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L'HEURE DE VÉRITÉ DANS THE CONFIDENCE-MAN D'HERMAN MELVILLE Michel Imbert Belin | « Revue française d’études américaines » 2012/3 n° 133 | pages 8 à 23 ISSN 0397-7870 ISBN 9782701162812 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-francaise-d-etudes-americaines-2012-3-page-8.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- !Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Michel Imbert, « L'heure de vérité dans The Confidence-Man d'Herman Melville », Revue française d’études américaines 2012/3 (n° 133), p. 8-23. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Belin. © Belin. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 201.52.225.13 - 09/01/2016 16h19. © Belin Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 201.52.225.13 - 09/01/2016 16h19. © Belin

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Page 1: Michel Imbert L'Heure de Vérité Dans the Confidence-Man d'Herman Melville

L'HEURE DE VÉRITÉ DANS THE CONFIDENCE-MAN D'HERMANMELVILLEMichel Imbert

Belin | « Revue française d’études américaines »

2012/3 n° 133 | pages 8 à 23 ISSN 0397-7870ISBN 9782701162812

Article disponible en ligne à l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-francaise-d-etudes-americaines-2012-3-page-8.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

!Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Michel Imbert, « L'heure de vérité dans The Confidence-Man d'Herman Melville », Revuefrançaise d’études américaines 2012/3 (n° 133), p. 8-23.--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour Belin.

© Belin. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manièreque ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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L’heure de vérité dans The Confidence-Mand’Herman Melville

Michel IMBERT

In The Confidence-Man by Herman Melville, thepursuit of truth emerges as an endless self-cancellingprocess, resting ultimately on the will to believe, thusheralding Charles S. Peirce’s and William James’sinsights. The final scene, the would-be moment of truth,brings confusion to a climax by pointing to bafflingparadoxes such as the potential advent of the Saviorunder the guise of a crook. The paradoxes inherent insuch a dubious revelation call into question the usualdefinition of truth in terms of logical consistency andadequacy to facts.

La vérité n’est jamais claire et nette ; elle comporte des zones d’ombres,elle a des bords effrangés, « ragged edges», selon la formule de Billy

Budd : «Truth uncompromisingly told will always have its ragged edges»(Melville, Billy Budd, 405). Comment faire la vérité, toute la vérité , rien quela vérité, dès lors que les hypothèses sont invérifiables, que la cause profonded’un événement est inconnaissable et ses conséquences imprévisibles? Leprocès expéditif de Billy Budd ne résout en rien le mystère de cette téné-breuse affaire. Billy Budd est accusé à tort de fomenter un complot mais l’ac-cusation mensongère de Claggart qui ne peut être ni prouvée ni démentie pro-

mots-clés/key-words

processus de vérification,raisons de croire,

révélation

*verification as process,

reasons to believe,revelation

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voque le passage à l’acte et se vérifie à la manière d’une prophétie auto-réa-lisatrice. En tuant son supérieur hiérarchique, Billy Budd devient effective-ment coupable de ce dont on l’accuse. Le crime qui a l’apparence d’un actede mutinerie sans l’être est à son tour à l’origine de rumeurs sans fondement.Le meurtre accidentel qui est un fait avéré donne lieu à des affabulations quiparachèvent la falsification des faits amorcée par Claggart ; il alimente lalégende du beau marin, inspire des ballades populaires qui déforment la réa-lité au point de finir par l’effacer.

La recherche de la vérité est le contraire d’un procès sommaire ; elleamorce un processus sans fin. La vérité ne se réduit pas à la norme intempo-relle ni universelle des sciences exactes, elle émerge indistinctement de façonempirique ; elle évolue et fluctue au cours du temps ; elle reste forcémentvague. Elle n’est pas purement et simplement une représentation distinctecaractérisée par sa cohérence logique et sa correspondance à un état de fait.Ses conditions de validité ne cessent de varier en fonction de la perspectiveadoptée. Naked truth, la vérité sans fard, la vérité nue n’est pas une puisqu’elledonne lieu à une série indéterminée de vérifications qui ne mettent en lumièrequ’un enchaînement de falsifications, ainsi que le souligne William James :

The truth of an idea is not a stagnant property inherent in it. Truth happens toan idea. It becomes true, is made true by events. Its verity is in fact an event, aprocess : the process namely of its verifying itself, its veri-fication. Its validity isthe process of its valid-ation.

(James 88)

La vérité, loin d’être invariable, est ce qui se transmet, s’approche et sedérobe comme autant d’hypothèses approximatives, ne cesse d’évoluer sui-vant les points de vue. Dans Pierre, or The Ambiguities, Melville évoque cequ’il nomme « [the] everlasting elusiveness of Truth» (393) par opposition àune vérité immuable, « the standard of what is unchangeably true» (Melville,Mardi 1047). L’expérience de la vérité, au double sens d’une expérimentationqui peut être reproduite à volonté et d’une expérience singulière subie à soninsu, ne se donne à éprouver qu’avec le temps comme une épreuve sanspreuve fondamentale ni ultime. En guise de travaux d’approche de cettevague vérité qui échappe à toute appréhension, nous aborderons un roman-fleuve, fait d’une série de dialogues pseudo-platoniciens qui sont autant despéculations théoriques, doublées de transactions bien réelles sur laconfiance, la charité, les liens d’amitié à bord d’un bateau à vapeur sur leMississippi. Le Fidèle est le reflet en miniature de l’univers cosmopolite dumarché ; il est le microcosme de l’économie monde régie par les échangesmarchands et les tractations entre des individus qui sont tous les uns pour lesautres des inconnus. Ce roman expérimental inclassable qui rapportel’étrange commerce des passagers met en jeu la fortune et les infortunes de laconnaissance, menée en bateau et ballotée en eau trouble.

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Une vérification sans finLe roman s’ouvre sur une altercation. Un noir infirme est soupçonné

d’être un imposteur, un escroc déguisé en mendiant. Sommé de prouverqu’il est de bonne foi, il en appelle au témoignage de voyageurs dignes deconfiance, faute de disposer de papiers d’identité au dessus de tout soup-çon :

[the crowd] being for the time content with putting the negro fairly and discreetlyto the question ; among other things, asking him, had he any documentary proof,any plain paper about him attesting that his case was not a spurious one.«No, no, dis poor ole darkie ain’t none of’dem waloable papers, » he wailed.«But is there not someone who can speak a good word for you? » here said a per-son newly arrived from another part of the boat, a young Episcopal clergyman, ina long, straight-bodied black coat.

(Melville, The Confidence-Man 14)

Or, les témoignages oraux comme les preuves tangibles («personalproof» [42] ou «documentary proof» [14]) sont l’un comme l’autre matière àcaution. Aucun témoin se portant garant, aucune pièce à conviction n’est abso-lument fiable puisque tout témoignage est par définition falsifiable. La vérifica-tion est sans fin et la poursuite de la vérité perdue d’avance («wild goosechase!» [15]). Les documents certifiés donnés «pour preuve» ne font que sub-stituer des signes douteux en guise d’attestation comme le suggère la préposi-tion ambiguë for : «For the truth of this, a printed voucher was produced, dulysigned» (115). Comment croire au boniment d’un soi-disant médecin qui, selontoute vraisemblance, est un charlatan? «I told you you must have confidence,unquestioning confidence in the genuine medecine, and the genuine me»(109). Le prétendu certificat d’origine contrôlée qui apparaît en filigrane surl’étiquette pourrait n’être qu’une contre-marque mensongère : «Take thewrapper from any of my vials and hold it to the light you will see water-marked in capitals the word confidence which is the countersign of themedecine, as I wish it was of the world» (108). Comment ne pas soupçon-ner le bonimenteur de faire passer un placebo pour la panacée dont l’huma-nité malade a terriblement besoin parce qu’elle est justement en mal deconfiance? «Prove all the vials, trust those which are true» (109) sonnecomme un commandement biblique, parce qu’il fait écho à l’expression«pour (out) the vial» qui apparaît dans le livre de l’Apocalypse, amalgaméeà la formule : «Prove all things, hold that which is good» (1 Thessalonians5:21) mais il s’agit d’une injonction irréalisable. Inversement, à défaut depouvoir faire confiance sur parole («Mr Truman’s word is his bond» [136])ou sur la foi de documents certifiés («For the truth of this, a printed voucherwas produced duly signed» [115]), comment ne pas faire le jeu d’un escrocqui, de son propre aveu, escompte qu’on lui fasse aveuglément confiance, aubénéfice du doute?

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L’HEURE DE VÉRITÉ DANS THE CONFIDENCE-MAN D’HERMAN MELVILLE

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«Dear me, you don’t think of doing any business with me, do you? In my official capa-city I have not been authenticated to you. This transfer book, now», holding it up soas to bring the lettering in sight, «how do you know that may not be a bogus one? AndI, being personally a stranger to you, how can you have confidence in me?»«Because», knowingly smiled the good merchant, « if you were other than I haveconfidence that you are, hardly would you challenge distrust that way».

(73)

Comment atteindre la vérité, preuve à l’appui, alors que toute preuve,loin d’aller de soi comme une évidence, est vide de sens? Manifestement, toutsigne écrit ou oral fait référence à d’autres signes qui lui servent de référence,au sens de garantie. La preuve (evidence) en anglais n’a rien d’une évidencecomme le suggère la citation suivante où le mot apparaît dans le contexte de«efficacy», suggérant ainsi que l’efficace des signes tient davantage au pou-voir de persuasion du détracteur qu’au fait d’être corroborés par les faits.

Yes, they began to scrutinise the negro curiously enough ; when emboldened bythis evidence of the efficacy of his words, the wooden legged man hobbled up tothe negro, and, with the air of a beadle, would to prove his alleged imposture onthe spot, have stripped him and then driven him away, but was prevented by thecrowd’s clamour, now taking part with the poor fellow, against one who had justbefore turned nearly all minds the other way.

(13)

La véracité d’un indice est la promesse perpétuellement renouveléed’une preuve à apporter. Tout signe en soi renvoie à d’autres signes qui luiservent provisoirement de « référence» au double sens du terme : ils lui don-nent un semblant de signification qui le rend crédible et lui confère unevaleur. Par une étrange préscience, Melville anticipe l’intuition de Peirce : lesystème de la langue est un jeu de renvoi indéfini.

Again, suppose we look up the word homme in a French dictionary; we shall findopposite to it the word man which, so placed, represents homme as representing thesame two-legged creature which man itself represents. By a further accumulation ofinstances, it would be found that every comparison requires, besides the relatedthing, the ground, the correlate, also a mediating representation which representsthe relate to be a representation of the same correlate which this mediatingrepresentation itself represents.

(Peirce 28)

Certes, la vérité consiste en l’adéquation de la représentation et de laréalité, mais on ne peut jamais vraiment sortir de la représentation. Pour lescomparer, il faut en outre une représentation de la représentation et ainsi desuite. La corrélation entre le signifiant et la chose même, le référent, présup-pose que l’on vise un signifié intermédiaire qui n’est appréhendé que par letruche ment d’un autre signifiant (interpretant), ce qui présuppose le parcoursd’une infinité de signifiants. Le processus risque d’être interminable : regres-sus ad infinitum selon l’expression de Peirce (46).

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Si le moindre mot, même le plus familier, est par définition aussi abs-cons qu’une langue étrangère, la phraséologie savante reste insaisissable endépit des éclaircissements sémantiques successifs. Un autre passage duroman met en lumière l’hermétisme foncier de tout dialogue qui, de formuleen formule, laisse subsister une part irréductible d’indétermination :

« I conjecture him to be what, among the ancient Egyptians, was called a —» usingsome unknown word.«A —! And what is that? !»«A — is what Proclus, in a little note to his third book on the theology of Plato,defines as —— » coming out with a sentence of Greek.Holding up his glass, and steadily looking through the transparency, thecosmopolitan rejoined : «That, in so defining the thing, Proclus set it to modernunderstanding in the most crystal light it was susceptible of, I will not rashly deny[…]».

(Melville, The Confidence-Man 256)

On devine ainsi que la vérité doit perpétuellement faire ses preuves pouravoir raison des doutes, et ce, en vain. À poursuivre la vérité, on ne cesse dela chasser en la pourchassant ; on repousse toujours plus loin la certitude quel’on vise. La vérité reste à jamais un objectif fugitif. Ne subsistent que despropositions évasives, invérifiables : «For in this world of lies, Truth is forcedto fly like a sacred white doe in the woodlands ; and only by cunning glimpseswill she reveal herself, as in Shakespeare and other masters of the great Artof telling the Truth» (Melville, «Hawthorne and His Mosses» 1160). Et si lecaractère des êtres de chair et sang est insaisissable quoiqu’entraperçu intu-itivement par intermittence (« those occasional flashing-forth of the intuitiveTruth» [1159]), comment a fortiori déceler la part de vérité dans les déclara-tions de personnages de fiction, aussi chimériques que des apparitions fan-tasmagoriques : «But if the acutest sage be often at his wits’end to understandliving character, shall those who are not sages expect to run and read charac-ter in those mere phantoms which flit along a page, like shadows upon awall ?» (Melville, The Confidence-Man, 89-90).

Truth as trust and the will to believeCertes, la vérité exacte est inaccessible et inconnaissable ; or, dans la pra-

tique, nous nous accommodons d’un semblant de connaissance qui temporai-rement a valeur de vérité approximative. Par commodité, il faut bien faireconfiance pour faire l’économie d’une vérification sans fin : «But to doubt, tosuspect, to prove – to have this wearing work to do continually – how oppo-sed to confidence» (109). Faute de détenir une certitude absolue (dead cer-tainty), ce qui fait foi est la conviction personnelle (certitude) dont nous nouscontentons par convenance, par intérêt personnel pour peu que ces croyances

MICHEL IMBERT

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soient tenues pour recevables. Telle est la valeur pratique (cash value) de nosconceptions prises pour argent comptant, qu’elle soient fondées ou non, selonWilliam James. Il faudrait différencier dans le domaine du certain la certitudeabsolue de la conviction intime suivant les connotations distinctes des deuxtermes anglais certainty et certitude. Melville pressent ce que William Jamesthéorisera au tournant du siècle. À vrai dire, nous ne savons pas vraiment, àdéfaut de discerner avec certitude le vrai du faux, nous croyons savoir et, sur-tout, nous voulons croire qu’un jour peut-être nous saurons. L’empreinte descroyances, leur influence latente, leur incidence sur nos théories attestent notrebesoin vital de croire, d’avoir des raisons de croire. L’accord tacite entre inter-locuteurs suffit à accréditer la valeur des signes. Ainsi la vérité (truth) dérive-t-elle insensiblement vers trust et troth qui ont partie liée d’un point de vueétymologique : Truth, trust, by my troth sont apparentés et dérivent de tree, dumême arbre généalogique pour ainsi dire. True, proche de l’allemand treu,signifie étymologiquement faithful comme l’atteste encore l’expression to betrue to a person ou bien encore Yours truly. La vérité (truth) s’apparente à lafidélité d’un serment, d’une promesse (troth) scellant une alliance commedans « true friendship» (294). Dans la scolastique médiévale, veritas signifiaitmoins la concordance avec la réalité objective que la rectitude morale (truth-fulness) reposant sur l’accord subjectif avec soi-même et autrui (sinceritas etfidelitas). Un transfert plus ou moins conscient s’effectue de truth à trust viatruthfulness, de la théorie à la pratique et vice versa.

Toutefois, cet amalgame heurte le sens commun qui oppose au contrairele souci de la vérité et le culte de la confiance. L’unijambiste par exemple s’ap-puie sur un argument de bon sens, quoique bancal : «Charity is one thing, andtruth is another» (15). C’est une chose que de faire confiance par charité, uneautre d’être lucide. Un autre personnage compare la vérité à un mécanismeimpitoyable : «Truth is like a thrashing machine ; tender sensibilities mustkeep out of the way» (159). D’où également le conseil amical d’un bienfai-teur de l’humanité qui enjoint l’étudiant de renoncer à lire Tacite, si désabuséque son réalisme sans fard risquerait d’avoir des effets pernicieux : «Evenwere there truth in Tacitus, such truth would have the operation of falsity, andso still be poison, moral poison» (32). Or, paradoxalement, Melville suggèreque croyance et vérité, loin de s’exclure, se relaient, se soutiennent mutuelle-ment. Elles ont pour point commun d’être indémontrables et invérifiables ;elles sont l’une pour l’autre la condition sine qua non de leur validité. Étantdonné la puissance de la foi, ce qui se donne pour la vérité, n’est qu’uneconstruction mentale que l’on veut croire vraie, une assurance que l’on sedonne au bénéfice du doute comme l’on fait aveuglement confiance par espritde charité («But why not put as charitable a construction as one can upon thepoor fellow?» [15]). La vérité est le don que la foi se fait à elle-même sous

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couvert de véracité. Ainsi la confiance perdue est-elle retrouvée en se donnantfaussement pour la vérité. Telle est « la puissance du faux», pour reprendre lacélèbre formule de Deleuze au sujet du roman (Deleuze 174-175).

L’efficace de la foi a force de loi dans les échanges, le commerce audouble sens du terme, matériel et spirituel. La vérité est une forme decroyance présumée objective et supérieure aux superstitions qui ont cours. Lacroyance qui passe pour vraie procure une créance et du crédit. Melville anti-cipe sur ce point les intuitions d’un William James, comme l’a soulignéJoseph Urbas (Urbas 115) : «Truth lives, in fact, for the most part on a creditsystem. Our thoughts and beliefs “pass”, so long as nothing challenges them,just as bank-notes pass so long as nobody refuses them» (James 91). Croiresavoir, vouloir croire que l’on pourra un jour savoir et avoir des raisons decroire sont étroitement liés. La foi et la connaissance, l’espérance et le soucide la vérité, la crédulité et le réalisme ne sont pas incompatibles. Ils ne s’ex-cluent pas. Tout au contraire, ils sont complémentaires. Ils se soutiennent l’unl’autre, se servent de référence mutuelle. Bien sûr, nous croyons parce quenous pensons que c’est la vérité. Et inversement, nous pensons que telle outelle proposition est vraie que parce que nous la croyons telle (Lapoujade1218). La vérité et la croyance, bien que distinctes, dépendent l’une de l’autreet s’entrecroisent : tel un mécanisme à deux temps, l’une est la conditionnécessaire de l’autre.

D’où l’idée que nos convictions qui nous tiennent lieu de vérité, qui ontvaleur de vérité, sont en fait des valeurs spirituelles déguisées et déplacéessur le terrain de l’épistémologie. Nos idées sont nos idoles. La vérité est deve-nue la croyance capitale des temps modernes, d’après la mort de Dieu. Ledogme de la vérité est la dernière des religions. La Sainte Trinité des tempsmodernes s’appelle le principe d’identité, de non-contradiction et du tiersexclu et ce, depuis Aristote jusqu’à Hegel en passant par Saint Thomasd’Aquin.

Melville, William James, Peirce et le Nietzche du Gai Savoir (§ 344)sont très proches de ce point de vue. Nous autres modernes, nous voulonscroire en une vérité scientifique ou judiciaire, pas même forcément la purevérité dite vérité de raison (Leibniz), la vérité de la logique, des mathéma-tiques et des sciences exactes. Oui, nous professons notre foi dans le dogmede la vérité, fût-elle une vérité expérimentale, matérielle et non formelle, fût-elle statistique et non rigoureusement exacte. La vérité est l’article de foi car-dinal de la démocratie en Amérique où les croyances sont en concurrence surle marché. L’homme moderne démocratique qui se réfère à l’autorité imma-nente et non transcendante d’une vérité objective censée régir les relationsentre égaux qui ne sont plus des rapports de force de maître à sujet. Croire enla vérité, en se passant de la garantie de l’autorité divine, est l’idée fixe del’homme démocratique, un fanatisme d’un nouveau genre.

MICHEL IMBERT

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La fiction ou la puissance du virtuelL’homme moyen veut croire en la vérité. Soit. Melville, cependant, insi-

nue non sans sarcasme qu’il méconnaît son pouvoir de mystification. Sa capa-cité à tromper autrui et à se tromper, telle est en fait la condition de l’hommemoderne, forcément crédule et escroc, tour à tour ou tout à la fois. L’escroc à laconfiance (the confidence-man) est le prototype de tout le personnel de la comé-die humaine. Le souci de vérité, de l’idéal de vérité procèdent en fait du refusde la réalité, du déni du mensonge et de la propension à se leurrer dont les signescliniques se remarquent partout. Il revient à la fiction non pas de dévoiler, ce quiserait encore souscrire à la norme du vrai, mais de détromper, de désillusionner,en mettant en lumière le caractère indiscernable du vrai et du faux. Dans le der-nier chapitre s’esquisse un parallèle entre la fausse monnaie et les faux pro-phètes et une réflexion sur l’absence d’une autorité irrécusable qui permettraitde départager l’authentique des contrefaçons, tant dans le domaine financier quedans celui de la foi. Les Saintes Écritures, où se confondent pêle-mêle apo-cryphes et Apocalypse (Melville, The Confidence-Man 324), comme toute écri-ture en général, sont assimilables à de la monnaie scripturale de mauvais aloi.Même le livre sacré (the Good Book, « the True Book» [315]) qui comprend desécrits intertestamentaires apocryphes ne peut être tenu pour parole d’évangile(gospel truth, « the truth of Scripture» [292]) et il n’est pas sans rappeler lafausse monnaie que l’on ne saurait identifier grâce au «Counterfeit Detector»,le détecteur de faux qui pourrait bien être un faux détecteur puisque toutecontresignature est en puissance un faux en écriture. Le dernier chapitre qui nerévéle rien vraiment, qui n’est pas la fin apocalyptique de l’histoire au sensd’une révélation suprême, repose la question posée par Ponce Pilate dans leNouveau Testament: «Qu’est-ce que la vérité?» (John 18:38).

Dès le premier chapitre, apparaissent deux écriteaux qui communiquentdes injonctions contradictoires, à la manière d’un double bind, parallèlement àl’avis de recherche d’un escroc circulant incognito à bord du vapeur. D’une part,un muet inscrit successivement sur une ardoise une série de proverbes com-mençant par le mot charité empruntés à la Bible (1 Corinthians 13). L’ardoise telun chèque en blanc est une source de devises dans tous les sens du terme.D’autre part, symétriquement, le barbier affiche un panonceau stipulant que lamaison ne fait pas crédit («No trust»). L’identification de l’escroc décrit commeun inconnu («mysterious impostor» [Melville, The Confidence-Man 1]) s’avèreêtre sans fin et son appréhension, perpétuellement différée tout au long duroman, présuppose le discernement de la vérité et de l’erreur. Or, comme nousl’avons suggéré, faire la part de la vérité revient en fait à faire crédit à tel ou telsigne potentiellement trompeur. Aussi, par la force des choses, la confiance est-elle à crédit et la vérité à tempérament; l’une et l’autre sont fonction du facteurtemps et la vérification escomptée pour «faire confiance» ou «faire la vérité»

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est condamnée de façon chronique à rester en suspens. À défaut de pouvoir iden-tifier avec certitude l’escroc recherché, les acteurs de l’histoire naviguent perpé-tuellement entre la confiance inconditionnelle et la défiance catégorique, parprincipe. Oscillant entre l’un et l’autre au gré des fluctuations de la foi, les inter-locuteurs à travers leurs échanges passent de l’une à l’autre position à traverstout un kaléidoscope de postures provisoires qui sont autant d’impostures poten-tielles. Ainsi la charité cesse d’être un don absolu sans contrepartie pour être unebonne action, voire une transaction commerciale («charity business» [49]) sus-pendue à des conditions («a certain conditional confidence» [170]). Le locuteurmultiplie les précautions oratoires pour rester sur la réserve, retirer sa confiancequand bien même il ferait mine de l’accorder: «Now, for the humour of it, sup-posing that I, I myself, really had this sort of conditional confidence in you ... »(170). La charité assortie de conditions assimilables à des clauses suspensivescesse d’être véritablement ce qu’elle est censée être, un don sans contrepartie quine survient pas en échange d’un don antérieur ou dans l’attente d’un contredonà venir. Elle n’a d’existence que fictive. Quant au scepticisme conséquent, il esttout aussi intenable d’un point de vue logique, car le barbier est bien obligé dereconnaître qu’il croit ne croire en rien, ce qui est une contradiction dans lestermes – «I have confidence in distrust» (143) – et qui ne peut emporter l’ad-hésion de son interlocuteur car on ne saurait croire quelqu’un qui érige le douteen règle: «for how can that be trustworthy that teaches distrust?» (324). Chaqueposition évolue, de variation en variation, au point de se réfuter et de devenirindiscernable de la position antithétique: «You told me to have confidence, saidthat confidence was indispensable, and here you preach me to distrust. Ah, truthwill out» (109).

Comme pour clore le cycle de ces variations sérielles sur les faux sem-blants et les faux fuyants, le personnage du barbier revient vers la fin duroman. Les chapitres 42 à 44 rapportent le dialogue entre le barbier qui pré-conise la défiance et celui qui se donne pour le Cosmopolite, lequel aucontraire professe sa foi en l’homme. Le cosmopolite qui se fait passer pourun philanthrope bien qu’il soit dénoncé par ailleurs comme un misanthropemasqué («You are Diogenes, Diogenes in disguise. I say — Diogenes mas-querading as a cosmopolitan» [184]) s’engage par écrit à dédommager le bar-bier au cas où il aurait affaire à des clients peu scrupuleux pourvu qu’il retiresa pancarte dissuasive. L’accord est scellé. Sur quoi, le barbier réclame le ver-sement immédiat d’une somme à titre de caution. C’est alors que le cosmo-polite lui demande de lui prouver qu’il a été effectivement lésé. Ironie du sort,le sens de l’adjectif «certain» est incertain, une certaine perte n’est pas lamême chose qu’une perte certaine.

«Why, in this paper here, you engage, sir, to insure me against a certain loss, and —»«Certain? Is it so certain you are going to lose?»

MICHEL IMBERT

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«Why, that way of taking the word may not be amiss, but I didn’t mean it so. Imeant a certain loss ; you understand a CERTAIN loss ; that is to say a certainloss […]» (315)

L’équivoque ne tient pas à un simple jeu de mots mais à un tissu de para-logismes. Pour achever de le confondre, le cosmopolite sommé de s’acquitter dela caution en vertu de l’accord signé rétorque qu’il serait contradictoire de ne pasfaire confiance ayant souscrit au pacte («I won’t let you violate the inmost spi-rit of our contract, that way [...] I shan’t pay you at present. Look at your agree-ment; you must trust» [316]). Étant donné un seul et même contrat («it holdingtrue» [316], selon la formule consacrée), deux interprétations contradictoirespeuvent en être données. Le dialogue de sourds n’est pas sans rappeler confusé-ment par ses apories le paradoxe du menteur compliqué par le paradoxe du bar-bier qui en est une variante, résumés ainsi par Alexandre Koyré:

Épiménide le Crétois dit : tous les Crétois sont menteurs. Or, Épiménide est lui-même un Crétois ; il est donc, lui aussi, un menteur : aussi son assertion est-ellefausse.  Par conséquent, les Crétois ne sont nullement des menteurs ; d’où ils’ensuit qu’Épiménide n’en est pas un non plus. Il n’a donc pas menti, mais ditla vérité. Par conséquent… (Koyré 7)

Le barbier qui rase tous les hommes qui ne se rasent pas eux-mêmes se trouvedans la situation embarrassante de ne pouvoir ni se raser, puisqu’il ne rase queceux qui ne se rasent pas eux-mêmes – ni ne pas se raser, puisqu’il rase tousceux qui eux-mêmes, ne se rasent pas. (Koyré 23)

Le langage n’est jamais le gage de la vérité mais un jeu verbal à des finsdouteuses, toute conversation recélant en puissance une malversation. Le textemet en lumière le flottement sémantique des termes qui tient à l’inflexion d’unevoix; le mendiant noir prononce valuable «walloable» (mot valise télescopantwallow, allowable et valuable), «worthy» devient «wordy» («well wordy ofall you kind ge’mmen’s kind confidence» [Melville, The Confidence-Man15]). Ainsi le mot «press» est-il source de malentendu: l’interlocuteur duCosmopolite qui se fait appeler Frank et le lecteur, témoin de leur dialogue nepeuvent être que surpris par l’éloge de la presse entendue non pas au sens de lapresse écrite, des journaux, mais de pressoir à vin :

In fine, these sour sages regard the press in the light of a Colt’s revolver, pledgedto no cause but his in whose chance it may be ; deeming the one invention animprovement upon the pen, much akin to what the other is upon the pistol ;involving, along with the multiplication of the barrel, no consecration of theaim. The term « freedom of the press» they consider on a par with freedom ofColt’s revolver. (Melville, The Confidence-Man 221)

Ce malentendu (ainsi le jeu de mots sur «barrel» au double sens de baril/barillet) prend toute sa saveur à la lumière de l’aphorisme «In vino veritas» (87).

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Adage que l’on trouve déjà dans Le Banquet («le vin, mon enfant, c’est lavérité», §217), où l’on notera que «vérité» a surtout le sens de «sincérité»puisque le vin, proverbialement, délie les langues. Après tout, bien qu’il n’aitaucun rapport avec la liberté de la presse, le pressoir à vin donne bel et bien l’im-pression de la vérité. Les dialogues des chapitres distincts, tels des vases com-municants, se font écho: «Can wine or confidence percolate into the cold caveof truth? Truth will not be comforted» (Melville, The Confidence-Man 87) sedemandait un personnage paradoxalement dégrisé et désillusionné par l’alcool,au point de se contredire. «If in vino veritas be a true saying, then, for all the con-fidence you professed with me, just now, distrust, very deep distrust underlies it»(87). À moins qu’il ne faille redessiner la carte des concepts, cesser d’amalgamervin, devins et vérité, et procéder à une nouvelle répartition: si le vin (forcémentfrelaté), la triste vérité et le franc parler («plain truth» [263]; «Plain Talk» [293])vont de pair et s’ils ont pour contrepartie une vision lucide mais désenchantée dela réalité, alors, par définition, ils doivent se dissocier de la cordialité, de la convi-vialité et de l’amour du prochain qui s’en distinguent radicalement. «But if winebe false, while men are true, whither shall fly geniality!» (216). C’est pourquoile cosmopolite propose une nouvelle redistribution, une division du travail quifait songer aux ratiocinations d’un Adam Smith en état d’ébriété: «“Well, this allalong seems a division of labor”, smiled the cosmopolitan. I do all the drinkingand you do about all the genial» (238). Pascal, peu enclin à l’ivresse, en conclu-rait sans doute: «Trop et trop peu de vin: ne lui en donnez pas, il ne peut trou-ver la vérité; donnez-lui en trop, de même» (Pascal 72).

Au dernier chapitre du roman, dans une cabine obscure du Fidèle,l’étrange voyageur cosmopolite qui pourrait être le fameux escroc recherchéfait fugitivement entrevoir à un vieil homme, au soir de sa vie, à l’heure devérité, que ce qu’il tient pour des certitudes pourrait n’être que de pieux men-songes ou des contre-vérités, à vrai dire, insondables. Du reste, faut-ilentendre dans cette formule d’usage, l’heure de vérité ou leurre de vérité ?«Leur» sens peut-il être arrêté au demeurant ? La fin du récit qui n’en est pasune comme le suggère la toute dernière phrase («Something further may fol-low of this masquerade» [Melville, The Confidence-Man 336]), surviententre chien et loup, vers minuit qui coïncide trompeusement avec midi, dit lejuste, sur le cadran des horloges. Cette superposition troublante ne manquepas d’ébranler Pierre dans Pierre ; or, The Ambiguities.

Now in an artificial world like ours, the soul of man is further removed from itsGod and the Heavenly Truth, than the chronometer carried to China, is fromGreenwich. And as that chronometer, if at all accurate, will pronounce it to be 12o’clock high-noon, when the China local watches say, perhaps, it is 12 o’clockmidnight, so the chronometric soul, if in this world true to its great Greenwich inthe other, will always, in its so-called intuitions of right and wrong, be contra-dicting the mere local stands and watch-maker’s brains of this earth.

MICHEL IMBERT

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[...] And yet it follows not from this, that God’s truth is one thing and man’s truthanother ; but — as above hinted, and as will be further elucidated in subsequentlectures — by their very contradictions they are made to correspond.

(Melville, Pierre 250-251)

Si le Messie revenait effectivement «comme un voleur», «as a thief in thenight» (1 Thessalonians 5:2), errant inconnu parmi les hommes, au moment oùon n’y penserait pas, conformément aux Écritures ( Matthew 24:43, Revelations3:3), ce ne serait ni à minuit, ni à midi tapante(s) mais en eaux troubles, dansl’intervalle incertain où vérité et mensonge, apocalypse et travestissement,lumière et ténèbres, clairvoyance et bêtise s’entremêlent et échangent leur pré-dicat, éventuellement sous le masque d’un escroc mystifiant son prochain poursa gouverne et pour le bien de l’humanité («at once enlightening and mysti-fying» [Melville, The Confidence-Man 229]). L’heure de vérité se situe versminuit, ce seuil incertain du jour au lendemain. La formule d’Emily Dickinson,«Good Morning, Midnight» (poème 425) prend ici une coloration particulière-ment équivoque dans le contexte singulier de ces rencontres entre inconnussituées le jour du Mardi Gras, à l’aube d’un jour nouveau.

Contrairement au «Dieu de vérité» (Psalms 31:6) de l’Ancien Testament,le christianisme n’exclut pas radicalement la possibilité d’un Dieu trompeur, unimposteur de première, un vrai de vrai, qui incarnerait en personne le paradoxedu comédien redoublé par celui du menteur. Le roman met en scène cetteincroyable possibilité. L’avènement du Sauveur accomplissant la promesse duDieu caché impliquerait dans ce cas l’infidélité des représentations à la réalité,le contraire de la correspondance entre la pensée et l’être qui est la définitioncouramment admise de la vérité. Le don du Dieu du Nouveau Testament n’ad-vient qu’au prix d’un travestissement. Dieu ne fait don de sa personne, il ne sedonne à voir qu’en se donnant pour son contraire, en faisant passer sa toute-puis-sance pour l’impuissance du Crucifié, en se donnant pour un sauveur qui sur-vient entre chien et loup, comme un voleur. Le christianisme postule que le Dieucaché de l’Ancien Testament, le Deus Absconditus du livre d’Isaïe («Verily thouart a god that hidest thyself» [Isaiah 45:15]) se manifeste sous les traits de sonFils («For ye are dead and your life is hid with Christ in God» [Colossians 3:3]).La foi chrétienne repose sur un mystère inintelligible parce que l’Être suprêmeest le tout-puissant sans l’être, comme l’a souligné Jean-Luc Marion. Il n’ad-vient qu’à se donner pour ce qu’il n’est pas. Poussant la logique de cette doc-trine peut-être jusqu’à l’absurde, Melville imagine moins un escroc sous lemasque du Messie qu’un Sauveur réincarné en personnage équivoque car «il estun Dieu véritablement caché» (Pascal, Pensée 260). «Nemo contra Deum, nisiDeus ipso» (Melville, Pierre 20) selon la formule de Pierre empruntée au Poésieet vérité de Goethe et commentée par Sacvan Bercovitch (Bercovitch 298) dansl’article qu’il consacre à Pierre; or, The Ambiguities. Le Dieu potentiellement

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trompeur selon Melville démentirait le principe d’identité et de non-contradic-tion et serait la figure de tout sujet sans prédicat stable. à l’instar de cette ano-malie du règne animal, l’ornithorynque («the duck-beaked beaver of Australia»[Melville, The Confidence-Man 90]) qui défie les classifications courantes. Lafiction de Melville donne à réfléchir sur une vérité qui serait moins une véritédéfinie par sa cohérence logique interne et par sa correspondance constante à unétat de fait qu’une vérité-dévoilement virtuellement inconcevable tant le proces-sus qu’entraîne le passage du plan divin à sa manifestation ici-bas implique deretournements paradoxaux au fil du temps.

Le navire porte le nom potentiellement trompeur de Fidèle puisqu’ilconnote, outre la vertu cardinale de la fidélité ou la véracité d’une représentation«fidèle», le nom d’un personnage de théâtre qui apparaît dans Cymbeline deShakespeare. Ce microcosme de l’univers contemporain du marché perçucomme un monde des métamorphoses est une nouvelle nef des fous où lesacteurs de l’histoire qui ne se connaissent pas jouent leur vie dans tous les sensdu terme (impersonate/gamble). Forcément «embarqués», selon le mot dePascal (Pensée 680), et tributaires de leurs croyances, ils en sont réduits à fairefonds et à spéculer au propre comme au figuré sur la sacrosainte vérité, suppo-sée capitale, peut-être purement fictive. Le personnage dénommé «le cosmopo-lite», si douteux soit-il, est le type même de l’illusionniste démiurgique qui, defaçon salutaire, met en lumière la théâtralité de la scène contemporaine à lamanière d’un éclairage artificiel («like a revolving Drummond light» [Melville,The Confidence-Man 318]) comme en utilisait à l’époque Barnum dans sonAmerican Museum, tout en simulant de façon factice le Fiat Lux du Créateur(«an effect, in its way, akin to that which in Genesis attends upon the beginningof things» [318]). Comme pour semer le doute et brouiller la ligne de partageentre fiction et réalité, ce roman-feuilleton qui met en scène en plein mardi grasune série d’arnaques dont on ne saurait dire si elles sont réelles ou imaginairesfut publié précisément le 1er avril 1857. Cette «métalepse» (au sens large queGérard Genette donne à cette figure) n’est qu’un exemple parmi d’autres de l’in-détermination du cadre du récit qui télescope les niveaux de la représentation etrend par avance caduc le critère de la suppression graduelle des guillemets,l’équation raisonnée du discours véridique et du réel en vertu de leur correspon-dance intrinsèque. Ce processus de réduction progressive du langage à sa réfé-rence est considéré comme la condition requise pour établir la validité d’uneproposition, sa «véridicité» selon des logiciens modernes comme Quine:

There is some underlying validity to the correspondence theory of truth, as Tarski hastaught us. Instead of saying that «Snow is white» is true if and only if it is a fact thatsnow is white, we can simply delete «it is a fact that» as vacuous, and therewith factsthemselves: «Snow is whtite» if and only if snow is white. To ascribe truth to the sen-tence is to ascribe whiteness to snow; such is the correspondence in this example.Ascription of truth just cancels the quotation marks. Truth is disquotation.

(Quine 80)

MICHEL IMBERT

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La question de savoir où commence et où s’arrête la fiction et celle,connexe, de savoir quand ouvrir ou fermer les guillemets, à supposer que l’onpuisse déterminer la source autorisée des discours rapportés, se posent assuré-ment lorsque le personnage qui se donne pour le cosmopolite, alias FrankGoodman, met abruptement un terme au jeu de rôles avec le soi-disant disciplede Mark Winsome, Egbert, qui s’était mis dans la peau d’un autre personnagequi venait de quitter la scène, le dénommé Charlie Noble, alias The Missourian:«With these words and a grand scorn, the cosmopolitan turned on his heel, lea-ving his companion at a loss to determine where exactly the fictitious characterhad been dropped, and the real one, if any, resumed» (Melville, The Confidence-Man 296). De même que, de rebondissement en rebondissement, les positionsdes interlocuteurs qui conservent l’incognito ou se présentent sous une fausseidentité, se renversent et permutent au fil des dialogues, de même les frontièresdu récit, comprenant des pièces dans la pièce, s’estompent-elles à mesure que lerécit-cadre qui sert de référence s’abîme dans les sous-récits enchâssés commel’histoire de John Moredock ou celle de Charlemont et de China Aster. En défi-nitive, c’est uniquement par convention que l’on postule la «vérité vraie» au-delà de la comédie des faux-semblants ou qu’inversement, le lecteur consent àcroire à une simulation censément fictive («that willing suspension of disbelieffor the moment, which constitutes poetic faith», selon la célèbre formule deColeridge tirée de sa Biographia Literaria [ch. XIV]). À supposer que la poésiefasse foi au motif que la vérité dépasse la fiction («Truth is always strange;Stranger than fiction», Byron, Don Juan, canto 14, st.101), le parti pris littérairedu «mentir vrai» ou du simulacre utilisé à des fins heuristiques (Schaeffer 174-177) serait une ruse de la raison, histoire de savoir. Or, dans ce récit vertigineuxoù les dialogues sont un tissu d’arguments spécieux sans origine assignable,l’usage dévoyé de la raison ressemble à s’y méprendre à une histoire de ruse. Lerécit ne cesse de se mettre en abyme comme une fiction expérimentale qui auraitvaleur de vérité mais dont la véracité conditionnée par nos croyances resteraitpar définition indémontrable. Le souci logique de dire vrai est constammentdéjoué par le jeu insensé du langage. Symptomatiquement, le cosmopolite estfinalement décrit par le barbier comme un original: «Quite an original». Or cequi est censé être une appellation juste est juste une appellation puisque le sensd’«original» (en anglais) vacille entre le sens d’«originel» et celui d’«original»en français; il oscille entre l’origine qui sert de point de repère central et, tout aucontraire, l’excentricité absolue et, de même, «an» hésite entre deux valeursantithétiques, désignant tantôt un représentant d’un type, un élément indéfinid’une classe, tantôt un spécimen unique, absolument singulier, à moins qu’il nesoit précisément membre de la classe comprenant toutes les classes qui ne sontpas membres d’elles mêmes selon le paradoxe aporétique de Bertrand Russell.Quant à «quite», son sens est pour le moins ambigu si l’on se souvient qu’ildérive étymologiquement du français «quitte», comme pour nous affranchir

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absolument et définitivement du souci de vérité. Le narrateur achève de brouillerles pistes en rajoutant un commentaire métalinguistique fumeux: «In the endea-vour to show, if possible, the impropriety of the phrase, Quite an Original, asapplied by the barber’s friends, we have, at unawares, been led into a disserta-tion bordering upon the prosy, perhaps upon the smoky» (Melville, TheConfidence-Man 319). Melville multiplie les titres de chapitre qui, loin d’avoirune valeur tels des titres de propriété, semblent de toute évidence des tautologiesvides de sens comme l’ont souligné, entre autres, Peter Bellis (Bellis 185) etElizabeth Renke (Renke 80): «Worth the consideration of those to whom it mayprove worth considering» (Melville, The Confidence-Man 89); «Which maypass for whatever it may prove to be worth» (243). Melville laisse proliférer lestournures évasives et les mots à double sens, pas plus qu’il n’échappe à EdgarAllan Poe que «very» dans la phrase liminaire de «The Tell-Tale Heart» pro-vient étymologiquement du français «vrai», comme si tenter de proférer lavérité vous exposait à bégayer absurdement sans fin: «True, very, very true, ner-vous I am». Melville comme Poe font follement trembler la logique rationnelleconstamment balbutiante tant, à multiplier les hypothèses qui sont autant d’hy-pothèques (autre jeu de mots implicite dans ces histoires de prêt prétendumententre amis), l’esprit logique peine à s’acquitter de sa dette constitutive envers lelangage ordinaire dont il ne saurait faire totalement l’économie, tant les hypo-thèses, telles des hypothèques, s’échafaudent fondamentalement (hypo) sur unemprunt préalable à des présupposés linguistiques: «Why, that pardon, me isquibbling» (52); «You pun with ideas as another man may with words» (165).À la faveur d’une fiction piège, le narrateur collectionne les paradoxes et lessophismes qui vont à l’encontre des idées reçues, sans rien démentir formelle-ment, laissant ainsi le lecteur finalement perplexe:

So true is it that, while religion, contrary to the common notion, implies in cer-tain cases, a spirit of slow reserve as to assent, infidelity, which claims to despisecredulity, is sometimes swift to it.

(210)

Strange. that in a work of amusement this severe fidelity to real life should beexacted by anyone, who, by taking up such a work, sufficiently shows that he is notunwilling to drop real life and turn, for a time, to something different.

(242)

It is with fiction as with religion : it should present another world, and yet oneto which we feel the tie.

(243)

Whether that impression proved well founded or not does not appear.(316)

Le récit donne à penser que d’entrée de jeu l’on est condamné à spéculeren vain à force de parler pour ne rien dire. Le roman met délibérément en scènela mystification «filousophique» selon le mot de Jacques Lacan dans laquelleil donne nécessairement, à son insu, plus qu’il ne le pense ou ne saurait le dire.

MICHEL IMBERT

22 N° 133 3e TRIMESTRE 2012

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L’HEURE DE VÉRITÉ DANS THE CONFIDENCE-MAN D’HERMAN MELVILLE

REVUE FRANÇAISE D’ÉTUDES AMÉRICAINES 23

MICHEL IMBERT est maître de conférences en littérature américaine à l’université Paris-DiderotParis 7. Il a consacré des articles à la littérature américaine du XIXe siècle et du tournant duXXe siècle (Melville, Hawthorne, Emerson, Thoreau, Twain, Dreiser, Gilman, Henry James, HenryAdams et W.E.B. DuBois).

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OUVRAGES CITÉS

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