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FASCICULE en hommage au Professcur Macheboeuf

Michel Machebœuf (1900–1953)

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FASCICULE

en h o m m a g e au

Professcur Macheboeuf

Michel MACHEB(EUF (1900-1953)

Vingt ans ont passd depuis la mort de Michel Macheboeuf. Vingt ans, c'est-gt-dire une g~n~ration. C'est ~ ses ]ruits qu'on peut appr~cier la ]~conditO d' un arbre. Et cet arbre a eu tant de branches qu'il serait dif[icile d'en mesurer aujourd'hui la produc- tion scientifique totale. Si on devait le comparer

un arbre Macheboeul nous ferait penser ?l un chOne, par son envergure, sa soliditd, ses profondes racines et ses branches ~tendues et protectrices, et m~me par sa fin brutale, abattu en pleine vigueur par un cancer foudroyant.

II y a vingt ans, beaucoup parmi ses dlOves et ses colldgues, fort dmu~ de son d@art premature, ont rddigd sur lui et sur son service des notices retra¢ant sa vie, sa carri&e, louant ses qualitds humaines, rappelant ses dons exceptionnels et rdsumant ses travaux biochimiques. C'est comme Pro]esseur de Biochimie M~dicale ?l Bordeaux de 1937 ~ 1942 puis Chef de Service d l'lnstitut Pas- teur et Professeur de Facult~ des Sciences de Paris, qu'il put exercer ses capacit~s trOs remarquables d'enseignant et d'animateur. C'est dans ces deux centres qu'il accomplit son oeuvre et qu'il consti- tua des Yquipes de chercheurs qui ont dt~ form~es par lui et qui se sont ensuite d~velopp~es et mul- tipli~es.

Un des premiers devoirs d'un enseignant de Bio- chimie est de rendre attrayante la discipline qu'il enseigne et d'~veiller chez les jeunes le goCtt pour la biochimie. Combien de gdn~rations d'~tudiants ont dtd conqui~es par le talent de con]&encier de Michel Macheboeuf qui savait presenter la science de 1a¢on vivante et passionnante et qui mettait l'accent sur tout ce qui ~tait nouveau, sur les pro- blOmes pos~s et non encore r~solus, et sur les ddcouvertes les plu~ enthousiasmantes de l'actua- litd. Il attirait ainsi les ~lOves vers la recherche et nombreux sont ceux qui lui doivent actuellement leur vocation dans la recherche fondamentale ou appliqu~e. Parmi ses ~ldves et anciens collabora- teurs, on compte une pl~iade de Professeurs de Facult~ de M~decine ou de Sciences, des Direc- teurs et Maitres de recherches au C.N.R.S., ?t l'lns- titut Pasteur ou dans l'industrie.

Voici la liste de tous ceux qui ont publi6 avec M. Macheboeuf, sans compter ses Maitres R. Guillain, G. Laroehe, G. Bertrand et P. et S. S~rensen:

R. Allouf O, Lecomte E. Barbu P. Le Mehaute M. Bardach P. L6pine J. et J. Basset M. Le Saget V. M. Battut J. Lessiau M. Beljanski G. Levy H. Berger M. Lisbonne J. Billette C. Magis S. Bjornholm R. Mandoul J. Blass P. Manil S. Bonfils E. Marchoux A. Bonnefoi M. Marie J. Bonville A. Monnier F. Boyer G. Montezin E. Bricas R. Munier M. Brunerie S. Nicolau M. Cachin C. Ninni H. Cassagne G. Nunez R, Cerf F. Pasquier M. Chambaz J. Perez M. Champagne R. Perrimond-Trouchet H. et R. Cheftel M . L . Pigeaud N. Cherrier J. Polonovski V. Chorine A. Pr6vot G. Cohen A. Rakoto-Ratsimamanga J. Coursaget U. Rambeck M. Dechaume M, Raynaud J. Delsal P. Rebeyrotte D. G. Dervichian G, Renoux A. Desassis B. Robert J. Dieryck D. Robert L. Dizerbo A. Rouhi J. M. Dubert B. Ryback J. Duboy S. Rydel M. Faure G. Sandor N. Fethke D. Santenoise M. Ganzin E. Sanz E. Gavrilesco P. Slizewicz A. Gay P. Springell J. Giuntini E. Stankoff A. Giroud R. Stoop P. Grabar S .S . Sung A. Grat ia G . P . Talwar J. Gr6goire P. Tcherniekofsky F. Gros F. Tayeau P. Gros M . L . Thuillot F. Grumbach H. Vanaud R. Hellot P. Vignais M. Janiszkiewicz G. Viollier S. Jeulin M, Viscontini N. Kent R. Wahl P. Lacaille E. et E. Wollman C. Latterrade G. Zwilling

La fdconditd d'un enseignant ne se mesure pas seulement au nombre et ~ la qualit~ de ses ~ldves. Elle est aussi fonction de la clairvoyance, de l'intel- ligence proJonde des phdnomdnes d dtudier et du jugement qui oriente les voies de recherche. A c e

196 J. Polonovsk i .

titre, Michel Macheboeuf rut un maitre qui a su discerner les grands axes de la biochimie moderne et y engager ses travaux et ceux de son dquipe de maniOre trks fructueuse, prdparant ainsi le mieux possible la gdndration suivante. Alors que trop de chefs d'dquipe se contentent de labourer des ter- rains de recherche dd]& ddfrich~s, ou d'exploiter des ]ilons d'intdr~t secondaire en mettant hien sou- vent des oeillbres ~ leurs collaborateurs, Michel Macheboeuf au contraire s'attaquait aux problbmes les plus vastes et les plus neufs et laissait ~ ses glbves une trOs grande libert~ pour mener leur tra- vail de recherche. C'est ainsi que simultandment on pouvait voir dans son laboratoire une dquipe s'in- t6resser ?t la physicochhnie des protHnes et de leur ddnaturation, une #quipe orientde vers le mode d'action des antibiotiques, une autre sur les mdthodes de fractionnement et d'analyse des aminoacide~ et des amines biologiques, une autre sur le mdtabolisme des anticorps, une autre sur les lipides et les cdnapses lipoprotdiniques du sdrum, une autre sur l'effet des hautes pressions sur les protdines, les enzymes et les acide~ nucldiques, et d' autres encore.

La premiOre voie de recherche dans laquelle Michel Macheboeuf s'engagea, et dans laquelle il dirigea ensuite ses dlOves, sera vraisemblablement la seule dont la postdritd se souviendra et pour laquelle son nom restera dans l'histoire de la Bio- chimie : c'est la dgcouverte des cdnapses, associa- tions mol#culaires par liaisons non covalentielles dans lesquelles les protgines sont impliqudes. Cette notion qui est l'une des plus fondamenta!es de la biochimie, Macheboeuf la tira de son gtude de l'dtat des lipides dans le sdrum sanguin. `4 yant isold un ~difice lipoprotginique du sdrum de cheval, ddi[ice parfaitement soluble dans l'eau malgrd l'insolubilitd des constituants s6pards, il comprit l'importance biologique de cette propridt6 des protdines et il orienta l'essentiel de ses travaux vers l'dtude des protdines, ~ u n e dpoque oh on ne disposait encore d'aucune des techniques modernes de fractionne- ment, d'analyse, d'dtude de structure ou de mar- quage isotopique. Son ingdniositd et son got)t pour les raises au point technique~ expliquent qu'il ait d6veloppd les recherches de son laboratoire vers les mdthodes d'analyse : chromatographic, dlectropho- rose, incorporation d'aminoacides marquds. Quel qu'ait pu ~tre l'intdr~t thdorique ou pratique de ses dtudes sur l'6lectrorh~ophorbse ou sur l'dlectropho- rOse-convection, cet aspect de son oeuvre aura eu surtout pour r6sultat de former ses dlOves gt la mgthodologie biochimique et ~ l e s prdparer gt leur m~tier de biochimiste.

La notion de lipoprotdine, association (cdnapse) spdcifique de lipides et de protgines reste au con-

traire ~ l'origine de travaux innombrables que Michel Macheboeuf aura ainsi contribud ~ semer. l l ne s'est d'ailleurs pas contentd de semer puis- qu'une partie de ses travaux a eu pour objet la dissociabilit~ de ces cdnapses, la ddlipidation totale ou partielle par les solvants organiques non mis- cibles ~ l'eau et les conditions du passage des lipides dans l'dther. Ses recherches sur l'effet des substances arnphipathiques i' amenbrent ~ la th~orie de l'icelomorphisme, selon laquelle un constituant d'une cdnapse peut ~tre ddplacd par un analogue structural qui a une 1orme moldculaire presque identique au constituant ~ d~placer. Cette notion dont on peut lui attribuer la paternitd a de mul- tiples applications fondamentales en enzymologie par exemple ou en immunologic dans l'utilisation d'haptOnes analogues aux antigOnes naturels.

Depuis 1953 nos connaissances sur les lipopro- tdines plasmatiques ont [ait d'immenses progrOs, lids essentiellement aux ddveloppements des mdthodes d'dtude des protdines. .4 c6td des cher- cheurs franfais plusieurs gquipes dtrangdres, et surtout amdricaines ont rivalisd pour dlucider la muItiplicitd des tipoprotdines, leur structure et leur mdtabolisme, rant chez l 'homme que chez les prin- cipaux animaux de laboratoire. Vingt ans n'ont pas suffi aux biochimistes pour dpuiser l'dtude de ces cdnapses. A u contraire les chercheurs n' ont abouti, comme c'est le cas pour toutes les ddcouvertes fon- damentales, qu'~ multiplier les voies ~ explorer. Paradoxalement les lipoprotdines du cheval qui ont dtg les premibres isolges par Macheboeuf en 1928 sont celles qui sont les moins explordes parmi les lipoprot6ines circulantes des principales espbces animales domestiques.

Le tableau ci-contre permet de comparer l'dtat de nos connaissances sur les lipoprotdines plasma- tiques humaines ~ l'dpoque de la mort de Mache- boeuf ~ leur gtat actuel.

A l'dpoque de Macheboeuf on ne pouvait pas encore identifier les diffdrentes moldcules protdi- niques constituant les lipoprotdines. Aujourd'hui les chromatographies sur colonnes, les dlectro- phorbses en gel de polyacrylamide, les immuno- dlectrophorOses, les analyses de sdquences pepti- diques ont permis d'identi]ier les principales cha~nes d'apolipoprotdines, chez l 'homme surtout et aussi chez le rat. Les apolipoprotdines .4 sont plus spdcialement caractdristiques des ~-lipopro- tHnes ou des H D L (lipoprotdines de haute densitd 1,063 < d < 1,210) ; les apolipoprotdines B sont caractdristiques des ~-lipoprotdines, spgcialement des LDL~ (lipoprotdines de basse densitd 1,019 < d < 1,063), des LDL1 (1,006 < d < 1,019) mais aussi des V L D L (lipoprotdines de trOs basse den-

Michel Macheboeuf . 197

Etat des connaissances sur les lipoprot~ines plasmatiques humaines.

1953

2 groupes de lipoprot~ines (1941) srpar~es par 61ectrophor&e (1952) ou par pr&ipitat ion (1950) : ct et [5 LP

3 sous-groupes de 13 LP srparres par ultracentrifu- gation (1951)

S~ 20-400 S~ 12- 20 S~ 0- 12

3 sous-groupes de ~t LP srparres par ultracentrifu- gation

HDL 1 HDL 2 HDL 3

Aucune structure connue

Variations physiopathologiques grossi~res de l'en- semb]e des sous-groupes

1973

VLDL : Apo C + Apo B + (Apo A) + (Apo D) LDLL Sf 12-20: Apo B principalement + Apo A + Apo C L D L S, 0-12: Apo B H D L : Apo A principalement + Apo C + (Apo D)

Apo A : A-Gln (Thr) 1 A-Gin

Apo B : B-Ser 4 a u t r e s c h a i n e s m i n e u r e s

Apo C : C-Ser C-G lu C-X riche en Arg C-Ala 1 C-Ala 2

Apo D : D-X C o n n a i s s a n c e de c h a i n e s a l l o t y p i q u e s .

Structure spatiale &udide par les m&hodes physiques.

Sdquence connue des chalnes C - Ser C - Ala 1 et 2 A - G l n 2

Connaissance des &hanges m&aboliques des chaines d 'Apo C entre les lipoprotrines.

Etudes sur la rrgulation de la biosynth&e des fipoprotrines VLDL. i R61e physiologique connu des certaines cha~nes: li A - Gin (Thr) 1 - activateur de la l&ithine-cholest~rol-acyl- i transf~rase I A - Gin 2 - - sterol carrier protein

C Glu activateur de la lipoprot~ine-lipase.

i Connaissance des anomalies congrnitales portant sur les B - Ser A - Gin

sit~, riches en triglycdrides d < 1,006). Les apoli- poprot~ines C sont relativement caract~ristiques des VLDL, mais ~galement prOsentes dans les H D L et les LDLI. En/in les apolipoprot~ines D, en cours d'identification sont peut-~tre constitutives de certains Odifices lipoprot~iniques distincts des precedents et entre autres des lipoprotOines patho- logiques de cholostase (lipoprot~ine X).

La connaissance des cha~nes peptidiques qui constituent chacun de ces ~difices rend possible l'~tude de leur biosynthOse et celle des liens qui les unissent sp~cifiquement aux lipides.

Macheboeuf se trouve ainsi d l" origine de tousles travaux sur les lipoprotdines qui intdressent actuel- lement non seulement la biochimie fondamentale, mais aussi la physiologie et la pathologie du trans- port des lipides avec ses implications dans la pathologie de l'ath~roscl~rose et des st~atoses h~patiques.

A u domaine des lipoprot~ines plasmatiques s'est ajout~ celui des lipoprot~ines membranaires et intracellulaires dont l'Otude se d~veloppe intensive- ment dans de nombreux laboratoires : ad~nyl

cyclase, perm~ases, A TPases, enzymes de la cha~ne respiratoire mitochondriale, etc...

Dans les autres voies oft Machebaeu] avait orien- t~ ses dldves, les r~sultats n'ont commenc~ d appa- ra~tre que plusieurs armies aprbs sa mort : sur la biosynthOse des prot~ines et des anticorps il aura /allu les ddcouvertes des m R N A , t R N A ainsi que celle des structures des immunoglobulines, dans le domaine de l'enzymologie, l'isolement des pro- t~ines enzymatiques pures. Quant au mode d' action des antibiotiques il ne pouvait gu~re ~tre ~lucid~ avant que l'on connaisse mieux d'une part les mdcanismes du d~veloppement bact~rien, tant dans le mdtabolisme des acides nucl~iques et des pro- tdines, que dans celui des constituants pari£taux.

II n'est gudre possible de/a ire le point en 1973 de routes les voies de recherches abord~es par Machebaeu/, mais les communications r~unies dans ce volume repr~sentent l 'hommage qu'ont voulu rendre ses ~lOves gt leur maitre qu'ils n'oublient pas.

J a c q u e s POLONOVSKI.

P r o f e s s e u r ~ l a F a c u l t ~ d e M r d e c i n e d e P a r i s - S a i n t - A n t o i n e .