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Microbiote intestinal : un univers méconnu

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Page 1: Microbiote intestinal : un univers méconnu

2S22 Cah. Nutr. Diét., 42, Hors-série 2, 2007

le microbiote : un monde polymorphe aux fonctions multiples

Les micro-organismes qui nous entourent sont perçus le plus souvent commedes envahisseurs potentiels, néfastes et dangereux, contre lesquels il estimportant de lutter sans relâche. Cette perception négative des « germes »s’oppose à la reconnaissance de leur utilité pour l’environnement et l’indus-trie. Les rôles majeurs que jouent les micro-organismes qui colonisent notreorganisme et établissent une symbiose qui dure toute la vie sont égalementde mieux en mieux reconnus. Ainsi, le monde dans lequel nous vivons estavant tout un monde microbien. L’organisme humain et avant lui les animauxont coévolué à travers les millénaires avec les micro-organismes environnants,aboutissant à une adaptation mutuelle. Les micro-organismes qui colonisentles muqueuses (intestinale, buccale, vaginale...) et la peau sont ainsi importantspour le maintien de nombreuses fonctions essentielles de l’organisme. Lesbactéries du tube digestif conditionnent de nombreuses fonctions de l’hôtedont la réponse immunitaire. La colonisation par les micro-organismes quel’on dit commensaux est ainsi un élément clé du développement de l’immunitéinnée et adaptative [1-4]. Le microbiote joue également un rôle direct deprévention de la colonisation par des micro-organismes pathogènes [5-8]. Plusrécemment, le rôle du microbiote intestinal dans la régulation du stockagedes matières grasses a été démontré chez les souris [9].Nous allons ici retracer les grandes étapes de la mise en place d’un complexemicrobien majeur associé à l’organisme humain, le microbiote intestinal, etdonner une image actualisée de sa constitution et de sa stabilité à la lumièredes résultats acquis par sa réévaluation moléculaire récente.

MICROBIOTE INTESTINAL : UN UNIVERS MÉCONNU

Le microbiote : un monde polymorphe aux fonctions multiples

Marion Leclerc, Catherine Juste, Hervé Blottière et Joël Doré

Unité d’Ecologie et Physiologie du Système Digestif, INRA, Domaine de Vilvert,78352 Jouy-en-Josas cedex.

Comment l’organisme humain est-il colonisé ?

Tout contact entre le corps humain et un micro-organisme,qu’il vienne d’un aliment, de l’environnement, d’un autrehumain ou d’animaux, peut en principe conduire à lacolonisation.Le fœtus des mammifères évolue in utero dans un envi-ronnement stérile et la colonisation microbienne débutedurant le processus de la naissance. Les muqueusesvierges, digestive et respiratoire, et la peau constituent un

ensemble de niches écologiques très favorables à la colo-nisation microbienne. En l’absence des mécanismesimmunitaires sophistiqués de l’adulte, le tube digestif dunouveau-né est un environnement particulièrement per-missif où les niveaux de population atteignent rapidement1011 bactéries par grammes de selles. La colonisation suitnéanmoins un schéma relativement organisé, sous ladépendance de facteurs exogènes et endogènes. Lesfacteurs exogènes incluent l’exposition aux micro-orga-nismes d’origine maternelle (fécale, vaginale et cutanée) etenvironnementale, mais aussi l’alimentation et parfoisl’antibiothérapie, qui peut avoir des effets perturbateursmajeurs.Quelques études indiquent que le lait maternel pourraitêtre le vecteur de micro-organismes de la mère vers l’en-fant. Ainsi, même collecté aseptiquement le lait de femme

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n’est pas stérile [10]. Les bactéries qu’il contient peuventêtre transmises à l’enfant via le lait maternel [11]. Lesfacteurs endogènes incluent un ensemble de sécrétions dutube digestif, mais aussi de produits des premiers micro-organismes colonisateurs qui globalement conditionnentla physico-chimie du biotope. Les bactéries anaérobies quidominent le microbiote intestinal de l’adulte font partie despremiers microbes rencontrés lors d’une naissance parvoie basse. Elles ne se développeront cependant en domi-nance dans l’intestin que lorsque les anaérobies facultativesauront consommé l’oxygène présent. Des travaux récentschez l’animal indiquent que certaines espèces anaérobiescolonisant modifient leur métabolisme après le sevrage[12]. Ce premier relais d’espèces s’opère durant les heuresqui suivent la naissance. Des relations antagonistes gou-vernent ensuite progressivement le relais d’espèces en domi-nance conduisant vers l’âge de deux ans à un microbiotestable au plan fonctionnel [13]. Les bactéries anaérobiesdominent les bactéries anaérobies facultatives dans lecôlon distal et les selles par un facteur de 1 000 environ.L’hygiène qui entoure la naissance et les premiersmoments de la vie conditionne fortement la dynamique decolonisation. Il apparaît aujourd’hui clairement que lacolonisation par des espèces commensales habituellescomme Escherichia coli est retardée dans les pays indus-trialisés par rapport au passé (de quelques jours à 6 mois)et par rapport aux pays en voie de développement, appa-remment du fait des conditions d’hygiène appliquéesaujourd’hui [14,15]. Des bactéries habituellement asso-ciées à la peau (Staphylococcus sp.) apparaissent alorsdans la flore dominante précoce [16].Une naissance par césarienne s’accompagne égalementle plus souvent de l’acquisition retardée des groupes domi-nants usuels et de la présence plus fréquente de bactériesd’origine environnementale que dans le cas de naissancespar voie basse.

Certaines inconnues demeurent cependant dans le domainede la colonisation.• Il est très probable que le tube digestif offre une « fenêtrede permissivité » à la colonisation durant laquelle lesmicro-organismes rencontrés pourraient devenir unecomposante du microbiote dominant de l’adulte, mais ceconcept n’a pas été fermement validé et la durée pendantlaquelle l’écosystème resterait permissif et en cela fragilemais aussi potentiellement manipulable au bénéfice del’hôte, reste indéterminée.• Une étude ayant porté sur trois couples de jumeauxmonozygotes (vrais jumeaux) a montré qu’après l’âge de25 ans, ceux-ci avaient un microbiote intestinal étonnam-ment similaire [17]. Ceci suggère que le génotype de l’hôtepourrait jouer un rôle déterminant dans la mise en place dumicrobiote intestinal, mais le poids respectif de l’écologiemicrobienne (micro-organismes rencontrés) et du géno-type n’a pas encore été évalué de façon définitive.• Le lieu de naissance peut de nombreuses façons influencerla colonisation microbienne de l’intestin chez l’enfant. Lesétudes ont à ce jour porté sur des enfants d’un seul payset les comparaisons sont difficiles. Nous avons tout récem-ment montré qu’il existe un impact du pays de naissanceen Europe et qu’il existe notamment un gradient Nord-Sud tel que le microbiote fécal des enfants à 6 semainesde vie est plus fortement colonisé par Bifidobacteriumdans les pays du Nord (Suède, Écosse), alors que le genreBacteroides domine plus précocement une flore plusdiversifiée dans les pays du sud (Italie, Espagne).

• Le sevrage a également un impact majeur sur la dyna-mique de développement du microbiote intestinal. C’estun moment de perturbation majeure jusqu’à ce que lemicrobiote s’adapte à la dégradation des fibres alimen-taires qui arrivent intactes dans le côlon et sont une sourcede substrats fermentescibles. L’impact respectif des grandsmodes de sevrage appliqués sur la planète aujourd’hui n’apas été exploré de façon systématique.

Les grandes familles de bactéries constituantle microbiote intestinal humain

On estime aujourd’hui que le microbiote intestinal humain,dont la densité atteint son maximum dans le côlon distalavec 1011 bactéries par gramme de contenu, est composéde centaines d’espèces. Cependant la description exhaus-tive des espèces intestinales n’a pas été réalisée pour deuxraisons majeures.Tout d’abord, la caractérisation traditionnelle par la culturein vitro [18-20] est aujourd’hui délaissée dans la mesure oùelle ne permet de prendre en compte que 30 % environdes micro-organismes dénombrables par microscopie.Ensuite, l’utilisation d’outils moléculaires a montré que laplus grande partie (2/3 environ) des espèces dominantesobservées dans le microbiote fécal d’un individu lui sontpropres ; elles ne sont qu’exceptionnellement retrouvéesen dominance dans le microbiote fécal d’autres individus[21-23]. Ainsi, même si un nombre encore très limité d’in-dividus a été étudié, la diversité d’espèces bactériennescommensales de l’intestin humain, à l’échelle de la planète,apparaît immense.S’il semble que le microbiote intestinal dominant puisseconduire à la détermination d’une empreinte fécale essen-tiellement spécifique de l’individu, l’analyse de sa compo-sition en taxa (genres bactériens et/ou grands groupesphylogénétiques) fait ressortir l’existence de composantesrécurrentes, retrouvées chez tous les individus. Certains deces taxa sont connus depuis bien longtemps et représen-tés par de nombreuses espèces bactériennes en collectionde souches ; d’autres n’ont été mis en évidence querécemment grâce à des approches moléculaires et sontparfois totalement dépourvus de souches représentativescultivées à ce jour. Les genres bactériens dominants de lamicroflore fécale cultivable de l’adulte sont Bacteroides,Eubacterium, Ruminococcus, Clostridium et Bifido-bacterium [18, 20]. La prise en compte des micro-orga-nismes non cultivés a permis d’affiner cette vision et del’inscrire dans un cadre phylogénétique, plaçant les micro-organismes en fonction de leurs relations dans l’évolution.Trois phylabactériens, Firmicutes, Bacteroidetes etActinobacteria rassemblent la plus grande part des bac-téries fécales dominantes. Le phylum des Firmicutes (bac-téries à Gram positif) est toujours fortement représenté. Ilcomprend tout d’abord le groupe dit « Eubacterium rec-tale - Clostridium coccoides » qui est souvent le plusimportant (14 à 31 % des bactéries totales en moyennesuivant les études) [24-28]. Il comprend des espèces bac-tériennes appartenant aux genres Eubacterium,Clostridium, Ruminococcus, Butyruvibrio. Le Phylumdes Firmicutes comprend également le groupe« Clostridium leptum », avec notamment les espècesFaecalibacterium prausnitzii, Ruminococcus albus etR. flavefaciens, groupe qui est aussi très souvent dans ladominance (16 à 22 % en moyenne) [26, 29]. LesBacteroidetes sont représentés par les genres apparentés

probiotiques et santé

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à Bacteroides (Bacteroides, Prevotella et Porphyromo-nas). Ils sont toujours présents et partagent la dominanceavec les groupes précédents [9 à 42 % des bactériestotales en moyenne suivant les études]. Le Phylumactinobacteria est moins systématiquement détecté endominance, mais il représente en moyenne quelquespourcents des bactéries totales. On y trouve les bifidobac-téries [0,7 à 10 %] et les bactéries du groupe Collinsella-Atopobium (0,3 à 3,7 % en moyenne) [27, 30].Les entérobactéries sont plus rarement observées dans lamicroflore fécale dominante (en moyenne 0,4 à 1 %), demême que les lactobacilles et streptocoques (2 %) [25]. Ony trouve également, mais exceptionnellement, des espècesapparentées à Clostridium ramosum, Eubacteriumcylindroides, Phascolarctobacterium, Verrucomicrobiumou Sporomusa-Selenomonas-Veillonella.Si l’on reconnaît ainsi des caractéristiques très conservéesen termes de composition au niveau des Phyla et grandsgroupes phylogénétiques, au niveau des espèces, lacaractéristique principale semble être la présence denombreuses espèces sujet-spécifiques. Ceci laisse penserqu’il existe, au plan fonctionnel, une interchangea-bilité entre espèces et que les niveaux de résolutiondifférents apportent des informations totalement complé-mentaires.Enfin, les espèces observées ont le plus souvent une spéci-ficité humaine, et dans tous les cas, sont associées àl’environnement digestif de façon quasi exclusive. Ceciindique des phénomènes de coévolution avec l’hôte [31]que confirment des travaux récents d’association decomplexes microbiens entre espèces différentes [32].

Certaines inconnues demeurent cependant dans le domainede la composition et de la diversité du microbiote intestinalhumain.• Les progrès apportés par les approches moléculaires sesont limités à une réévaluation phylogénétique précise dumicrobiote dominant. Cela a conduit à deux limites majeures.Dans le microbiote fécal, cela a concerné les bactériesprésentes à des niveaux de population de 108 bactériespar gramme ou plus. Les connaissances sur le microbiotesous-dominant restent ainsi encore fragmentaires etessentiellement basées sur une caractérisation des bacté-ries cultivables. La PCR quantitative devrait dans l’avenirrenseigner sur cette composante qui peut jouer un rôleimportant dans les interactions entre micro-organismes(nutrition croisée et fourniture vitaminique).À quelques exceptions près, la phylogénie ne renseignepas l’écologiste microbien sur le rôle in situ des micro-organismes et le lien entre phylogénie et fonction reste àfaire.• La contribution du domaine archaea a été étudiée defaçon anecdotique. Ce groupe est présent dans le micro-biote fécal dominant de la moitié environ des adultes enpays occidentaux. Les raisons de cette dichotomie et l’im-pact général sur les équilibres globaux du microbiote intes-tinal restent à préciser.• L’approche moléculaire a permis d’avancer dans lareconnaissance et la caractérisation de micro-organismesdominants restés non cultivables jusqu’à ce jour. Néan-moins, l’aptitude à isoler les micro-organismes et à lescultiver reste une étape essentielle. Un effort est aujour-d’hui dédié spécifiquement au développement de procé-dures spécifiques pour tenter de cultiver davantage decomposantes d’environnements microbiens complexes telque l’intestin humain.

Dynamique et homéostasie de la flore intestinale

La colonisation microbienne permet à un micro-organismede persister et se multiplier dans une niche écologiquedonnée sans nécessiter de ré-inoculation. La dynamiquedu microbiote intestinal peut être considérée dans l’espace(entre individus ou entre compartiments intestinaux) etdans le temps (pour un individu donné).Le niveau de résolution choisi dans les analyses (phyla,groupes phylogénétiques, genres, espèces) a une incidencesur le degré de stabilité observé. La composition globalede la communauté microbienne intestinale dominanteapparaît conservée entre individus et stable dans le temps.La diversité des espèces dominantes semble remarquable-ment stable dans le temps pour un individu donné sur deséchelles de temps allant de quelques jours à plusieursannées [33, 34, 28], alors qu’une large fraction desespèces dominantes apparaît spécifique de l’individu.Quelques travaux ont montré qu’au niveau souche, lacommunauté présente une plus ou moins forte stabilité sui-vant l’individu considéré [35, 36]. Il est ainsi suspecté quela stabilité observée au niveau des groupes ou des espècesmasquerait un turnover important au niveau des souches.Il a également été observé que la diversité d’espèce ausein des groupes sous-dominants (ex. Lactobacillus) estmoins stable que celle des dominants (ex. Bacteroides)[34], et que la stabilité des communautés est plus grandeau niveau du côlon que de l’iléon.À l’échelle de l’individu, des modifications du microbiotepeuvent correspondre à des phénomènes concomitantsde colonisation et de pertes ; plus probablement, dans lamajeure partie des cas, il s’agira de relais en dominance,sous l’influence de facteurs induisant une modification desniches écologiques.Les facteurs pouvant avoir un impact sur la stabilité descommunautés microbiennes intestinales sont innombra-bles. Parmi ceux-ci, le temps de transit des contenus, lepH, les qualité et quantité des substrats exogènes et desmucines endogènes. Bien que les communautés micro-biennes intestinales semblent aptes à s’adapter aux évolu-tions de niches écologiques, il apparaît difficile d’induiredes modifications durables de populations établies.De très nombreuses observations traduisent ainsi l’aptitudede l’écosystème microbien intestinal à résister à la modifi-cation. L’apport d’une souche bactérienne allochtone tellequ’un probiotique ou d’un substrat exogène tel qu’unprébiotique conduit à une modification transitoire deséquilibres microbiens. Les prébiotiques qui représententun apport de substrat énergétique exogène favorisentspécifiquement certains groupes de micro-organismesanaérobies, mais n’affectent en général pas la composi-tion globale de l’écosystème. Même un stress majeur telqu’un traitement antibiotique est suivi d’un retour au profilinitial d’espèces dominantes au bout d’environ un mois[37]. Cette aptitude à revenir à l’équilibre initial après unstress, la résilience, suggère une adaptation très forte dumicrobiote à l’organe et même à l’hôte qui l’héberge. Celapeut être rapproché de l’observation que des jumeauxmonozygotes ont des microbiotes fécaux plus proches quene le sont ceux d’individus non apparentés, suggérant unimpact du génotype sur la structuration des populationsintestinales.La distribution spatiale du microbiote intestinal en fonc-tion du site digestif est très complexe à étudier ; elle sup-pose la collecte d’échantillons intra-intestinaux, ce qui

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passe par des méthodologies invasives, et la préservationdes relations topologiques entre bactéries et épithéliumpar exemple. Cela explique qu’il y ait encore quelquescontroverses sur ce sujet.Le microbiote luminal (occupant la cavité intestinale) a puêtre étudié de diverses façons et sa composition a étédéterminée. On sait ainsi que le microbiote du côlonproximal est différent du microbiote fécal dont la compo-sition ne représente correctement que les parties distalesde l’intestin [38]. Entre le côlon proximal et le côlon distal,les populations microbiennes augmentent de deux logspar gramme de contenu et la différence est uniquement lefait d’une augmentation des bactéries anaérobies strictes.La couche de mucus qui tapisse l’intestin constitue uneniche écologique particulière. Plusieurs études ont pumontrer que le complexe d’espèces qui colonise cetteniche est stable dans le temps, mais aussi et surtout,remarquablement stable de l’iléon au rectum pour un indi-vidu donné [39, 40]. Par contre, les espèces qui coloni-sent le mucus diffèrent des espèces luminales telles qu’onles observe dans les selles [23, 39].La possibilité pour les bactéries commensales d’adhéreraux cellules de l’épithélium intestinal n’a, par contre, pasencore été documentée de façon non équivoque. Quelquesévidences indirectes existent comme la présence de gènescodant pour des adhésines dans le génome de souchesd’E.coli capables de coloniser l’hôte plus durablement.Les adhésines pourraient cependant contribuer à la recon-naissance de sites dans le mucus ou sur des cellulesdesquamées. Quoiqu’il en soit, pour se maintenir dansl’écosystème, une souche doit se diviser au moins aussirapidement que sa descendance est éliminée de l’écosys-tème [41]. De ce fait l’adhésion à l’épithélium n’apparaîtpas comme une nécessité absolue, mais la reconnaissancede sites d’adhésion dans le mucus ou les contenus pour-rait contribuer au maintien de souches à croissance lente[6]. Si l’adhésion à l’épithélium ne semble pas une carac-téristique des bactéries commensales, cette propriété a étéassociée à des bactéries intestinales de patients atteints demaladies inflammatoires de l’intestin.

Certaines inconnues demeurent cependant concernantl’homéostasie du microbiote intestinal humain.• Les mécanismes déterminant la résistance et la résiliencedu microbiote intestinal sont inconnus.Stable ou variable : il est encore pertinent de se demanderà quel niveau phylogénétique et sur quelle période detemps le microbiote intestinal est-il stable.• Limites de la résilience : il est naturel de penser que lemicrobiote intestinal, comme tout écosystème microbiencomplexe, pourrait être irréversiblement perturbé par unstress. Les limites au-delà desquelles le microbiote intesti-nal humain perd son aptitude à retrouver son état d’équi-libre initial ne sont pas connues à ce jour.• La résistance et la résilience du microbiote intestinal auplan fonctionnel sont également inconnues.• Quel est le lien entre diversité taxonomique et diversitédes fonctions accomplies par les micro-organismes et enquoi la « quantité de diversité » assure-t-elle la résistancedes fonctions ?

Conclusion

L’application des outils de l’écologie moléculaire aumicrobiote intestinal a permis des avancées très impor-tantes dans la connaissance de cet écosystème du point de

vue de sa composition et de sa dynamique en termes dediversité d’espèces. Ces travaux se sont cependant baséssur l’utilisation du gène codant l’ARN ribosomal commemarqueur phylogénétique universel. Les fonctions desmicro-organismes dans leur environnement ont doncéchappé à l’investigation.Il est aujourd’hui possible de cloner et séquencer degrands fragments de génomes de micro-organismesfaisant partie d’un environnement microbien complexe etainsi d’accéder à leur potentiel fonctionnel global et àterme à leurs activités. C’est l’approche métagénomique àlaquelle s’adjoint progressivement une analyse globale desprotéines et des métabolites issus de l’activité du micro-biote. L’exploration fonctionnelle du microbiote intestinalest donc en marche suivant une approche globale quiouvre des perspectives tout aussi riches que celles qui ontpermis les avancées de la décennie passée.

Résumé

Le microbiote intestinal humain, dont la densité atteintson maximum dans le côlon distal avec 1011 bactériespar gramme de contenu, est composé de centainesd’espèces. Les études moléculaires du microbiote fécaldominant ont conduit à la description d’une diversitéd’espèces qui apparaît essentiellement spécifique del’individu sain. Cependant, l’analyse de sa composition entaxa (genres bactériens et/ou grands groupes phylogé-nétiques) fait ressortir l’existence de composantesrécurrentes, retrouvées chez tous les individus. Lesgroupes phylogénétiques dominants de la microflorefécale de l’adulte sont Firmicutes, Bacteroidetes etActinobacteria.Après une phase de colonisation lors des premiers moisde vie du nouveau-né, l’écosystème microbien intestinald’un adulte sain possède la capacité à résister aux pertur-bations extérieures, sans que les mécanismes sous-jacentsà cette homéostasie soient encore identifiés.

Mots-clés : Microbiote – Colonisation – Diversité micro-bienne – ADNr16S – Homéostasie.

AbstractHundreds of species compose the human intestinalmicrobiota, which reaches its highest density in the dis-tal part of the large bowel, with up to 1011 bacteria pergram of content. Molecular studies have demonstratedthat the species and sub-species diversity of the humanfecal microbiota tend to be specific to a given healthyindividual. However, when observed at taxa level, (bac-terial genus and/or major phylogenetic groups) its com-position appears similar among all healthy individuals.The dominant phylogenetic groups of human fecalmicrobiota are the Firmicutes, Bacteroidetes andActinobacteria.After the colonisation process, occurring during thefirst few months of infant life, the human intestinalmicrobiota of a healthy adult demonstrates the abilityto resist external perturbations. The mechanismsunderlying such homeostasis phenomenon are yet tobe characterised.

Key-words: Microbiota – Colonisation – Microbialdiversity – 16S rDNA – Homeostasis.

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probiotiques et santé

Cah. Nutr. Diét., 42, Hors-série 2, 2007 2S27