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MERS EL KÉBIR "Dase navale européenne, avant même d'avoir été française, Mers El Kébir est depuis le 1" février, sous la souveraineté de la République algérienne, démocratique et populaire. Cette puissance navale dont la flotte comprend en tout et pour tout 2 dragueurs, 3 escorteurs côtiers et 8 vedettes lance-torpilles, sera-t-elle seule- ment capable de maintenir en état les installations d'air condi- tionné ? Les accords d'Evian prévoyaient que cette « restitution » aurait lieu, au plus tôt, en 1977. On ne peut imaginer plus lugubre opéra- tion d'euthanasie politico-militaire... Mers El Kébir évoquait une histoire glorieuse, un drame fratri- cide et une grande idée stratégique. De tout cela, i l ne reste que des centaines de croix blanches dans un cimetière marin et la tombe oubliée de celui qui fut l'amiral de la Flotte, François Darlan, « inventeur » de Mers El Kébir dans l'immédiate avant- guerre et dont le cercueil fut transféré, voici trois ans, d'Alger il fut assassiné à ce port l'allié d'hier frappa à mort en juillet 1940 bateaux et équipages. T a page d'histoire que la France vient de tourner avait été ouverte par l'Espagne. Sa bravoure avait conquis cette place- forte. Sa faiblesse la perdit. Mais dès le début du XVI" siècle, Mers El Kébir fut arrachée à l'Islam. C'était en 1505. Aller-et-retour de l'Histoire : à cette époque, les rives africaines accueillaient les « rapatriés » maures, chassés par la Reconquista de leurs possessions de Malaga, de Grenade ou de Murcie. Ils vivaient nombreux dans le petit port de Mers El Kébir, que les Romains appelaient déjà Portus Magnus. Musul- mans intraitables ayant fui la persécution des rois très catholiques, ils ne voyaient pas d'un bon œil leur corréligionnaires commer- LA REVUE N"4 2

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MERS EL KÉBIR

" D a s e navale européenne, avant m ê m e d'avoir été française, Mers E l Kébi r est depuis le 1" février, sous la souveraineté de la

Républ ique algérienne, démocra t ique et populaire. Cette puissance navale dont l a flotte comprend en tout et pour tout 2 dragueurs, 3 escorteurs côt iers et 8 vedettes lance-torpilles, sera-t-elle seule­ment capable de maintenir en é ta t les installations d'air condi­t ionné ?

Les accords d 'Evian prévoyaient que cette « restitution » aurait lieu, au plus tôt, en 1977. On ne peut imaginer plus lugubre opéra­tion d'euthanasie politico-militaire...

Mers E l Kébi r évoquait une histoire glorieuse, un drame fratri­cide et une grande idée s t ra tégique . De tout cela, i l ne reste que des centaines de croix blanches dans un cimetière marin et la tombe oubliée de celui qui fut l 'amiral de la Flotte, François Darlan, « inventeur » de Mers E l Kébi r dans l ' immédiate avant-guerre et dont le cercueil fut t ransféré , voici trois ans, d'Alger où i l fut assass iné à ce port où l'allié d'hier frappa à mort en juillet 1940 bateaux et équipages .

T a page d'histoire que la France vient de tourner avait été ouverte par l'Espagne. Sa bravoure avait conquis cette place-

forte. Sa faiblesse la perdit. Mais dès le début du X V I " siècle, Mers E l Kébi r fut a r rachée à l 'Islam.

C'était en 1505. Aller-et-retour de l 'Histoire : à cette époque, les rives africaines accueillaient les « rapa t r i é s » maures, chassés par la Reconquista de leurs possessions de Malaga, de Grenade ou de Murcie . Ils vivaient nombreux dans le petit port de Mers E l Kébir , que les Romains appelaient déjà Portus Magnus. Musul­mans intraitables ayant fui la persécut ion des rois t r ès catholiques, ils ne voyaient pas d'un bon œil leur corrél igionnaires commer-

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cer avec les Infidèles de Marseille ou de Gênes. Ces « ultras » chassés d'Europe se vengeaient par des raids de commandos sur les côtes espagnoles, attaquant m ê m e les navires au mouillage dans les ports.

Les représai l les ne devaient pas tarder. A l'Alcazar de Tolède, l 'archevêque J iménez de Cisneros réussi t à en convaincre le roi Ferdinand d'Aragon et de Castille. Moine-soldat, han té par les sou­venirs glorieux de la Reconquista, i l b rû le de porter le fer chez l'ennemi lui-même, au-delà de la mer. « L a flamme de la foi qui bril le dans ses yeux évoque le reflet d'une mèche al lumée sur un baril de poudre... »

Un marchand vénitien, Gerónimo Vianell i , suggère de débar­quer à Mers E l Kébir : là est la clé de la casbah d'Oran, si tuée à six ki lomètres à peine plus à l'est. Le capitaine général don Diego Hernández de Cordova va commander les 10 000 soldats qui s'em­barquent à bord de 134 navires. L 'archevêque catalan et le mar­chand vénitien sont de l 'expédition.

Les Espagnols déba rquen t le 11 septembre 1505. Ils s'emparent du djebel Santon qui protège la rade des vents du sud et bom­bardent la citadelle qui la ferme à l'ouest. Après deux jours de siège, le caïd Ben E l Chomara est tué et son successeur demande l'aman.

Le dimanche 15 septembre 1505, les Espagnols entrent dans la citadelle, « fantassins de tous les diocèses, espigardiers, aventu­riers, pionniers et canonniers ». L a mosquée devient l'église de Santa Maria de la Conception et Mers E l Kébi r est bapt isée Mar-zalquivir.

Elle restera espagnole pendant 292 ans. Mais le port a besoin d'air. I l faut, au-delà de la rade et de la

forteresse, tenir le rivage, du cap Lindies à la pointe de Canastel, et occuper la chaîne du djebel Murdjajo qui culmine à plus de 500 mèt res .

Quatre ans après la prise de la citadelle de Mers E l Kébir , une nouvelle expédit ion espagnole, conduite par le cardinal J iménez e' l'aventurier Pedro Navarro, s'empare, le 19 mai 1509, de la casbah d'Oran, é tabl issant ainsi une règle s t ra tégique absolue que formu­lera plus tard don Sánchez Mart ínez de Lieva : « Si l'on occupe Oran, on ne peut perdre Mers E l Kébir , alors qu'on ne peut garder ce dernier si l 'on démantè le Oran. »

Le roi Ferdinand ira plus loin encore, occupant Bougie après Oran et Tr ipol i ap rè s Bougie. Toutes les places fortes du Maghreb deviennent peu à peu vassales de Sa Majesté Très Catholique.

La guerre devient une lutte à mort entre la Turquie et l'Espagne, on dirait m ê m e entre l 'Islam et l 'Europe. E n 1519, commence un

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extraordinaire duel entre deux princes de vingt ans. L 'un est Charles-Quint et l'autre Soliman le Magnifique. Le premier choc a lieu en Hongrie. L'Afrique passe au second plan.

Pas pour longtemps. Après le duel incertain entre Kaïr ed Dine, dit Barberousse, et l 'amiral Andréa Doria, sur les lieux m ê m e s de la bataille d'Actium, devant Prevesa, l'Espagne décide de porter le fer au-delà des flots.

Le 17 octobre 1541, Charles Quint lui-même, déba rque à Mers E l Kébir à la tê te d'une a rmée « européenne » de 6 000 Allemands, 5 000 Italiens, 6 000 Espagnols et 3 000 volontaires de tous les pays où ne manquaient que les Français , alors alliés des Turcs par la volonté de François I e r . Cette formule du style O T A N est encore bien chaotique et l 'Empereur perdra 15 000 hommes en tentant de prendre Alger.

L a dernière croisade est un échec. Total. Le rêve d'un Maghreb espagnol s'estompe. I l ne restera plus

que des « têtes de pont », vouées au semi-abandon et au courage méconnu des garnisons oubliées. Loin de la patrie, des hommes montent une garde incessante sous les étoiles d'Afrique. C'est la vie monotone et dangereuse. Le guet. Sur mer, les corsaires turcs. Dans le djebel, les tribus berbères .

Quelques hidalgos perdus face aux Janissaires. Un capitaine héro ïque qui se nomme don Martinez. La poussière des siècles et l'or des é t endards . Le sang oublié.

Parfois, la venue d'un navire vénitien, marseillais ou catalan. Mais le soleil d'Espagne décline. On voit maintenant en Méditer­ranée des navires britanniques et hollandais. On murmure en Aragon et en Castille que ces enclaves oranaises coûtent bien cher à l'Espagne.

E n 1708, la garnison d'Oran se replie sur Mers E l Kébir , vaincue bien davantage par l'indifférence de la mét ropole que par la rébel­lion musulmane. L a citadelle capitule à son tour. Lassitude. Le dernier geste des défenseurs fut de démante le r les remparts.

Tout n'est pas perdu. Philippe V de Bourbon décide de recon­quér i r Oran et, le 28 ju in 1732, le duc de M o r t é m a r déba rque sur la plage des Andalouses à la tê te de 30 000 hommes. Victoire sans lendemain.

L a forteresse espagnole perdue au cœur d'un pays hostile dépé­rit. Dans la nuit du 8 au 9 octobre 1790 un tremblement de terre l 'achève. Les musulmans attaquent les soldats qui montent une dern iè re garde dans les ruines fumantes. L a faim. L a peste. L 'Es ­pagne négocie.

E n 1791, tandis que la Terreur règne à Paris et que l 'Europe s 'apprête aux plus terribles convulsions, les Espagnols s'engagent

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à rendre les places d'Oran et de Mers E l Kébir « dans l 'état où ils les avaient t rouvées en 1732 ». L a garnison voudrait tout faire sauter. E l l e s'incline par raison d'Etat.

C'est l'exode. Définitif. L a r ival i té des beys d'Alger et d'Oran occupe les trente-huit

années d'occupation ottomane. Désordre . Incurie. Les plaisirs du harem et la fin dans les supplices. E t le 30 avri l 1827 un coup d'éventail soulève l'ouragan de la conquête française.

Le 14 ju in 1830, nos troupes déba rquen t à Sidi-Ferruch p rè s d'Alger. Le 27 juillet, le capitaine de frégate Ropert, commandant le br ick Voltigeur, s'empare de Mers E l Kébir par un habile jeu de palabres. L a venue du Sphinx, un des tout premiers navires à vapeur, fut un argument de poids dans la discussion. Deux fré­gates et un brick devaient encore venir en renfort. Mais le com­mandant Ropert mourut d'une attaque d'apoplexie avant m ê m e leur arr ivée. Ce fut le seul mort de la prise de Mers E l Kébir .

I l avait suffi, pour occuper la forteresse, de 150 marins et du prestige du pavillon. Celui-ci changea avec les premiers renforts. De fleurdelysé, i l devenait tricolore. L a marine allait-elle se rallier à Louis-Philippe ou rester fidèle à Charles X ?

Les premiers jours de l'Algérie française seront marqués , com­me les derniers, par une terrible crise de conscience de l 'Armée. L a mort dans l 'âme, les chefs de l 'expédition décidèrent d 'obéir au nouveau régime. Le général Clausel remplaça le marécha l de Bour-mont. Mais la mission, elle, ne changea pas. C'était la guerre.

L a guerre dans toute l'Algérie. Sauf dans la région oranaise. L a ville fut occupée dans les premiers jours de 1831 par le général Damrémon t , ap rès une brève fusillade.

Pendant plus d'un siècle, i l n'y aura pas d'autres coups de feu. Les marins français de Mers E l Kébir reprirent les habitudes des soldats espagnols. L'attente, l'ennui, la garde...

1 830-1930... On célèbre avec faste le centenaire de l'Algérie. Le contre-amiral Darlan, chef de cabinet du ministre de la Ma­

rine, Georges Leygues, a mis sa marque sur le croiseur Colbert qui doit transporter le prés ident de la Républ ique .

Tou rnée officielle mais aussi inspection s t ra tégique. Pour tenir la Médi ter ranée , passerelle menacée vers l 'Empire africain, nos marins insistent sur l 'utilité d'un triangle dont les trois pointes seraient Toulon, Bizerte et une nouvelle base qui pourrait se situer du côté d'Oran.

Darlan choisit Mers E l Kébir . Dès 1932, on établi t un avant-projet de port et en 1934 une loi

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décrè te d'util i té publique d'importants travaux : une digue enra­cinée à la pointe du fort de Mers E l Kébi r et prolongée par un brise-lames, .ainsi qu'une traverse, en enrochement, perpendiculaire au rivage.

Coût : 260 millions (20 mill iards d'anciens francs). Les travaux commencèren t . Lentement.

Prenant le titre d 'Amiral de la Flotte en 1937, Darlan va « créer » Mers E l Kébi r et, quelques mois avant la guerre, un décret-loi classe toute la région t rans formée en camp re t ranché « comme place de guerre de la p remière série ».

Les travaux sont maintenant chiffrés à 2 200 millions (soit une centaine de milliards).

Tandis que s'affairent ouvriers et ingénieurs, le conflit va don­ner à Mers E l Kébi r une place primordiale.

Après l 'échec de la campagne de Norvège, la Force de Raid française est concent rée à Mers E l Kébi r à la fin d'avril 1940. I l y a là les cuirassés ultra-modernes Dunkerque et Strasbourg, deux croiseurs et les trois contre-torpilleurs les plus rapides du monde. Dès le début de l'offensive allemande de mai et à la pre­mière menace italienne, viennent les rejoindre trois autres croi­seurs, les deux cuirassés Provence et Bretagne, des contre-tor­pilleurs, des escorteurs, des sous-marins...

C'est l'armistice, la confusion et l'incertitude. Que va faire la Flotte, intacte ? On sait que l 'amiral Darlan et le marécha l Pétain sont en étroi te liaison.

A Mers E l Kébir , le commandant de la Force de Raid est l 'amiral Gensoul qui fut à l'école Navale le « pè re Baille » de l 'amiral de la Flotte. Protestant froid, calme, plus dévoué que brillant, i l ignore les termes de la convention d'armistice de Rethondes mais i l sait qu' i l obéira au gouvernement.

L 'amiral North, commandant en chef britannique à Gibraltar, lui rend visite le 24 juin . Gensoul peut ê t r e catégorique. I l a des ordres : pas plus que les bâ t imen t s français ne doivent tomber intacts entre les mains des Allemands, ils ne doivent rallier un port anglais. Les instructions de Darlan sont claires : « Les navires de guerre démobil isés doivent rester français sous pavillon fran­çais, équipage français, sé journant dans port français, mét ropo­litain ou colonial. »

Pour la Marine, ce qui n'est pas français est qualifié d 'é t ranger ou d'ennemi. Peu de différence...

U n discours de Winston Churchi l l à la radio envenime la situa­tion. I l veut obliger les navires français à se saborder ou à rallier l'Angleterre. Pour cela, i l décide l 'opérat ion Catapult.

Pourquoi ? Le Premier Britannique l'avouera un jour à un

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Secrétaire d'Etat amér ica in : « I l me fallait prouver par un acte spectaculaire que j ' é t a i s décidé à faire la guerre avec une vigueur acharnée sans m ' a r r ê t e r à aucune considérat ion. »

L a force H , c o m m a n d é e par le vice-amiral Somerville, est dési­gnée pour attaquer Mers E l Kébir . U n croiseur de bataille, deux cuirassés, trois croiseurs, un porte-avions et une douzaine de des­troyers contre des navires entassés dans un port, plus ou moins désarmés , incapables d'appareiller et m ê m e de riposter par le feu.

Somerville rencontre North à Gibraltar. Les deux marins sont atteiTés par les ordres reçus . Avec un tragique humour, Nor th biffa le nom de code de l 'opération, r emplaçan t Catapult par Boome­rang...

Lors de la conférence d 'é ta t -major qui fixa les déjtails de l'attaque, Somerville déclara :

— C'est la t âche la plus répugnan te qui ait jamais é té deman­dée à des officiers de la Royal Navy. Mais ce sont des ordres. Si les Français refusent nos propositions, i l faudra les couler.

L'ul t imatum parvint le 3 juillet 1940, à l'aube. Gensoul ordon­na à tous ses marins : « Soyez p rê t s à r épondre à la force par la force. »

De vains pourparlers durent toute la journée . A 16 heures 55, le cuirassé britannique Résolution t ira la p remiè re salve. Ce fut un effroyable massacre. Quatre heures plus tard, les avions tor­pilleurs de l'Ark Royal attaquaient à leur tour.

1 297 marins français avaient été tués et 351 blessés. Le Breta­gne é tai t coulé, le Provence et le Dunkerque immobil isés pour des mois.

Mers E l Kébir entrait douloureusement dans l'histoire.

T a guerre continuait. Dans la nuit du 7 au 8 novembre 1942, les troupes américa ines débarqua ien t sur la plage des Anda-

louses et occupaient Bou Sfer et A in E l Turk. D'autres uni tés pro­gressaient par Arzew vers la base aéronavale de Lartigue.

600 hommes des commandos anglo-américains essayent, par un incroyable coup d'audace, d'attaquer les navires de guerre fran­çais à l ' intér ieur m ê m e du port d'Oran. Les assaillants sont pres­que tous massacrés dans les ténèbres et la confusion.

Les torpilleurs français con t re -a t taquèren t à l'aube. Trois bâ­timents partirent au suicide contre toute une flotte. Encore des morts... Quelques heures plus tard, d'Alger, l 'amiral Darlan envoya l'ordre de cesser /le feu.

Les mois passent. L a marine française se réorganise et en août 1944 une force navale quitte Mers E l Kébir . Un cuirassé, neuf

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croiseurs, cinq torpilleurs et cinq destroyers vont prendre part au d é b a r q u e m e n t de Provence, sous les ordres du contre-amiral Lemonnier.

Mers E l Kéb i r dont le nom symbolisait depuis quatre ans un épouvantable massacre fratricide est redevenu un port de guerre.

Mais où en sont les travaux de la base ? Commencés à la veille de la guerre, cont inués après l'armistice,

relancés grâce à une « injection » d'argent américain, au titre « prêt-bail », les travaux de Mers E l Kébir se poursuivirent pres­que sans interruption. A u lendemain du conflit, une je tée de 2 000 mèt res protégeai t un plan d'eau de 400 hectares.

Mais l 'expérience de B i k i n i , après le drame de Pearl Harbour, d é m o n t r a qu'une rade ouverte n 'é ta i t plus suffisante. I l fallait aussi multiplier les installations souterraines.

On ne pouvait fortifier tous nos ports de guerre. I l fallait choi­sir. Deux bases seulement furent retenues : Brest pour l'Atlantique et Mers E l Kébi r pour la Médi te r ranée .

C'était prendre une décision grave. I r révers ible et irrévocable, croyaient ingénieurs et officiers.

Les travaux reprirent en 1951. Ils se poursuivirent sans désem­parer jusqu'en 1961, alors m ê m e que l ' indépendance de l'Algérie avait totalement modifié la conjoncture politique et s t ra tégique.

Pourquoi cet acharnement ? On se souvient du fameux « rapport Fechteler » dont la divul­

gation fit tant de bruit. Cet amiral occupait alors les fonctions de chef des opéra t ions navales de la marine des Etats-Unis. E n 1953, en opposition avec tous les experts militaires, persuadés unanimement de la p r imau té de l'Atlantique nord, i l plaçai t la Médi te r ranée au premier rang des préoccupat ions alliées. De là, selon lui , pourrait partir une riposte éventuelle contre une agres­sion soviét ique en Europe.

C'était revaloriser l'Afrique du Nord française en général et le port de Mers E l Kébir en particulier.

L ' O T A N allait donc nous aider à réaliser le vieux rêve de l'ami­ral Darlan.

Des milliers d'ouvriers se mirent au travail dans les carr ières du djebel Murdjajo.

On complé ta la je tée nord par une je tée est, longue de plus de 1 500 mè t re s . Pendant plus d'une année deux mille hommes a r r achè ren t des blocs de pierre à la montagne pour é tabl i r des enrochements.

Le plan d'eau te rminé , on s'attaqua à la montagne pour y creuser la plus grande base navale souterraine du monde...

Le commandant Vulliez dont le remarquable ouvrage sur Mers

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E l Kébir est le plus précieux des guides (Editions France-Empire, 1964) a laissé une description saisissante de ces travaux :

« Le vacarme des marteaux pneumatiques et des excavatrices qui se répercu ta i t sous les voûtes , la lueur des lampes tamisées par une poussière impalpable, les reflets luisants de l'eau qui ruis­selait sur les schistes et les voix rauques des travailleurs indigènes s'interpellant d'une galerie à l'autre, tout concourait à donner au spectacle un carac tè re i rréel . E t lorsque après avoir cheminé dans les gravats pendant un temps interminable on aboutissait brus­quement dans une nef aussi haute que celle d'une ca thédra le , ou sous l 'énorme champignon d'un réservoir à mazout en forme de tore, on ne pouvait lever la tê te sans ê t r e saisi d'une sorte de vertige. Il fallait se frotter les yeux pour ne pas se croire trans­por té dans le monde de Gulliver. »

A Mers E l Kébir , la Marine française a vu grand, t rès grand. L'ampleur des travaux semblait exclure toute idée d'abandon de cette base qui au-delà m ê m e de la France devait servir au Monde Libre tout entier.

Les installations de Mers E l Kébir , vér i tablement gigantesques, sont divisées en deux zones, industrielle et opérat ionnelle . Chacune d'elles comprenant une partie portuaire, à l 'air libre, et une partie souterraine.

L a zone « industrielle », creusée sous le djebel Murdjajo, com­prend onze alvéoles de 125 mè t r e s de long, 18 mèt res de large et 17 m è t r e s de haut. Elles sont toutes parallèles, or ientées nord-sud, et distantes les unes des autres de 50 mè t r e s en moyenne.

L a zone « opérat ionnel le » creusée sous le djebel Santon, com­prend six alvéoles.

Un poste de commandement, du type standard O T A N , y étai t le centre nerveux de la base s t ra tégique. A côté des bureaux opéra­tionnels, on aménagea des logements militaires, considérés comme de véri tables « installations-pilotes » dans le domaine de la vie souterraine.

La t empéra tu re de l 'air et l 'état hygromét r ique ont été parti­cul ièrement étudiés et cette climatisation appara î t d'un entretien si délicat qu'on imagine mal des non-spécial is tes la maintenant en é ta t de marche. On envisage aujourd'hui de laisser sur place quel­ques techniciens, uniquement pour régler cet appareillage...

Dans les alvéoles opéra t ionnels , on trouvait encore un atelier militaire, des casernements et un bloc chirurgical.

Pour réuni r tous les alvéoles, i l n'y a pas moins de 15 kilomè­tres de tunnels...

Pas de base navale sans possibil i tés de ravitaillement. A Mers E l Kébir , elles étaient considérables . Réservoirs toriques pour le

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mazout et cylindriques pour l'essence. Quant aux parcs à muni­tions, ils se trouvaient dans la partie nord du Santon et sous l'oued Bechir. Non seulement les navires français, mais aussi des escadres alliées pouvaient y faire le plein d'obus, de fusées et de torpilles.

On a écri t souvent que les Français avaient construit à Mers E l Kébir le plus gigantesque et le moins vulnérable abri anti­atomique du monde. I l faut avouer que c'est faux, car jamais nous ne sommes parvenus à terminer les travaux de protection des accès. On avait reculé devant le prix : quatre milliards de francs, soit plus du quart du coût total des travaux d 'aménagement . A la citadelle de Mers E l Kébir, i l ne manquait donc que... des portes. Les marins ironisaient sur ce château-fort sans pont-levis !

L'année 1956, pendant laquelle fut achevé le gros œuvre de Mers E l Kébir , fut aussi l 'année où l 'expédition de Suez se termina par notre échec, redonnant du mordant à la rébellion qui ensan­glantait depuis deux ans l'Algérie. Le monde arabe vit dans notre reculade une victoire.

I l devint clair que nous allions un jour abandonner les installa­tions de Bizerte et les aé rodromes du Maroc. Nous resterait-il m ê m e Mers E l Kébi r ? Engagés envers l 'OTAN, nous affirmions notre décision de nous y maintenir, malgré tout.

Et pour prouver notre volonté, on décida de construire de plus belle. L a base souterraine é tan t te rminée , à part les fameuses portes, on se tourna vers les aé rodromes . A Lartigue, deux pistes de béton, longues de 2 500 mèt res , furent construites et adaptées à la normalisation O T A N .

Mais la t ragédie se nouait. Inexorable. Oran, ville plus calme qu'aucune autre ville algérienne, allait

finalement connaî t re , en juillet 1962, la terreur. C'est dans une a tmosphè re de panique que plus de cent mille habitants durent fuir la ville, l ivrée âu pillage. Du moins Mers E l Kébir , où ils t rouvèrent un refuge provisoire, resterait-elle française...

Pour une pér iode de quinze ans, renouvelable qui plus est. Ainsi en avaient décidé les accords d 'Evian et on sait aujourd'hui que cette question faillit à plusieurs reprises faire échoue r les négociat ions.

E n mars 1962, le ministre des a rmées n'avait-il pas décidé de créer à Mers E l Kéb i r une « base s t ra tégique interarmes » avec une garnison de 20 000 hommes ? On avait m ê m e prévu 5 milliards de crédit. . .

Les travaux d ' aménagement cont inuèrent dans l'afflux des mi l i ­taires et m ê m e de leurs familles.

Les premiers jours de l'enclave de Mers E l Kébir , ap rè s l 'indé-

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pendance algérienne, furent pour le moins difficiles. 13 500 Algé­riens et 10 000 Marocains vivaient sur cet étroi t territoire au statut mal défini (si les é tabl issements militaires restaient — très provisoirement — français, tout l'ensemble de la base n'en étai t pas moins considéré comme terre algérienne...) La situation étai t d'au­tant plus compl iquée que l'anarchie régnai t à Oran et que le grand homme local n 'é ta i t autre que Ben Bella lui-même, alors en rébel­lion contre le gouvernement provisoire d'Alger.

L a base s t ra tégique changea bien vite de titre pour s'appeler « base rédui te » et un général succéda à l 'amiral dans le comman­dement en chef. On imagine le ton des conversations dans les car rés de la Marine.

Les esprits chagrins rappelaient volontiers que, fidèle à une désas t reuse tradition, la France avait encore installé une place forte « dans une cuvette ». D u haut des crêtes du djebel Murdjajo, les uni tés de l ' A . L . N . surveillaient Mers E l Kébir . Us attendaient que la base tombe comme un fruit mûr .

L'année 1963 fut lugubre et on accueillit d'abord avec scepti­cisme la nouvelle que d'importants travaux allaient ê t re menés sur l ' aérodrome de Bou Sfer, entre la plage des Andalouses et le village musulman.

I l s'agissait de construire une piste de bé ton de 20 cen t imèt res d 'épaisseur, longue de 3 500 mèt res . Les travaux, commencés au printemps, furent t e rminés à la fin de 1963. Cet aé rod rome rem­plaçai t ceux de Lartigue et de La Senia, livrés aux Algériens. Mais pourquoi avoir vu si grand ? Sans aucun doute pour servir de relais à d 'énormes appareils à réact ion, lors d'éventuelles inter­ventions des forces a rmées françaises en Afrique noire.

Cet aé rodrome, p ro tégé par une dern iè re compagnie de la Légion E t rangère , sera b ien tô t notre seule enclave algérienne. Pour combien de temps ?

Les travaux de Bou Sfer pouvaient faire i l lusion pour les avia­teurs. Les marins et les soldats se doutaient bien qu'ils é ta ient , eux, condamnés .

C'est au début d 'août dernier que le général Chaigneau, com­mandant supér ieur de la Base, a reçu l'ordre de p r é p a r e r l'éva­cuation pour le 1 e r février 1968. Les légionnaires et les « mar­souins » n'avaient plus qu 'à boucler leurs paquetages. Les parachu­tistes du 2e R .E.P . iront en Corse et les cavaliers du 1 e r R .E .C . à Orange. Quant au 2e R.E.I . , i l sera dissous ainsi que les uni tés d'artillerie et d'infanterie de marine...

De la flotte i l ne restait plus guère, quand parvint la nouvelle de l 'évacuation, que deux escorteurs côt iers détachés de Toulon et trois vedettes. Leur principale « mission » consistait surtout,

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sous pré texte de « visite de courtoisie », à ravitailler en tabac et en alcool « hors douane » les militaires de la Base, qui appré­ciaient fort les patrouilles vers Gibraltar où les soutes se remplis­saient de Black and White et de Navy Cut.

Le travail le plus sérieux de la Marine s'effectuait à terre. Tous les quinze/jours, une liaison aér ienne avait l ieu avec les organismes O T A N de Malte. L 'Amira l de Mers E l Kébir , le contre-amiral Postée, avait m ê m e les fonctions de « Repsecmed » (repré­sentant du commandant en chef pour la Médi ter ranée) . On peut dire qu ' i l servait, t rès officieusement, de « tampon » entre les Alliés et la France. Ains i la rupture n 'é ta i t pas totale avec l 'OTAN et Mers E l Kébi r servait de boî te aux lettres. Comme disait un officier de marine de la Base :

— On a qu i t t é la maison... mais on nous fait encore suivre le courrier !

I l y avait encore plus important à Mers E l Kébi r : dans le fameux P.C. opéra t ionnel souterrain, nos marins tenaient soigneu­sement à jour un « plot » des bâ t imen t s croisant en Médi ter ranée . On suivait ainsi un mil l ier de navires civils et on surveillait les navires soviétiques ayant franchi les Dardanelles et dont le nom­bre varie entre 50 et 100.

Le 1" octobre dernier, Mers E l Kébi r a cessé de jouer ce rôle, primordial pour notre sécuri té , de centrale de Renseignements. Toulon prend sans doute la relève mais nos marins regretteront longtemps l'ambiance du travail opéra t ionnel à la Base.

Les derniers mois de la présence française à Mers E l Kébi r se sont déroulés dans l'ambiance d'une gigantesque entreprise de déménagement . Tout ce qui peut flotter est emmené à Toulon, y compris les docks dont le plus important est parti le 1" octobre.

Les alvéoles souterrains sont vides. On ne laisse que les fils é lectr iques et les aé ra teurs . Un coup de badigeon à la chaux accroît encore cette impression de vide. Sans cesse le Sainte-Hélène et le Laurent Schiaffino font la rotation entre Mers E l Kébi r et les côtes françaises. Le porte-avion Arromanches a également été t ransformé en navire de déménagement .

Depuis novembre, i l ne restait plus dans le port qu'un seul escorteur côtier, venu de Toulon. Le second escorteur et les trois vedettes sont partis en septembre.

Cette évacuat ion p r é m a t u r é e a été justifiée par Monsieur le ministre des Armées, au micro d'Europe N° 1, alors qu'on se serait p lu tô t attendu à une déclara t ion à la tribune de l 'Assemblée Nationale ;

— Ce dépar t a lieu pour des raisons exclusivement militaires. Compte tenu de la modernisation de nos armements et parce que

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nous avons modern i sé ceux-ci, Mers E l Kébi r n'est plus nécessaire aujourd'hui à la sécur i té de la France...

Bien entendu, certains députés , dont M M . Frédér ic Dupont et Edouard Bonnefous, n'ont pas m a n q u é de demander au ministre quel a é té le coût de la p résence française depuis 1962, présence se soldant par un abandon p r é m a t u r é .

Voic i les chiffres officiels. Pour les dépenses d'entretien : 141 053 304 francs en 1964, 134 358 149 en 1964, 109 407 259 en 1965, 112 389 974 en 1966 et 73 981 891 en 1967. Pour les dépenses d'équi­pement : 10 150 000 en 1963, 13 730 000 en 1964, 6 170 000 en 1965, 830 000 en 1966, 1 150 000 en 1967 et encore 410 000 francs. Soit un total de quelque cent milliards d'anciens francs depuis l ' indépen­dance algérienne.

I l faudrait y ajouter ce que nous avons payé aux Algériens pour la « location » de Mers E l Kébi r et ce que nous allons maintenant devoir leur verser pour la « remise en é ta t » (?).

Les 6 420 civils et militaires français de l'ex-Base s t ra tég ique de Mers E l Kébir ont abandonné les installations souterraines et les 4 630 mèt res de quai (dont 1 450 par dix mè t r e s de profondeur) : Mers E l Kébir est le seul port du monde où peuvent s'amarrer en m ê m e temps trois porte-avions géant du type Forrestal !

Cet abandon, après l'engagement depuis cinq ans de dépenses de l'ordre de 100 milliards, peut-il vraiment se justifier par des considéra t ions s t ra tégiques ?

Mers E l Kébi r était-elle une base coûteuse et démodée ? On pourrait le croire à l ire le récent article d'un général dans Le Figaro. Rappelant l 'évolution s t ra tégique à laquelle conduisait la politique de « dissuasion », son raisonnement semble d'une appa­rente simplicité : Pourquoi garder des bases si elles peuvent ê t re dé t ru i tes par une seule bombe, alors que de toutes façons la guerre est impossible une fois atteint l 'équilibre entre les blocs antago­nistes ? Tel étai t , t r è s simplifié, son raisonnement.

E n ce qui concerne les conflits localisés, « classiques » ou « ré­volutionnaires », si prévisibles sur le théâ t r e méd i t e r ranéen , le général a une réponse toute p rê t e : les facteurs politiques y sont finalement plus importants que les décisions militaires... I l faut donc éviter d'avoir des bases à l ' é t ranger et cultiver l 'amit ié de tous les peuples, surtout les plus petits...

I l est curieux de voir un militaire contredire si vigoureusement le viei l adage.romain du. « si .vis pacem, para bellum »....Ce général pourtant n 'hés i te pas à écr i re à propos, de l'évacuation; de Mers E l Kébi r : « Le geste d'une évacuat ion ant ic ipée de la base navale a pu constituer un atout important dans la.poli t ique arabe que poursuit notre gouvernement. L'économie qui en résu l te ra sera

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en outre loin d 'ê t re négligeable... » Ce dernier argument a toujours un certain poids sur les lecteurs.

Bien des techniciens militaires, on s'en doute, ne partagent pas l'avis du gouvernement et de ceux qui s'en font les porte-parole. Des marins avertis comme le commandant Vull iez avaient suggéré de creuser à Mers E l Kébir une base souterraine pour les sous-marins nucléaires , les plus dangereux et les moins repérab les bât i­ments d'une flotte moderne. Privée d'abri sérieux, notre fameuse (et future) force de frappe maritime sera tôt ou tard vouée à la destruction. Comme par le passé deux noms s'imposent : Brest pour l'Atlantique et Mers E l Kébir pour la Médi te r ranée .

Mais la guerre de demain n'est pas forcément nucléaire . Pour t rès longtemps encore et m ê m e probablement pour toujours, les forces classiques terrestres, navales ou aéropor tées , gardent leur « plein emploi ». On l'a vu r écemmen t encore avec Israël . Une base militaire classique n'est donc pas du tout démodée . Quant au coût de son entretien faut-il rappeler que la vraie sécur i té ne se paye jamais assez cher ?

Les Français ont remplacé les Espagnols à Mers E l Kébir , gar­dant cette forteresse, clé de la Médi te r ranée occidentale, dans l'orbite européenne . Qui va aujourd'hui remplacer les Français ?

On parle beaucoup, et notamment la presse anglo-saxonne, des Russes. Les dément i s habituels seraient p lu tô t des confirmations et i l est possible que la marine soviét ique procède par é tapes . Dans un premier temps, Mers E l Kébi r peut ê t re une escale, comme d'autres ports arabes. Des techniciens « civils » peuvent ensuite utiliser les installations terrestres sous pré tex te de stocker des armements des t inés à l'Algérie, par exemple. E t la prise de posses­sion de la Base se fera ainsi par lentes é tapes , que cela plaise ou non au gouvernement du colonel Boumedienne.

Bien entendu, les au tor i tés françaises nient totalement cette possibili té. L'auteur de l'article du Figaro déjà cité, écri t : « I l ne faudrait év idemment pas que, tôt ou tard, une autre puissance, les Etats-Unis ou U.R.S.S. par exemple, puisse nous y relever. »

Curieux neutralisme qui rejoint é t r angement celui de... l 'amiral Darlan, soucieux, à la veille de la t ragédie de Mers E l Kébir, de se tenir dans une stricte neu t ra l i t é entre les Allemands et les Anglais. Aujourd'hui, ce sont les Américains et les Russes que l'on pourrait nommer à leur tour, selon la terminologie de Vichy : « l ' é t ranger » et « l 'ennemi ».

D u moins, en juillet 1940, les marins français se firent tuer sur place pour qu'aucun autre pavillon que celui de la France ne flotte sur Mers E l Kébir .

X X X .