instance que, pour justifier la nécessité d’une réunion au sein des différents CHSCT, les auteurs de la demande devaient démontrer que le projet était important et qu’il modifiait les conditions de travail ; qu’il était démontré par ces derniers que le projet, loin de caractériser un simple changement d’organigramme, impliquait une réorganisation à l’échelle nationale des différentes directions, avec des transferts de missions et un élargissement des responsabilités des établissements. En conséquence, compte tenu de l’impact du projet de changement de structure sur les conditions de travail des salariés, les premiers juges avaient ordonné à la SNCF de réunir les CHSCT concernés sur l’ordre du jour “consultation/information sur le projet territoires de production”. Les juges d’appel, à l’instar des premiers juges, ont estimé qu’à l’appui de leur demande de réunion extraordinaire, les requérants devaient rapporter la preuve d’un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail. Ils n’ont en revanche pas eu la même lecture des éléments du dossier, considérant que les implications du projet n’étaient aucunement démontrées ; en conséquence, faute de preuve d’un projet important, la demande de réunion extraordinaire avait été annulée. La question posée par le pourvoi était la suivante : la demande est-elle de droit, dès lors qu’elle est formée par au moins deux membres de la délégation du personnel du CHSCT et qu’elle est motivée, ou bien l’employeur peut-il se faire juge de son bien-fondé et émettre un refus reposant sur l’absence d’événement de nature à justifier une réunion extraordinaire ? Des éléments de réponse peuvent être recherchés dans la jurisprudence de la chambre criminelle. Dans une espèce où un chef d’établissement, au sein duquel avait eu lieu un accident du travail, était poursuivi du chef d’entrave au fonctionnement régulier du CHSCT, faute d’avoir organisé à la demande de trois salariés, membres du comité, une réunion en vue de procéder à l’analyse de l’accident et d’envisager les mesures à prendre pour éviter son renouvellement, la Cour de cassation a jugé que “lorsqu’il est saisi d’une demande motivée présentée par deux membres au moins du CHSCT, représentants du personnel, le chef d’établissement doit réunir cet organisme sans pouvoir se faire juge du bien-fondé de cette demande”. (Crim., 4 janvier 1990, pourvoi n° 88-83.311, Bull. Crim. 1990, n° 11). S’agissant d’un employeur poursuivi du chef d’entrave au fonctionnement du comité d’entreprise pour avoir refusé, sans raison valable, d’accéder à la demande de réunion formulée par la majorité des membres du comité, il a été jugé que “le chef d’entreprise, qui n’était pas juge de l’opportunité de la requête lui étant adressée, était tenu, en l’absence d’obstacle insurmontable, d’organiser la réunion extraordinaire du comité d’entreprise sollicitée par la majorité des membres de ce comité”. L’employeur ne peut dans ces conditions valablement invoquer le surcroît de travail dû à la reprise d’activité consécutive aux vacances d’été pour légitimer son refus (Crim., 14 septembre 1988, pourvoi n° 87-91.416). Dans cette ligne, la chambre sociale a récemment jugé qu’en cas de défaillance de l’employeur, l’auteur d’une demande de réunion du CHSCT présentée conformément aux dispositions de l’article L. 4614-10 du code du travail, est recevable à demander en justice la réunion de ce comité (Soc., 15 janvier 2013, pourvoi n° 11-27.651, Bull. 2013, V, n° 11). Cette solution est ici réaffirmée dans une décision qui doit être analysée, tant au regard du pouvoir d’appréciation de l’employeur que sous l’angle du pouvoir de contrôle du juge. D’une part, dès lors que la demande de réunion du CHSCT est formée par deux de ses membres représentants du personnel et qu’elle est motivée, l’employeur est tenu d’organiser la réunion. Se

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trouve ainsi confirmé le principe selon lequel la réunion est de droit, dès lors que les deux conditions posées par l’article L. 4614-10 du code du travail sont remplies. D’autre part, il n’appartient pas davantage aux juges de vérifier la justification sur le fond d’une telle demande, a fortiori de soumettre cette dernière à une condition qui ne ressort pas du texte. En effet, s’il résulte de l’article L. 4612-8 du code du travail que le projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail implique obligatoirement la consultation du CHSCT, et si en vertu de l’article L. 4614-12 du code il autorise le recours du CHSCT à un expert agréé, il ne constitue pas en revanche le cadre exclusif de la demande de réunion formée par les membres représentants du personnel, sous réserve d’un éventuel abus. Sommaire La décision de recourir à un expert prise par le CHSCT dans le cadre d’une consultation sur un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité constitue une délibération sur laquelle les membres élus du CHSCT doivent seuls se prononcer en tant que délégation du personnel, à l’exclusion du chef d’entreprise, président du comité. Soc, 26 juin 2013 RejetArrêt n° 1211 FS-P+B N° 12-14.788 - C.A. Toulouse, 7 décembre 2011 M. Lacabarats, Pt - Mme Pécaut-Rivolier, Rap. - Mme Lesueur de Givry, Av. Gén. Note Cet arrêt apporte des précisions sur le processus décisionnel au sein du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) aboutissant à la désignation d’un expert, dans le cadre d’une consultation du comité sur un projet important susceptible d’avoir des répercussions sur les conditions de santé et de sécurité des salariés ou sur leurs conditions de travail. En l’espèce, le CHSCT avait été consulté par l’employeur, ayant pour activité le transport aérien, sur un projet intitulé “Itinéraires DEF/Back office pilotage et coordination” et son impact sur les conditions de travail des salariés. Dans un premier temps, le CHSCT avait voté pour le recours à un expert-comptable, la répartition des votes s’étant effectuée comme suit : 4 votes pour, 1 vote contre, 2 abstentions. Le président du comité n’avait pas pris part à ce vote. Lors d’une seconde réunion, avait été organisé un nouveau vote, ayant pour finalité le choix du cabinet d’expertise comptable chargé d’assister le CHSCT. La compagnie aérienne avait estimé que cette décision, du fait de l’absence de participation au vote du chef d’entreprise, n’avait pas été prise à la majorité des membres du CHSCT et en conséquence, avait refusé de donner suite aux demandes de l’expert. Cette situation avait conduit le secrétaire du CHSCT et le cabinet d’expertise comptable à saisir le juge des référés du tribunal de grande instance, aux fins de faire cesser le trouble manifestement illicite résultant du refus de la société de communiquer les documents et informations réclamés. Alors que le premier juge avait dit n’y avoir lieu à référé, la cour d’appel a estimé que la décision de recourir à un expert, votée à la majorité des membres présents à l’exception du président qui ne devait pas prendre part au vote, était régulière, de sorte que le refus de la société de communiquer les documents litigieux constituait un trouble manifestement illicite. Le président du CHSCT est-il autorisé à prendre part au vote pour décider du recours à un expert ? L’article L. 4614-12 du code du travail dispose que le CHSCT peut faire appel à un expert agréé lorsqu’un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à

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caractère professionnel est constaté dans l’établissement, ou en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail au sens de l’article L. 4612-8 du code. Ce dernier texte place la décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail au rang des cas de consultation obligatoire du CHSCT. Force est de constater que l’article L. 4614-12 du code du travail, s’il énumère les cas de recours à l’expert, ne précise pas en revanche la nature et les conditions de validité de la décision de recours à l’expertise. La chambre sociale a ainsi été amenée à préciser que le CHSCT ne peut valablement délibérer que sur un sujet en lien avec une question inscrite à l’ordre du jour, en sorte que doit être annulée la délibération décidant d’une mission d’expertise sur un projet évoqué lors d’une réunion mais non inscrit à l’ordre du jour (Soc., 22 janvier 2008, pourvoi n° 06-18.979, Bull. 2008, V, n° 15). L’avis ne peut résulter que d’une décision prise à l’issue d’une délibération collective et non de l’expression d’opinions individuelles de ses membres (Soc., 10 janvier 2012, pourvoi n° 10-23.206, Bull. 2012, V, n° 7), de sorte que le CHSCT n’a pas exprimé d’avis, lorsque ses membres ont procédé à un simple tour de table. Si l’avis du CHSCT est assimilé à une décision prise à l’issue d’une délibération, a fortiori en est-il de même pour la décision de recourir à un expert, une partie de la doctrine estimant par ailleurs que le CHSCT a vocation à se comporter comme un organe délibérant pour chacune de ses interventions, qu’il s’agisse de conseil, de contrôle, de propositions, ou d’investigations sous forme d’analyses, d’inspections et d’enquêtes, et qu’en toute hypothèse il est impossible de faire l’économie d’un vote. Toutefois, à supposer acquise la nécessité d’une délibération en matière d’expertise, se pose la question de savoir si tous les membres ont vocation à délibérer sur le recours à l’expert, ou s’il convient à cet égard d’opérer une distinction entre membres élus et non élus. L’article L. 4614-2 du code du travail dispose que les décisions du CHSCT portant sur ses modalités de fonctionnement et l’organisation de ses travaux sont adoptées à la majorité des membres présents, conformément à la procédure définie au premier alinéa de l’article L. 2325-18 et qu’il en est de même des résolutions que le comité adopte. En vertu de l’article L. 2325-18 du même code, “Les résolutions du comité d’entreprise sont prises à la majorité des membres présents. Le président du comité ne participe pas au vote lorsqu’il consulte les membres élus du comité en tant que délégation du personnel”. La majorité des membres présents doit s’entendre de la majorité des membres votants présents, i.e. la majorité des membres du comité assistant à la séance au moment du vote et ayant le droit de participer au scrutin. Sur ce dernier aspect, la combinaison de ces articles permet de dégager, tant pour le comité d’entreprise que pour le CHSCT, un principe et une exception. La majorité des voix inclut en principe la voix du président du comité ; toutefois, celui-ci n’a pas de voix délibérative lorsque le comité est consulté en tant que délégation du personnel et il y aura lieu dans ce dernier cas de calculer la majorité des membres présents sur les seuls représentants du personnel. La difficulté résulte toutefois du fait que la formulation retenue par le législateur ne rend pas compte de toutes les situations où les membres du comité - comité d’entreprise ou CHSCT - se prononcent en tant que délégation salariale.

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Les circulaires ministérielles n’ont pas levé les incertitudes tenant à la question de la participation au vote du président du comité, notamment sur les décisions impliquant expertise. En effet, le § 3.1.2 de la circulaire DRT n° 12 du 30 novembre 1984 relative à “l’application des dispositions concernant le comité d’entreprise dans la loi n° 82-915 du 28 octobre 1982 relative au développement des institutions représentatives du personnel” se borne à indiquer que “La décision de recourir à un expert correspond à une résolution. Elle doit donc être décidée à la majorité des membres présents (...)”, sans évoquer la question du calcul de la majorité requise pour ce vote. Selon la compagnie aérienne, l’exclusion de la voix délibérative du président du comité ne pouvait résulter que d’une disposition légale d’application stricte ; or, précisément, l’article L. 2325-18 alinéa 2 du code ne permet cette exclusion que dans l’hypothèse où le président du comité d’entreprise, auquel est assimilé le président du CHSCT par l’effet du renvoi des textes, consulte les membres élus du comité en tant que délégation du personnel. S’appuyant sur l’architecture du code du travail, la société soutenait que la décision de recourir à un expert agréé était précisément étrangère à l’hypothèse d’une consultation de la délégation du personnel, l’article L. 4614-2 du code faisant partie d’une section Ière intitulée “présidence et modalités de délibération”, elle-même intégrée dans un chapitre IV traitant du “fonctionnement” du CHSCT. Il en résultait nécessairement pour elle que la décision prise par le CHSCT de recourir à un expert agréé était une décision relative à son fonctionnement, en sorte qu’elle devait être prise à la majorité des membres présents, sans exclusion de la voix du président du comité. Cette analyse n’était cependant pas en accord avec la jurisprudence relative au comité d’entreprise. En effet, s’il a été admis que ne constitue pas une consultation des membres du comité en tant que délégation du personnel, le vote tenant à l’adoption du règlement intérieur du comité d’entreprise, à la désignation de son secrétaire (Soc., 10 juillet 1991, pourvoi n° 88-20.411, Bull. 1991, V, n° 355 ; Soc., 21 novembre 2000, pourvoi n° 98-23.094) et des membres de son bureau, tel n’est pas en revanche le cas du vote conduisant au recours à un expert. Dans un arrêt en date du 5 mai 1983, la chambre sociale a approuvé la décision des juges d’appel qui avaient estimé que la désignation d’un expert-comptable, dont la mission est d’assurer l’information des salariés représentés par les membres élus du comité, ne pouvait dépendre du chef d’entreprise ; il en résulte que ce dernier, présidant le comité d’entreprise, ne doit pas participer à cette désignation (Soc., 5 mai 1983, pourvoi n° 81-16.787, Bull. 1983, V, n° 235), la circonstance que l’expert-comptable soit rémunéré par l’entreprise étant par ailleurs une circonstance inopérante. Le président du comité d’entreprise ne doit pas davantage prendre part au vote relatif à la désignation de l’expert-comptable devant assister le comité pour l’examen des comptes (Soc., 26 novembre 1987, pourvoi n° 86-14.530, Bull. 1987, V, n° 679). Suivant cette même logique, la chambre sociale juge en l’espèce que “la décision de recourir à un expert prise par le CHSCT dans le cadre d’une consultation sur un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité constitue une délibération sur laquelle les membres élus du CHSCT doivent seuls se prononcer en tant que délégation du personnel, à l’exclusion du chef d’entreprise, président du comité.” La nature de la décision de recours à un expert est dès lors sans ambiguïté : elle ne présente pas les caractéristiques d’une décision ayant trait au fonctionnement et à l’organisation des séances du comité. Trouvant son origine dans un projet important susceptible d’avoir des répercussions sur les conditions de travail des salariés, son cadre est incontestablement celui de la consultation du comité en tant qu’institution représentative.

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C’est dire que le chef d’entreprise, investi par la loi de la présidence du comité, non élu et ne représentant aucunement les salariés, ne doit pas participer au vote d’une décision relative à leurs conditions de travail. *Mandat de représentation (dispositions communes) Sommaire n° 1 Il résulte de l’article L.2325-9 du code du travail que le représentant syndical au comité d’entreprise ne devant subir aucune perte de rémunération en raison de l'exercice de son mandat, le temps de trajet, pris en dehors de l’horaire normal de travail et effectué en exécution des fonctions représentatives, doit être rémunéré comme du temps de travail effectif pour la part excédant le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail. Soc, 12 juin 2013 RejetArrêt n° 1113 FS-P+B N° 12-15.064 - C.A. Metz, 15 décembre 2011 M. Lacabarats, Pt. - M. Flores, Rap. - Mme Taffaleau, Av. Gén. Sommaire n° 2 Le délégué du personnel ne devant, en application des dispositions de l’article L. 2315-3 du code du travail, subir aucune perte de rémunération en raison de l’exercice de son mandat, il en résulte que le temps de trajet, pris en dehors de l’horaire normal de travail et effectué en exécution des fonctions représentatives, doit être rémunéré comme du temps de travail effectif pour la part excédant le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail. Soc, 12 juin 2013 Cassation partielleArrêt n° 1115 FP-P+B N° 12-12.806 - C.A. Douai, 30 novembre 2011 M. Lacabarats, Pt. - Mme Ducloz, Rap. - Mme Taffaleau, Av. Gén. Note La question inédite posée à la chambre sociale par ces deux affaires concernait le régime de rémunération, depuis la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, des temps de trajet, pris en dehors de l’horaire normal de travail et effectué en exécution des fonctions représentatives, d’un représentant du personnel. Antérieurement à cette loi et en l’absence de dispositions législatives sur le sujet, il était de jurisprudence constante, que “le temps de trajet effectué par un représentant du personnel pour l'exercice de ses fonctions représentatives doit être rémunéré lorsqu'il est pris en dehors de l'horaire normal de travail et qu'il dépasse, en durée, le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail ” (Soc., 30 septembre 1997, pourvoi n° 95-40.125, Bull. 1997, V, n° 299 ; Soc., 5 novembre 2003, pourvoi n° 01-43.109, Bull. 2003, V, n° 275 (3); Soc., 10 décembre 2003, pourvoi n° 01-41.658, Bull. 2003, V, n° 315 (1)). Ces temps de trajet étaient donc assimilés à du temps de travail effectif et devaient être rémunérés comme du temps de travail, le cas échéant, en heures supplémentaires dans le cas où les trajets étaient effectués en sus de la durée hebdomadaire de travail. Pour les salariés ordinaires, la question du temps de trajet était appréhendée par référence à la définition légale de la durée du travail effectif figurant à l'article L. 212-4 du code du travail. La chambre sociale avait posé le principe selon lequel le temps de trajet habituel entre le domicile et le lieu de travail ne constitue pas en soi un temps de travail effectif (Soc., 5 novembre 2003, pourvoi n° 01-43.109, Bull. 2003, V, n° 275 (2)) mais elle assimilait à du temps de travail effectif

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les temps de trajet "inhabituel" du salarié qui "étaient effectués hors période de travail et dépassaient en durée le temps normal du déplacement entre son domicile et son lieu de travail habituel" (Soc., 5 mai 2004, pourvoi n° 01-43.918, Bull. 2004, V, n° 121(2)) de même pour les déplacements entre deux lieux de travail (Soc., 5 novembre 2003, pourvoi n° 01-43.109, Bull. 2003, V, n° 275). Modifié par la loi n° 2005-32 de cohésion sociale du 18 janvier 2005, l'article L. 212-4, alinéa 4, devenu l'article L. 3121-4, du code du travail dispose que "le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il doit faire l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière, déterminée par convention ou accord collectif ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'ils existent. [...] ". Concernant les déplacements des salariés ordinaires effectués depuis l’entrée en vigueur de cette loi, il résulte de deux arrêts récents que le temps de déplacement n'est plus du temps de travail effectif, qu'il se situe dans ou en dehors de l'horaire de travail, qu'il excède ou non le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu de travail habituel. Simplement, lorsque ce temps dépasse le temps normal de trajet domicile-travail, il doit faire l'objet d'une contrepartie financière ou sous forme de repos (Soc., 14 novembre 2012, pourvoi n° 11-18.571, Bull. 2012, V, n° 295 et Soc., 15 mai 2013, pourvoi n° 11-28.749, Bull. 2013, V, en cours de publication). Cette nouvelle jurisprudence doit-elle s’appliquer aux temps de déplacement pris en dehors de l’horaire normal de travail, d’un représentant du personnel pour se rendre aux réunions des instances représentatives après l’entrée en vigueur de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 ? Ou bien ces temps de trajets doivent-ils continuer à être rémunérés comme du temps de travail effectif ? Par les deux présents arrêts, la chambre sociale de la Cour de cassation indique que ces temps de trajet doivent toujours être rémunérés comme du temps de travail effectif pour la part excédant le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail. Tout comme dans l’arrêt du 30 septembre 1997 précité, la chambre sociale vise dans sa décision des articles spécifiques aux représentants du personnel : l’article L. 2325-9 du code du travail qui concerne le représentant syndical au comité d’entreprise et l’article L. 2315-3 relatif au délégué du personnel. Elle étend ainsi le régime du temps d’exercice du mandat lui-même au temps de déplacement lié au mandat et souligne ainsi le statut spécifique du salarié élu qui ne doit subir aucune perte de rémunération du fait de l’exercice de sa mission (Soc., 29 mai 2001, pourvoi n° 98-45.758, Bull. 2001, V, n° 187; Soc., 26 juin 2001, pourvoi n° 98-46.387, Bull. 2001, V, n° 232). Les dispositions de l’article L. 3121-4 du code du travail ne concernent donc pas les salariés titulaires d’un mandat qui pour l’exercice de ces fonctions relèvent du statut des représentants du personnel défini par d’autres textes et d’autres principes consacrés par une jurisprudence constante. Dans la première affaire (arrêt n° 1, pourvoi n° 12-15.064), un salarié, travaillant à Metz, se rendait régulièrement, en qualité de délégué syndical et de représentant syndical au comité d’entreprise, aux réunions du comité d’entreprise au siège social de la société à Aubagne dans les Bouches-du- Rhône. Pour ce faire, il effectuait des allers-retours dans la journée par avion en quittant son domicile à 5h15 et le rejoignant à 22h15. L’employeur ne l’indemnisait que partiellement de ce temps de trajet estimant que certaines heures étaient des heures d’attente qu’il n’avait pas à prendre en charge. Le salarié avait saisi la juridiction prud’homale qui avait fait droit à sa demande en paiement de rappel de salaire. Au soutien de son pourvoi, l’employeur faisait valoir que seul le temps passé aux réunions du comité d’entreprise devait être rémunéré comme temps de travail et que ni le temps de trajet pour

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se rendre à ces réunions, ni le temps passé à attendre un moyen de transport pour s’y rendre ne pouvait être rémunéré comme du temps de travail effectif. Il invoquait une violation par la cour d’appel des articles L. 3124-1 et L. 2315-1 du code du travail. Dans la seconde affaire (arrêt n° 2, pourvoi n° 12-12.806), un salarié demandait, au titre des heures supplémentaires, le paiement d’heures correspondant aux trois heures mensuelles de temps de déplacement pour se rendre, en dehors des heures de service, aux réunions de délégué du personnel. Ici encore, l’employeur invoquait une violation par la cour d’appel de l’article L. 3124-1 du code du travail. Dans les deux arrêts, la Cour de cassation rappelle qu’en vertu des textes précités, le salarié investi d’un mandat de représentation – ici respectivement représentant syndical au comité d’entreprise et délégué du personnel- ne peut subir aucune perte de rémunération en raison de son mandat, pour en conclure que l’intégralité du déplacement, temps de trajet et temps d’attente, rendu nécessaire par l’exécution des fonctions représentatives, doit être rémunéré par l’employeur comme du temps de travail effectif. Sommaire Seul un accord unanime conclu entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise peut déroger aux dispositions d’ordre public sur la durée des mandats des représentants du personnel. Doit en conséquence être approuvé le jugement qui constatant que la prorogation des mandats en cours a été décidée par un accord conclu à l’unanimité des organisations syndicales représentatives, déboute un syndicat non représentatif de sa demande d’annulation de cet accord. Soc, 26 juin 2013 RejetArrêt n° 1245 FS-P+B N° 12-60.246 - T.I. Vanves, 24 mai 2012 M. Lacabarats, Pt. - Mme Lambremon, Rap. - M. Lalande, Av. Gén. Note Le présent arrêt précise les conditions de prorogation des mandats en cours des représentants du personnel depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail. Les articles L. 2314-26 et L. 2324-24 du code du travail disposent que les délégués du personnel et les membres du comité d’entreprise sont élus pour quatre ans. Toutefois, un accord de branche, un accord de groupe ou un accord d’entreprise, selon le cas, peut fixer une durée de mandat de ces représentants du personnel comprise entre deux et quatre ans (article L. 2314-27 et L. 2324-25 du code du travail). Il résulte d’une jurisprudence ancienne et constante que la prorogation des mandats n’est possible que par un accord unanime entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives (Soc., 13 juin 1989, pourvoi n° 88-60.556, Bull. 1989, V, n° 435; Soc., 24 novembre 1992, pourvoi n° 92-60.008, Bull. 1992, V, n° 570; Soc., 27 mai 1999, pourvoi n° 98-60.327, Bull. 1999, V, n° 241; Soc., 12 mars 2003, pourvoi n° 01-60.771, Bull. 2003, V, n° 96; Soc., 21 mai 2003, pourvoi n° 01-60.742, Bull. 2003, V, n° 170; Soc., 12 juillet 2006, pourvoi n° 05-60.331, Bull. 2006, V, n° 259; Soc., 16 janvier 2008, pourvoi n° 06-40.710).

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Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, seules les organisations syndicales représentatives avaient vocation à négocier le protocole préélectoral et à présenter des candidats au premier tour des élections professionnelles. Cette loi qui a élargi l’accès à la négociation du protocole électoral à l’ensemble des organisations syndicales légalement constituées et remplissant les conditions pour désigner des candidats dans l’entreprise et qui modifie les conditions d’accès à la représentativité a-t-elle eu une incidence sur les conditions de prorogation de la durée des mandats ? La chambre sociale répond par la négative et maintient ainsi sa jurisprudence antérieure. D’une part, l’accord permettant de déroger aux dispositions d’ordre public sur la durée des mandats des représentants du personnel doit être signé par l’employeur et les seules organisations syndicales représentatives. En effet un tel accord n’étant pas de nature préélectorale, il est soumis aux dispositions de l’article L. 2232-12 du code du travail, issu de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, en vertu duquel seules les organisations syndicales représentatives peuvent négocier un accord d’entreprise ou d’établissement. D’autre part, l’exigence jurisprudentielle d’un accord unanime est maintenue. *Représentants syndicaux au comité d’entreprise Sommaire Le jugement statuant sur la représentativité d’un syndicat, à l’occasion d’une contestation de la désignation par lui de délégués syndicaux centraux, ne constitue pas un fait nouveau susceptible de remettre en cause la désignation par ce même syndicat d’un autre salarié en qualité de représentant syndical au comité central d’entreprise. Soc., 26 juin 2013 Cassation sans renvoiArrêt n° 1248 FS-P+B N° 11-25.456 – T.I. Paris 15ème, 29 septembre 2011 M. Lacabarats, Pt. – M. Huglo, Rap. – M. Lalande, Av. Gén. Note Dès l’instant où l’entreprise possède au moins deux établissements distincts, les organisations syndicales représentatives « dans l’entreprise toute entière » (Soc., 25 janvier 2006, pourvoi n° 04-60.437, Bull. 2006, V, n° 35) ont la faculté de désigner un représentant syndical au sein du comité central d’entreprise (articles L. 2327-6 et suivants du Code du travail). La désignation de ces représentants syndicaux peut être contestée. Un bref délai s’applique, à peine de forclusion : passé le délai de quinze jours, la désignation est purgée de tout vice (article R. 2324-24 du code du travail).

Des exceptions à cette règle sont admises, en cas de fraude (Soc., 5 mars 1986, pourvoi n° 85-60.562, Bull. 1986, V, n° 78) et de survenance d’un fait nouveau. Ces exceptions permettent à celui qui conteste la désignation de bénéficier d’un bref délai supplémentaire à compter de la date où il a eu connaissance de l'événement invoqué (Soc., 10 mai 1994, pourvoi n° 93-60.366). Relativement au fait nouveau, il s’agit d’un évènement postérieur à la désignation et qui est de nature à remettre en cause la désignation contestée, tel que la cessation ultérieure de l’UES qui avait existé entre deux sociétés distinctes (Soc., 10 janvier 1989, pourvoi n° 87-60.209, Bull. 1989, V, n° 7) ou encore la perte d’autonomie d’une société à la suite d’une fusion absorption (Soc., 28 mars 1989, pourvoi n° 88-60.548, Bull. 1989, V, n° 268).

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En revanche, ne constitue pas un fait nouveau susceptible de remettre en cause les désignations antérieures de délégué et représentant syndical par un syndicat, le jugement déclarant ce syndicat non représentatif lors des élections des délégués du personnel (Soc., 11 octobre 1994, pourvoi n° 93-60.380, Bull. 1994, V, n° 274). Plus récemment, la chambre sociale a jugé que ne constitue pas un fait nouveau l’annulation ultérieure des élections des membres au comité d’entreprise et des délégués du personnel (Soc., 16 novembre 2011, pourvoi n° 11-11.486, Bull. 2011, V, n° 267), alors qu’était contestée la désignation des membres du CHSCT. Dans l’espèce ici rapportée, un syndicat, bien qu’avisé par l’employeur qu’il n’était plus représentatif, avait désigné trois salariés en qualité de délégués syndicaux centraux. Un mois plus tard, ce même syndicat avait désigné un autre salarié en qualité de représentant syndical au comité central d’entreprise. L’employeur avait une nouvelle fois saisi le tribunal d’instance, aux fins d’annulation de cette dernière désignation, pour absence de représentativité du syndicat désignataire. Le tribunal d’instance a prononcé la nullité des désignations des délégués syndicaux centraux, faute pour le syndicat désignataire d’avoir obtenu au moins 10 % des suffrages au premier tour des élections professionnelles. Se fondant sur ce premier jugement, le tribunal d’instance a estimé recevable la demande en annulation de la désignation du représentant syndical au comité central d’entreprise. En effet, il a estimé que cette annulation constituait un fait nouveau de nature à remettre en cause la désignation, de sorte que ce jugement ouvrait à l’employeur un nouveau délai de 15 jours, pour contester la désignation, à partir de la connaissance qu’il en a eu, lors de la notification du jugement. Cassant la décision au visa de l’article R. 2324-24 du code du travail, la chambre sociale décide que le jugement statuant sur la représentativité d’un syndicat, « à l’occasion de la désignation par lui de délégués syndicaux centraux » ne constitue pas un fait nouveau, susceptible de remettre en cause la désignation d’un représentant syndical au comité central d’entreprise. Cette solution restreint les cas susceptibles de constituer des faits nouveaux, et par voie de conséquence, le domaine des exceptions permettant l’ouverture d’un nouveau délai pour rendre recevable une demande en annulation d’une désignation. Est ainsi évitée la remise en cause indirecte de mandats, lorsque la partie intéressée a laissé expirer le délai imparti pour contester la désignation litigieuse. *Syndicat - Représentativité Sommaire L'absence de contestation, à l'occasion des élections professionnelles, de la capacité d'un syndicat à présenter des candidats au premier tour du scrutin n'empêche pas que soit contestée, postérieurement aux élections, la représentativité de ce syndicat dans le champ géographique et professionnel que couvre l'entreprise, peu important que le litige porte sur les critères également imposés pour la présentation de candidats. Soc., 26 juin 2013 Cassation partielleArrêt n° 1239 FS-P+B N° 12-21.766 – T.I. Puteau, 19 juin 2012 M. Lacabarats, Pt. – Mme Lambremon, Rap. - M. Lalande, Av. Gén.

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Note La désignation d’un délégué syndical dans une entreprise implique la réunion de plusieurs conditions. Tout d’abord, le syndicat désignataire doit être représentatif au niveau de l’entreprise. Sept critères doivent être réunis de manière cumulative, dont celui d’une ancienneté minimale de deux ans « dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation » (article L. 2121-1 du code du travail). Un syndicat ne peut désigner un délégué syndical que dans le champ d’application géographique et professionnel déterminé par ses statuts, peu important son adhésion à une organisation reconnue représentative au plan national et interprofessionnel (Soc., 11 février 2009, pourvoi n° 08-60.440, Bull. 2009, V, n° 46). Cette règle est la manifestation du principe de spécialité statutaire, lequel implique que les syndicats ont exclusivement pour objet l’étude et la défense des droits et des intérêts matériels, collectifs et individuels des personnes qui sont visées par leurs statuts. Ensuite, outre les conditions tenant à la l’éligibilité du candidat (article L. 2143-1 du code du travail), le délégué syndical désigné doit avoir recueilli 10% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles. La désignation est portée à la connaissance de l’employeur par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé (articles L. 2143-3 et D. 2143-4 du code du travail). L’employeur ne pouvant pas se faire juge de la validité d’une désignation, il devra s’il la conteste en demander judiciairement l’annulation. Dans la présente affaire, l’employeur sollicitait l’annulation de la désignation d’un délégué syndical en raison de l’absence de représentativité de l’union syndicale ayant procédé à la désignation, celle-ci ne couvrant pas le champ professionnel de l’entreprise. Le tribunal d’instance a déclaré régulière la désignation du délégué syndical au motif que, l’employeur ayant autorisé le syndicat adhérent de l’union syndicale précitée à présenter des candidats aux élections professionnelles dès le premier tour, il avait nécessairement considéré que cette organisation couvrait le champ professionnel de l’entreprise. L’employeur ayant formé un pourvoi, la Cour de cassation se trouvait saisie de la question de savoir si l’absence de contestation par l’employeur de la représentativité d’un syndicat dès le premier tour des élections professionnelles peut valoir reconnaissance de ce que le champ professionnel du syndicat couvre les activités de l’entreprise. La chambre sociale décide que même si l’employeur n’a pas contesté la capacité d’un syndicat à présenter des candidats aux élections, il peut contester sa représentativité au moment de la désignation du délégué syndical qui fait suite aux élections. La contestation de l’employeur ne portait pas en effet sur le résultat des élections, qui ne peut faire l’objet d’un recours que dans les quinze jours suivant le scrutin, en application de l’article R. 2314-28 du code du travail, mais seulement sur le droit pour le syndicat, quoiqu’ayant obtenu 10% des suffrages, à procéder à la désignation, faute de remplir le critère relatif au champ professionnel et géographique du syndicat requis pour que lui soit conférée la qualité de syndicat représentatif. La contestation par l’employeur de la réunion des critères de représentativité énoncés à l’article L. 2121-1 du code du travail peut donc intervenir au stade de la préparation de l’élection comme

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après le déroulement de celle-ci, lorsque le syndicat procède à la désignation d’un délégué syndical. Sommaire Sauf dispositions légales particulières, la représentativité des organisations syndicales au sein des sociétés composant une unité économique et sociale où a été institué, pour l’élection des représentants du personnel, un collège électoral unique incluant des salariés de droit privé et des fonctionnaires, doit être appréciée au regard de la totalité des suffrages exprimés par l’ensemble des électeurs composant ce collège. Soc., 26 juin 2013 RejetArrêt n° 1240 FS-P+B N° 12-26.308 – T.I. Besançon, 21 septembre 2012 M. Lacabarats, Pt. – Mme Lambremon, Rap. – M. Lalande, Av. Gén. Note Cet arrêt est l’occasion pour la chambre sociale de trancher la question des conditions d’appréciation de l’audience des organisations syndicales dans les entreprises employant à la fois des fonctionnaires et des salariés de droit privé, au cas particulier où ceux-ci sont amenés à constituer un collège électoral unique. Cette question s’est posée à la société France télécom, à l’occasion de l’organisation des premières élections professionnelles depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 au sein de son unité économique et sociale (UES), laquelle emploie depuis 2003 des salariés de droit privé, régis par le code du travail, mais également des fonctionnaires, sous statut particulier. L’article 29-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 a prévu que les fonctionnaires participeraient à l’organisation, au fonctionnement, et à la gestion de l’action sociale de l’entreprise au même titre que les salariés de droit privé, par l’intermédiaire des institutions représentatives du personnel issues du code du travail. Les fonctionnaires sont donc électeurs aux élections des membres du comité d’entreprise et des délégués du personnel. Un collège électoral unique a été institué à cette fin (décret n° 2004-662 du 6 juillet 2004). En l’espèce, considérant que son audience électorale devait être calculée « au regard des seuls suffrages exprimés par les salariés de droit privé » pour atteindre le seuil requis de 10 %, une organisation syndicale avait désigné plusieurs délégués syndicaux, au sein de divers établissements de l’UES. La question de la prise en compte des fonctionnaires dans l’appréciation de l’audience électorale détermine évidemment la représentativité de l’organisation syndicale au sein de l’UES et sa qualité à désigner un délégué syndical afin de négocier des accords collectifs (article L. 2143-3 du code du travail). Saisi par l’employeur, le tribunal d’instance a annulé les désignations litigieuses. Approuvant cette décision, la chambre sociale relève qu’il n’existait en l’espèce aucune disposition légale particulière pour l’appréciation de la représentativité des organisations syndicales au sein de l’UES, de sorte que cette qualité devait s’apprécier « au regard de la totalité des suffrages exprimés par l’ensemble des électeurs composant ce collège » unique, qu’ils soient salariés de droit privé ou fonctionnaires.

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Elle reprend dans son attendu la formule de l’avis déjà rendu par la Haute juridiction s’agissant des élections au sein de la même entreprise (Avis de la Cour de cassation, 2 juillet 2012, n° 12-00.009, Bull. 2012, Avis, n° 6). La Cour de cassation avait alors énoncé que cette représentativité devait « en principe » être appréciée, « au regard de la totalité des suffrages exprimés par l’ensemble des électeurs composant ce collège » unique, composé de salariés de droit privé et de fonctionnaires. La chambre sociale parachève ici une jurisprudence progressivement élaborée dans le dialogue avec les juges administratif et constitutionnel. En premier lieu, le Conseil d’Etat avait déjà jugé que l’institution d’un collège électoral unique par le décret du 6 juillet 2004 ne prive pas le personnel de France télécom d’une représentation effective propre à assurer la défense de leurs intérêts (CE, 12 octobre 2005, n° 271997). Saisi dans le cadre d’un question prioritaire de constitutionnalité après l’entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008 le Conseil constitutionnel avait considéré que dans une entité publique qui emploie des salariés de droit privé, le principe de participation à la détermination des conditions de travail n’impose pas l’existence de collèges électoraux distincts pour la désignation des représentants du personnel (Cons. const., 28 janvier 2011, décision n° 2010-91 QPC). La solution affirmée dans le présent arrêt permet aux organisations syndicales de négocier dans l’intérêt des fonctionnaires sur « des questions qui ne relèvent pas des statuts particuliers », en sorte qu’elles seront « aptes à négocier « au nom de la communauté de travail » formée par les salariés de droit privé et par les fonctionnaires de l’UES France Télécom (Rapport de M. Yves Struillou, conseiller rapporteur, Bull. 2012, Avis, n° 6). 2-4 Exercice de la fonction de conseiller prud’homal Sommaire 1 Le conseiller prud’hommes, salarié d’une commune au titre d’un contrat d’accompagnement à l’emploi, a le droit d’obtenir, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, une indemnité forfaitaire égale au montant de sa rémunération pendant la période comprise entre son éviction et l’expiration de la période de protection dans la limite de la durée de protection accordée aux représentants du personnel, peu important la durée légale maximale prévue pour son contrat de travail. Soc., 12 juin 2013 Cassation partielleArrêt n° 1117 FS-P+B N° 12-17.273 - C.A. Montpellier, 8 février 2012 M Lacabarats, Pt. – Mme Pécaut-Rivolier, Rap. – Mme Taffaleau, Av. Gén. Note Les articles L. 2411-1 et L. 2411-2 du code du travail énumèrent les mandats s’exerçant au sein ou à l’extérieur de l’entreprise, procurant aux salariés qui en sont investis une protection particulière contre le licenciement. Parmi ceux-ci figurent le conseiller prud’hommes, dont le contrat ne peut être rompu, lorsque l’employeur n’envisage pas de le renouveler quoiqu’il comporte une clause de renouvellement qu’après autorisation de l’inspecteur du travail, ainsi que le précise l’article L. 241-13 du même code. Ainsi, le conseiller prud’homme licencié sans autorisation administrative peut demander que la mesure en cause soit déclarée nulle, ce qui lui donnera droit à réintégration dans l’entreprise, ou, s’il ne le souhaite pas, à l’octroi d’une indemnité forfaitaire correspondant à la rémunération qu’il

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aurait dû percevoir de la date de son éviction jusqu’à la fin de la période de protection en cours au jour de sa demande, dans la limite de la protection accordée aux représentants du personnel (Soc., 28 mars 2000, pourvoi n° 97-44.873, Bull. 2000, V, n° 134). Cette règle s’applique-t-elle au conseiller prud’homal, dont le contrat à durée déterminée n’est pas renouvelé ? En l’occurrence, un salarié avait été engagé par une commune par contrat d’accompagnement dans l’emploi (CAE) pour une durée de six mois. Ce contrat à durée déterminée consenti par une collectivité publique était renouvelable, dans la limite d’une durée totale de 24 mois. Un mois avant le premier terme, la commune a notifié au salarié sa décision de ne pas renouveler son contrat. Le salarié saisit alors la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir l’annulation de la rupture pour violation du statut protecteur lié à son mandat de conseiller prud’homal, faute pour l’employeur d’avoir sollicité l’autorisation administrative requise. Jugeant bien fondée la demande principale du salarié, la cour d’appel a condamné la commune au paiement d’une indemnité forfaitaire égale à 50,6 mois de salaire au titre de la violation du statut protecteur de l’intéressé. Appliquant la règle jurisprudentielle, elle a en effet limité la période de référence aux quatre ans correspondant au mandat des représentants du personnel, plus six mois après sa cessation, soit 54 mois en totalité. Dans son pourvoi, la commune contestait l’étendue de la période prise en référence pour calculer l’indemnité forfaitaire allouée à son ancien salarié. Elle faisait valoir que la cour d’appel aurait du la limiter à la durée du contrat de travail restant à courir s’il avait été renouvelé, dans la limite de 24 mois. Il revenait ainsi à la Cour de cassation de déterminer la période de référence permettant de calculer l’indemnisation forfaitaire au titre de la violation du statut protecteur due à un salarié en contrat à durée déterminée. Le litige présentait en outre la spécificité que le mandat de conseiller prud’homme étant extérieur à l’entreprise, la rupture du contrat ne mettait pas fin à l’exercice du mandat. La chambre sociale approuve l’analyse de la cour d’appel s’agissant de la détermination de la période de référence servant au calcul de l’indemnisation due à un salarié protégé dont le contrat à durée déterminée a été irrégulièrement rompu. Quand bien même le contrat de travail serait à durée déterminée, la violation du statut protecteur d’un conseiller prud’homal qui ne demande pas sa réintégration donne droit à une indemnisation forfaitaire « égale au montant de sa rémunération pendant la période comprise entre son éviction et l’expiration de la période de protection » dans la limite de la durée du mandat des représentants du personnel porté à quatre ans par la loi n° 2005-882 du 2 août 2005. La chambre sociale précise que « la durée maximale légale prévue » pour le contrat rompu est indifférente. Autrement dit, l’indemnisation forfaitaire ne peut être limitée par le fait que le contrat était à durée déterminée ou encore parce qu’il s’agissait d’un contrat aidé. Une cassation intervient cependant sur la date de l’éviction, qui n’est pas celle à laquelle l’employeur notifie le non-renouvellement du CAE, mais celle à laquelle le contrat prend fin.

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3. Protection des représentants du personnel 3-1 Protection contre le licenciement *Autorisation administrative de licencier – Portée Sommaire 1 Dès lors qu’une cour d’appel a constaté que l’employeur avait connaissance du mandat exercé par l’intéressé hors de l’entreprise, notamment par les documents reçus de la Caisse des allocations familiales (CAF) au titre du remboursement relatif aux absences du salarié, c’est à juste titre qu’elle a dit nuls le licenciement prononcé sans respect des formalités du statut protecteur et la transaction qui a suivi. Sommaire 2 Si le salarié licencié en violation de son statut protecteur qui forme sa demande avant l’expiration de la période de protection peut prétendre à une indemnité forfaitaire égale au montant des salaires qu’il aurait dû percevoir jusqu’à l’expiration de cette période, l’indemnisation qui lui est due, lorsqu’il introduit sa demande après l’expiration de son statut protecteur sans justifier de motifs qui ne lui soient pas imputables, est fixée par le juge en fonction du préjudice subi. Viole par fausse application l’article L. 2411-18 du code du travail la cour d’appel qui condamne un employeur à payer au salarié, licencié en violation de son statut protecteur, une indemnisation égale au montant des rémunérations qu’il aurait dû percevoir jusqu’à l’expiration de ce statut protecteur, alors qu’elle avait constaté que le statut protecteur du salarié, licencié le 6 février 1995, avait pris fin en mars 1997, et qu’il avait introduit sa demande en février 2009. Soc., 11 juin 2013 Cassation partielleArrêt n° 1089 FS - P+B N° 12-12.738 - CA Douai, 30 novembre 2011 M. Lacabarats, Pt. - Mme Pécaut-Rivolier, Rap. - M. Weissmann, Av. Gén. référendaire Note Par le présent arrêt, la chambre sociale vient préciser les conditions dans lesquelles le salarié peut demander l’indemnisation du préjudice résultant de son licenciement intervenu en méconnaissance de son statut protecteur, résultant d’un mandat extérieur à l’entreprise. En l’espèce, l’intéressé, titulaire d’un mandat d’administrateur d’une caisse d’allocations familiales (CAF) avait été licencié pour faute grave sans autorisation de l’inspecteur du travail. Les conséquences pécuniaires de la rupture avaient fait l’objet d’une transaction. Le salarié avait finalement entendu contester à la fois le licenciement dont il invoquait la nullité et l’indemnisation convenue. L’employeur faisait d’abord grief à l’arrêt d’avoir dit nuls le licenciement et la transaction qui s’en était suivie au titre de la violation du statut protecteur, les juges du fond ayant en effet retenu que l’employeur avait connaissance du mandat extérieur du salarié au moment de son licenciement. La question de la difficulté de l’application du statut protecteur aux salariés titulaires de mandats exercés à l’extérieur de l’entreprise a fait l’objet de nombreux débats à la chambre sociale, relayés depuis 2007 à l’occasion du rapport annuel. Par une décision rendue le 14 mai 2012, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité renvoyée par la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel a formulé, sur la question de la conformité du statut protecteur attaché à un mandat extérieur à l’entreprise au

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principe constitutionnel de la liberté d’entreprendre, la réserve d’interprétation suivante : les dispositions concernant la protection assurée à un salarié exerçant un mandat extérieur à l’entreprise « ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle, permettre au salarié protégé de se prévaloir d’une telle protection dès lors qu’il est établi qu’il n’en a pas informé son employeur au plus tard lors de l’entretien préalable au licenciement » (Cons. Const., n° 2012-42 QPC). Dans la lignée de cette décision, la chambre sociale a admis, dans un arrêt rendu le 14 septembre 2012 (pourvoi n° 11-21.307, Bull. 2012, V, n° 230) confirmé récemment par un arrêt du 26 mars 2013 (pourvoi n° 11-28.269, Bull. 2013, V, n° 84), qu’un salarié titulaire d’un mandat extérieur à l’entreprise ne peut invoquer le statut protecteur qui y est attaché que s’il a informé son employeur de l’existence de ce mandat. Mais la sanction découlant de la méconnaissance du statut protecteur est maintenue dès lors que le salarié prouve que l’employeur a eu connaissance de l’existence du mandat, quelle que soit l’origine de l’information. La chambre sociale relève qu’en l’espèce l’employeur avait connaissance du mandat exercé par l’intéressé hors de l’entreprise, notamment par les documents reçus de la CAF au titre du remboursement relatif aux absences du salarié. Est donc approuvée la décision des juges du fond ayant décidé que le licenciement et la transaction étaient nuls. Ceci posé, restait la question de l’indemnisation, le salarié n’ayant pas demandé sa réintégration dans l’entreprise mais le versement de l’indemnité forfaitaire. Il est de jurisprudence constante depuis un arrêt du 10 décembre 1997 (pourvoi n° 94-45.532, Bull. 1997, V, n° 432) que « le conseiller prud'homme, qui ne demande pas la poursuite de son contrat de travail illégalement rompu, a le droit d'obtenir, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, une indemnité forfaitaire égale au montant de sa rémunération pendant la période comprise entre son éviction et l'expiration de la période de protection dans la limite de la durée de protection accordée aux représentants du personnel. » (Soc., 26 mars 2002, pourvoi n° 01-42.397, Bull. 2002, V, n° 101(2)). Par le présent arrêt, la chambre sociale vient préciser que cette indemnité n’est due qu’au salarié qui présente sa demande pendant la période de protection. Elle décide que lorsque le salarié introduit sa demande après l’expiration de son statut protecteur sans justifier de motifs qui ne lui soient pas imputables, il ne peut bénéficier que de dommages et intérêts fixés par le juge en

nction de son préjudice. fo Il en résulte qu’en cette hypothèse, l’indemnité perd son caractère forfaitaire mais sera souverainement fixée par les juges du fond en fonction du préjudice subi. Cette décision est à rapprocher d’un autre arrêt par lequel la Cour de cassation tranche la question de l’étendue de l’indemnisation en cas de contrat à durée déterminée et précisément d’un contrat d’accompagnement à l’emploi. La chambre sociale a en effet décidé que « Le conseiller prud'hommes, salarié d' une commune au titre d' un contrat d'accompagnement à l'emploi, a le droit d'obtenir, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, une indemnité forfaitaire égale au montant de sa rémunération pendant la période comprise entre son éviction et l'expiration de la période de protection dans la limite de la durée de protection accordée aux représentants du personnel, peu important la durée légale maximale prévue pour son contrat de travail » (Soc., 12 juin 2013, pourvoi n° 12-17.273, en cours de publication).

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F - RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL 2 - Licenciements 2.1- Mise en œuvre *Motifs de licenciement - Office du juge Sommaire Le juge ne peut aggraver la qualification de la faute retenue par l’employeur dans la lettre de licenciement. Soc, 26 juin 2013 RejetArrêt n° 1209 FS-P+B Nos 11-27.413 à 11-27.416 - C.A. Saint-Denis, 27 septembre 2011 M. Lacabarats, Pt - M. Huglo, Rap. - Mme Lesueur de Givry, Av. Gén. Note La qualification est l’opération qui consiste à identifier une situation de fait à une notion visée par la loi. Aux termes de l’article 12 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge “doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée”. Le juge ne peut toutefois appréhender, pour justifier la qualification nouvelle, des faits qui ne seraient pas dans le débat, le devoir de requalification ne concernant que ceux invoqués par une partie au soutien de ses prétentions (1re Civ., 16 février 1988, pourvoi n° 86-14.858, Bull. 1988, I, n° 38). En droit du travail, le licenciement disciplinaire offre une large place à cette prérogative du juge. Il résulte d’une jurisprudence constante que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent le cadre du débat et que, par suite, s’il résulte des termes de cette lettre que l’employeur a reproché au salarié des fautes et prononcé un licenciement disciplinaire, les juges du fond doivent se prononcer sur le caractère fautif ou non du comportement du salarié (Soc., 26 octobre 1999, pourvoi n° 97-41.679, Bull. 1999, V, n° 409). De la même manière la Cour de cassation juge-t-elle que ce n’est pas aux parties, mais au juge, qu’il appartient de qualifier la faute invoquée à l’appui d’un licenciement, en sorte que doit être cassé l’arrêt qui, sans examiner les faits, les qualifie de faute grave en se bornant à énoncer que le salarié lui-même avait reconnu leur gravité (Soc., 13 juin 2001, pourvoi n° 99-42.674, Bull. 2001, V, n° 222). Il ne fait pas de doute que le juge puisse atténuer la qualification des faits fautifs opérée par l’employeur, en requalifiant par exemple une faute lourde en faute grave, voire contredire la reconnaissance de la faute lorsqu’il décide que le licenciement disciplinaire dont il est saisi est en réalité dépourvu de cause réelle et sérieuse. En revanche, se pose la question de savoir si le juge peut aggraver la qualification retenue par l’employeur, l’article 12 du code de procédure civile ne subordonnant pas le pouvoir de requalification aux conséquences favorables ou défavorables qui pourrait en résulter, sous réserve du respect du principe dispositif. Le pouvoir de sanction disciplinaire, que détient le seul employeur, est-il de nature à faire obstacle à une aggravation ultérieure en justice de la qualification donnée à la faute ?

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En l’espèce, suite à l’échec de négociations salariales portant sur la revalorisation des salaires et le paiement des heures supplémentaires, une partie des salariés d’une société, ayant pour activité le transport en ambulance, avaient entamé une grève illimitée. A cette occasion, les grévistes avaient empêché la circulation des ambulances par l’installation d’un barrage devant la société. La situation perdurant, l’employeur avait dans un premier temps saisi le juge des référés afin qu’il soit ordonné aux salariés de supprimer tout barrage, procédure à la suite de laquelle les grévistes s’étaient cantonnés à une stricte posture de cessation de travail, puis dans un second temps licencié quatre d’entre eux pour faute grave, en leur faisant grief d’avoir occupé de façon illicite les locaux de l’entreprise, d’avoir entravé la liberté de travail des salariés non grévistes et d’avoir mis en danger la vie d’un patient. Les salariés avaient saisi le conseil de prud’hommes, afin qu’il déclare sans cause réelle et sérieuse ces licenciements pour faits de grève. Le conseil avait estimé justifiés les licenciements et débouté les salariés de l’ensemble de leurs prétentions. Sur appel des salariés, la cour d’appel avait dit les licenciements pour faits de grève tardifs et nuls, et en conséquence alloué à chacun de ces derniers une indemnité pour licenciement abusif, outre une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité légale de licenciement. L’article L. 2511-1 du code du travail dispose que « L’exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié. Son exercice ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire telle que mentionnée à l’article L. 1132-2, notamment en matière de rémunérations et d’avantages sociaux Tout licenciement prononcé en absence de faute lourde est nul de plein droit.” Dans cette espèce où deux salariés avaient été licenciés pour faute grave consécutivement à des faits de grève auxquels ils avaient pris part, la chambre sociale a jugé que la cour d’appel avait à bon droit recherché si les faits, abstraction faite de la qualification juridique que l’employeur leur avait donnée et qui était surabondante, constituaient une faute lourde, seule susceptible de justifier le licenciement de salariés grévistes (Soc., 30 juin 1993, pourvoi n° 91-44.824, Bull. 1993, V, n° 185). Mais elle a ultérieurement exclu la possibilité pour le juge d’aggraver la qualification du licenciement disciplinaire retenue par l’employeur (Soc., 8 juillet 2009, pourvoi n° 08-40.139, Bull. 2009, V, n° 172 ; Soc., 18 janvier 2011, pourvoi n° 09-40.094, Bull. 2011, V, n° 25). L’arrêt ici rapporté s’inscrit dans ce courant jurisprudentiel qui tend à définir des limites au pouvoir de qualification du juge. La Cour de cassation a eu récemment l’occasion de rappeler l’impossibilité pour le juge de requalifier un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée en l’absence de demande en ce sens du salarié ; si en vertu de l’article 12 du code de procédure civile, la qualification d’un contrat de travail dont la nature juridique est indécise relève de l’office du juge, celui-ci ne peut requalifier d’office un contrat à durée déterminée en contrat de droit commun (Soc., 20 février 2013, pourvoi n° 11-12.262, Bull. 2013, V, n° 45). S’agissant des faits ayant présidé à la rupture du contrat dans le cadre d’un licenciement disciplinaire, la chambre sociale pose ici une autre limite, tenant à l’impossibilité pour le juge d’aggraver la qualification de la faute retenue par l’employeur dans la lettre de rupture. En conséquence, devait être approuvée la cour d’appel qui, ayant constaté que dans la lettre de licenciement l’employeur avait retenu une qualification de la faute inférieure à celle exigée par les textes pour fonder une rupture pour faits de grève, avait déclaré entachés de nullité les licenciements litigieux.

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8- Rupture d’un commun accord 8-1 Rupture conventionnelle homologuée Sommaire n° 1 L’existence d’un différend au moment de la conclusion d’une convention de rupture, intervenue en application de l’article L.1237-11 du code du travail, n’affecte pas en elle-même la validité de cette convention. Sommaire n° 2 Une cour d’appel énonce à bon droit qu’une clause de renonciation à tout recours, contenue dans une convention de rupture conclue en application de l’article L.1237-11 du code du travail, doit être réputée non écrite, comme contraire à l’article L.1237-14 du même code, sans que la validité de la convention soit affectée. Soc, 26 juin 2013 RejetArrêt n° 1212 FS-P+B+R N° 12-15.208 - C.A. Chambéry, 24 mai 2011 M. Lacabarats, Pt. - Mme Wurtz, Rap. - Mme Lesueur de Givry, Av. Gén. Note L’article L. 1237-11 du code du travail, issu de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail, instaure un nouveau mode de résiliation du contrat de travail à durée indéterminée, la rupture conventionnelle, mettant ainsi en œuvre l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail. Ce texte prévoit que « l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie ». Avant l’intervention de la loi du 25 juin 2008, la jurisprudence de la chambre sociale avait admis qu’en application de l’article 1134 du code civil, le contrat de travail pouvait prendre fin du commun accord des parties. Cependant, cette rupture devait intervenir en dehors de tout litige entre l’employeur et le salarié (Soc., 31 mars 1998, pourvoi n° 96-43.016, Bull. 1998, V, n° 189), sauf en cas de rupture négociée du contrat de travail intervenue dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi mis en place pour un motif économique (Soc., 11 février 2009, pourvoi n° 08-40.095, Bull. 2009, V, n° 43). Outre l’existence d’un différend au moment de la conclusion de la convention de rupture intervenue en application de l’article L. 1237-11 du code du travail (qui lui donne l’occasion de rappeler le principe posé dans l’arrêt rendu le 23 mai 2013, pourvoi n° 12-13.865, en cours de publication : « l’existence d’un différend au moment de la conclusion d’une convention de rupture intervenue en application de l’article L. 1237-11 du code du travail n’affecte pas en elle-même la validité de cette convention »), la Cour était saisie en l’espèce de la question délicate des effets d’une clause de renonciation à toute contestation née ou à naître sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail contenue dans cette convention et de ses effets sur cette dernière : requalification en transaction entachée de nullité ou clause réputée non écrite, sans qu’en soit affectée la validité de la convention elle-même ? L’illicéité de la clause ne faisait pas de doute, compte tenu de son incompatibilité totale avec les dispositions de l’article L. 1237-14 du code du travail, qui prévoient la possibilité d’exercer un recours juridictionnel en cas de litige concernant la convention ou son homologation. La chambre sociale, approuvant les juges du fond, a donc retenu son caractère non écrit.

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Le régime des clauses réputées non écrites est appliqué régulièrement par la haute juridiction dans des domaines variés : en matière de convention de cession d’une entité économique autonome (Ch. mixte, 7 juillet 2006, pourvoi n° 04-14.788, Bull. 2006, Ch. mixte, n° 5 ; Soc., 11 février 2009, pourvoi n° 07-18.509, Bull. 2009, V, n° 39) ; pour les clauses de non-concurrence (Soc., 22 septembre 2010, pourvoi n° 08-45.341 ; Soc., 8 avril 2010, pourvoi n° 08-43.056, Bull. 2010, V, n° 92 ; Soc., 3 mai 2012, pourvoi n° 10-26.701) ; les sanctions pécuniaires (Soc., 20 octobre 2010, pourvoi n° 09-42.896, Bull. 2010, V, n° 238 ; Soc., 12 décembre 2012, pourvoi n° 11-26.585, Bull. 2012, V, n° 331) ; ou encore s’agissant du champ d’application d’une convention collective (Soc., 19 mai 2010, pourvoi n° 07-45.033, Bull. 2010, V, n° 108). La présente décision marque une nouvelle différence de régime entre la rupture conventionnelle et la rupture amiable, dans le cadre de laquelle la chambre sociale a déjà été amenée à requalifier en transaction l’acte contenant une telle clause de renonciation à toute contestation ou recours (Soc., 13 février 2002, pourvoi n° 99-45.731). Une solution distincte s’imposait en effet, la rupture conventionnelle de l’article L. 1237-11 du code du travail étant particulièrement encadrée, avec un entretien préalable, un formalisme imposé, une homologation par l’autorité administrative et un délai de rétractation et de recours apportant un corpus de garanties qui justifiaient que l’acte ne soit pas affecté par une nullité totale. G - ACTIONS EN JUSTICE *Syndicat -droit d’action Sommaire Indépendamment de l’action réservée par l’article L. 2262-11 du code du travail aux syndicats liés par une convention ou un accord collectif de travail, les syndicats professionnels, qu’ils soient ou non signataires, sont recevables à demander sur le fondement de l’article L. 2132-3 de ce code, l’exécution d’une convention ou d’un accord collectif de travail, même non étendu, son inapplication causant nécessairement un préjudice à l’intérêt collectif de la profession. Doit dès lors être censuré l’arrêt qui déclare irrecevable l’action d’un syndicat au motif qu’il n’est pas signataire de l’accord dont il conteste la dénonciation par l’employeur. Soc., 11 juin 2013 Cassation partielle Arrêt n° 1083 FS - P+B N° 12-12.818 - CA Aix-en-Provence, 15 novembre 2011 M. Lacabarats, Pt. - Mme Lambremon, Rap. - M. Weissmann, Av. Gén. référendaire Note A la suite de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail, dite Loi Aubry, un accord-cadre instituant au sein d’une entreprise le principe de travail par cycles et renvoyant à la conclusion d’accords locaux a été signé entre une entreprise et plusieurs organisations syndicales. L’entreprise a mis en place un régime de travail par cycle de dix semaines travaillées suivies d’une semaine de repos dans l’un des établissements de l’entreprise, dans lequel aucun accord n’avait été signé. A la suite de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail qui a supprimé le « travail par cycle » au profit de « périodes de travail pluri-hebdomadaires intégrant la modulation du temps de travail », l’entreprise a dénoncé l’usage de l’établissement. Puis, constatant l’absence de signature d’un nouvel accord d’aménagement du temps de travail, elle a mis en place une nouvelle organisation des périodes de travail.

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Un des syndicats a alors fait assigner l’entreprise afin de faire interdire l’application de ce nouveau régime et rétablir le régime antérieur. Les juges d’appel ont déclaré l’action du syndicat irrecevable, au visa de l’article L. 2262-11 du code du travail relatif à l’action en nom propre des syndicats. Certes, ce texte réserve aux organisations et groupements « liés par une convention ou un accord collectif » la possibilité « d’intenter en leur nom propre toute action visant à obtenir l’exécution des engagements contractés et, le cas échéant, des dommages-intérêts contre les autres organisations ou groupements, leurs propres membres ou toute personne liée par la convention ou l’accord ». Mais l’article L. 2132-3 du code du travail qui pose le principe selon lequel « les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice », énonce qu’ « ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent. » Dans ces conditions un syndicat non signataire, qui ne dispose pas de la faculté d’agir en exécution d’une convention ou d’un accord collectif de travail prévue à l’article L. 2262-11 du code du travail, est-il recevable à exercer son action sur le fondement de l’article L. 2132-3 du code du travail en se prévalant d’une atteinte à l’intérêt collectif de sa profession ? Cette question a déjà été tranchée à plusieurs reprises par la chambre sociale. Dans un premier temps, la Cour de cassation s’était opposée à l’action en exécution des syndicats non signataires de la convention collective. Elle considérait en effet que l’action visant exclusivement à obtenir l’exécution d’une convention ou d’un accord collectif, ou la réparation de son inexécution était réservée aux syndicats liés par les dispositions de ladite convention, qui seuls ont qualité pour agir (Soc., 10 mai 1994, pourvoi n° 92-14.097, Bull. 1994, V, n° 173). Puis la chambre sociale a sensiblement fait évoluer sa position en ouvrant à tout syndicat, sur le fondement de l’article L. 411-11 du code du travail (devenu l’article L. 2132-3 du Code du travail), le droit de demander le respect de la convention collective dès lors que les dispositions de cette dernière aient été étendues. Elle affirmait ainsi que le non-respect des dispositions étendues d’une convention collective cause nécessairement un préjudice à l’intérêt collectif de l’ensemble de la profession (Soc., 12 juin 2001, pourvoi n° 00-14.435, Bull. 2001, V, n° 221 ; 18 février 2003, pourvoi n° 01-02.079, Bull. 2003, V, n° 60). La condition de l’extension de l’accord a ensuite été levée, la chambre sociale décidant qu’un syndicat professionnel peut demander l’exécution de tout accord collectif, qu’il soit étendu ou ordinaire, même s’il n’en est pas signataire, « son inapplication causant nécessairement un préjudice à l’intérêt collectif de la profession » (Soc., 3 mai 2007, pourvoi n° 05-12.340, Bull. 2007, V, n° 68). Cette évolution a été confirmée : « Indépendamment des actions réservées par les articles L. 135-4 et L. 135-5 du code du travail aux syndicats liés par une convention ou un accord collectif de travail, les syndicats professionnels sont recevables à demander sur le fondement de l'article L. 411-11 du code du travail l'exécution d'une convention ou d'un accord collectif de travail, même non étendu, son inapplication causant nécessairement préjudice à l'intérêt collectif de la profession » (Soc., 16 janvier 2008, pourvoi n° 07-10.095, Bull. 2008, V, n° 10). L’arrêt ici évoqué s’inscrit dans cette lignée jurisprudentielle. Un syndicat est recevable à agir en justice sur le fondement de l’article L. 2132-3 du code du travail pour solliciter l’application d’un accord collectif, bien qu’il n’en soit pas signataire.

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