Presses Universitaires du Mirail

Les généalogies imaginaires, ancêtres, lignages et communautés idéales, (16ème-20ème siècle)by Pierre RAGONReview by: Michel BERTRANDCaravelle (1988-), No. 91, Migrants d'Amérique latine. Penser et vivre le retour (Décembre2008), pp. 268-270Published by: Presses Universitaires du MirailStable URL: http://www.jstor.org/stable/40854473 .

Accessed: 15/06/2014 12:06

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dans une perspective plus nettement anthropologique qu'historique, des pages fort suggestives aux festivités locales et à la religiosité, qui viennent heureusement compléter l'étude des évolutions économiques et sociales qui constitue l'objet essentiel de l'étude. Elles montrent comment celles-ci eurent, comme il est normal, une incidence sur l'ensemble des pratiques des diverses composantes de la société insulaire.

Ce livre, qui doit être replacé dans la série consacrée par l'auteur à l'ancienne Hispaniola du XVIIIe siècle, complète de manière très heureuse les études que l'on connaissait déjà sur cette île grâce à la précision du travail micro-régional qui montre bien les variations, voire les oppositions, existant entre les diverses partie de l'île. Il offre surtout un panorama général d'une région jusque-là marginalisée et oubliée dans l'Empire qui peu à peu, sous le triple effet des politiques nouvelles imposées par la métropole, des conditions générales de la nouvelle économie monde, et de la proximité problématique du Saint Domingue français de plus en plus florissant, a connu dans tous les domaines une série décisive de changements qui ont modifié de manière très sensible sa physionomie et ses équilibres, et l'ont fait sortir du marasme où elle avait végété un siècle et demi.

Pierre RAGON (Textes réunis par).- Les généalogies imaginaires, ancêtres, lignages et communautés idéales, (1 6ème-20ème siècle).- Mont-Saint- Aignan, Publications des Universités de Rouen et du Havre, 2007.- 236 p.

Bernard LAVALLÉ Université de Paris III

Sous un fort beau titre le volume regroupe 9 contributions provenant d'un colloque. La première des caractéristiques de l'ouvrage est de faire le pari de regrouper des textes que la pratique universitaire n'a pas l'habitude de voir côte à côte : modernistes et contemporanéistes d'abord, mais surtout des spécialistes d'espaces géographiques et de contextes historiques très divers. Avec ces textes on franchit des frontières qui font passer le lecteur de la France à l'Australie, en passant par l'Espagne, l'Amérique espagnole, la Nouvelle- Angle terre et les Philippines. C'est dire que l'ouvrage fait d'emblée le choix, courageux mais toujours difficile, du comparatisme, au risque parfois peut-être de soumettre à la comparaison des objets très éloignés.

L'ensemble de l'ouvrage s'organise en trois parties ayant chacune une forte cohérence en termes de problématique, l'ensemble étant placé sous l'invocation de la mémoire à travers le texte d'introduction signé par le coordinateur de l'ensemble. Les mémoires ici considérées sont plurales. Elles sont d'abord et très logiquement familiales et lignagères, avec toutefois un sens large octroyé à la notion de famille puisqu'elle s'applique aussi ici à une « famille spirituelle », à savoir un ordre religieux. Les mémoires prises ici comme objet d'étude sont aussi communautaires, en accordant encore à cette notion une acception particulièrement large. Sont en particulier incluses dans cette catégorie des communautés nationales - la France et l'Australie -, des communautés

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Comptes rendus 269

religieuses, qu'il s'agisse des Protestants français ou de Nouvelle-Angleterre ou encore de la communauté Morisque de Grenade, et enfin des communautés ethniques, notamment celle des Incas.

Dans cette ample moisson d'études de cas, le lecteur se guide au gré de ses intuitions et de ses intérêts. En ce sens, ont retenu davantage notre attention les textes regroupés dans la première partie. A travers l'étude du cas protestant, le texte de Yves Krumenacker se penche sur un sujet qui va bien au-delà de la communauté étudiée, et que l'on pourrait formuler en ces termes : comment s'invente une « mémoire » pour un mouvement qui choisit de faire sécession ? Dans le cas du protestantisme, la question était d'autant plus cruciale que ce schisme d'avec Rome le coupait de ce qui constituait alors la seule légitimation possible, à savoir la vénérable Antiquité. L'effort des théologiens réformateurs a donc été de montrer comment ladite Réforme plongeait en réalité ses racines dans cette Antiquité-là. C'est donc une reconstruction de l'imaginaire du protestantisme qu'entreprend l'auteur en insistant en particulier sur le XIXe siècle, période durant laquelle cette quête identitaire et mémorielle semble plus intense.

Pascale Girard choisit quant à elle de réfléchir sur l'existence de généalogies imaginaires dans un ordre religieux, à savoir ici les missionnaires franciscains du XVIe siècle aux Philippines. Ce questionnement l'amène à se poser la question de la construction idéologique des groupes sociaux au sein desquels les individus ne sont pas liés par des liens du sang. Or, dans la société dont sont issus ces missionnaires, les métaphores de l'organisation sociale font prioritairement référence à la structure familiale. Considérant de plus que ces missionnaires se trouvent, par définition, éloignés du lieu central de leur ordre, comment cet éloignement agit-il sur leur représentation de leur communauté d'appartenance ? La réponse se trouve précisément dans l'élaboration de « généalogies imaginaires », capables de créer une mémoire collective partagée par ses membres. C'est bien là l'une des fonctions de ces textes, par ailleurs bien connus des historiens américanistes coloniaux, que sont les chroniques des ordres religieux qui servent ici de matière à l'analyse. Sa conclusion est que ces généalogies imaginaires servent d'abord à masquer l'hétérogénéité du recrutement, en termes sociologiques s'entend.

Quant à Nadine Béligand, c'est à un autre aspect de la mémoire généalogique qu'elle s'attache. Partant du constat que dans le Mexique colonial l'obsession généalogique était un élément essentiel des pratiques sociales, tout spécialement chez les élites d'ascendance espagnole ou prétendue telle, elle choisit d'étudier l'usage de cette pratique parmi les caciques indiens. Elle analyse ainsi la fabrication de ces généalogies parmi les membres de la petite noblesse de la région de Toluca, ce qui l'amène à s'interroger sur la question de l'identité de leurs auteurs soucieux de « s'inventer », pour les raisons les plus diverses, une histoire et donc un passé. On peut donc admettre avec elle que ces généalogies imaginaires constituent tout à la fois des objets historiques et une élaboration mémorielle.

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Comme le souligne P. Ragon dans sa conclusion et comme l'illustre largement l'ensemble des autres contributions réunies, le discours généalogique contient des potentialités immenses. Il est d'abord l'occasion de proclamer sa fidélité, que celle-ci renvoie à un ancêtre que l'on se reconnaît comme commun ou à une communauté que l'on imagine regroupant et identifiant l'ensemble de ses membres. Il permet aussi d'affirmer la dignité des membres de ces communautés souvent mesurée en termes d'ancienneté d'existence du groupe d'appartenance, comme le montre ici l'étude des généalogies à fondement ethnique. Il permet enfin de souligner la puissance du groupe considéré en affirmant par principe que les valeurs attachées à l'ancêtre commun se perpétuent chez tous ses héritiers.

Avec de tels enjeux, on comprend que la généalogie ait pu engager chez ceux qui l'élaborent des « arrangements », non pas avec le ciel mais bien avec leur propre histoire. Grâce aux jeux subtils, en termes d'appartenance et donc d'exclusion, qu'elle permet de mobiliser, elle offre tout un nuancier de possibilités pour intégrer, et inévitablement pour exclure, en d'autres termes pour sélectionner dans la parenté les éléments que l'on veut retenir ou au contraire masquer. En ce sens, la généalogie, par définition « imaginaire », débouche aisément sur la falsification, à l'image de l'exemple morisque étudié dans l'ouvrage ou, à tout le moins sur l'élaboration mythique ou mythifiée des ancêtres.

Michel BERTRAND Université de Toulouse-le Mirail

Izaskun ALVAREZ CU ARTERO, Julio SANCHEZ GOMEZ (eds.).- Visiones y revisiones de la Independenáa americana. Lm Independenäa de América : la Constituáón de

Cádi^j las Constituciones Iberoamericanas.- Salamanca, Ediciones Universidad, 2007.- 245 p.

Cet ouvrage, l'une des premières contributions aux commémorations editoriales des Indépendances latino-américaines, affiche d'entrée son propos : sur un mode singulier - /Indépendance plus que les Indépendances - c'est F « armature » constitutionnelle du processus qui retient ici l'attention des coordinateurs de l'ouvrage. Fruit de réflexions et de débats - ce livre reprend en fait des communications présentées lors d'un colloque - il présente l'avantage d'éviter les redites difficilement contournables compte tenu du vivier jusqu'alors bien circonscrit de spécialistes de cette problématique.

Divers dans ses approches et ses formulations, il s'inscrit dans une suite de questionnements initiés dès l'année 1998, lors du centenaire des « transferts de souveraineté » de Cuba, Puerto Rico et des Philippines. La dimension comparatiste est donc extrêmement présente, aussi bien en ce qui concerne les chartes constitutionnelles examinées à cette occasion que les évolutions politiques qui ont présidé à leur élaboration puis à leur adoption. Les constitutions espagnole de 1812 et portugaise de 1820 constituent ainsi le point de départ d'analyses des idées et réformes libérales, de l'affirmation de l'idée de

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