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HABLANI Ali Promotion 2015-2018
FORMATION EN SOINS INFIRMIERS
MEMOIRE DE FIN D’ETUDES
Soutenu par
HABLANI ALI
LE RAISONNEMENT CLINIQUE
Moteur de la pratique infirmière
Institut de Formation en Soins Infirmiers
56 Ter, Avenue du Général Sarrail – 51 000 Châlons-en-Champagne
Soutenance le : 14/05/2018
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HABLANI Ali Promotion 2015-2018
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HABLANI Ali Promotion 2015-2018
Note aux lecteurs
« Les mémoires des étudiants de l’Institut de Formation en Soins Infirmiers
de l’I.F.P.S. Croix-Rouge française, de Châlons-en-Champagne (51), sont des
travaux réalisés au cours de leur formation.
Les opinions exprimées n’engagent que les auteurs.
Ces travaux ne peuvent faire l’objet d’une publication, en tout ou partie,
sans l’accord des auteurs et de l’Institut de Formation en Soins Infirmiers de
l’I.F.P.S. Croix-Rouge française, de Châlons-en-Champagne (51) »
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HABLANI Ali Promotion 2015-2018
Déclaration sur l’honneur contre le plagiat
Je soussignée HABLANI ALI,
Certifie qu’il s’agit d’un travail original et que toutes les sources utilisées ont
été indiquées dans leur totalité. Je certifie, de surcroît, que je n’ai ni recopié ni
utilisé des idées ou des formulations tirées d’un ouvrage, article ou mémoire, en
version imprimée ou électronique, sans mentionner précisément leur origine et
que les citations intégrales sont signalées entre guillemets.
Conformément à la loi, le non-respect de ces dispositions me rend passible
de poursuites devant l’instance disciplinaire et les tribunaux de la République
Française.
Fait à Châlons-en-Champagne, le 17/05/2018.
Signature
A.H
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HABLANI Ali Promotion 2015-2018
Sommaire
INTRODUCTION .................................................................................................... 6
1. De la situation d'appel à la question de départ ................................................ 8
1.1 Situation d’appel ........................................................................................ 8
1.2 Questionnement ........................................................................................ 9
2. Intérêt personnel et professionnel : ................................................................. 9
CADRE CONCEPTUEL ET REGLEMENTAIRE .................................................. 12
1. Les éléments historiques et réglementaires qui ont abouti à l’apparition du « raisonnement clinique » ................................................................................. 12
2. le modèle clinique tri-focal ............................................................................. 19
2.1 Rappel législatif ....................................................................................... 19
2.2.1 Premier domaine clinique* .................................................................... 22
2.2.2 Deuxième domaine clinique .................................................................. 24
2.2.3 Troisième domaine clinique .................................................................. 25
3. Démarche clinique et démarche de soins. Quelle différence ? ..................... 27
4. La pratique du raisonnement clinique ........................................................... 28
5. de la question de départ à la question de recherche. Quelle réflexion ? ....... 33
METHODOLOGIE ................................................................................................ 36
1. Cadre de l’étude ......................................................................................... 36
1.1 Critères d’inclusion de la population : .................................................. 36
1.2 Critères de non inclusion de la population : ............................................. 36
2. Outil de l’enquête ........................................................................................ 36
3. Déroulement de l’enquête .......................................................................... 37
4. Les obstacles rencontrés : .......................................................................... 38
RESULTATS ........................................................................................................ 39
ANALYSE ET DISCUSSION ................................................................................ 51
CONCLUSION ..................................................................................................... 64
ANNEXES ............................................................................................................ 70
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INTRODUCTION
Le changement perpétuel des conditions et de mode de vie de l'Homme
ainsi que l'énorme progrès des sciences, place la fonction infirmière au cœur d'un
système sanitaire en mouvement et en interaction réciproque avec son contexte
historique changeant (social, économique, découvertes scientifiques, etc.) la
confrontant à chaque instant à de nouvelles épreuves et obstacles. D'après
T. Psiuk, « Les soins infirmiers représentent une réalité complexe située au point
de convergence des sciences médicales, des sciences humaines et des sciences
de l’éducation »1. Dans son exercice quotidien, l'infirmier* est confronté à des
situations complexes face auxquelles il doit faire appel à divers savoirs qu'il a
acquis de sa formation initiale et/ou continue et de son expérience professionnelle
et personnelle, qu'il mobilise pour répondre aux besoins de ses patients face à
une situation de santé.
Dans leur livre « le métier d'infirmier en France » C. D.Fresney et G.Perrin
remarquent que dans la société française « les réponses de soins vont évoluer de
fait d'une exigence plus grande de la population qui demande une qualité de vie et
une qualité de soin avec des modes de prise en charge différentes »2. Des soins
de qualité s’avèrent une des principales demandes de la société dans l'objectif
d'assurer une meilleure qualité de vie. Ces exigences poussent les infirmiers à
songer constamment au développement de leur profession. Ainsi ils ont élargi leur
champ de réflexion, intégrant le concept de raisonnement clinique dans leur
littérature.
Le raisonnement clinique, est un concept utilisé en médecine et qui
constitue en une méthodologie de problématisation de situation observé avant
d'entamer la démarche de résolution de problème. T.Psiuk affirme qu'en science
infirmière, le raisonnement clinique « a pris naissance dans les représentations
1 PSIUK.T. (janvier/février 2010). Du raisonnement clinique à la pratique infirmière. SOiNS. N°742. Page 1.
*Lire partout infirmier, infirmière.
2 DUBOYS FRESNEY Catherin, PERRIN Georgette. (2017). Le métier d’infirmière en France. Edit° Que sais-je ? Paris. Page 53.
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HABLANI Ali Promotion 2015-2018
mentales issues de l’expérience antérieure d’infirmière et de formatrice. Le
concept spontané a ensuite mûri à partir des observations réalisées sur les
terrains confrontés à la littérature scientifique, ce qui en a orienté la modélisation
et l’utilisation par des praticiens et des formateurs »3. Le concept de raisonnement
clinique n'a pas été ajouté à la littérature infirmière d'une manière arbitraire et
spéculative. Il est né de l'observation de l'exercice quotidien de l'infirmier dans sa
démarche de résolution de problèmes de santé observés chez ses patients.
Donner une forme structurée à cette démarche en la confrontant à des données
scientifiques, s'est avéré nécessaire dans la réalité complexe de l'exercice de la
profession.
Dans le cadre du mémoire de fin d'étude pour l'obtention de diplôme d'état
infirmier, nous sommes amenés à choisir un sujet de recherche qui émane d'une
thématique qui nous intéresse et qui a un intérêt pour la profession d'infirmier. Le
sujet que j'ai choisi d'élaborer porte sur la thématique du raisonnement clinique
infirmier. En effet, ce concept représente, à mon avis, l'ossature de la science
infirmière. Un moteur de développement indispensable sans lequel la profession
stagnera dans le carré de l’exécution aveugle des actes prescrits par le médecin.
Et je partage l'avis de C.Chapados, M.C.Audétat et S.laurin que « le raisonnement
clinique, sa compréhension, son enseignement et son évaluation suscite
beaucoup d'intérêt chez les professionnels de la santé. Il est à la base de toutes
les décisions et les interventions de l'infirmière »4. Être autonome, c'est savoir
prendre des décisions à tout moment et circonstance. Et ces décisions ne sont
fiables et justes que si et seulement si, elles sont le fruit d'un raisonnement
clinique rigoureux. C'est la conviction autour de laquelle j'élabore ce projet de
recherche.
3 PSIUK.T. (janvier/février 2010). Du raisonnement clinique à la pratique infirmière. SOiNS. N°742. Page 2.
4CHAPADOS.C, AUDRETAT M.C, LAURIN.S. (Janvier/février 2014). Le raisonnement clinique de l'infirmière. RECHERCHE. N°1. Page 37.
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Afin de mener à bien ma réflexion sur le sujet, je décrirai en premier lieu la
situation d'appel qui me mènera au questionnement général et à la question de
départ. Puis, je décrirai l’intérêt personnel et professionnel du choix du sujet.
1. De la situation d'appel à la question de départ
1.1 Situation d’appel
La situation qui m'a interpellé s'est déroulée lors de mon stage au service
de pédiatrie. C'était le cas d'un enfant « S » de 4 ans qui était admis la nuit par les
urgences pédiatriques pour surveillance de survenue des crises d'épilepsie. Cet
enfant était sous traitement antiépileptique, mais d'après sa mère, il ne répondait
pas aux traitements et continuait d'avoir des crises. Lors de la prise de service le
lendemain de son admission, les consignes qui nous ont été parvenues par
l'infirmière de garde : « pas de survenue de crise d'épilepsie ; la mère anxieuse
nous appelle plusieurs fois dans la nuit car elle trouve que son enfant est trop
''mou''. L'enfant semble légèrement hypotonique mais pas de crise de convulsion
[…] ».
Quand je suis allé voir l'enfant, la mère était en pleur et elle tenait son fils
dans ses bras. Elle avait un visage pâle avec des cernes très prononcées.
Aussitôt qu'elle m'a vu elle m'a dit « s'il vous plaît, aidez-moi, mon fils fait une
crise. Toute la nuit l'infirmière me disait qu'il n'a rien et qu'il faut que j'arrête
d'appeler tout le temps car elle avait beaucoup de travail à faire [...] »
L’enfant semblait hypotonique et figé. Cet état ne durait que quelques
secondes et l'enfant redevenait réactif. D'après la mère cet état survenait des fois
subitement et d'autres fois progressivement. La situation m'interpellait ! Il y a
forcément une explication à cette situation !? J’ai décrit ce que j'ai observé chez
l'enfant à l'infirmier référent. Aussitôt il m'a répondu « l’enfant est un épileptique
connu, cela ressemble à une crise hypotonique [...] » (l'intuition). Ensuite, il est allé
voir la mère pour comprendre mieux la situation (collecte des données). Puis, il
m'a demandé de l'informer dès que la mère appelle, car il voulait observer les
manifestations cliniques de cet état (recherche des données supplémentaires). À
l'observation de l'enfant « S », il a relevé les données suivantes : hypotonie
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générale, il ne réagit pas aux stimuli verbaux, son regard fixe et la crise ne dure
que quelques secondes. Au regard de ces données, il a émis l'hypothèse d’
« absence épileptique ». Après, il a contacté le médecin qui a validé l'hypothèse et
pris les mesures nécessaires.
Aussi, il a relevé auprès de la mère les données suivantes : la mère ne dort
plus depuis trois jours ; elle ne mange plus ; elle exprime sa peur face à la
situation de son fils « j'ai trop peur qu'il meure ; je le surveille toutes les minutes
[...] ». Il énonce le diagnostic infirmier : peur reliée a à l'état de son enfant se
manifestant par l’expression de la peur, l'insomnie et le refus d’alimentation.
Ensuite, il a pris les mesures nécessaires dans le cadre de son rôle propre.
1.2 Questionnement
Cette situation m'a montré à quel point le raisonnement clinique constitue
un pont solide et structuré de passage entre deux états qualitativement différents.
Un état où la situation de « S » et le vécu de la situation par sa mère est défaillant,
régit par la peur et l'incompréhension, et un état où elle est compréhensible,
contrôlée et à un certain niveau satisfaisante. En revanche plusieurs questions me
sont venues à l'esprit :
D’abord, comment les infirmiers développent-ils leur raisonnement clinique ?
Ensuite, quel impact la mobilisation ou non du raisonnement clinique a sur la
qualité de prise en soin d'un patient ? Enfin, quels sont les obstacles et les limites
au raisonnement clinique infirmier ?
Ces questions et réflexions m'ont amené à la question de départ suivante :
« Comment les infirmiers raisonnent au regard des situations cliniques de
leurs patients ? »
2. Intérêt personnel et professionnel :
Au cours de notre formation, nous étudions rigoureusement les modèles de
soin et de raisonnement clinique. Je suis convaincu que ce concept constitue le
principal pilier sans lequel la profession infirmière sort du cadre de la science. Mon
objectif est de trouver la meilleure stratégie pour développer mes compétences de
raisonnement.
10
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
Etant étudiant en dernière année, j'estime avoir développé un œil critique
d'infirmier débutant qui me permet, sans vouloir porter un jugement subjectif,
d’autocritiquer ma manière de prise en soin de mes patients, aussi d'observer le
travail des infirmiers en exercice et essayer de confronter ce que je vois à ce que
j'ai appris à l'institut. Malgré cela, mon esprit ne s'empêche, des fois, de poser des
questions subjectives, que j'estime à un certain niveau légitime.
La situation que j'ai décrite plus haut, outre le questionnement objectif que j'ai
développé, une question subjective ne cesse de me revenir à l'esprit : pourquoi
l'infirmière de nuit n'a pas réussi à cerner les problèmes de l'enfant ''S'' et de sa
mère ?
Plusieurs réponses sont possibles à cette question mais cela reste toujours
de l'ordre de la subjectivité. En revanche mon objectif est de ramener le subjectif à
l'objectif. Cela veut dire, sans répondre à cette dernière question, comprendre
comment les infirmiers en exercice raisonnent face aux problèmes de leurs
patients me permettra d'être critique par rapport à mon évolution en raisonnement
clinique. De comprendre et de prévoir les obstacles et les limites que je
rencontrerai dans la mobilisation de ce concept.
Patricia BENNER dit « la conscience perceptive est l'élément central d'un
bon jugement infirmier »5. Réfléchir dans l'action, être conscient de ses décisions
et percevoir le résultat escompté de son choix décisionnel, sont les éléments clé
d'un jugement clinique fiable. Et ceci ne se développe que « si l'infirmière
conjugue en permanence dans l'analyse des situations cliniques »6. Il est donc
important d’étudier précisément et minutieusement les éléments qui constituent
les situations observées afin de dégager les problèmes exacts et proposer les
solutions propices.
L’intérêt que je porte derrière ce travail, est de me positionner sur l'échelle
« novice-expert » et comprendre comment graver les échelons vers l'expertise en
raisonnement clinique et ceci en partageant avec les infirmiers en exercice, d'une
5 http://www.reseau-asteria.fr/CADCI/CONCEPT%20BENNER.PDF .site de réseau asteria. De Novice à Expert (Excellence en soins infirmiers). Patricia BENNER. Consulté le 19/O9/2017. 6 PSIUK.T. (2009). Raisonnement clinique et personnalisation des soins. Savoir et soins infirmiers. N° 60-285-U-10. Page 1.
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manière objective, leur méthode de raisonnement, leur point de vue sur ce
concept, les obstacles et les limites qu’ils confrontent à sa mobilisation.
Dans cette optique, je vais en premier lieu présenter le cadre conceptuel et
réglementaire dans lequel je développerai les données, historiques, scientifiques
et législatives en rapport avec le raisonnement clinique. Je les confronterai, dans
la partie analytique, aux données recueillies à l’enquête.
12
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
CADRE CONCEPTUEL ET REGLEMENTAIRE
1. Les éléments historiques et réglementaires qui ont abouti
à l’apparition du « raisonnement clinique »
Durant le siècle dernier, des infirmières anglo-saxonnes, désormais
appelées « théoriciennes », ont déployé leur temps et énergie afin de donner un
cadre spécifique aux soins infirmiers, un champ d'intervention propre à la pratique
infirmière, un terrain d'exercice où seul l'infirmier est responsable des interventions
et de leur résultat, un savoir et un savoir-faire basé sur l'observation, l'analyse,
l'expérimentation et la déduction. Ces travaux ont permis aux soins infirmiers de
se détacher et de se spécifier de la discipline médicale, de s'organiser et de
devenir à son tour une discipline qui a son propre domaine de recherche et
d'intervention.
Grâce à ces travaux, des modèles de soins ont émergé s’inspirant de
différentes écoles de pensées tels que l’école des besoins de Virginia Henderson
(1955) * et Dorothea E. Orem (1959), l’école de l’interaction Hildegard E.Peplau
(1952), l’école des effets souhaités de Callista Roy (1971), etc.
À l’issue, plusieurs concepts propres à la science infirmière se sont définis.
L’infirmière plaça la personne soignée au centre de ses préoccupations, et sa
pratique s’est basée sur des valeurs humanistes. De ce fait, L’activité infirmière
s’est dirigée vers « la personne et son environnement, et vise le maintien et le
recouvrement de la santé, la prévention des infections et les blessures,
l’enseignement de mode de vie sain et le contrôle des conditions sanitaire »7.
Les infirmières ont structuré leur prise en charge des patients autour d’un
processus de résolution de problème composé de « quatre étapes comprenant la
collecte des données, la planification, l’exécution des interventions et l’évaluation
7 DUBOYS FRESNEY Catherin, PERRIN Georgette. (2017). Le métier d’infirmière en France. Edit° Que sais-je ? Paris. Page 33. *toutes les dates sont sur le site en ligne http://rechercheensoinsinfirmiers.com/2014/06/02/six-ecoles-de-pensee/ site de recherche en soins infirmiers. Ecoles de pensée. Consulté le 19/11/17.
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HABLANI Ali Promotion 2015-2018
»8. C’est la démarche de soins infirmiers. Ce processus a été « largement accepté
par les infirmières en exercices […] »9. Mais rapidement, elles ont remarqué les
limites de ces étapes dans l’identification de leur pratique quotidienne dans le
cadre de leur rôle propre et « les leaders ont reconnu qu’il fallait attribuer un sens
à la collecte des données avant la planification et les interventions »10. Le terme
de diagnostic infirmier* est alors apparu dans la littérature infirmière et « devenu
officiel en 1960 »11.
Suite à cette reconnaissance de diagnostic infirmier, la démarche de soin
est devenue un processus cyclique constitué de 5 étapes dont la collecte des
données, le diagnostic, la planification, la réalisation et l’évaluation.
« Pendant que les théories se développent aux Etats-Unis, l’évolution des
définitions en soins infirmiers en France se concrétise au travers des textes
réglementaires »12. En effet, ces textes de loi officialisent le rôle des infirmiers et la
reconnaissance par le législateur de la profession infirmière.
La reconnaissance du rôle propre de l’infirmier est apparue dans la loi du
31 mai 1978 n° 78-615 qui modifie l’article n° L.473 du code de santé publique,
Article 1 : « est considérée comme exerçant de la profession d’infirmière ou
d’infirmier, toute personne qui, en fonction des diplômes qui l’y habilitent, donne
habituellement des soins infirmiers sur prescription médicale ou conseil médical
ou en application du rôle propre qui lui est dévolu »13 . Le rôle propre a été
textualisé et officialisé. Et malgré que ce texte n’explique pas concrètement en
quoi consiste ce rôle, cette première reconnaissance constitue une ouverture pour
le développement de la discipline infirmière en France.
8 NANDA INTERNATIONAL. (2012-2014). Diagnostics infirmiers définition et classification. Edit° ELSEVIER MASSON. Paris. Page 78. 9 Ibid. 10 Ibid. *Le terme « diagnostic infirmier » est apparu dans les pays anglo-saxons. En France, en 1980, certains infirmiers de l’institut Gustave Roussy à paris ont utilisé les diagnostics infirmiers dans leur pratique quotidienne en référence au travail américain. Mais le terme n’a pas été accepté par la majorité des infirmières car il semblait intimement lié au médical. 11 Arlette Marchal, Thérèse psiuk. Le diagnostic infirmier, du raisonnement à la pratique. Edit° LAMARRE. Paris 1995. Page 10 12 DUBOYS FRESNEY Catherin, PERRIN Georgette. (2017). Le métier d’infirmière en France. Edit° Que sais-je ? Paris. Page 40. 13 Loi n°78-615 du 31 mai 1978 modifiant les ART. L473. Définition de la personne exerçant la profession d’infirmière.
14
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
Le terme « diagnostic infirmier » est apparu tardivement dans les textes de
loi française par rapport au pays anglo-saxons. En effet, le décret n°93-345 du 15
mars 1993 article 2, présente le rôle propre de l’infirmier comme ceci : « Relèvent
du rôle propre de l'infirmier, les soins infirmiers liés aux fonctions d'entretien et de
continuité de la vie et visant à compenser partiellement ou totalement un manque
ou une diminution d'autonomie d'une personne ou d'un groupe de personnes.
Dans ce cadre, l'infirmier a compétence pour prendre les initiatives qu’il juge
nécessaires et accomplir les soins indispensables […]. Il identifie les besoins du
patient, pose un diagnostic infirmier, formule des objectifs de soins, met en œuvre
les actions appropriées et les évalue* […] » 14 . Cette reconnaissance, par le
législateur, des diagnostics infirmiers ouvrit la porte devant le développement et le
déploiement de raisonnement clinique.
Les diagnostics infirmiers donnèrent un sens à la collecte des données. En
effet, ces diagnostics constituent « des interprétations scientifiques des données
d’anamnèse qui sont utilisées pour guider l’infirmière dans la planification,
l’exécution et l’évaluation des soins »15. Pour déterminer le bon diagnostic au
regard des données collectées auprès de son patient, l’infirmière « se sert de
stratégies diagnostics »16. À partir d’un indice ou d’un signe, elle enclenche un
processus intellectuel dynamique de problématisation, « effectue une série
d’inférence »17 et exprime l’aboutissement de son raisonnement sous forme de
diagnostic. C’est le raisonnement clinique infirmier.
L’avènement des diagnostics infirmiers rendait le déploiement de
raisonnement diagnostic inévitable. Emettre un jugement basé sur l’observation
rigoureuse et l’analyse approfondie s’avérait crucial pour poser le bon diagnostic. 14Décret n° 93-345 du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier.
* on remarque que dans ce texte de loi, les étapes de la démarche de soins sont présentes : Il identifie les besoins du patient (1), pose un diagnostic infirmier (2), formule des objectifs de soins (3), met en œuvre les actions appropriées (4) et les évalue (5) 15 NANDA INTERNATIONAL. (2012-2014). Diagnostics infirmiers définition et classification. Edit° ELSEVIER MASSON. Paris. Page 79. 16 MARCHEL Arlette, PSIUK Thérèse. (1995). Le diagnostic infirmier, du raisonnement à la pratique. Edit° LAMARRE. Paris. Page 26. 17 PAILLARD Christine. (2015). Dictionnaire des concepts en soins infirmiers, vocabulaire
dynamique de la relation soignant-soigné. 2éme Edit° SETES. Paris. Page 313.
15
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
En revanche, malgré que le rôle propre commença à prendre forme avec
l’apparition de ces concepts, le rôle que l’infirmière jouait en milieux d’exercice
resta encore plus vaste et ne put s’identifier en une seule dimension (l’infirmière
applique les prescriptions médicale, gère le service de soins, collabore avec les
différents soignants, Etc.).
C’est qu’« en 1983, que Lynda Juall Carpénito a décrit […] les trois
dimensions du soin infirmier :
La dimension dépendante : l’infirmière exerce des interventions prescrites
par le médecin, donc sous la responsabilité directe de celui-ci (c’est le
problème médical clinique).
La dimension interdépendante : l’infirmière collabore à la prescription, au
traitement par des actions décidées par elle-même, et qui recouvrent
essentiellement le domaine de la prévention et de la surveillance (c’est le
problème clinique de soins)
La dimension indépendante : les actions réalisées par l’infirmière sont sous
l’entière responsabilité de celui-ci, en toute légalité (représenté par le
diagnostic infirmier) »18.
Suite à l’identification de ces différentes dimensions, un deuxième volet (en
plus que le rôle propre) dans lequel l’infirmière intervient, est celui du rôle
interdépendant. En effet, ce rôle de collaboration avec les différents acteurs de
soins, amène l’infirmière à mobiliser ses connaissances d’une manière structurée
et réfléchie. Elle observe les problèmes cliniques de soins (apparition de
nouveaux symptômes, complication de l’état clinique du patient, situation
d’urgence …), « prescrit et met en œuvre des interventions, dont elle est
responsable […] »19.
Ce nouveau degré de compétence reconnu à l’infirmière ouvrit la porte
devant un nouveau modèle qui place le raisonnement clinique en son centre. Le
modèle clinique bifocal posé en 1984 par L.J.Carpénito.
Ce modèle divise les responsabilités de l’infirmière en deux volets : « les
interventions autonomes et les interventions de collaborations. Les interventions
18 MARCHAL Arlette, PSIUK Thérèse. (2002). Le paradigme de la discipline infirmière en France. Edit° Seli Arslam. Paris. Page 21. 19 Ibid.
16
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
autonomes sont celles que l’infirmière est habilitée à prescrire elle-même et qui
sont pratiquées par le personnel infirmier »20. Ces interventions se décident après
avoir identifié les problèmes du patient grâce à un raisonnement clinique rigoureux
et formalisé sous forme de diagnostics infirmiers. « Les interventions de
collaboration sont les soins qui sont prescrits par le médecin ou un autre
professionnel, que l’infirmière se charge d’appliquer et de coordonner »21. Ces
problèmes requièrent à l’infirmier une attitude réflexive afin de les cerner et d’agir
efficacement d’une manière autonome (en cas de situations d’urgences par
exemple) ou sur prescription.
Face à chaque situation clinique et en se basant sur ses connaissances
variées de différentes sciences (médicale, sociale, psychologie…), l’infirmière
« portera un jugement clinique qui lui permettra soit d’intervenir dans le champ de
sa propre compétence soit de décider s’il est plus pertinent d’appeler un
professionnel spécialisé »22.
En France, le rôle interdépendant de l’infirmier s’est identifié dans le Décret de
compétence n°2002-194 du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à
l'exercice de la profession d'infirmier, article 2 : « Les soins infirmiers, préventifs,
curatifs ou palliatifs, intègrent qualité technique et qualité des relations avec le
malade. Ils sont réalisés en tenant compte de l'évolution des sciences et des
techniques. Ils ont pour objet, […] De concourir à la mise en place de méthodes et
au recueil des informations utiles aux autres professionnels, et notamment aux
médecins pour poser leur diagnostic et évaluer l'effet de leurs prescriptions […]
»23.La reconnaissance de cette dimension dans la législation française oblige les
infirmières à être vigilantes et à porter un regard critique sur tout problème clinique
du soin observé chez leurs patients, de mobiliser leurs connaissances et d’émettre
un jugement clinique basé sur un raisonnement rigoureux qui leur permettra de
prendre les mesures nécessaires et efficaces.
20 JUALL CARPENITO Lynda. (2012). Diagnostic infirmiers. 13ème Edit° ELSEVIER MASSON. Paris. Page XXXII. 21 Ibid. 22 MARCHAL Arlette, PSIUK Thérèse. (2002). Le paradigme de la discipline infirmière en France. Edit° Seli Arslam. Paris. Page 26. 23 Décret n°2002gg-194 du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier.
17
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
****
Ce qui est à soulever de cette brève présentation de l’histoire de la
profession infirmière*, c’est que à chaque nouvelle compétence reconnue à cette
dernière, le raisonnement clinique est l’élément central qui permet son
développement. Autant pour son rôle propre que pour son rôle interdépendant,
l’infirmière doit s’armer de ses compétences de raisonnement qui se développent
avec l’expérience et l’application.
Conscientes de l’importance majeure de raisonnement clinique dans
l’exercice de la pratique infirmière, les théoriciennes anglo-saxonnes, ont songé à
le traiter comme l’élément central de la discipline. « En 1953, V.Fry travaillait sur
le « nursing process » (la démarche de soins). L’identification du raisonnement
clinique lui paraissait être une étape déterminante dans ce processus. En 1972,
M. Gordon soutenait une thèse de doctorat en sciences infirmières sur le
raisonnement diagnostique »24.
De plus en plus de nombreux auteurs « se sont intéressés aux diverses
stratégies utilisées par les professionnels de la santé […]. Des écoles de pensée
issues de psychologie cognitive, de la recherche sur le raisonnement clinique des
cliniciens dit ‘’experts’’ et de l’analyse des erreurs de raisonnement abordent la
question selon différentes approches en permettant ainsi d’aborder les multiples
facettes du raisonnement clinique »25. Nous distinguons parmi ces auteurs Tanner
(2006) qui définit le raisonnement clinique comme « un processus par lequel les
infirmiers et les autres cliniciens portent des jugements. Ceci comprend le
processus de formulation d’hypothèses, la confrontation des hypothèses aux
données probantes, et le choix de celle qui est la plus appropriée. Il comprend
aussi les modes de raisonnement dits pratiques (le pattern recognition et l’intuition
entre autres) »26.
Pour Phaneuf (2008), le jugement clinique est « une idée, une opinion claire
que l’infirmière se fait à la suite d’un processus d’observation, de réflexion et de
24 MARCHEL Arlette, PSIUK Thérèse. (1995). Le diagnostic infirmier, du raisonnement à la pratique. Edit° LAMARRE. Page 10. 25 CHAPADOS.C, AUDRETAT M.C, LAURIN.S. (Janvier/février 2014). Le raisonnement clinique de l'infirmière. RECHERCHE. N°1. Page 38. 26 PAILLARD Christine. (2015). Dictionnaire des concepts en soins infirmiers, vocabulaire dynamique de la relation soignant-soigné. 2éme Edit° SETES. Paris. Page 313.
18
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
raisonnement sur les données observées. Il est, en somme, la conclusion qu’elle
en tire »27.
« Edwards et Jones (2007), enrichissent le concept en proposant un
modèle de raisonnement clinique orienté sur la collaboration soignant-soigné, pour
une meilleure compréhension des liens entre les connaissances biomédicales,
personnelles, sociales et environnementales »28.
« Patricia Benner, d’après le modèle de Dreyfus*, propose cinq niveaux
représentatifs de la compétence infirmière en raisonnement clinique : novice,
débutante, compétente, performante et experte »29. L’infirmier atteint l’expertise
grâce à l’expérience et la pratique réflexive.
En France, la reconnaissance par le législateur du rôle propre de l’infirmier,
l’intégration de diagnostic infirmier dans le programme d’enseignement de l’IFSI
en 1992 et la reconnaissance de son rôle interdépendant, rendirent
l’apprentissage de raisonnement clinique infirmier inévitable. De plus, le décret n°
2002-194 du 11 février 2002 précédemment évoqué, décrit toutes les
compétences infirmières dans les différentes dimensions de la profession**. Grâce
à cette reconnaissance législative, un nouveau modèle de raisonnement clinique a
été développé. Le Modèle clinique Tri-focal décrit par Arlette Marchal et Thérèse
Psiuk.
Après avoir présenté cette première partie que j’estime utile pour
comprendre le cheminement constructif et historique qui approuve ma conviction
que le raisonnement clinique constitue l’ossature de la science infirmière et que
chaque compétence reconnue à la profession se construit sur ses bases, je vais
entamer la partie théorique du modèle tri-focal enseigné en IFSI depuis la réforme
27 http://rechercheensoinsinfirmiers.com/2017/06/17/le-raisonnement-clinique-infirmier/ .site de recherche en soins infirmier. Raisonnement clinique infirmier. Consulté le 30/11/2017. 28 CHAPADOS.C, AUDRETAT M.C, LAURIN.S. (Janvier/février 2014). Le raisonnement clinique de l'infirmière. RECHERCHE. N°1. Page 38. *Stuart Dreyfus est un mathématicien et professeur à l'Université de Californie à Berkeley dans le département de génie industriel et de recherche opérationnelle. Auteurs avec son frère ‘’Hubert Dreyfus’’ du livre « Mind over Machine » dans lequel ils exposent leur model d’acquisition de compétence. 29 MARCHAL Arlette, PSIUK Thérèse. (2002). Le paradigme de la discipline infirmière en France. Edit° Seli Arslam. Paris. Page 102. **Ce décret a été abrogé et remplacé par le décret n°2004-802 de 29 juillet 2004. Cependant, très peu de changements ont eu lieu et qui n’affectent en rien mon travail.
19
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
de 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession
d'infirmier. Cette partie nous servira de point de repère lors de la discussion.
2. le modèle clinique tri-focal
2.1 Rappel législatif
Le cadre législatif français actuel accorde à l’infirmier un champ clinique
large dans lequel il peut prendre des initiatives et des décisions nécessaires dans
la surveillance et l’accompagnement de ses patients.
« L’exercice de la profession d'infirmier comporte […] la contribution au
recueil de données cliniques et épidémiologiques […] (Art R4311-1) »30. D’après
cet article l’infirmier participe au recueil des données auprès de l’individu ou de la
collectivité qui sont nécessaires à l’identification des problèmes de santé réels et
potentiels. Cela requiert à ce dernier des connaissances solides dans les
domaines médical, psychologique et social et surtout un esprit critique et une
bonne capacité de raisonnement afin de déterminer correctement les problèmes et
agir efficacement.
« Les soins infirmiers […] ont pour objet […] De concourir à la mise en
place de méthodes et au recueil des informations utiles aux autres professionnels,
et notamment aux médecins pour poser leur diagnostic et évaluer l'effet de leurs
prescriptions. […] De contribuer à la mise en œuvre des traitements en participant
à la surveillance clinique et à l'application des prescriptions médicales [...]. (Art
R4311-2) »31. Dans son champ de compétences l’infirmier identifie les signes et
symptômes liés à la pathologie et à l’état de santé de la personne. Evalue
l’évolution de la maladie, applique les prescriptions médicales et vérifie leurs
efficacités ainsi que leurs effets secondaires.
« […] L'infirmier a compétence pour prendre les initiatives et accomplir les
soins qu'il juge nécessaires […]. Il identifie les besoins de la personne, pose un
diagnostic infirmier, formule des objectifs de soins, met en œuvre les actions
30Décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux parties IV et V (dispositions réglementaires) du code de la santé publique et modifiant certaines dispositions de ce code. JO du 8 Août 2004. 31Ibid.
20
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
appropriées et les évalue […] (Art R4311-3) »32. Conformément à cet article,
l’infirmier élabore un diagnostic à partir des réactions aux problèmes de santé
identifiés grâce à un recueil de données rigoureux et structuré, et propose des
solutions à mettre en place avec la personne soignée.
Ces textes législatifs constituent le premier pilier sur lequel s’est construit le
modèle clinique tri-focal. Un deuxième élément fondateur de ce dernier, est la
représentation théorique des problèmes de santé de l’individu. En effet, dans un
cadre de soins, la personne peut présenter des problèmes soit réels soit
potentiels. « Dans les problèmes de santé réels nous distinguons les problèmes
médicaux et les réactions humaines physiologiques et psychologiques liées à la
maladie, aux traitements, au contexte intrinsèque et au contexte extrinsèque, ainsi
qu’à la croissance et au développement. Dans les problèmes de santé potentiels,
nous pouvons regrouper les risques liés à la pathologie et aux traitements et ceux
liés au contexte intrinsèque, au contexte extrinsèque et à la croissance et au
développement »33. Plus concrètement, les problèmes réels sont : la pathologie de
la personne qui est à la l’origine de sa présence dans le service hospitalier, les
réactions à cette pathologie telles que l’anxiété, la douleur, l’immobilité, les
escarres etc. Et les réactions aux effets des traitements, à titre d’exemple,
l’hyperkinésie lors de la prise de certains neuroleptiques. Ces réactions varient
selon la personne, sa poly-pathologie, son âge, ses antécédents etc. les
problèmes potentiels sont les risques liés à la pathologie (une thrombophlébite du
membre inférieur peut engendrer une embolie pulmonaire en cas de migration de
thrombus dans la circulation sanguine), les risques liés aux effets secondaires
des traitements et les risques de réactions humaines tels que le risque de
déséquilibre électrolytique, risque de déficit de volume liquidien, risque d’isolement
social etc. Ces risques varient selon la personne, sa poly-pathologie, son âge, ses
antécédents, etc.
A cela s’ajoute, les problèmes possibles. Ce sont les problèmes de santé
qui peuvent très probablement se produire, mais les facteurs favorisants ne sont
32Ibid. 33 MARCHAL Arlette, PSIUK Thérèse. (2002). Le paradigme de la discipline infirmière en France. Edit° Seli Arslam. Paris. Page 54.
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HABLANI Ali Promotion 2015-2018
pas suffisants pour le considérer comme un problème potentiel. L’infirmier garde à
l’esprit qu’il peut se dégénérer rapidement en problème potentiel, voir réel.
L’articulation entre ces deux cadres, législatif et scientifique, est à l’origine
de la naissance de ce modèle qui traite de trois domaines cliniques. Mais avant de
les présenter, il est nécessaire de clarifier qu’est-ce qu’un domaine clinique ?
D’après le dictionnaire français Larousse, le mot « Domaine » signifie :
« Secteur relevant de la compétence d'une institution, de quelqu'un, ou secteur
d'activité où quelqu'un est particulièrement à l'aise »34 . Le terme « clinique »
signifie « qui se fait au lit du malade »35.
Un domaine clinique est donc un secteur d’activité et de compétence propre
à un soignant dans le champ d’intervention qui lui est attribué par la loi en fonction
de son statut (médecin, infirmier, psychologue...) qu’il opère au chevet de son
patient dans le but de le surveiller, de le soigner ou de l’éduquer. Par sa nature
préventive, curative et palliative, le domaine de la clinique est une partie intégrante
de la profession infirmière. La naissance de la clinique dans les différents
domaines de l’intervention infirmière est une nécessité historique inévitable.
2.2 Présentation du modèle
La clinique infirmière renferme des champs très vastes avec des sphères
d’interdépendance avec les autres professionnels de santé. Les domaines dans
lesquels l’infirmier raisonne cliniquement et émet des jugements sont les suivants :
« Identification des signes et des symptômes liés à la pathologie, à l’état de
santé de la personne et à leur évolution.
Evaluation des risques dans une situation d’urgence, de maltraitance ou
d’aggravation et déterminer les mesures prioritaires.
Elaboration d’un diagnostic de situation clinique et/ou un diagnostic infirmier
à partir des réactions aux problèmes de santé d‘une personne, d’un groupe,
ou d’une collectivité et identifier les interventions infirmières nécessaires
34 http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/domaine/26352 site Larousse. Domaine. Consulté la 28/12/217. 35 https://www.littre.org/definition/clinique site Littré. Clinique. Consulté le 28/12/2017.
22
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
Identification des ressources et de potentialité d’une personne ou d’un
groupe notamment dans la prise en charge de sa santé »36.
À l’issue de ces compétences, le raisonnement clinique s’est structuré
autour de trois domaines distincts qui convergent vers le même point : une
approche clinique basée sur le raisonnement et centrée sur la personne dans
ses différentes dimensions.
2.2.1 Premier domaine clinique*
Dans ce premier domaine focal, les auteurs de ce modèle distinguent
essentiellement la pathologie (cf. figure 1). Etant confronté à la situation clinique
du patient, la prise en charge holistique de ce dernier implique la prise en
considération de tous les éléments de sa pathologie. L’article R4311-2 du code de
santé publique expose clairement le rôle joué par l’infirmier dans
l’interdisciplinarité. Ce rôle engage la responsabilité de l’infirmier dans la
« collaboration au raisonnement diagnostic médical » 37 . Dans ce rôle deux
situations peuvent se présenter :
Soit le médecin n’a pas encore validé le diagnostic. Dans ce cas « l’infirmier
collabore à la recherche diagnostic en décrivant précisément ce qu’il
observe avec l’examen physique autorisé en France, c'est-à-dire en
utilisant la vue, l’ouïe, l’odorat, le toucher et en mobilisant ses
connaissances cliniques en sciences médicales » 38 . Les données
recueillies doivent être très pertinentes afin d’orienter au mieux le
raisonnement diagnostic et la stratégie thérapeutique.
Soit le diagnostic est posé et la prescription médicale est faite. Dans ce
cas, « l’infirmier évalue l’évolution des signes cliniques en montrant
l’évolution positive ou l’exacerbation des symptômes »39. L’évaluation de
l’évolution clinique des problèmes liés à la pathologie, permet au médecin
36 PSIUK.T. (2009). Raisonnement clinique et personnalisation des soins. Savoir et soins infirmiers. N° 60-285-U-10. Page 3. *nous pouvons aussi l’appeler « un domaine Focal ». 37 Ibid. 38 Ibid. 39 Ibid.
23
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
d’ajuster sa stratégie thérapeutique en fonction des données recueillies
pertinemment, et par lui et par l’infirmier.
Face à ses deux situations l’infirmier enclenche son raisonnement clinique,
son jugement commence dès que la personne se présente dans le service. Il
recueille les données subjectives et objectives, effectue une série d’inférences,
qui consiste à mettre en lien des données recueillies à une situation réelle,
pose des hypothèses qu’il valide avec le médecin. (Une personne épileptique
(situation réelle) présente des secousses au niveau de son bras (donnée
recueillies) peut être due à une crise épileptique partielle (hypothèse)). « Le
raisonnement clinique oriente l’infirmier vers l’identification de l’urgence de la
situation et le choix des interventions adaptées »40.
L’application de la prescription médicale, requiert aussi à l’infirmier des
connaissances solides en matière de pharmacologie. En effet, « lorsqu’il
applique une prescription médicale, l’infirmier doit connaitre l’objectif pour le
patient afin d’évaluer les indices d’efficacité ou de repérer les signes
d’inefficacités ou d’intolérances »41. Identifier les indices d’amélioration ou de
dégradation de l’état de santé de personne suite à la mise en place de
protocole thérapeutique, aide le médecin à ajuster sa prescription et à mieux
orienter son raisonnement diagnostic.
40 MARCHAL Arlette, PSIUK Thérèse. (2002). Le paradigme de la discipline infirmière en France. Edit° Seli Arslam. Paris. Page 63. 41 MARCHAL Arlette, PSIUK Thérèse. (2002). Le paradigme de la discipline infirmière en France. Edit° Seli Arslam. Paris. Page 67.
24
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
2.2.2 Deuxième domaine clinique
Dans le deuxième domaine focal, nous distinguons les risques de
complications potentielles liées à la pathologie et aux effets secondaires liés aux
traitements ainsi que les risques de réactions humaines physiques et
psychologiques (cf. figure 2). L’infirmier collabore avec le médecin pour les
prévenir. Si le risque est élevé, « le médecin prescrit des actions de prévention
que l’infirmier applique […] en évaluant si les premiers indices, appelés ‘’signaux
d’alarme précoces’’ sont présents, ou en faisant le lien avec ce risque si le malade
l’interpelle devant l’existence de signes »42. L’infirmier mobilise ses connaissances
face à un patient présentant telle pathologie ou poly-pathologie. Ceci lui permet
d’anticiper les risques potentiels, de considérer les problèmes possibles et de
prévoir des actions de prévention et de surveillance. Certains infirmiers utilisent
des « plans de soins types » qui orientent la construction de cheminement clinique
et de raisonnement analytique. Dans ces plans « Les actions de prévention en
regard des risques sont formalisées […], les signes précis des complications sont
apparents […], ce qui est un aide-mémoire très précieux pour les infirmiers qui les
aident à développer un raisonnement clinique de bonne qualité et à rédiger leurs
observations avec beaucoup de pertinence dans les transmissions ciblées »43.
Cependant, l’infirmier doit garder à l’esprit que le cas unique n’existe pas. Les 42 MARCHAL Arlette, PSIUK Thérèse. (2002). Le paradigme de la discipline infirmière en France. Edit° Seli Arslam. Paris. Page 68. 43PSIUK.T. (2009). Raisonnement clinique et personnalisation des soins. Savoir et soins infirmiers. N° 60-285-U-10. Page 4.
Domaine focal -I-
Signes et symptômes de la pathologie.
Hypothèses diagnostics.
Situations d’urgences.
Évolution positive ou l’exacerbation des
symptômes.
Objectif thérapeutique.
Signes d’inefficacités ou d’intolérances aux
médicaments.
Figure 1 : Les champs de raisonnement clinique dans le premier domaine focal.
(Figure récapitulative de ce qui est expliqué ci-dessus)
25
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
données recueillies varient d’une personne à une autre même s’il présente la
même maladie. Les plans de soins types sont des excellents supports à condition
de les adapter aux contextes extrinsèques, intrinsèques et développementaux du
patient.
2.2.3 Troisième domaine clinique
Thérèse Psiuk et Arlette Marchal distinguent, dans ce domaine, les
réactions humaines réelles physiques et psychologiques aux problèmes de santé
(cf. figure 3). Ces réactions s’expriment par des manifestations cliniques que
l’infirmier identifie en se basant sur ses connaissances des sciences médicales
mais également des sciences humaines et sociales. « L’ampleur de raisonnement
clinique l’amène à un recueil de données avec les signes majeurs, les signes
mineurs, les facteurs favorisants et les facteurs renforçants » 44 . L’infirmier
confronte ces données à ses connaissances théoriques, émet un jugement,
intervient dans le cadre de son propre rôle ou contacte le médecin s’il a besoin
d’une prescription (rôle interdépendant). Le plus important est de savoir à quel
paramètre est lié la manifestation : physiopathologique, thérapeutique, contexte
extra et intrinsèque ou à la croissance et au développement.
44 PSIUK.T. (2009). Raisonnement clinique et personnalisation des soins. Savoir et soins infirmiers. N° 60-285-U-10. Page 5.
Domaine focal -II-
Complications potentielles liées à la pathologie et aux effets secondaires
des thérapeutiques.
Risques de réactions humaines physiques et psychologiques.
Figure 2 : Les champs de raisonnement clinique dans le deuxième domaine focal.
(Figure récapitulative de ce qui est expliqué ci-dessus)
26
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
L’infirmier formule son jugement clinique sous forme de diagnostic infirmier.
Cependant, dès que les signes relevés orientent vers un problème médical, il ne
peut pas le renommer en diagnostic infirmier car la terminologie médicale est
parfaitement adaptée et il est inutile de renommer une pathologie en diagnostic
infirmier alors qu’elle ne peut être soignée que par le médecin. A titre d’exemple, il
est plus pertinent et juste de parler d’« œdème aigu du poumon » dont la définition
est : « une inondation des alvéoles pulmonaires secondaire à un passage de
liquide plasmatique à travers la membrane alvéolo-capillaire. Cette extravasation
est due à une augmentation brutale de la pression dans les capillaires
pulmonaires. L’inondation des alvéoles provoque une insuffisance respiratoire
aigüe qui se traduit cliniquement par une dyspnée »45, que d’« excès de volume
liquidien » dont la définition est : « augmentation de la rétention de liquide
isotonique »46 et qui se caractérise par la « modification de la pression artérielle
pulmonaire, apport supérieur au pertes, turgescence des veines jugulaires,
etc. »47. Il est donc évident que poser un diagnostic infirmier pour désigner un
problème médical est totalement incorrect et peut induire en erreur le jugement
clinique de médecin. C’est pour cette raison que « le terme diagnostic infirmier ne
peut être posé qu’après avoir décidé les interventions de soins pour traiter la
réaction » 48 . Si les interventions se décident dans le cadre des protocoles
médicaux, il est imprécis de leur attribuer un diagnostic infirmier. En revanche, si
les interventions se décident dans le cadre du rôle propre de l’infirmier, il est plus
pertinent de les formuler en diagnostic infirmier.
45 PERLEMUTER Léon, PERLEMUTER Gabriel. (2017). Guide pratique infirmier. 5e édition ELSEVIER MASSON. Paris. Page 50. 46 PASCAL Annie, FRECON VALENTIN Eliane. (2016). Diagnostic infirmier, interventions et résultats. Classification infirmières et plans de soins. 6ème Edit ELSEVIER MASSON. Paris. Page 504. 47 Ibid. 48PSIUK.T. (2009). Raisonnement clinique et personnalisation des soins. Savoir et soins infirmiers. N° 60-285-U-10. Page 6.
27
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
****
Après avoir présenté le modèle clinique tri-focal, j’aborderai, d’une manière
succincte, l’aspect pratique du raisonnement clinique. Cette partie me servira de
référence théorique pour enrichir ma phase conceptuelle. En revanche, il me
semble nécessaire de clarifier la différence entre « la démarche clinique » et « la
démarche de soins » avant d’entamer cet aspect pratique. Cela me servira de
support d’enquête et d’analyse pour cette étude.
3. Démarche clinique et démarche de soins. Quelle différence ?
La démarche clinique et la démarche de soins sont deux processus
distincts mais complémentaires et en interaction constante. Comme je l’ai
précédemment expliqué, la démarche clinique est l’étape de problématisation
avant d’entamer une démarche de résolution de problèmes qui est la démarche de
soins.
« La démarche clinique est le processus d’identification de l’ensemble des
problèmes de santé réels et potentiels d’une personne »49. Elle commence avec la
collecte des données objectives et subjectives auprès de la personne soignée,
49 PSIUK.T. (2009). Raisonnement clinique et personnalisation des soins. Savoir et soins infirmiers. N° 60-285-U-10. Page 8.
Domaine focal -III-
Réactions humaines physiques
et psychologiques.
(Problèmes traités en collaboration)
Réactions humaines physiques
et psychologiques.
(Diagnostic infirmier)
Figure 3 : Les champs de raisonnement clinique dans le troisième domaine focal.
(Figure récapitulative de ce qui est expliqué ci-dessus)
28
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
son entourage et les autres professionnels. Lors de cette démarche, l’infirmier
déploie ses connaissances en matière de sciences médicales, humaines,
pharmacologiques, etc. et utilise ses capacités de raisonnement clinique afin
d’émettre un jugement clinique et entamer la démarche de soins.
Cette dernière est « un processus d’adaptation du soin à la personne qui
prend naissance dans une méthode de résolution de problèmes » 50 . Il s’agit
d’adapter aussi bien les soins prescrits par le médecin que par l’infirmier à la
situation du patient en fonction du contexte de soins.
« La qualité de prise en charge globale des problèmes de santé d’une personne
est conditionnée par la pertinence d’une démarche clinique suivie d’une démarche
de soins »51. Cependant, ces derniers ne s’opèrent pas d’une manière linéaire. En
effet, lors de la réalisation des soins décidés avec le patient pour résoudre le
problème identifié lors de la démarche clinique, l’infirmer peut déceler d’autres
indices qui suscitent son raisonnement et l’incitent à modifier la stratégie de
résolution de problème. La démarche clinique et la démarche de soins constituent
un processus circulaire qui évolue dans le temps, dont l’interaction soignant
soigné est l’élément central de celui-ci.
4. La pratique du raisonnement clinique
Le raisonnement est une opération mentale qui s’exprime par la capacité
intellectuelle de traiter les informations que nous recevons du monde extérieur ou
celles de nos propres réflexions afin de trouver des solutions aux problèmes
qu’elles posent. Additionner ou soustraire, multiplier ou diviser, mettre en lien des
informations, évoquer un questionnement, émettre des hypothèses etc. sont tous
des opérations mentales qui font appel au raisonnement. Ce dernier se développe
grâce à la pratique.
Dans le cadre de soins, le raisonnement clinique est la capacité de mettre
en lien les données recueillies auprès du patient avec le contexte extrinsèque,
50 PSIUK.T. (2009). Raisonnement clinique et personnalisation des soins. Savoir et soins infirmiers. N° 60-285-U-10. Pages 5. 51 PSIUK.T. (2009). Raisonnement clinique et personnalisation des soins. Savoir et soins infirmiers. N° 60-285-U-10. Page 8.
29
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
intrinsèque et développemental de celui-ci (pathologie, poly-pathologie, sexe, âge
etc.). Et ceci est dans le but d’apporter des réponses, des interventions et des
soins de qualité. Cependant, ces opérations mentales du raisonnement clinique
peuvent être très variées et dépendent de la capacité intellectuelle de chaque
soignant et des situations qu’il rencontre. Ces dernières sont les stimuli pour
déclencher les opérations mentales du raisonnement clinique.
Parmi ces opérations je distingue :
L’intuition : « connaissance directe, immédiate de la vérité, sans recours au
raisonnement, à l’expérience »52. L’intuition est une opération mentale qui
ne fait pas appel à tout le processus du raisonnement. Il s’agit de
reconnaître une situation grâce aux données enregistrées par l’effet de
similarité. Dans le cadre de soin, l’intuition est « une représentation
émanant des sensations perçues par les faisceaux de connaissance et de
réalité, connues et/ou vécues, qui se répètent »53. Au regard d’une situation
clinique, le soignant peut déceler un indice ou un signe qui l’amène à
émettre une hypothèse sans passer par la phase de réflexion ou de
questionnement. Cette capacité intuitive se développe grâce à l’expérience
et au vécu des situations similaires qui se répètent. Cependant, les
hypothèses issues des intuitions deviennent des jugements cliniques
qu’après la vérification de leur véracité par la collecte des données ciblées
sur le problème détecté intuitivement. Le soignant doit garder à l’esprit que
le cas unique n’existe pas. Un seul élément différent, peut modifier la
situation et oblige à faire appel à d’autres investigations.
La déduction : « la théorie déductive part de certaines prémisses qui
conduisent aux conclusions logiques »54. il s’agit d’une opération mentale
qui consiste à déduire une conclusion finale à partir d’un ensemble de
données : A=B et B=C donc A=C. Dans le domaine de soin la majorité des
52 http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/intuition/44033 site de Larousse. Consulté le 08 /02 /2018. 53 HALLOUET Pascale. (2016). Méga mémo IFSI. 2ème Edit° ELSEVIER MASSON. Issy-les-Moulineaux Cedex (92). Pages 455. 54 ROSETTE Poletti. (1978). Les soins infirmier, théorie et pratique. Edit° infirmières d’aujourd’hui. Paris. Page 13.
30
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
opérations mentales sont basées sur la déduction. Le patient se présente
dans le service avec des signes et des symptômes que le soignant identifie
et déduit un problème ou une maladie.
L’induction : « les théories inductives sont faites de déclarations
descriptives qui, mises ensemble, conduisent à des lois généralisées »55.
Cette méthode consiste à généraliser une observation ou un raisonnement
à partir d’un fait observé. Exemple : les signes d’un œdème aigu du
poumon (OAP) sont les même chez tous les patients : polypnée,
grésillement laryngé lors de l’inspiration, toux qui ramène des crachats
mousseux, hypercapnie etc. Cette complication de l’insuffisance cardiaque
gauche est donc identifiée par ses signes cliniques qui sont les mêmes
chez tous les patients.
Ces opérations mentales et bien d’autres que je n’ai pas exposées par souci
de dévier du sujet principal, constituent le raisonnement. Cependant, elles ne
s’opèrent pas d’une manière distincte et séparée. Lorsque nous raisonnons, nous
pouvons passer de l’intuition à la déduction, ou bien de l’induction à la déduction
et vice versa. Par exemple, un soignant observe chez un patient une rougeur et un
gonflement au niveau du mollet, il pense directement à une thrombose veineuse
profonde (intuition). Cependant, lorsqu’il examine de près le mollet, il remarque
que la rougeur s’étend jusqu’au creux de poplité, elle est trop prononcée pour une
thrombophlébite, la jambe est trop fébrile, présence d’une porte d’entrée cutanée
et des adénopathies inguinaux. Ces données étant différentes des symptômes qui
définissent la thrombose veineuse (augmentation de la chaleur de la peau,
augmentation du périmètre du mollet, présence de signe de Homans etc.),
l’hypothèse issue de l’intuition n’est plus valide, le soignant passe à la méthode
déductive afin de déduire un problème ou une maladie qui définit les symptômes
observés.
Une démarche de raisonnement très utilisée dans différents domaines tels que
la médecine, la philosophie, la sociologie etc., et que nous apprenons dans les
55 Ibid.
31
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
instituts de formations en soins infirmiers, est « la démarche
hypothéticodéductive ».
Cette démarche consiste à émettre une hypothèse grâce à des déductions que
nous faisons après avoir recueilli des données grâce au questionnement et à
l’examen clinique. Ces hypothèses sont confirmées ou infirmées à la lumière des
données supplémentaires : examens biologiques, imagerie, nouveaux signes
cliniques, interrogatoire avec le patient etc. (cf. figure 4). Cette démarche s’opère
avant, après ou pendant l’intervention du soignant. Exemple : une patiente, âgée,
tient des propos peu cohérents, ses lèvres et sa peau sont sèches avec formation
de plis cutanés. Au regard de ces données, nous émettons l’hypothèse
diagnostic : déficit de volume liquidien. Nous proposons à la patiente de boire un
verre d’eau. Nous remarquons entre temps que la patiente est un peu fébrile.
Nous relevons la température qui est de 38°C. Nous émettons l’hypothèse de :
hyperthermie liée à la perte de volume liquidien. Nous nous rappelons que l’aide-
soignante nous a informé que les urines de la patiente sont nauséabondes lors du
change de sa protection. Au regard de ces données, nous émettons l’hypothèse
de : suspicion d’infection urinaire. Nous transmettons les données au médecin qui
prescrit des examens biologiques et urinaires qui ont confirmé le diagnostic de
l’infection urinaire et le taux anormal de sodium témoigne de la perte de volume
liquidien. Cependant, cette dernière peut être la cause ou la conséquence de
l’infection. Pour pourvoir la déterminer, il faut rechercher d’autres données, faire
d’autres déductions et émettre d’autres hypothèses.
****
Recueil des
données
Déduire et émettre des hypothèses
Recherche des données
supplémentaires
Confirmer l’hypothèse et proposer des
solutions
Infirmer l’hypothèse
Recueil de nouvelles données
Figure 4 : La démarche hypothéticodéductive.
(Figure récapitulative de ce qui est expliqué ci-dessus)
32
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
****
En conclusion de cette phase explicative de mon travail de fin d’étude, je
voudrai mettre le point sur certains éléments essentiels sur la démarche que j’ai
suivie pour l’élaborer. Il est sans doute remarquable que le cadre conceptuel et
réglementaire font l’objet d’une seule partie avec certains sous titres mais qui ne le
divisent pas en plusieurs concepts, textes de loi ou évènements historiques
distincts.
Le choix de cette démarche m’était imposé par la nature de sujet que je
traite. En effet, le raisonnement clinique infirmier est le fruit de l’enchainement
historique de développement de différents concepts en science infirmière tels que
le diagnostic infirmier, l’interdisciplinarité etc. De ce fait, il me semblait utile de
présenter ces éléments pour que le lecteur comprenne que celui-ci est une partie
intégrante du développement de la profession infirmière. En France, l’histoire des
soins infirmiers s’est développée suivant des réglementations et des textes de loi.
Par conséquence le déploiement de raisonnement clinique a suivi le même cours.
De ce fait, il était nécessaire de présenter le cadre historique et réglementaire
avec certaines définitions théoriques dans la même partie.
D’autre part, le modèle du raisonnement clinique tri-focal qui fait l’objet de la
partie théorique s’est développé, comme je l’ai déjà évoqué, grâce à l’articulation
entre l’aspect scientifique de l’aspect réglementaire. Il me semblait donc
incompréhensible de les présenter distinctement.
Concernant les éléments historiques et les textes de loi, j’ai essayé au
mieux de sélectionner et de présenter les évènements et les articles qui sont
seulement importants pour mon sujet. Cependant, le lecteur trouvera dans les
références que j’ai citées plusieurs éléments plus élaborés de l’histoire et des lois
de la profession infirmière.
Après avoir développé ma phase explicative avec les différents éléments
historiques, réglementaires et théoriques, ma question de recherche est devenue
plus claire et évidente. Cependant, avant de la présenter, je vais décrire en
33
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
quelques lignes le changement de ma réflexion sur le sujet avant et après cette
dernière phase.
5. de la question de départ à la question de recherche.
Quelle réflexion ?
Plus j’avance dans mon travail et plus j’éprouve de l’intérêt au sujet que je
traite. La phase conceptuelle et réglementaire m’a permis de répondre à plusieurs
interrogations notamment à la manière de gravir les échelons de novice à expert
en raisonnement clinique. Patricia BENNER explique que l’expérience et la
confrontation aux situations réelles du terrain sont à l’origine de développement de
cette compétence. Réfléchir dans l’action, conjuguer ses observations en
jugements, analyser les données, confronter la théorie à la pratique, partager avec
l’équipe pluridisciplinaire et s’engager activement dans le soin en impliquant le
patient et son entourage si nécessaire, sont des éléments essentiels en plus que
l’expérience pour développer ses capacités du raisonnement. Cette dernière à elle
seule n’est pas le déterminant d’une bonne capacité de raisonnement si le
soignant ne fait qu’exécuter aveuglement les prescriptions et attend les consignes
pour agir.
Dans ma question de départ, mon intérêt était de comprendre « Comment
les infirmiers raisonnent au regard d’une situation clinique d’un patient ». En
revanche, lors de ma phase conceptuelle, j’ai réalisé que le raisonnement clinique
est avant tout une opération mentale qui dépend de chaque soignant, de chaque
situation et de l’expérience de chacun. De ce fait, il est compliqué de cerner le
cheminement intellectuel de chaque infirmier avant d’émettre son jugement
clinique. Certains soignants suivent une démarche déductive, d’autres analytiques
ou interprétatives. Certaines situations nous imposent une démarche déductive ou
inductive ou analytique etc. Il est donc difficile de cerner toutes les démarches du
moment où toutes les opérations mentales sont considérées comme « du
raisonnement » et peuvent être adaptées au domaine de la clinique.
Cependant, l’histoire de la science infirmière nous apprend que le
raisonnement clinique est né des rôles et des responsabilités attribués à l’infirmier
au fil des années. De plus, le développement des sciences médicales, humaines
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HABLANI Ali Promotion 2015-2018
et sociales ainsi que l’exigence de la population d’avoir un système de santé de
qualité rendirent le déploiement du raisonnement clinique indispensable. Chaque
rôle et chaque intervention obligent l’infirmier à raisonner et à porter un jugement.
Les problèmes réels et potentiels du rôle propre ou d’interdépendance,
l’application des ordonnances et des consignes des autres professionnels ainsi
que la surveillance et l’éducation des patients sont tous des prescriptions au
raisonnement clinique infirmier.
L’organisation de la profession et la détermination des différents rôles joués
par les infirmiers, donnèrent naissance à différents modèles du raisonnement
clinique. Ces derniers expliquent à quel niveau les infirmiers sont habilités à
émettre un jugement clinique.
En France, les rôles infirmiers sont réglementés par des textes de loi. Et
comme nous l’avons déjà vu, l’articulation entre les cadres scientifiques et
réglementaires, donnèrent la naissance au modèle tri-focal qui répond aux
exigences de la science et de la loi en matière du raisonnement clinique. De ce
fait, les infirmiers sont amenés à déployer leur raisonnement dans les trois
domaines focaux décrits dans ce modèle et enseignés en IFSI.
Dans ma situation d’appel, j’ai remarqué, que l’infirmier du jour a su cerner
les problèmes de l’enfant « S » et de sa mère. Contrairement à l’infirmière de nuit
qui d’après la maman ne cessait de répéter qu’elle avait beaucoup de travail et ne
pouvait pas s’occuper seulement d’elle. Ces deux situations ont sollicité mon
questionnement et ma question de départ dont j’ai trouvé la réponse dans la
phase explicative. Cependant, d’autres interrogations ont pris forme à ce niveau
de la recherche : est ce que les infirmiers en exercice connaissent le modèle
clinique tri-focal ? Est ce qu’ils raisonnent et émettent des jugements cliniques
dans les différents domaines qui définissent leur champ d’intervention ?
Formulent-ils des diagnostics infirmiers et des suspicions des diagnostics
médicaux ? Quels sont d’après eux les freins et les obstacles au raisonnement
clinique infirmier ?
35
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
Ce questionnement m’a emmené à la question de recherche suivante :
« sur quelle base les infirmiers en exercice structurent leur raisonnement
clinique dans l’accompagnement de leurs patients ? »
A l’issue de cette question de recherche, je pose l’hypothèse
suivante :
Hypothèse I : Les infirmiers raisonnent sur la base des trois domaines
cliniques et émettent des jugements utiles et indispensables au bon
accompagnement des patients.
Afin de vérifier cette hypothèse, je vais entamer la phase pratique de ma
recherche qui consiste à mener une enquête auprès des infirmiers dans différents
services de soin. Je vais en premier lieu décrire la méthodologie suivie pour la
réaliser et ensuite exposer les résultats sous forme de graphiques.
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HABLANI Ali Promotion 2015-2018
METHODOLOGIE
1. Cadre de l’étude
L’étude a été réalisée durant les mois de Mars et Avril de l’année 2018 auprès
de 40 infirmiers exerçant dans différentes structures hospitalières. Les résultats
obtenus sont extrapolés à l’ensemble de la population ciblée (infirmiers). C’est une
étude non expérimentale qui tente de décrire d’une manière objective le
déploiement du raisonnement clinique infirmier dans les milieux du soin. Il s’agit
d’une étude quantitative descriptive.
1.1 Critères d’inclusion de la population :
Dans cette étude, sont inclus les infirmiers volontaires qui veulent répondre
à mon outil d’investigation dans les différents services de soins : infirmiers de jour,
de nuit, infirmiers en CDI, CDD, intérimaires.
1.2 Critères de non inclusion de la population :
Les étudiants, les personnels non infirmiers, les cadres de santé, les IBODE et
les IADE ne sont pas concernés par mon enquête.
Cette étude respecte tous les critères réglementaires et éthiques.
L’investigation est anonyme et volontaire, aucun jugement subjectif n’est porté sur
les réponses obtenues. Les autorisations de l’institut de formation et des
établissements de santé où s’est déroulée l’enquête sont également obtenues.
2. Outil de l’enquête
Le choix de l’outil est décidé suivant le type de l’étude et l’hypothèse à vérifier.
De ce fait, j’ai choisi d’utiliser un questionnaire anonyme et auto-administré. Celui-
ci comporte 3 parties :
Une première partie relative à l’identification de la population dont certains
résultats me serviront à positionner les infirmiers sur le continuum novice-
expert décrit par Patricia Benner.
Une deuxième partie relative aux connaissances théoriques de base sur le
raisonnement clinique qui sont nécessaires à chaque infirmier en exercice.
37
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
Une troisième partie relative à la pratique du raisonnement clinique dans
les trois domaines focaux dans l’exercice quotidien de la profession.
3. Déroulement de l’enquête
Après la validation de mon cadre conceptuel par mon guidant de mémoire et le
choix de l’outil de l’enquête, je me suis appliqué à rédiger mon questionnaire en
me référant au recensement des écrits dans la phase précédente. A ce stade, j’ai
rencontré plusieurs obstacles dans le choix des questions. En effet, mon statut
d’étudiant, le cadre éthique et moral ainsi que les concepts autour desquels se
construit mon sujet m’ont mis devant le défi de construire mon questionnaire tout
en les respectant.
Un professionnel est censé réussir sa formation initiale qu’en maitrisant à un
certain niveau le jugement clinique infirmier. De par mon statut d’étudiant, il m’est
impossible éthiquement de choisir des questions qui mettent les infirmiers qui
allaient répondre à mon questionnaire dans la posture d’évaluation des pratiques
et des capacités du raisonnement clinique. D’autre part, la phase explicative
m’apprend que l’infirmier adapte son raisonnement à la situation qu’il rencontre
dans un contexte donné. Sachant que mon enquête concerne les infirmiers dans
différents services de soin, il m’est donc difficile de cerner le raisonnement clinique
de chacun en fonction de son service et des compétences requises pour celui-ci.
Après réflexion et discussion avec mon encadreur, j’ai choisi de formuler mes
questions d’une manière plus générale et globale de sorte qu’elles s’adapteraient
à tous les soignants dans les différents services. Cela m’a permis d’éviter de
tomber dans la posture de l’évaluateur et de partager avec les infirmiers leur
stratégie de travail et d’accompagnement de leur patient. Il est évident que j’ai
ciblé mes questions de sorte qu’elles me permettront de répondre à ma question
de recherche et à vérifier mon hypothèse. A titre d’exemple, j’ai demandé si
l’infirmier utilise les diagnostics infirmiers (deuxième et troisième domaine clinique)
et en fonction de sa réponse j’essaye de comprendre pourquoi avec une question
ouverte ou semi-ouverte. Cette stratégie de formuler mes questions m’a permis de
cerner l’ensemble de mon sujet afin d’atteindre l’objectif escompté.
38
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
Aussitôt le questionnaire corrigé et validé, j’ai envoyé des demandes aux
différents établissements de soins que j’ai cités ci-dessus. Le choix des lieux a été
fait d’une façon arbitraire et en fonction des autorisations obtenues puisque le
raisonnement clinique concerne tous les infirmiers français. Cependant, j’ai choisi
de multiplier les secteurs où j’ai distribué mon questionnaire pour avoir une vision
plus globale et plus large sur le déploiement de raisonnement dans les différents
domaines cliniques.
4. Les obstacles rencontrés :
Parmi les obstacles rencontrés au déroulement de mon enquête je cite les
suivants :
J’ai attendu longtemps avant d’obtenir les autorisations ce qui m’a
retardé dans l’avancement de mon travail. Certains directeurs de soins
n’ont pas répondu à ma demande malgré plusieurs réitérations.
Je n’ai pas eu le retour de tous les questionnaires que j’ai distribués.
Ceci a limité mon échantillon d’étude.
Lors du traitement des données, certains questionnaires n’étaient pas
complètement remplis ce qui m’a obligé à ne pas les analyser.
Après avoir présenté la méthodologie et le déroulement de mon enquête, je
vais entamer le traitement des résultats obtenus. J’ai choisi de consacrer une
partie dans laquelle je présenterai ces derniers sous forme de graphiques pour les
questions fermées et de tableaux pour les questions ouvertes et semi-ouvertes.
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HABLANI Ali Promotion 2015-2018
RESULTATS
Dans cette partie, je vais présenter les résultats obtenus de mon enquête
en pourcentages. Le traitement des données a été fait manuellement. Les
graphiques sont réalisés sur Excel 2007. Ces données seront l’objet de ma
discussion lors de la phase suivante.
Sexe
La majorité de la population enquêtée (95%) est de sexe féminin.
(Cf. figure5)
Figure 5 : répartition de la population selon le sexe.
Age
La population enquêtée est relativement jeune avec 42% âgés entre 26 et 30 ans contre seulement 15% supérieur à 40 ans. (Cf. figure 6)
Figure 6 : répartition de la population selon l’âge.
HOMME FEMME
5%
95%
25%
42,50%
17,50%
15%Age entre 20 et 25ans
Age entre 26 et 30ans
Age entre 31 et 40ans
Age supérieur à 40ans
40
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
Année du diplôme
La majorité de la population questionnée (72.50%) est diplômée après 2009. Soit après la mise en place du nouveau référentiel du 31 juillet 2009. (Cf. figure 7)
Figure 7 : répartition de la population selon l’année du diplôme.
Service d’exercice
La plupart de la population questionnée (32,50%) exerce dans un service de
soins de suite et de réadaptation/poly-pathologie. (Cf. tableau I)
Tableau I : répartition de la population selon les services d’exercice.
Services Effectifs Pourcentage
Soins de suite et réadaptation/poly-pathologie 13 32,50%
Chirurgie générale 4 10%
Chirurgie digestive 8 20%
Médecine générale 8 20%
Pneumologie 6 15%
Hôpital du jour cardiologie 1 2,50%
Total d’effectifs 40 100%
Ancienneté dans le service
La majorité de la population enquêtée (47,50%) a une expérience de 0 à 2 ans
dans son service d’exercice contre seulement 10% qui ont une expérience
supérieure à 7 ans. (Cf. figure 8)
17,50%
10%
72,50%
Avant 2004
Entre 2004 et2009
Après 2009
41
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
Figure 8 : répartition de la population selon l’ancienneté dans le service.
Nombres d’heures de travail par jour
La moitié de la population qui a participé à notre enquête (50%) a un
nombre d’heures de travail compris entre 8 et 12 heures. Seulement 7,50%
travaillent plus que 12 heures par garde. (Cf. figure 9)
Figure 9 : répartition de la population selon le nombre d’heures de travail par
garde.
Réponse à la question « qu’est-ce que le raisonnement clinique
infirmier ? »
37,50% des réponses définissent le raisonnement clinique comme une
démarche de problématisation des données cliniques. Également 37,50% le
définissent comme la démarche de soins. (Cf. tableau II).
47,50%
35%
7,50%10%
0 à 2 ans
2 à 5 ans
5 à 7 ans
> 7 ans
< 8 heures de 8 à 12 heures > 12 heures
42,50%
50%
7,50%
42
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Tableau II : répartition de la population selon les services d’exercice
Réponses Nombre Pourcentage
une démarche de résolution des problèmes cliniques 10 25%
La démarche de soin 15 37,50%
Une démarche de problématisation des données
cliniques
15 37,50%
Total des réponses 40 100%
Réponse à la question « à quel moment l’infirmier mobilise-t-il son
raisonnement clinique ? »
100% de la population affirme que le raisonnement clinique doit être mobilisé à
chaque moment où l’infirmier prend en charge le patient.
Réponse à la question « le raisonnement clinique, est-il un élément
central de la profession ? »
100% des infirmiers questionnés affirment que le raisonnement clinique est un
élément central de la profession infirmière.
Les arguments à cette question sont multiples et variés. Cependant, nous
trouvons que la majorité des réponses (45%) dit que le raisonnement clinique
permet d’assurer une prise en charge globale et individualisée du patient. (Cf.
tableau III).
Tableau III : arguments pour la centralité du raisonnement clinique dans
la profession infirmière.
Réponses Nombre Pourcentage
Pour comprendre la situation clinique du patient 11 27,50%
Afin d’assurer une prise en charge globale et
individualisée
18 45%
Pour être attentif aux erreurs de la prescription
médicale
2 5%
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HABLANI Ali Promotion 2015-2018
Car il est à la base de toute intervention
infirmière
2 5%
C’est le rôle propre infirmier 2 5%
Sans argument 5 12,50%
Total des réponses 40 100%
Réponse à la question « quels sont les trois types de problèmes qu’un
patient peut avoir ? »
85% de la population distinguent les problèmes réels, potentiels et possibles
lors de l’accompagnement de leurs patients. (Cf. tableau IV).
Tableau IV : les types de problèmes que les infirmiers distinguent chez
leurs patients
Réponses Nombre Pourcentage
Focaux, contextuels, résiduels 1 2.50%
Cliniques, paracliniques, biologiques 5 12.50%
Réels, potentiels, possibles 34 85%
Total des réponses 40 100%
Réponse à la question « utilisez-vous les diagnostics infirmiers dans
l’accompagnement des patients ? »
Plus de la moitié de la population (57,50%) utilise les diagnostics infirmiers
dans l’accompagnement de ses patients. (Cf. figure 10)
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HABLANI Ali Promotion 2015-2018
Figure 10 : répartition de la population selon l’utilisation des diagnostics
infirmiers.
57,44% des réponses des enquêtés affirment que l’utilisation de diagnostics infirmiers est nécessaire pour assurer une prise en charge globale et individualisée du patient. (Cf. tableau V).
Tableau V : arguments pour l’utilisation des diagnostics infirmiers.
Réponse Nombre Pourcentage
Pour assurer une prise en charge globale et
individualisée
27 57,44%
C’est le rôle propre infirmier 3 6,38%
Oui, mais ils ne sont pas formalisés 8 17,02%
Sans argument 9 19,14%
Total des réponses 47 100%
80% des réponses des enquêtés affirment ne pas utiliser les diagnostics infirmiers à cause de la charge de travail. (Cf. tableau VI).
Tableau VI : arguments pour la non utilisation des diagnostics infirmiers.
Réponse Nombre Pourcentage
Les diagnostics infirmiers ne sont pas nécessaires pour accompagner un patient
3 15%
Manque de temps à cause de la charge de travail 16 80%
Ce n’est pas évident de trouver le bon diagnostic 1 5%
Total des réponses 20 100%
57,50%42,50% Oui
Non
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HABLANI Ali Promotion 2015-2018
Réponse à la question « Lors de l’admission d’un patient dans votre
service, contribuez-vous à collecter les données cliniques pour que le
médecin établisse son diagnostic ? »
La majorité des questionnés (60%) affirme qu’elle contribue à collecter les
données cliniques afin d’établir le diagnostic médical. (Cf. figure 11)
Figure 11 : répartition de la population selon la contribution à la collecte des
données pour le diagnostic médical
La majorité des réponses (57,28%) affirme qu’elle participe à la collecte des
données pour le diagnostic médical afin d’assurer une meilleure prise en charge.
(Cf. tableau VII).
Tableau VII : arguments pour la contribution à la collecte des données pour le diagnostic médical
Réponses Nombre Pourcentage
Pour assurer une meilleure prise en charge 19 54,28%
Pour faciliter le diagnostic médical 5 14,28%
Pour une meilleure collaboration avec le médecin 8 22,85%
C’est un rôle propre 2 5,71%
Sans argument 1 2.85%
Total des réponses 35 100%
55% des réponses de la population qui ne contribue pas à la collecte des données cliniques pour établir le diagnostic médical affirment qu’il ne s’agit pas de leur rôle. (Cf. tableau VIII).
60%
40% Oui
Non
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HABLANI Ali Promotion 2015-2018
Tableau VIII : arguments pour la contribution à la collecte des données pour le diagnostic médical
Réponses Nombre Pourcentage
Ce n’est pas mon rôle 11 55%
Je n’ai pas les compétences requises 5 25%
Les médecins ne veulent pas que nous intervenions
dans leur champ disciplinaire
4 20%
Total des réponses 20 100%
Réponse à la question « collectez-vous des données en rapport avec
l’évolution de la maladie et l’apparition des complications et les
risques de complications ? »
70% de la population enquêtée affirme qu’ils suivent l’évolution de la maladie
et l’apparition des complications. (Cf. figure 12)
Figure 12 : répartition de la population selon le suivi de l’évolution de la
maladie et l’apparition des complications et des risques
33,33% des réponses affirment qu’ils suivent l’évolution de la maladie pour
assurer une meilleure prise en charge. (Cf. tableau IX).
Tableau IX : arguments pour le suivi de la maladie et l’apparition des complications et risques
Réponses Nombre Pourcentage
Pour adapter les traitements 8 22,22¨%
70%
30%Oui
Non
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HABLANI Ali Promotion 2015-2018
Rôle propre inscrit dans la législation 4 11,11%
Afin d’assurer une meilleure prise en charge 12 33,33%
Pour prévenir les problèmes potentiels 6 16,66%
Pour évaluer l’avancement de la maladie 5 13,88%
Sans argument 1 2,77%
Total des réponses 36 100%
64,70% des réponses de la population qui ne suit pas l’évolution de la
maladie ou l’apparition des complications et des risques, affirment qu’il ne s’agit
pas de leur rôle. (Cf. tableau X).
Tableau X : arguments pour le non suivi de la maladie et l’apparition des complications et risques
Réponses Nombre Pourcentage
Ce n’est pas votre rôle 11 64,70%
Vous n’avez pas le temps 2 11,76%
Vous n’avez pas les compétences requises 1 5,88%
Les médecins ne veulent pas que vous interveniez
dans leur champ disciplinaire
3 17,64%
Total des réponses 17 100%
Réponse à la question « surveillez-vous les effets secondaires des thérapeutiques ?»
La majorité des réponses (82,50%) affirme que les enquêtés surveillent les effets secondaires des thérapeutiques. (Cf. figure13)
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HABLANI Ali Promotion 2015-2018
Figure 13 : répartition de la population selon la surveillance des effets
secondaires des thérapeutiques
40% des réponses de la population qui surveille les effets secondaires des thérapeutiques affirment que c’est important pour éviter la dégradation de l’état de santé du patient. (Cf. tableau XI).
Tableau XI : arguments pour la surveillance des effets secondaires des thérapeutiques
Réponses Nombre Pourcentage
Afin d’éviter la dégradation de l’état de santé du patient
16
40%
Pour réadapter le traitement 11 27,5%
Rôle infirmier inscrit dans la législation 9 22,50%
Sans argument 4 10%
Total des réponses 40 100%
La majorité de la population qui ne surveille pas l’apparition des effets
secondaires (85,28%) des thérapeutiques n’argumente pas son choix. (cf. tableau
XII).
Tableau XI : arguments pour la non surveillance des effets secondaires des thérapeutiques
Réponses Nombre Pourcentage
Manque de connaissances 1 14,28%
Sans argument 6 85,28%
Total des réponses 7 100%
82,50%
17,50%
Oui
Non
49
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
Réponse à la question « enseigner l’examen clinique approfondi
(inspection, palpation, auscultation, percussion) serait-il bénéfique
pour l’évolution de la profession infirmière ? »
La moitié de la population (50%) donne une réponse positive à cette question.
(Cf. figure 14)
Figure 14 : répartition de la population selon la volonté d’apprendre
l’examen clinique approfondi
37,03% des réponses des enquêtés favorables à apprendre les techniques
de l’examen clinique approfondi estiment qu’il sera bénéfique pour une meilleure
évaluation du patient. (Cf. tableau XIII).
Tableau XI : arguments pour l’apprentissage des techniques de l’examen
clinique approfondi
Réponses Nombre Pourcentage
Une meilleure évaluation du patient 10 37,03%
Une meilleure gestion des urgences 4 14,81%
Développement des compétences 4 14,81%
Transmission plus ciblée 7 25,92
Sans argument 2 7,40
Total des réponses 27 100%
50%50%Oui
No,
50
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
65% des réponses des enquêtés non favorable à l’apprentissage de
l’examen clinique approfondi affirment qu’il s’agit d’un rôle médical. (Cf. tableau
XIV).
Tableau XI : arguments pour le non apprentissage des techniques de
l’examen clinique approfondi
Réponse Nombre Pourcentage
C’est un rôle médical 13 65%
Surcharge de travail 6 30%
Sans argument 1 5%
Total des réponses 20 100%
Après avoir présenté les résultats de mon enquête, je vais entamer la
phase de discussion dans laquelle je confronterai les résultats obtenus aux
données scientifiques et théoriques développées dans la phase explicative. Cette
confrontation me permettra d’identifier s’il y a un écart entre la théorie et la
pratique du raisonnement clinique infirmier. Ainsi je pourrai vérifier la validité ou
non de mon hypothèse.
51
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
ANALYSE ET DISCUSSION
La population que j’ai enquêtée est relativement jeune avec une majorité
(42,50%) dont l’âge est compris entre 26 et 30 ans contre seulement 15% dont
l’âge est supérieur à 40 ans. La prédominance féminine est nettement
remarquable avec 95% de femmes contre seulement 5% d’hommes. Ces deux
dernières statistiques, n’étant pas important pour notre sujet de recherche, il est
impératif de les présenter afin de respecter la méthode de recherche quantitative.
Pour l’année du diplôme, la majorité de la population qui a participé à mon
enquête, soit 72,50%, est diplômée après la mise en place du nouveau référentiel
de formation de 31 Juillet 2009. Dans ce référentiel s’inscrit clairement
l’apprentissage du raisonnement clinique à travers les compétences que l’étudiant
doit valider tout au long de ses années de formation et plus particulièrement au
niveau de la compétence 1 qui consiste à évaluer une situation clinique et établir
un diagnostic dans le domaine infirmier. Dans cette compétence, l’étudiant doit
apprendre à évaluer les besoins de santé et les attentes d’une personne ou d’un
groupe de personne en utilisant un raisonnement clinique. À identifier les signes et
les symptômes liés à la pathologie, à l’état de santé de la personne (premier
domaine clinique). À élaborer un diagnostic de situation clinique et/ou un
diagnostic infirmier à partir des réactions aux problèmes de santé d’une personne,
d’un groupe ou d’une collectivité (troisième domaine clinique). À évaluer les
risques dans une situation d’urgence, de violence, de maltraitance ou
d’aggravation et déterminer les mesures prioritaires (deuxième domaine clinique).
Il est évident que le nouveau référentiel de formation en soins infirmier incite à
l’apprentissage du raisonnement clinique autant sur le plan théorique au niveau de
l’unité d’enseignement 3.1 semestre 1 qu’au niveau pratique sur le terrain de
stage.
10% de la population est diplômée entre 2004 et 2009 soit après la mise en
place du décret de compétence du 11 février 2002 modifié par le décret du 29
juillet 2004. Cependant, ils ont suivi le même référentiel de formation du 23 mars
1992 que les 17,50% diplômés avant 2004. Ces résultats sont importants, car ils
52
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
pourront nous donner une idée plus claire sur l’impact du nouveau référentiel de
formation sur l’apprentissage du raisonnement clinique infirmier.
Le choix des services dans lesquels j’ai distribué mon questionnaire,
comme je l’ai précédemment précisé, est fait d’une manière arbitraire en fonction
d’autorisations obtenues par les directeurs des soins. En revanche lors du
traitement des données, j’ai remarqué que la majorité de la population
questionnée (32,50%) exerce dans des structures de soins de suite et de
réadaptation/poly-pathologies. Ces derniers assurent « des soins médicaux,
curatifs et palliatifs. De la rééducation et de la réadaptation. Des actions de
prévention et d’éducation thérapeutique. La préparation et l’accompagnement à la
réinsertion familiale, sociale, scolaire ou professionnelle »56. Dans ces structures
les infirmiers sont en contact avec une multitude de situations cliniques, de
pathologies, de thérapeutiques etc. Cette diversité est un stimulus majeur au
raisonnement clinique afin d’assurer un meilleur accompagnement des patients.
Le reste de la population est partagé avec des pourcentages légèrement
disproportionnés entre les différents services (cf. tableau I).
Dans mon outil d’enquête, j’ai choisi de poser la question sur l’ancienneté
de l’infirmier dans son service actuel. En effet, en se basant sur la classification de
niveau de compétence en raisonnement clinique présentée par la Théoricienne
Patricia Benner, l’ancienneté est un facteur majeur dans le développement de
cette compétence. Cependant comme je l’ai évoqué dans la phase conceptuelle,
l’ancienneté seule ne garantit pas une bonne qualité de raisonnement.
L’ancienneté dans la pratique réflexive est la clé majeure au développement du
raisonnement clinique de l’infirmier.
D’après Benner, un infirmier compétent est une « personne qui a
typiquement deux ou trois années d’expériences dans un domaine particulier. Elle
peut tenir compte des buts à long terme et de la planification qu’elle a faite pour
déterminer quels aspects de la situation sont importants et lesquels elle peut
56 http://www.fhp-ssr.fr/les-ssr-c-est-quoi site de fhp-ssr. Les ssr c’est quoi. Consulté le 02/05/2018.
53
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
ignorer »57. 35% de la population de mon enquête a une expérience entre 2 et 5
ans dans leurs services respectifs. Cette expérience leur aura, normalement,
permis de développer un regard critique sur les situations cliniques qu’ils
rencontrent. De savoir « prendre des décisions raisonnées en fonction d’un
diagnostic et d’un objectif »58
La majorité des infirmiers questionnés, soit 47,50%, a une expérience de
moins de 2 ans dans son service, soit un niveau de débutant sur le continuum
novice-expert. A ce niveau l’infirmier a « rencontré suffisamment de situations
réelles pour avoir noté (ou s’être fait démontrer) la signification de certains aspects
isolés, caractéristiques de la situation. »59 À ce stade la pensée réflexive joue un
rôle déterminant dans le développement et l’évolution au niveau suivant en
raisonnement clinique (niveau compétent). L’infirmier progresse en se basant sur
des méthodes analytiques des situations rencontrées. L’intuition est peu ou pas
développée.
7,50% ont une expérience entre 5 et 7 ans. En se référant au même
classement de Benner, ces infirmiers sont considérés comme performants. Ces
derniers sont des personnes capables de percevoir « des situations de façon
globale plutôt qu’en terme d’aspect. Elles reconnaissent des exemples de
situations réelles. Il s’agit d’un changement qualitatif dans la perception. La
compétence globale facilite la prise de décision, puis que la personne saisit parmi
les différents aspects ceux qui sont importants »60. A ce niveau de performance,
l’infirmier aurait développé des stratégies de résolution de problèmes tirées de son
expérience antérieure. Il sait prioriser les problèmes cliniques et prendre des
décisions afin d’atteindre un objectif. Grâce à son expérience, il aura stocké un
nombre important de savoirs qui lui donne une richesse hypothétique.
57 MARCHAL Arlette, PSIUK Thérèse. (1995). Le diagnostic infirmier, du raisonnement à la pratique. Edit° LAMARRE. PARIS. Page 186. 58 MARCHAL Arlette, PSIUK Thérèse. (2002). Le paradigme de la discipline infirmière en France. Edit° Seli Arslam. Paris. Page 103. 59 MARCHAL Arlette, PSIUK Thérèse. (1995). Le diagnostic infirmier, du raisonnement à la pratique. Edit° LAMARRE. PARIS. Page 186. 60 Ibid.
54
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
Le reste de la population (7%) a une expérience supérieure à 7 ans, soit un
niveau d’expert sur le continuum novice-expert. A ce niveau, « la personne ne
dépend plus de raisonnement conscient pour passer de la compréhension d’une
situation à la prise d’une décision. L’expert qui a un bagage imposant d’exemples
de situations réelles à une reconnaissance intuitive de la situation et se centre
immédiatement sur les aspects importants sans formuler d’hypothèses non
productives »61 . A ce niveau de développement l’infirmier aurait une grande
capacité intuitive. Il aurait développé des automatismes et des stratégies qui lui
permettent de court-circuiter les étapes de prise en charge et de faire des liens
extrêmement efficaces entres les différentes données d’une situation clinique. A
ce stade, il aurait développé la pensée complexe.
Après avoir classé ma population d’étude sur le continuum novice-expert
décrit par Patricia Benner, il me semble important de préciser que ce classement
perd tout son sens si l’infirmier ne s’applique pas à travailler son raisonnement
clinique dès le début de sa carrière. A mon avis, avoir une expérience de 20 ans
n’aurait servi à rien si l’infirmier ne fait qu’appliquer aveuglement les prescriptions
et les consignes médicales et limite son rôle propre aux soins d’hygiène et de
confort ! L’analyse des prochains résultats nous renseignera plus sur ces derniers
points.
Dans mon enquête, je me suis intéressé à l’avis des infirmiers sur
l’importance du raisonnement clinique dans la profession infirmière. 100 % des
réponses affirment qu’il s’agit d’un élément central de la profession. 45% des
réponses qui argumentent ce choix, disent que le raisonnement clinique permet
d’assurer une prise en charge globale et individualisée. 27,50% affirment qu’il est
essentiel pour comprendre la situation clinique du patient. De plus 100% de la
population estime que l’infirmier doit mobiliser son raisonnement clinique à chaque
instant de la prise en charge du patient.
Ces derniers résultats sont très exacts de point de vue théorique. En effet,
le raisonnement clinique « est à la base de toutes les décisions et les interventions
de l’infirmière. Il est motivé par l’évaluation de l’état de santé de son client (patient) 61 Ibid.
55
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
basée sur des indices, des symptômes et des signes »62. Donc la compréhension
de l’état de santé du patient et tout ce qui en découle des interventions se basent
sur un raisonnement clinique rigoureux et fiable afin d’assurer un
accompagnement global et individualisé.
Le raisonnement clinique « est très souvent implicite et sa formalisation
écrite n’en reproduit pas l’ampleur. Il s’agit d’une habilité intégrée dans la
compétence clinique […] ». Il est donc évident, comme je l’ai expliqué dans la
phase conceptuelle, que cerner le raisonnement clinique infirmier est difficile car il
est avant tout une opération mentale. Cependant, le raisonnement est un
processus dynamique de réflexion et d’action. Cela veut dire que le soignant
manifeste son raisonnement sous forme de jugement (diagnostics infirmiers,
suspicion de diagnostic médical, estimer un degré d’urgence etc.) puis d’action
(interventions ciblées sur un problème ou un ensemble de problèmes). Mais,
avant de pouvoir transformer sa réflexion en jugement puis en action, il est obligé
d’observer les manifestations cliniques qui sont importantes pour lui dans le
champ de ses compétences. A titre d’exemple : avant de mettre en place des
actions de prévention d’escarres, l’infirmier aurait jugé que le patient présente des
risques d’escarres. En revanche avant de pouvoir émettre ce dernier jugement, il
doit apprendre à observer dans le bon sens et collecter les bonnes informations
(personne âgée alitée à cause d’une fracture de la hanche) de cette façon le
schéma de raisonnement se clarifie : personne âgée alitée risque d’escarre
prévention d’escarre.
En se basant sur cette dernière analyse, j’ai composé mes questions
d’enquête. En interrogeant l’infirmier s’il émet un jugement dans un des trois
domaines je pourrai déduire s’il utilise ou non son raisonnement clinique dans
celui-ci.
Dans l’optique d’investiguer chez ma population d’étude son raisonnement
dans le premier domaine clinique (évolution de la maladie, apparition des
nouveaux symptômes, efficacité thérapeutique etc.) je lui ai demandé si elle 62 CHAPADOS.C, AUDRETAT M.C, LAURIN.S. (Janvier/février 2014). Le raisonnement clinique de l'infirmière. RECHERCHE. N°1. pp. 37-40.
56
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
contribue à la collecte des données cliniques en rapport avec la maladie afin
d’affiner le diagnostic médical ou même pour que le médecin pose son diagnostic.
Rappelant que dans le décret de compétences « Les soins infirmiers […] ont pour
objet […] De concourir à la mise en place de méthodes et au recueil des
informations utiles aux autres professionnels, et notamment aux médecins pour
poser leur diagnostic et évaluer l'effet de leurs prescriptions. […] De contribuer à la
mise en œuvre des traitements en participant à la surveillance clinique et à
l'application des prescriptions médicales [...]. (Art R4311-2) » 63 . 60% de la
population a répondu affirmativement à cette question. 57% des réponses qui
argumentent ce choix affirment qu’il est nécessaire de contribuer à la collecte de
ces données cliniques afin d’assurer une prise en charge globale et individualisée.
L’infirmier est le premier acteur en contact constant avec le patient. Dans sa
pratique quotidienne il est amené à surveiller l’avancement de l’état de santé des
patients ce qui englobe leurs maladies et en l’occurrence leurs diagnostics
médicaux. Aussi l’apparition de nouveaux symptômes dont certains peuvent êtres
épisodiques et que seul l’infirmier par son contact permanent avec le patient peut
les déceler. L’exacerbation de la maladie qui peut engendrer des situations
d’urgences qui amènent l’infirmier à prendre des initiatives urgentes, ou avertir le
médecin afin d’ajuster les thérapeutiques. De plus, les prescriptions médicales
sont exécutées par l’infirmier. Il est donc important de mobiliser son raisonnement
clinique afin de suivre l’évolution de la maladie en fonction de l’objectif
thérapeutique prescrit par le médecin.
En contrepartie, un pourcentage important de la population questionnée,
soit 40%, affirme qu’il ne contribue pas à la collecte des données en rapport avec
la maladie et le diagnostic médical. 55% des réponses qui argumentent ce choix
affirment qu’il ne s’agit pas du rôle infirmier. 20% disent que les médecins ne
veulent pas que les infirmiers interviennent dans leur champ disciplinaire. Le texte
de loi que j’ai précédemment rappelé nous confirme contrairement à la majorité
des arguments que la collecte des données à visée de diagnostic médical fait
63 Décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux parties IV et V (dispositions réglementaires) du code de la santé publique et modifiant certaines dispositions de ce code. JO du 8 Août 2004.
57
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
partie des rôles attribués à l’infirmier. De plus la réalité complexe du système de
soins actuel en France impose aux médecins et aux infirmiers une démarche
d’interdisciplinarité afin d’améliorer le parcours du soin des patients et en dernière
instance la qualité des soins proposés à la population. « L’interdisciplinarité est
une démarche d’assemblage dialogique* des apports nécessaire à l’analyse d’un
objet complexe »64. L’objet complexe dans notre profession est le parcours de
soins du patient. L’homme est un être complexe. L’infirmier doit apprendre à
remplir sa place dans l’interdisciplinarité afin de contribuer à la satisfaction des
besoins de ce dernier.
En résumé à l’analyse des résultats de raisonnement clinique dans le
premier domaine focal, je remarque que, bien que la majorité de ma population
s’applique à y raisonner, un nombre important néglige l’importance de ce dernier.
Il est évident que les infirmiers qui ne cherchent pas à collecter des données en
rapport avec la maladie se retrouvent confrontés à des situations où ils sont
obligés de constater l’apparition des nouveaux symptômes aigus pour lesquels il
faut agir en urgence. Cependant, le raisonnement clinique ne se limite pas à
l’observation des états aigus. L’évolution ou l’apparition de certaines maladies
peut être insidieuse comme l’évolution de l’angor de poitrine en infarctus du
myocarde ou la thrombose veineuse en embolie pulmonaire. L’intérêt du
raisonnement clinique est de déceler l’évolution de la maladie entre les deux
extrêmes, dégradation-amélioration, grâce à l’observation, l’analyse, l’action et le
suivi.
Le deuxième domaine focal, porte sur les risques de complications liés aux
effets secondaires des thérapeutiques, les risques des réactions humaines non
favorables à la santé de la personne et les risques de complications liés à la
pathologie. Par souci de méthodologie et d’organisation d’idées, dans cette partie
je vais discuter le deuxième et le troisième domaine focal ensemble. En effet, le
troisième domaine focal s’intéresse aux réactions humaines réelles liées à l’état
*le terme dialogique est employé pour signifier une différence fondamentale avec la pluridisciplinarité dans laquelle les apports des disciplines sont simplement juxtaposés. 64 GUESPIN-MICHEL Janine. (2016). La révolution du complexe, sciences, dialectique et rationalité. Edit° électronique. Site « la révolutionducomplexe.fr ». Page 35.
58
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
de santé de la personne. L’infirmier exprime son raisonnement dans ce domaine
sous forme de diagnostic infirmier. Les problèmes potentiels (de risque) liés aux
réactions humaines sont aussi exprimés sous forme de diagnostic infirmier. D’où
l’intérêt de les analyser ensemble
Afin d’explorer ces deux domaines j’ai demandé aux infirmiers s’ils utilisent
les diagnostics infirmiers dans l’accompagnement de leurs patients. NANDA-
international définit Le diagnostic infirmier comme « un jugement clinique sur une
réaction humaine aux problèmes de santé/processus, ou une vulnérabilité* à cette
réaction, d’un individu, d’un groupe ou d’une collectivité »65. Dans cette définition,
le deuxième et le troisième domaine focal relatif aux problèmes réels et aux
risques de problèmes en lien avec les réactions humaines, se vérifient. 57,50% de
la population enquêtée affirme qu’elle utilise les diagnostics infirmiers dans
l’accompagnement de ses patients. 57,44% des réponses qui argumentent ce
choix disent que les diagnostics infirmiers sont nécessaires pour assurer une prise
en charge globale et individualisée.
Le rôle joué par le soignant infirmier, aussi important qu’il soit, est resté
ignorer, mal exprimer et non formaliser pendant des siècles. Depuis toujours les
infirmiers accompagnent les patients dans leurs différentes dimensions : assurer
les soins d’hygiène et de confort, assurer un soutien psychologique et spirituel,
prodiguer des soins techniques, etc. La communauté infirmière, et notamment
dans les pays anglo-saxons, a voulu construire un langage infirmier standardisé
qui exprime leur rôle propre dans l’accompagnement de leur patient. La notion de
diagnostics infirmiers est donc apparue. Au départ ces diagnostics étaient une
expression d’un constat effectué chez un patient. Par Exemple : incapacité à
effectuer ses soins d’hygiènes. Cependant, au fil des années et avec l’apparition
des notions de l’autonomie, de la pratique réflexive, des soins basés sur les
preuves probantes etc., les diagnostics infirmiers sont devenus un outil qui
exprime en profondeur le rôle propre de l’infirmier et surtout nécessite un
*Dans la nouvelle taxonomie NANDA-II le terme vulnérabilité est utilisé pour désigner un risque. 65 NANDA INTERNATIONAL. (2015-2017). Diagnostics infirmiers définition et classification. Edit° ELSEVIER MASSON. Paris. Page 35.
59
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
raisonnement clinique rigoureux afin d’identifier le bon diagnostic. Par exemple,
pour différencier une dynamique familiale perturbée et une dynamique familiale
dysfonctionnelle (Taxonomie II. Domaine 7 : relation et rôle. Classe 2 : relations
familiales) l’infirmier doit procéder à une collecte de données, émettre des
hypothèses, chercher les caractéristiques et les facteurs favorisants qui peuvent
infirmer ou confirmer les hypothèses. Donc il procède à un raisonnement clinique
rigoureux. La même chose est vraie pour les problèmes de type risque (deuxième
domaine clinique). Cette approche diagnostique permet d’identifier les problèmes
propres à chaque patient et surtout de proposer un accompagnement
individualisé.
Après cette dernière analyse, nous comprenons que les diagnostics
infirmiers sont l’expression la plus fondée du rôle propre de l’infirmier. Ils sont des
jugements cliniques basés sur le raisonnement et l’analyse. Ils sont la clé d’un
accompagnement global et individualisé dans un contexte historique qui exige du
soignant une approche sérieuse de soins validée par des données scientifiques.
J’estime que la non utilisation des diagnostics infirmiers dans la pratique
quotidienne ne fait que déconstruire le cœur de notre rôle propre qui essaye de
s’inscrire dans un mouvement international des sciences et des preuves
probantes. Un pourcentage assez important de notre population d’étude (42,50%)
affirme qu’il n’utilise pas les diagnostics infirmiers et rapporte cela dans 80% des
arguments à la charge de travail. Ce dernier argument me rappelle dans ma
situation de départ cette infirmière qui n’avait pas réussi à identifier les problèmes
du l’enfant « S » et de sa mère, qui disait qu’elle avait beaucoup de travail à faire
et qu’elle ne pourrait pas s’occuper uniquement que de ces derniers.
CHAPADOS.C, AUDRETAT M.C, et LAURIN.S affirment que « la complexité des
problèmes de santé, la réduction des durées de séjour dans les centres
hospitaliers et la multiplication des protocoles de soins obligent les infirmiers à
faires plus en moins de temps, ce qui n’encourage ni facilite le raisonnement
clinique »66. Il est évident que la charge de travail est un obstacle majeur à la
66 CHAPADOS.C, AUDRETAT M.C, LAURIN.S. (Janvier/février 2014). Le raisonnement clinique de l'infirmière. RECHERCHE. N°1. Page 37.
60
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
qualité de soins et au raisonnement clinique infirmier. Le soignant qui n’a pas le
temps de se poser et d’observer en profondeur l’état de son patient, n’aura
probablement pas la possibilité de réfléchir profondément à ses problèmes réels et
à ses risques de problèmes. D’ailleurs la charge de travail et la pénurie des
soignants est un problème majeur au cœur de débats actuels sur le système de
soins en France. Dans un dossier de presse sorti le 13 février 2018 qui porte sur
la stratégie de transformation de système de soins, le gouvernement explique
« qu’une réflexion sur les conditions de travail sera engagée, avec notamment la
mise en place d’un observatoire national de la qualité de vie au travail des
professionnels de santé, qui devra dresser un état des lieux, collecter des
données et formuler, avant la fin de l’année, des propositions d’amélioration »67.
Cette réflexion à la recherche des solutions portera, peut-être, des solutions
fiables aux soignants afin qu’ils puissent optimiser leur accompagnement des
patients en exploitant en profondeur ce que leur rôle propre à travers les
diagnostics infirmiers et le raisonnement clinique peut apporter à leur patient et à
la valeur de leur profession.
Afin d’explorer les problèmes liés aux effets secondaires des traitements et
aux complications liées à la maladie (deuxième domaine clinique), j’ai demandé
aux infirmiers s’ils surveillent ces risques. 82,50% affirment qu’ils surveillent
l’apparition des effets indésirables des thérapeutiques dont 40% des réponses qui
argumentent ce choix disent que c’est important afin d’éviter la dégradation de
l’état du patient. 27,50% trouvent que c’est important afin de réadapter le
traitement par le médecin. En contrepartie, seulement 17,50% des enquêtés
affirment qu’ils ne surveillent pas les effets secondaires des traitements dont
85,71% n’argumentent pas leur choix, et 14,28% disent qu’ils n’ont pas assez de
connaissances. L’article R.4311-5 du code de la santé publique, n’exige pas la
surveillance des effets secondaires des traitements sous forme injectable ou
autres. Seuls les traitements par voie orale sont indiqués à la surveillance.
Cependant, « l’administration d’un médicament quel qu’en soit son mode, de
67 Stratégie de transformation de système de soins. Dossier de presse de 13 février 2018. Service de presse de Matignon. Paris. Page 13.
61
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
l’ordonnance de prescription à la prise effective par le malade, met en jeu la
sécurité du malade […] »68. Ceci aura un impact majeur sur la qualité de soins et
sur l’innocuité de ce dernier. Par exemple, une personne âgée sous diurétiques,
risque de se déshydrater ce qui aggravera sont état. Un patient sous anxiolytique,
risque de perdre son équilibre et de chuter etc. Le raisonnement clinique en lien
avec les thérapeutiques s’avère alors nécessaire pour la sécurité du patient.
J’estime donc que même si la loi n’exige pas la surveillance de tout type de
traitement, les valeurs éthiques et morales et surtout notre engagement auprès du
patient nous en obligent.
Concernant les risques de complications liées à la maladie, 70% des
enquêtés affirment qu’ils surveillent ces risques et leurs arguments sont trop
variés. 22,22% afin d’adapter le traitement, 33,33% afin d’assurer une meilleure
prise en charge, 16,66% pour prévenir les problèmes potentiels. Cependant un
pourcentage assez important (30%) affirme qu’il ne surveille pas l’apparition de
ces complications dont 64,70% des arguments disent qu’il ne s’agit pas de leur
rôle et 17,64% affirment que les médecins ne veulent pas que les infirmiers
interviennent dans leur champ disciplinaire. Comme je l’ai déjà discuté,
l’interdisciplinarité n’est pas un choix. C’est une nécessité historique dans le
contexte complexe de système de soins de santé français. Les infirmiers doivent
exiger leur place dans cette interdisciplinarité afin de pouvoir assurer un
accompagnement de qualité à leur patient. Toute maladie risque de se compliquer
gravement. Une angiocholite peut se compliquer d’une septicémie. Une infection
urinaire en pyélonéphrite etc. L’infirmier doit prendre en considération les risques
d’aggravations et chercher constamment les signaux d’alarme qui peuvent l’alerter
sur une éventuelle complication. Ceci est dans le but d’éviter la dégradation de
l’état du patient et assurer une meilleure prise en charge. La surveillance des
complications liées à la maladie est un rôle infirmier majeur qui nécessite une
bonne surveillance et surtout une bonne capacité de raisonnement clinique.
68 HERLIN Brigitte, FAURE Ariane-Valérie, FONTAINE Martine, JOLLIET Pascal. (2007). Nouveau cahier de l’infirmière, pharmacologie. 3ème Edit° ELSEVIER MASSON. Issy-les-Moulineaux Cedex (92). Pages 28.
62
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
****
En résumé à cette analyse des résultats, bien qu’une majorité des réponses
confirme que les infirmiers que j’ai enquêté déploient leur raisonnement clinique
dans les trois domaines focaux, des pourcentages tout aussi importants montrent
le contraire. Certains arguments de ce dernier point, montrent qu’il y a un manque
de connaissance sur le rôle infirmier dans l’interdisciplinarité au niveau de premier
et de deuxième domaine clinique. Aussi le troisième domaine clinique n’est pas
profondément exploité alors qu’il s’agit du rôle propre de l’infirmier. Au début de
mon analyse, j’ai remarqué que la majorité de ma population est formée au
nouveau référentiel de formation de 31 juillet 2009. Est-ce que cela a impacté
positivement les résultats que j’ai obtenus ? c’est Très probable. Cependant, cette
question peut être l’objet d’une nouvelle recherche comparative dans le
raisonnement clinique entre les diplômés avant et après 2009.
Dans ma discussion, j’ai tenté de classer les infirmiers sur le continuum
novice-expert en fonction de leur ancienneté dans le service. J’ai aussi remarqué
en me référant au cadre conceptuel que la pratique réflexive est la clé de
développement du raisonnement clinique. Si la majorité de la population adopte
une attitude réflexive auprès de ses patients, un nombre très important ne le fait
pas. Ce qui signifie, d’après moi, que leur classification sur le continuum de
Benner perd tout son sens. De plus, au début de questionnaire, j’ai posé une
question à choix unique qui porte sur la définition de raisonnement clinique. Moins
de la moitié (37,50%) a répondu correctement à cette question, soit une démarche
de problématisation de données cliniques. Les autres réponses sont réparties
entre : le raisonnement clinique est la démarche de soins (37,50%) ou bien c’est la
démarche de résolution de problème (25%). Cette confusion, à mon avis, est
grave car les infirmiers en exercices sont tenus à former les étudiants qui arrivent
sur les terrains de stage. Une telle confusion sur les concepts de bases de la
science infirmière peut être transmise à ces étudiants ce qui à mon avis n’est pas
valorisant ni pour les infirmiers ni pour la profession.
Après avoir étudié le raisonnement clinique d’une manière globale avec une
méthodologie quantitative, d’autres pistes de recherches s’ouvrent devant moi.
63
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
Notamment des recherches qualitatives sur le raisonnement dans chaque
domaine clinique à part et son impact sur la qualité de soin. Aussi des recherches
analytiques sur la qualité de raisonnement clinique dans chaque domaine focal
afin de proposer des solutions pour améliorer ou optimiser le raisonnement des
soignants. Pour le moment, j’estime que mon questionnaire et mon travail
d’analyse m’ont permis de vérifier mon hypothèse qui est : les infirmiers
raisonnent sur la base des trois domaines cliniques et émettent des jugements
utiles et indispensables au bon accompagnement des patients. En effet, bien que
les résultats que j’ai obtenus aillent dans le sens de la validation de l’hypothèse,
des pourcentages tout aussi importants la rend partiellement valide dans les
trois domaines focaux.
Etant conscient de l’importance du raisonnement clinique, ce travail de
recherche m’a permis d’y voir plus clair, d’une manière plus constructive et riche
en concept et données scientifiques. J’estime qu’il est la première pierre
solidement ancrée dans le sol de mon savoir infirmier sur laquelle je vais
construire mon identité professionnelle. L’homme est un être Bio-psycho-social
culturel et spirituel. Etant infirmier, mon objectif et d’assurer ses soins dans ces
différentes dimensions. Le raisonnement clinique sera la clé pour l’atteindre.
64
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
CONCLUSION
Dans ce travail de recherche, que je conclus avec satisfaction, j’ai puisé le
maximum de mes ressources personnelles et de ma volonté de contribuer même
faiblement à la recherche en soins infirmiers en France. Au moment du choix du
sujet de mémoire, il y a un an, j’avais une énorme crainte de ne pas réussir à
parvenir à l’élaborer ou à m’écarter de la ligne droite au milieu du chemin. D’autant
plus que je suis conscient que je ne maitrise pas tous les éléments de la
recherche scientifique pour traiter d’un sujet comme le raisonnement clinique.
Cependant, je me suis lancé à bras ouverts dans cette aventure autant
passionnante que risquée.
A ce jour, j’estime, avec toute l’humilité que m’impose ma conscience, que
je suis parvenu à un certain niveau à réussir ce travail de recherche. Je suis aussi
conscient que ce dernier m’a énormément forgé. Autant sur le plan personnel en
me stimulant à sculpter de mieux en mieux mes pensées, à les rendre plus claires
et compréhensibles, que sur le plan professionnel en m’apprenant à voir les
choses différemment. En effet, sur mes deux derniers stages, j’ai remarqué que
j’arrive à voir plus clair dans les éléments cliniques que présentent les patients.
J’arrive à mieux articuler mes connaissances sur les pathologies, les traitements,
les signes et symptômes, les risques de complication et les réactions humaines
physiques et psychologiques dans un rouage qui fonctionne d’une façon
synchronisée dont l’élément moteur est le raisonnement clinique.
Au début, j’ai mentionné que le but que j’escomptais à travers ce travail
était de comprendre comment gravir les échelons sur le continuum novice-expert
en raisonnement clinique. Aujourd’hui je réalise que le seul et unique chemin est
d’adopter une attitude réflexive devant toutes les situations cliniques. Et nous ne
pourrons pas adopter cette attitude tant que nous n’avons pas réalisé l’importance
de la place que nous occupons dans la vie des patients et de la confiance qu’ils
nous accordent.
Un point très important que j’ai soulevé après avoir élaboré la phase
théorique est l’importance d’avoir en main un ensemble d’outils scientifiques qui
65
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
nous permettront, à nous les infirmiers, d’être plus précis et plus efficaces dans la
surveillance clinique de nos patients. Depuis plusieurs années, les infirmiers
anglo-saxons ont reconnu l’importance de l’examen clinique approfondi dans leur
pratique quotidienne. Cet examen qui était toujours assimilé au rôle médical, s’est
avéré nécessaire à l’infirmier même dans la pratique de son rôle propre. Par
exemple : chez une personne âgée alitée l’infirmier identifie le « risque de
syndrome d’immobilité ». Ce syndrome englobe plusieurs symptômes et signes
dont la stase pulmonaire. L’infirmier qui maitrise l’auscultation pulmonaire pourra
déceler les bruits respiratoires anormaux, détecter les complications et proposer
des solutions de son rôle propre tel que faire faire au patient des exercices de toux
et de respiration afin de faciliter l’évacuation des sécrétions présentes dans l’arbre
bronchique et dans les alvéoles. L’infirmier qui sait identifier un signe de Homans
positif (dorsiflexion du pied) pourra détecter une thrombose veineuse profonde et
proposer des solutions propices.
Les responsabilités attribuées aux infirmiers sont d’une importance capitale
dans le système de soins en France. A travers ce travail, j’ai essayé de montrer
l’indispensabilité du raisonnement clinique dans l’accomplissement de ces
responsabilités. En revanche, j’estime que intégrer l’enseignement de l’examen
clinique dans la formation initiale ou continue serait d’un avantage majeur au
développement de la qualité des soins infirmier en France autant au niveau du
rôle propre que du rôle d’interdisciplinarité à travers une surveillance clinique plus
approfondie et mieux argumentée. 50% de ma population d’enquête partage cet
avis avec des arguments très convaincants. (Cf. tableaux XI)
Depuis quelques années, la notion de « evidence based nursing », ou soins
infirmiers s’appuyant sur des preuves probantes, gagne une place importante
dans le développement du savoir infirmier. La définition donnée à cette notion est
« l’identification et l’évaluation de travaux de recherche destinés à assister la prise
de décision clinique de l’IDE » 69 . A travers cette définition, nous constatons
l’importance accordée à la recherche clinique en science infirmière. Cette dernière
peut influencer positivement l’approche infirmière et la qualité de soin proposées 69 HALLOUET Pascale. (2016). Méga mémo IFSI. 2ème Edit° ELSEVIER MASSON. Issy-les-Moulineaux Cedex (92). Page 1602.
66
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
aux patients. Ceci en articulant le plus possible la théorie et la pratique et en
utilisant des techniques et des méthodes de soins basées sur des données de
haut niveau de preuves scientifiques tout en tenant compte du contexte du soin,
de la situation clinique du patient et des ressources humaines et matérielles
disponibles. Ceci s’inscrit dans une approche réflexive régie par le raisonnement
clinique qui influence et qui est influencé par ces éléments.
A la lumière de ces données, je conclus que le raisonnement clinique
infirmier est le principal moteur de la pratique infirmière. Grâce à lui, les soins
infirmiers proposés aux patients entrent dans une dynamique réflexive de
questionnement et de critique de sa propre pratique. Ce moteur, il faut le
consolider par les outils de l’examen clinique approfondi et par les données issues
de l’evidence based nursing. Ce dernier point, à mon avis, pourrait être un sujet de
recherche très important dont l’objet est d’étudier l’influence des données issues
de l’evidence based nursing sur le raisonnent clinique infirmier.
67
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages
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Savoir et soins infirmiers. N° 60-285-U-10. pp. 1-9.
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infirmière. SOiNS. N°742. pp. 1-20.
Textes officiels
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réglementaires) du code de la santé publique et modifiant certaines
dispositions de ce code. JO du 8 Août 2004.
Décret n°2002-194 du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à
l'exercice de la profession d'infirmier
Décret n° 93-345 du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels et à
l'exercice de la profession d'infirmier.
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HABLANI Ali Promotion 2015-2018
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site de recherche en soins infirmiers. Ecoles de pensée. Consulté le
19/11/17.
Document de presse
Stratégie de transformation de système de soins. Dossier de presse de 13
février 2018. Service de presse de Matignon. Paris. Pp 1-16.
70
HABLANI Ali Promotion 2015-2018
ANNEXES
ANNEXE I
Questionnaire
Dans le cadre du mon mémoire de fin d’études pour l’obtention du diplôme
d’état infirmier, j’élabore un travail de recherche qui porte sur la thématique du
« raisonnement clinique infirmier ». Je sollicite votre contribution à remplir ce
questionnaire anonyme et auto-administré. Je vous remercie d’avance pour votre
aide.
1) Sexe H [ ] F [ ]
2) Age………………………………………………………………………………….
3) Année du diplôme…………………………………………………………………
4) Dans quel service exercez-vous ? …………………………………………..
5) Ancienneté dans le service.
De 0 à 2 ans [ ]
De 2 à 5 ans [ ]
De 5 à 7 ans [ ]
> à 7 ans [ ]
6) Nombres d’heures de travail par jour
Inférieur à 8 heures [ ]
De 8 à 12 heures [ ]
Supérieur à 12 heures [ ]
7) D’après vous, qu’est-ce que « le raisonnement clinique infirmier » ?
(Une seule réponse)
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HABLANI Ali Promotion 2015-2018
C’est une démarche de résolution des problèmes cliniques [ ]
C’est la démarche de soins [ ]
C’est une démarche de problématisation des données cliniques [ ]
Autre : ……………………………………………………………………….
8) D’après vous, à quel moment l’infirmier mobilise-t-il son raisonnement
clinique ? (Une seule réponse)
Uniquement lorsqu’il s’agit d’un problème qui relève de son rôle
propre infirmier [ ]
Uniquement lorsqu’il s’agit d’un problème de collaboration (médecin,
psychologue, kiné etc.) [ ]
Uniquement lorsque le problème est en rapport avec la maladie du
patient ou la prescription médicale [ ]
A chaque moment où vous prenez le patient en charge [ ]
Autre : ……………………………………………………………………....
9) D’après vous, « le raisonnement clinique » est-il un élément central de
la profession infirmière ?
Oui [ ]
Pourquoi ?............................................................................................
.............................................................................................................
Non [ ]
Pourquoi ? ………………………………………………………………….
……………………………………………………………………………….
10) D’après vous quels sont les trois types de problèmes qu’un patient
peut avoir ? (Une seule réponse)
Focaux, contextuels, résiduels [ ]
Cliniques, paracliniques, biologiques [ ]
Réels, potentiels, possibles [ ]
Autres :………………………………………………………………………
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HABLANI Ali Promotion 2015-2018
11) Utilisez-vous « les diagnostics infirmiers », dans l’accompagnement de
vos patients ?
Oui [ ]
Pourquoi ?............................................................................................
.............................................................................................................
Non [ ]
Pourquoi ? (Plusieurs réponses sont possibles)
Les diagnostics infirmiers ne sont pas nécessaires pour
accompagner un patient [ ]
Vous n’avez pas le temps de formuler des diagnostics
infirmiers à cause de la charge de travail [ ]
Vous n’êtes pas formé aux diagnostics infirmiers [ ]
Autres :……………………………………………………………
…………………………………………………………………….
12) Lors de l’admission d’un patient dans votre service, contribuez-vous à
collecter les données cliniques pour que le médecin établisse son
diagnostic (histoire de la maladie, signes et symptômes, causes de
l’apparition des symptômes, etc.)
Oui [ ]
Pourquoi ?............................................................................................
.............................................................................................................
Non [ ]
Pourquoi ? (Plusieurs réponses sont possibles)
Ce n’est pas votre rôle [ ]
Vous n’avez pas le temps [ ]
Vous n’avez pas les compétences requises [ ]
Les médecins ne veulent pas que vous intervenez dans leur
champ disciplinaire [ ]
Autre ………………………………………………………………...
………………………………………………………………………..
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HABLANI Ali Promotion 2015-2018
13) Lorsque le médecin établit le diagnostic et la prescription :
a) Collectez-vous des données en rapport avec l’évolution de la maladie
et l’apparition des complications et les risques de complications ?
Oui [ ]
Pourquoi ?............................................................................................
.............................................................................................................
Non [ ]
Pourquoi ? (Plusieurs réponses sont possibles)
Ce n’est pas votre rôle [ ]
Vous n’avez pas le temps [ ]
Vous n’avez pas les compétences requises [ ]
Les médecins ne veulent pas que vous intervenez dans leur
champ disciplinaire [ ]
Autres ………………………………………………………………
……………………………………………………………………….
b) Surveillez-vous les effets secondaires des thérapeutiques ?
Oui [ ]
Pourquoi ?
…………………………………………………………………..
………………………………………………………………………………..
Non [ ]
Pourquoi ?............................................................................................
……………………………………………………………………………….
14) D’après vous, enseigner l’examen clinique approfondi (inspection,
palpation, auscultation, percussion) serait-il bénéfique pour l’évolution
de la profession infirmière ?
Oui
Pourquoi ?............................................................................................
.............................................................................................................
Non
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HABLANI Ali Promotion 2015-2018
Pourquoi ?............................................................................................
.............................................................................................................
ANNEXE II
Extrait de dossier de presse de 13 février 2018
ADAPTER LES FORMATIONS ET LES RESSOURCES HUMAINES
AUX ENJEUX DU SYSTÈME DE SANTÉ
Le système de santé ne pourra pas évoluer en profondeur sans les
professionnels. Au cœur de cet enjeu, il y a l’évolution de la formation et de la
gestion des ressources humaines.
Formation :
S’agissant de la formation des professions paramédicales et des sages-
femmes, la mission sur l’universitarisation des professions sanitaires et sociales
aboutira cette année. En outre, les « pratiques avancées » en soins infirmiers
seront encouragées, pour renforcer encore les coopérations entre professionnels
et leur donner un rôle plus central dans la prise en charge des patients.
Concernant le « service sanitaire des étudiants en santé », qui consiste à
demander à tous les étudiants en santé, d’exercer une mission de prévention dans
le cadre d’un module « prévention » intégrée à leur formation, le rapport du
Professeur Vaillant, missionné par le Gouvernement le 12 septembre dernier, sera
rendu public à la fin du mois de février et permettra de préparer son déploiement
dès la rentrée universitaire 2018.
S’agissant des études de santé, plusieurs réflexions sont en cours :
Le numérus clausus et la première année : le système actuel doit être
profondément réformé.
Ces réflexions sur la première année devront s’articuler de manière
cohérente avec celles en cours sur la réforme du second cycle, incluant
l’avenir des épreuves classantes nationales.
La concertation sur ces sujets sera menée par les ministres de l’Enseignement
supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, et des Solidarités et de la Santé, en
associant notamment les étudiants en santé. Elle devra aboutir avant la fin de
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HABLANI Ali Promotion 2015-2018
l’année. À l’issue de ces concertations, des mesures législatives seront proposées
au début de l’année 2019
RH et qualité de vie au travail :
En parallèle de la réingénierie de la formation, un nouveau contrat social doit
être proposé aux agents de la fonction publique hospitalière, en cohérence avec
les orientations du Comité Interministériel de la Transformation Publique pour
l’ensemble des fonctions publiques : fluidifier le dialogue social, encourager la
recherche de nouvelles réponses aux problèmes d’attractivité, assouplir les
statuts, reconnaître le mérite et l’engagement dans la rémunération, favoriser
l’accompagnement des évolutions de carrières et la gestion du changement. Ces
chantiers seront menés avec le souci de prendre en compte les spécificités du
secteur public hospitalier. Les personnels médicaux seront naturellement
pleinement inclus dans cette réflexion.
En outre, le contenu du travail et le rythme des activités ont évolué, les
modes traditionnels de reconnaissance, le fonctionnement habituel des équipes et
la conception classique du management sont également en train de muter. C’est
la raison pour laquelle un travail de fond doit être mené sur la gestion du
changement au sein des établissements publics et privés. La ministre des
Solidarités et de la Santé intégrera ces préoccupations dans les concertations qui
vont s’engager.
Enfin, une réflexion sur les conditions de travail sera engagée, avec
notamment la mise en place d’un observatoire national de la qualité de vie au
travail des professionnels de santé, qui devra dresser un état des lieux, collecter
des données et formuler, avant la fin de l’année, des propositions d’amélioration.
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HABLANI Ali Promotion 2015-2018
ANNEXE III
Classification Novice-expert de BENNER
Stade 1 : Novice
Les novices n’ont aucune expérience des situations auxquelles elles
risquent d’être confrontées. Pour les informer et leur permettre d’acquérir
l’expérience nécessaire au développement de leurs compétences, on leur décrit
ces situations en termes d’éléments objectifs. Leur pratique se limite donc souvent
à gérer les paramètres mesurables (poids, température,) ainsi qu’à mettre en
œuvre des règles standards indépendantes du contexte. De ce fait, leur
comportement est limité et rigide, et leurs actes éventuellement inutiles ou non
adaptés.
Stade 2 : Débutant
Les débutantes ont fait face à suffisamment de situations réelles pour noter
(elles-mêmes ou sur indication d’un tuteur) les facteurs signifiants qui se
reproduisent dans les situations identiques. Ces facteurs (que Dreyfus qualifie par
« aspect de la situation ») comprennent l’ensemble des caractéristiques globales
qui ne peuvent être identifiées que grâce à des expériences antérieures. La
débutante peut formuler des principes qui dictent ses actions, mais les différents
attributs et aspects identifiés de ces principes sont tous traités avec une
importance égale. Il lui manque encore de pouvoir prioriser les caractéristiques
constitutives de ces principes.
Stade 3 : Compétent
L’infirmière compétente travaille dans un même environnement depuis 2 ou
3 ans. Elle commence à percevoir ses actes en termes d’objectifs ou de plans à
long terme dont elle est consciente. Ce plan dicte quels attributs et aspects de la
situation présente ou envisagée doivent être considérés comme les plus
importants, et ceux que l’on peut ignorer. Le plan de soin établit une perspective et
se fonde sur une analyse consciente, abstraite et analytique du problème.
L’infirmière compétente n’a pas encore la rapidité, ni la souplesse de l’infirmière
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HABLANI Ali Promotion 2015-2018
performante, mais elle a le sentiment de maîtriser les choses et d’être capable de
faire face aux situations imprévues le cas échéant. La planification consciente et
délibérée aide à gagner en organisation et en efficacité.
Stade 4 : Performant
L’infirmière performante perçoit la situation comme un tout, et non en
termes d’aspects. La perspective n’est pas réfléchie mais se présente d’elle-même
car fondée à la fois sur l’expérience et sur les évènements récents. L’infirmière
performante apprend par l’expérience quels évènements typiques risquent
d’arriver dans une situation donnée et comment il faut modifier ce qui a été prévu
pour faire face à ces évènements. Ainsi, elle sait que ce qu’elle prévoyait ne se
manifestera peut-être pas, mais l’expérience facilite sa capacité de réagir en
fonction des priorités perçues. Outre la perception, l’infirmière performante utilise
les maximes qui la guident, mais de façon non encore optimale car les maximes
reflètent les nuances d’une situation et peuvent signifier une chose ou son
contraire en fonction de la situation à laquelle elles s’appliquent. A ce stade,
l’infirmière performante développe une compétence appelée le « signal d’alarme
précoce », c'est-à-dire le pouvoir de percevoir une détérioration de l’état de santé
avant même que les signes vitaux n’explicitent ces changements.
Stade 5 : Expert
L’experte est capable de passer du stade de la compréhension à l’acte
sans s’appuyer sur les principes analytiques (règles, maximes). Sa grande
expérience lui donne une vision intuitive de la situation et lui permet
d’appréhender un problème sans se perdre dans un large éventail de solutions et
de diagnostics stériles. Cette maîtrise est telle que l’obliger à porter attention à des
détails, à un modèle, ou à une règle formelle amènerait une détérioration de ses
performances. L’infirmière experte cultive la notion de « ce qui est possible ». Ses
interventions sont souples et montrent un niveau élevé d’adaptation et de
compétence.
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HABLANI Ali Promotion 2015-2018
Abstract
Clinical reasoning is a very important concept in nursing care. The French
healthcare system assigns to the nurse many important responsibilities that he
must ensure with competence and rigor. In his daily practice, he confronts different
care situations pouching him to use his clinical reasoning. However, this last one is
a scientific concept witch needs to be study and developed to understand his
process and to correctly apply it in daily nurse practice. Aware about this, many
nurses used to work on it and to develop his sub-concepts. In France, Arlette
Marchal and Thérèse Psiuk, two nurses and trainers, developed a clinical model
about this concept and they called it, the tri-focal clinical model.
The aim of this end of course assignment is to verify whether the nurses
use this last model to reason clinically when they take care of patients. Throughout
my research, I tried to show the link between the tri-focal model and the laws of
the healthcare system in France. That’s why I specially choose to study it.
For this quantitative work, I selected a questionnaire as a tool for
investigation. The results showed that the majority of the nurses, who answered it,
use the tri-focal model as reference for clinical reasoning. Nevertheless, a large
percentage doesn’t employ it. Through this study, I tried to understand the
reasons, to discuss the arguments and to show the benefits that this model can
report to the nurse practice by giving many examples taken from real situations.
In the end of the study, I tried to show the importance of clinical
examination in nurse practice and especially in clinical reasoning by giving to the
nurse the ability to be more precise in the patient’s oversight. I think that
introducing the clinical examination in the nurse’s study program would be very
beneficial for the evolution on the nurse profession.
Key words: clinical reasoning – tri-focal model – nurse practice – clinical
examination
HABLANI ALI