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Federal Office for Migration FOM Migration en Mauritanie : Document thématique 2009 Migration irrégulière : état des lieux et défis de la gestion des flux de migrants irréguliers en Mauritanie Cee publicaon a été co-financée par l’Union européenne

Migration en Mauritanie : Document thématique 2009...Migration en Mauritanie : Document thématique 2009 3 Table des matières 1. Introduction 4 1.1. Causes de l’immigration irrégulière

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Federal Office for Migration FOM

Migration en Mauritanie :Document thématique 2009

Migration irrégulière : état des lieuxet défis de la gestion des flux de

migrants irréguliers en Mauritanie

17 route des Morillons, 1211 Genève 19 SuisseTél : + 41 22 717 91 11 • Télécopie : +41 22 798 61 50

Courrier électronique : [email protected] • Internet : http://www.iom.int

Cette publication a été co-financée par l’Union européenne

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Les opinions exprimées dans la présente publication sont celles des auteurs et ne reflètent pas les positions de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Les appellations utilisées et la présentation des données dans le rapport n’impliquent pas l’expression d’opinion de la part de l’OIM concernant des faits tels que statut légal, pays, territoire, ville ou zone particulière, ou à propos de leurs autorités, ou de leurs frontières ou confins. Toute omission et erreur reste de la seule responsabilité de l’auteur.

Ce rapport est un document de travail et, par conséquent, il ne se conforme pas nécessairement aux directives de style adoptées par l’OIM.

L’OIM croit fermement que les migrations organisées, s’effectuant dans des conditions décentes, profitent à la fois aux migrants et à la société tout entière. En tant qu’organisme intergouvernemental, l’OIM collabore avec ses partenaires au sein de la communauté internationale afin de résoudre les problèmes pratiques de la migration, de mieux faire comprendre les questions de migration, d’encourager le développement économique et social grâce à la migration, et de promouvoir le respect effectif de la dignité humaine et le bien-être des migrants.

Ce document a été produit avec le soutien financier de l’Union européenne, l’Office fédéral des migrations suisse (ODM) et la Coopération belge au développement. Les opinions exprimées ci-après sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Union européenne, de l’Office fédéral des migrations suisse (ODM) et de la Coopération belge au développement.

Editeur : Organisation internationale pour les migrations 17 route des Morillons 1211 Genève 19 Suisse Tél : + 41 22 717 91 11 Télécopie : +41 22 798 61 50 Courrier électronique : [email protected] Internet : http://www.iom.int

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© 2009 Organisation internationale pour les migrations (OIM)

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Tous droits réservés. Aucun élément du présent ouvrage ne peut être reproduit, archivé ou transmis par quelque moyen que ce soit – électronique, mécanique, photocopie, enregistrement ou autres – sans l’autorisation écrite et préalable de l’éditeur.

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Migration irrégulière : état des lieux et défis de la gestion des flux de migrants irréguliers en

Mauritanie

Préparé par

Haimoud Ramdan

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Avant-propos Grâce au soutien financier de l’Union européenne, l’Office fédéral des migrations suisse (ODM) et la Coopération  belge  au  développement,  l’OIM met  en œuvre  le  projet  « Migration  en  Afrique  de l’Ouest  et  centrale  :  profils  nationaux  pour  le  développement  de  politiques  stratégiques  »  dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et centrale (Côte d’Ivoire, Ghana, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, République démocratique du Congo et Sénégal), afin de promouvoir une approche politique de  la migration cohérente et dynamique, en appui à  la planification des politiques stratégiques au niveau national et régional.  Les profils migratoires nationaux sont un résultat fondamental de cette recherche et de ce projet de renforcement  des  capacités.  Ils  constitueront  un  outil  politique  utile  pour  suivre  les  tendances migratoires et identifier les domaines nécessitant des développements politiques subséquents. Mais, en  étant  principalement  un  outil  de  suivi,  les  profils  nationaux  fournissent  des  lignes  directrices limitées  au  type  de  politiques  pouvant  être  développées  dans  un  domaine  particulier  (i.e. méthodologies et approches politiques).  La série de documents thématiques traite cet aspect particulier en aidant les responsables politiques et  les  praticiens  à  définir  les  priorités  d’action  et  les  options  politiques  dans  les  domaines particulièrement pertinents dans le contexte politique national. Sous la direction et avec l’appui des groupes de  travail  techniques nationaux et  interministériels  (GTTN) ainsi que des  sous‐groupes de travail thématiques, établis dans chaque pays cible au cours du projet, trois documents thématiques ont été rédigés par des experts locaux pour chacun des pays concernés. Le but de ces documents est d’accroître les capacités de développement de politiques, par l’identification des bonnes pratiques et en évaluant  les perspectives de développement politiques  sur des éléments présentant un  intérêt particulier pour le gouvernement.    Abye Makonne                                                                 Frank Laczko Représentant régional                                                    Chef de la division recherche et publications Mission à fonctions régionales                                      Siège de l’OIM Dakar, Sénégal                                                                 Genève, Suisse

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Table des matières

1. Introduction  4 1.1. Causes de l’immigration irrégulière  5 1.2. Zone de transit migratoire  6 

 2. L’état des lieux de l’immigration clandestine  9 2.1. Manifestation de l’immigration clandestine  9 2.1.1.  La Mauritanie, nouvelle porte vers l’Europe ?  9 Des chiffres inquiétants  10 Un trafic en plein essor  10 

2.2. Les moyens de lutte contre l’immigration clandestine  11 2.2.1 Arsenal juridique inadapté  11 2.2.2. L’inefficacité de la police des frontières  13 

 3. La stratégie nationale de lutte contre la migration clandestine  16  4. Propositions visant à lutter contre l’immigration clandestine  18 4.1. Le péril social  18 4.2. Prévention de l’immigration irrégulière  18 4.2.1.  La maitrise de l’immigration irrégulière  19 4.2.2. Le renforcement du dispositif juridique et de surveillance des frontières  20 4.2.2.1. Le renforcement du dispositif juridique  20 4.2.2.2. Le renforcement de la surveillance du territoire  21 

4.3. Le partenariat international  23  5. Recommandations  25 5.1. Cadre normatif  25 5.2. Cadre politique  25 5.3. Cadre institutionnel  25 

 Références  27   

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1. Introduction Le droit international de la migration est l’ensemble des règles du droit international applicables à la migration  en  tant  que  branche  du  droit  international  public.  La  notion  de  migration  signifie  le déplacement d’une personne ou d’un groupe de personnes, soit entre pays, soit dans un pays entre deux  lieux  situés  sur  son  territoire.  Elle  englobe  tous  les  types  de  mouvements  de  population impliquant  un  changement  du  lieu  de  résidence  habituelle,  quelles  que  soient  leur  cause,  leur composition, leur durée, incluant ainsi notamment les mouvements des travailleurs, des réfugiés, des personnes déplacées ou déracinées.  

 L’émigration définit l’action de quitter son Etat de résidence pour s’installer dans un Etat étranger. Le droit  international reconnaît à chacun  le droit de quitter tout pays, y compris  le sien, et n’admet sa restriction que dans des circonstances exceptionnelles. Ce droit au départ ne s’accompagne d’aucun droit d’entrer sur le territoire d’un Etat autre que l’Etat d’origine. 

 La notion de clandestinité évoque la condition des migrants irréguliers contraints de vivre en marge de  la société.  Il y a migration clandestine soit en cas d’entrée  irrégulière sur  le territoire d’un Etat, soit en cas de maintien sur  le territoire d’un Etat au‐delà de  la durée de validité du titre de séjour, soit encore en cas de soustraction à l’exécution d’une mesure d’éloignement. La notion de migration clandestine recouvre l’immigration irrégulière, le séjour sans autorisation et l’exercice d’une activité professionnelle  sans  permis.  Dans  les  Etats  européens,  les  immigrés  clandestins  sont  souvent qualifiés de sans‐papiers. Cette notion est apparue en France dans les années 1970, pour remplacer les termes stigmatisants de «illégal», «clandestins».  

 L’immigration  est  l’action  de  se  rendre  dans  un  Etat  dont  on  ne  possède  pas  la  nationalité  avec l’intention  de  s’y  installer.  Au  niveau  international,  il  n’existe  pas  de  définition  universellement acceptée du terme «migrant».Ce terme s’applique habituellement  lorsque  la décision d’émigrer est prise  librement  par  l’individu  concerné,  pour  des  raisons  de  “convenance  personnelle”  et  sans intervention  d’un  facteur  contraignant  externe.  Ce  terme  s’applique  donc  à  des  personnes  se déplaçant vers un autre pays ou une autre région aux fins d’améliorer leurs conditions matérielles ou sociales, leurs perspectives d’avenir ou celles de leurs familles. 

 La crise économique mondiale s’est traduite par une polarisation des flux migratoires du Sud vers le Nord et plus particulièrement de  l’Afrique vers  l’Europe(1). D'après  le rapport du Secrétaire Général des  Nations  Unies  sur  les migrations  internationales  et  le  développement  de  2006(2),  le monde compterait  près  de  200  millions  de  migrants.  Un  tiers  environ  s’est    rendu  d'un  pays  en développement vers un autre et un autre tiers d'un pays en développement vers un pays développé. Cependant, le souci d’une immigration voulue et non pas subie(3) a amené l’Europe à vouloir réguler ces  flux  migratoires.  Aujourd'hui,  les  flux  de  migrations  sont  orientés  aussi  bien  des  pays  en 

1 Abdelhak  Janati‐Idrissi : «Dynamique et politique de gestion de  la migration  irrégulière», Premier atelier de dialogue national au sujet de la migration organisé par le Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération du Royaume du Maroc en collaboration avec le système des Nations Unies,  Rabat,  les 26 et 27 juillet 2006. 2 Rapport du Secrétaire Général sur  les migrations  internationales et  le développement, Nations Unies, 2006, p.2 et s. 3 Ce concept a été développé par le nouveau président français Nicolas Sarkozy, élu au mois de mai 2007, après son voyage au mois de juillet 2007 en Libye et au Gabon.

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développement vers  les pays développés que d'un pays en développement vers  l'autre(4). Les plus forts taux de population immigrée se trouvent dans les pays du Golfe Persique(5). 

1.1. Causes de l’immigration irrégulière

Pour  le  migrant,  l'émigration  peut  avoir  une  ou  plusieurs  raisons.  C’est  ainsi  qu’elle  peut  être professionnelle(6),  politique(7),  sécuritaire(8),  économique(9),  personnelle(10),familiale(11)  ou  fiscale(12). Pour  les  États,  l'immigration  peut  permettre  de  faire  face  à  un  déficit  des  naissances  ou  encore assurer une quantité ou qualité de main d'œuvre suffisante. Dans  le cas où un migrant n'est pas en règle  au  regard de  la  législation  sur  l'émigration en  vigueur dans  le pays de destination, on parle d'immigrant clandestin. 

 L'immigration clandestine concerne,  les habitants de pays pauvres cherchant un meilleur niveau de vie dans  les pays plus riches, ou des  immigrants politiques non reconnus. L'immigration clandestine se  fait  donc  illégalement.  Les  clandestins  prennent  fréquemment  des  risques  important  pouvant mettre  leur propre  vie  en péril  afin de  rejoindre des pays présentant des  conditions de  vie qu'ils espèrent meilleures.  Ils n'hésitent pas   à  tout abandonner pour  tenter  l'aventure  souvent «aidés» dans cette entreprise par des passeurs, peu  scrupuleux,  leur  faisant payer un prix exorbitant pour leur  fournir  les moyens de  franchir  les obstacles naturels(13) ou humains(14) dans des  conditions de sécurité extrêmement précaires. 

 C’est  ainsi  que  les  frontières  de  l’Europe  ont  tendance  à  se  fermer  par  la  rigidité  des  conditions d’entrée des étrangers, ce qui n’a pas découragé les candidats à l’immigration.  Malgré la fermeture des points d’accès à  l’Europe via  les enclaves de Ceuta et Melila(15) et  le Détroit de Gibraltar(16) ainsi que la militarisation des frontières marocaines(17), l’immigration clandestine prend de l’ampleur. D’un côté,  elle  charrie  chaque  jour  son  lot de malheur  et de désolation(18) qui  traduit  le désespoir des 

4 Rapport du Secrétaire Général précité, p.12 et s. 5  90 % aux Émirats arabes unis, 86 % au Qatar, 82 % au Koweït. 6 Mission de longue durée à l'étranger et études. 7 Réfugié politique fuyant les persécutions. 8 Notamment en cas de guerre dans le pays d'origine.  9  Habitant  de  pays  pauvres  cherchant  un  meilleur  niveau  de  vie  dans  les  pays  riches,  éventuellement temporairement. 10 Volonté de s'installer dans un pays par goût, par exemple si l'on se reconnaît dans ses valeurs. 11 Rejoindre le conjoint ou l'enfant déjà installé. 12 L'installation dans un pays offrant un niveau d'imposition moins élevé. 13 Mers, montagne, fleuve, etc. 14 Postes frontières. 15  Ces  deux  enclaves,  administrées  par  l’Espagne    et  revendiquées  par  le  Maroc,  ont  constitué  pendant longtemps  la  principale  porte  d’entrée  clandestine  vers  l’Europe,  mais  depuis  une  dizaine  d’années,  ce «sésame» s’est refermé et les clandestins utilisent d’autres routes  notamment celles passant par la Mauritanie au péril de leurs vies. 16 Le rocher de Gibraltar, administré par la Grande Bretagne, est lui aussi revendiqué par l’Espagne même si les différents sondages d’opinion de ses habitants montrent qu’ils restent attachés à leur nationalité britannique. Cependant,  malgré    cette  situation  juridique  incertaine,  il  constitue  un  endroit  prisé  par  les  immigrés clandestins désireux de s’installer en Europe. 17 Mohamed Khachani : «La Migration clandestine au Maroc, Entre mondialisation et protection des droits»  ‐ Dynamiques migratoires marocaines:  histoire,  économie,  politique  et  culture,  Casablanca,  13,  14  et  15  juin 2003,  p.1 et note n°1. 18 Pour  les habitants de  la région, ce  flux migratoire  indésirable, véhicule de  fléaux sociaux divers tels que  la prostitution, la drogue, sans oublier les maladies transmissibles, en particulier le sida et les maladies tropicales.

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candidats  à l’immigration(19) et de l’autre côté, pour les habitants de la région, elle véhicule des fléaux sociaux  divers  tels  que  la  prostitution,  la  drogue,  sans  oublier  les  maladies  transmissibles,  en particulier le sida et les maladies tropicales. 

 Cette  nouvelle  donne  s’est  traduite  par  un  déplacement  des  migrations  vers  les  régions sahariennes(20)  et  subsahariennes(21).  Les  interceptions  de  ressortissants  indiens,  pakistanais  et bangladeshis  dans  le  nord  de  la  Mauritanie  à  la  frontière  du  Sahara  Occidental(22)  ont  révélé l’existence  de  flux migratoires  importants  et  insoupçonnés  jusque  là(23).  Ce  qui  n’a  pas manqué d’alerter  les autorités mauritaniennes, qui ont pris conscience que  leur pays devenait   une zone de transit vers l’Europe.  

1.2. Zone de transit migratoire

Située à  la charnière entre  le Maghreb et  l’Afrique subsaharienne,  la Mauritanie constitue un pays d’émigration  irrégulière(de  faible  ampleur, mais  une  zone  de  transit migratoire,  de  plus  en  plus prisée,  principalement  empruntée  par  des  immigrants  de  pays  d’Afrique  occidentale  mais  aussi d’Asie(24).  L’immigration mauritanienne  est  essentiellement  le  fait  de  personnes  appartenant  aux ethnies noires africaines du sud du pays(25), également présentes au Mali et au Sénégal. L’usage d’un dialecte  commun  constitue,  d’ailleurs,  un  réel  obstacle  à  l’établissement  de  la  nationalité  d’un irrégulier interpellé. 

 

19  Condamnés  par  les  tribunaux marocains  ou  refoulés  à  la  frontière  algérienne,  les  clandestins  refusés  se retrouvent  vite  dans  le  circuit  pour  une  énième  tentative  de  forcer  les  portes  de  l’eldorado  européen. L’impossible  traversée  du  désert  au  péril  de  leur  vie,  les  clandestins  la  mènent  sur  deux  fronts. Deux passages sont privilégies, la traversée du désert du côté de la Mauritanie pour se rendre au Maroc ou aux Îles Canaries, alors que le gros du contingent fait la traversée du côté algérien..  20 L’Algérie, par sa position géographique, est aujourd'hui considérée comme le principal point de passage pour les  immigrés clandestins. Les premiers afflux de population en provenance des pays africains datent de  la fin des  années  1980,  en  raison  de  conflits. Au  début  des  années  1990,  la  plupart  des  clandestins  venaient  du Nigeria,  du  Cameroun,  du  Sénégal,  de  Zambie,  du  Zaïre,  du Ghana,  du  Burkina‐  Faso,  de  Côte  d’Ivoire,  du Liberia. 21  CMMI,  Les  migrations  dans  un  monde  interconnecté:  nouvelles  perspectives  d’action,  Rapport  de  la Commission mondiale  sur  les migrations  internationales,  octobre,  2005,  107  p,  voir  surtout  le  Chapitre  3 intitulé : Le défi de la migration irrégulière, pp. 35 à 45, spéc. p. 35. 22Abdellatif  El  Aziz :  ‘’Ruée  vers  la  mort’’,  Adrar,  Immgration  clandestine,  Alger  2005 ‘’,  p.3  et suivantes : « Raban  Tioussit,  Ras  Ousfour,  Jouj  Bral,  lganfda,Mersat  Belmehdi,  Chbika,  Houara  sont  les principaux points de passage informels pour traverser la frontière entre l’Algérie et le Maroc et par lesquels  se déversent au quotidien les centaines de clandestins qui pénètrent illégalement au Maroc en quête de l’eldorado européen.  C’est de là que sont partis les milliers de candidats à l’émigration clandestine en provenance du Mali, du Ghana, de  la Côte d'Ivoire, du Libéria ou de  la Sierra Léone.  Ils sont ainsi 12.000 clandestins qui n’ont pas réussi à passer à travers les filets de la gendarmerie rien que pour la région d’Oujda en 2002». 23 En janvier 2005, plusieurs individus de type asiatiques  ont été appréhendés par la police de Zouerate qui ne s’expliquait pas  leur  concentration dans une  région aussi  lointaine que  le TIRIS‐Zemmour. Après enquête,  il s’est avéré qu’il  s’agissait d’un groupe d’immigrés clandestins vers  l’Europe abandonnés par  les passeurs en plein désert. C’est à partir de cet  instant que  les autorités mauritaniennes ont pris  conscience de  l’ampleur dramatique de l’immigration clandestine qui s’accompagne souvent de tous les trafics  dangereux notamment la  drogue,  les  armes,  le  terrorisme  et  la  traite  des  êtres  humains.  L’avenir  devait  d’ailleurs  confirmer  les appréhensions des pouvoirs publics dans  ce domaine par  le démantèlement de plusieurs  réseaux  liés à  ces différents trafics. 24 Bangladesh, Inde, Irak.  25 Les Soninkés, qui sont connus pour avoir développé une émigration de main d’œuvre vers la France à partir des années 1970.

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Les modes opératoires  les plus  fréquemment utilisés par  les émigrants clandestins demeurent des plus classiques : falsifications de document de voyage par substitution de photographie, détention de passeports français volés vierges utilisés principalement par des ressortissants maliens, et utilisation, en  raison  de  ressemblance  physionomique,  de  documents  revêtus  de  vignettes  Schengen(26) 

authentiques et valides.  

Les filières utilisent à leur profit l’insuffisance des effectifs présents sur la plate‐forme aéroportuaire d’Atar(27) et leur manque de formation à la détection des faux documents, en mêlant leurs clients aux touristes transitant par l’aéroport(28). 

 En mars 2002, la police mauritanienne a mis fin aux activités délictueuses d’une filière d’immigration chinoise, qui acheminait vers Marseille ses clients munis de passeports  japonais  falsifiés, à bord de charters transitant par Atar. Depuis fin 2004, des clandestins originaires du Bangladesh, d’Inde et du Pakistan, sont refoulés par les autorités aéroportuaires marocaines. Ces derniers arrivent par avion à Bamako(29),  via  Dubaï(30),  gagnent  ensuite  la  Mauritanie  par  voie  terrestre  jusqu’à  l’aéroport  de Nouadhibou, d’où ils tentent de pénétrer en Europe, en transitant ou non par le Maroc. 

 Les  enclaves  espagnoles  de  Ceuta  et  Melilla  apparaissant  comme  un  mur  infranchissable,  les émigrants  d’Afrique  occidentale  tentent  désormais  plus  fréquemment  de  gagner  l’archipel  des Canaries depuis le port  ou les plages de Nouadhibou et à partir des villes sénégalaises de Saint‐Louis et Dakar. Toutefois, dans ce contexte, ils évitent l’île de Fuerteventura placée sous la surveillance du système espagnol SIVE(31) au profit de Tenerife ou Gran Canaria en Espagne. 

 Les barques de pêche en bois,  les «pateras», permettant  le transport d’une vingtaine de personnes sont  progressivement  délaissées  par  les  filières  d’immigration,  qui  privilégient  dorénavant  les «cayucos».  Plus  résistantes  mais  surtout  plus  puissantes,  et  dotées  de  GPS,  ces  embarcations peuvent  accueillir  entre  50  et  70  personnes.  Certaines  filières  acheminent  leurs  clients,  par  voie terrestre,  jusqu’au Maroc,  d’où  ils  tenteront  leur  chance  pour  gagner  le  Sud  de  l’Espagne.  Trois itinéraires ont ainsi été mis au jour. L’un, au départ de Zouerate(32), où se rassemblent les émigrants en provenance notamment du Mali, pour atteindre en 4 x 4 ou en train Nouadhibou ;  le second, au départ de Saint‐Louis au Sénégal, où se concentrent les émigrants du golfe de Guinée, pour ensuite se rendre à Nouakchott ou à Jreida de Mauritanie,  localité considérée comme  la ville ayant  la plus grosse concentration d’immigrés dans le Sud du pays ; le dernier, au départ de Chegga en Mauritanie également conduit les irréguliers à Béchar via Tindouf en Algérie. 

 Face  à  la montée  croissante  du  nombre  d’immigrés  clandestins,  les  différents  postes  frontières terrestres, aériens et maritimes ont montré  leurs  limites qui sont d’ordre  législatif,  institutionnel et structurel ainsi qu’opérationnel. Cette situation pose la question de savoir si la Mauritanie peut faire face au défi de  l’immigration clandestine, qui à court et moyen termes peut d’une part menacer sa stabilité  et  son  existence  de  par  les  trafics  qu’il  renferme  souvent  et  d’autre  part  accroître 

26 Accords  signé en  juin 1997 entre  certains pays de  l’Europe occidentale  imposant de nouvelles  conditions d’accès  à  cette  partie  du  vieux  continent  notamment  établissement  de  visas,  contrôles  rigoureux  aux frontières, système très sélectif de délivrance de permis de travail, ….  27 Ville touristique du Nord de la Mauritanie. 28 12 500  sur  la période d’avril à octobre 2006. Sources,  rapport de  la mission d’évaluation conjointe Police française‐police mauritanienne sur la surveillance des frontières juins 2007 (DGSN, 2007). 29 Capitale du Mali, pays frontalier avec la Mauritanie.  30  Capitale  économique  des  Emirats  Arabes  Unis,  prisée  par  les  commerçants  et  hommes  d’affaires mauritaniens avec laquelle ils entretiennent un commerce prospère. 31 Radars et caméras. 32 Localité minière de Mauritanie.

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l’exploitation et la traite des migrants vulnérables à travers le passage par ce pays peu ou pas du tout préparé à faire face à ce drame humain. 

  Pour tenter de répondre à cette question, il convient de faire l’état des lieux  de la situation relative à l’immigration clandestine en Mauritanie avant d’évaluer l’action des pouvoirs publics contre celle‐ci.  Cette  réflexion  gagnerait  en  utilité  si  elle  est  accompagnée  par  la  proposition  de mesures  de naturel à lutter contre ce phénomène. 

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2. L’état des lieux de l’immigration clandestine De par son emplacement géographique, la Mauritanie a hérité d’une situation à laquelle elle n’était pas préparée. Ancienne région du Grand Maghreb arabe(33), elle tire son nom de  l’appellation d’un royaume, la Maurétanie, qui s’étendait sur toute l’Afrique du Nord. Peu  nantie  mais  idéalement  placée  entre  la  limite  de  l’Afrique  et  aux  portes  de  l’Europe,  la Mauritanie  est  devenue  le  pays  de  transit  et  probablement  de  départ  et  de  destination  des immigrants  clandestins  vers  le  vieux monde,  car    elle  ne  possède  pas  de moyens  pour  juguler l’immigration clandestine.  2.1. Manifestation de l’immigration clandestine La Mauritanie semble être une nouvelle porte vers  l’Europe, car  les chiffres relatifs à  l’immigration clandestine transitant par ce pays révèlent un trafic en plein essor. 

2.1.1. La Mauritanie, nouvelle porte vers l’Europe ? La presse ne  cesse, depuis quelques mois, de  se  faire  l’écho des  tragédies macabres au  large des côtes mauritaniennes(34). Une embarcation, partie de Nouadhibou(35) vers  les  îles Canaries, avec 45 clandestins  subsahariens  à  son  bord,  a  fait naufrage  à  cause  d’une  panne  de moteur. Vingt‐deux personnes se sont noyées, les autres ont été repêchées par les autorités mauritaniennes. Un peu plus haut, à hauteur de Dakhla, dans le sud du Sahara occidental, une embarcation, partie de Mauritanie, et qui transportait 43 migrants, s’est brisée en deux après avoir été heurtée par un navire marocain. 23  personnes  se  sont  noyées,  les  autres  ont  été  secourues  par  l’équipage  du  bateau.  Selon  le Croissant‐Rouge Mauritanien, les immigrés qui faisaient partie des deux voyages mortels venaient du Mali, de Guinée‐Bissau, de Gambie, de Côte d’Ivoire, du Nigeria et de Mauritanie pour  l’un d’entre eux. Les rescapés ont été placés dans les locaux de la police de Nouadhibou, la capitale économique mauritanienne(36)  devenue  depuis  quelques mois  une  ville  de  départ  convoitée  par  les  candidats africains à  l’exil en Europe. Les rescapés ont été  interrogés par  les autorités et pris en charge par  le Croissant‐Rouge Mauritanien(37).Il ne s’agit là que de la partie visible de l’iceberg, car les chiffres sont inquiétants et le trafic des migrants clandestins est en plein essor. 

33 Appelée « Bilad Chinguitt », eu égard à son rôle dans la propagation de l’islam, la Mauritanie est le septième lieu d’importance de cette  religion et a constitué, entre  le 11éme et 12éme siècle, une place  importante du  Grand Maghreb Arabe. 34 En effet,  le 20  juin 2007, deux naufrages d’embarcations clandestines, parties des côtes mauritaniennes à destination  des  Canaries,  ont  fait  plus  de  40 morts.  Ils mettent  en  lumière  un  phénomène  récent  :  depuis plusieurs mois,  les  immigrés  subsahariens,  qui  souhaitent  rejoindre  l’Europe,  se massent  dans  la  ville  de Nouadhibou, au nord‐ouest de  la Mauritanie.  Ils  seraient plus de 10 000  candidats au départ. Pour de plus informations voir Le Quotidien du 9 mars 2006 : clandestinité‐Immigration : La Mauritanie nouvelle porte vers l’Europe ? 35 Extrême nord‐ouest du pays. Voir Le Quotidien du 9 mars 2006 : clandestinité‐Immigration : La Mauritanie nouvelle porte vers l’Europe ? 36 Les étrangers représentent depuis seulement deux ans plus de 20% des habitants de la ville Nouadhibou, un chiffre  que  les  autorités  expliquent  par  l’attrait  qu’exerce  l’Europe  sur  les  étrangers  et  les  chimères  de l’immigration à partir de  la Mauritanie. Voir Amel Choplin et Jerome Lombard : Migrations et recompositions  spatiales  en  Mauritanie : « Nouadhibou  du  Monde »,  Ville  de  transit  et  après ;  Actualité  Africaine  n° 228/2008/4. 37   Mustapha Taher, membre   du Croissant Rouge Mauritanien  l’a confirmé sur RFI en expliquant ainsi  l’aide que son organisation apporte aux migrants, « Nous avons une stratégie palliative, avec  l’aide des Croix‐Rouge espagnole et  française, nous assistons  les migrants sur  le plan nutritionnel et médical. Le gouvernement et  la police nous ont demandé de leur fournir des médicaments, de la nourriture, de l’eau et des vêtements et c’est ce que nous faisons ».

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Des chiffres inquiétants 

Un  rapport  de  la  police  espagnole  évalue  à  plus  de  10  000  le  nombre  de  candidats  africains  à l’émigration  vers  l’Europe  actuellement  massés  en  Mauritanie  et  au  Sahara  occidental(38).  Les autorités espagnoles estiment que  les  filières d’émigration  clandestine d’Afrique  vers  les Canaries partent désormais de Mauritanie plutôt que des côtes du Sahara occidental39. Par ailleurs, « entre novembre  2005  et décembre  2006,  1.200 à  1.300  personnes ont perdu  la  vie  en mer  en  essayant d’atteindre  les Canaries ». Egalement, 700 à 800 personnes tentent la traversée chaque jour et 40% des bateaux, qui prennent  la mer,  font naufrage. « Le  voyage est préfinancé par des  réseaux bien implantés, aussi bien en Mauritanie que dans les pays subsahariens et européens de destination »(40). 

Repoussés  des  enclaves  espagnoles  de  Ceuta  et  Melilla(41),  dissuadés  par  le  renforcement  des contrôles hispano‐marocains dans  le détroit de Gibraltar,  les émigrants africains tentent, de plus en plus,  de  gagner  l’archipel  des  Canaries  à  partir  de  la  Mauritanie.  On  dénombre  une  majorité d’hommes, de tous les âges, mais il y a aussi des femmes et des enfants (42). Ils passent par le désert et  nombreux  sont  ceux  qui  y meurent  de  soif. On  retrouve  des  corps  de  façon  très  régulière.  Ils meurent  sur  terre  ou  sur mer  en  prenant  des  risques  énormes.  Ils  viennent  dans  ce  pays,  car  la Mauritanie est  le maillon  faible de  la région. C’est un pays aux  frontières ouvertes, mal surveillées, peu peuplé et qui n’a pas de gros moyens de contrôle et de supervision. Depuis des mois, le Croissant Rouge Mauritanien est, chaque jour, confronté à ce problème. Son comité régional à Nouadhibou est débordé(43). 

L’autre raison qui attire les Africains à Nouadhibou serait le prix de la traversée. La filière saharienne terrestre  coûtait  au  clandestin  entre  1.700  et  3.400  euros(44)  alors  que  celle  de  l’Atlantique,  via Nouadhibou,  leur  revient à 500 euros  seulement  ou 1.000 euros(45),  ce qui explique  l’essor de  ce trafic 

Un trafic en plein essor

Les  Canaries  sont  la  seconde  porte  d’entrée  de  l’immigration  clandestine  par  voie maritime  en Espagne, après  le détroit de Gibraltar. L’île de Fuerteventura étant sous  la haute surveillance d’un système  de  radars  et  caméras,  les migrants,  partant  de Mauritanie,  se  rabattent  désormais  sur Tenerife ou Gran Canaria(46). Les voyages sont plus longs et plus périlleux. Du coup, les passeurs ont mis à l’eau un nouveau mode de transport : les cayucos. Il y a dix ans, était apparu le terme espagnol de patera pour désigner la petite barque de pêcheur en bois utilisée pour transporter une vingtaine de personnes. Le cayuco est plus robuste, en fibre de verre, mesure de 14 à 18 mètres de  long, est doté  de  deux  moteurs,  d’une  douzaine  de  bidons  de  combustible  et  peut  «accueillir»  50  à  70 personnes. 

38 Compte  rendu  sur  la  lutte  contre  l’immigration  clandestine,  publié  en  mars  2006  par  les  autorités  espagnoles et relayées par les médias internationaux. 39  Le préfet des Canaries  l’a affirmé,  sur  la  radio espagnole Cadena  Ser au  cours d’un entretien portant  sur l’immigration clandestine le 20 juillet 2006. 40 Ces informations sont fournies par M. Ahmedou Ould Haye, le Coordinateur du Croissant‐Rouge Mauritanien dans une interview sur RFI.  41 Nord du Maroc. 42 MOHAMED‐SALEH  S. N. : « La migration irrégulière en Mauritanie », Consortium Euro Méditerranéen pour la Recherche Appliquée sur  les Migrations  Internationales (CARIM), note d’analyse et de synthèse –Série   sur  la migration irrégulière, module démographique et économique, CARIM AS 2008/52, Juillet  2008. 43 Confère. Mustapha Taher. Précité, note de bas de page n° 38. 44  Selon un responsable mauritanien cité par l’AFP, Dépêche du 12 avril 2008. 45 Selon d’autres sources notamment les services de police et de la gendarmerie maritime de Nouakchott. 46 Itinéraire d’un immigré clandestin vers l’Europe  partant de la Mauritanie via l’Espagne, retracé par RFI dans son émission consacrée à ce trafic, mai 2007.

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Plus de 45 organisations de passeurs font tourner depuis 5 ans ce commerce illégal de personnes en Mauritanie, au Maroc et au Sahara Occidental(47).Ce sont des anciens contrebandiers qui ont trouvé plus rentable que la contrebande de tabac puisqu’ils font payer  le passage 1.000 euros par tête. De connivence avec quelques militaires,  ils  font passer des dizaines de personnes chaque  jour par  les portes du mur militaire construit dans  le Sahara par  le Maroc. Les  immigrants  sont  sélectionnés à Nouadhibou.  Ils  doivent  payer  en monnaie  sénégalaise  ou mauritanienne  et  détruire  tous  leurs papiers. Puis commence le voyage de deux jours qui compte plusieurs escales, parfois pour changer d’embarcation  et  tromper  la  vigilance  des  gardes‐côtes.  Selon  la  Direction  de  la  Marine  à Nouadhibou,  depuis  septembre  2007,  ceux  qui  font  la  traversée  sont  des  pêcheurs  sénégalais  et mauritaniens habitués à naviguer dans une mer difficile. La  recrudescence de ce  trafic éprouve  les moyens de lutte contre l’immigration clandestine mis en place par les pouvoirs publics 

2.2. Les moyens de lutte contre l’immigration clandestine

Conscients du danger que  représente  l’immigration  clandestine et  soucieux de ne pas  laisser  leur territoire  se  transformer    en  une  porte  d’entrée  illégale  vers  l’Europe,  les  pouvoirs  publics mauritaniens déploient  les moyens en  leur possession pour  juguler  vainement  ce phénomène.  En effet,  le  cadre  juridique  y  afférent  semble  être  inefficace  ainsi  que  les  services  de  police  des frontières, en raison de la faiblesse de leurs moyens. 

2.2.1 Arsenal juridique inadapté  Le peuple mauritanien, fortement imprégné de traditions nomades, ne portait pas jusqu’à une date récente de  regard particulier  sur  les populations qui  traversaient  son  territoire  puisque  lui‐même était  en mouvement  permanent.  Ce  n’est  qu’à  partir  de  l’indépendance  et  de  la  sédentarisation autour  des  grandes  villes,  que  les  autorités mauritaniennes  ont  voulu  réglementer  l’immigration. Cette réglementation suscite aujourd’hui des interrogations quant à son adaptabilité aux différentes catégories d’étrangers et sur sa capacité à constituer un instrument de lutte contre les phénomènes d’immigration clandestine. 

Datant des années soixante48, pure et simple transposition des textes français en vigueur pendant la colonisation,  la  plupart  des  lois  et  décrets  n’a  subi  aucune  forme  d’adaptation  aux  conjonctures actuelles,  sauf  accessoirement  en  ce  qui  concerne  la  promulgation  de  certaines  lois  de  finances portant modification  des  tarifs(49)  des  visas  d’entrée  et  de  séjour  ainsi  que  de  la  carte  d’identité d’étranger. Le décret du 15 décembre 1964 portant régime de l’immigration(50) et la loi du 23 février 1965(51),  représentent  les  textes  de  référence  des  droits  des  étrangers  en Mauritanie.  Ils  portent réglementation  des  droits  d’accès,  de  séjour et  d’établissement  et  prévoient  des  mesures administratives et pénales en cas de non respect de la loi.  47 Juan Manuel  Pardellas,  correspondant  du  grand  quotidien  espagnol  ElPais  à  Tenerife : « La  tragédie  des Cayucos », mai 2007. 48  La  législation  en  la matière date des  années  soixante notamment  le décret   n° 62‐077 du 20 mars 1962 instituant  l’immatriculation des citoyens  mauritaniens à l’étranger auprès des chancelleries diplomatiques et consulaires, le décret n° 62‐160 du 12 juillet 1962 règlementant les titres de voyage (passeports), décret n° 62‐169 du 26  juillet 1962  règlementant  le visa des  titres de voyage,  le décret n° 64‐169 du 15 décembre 1964 portant régime de l’immigration  en République  Islamique de Mauritanie, la loi  n°65‐046 du  23 février 1965  portant dispositions pénales relatives  au régime de l’immigration, la loi n° 65‐053 du 25 février 1965 fixant la taxe de délivrance  de visa, des cartes d’identité des étrangers, des cartes  de résident et les visas d’entrée et de séjour en Mauritanie. 49 Autrefois  formulés en  francs CFA, monnaie de  l’Afrique de  l’Ouest que  la Mauritanie a quitté en créant sa propre monnaie nationale en 1974 et dont une ouguiya équivaut  à 1,52 francs CFA. 50 Le décret n° 64 169 du 15 décembre 1964 portant régime de l’immigration, révisé en 1965. 51 Loi n° 65 046 du 23 février 1965 portant sanctions pénales relatives à la migration.

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Migration en Mauritanie : Document thématique 2009           12        

Le  législateur mauritanien distingue  trois catégories d’étrangers :  les étrangers non  immigrants,  les étrangers  immigrants  privilégiés  et  les  étrangers  immigrants  ordinaires ;  cette  dernière  catégorie englobant les apatrides, les réfugiés et les demandeurs d’asile.  

Concernant les étrangers non immigrants, le législateur mauritanien a procédé à une subdivision de ceux‐ci  en  cinq  sous‐catégories  qui,  outre  l’obligation  de  présenter  un  document  d’identité, passeport,   en cours de validité revêtu ou non d’un visa consulaire d’entrée ou bien, dans certains cas,  une  carte    nationale  d’identité,  doivent  se  conformer  aux  prescriptions  des  conventions sanitaires  internationales et remplir une  fiche de renseignement. Les ressortissants des Etats ayant signé avec  la Mauritanie une convention d’établissement ont le choix de présenter ou un passeport  en  cours  de  validité  ou  seulement  la  carte  d’identité  nationale.  En  revanche,  les  ressortissants d’autres  pays  doivent,  pour  accéder  au  territoire  mauritanien,  se  munir  d’un  visa  consulaire mauritanien.  L’une  des  catégories  assujetties  à  ces  obligations  est  celle  des  touristes  et  des voyageurs. Ces étrangers  sont également  tenus, dès  leur arrivée en Mauritanie, de présenter «un billet de retour» ou «un billet circulaire» en cours de validité. La multiplication des sous‐catégories et des restrictions administratives conduisent à s’interroger sur leur applicabilité sur le terrain. 

En ce qui concerne les étrangers privilégiés, l’élément essentiel qui les différencie des étrangers non immigrants est  l’intention de  fixer  leur résidence en Mauritanie. Le droit d’entrée et de séjour  leur est octroyé  sous  réserve de  la présentation d’un passeport national, d’un  certificat de vaccination réglementaire  et  d’un  certificat  récent  attestant  de  leur  aptitude  à  l’exercice  du  travail  ou  de l’activité qu’ils comptent entreprendre. Ils sont également tenus de fournir un extrait de  leur casier judiciaire délivré moins de 3 mois auparavant et d’un contrat de travail en bonne et due forme visé par  le Ministre du Travail. L’analyse de ce  titre met en évidence que  les conditions d’entrée et de séjour sont relativement souples et que les documents exigés peuvent être obtenus facilement. 

En troisième et dernière catégorie, la  législation mauritanienne prévoit, pour ceux qu’elle considère comme étrangers ordinaires,  en plus de toutes les formalités exigées aux précédentes catégories, la prise  d’empreintes  digitales.  La  carte  d’étranger  ne  leur  est  pas  systématiquement  délivrée.  Le Ministre de l’Intérieur peut, sans qu’il ait à motiver sa décision, en refuser la délivrance. 

Au‐delà des  textes de base nationaux,  la  condition d’étranger et  ses  conséquences au niveau des principes  d’entrée  et  de  séjour  sont  également  tributaires  des  nombreux  traités  et  conventions signées par la Mauritanie. Ainsi en 1975, la Mauritanie a signé le traité de la CEDEAO(52) qui prévoit le principe de liberté de circulation, de résidence et d’établissement des étrangers ressortissants des 15 Etats membres.  Lorsque  la Mauritanie  s’est  retirée en 1999 de  la CEDEAO pour  se  rapprocher de l’Union du Maghreb Arabe, elle n’a pas modifié  ses  textes et a continué à  favoriser  le principe de libre circulation pour les pays africains francophones. Seuls les pays africains anglophones se sont vus imposer le rétablissement du visa. Il en résulte une multiplication des textes, parfois en contradiction avec la législation nationale.  

De plus, force est de constater que l’ensemble des sanctions pénales ou administratives infligées aux étrangers n'est pas du tout adapté au problème d’immigration auquel est confrontée  la Mauritanie actuellement. Les sanctions pénales prévues à l’encontre des étrangers qui pénètrent ou séjournent en  Mauritanie,  en  violation  de  la  réglementation  sur  l’immigration  sont  minimes  et  peu dissuasives(53). Les mêmes sanctions sont prévues pour les «aidants» à l’immigration clandestine dans la loi n° 65.046  du 23 février 1965 portant dispositions pénales relatives au régime de l’immigration qui  stipule en  son article 1er que « seront punis d’une amende de 10.000 à 300.000  francs et d’un emprisonnement de deux à six mois, ou de  l’une de ces deux peines seulement ceux qui, sciemment, auront  procuré  aide  et  assistance  à  tout  individu  pour  pénétrer  ou  séjourner  frauduleusement  en 

52 Communauté Economique de l’Afrique de l’Ouest. 53 300.000 francs CFA maximum d’amende, 6 mois d’emprisonnement maximum.

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Mauritanie».Les  sanctions  pénales  concernant  l’usage  ou  la  fabrication  de  faux  documents  sont prévues par le même texte et sont également peu importantes (54). 

Le décret de 1964 sur l’entrée et le séjour en Mauritanie prévoit des sanctions administratives(55) qui sont d’une application peu aisée en raison de l’absence d’accord de réadmission avec les pays voisins et du principe de libre circulation réglementé par des accords bilatéraux(56). 

L’incrimination de  la traite des personnes a été prise en compte par  la  loi n° 2003.025 du 17  juillet 2003(57).  L’expression «traite  des  personnes»  désigne   l’enrôlement,  le  transport,  le  transfert  de personnes par  la force ou  le recours à  la force ou à  la menace ou à d’autres formes de contraintes, par  enlèvement,  tromperie,  abus  d’autorité  ou  l’exploitation  d’une  situation  de  vulnérabilité. L’exploitation  comprend  le  travail  non  rémunéré,  le  travail  ou  les  services  forcés,  le prélèvement d’organes  à  des  fins  lucratives,  l’exploitation  de  la  prostitution  d’autrui  ou  d’autres  formes d’exploitation sexuelle. En plus de  la déchéance de  leurs droits civils et civiques,  les auteurs de ces crimes  seront punis de  travaux  forcés de  cinq à dix ans et d’une amende de 500.000 à 1.000.000 d’ouguiyas. 

Cet  arsenal  juridique  n’a  jusqu’à  présent  pas  permis  de  condamner  les  bandes  de  passeurs  qui constituent le maillon le plus dangereux  de l’immigration clandestine et qui en tire un grand profit. Les  limites  juridiques  de  l’action  des  autorités  mauritaniennes  contre  l’immigration  clandestine notamment l’obsolescence  de la législation existante, la faiblesse des sanctions et la multiplicité  des statuts  d’immigrants sont doublées de l’inefficacité de la police des frontières. 

2.2.2. L’inefficacité de la police des frontières  La  police  des  étrangers  résidant  ou  circulant  en  Mauritanie  est  assurée  essentiellement  par  la Direction  de  la  Surveillance  du  Territoire  (DST),  service  dépendant  de  la Direction Générale  de  la Sûreté Nationale. Elle est organisée en trois services : l’un chargé des étrangers et du renseignement, le second destiné à la délivrance des passeports et des visas et enfin celui de la police de l’air et des frontières. Elle est  accessoirement effectuée par  la Gendarmerie Nationale  et  la Garde Nationale, cette dernière disposant d’un Groupement Nomade Méhariste. Les zones désertiques sont couvertes par l’Armée Nationale.  

L’organisation et  le  fonctionnement de  la DST(58)  révèle qu’il s’agit d’une structure peu adaptée au contrôle des frontières. La structure centrale comporte deux services (le service du renseignement et le service de  la police   aux frontières) qui ont des  fonctions administratives assimilées à celles d’un service des étrangers. Une confusion existe dans  le service des étrangers et du renseignement, car cette  structure  traite  à  la  fois  de  la  délivrance  des  cartes  d’étrangers  pour  les  résidents,  du renseignement  et  des  procédures  judicaires  dans  le  cadre  de  mises  à  disposition  faites  par  le commissariat spécial de  l’aéroport de Nouakchott, notamment en matière de  faux documents. Les missions du groupe de fonctionnaires affectés à ce service ne sont donc pas bien définies. Le service de  la Police aux Frontières est un service transparent dépourvu d’effectif. De ce  fait,  la mission de lutte contre l’immigration irrégulière n’est pas réalisée. Au niveau central, il n’existe pas de structure opérationnelle en charge de gérer l’activité transfrontière des aéroports, des ports et des frontières terrestres.  Il  en découle une  absence de politique d’impulsion, de  coordination et de  contrôle  au 

54 De 6 mois à 2 ans d’emprisonnement. 55 Le refoulement, l’expulsion et le déguerpissement.  56  Il s’agit des conventions d établissement signées notamment avec  le Sénégal,  le Mali,   et  la Gambie, entre autres. 57 Loi n° 2003.025 du 17 juillet 2003 portant répression de la traite des personnes. 58 Pour de plus informations sur cette structure, voir  Ramdan Haimoud : « Droit des étrangers et protection des réfugiés en Mauritanie», Mémorandum, édition pilote, avril 2007, p.7 et s.

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niveau des différentes frontières.  Il n’y a pas, non plus, de service ayant pour vocation  le recueil,  la recherche et la diffusion d’informations de nature à favoriser l’application des textes relatifs à la lutte contre  les  manifestations  de  l’immigration  clandestine.  Aucune  structure  n’est  prévue  pour coordonner au plan national, la mise en œuvre effective des mesures d’éloignement. 

La Direction de  la Surveillance du Territoire ne dispose pas de  relais hiérarchiques  territoriaux. Les effectifs, qui assurent des missions de contrôle aux frontières, sont des fonctionnaires affectés dans les  directions  régionales  de  la  sûreté  et  sous  le  commandement  des  directeurs  régionaux  qui dépendent  hiérarchiquement  du  Directeur  Général  de  la  Sûreté.  Les  fonctionnaires  chargés  des contrôles  aux  frontières  sont  affectés  à  toutes  les missions  de  police même  s’ils  font  partie  d’un  service distinct au sein des DRSN(59). Le DRSN peut, à tout moment, les affecter à d’autres missions. La DST est rendue destinataire, par  les directeurs régionaux de  la sûreté, des résultats de  l’activité de contrôle(60)  sans  pouvoir  d’action  et  de  contrôle.  Elle  ne  constitue  qu’un  relais  administratif  sans aucun aspect opérationnel. 

Les contrôles effectués aux frontières sont des contrôles en poste fixe. Il n’est pas prévu de contrôles mobiles  afin  d’assurer  une  surveillance  entre  les  points  de  passage  autorisés.  Les  seuls  contrôles effectués sur les axes routiers par la police et la gendarmerie sont axés sur la police de la route et le renseignement. Ils ne sont pas orientés dans le domaine de l’immigration. Les fonctionnaires affectés au contrôle des  frontières travaillent avant tout au recueil d’informations en  faveur de  la Direction Générale, dans une culture de police de renseignement. L’activité judiciaire ne fait pas partie de leur mission, et le service judiciaire de la DSRN qui prend le relais, le fait au détriment de la lutte contre la criminalité  organisée,  sans  pousser  les  enquêtes  au‐delà  de  la  simple  infraction  constatée  à  la législation  sur  le  séjour.  Les  postes  frontières  aériens  et  terrestres    «enregistrent»  les  passages d’entrée  et  de  sortie,  pour  alimenter  leur  base  de  données  centrale.  Ils  procèdent  à  un  contrôle documentaire réduit à sa plus simple expression. Le manque de formation spécialisée, de matériel de base pour  la détection des  faux documents, d’archives et de  fichiers  informatisés  consultables en temps  réel, de moyens de  liaison  radio ou  téléphonique  et de moyens de  locomotion  ajoutent  à l’effet pervers de l’appartenance à un service de renseignement et à l’absence de suivi judiciaire. 

Le  dispositif  existant  est  insuffisant  au  niveau  de  la  coopération  entre  forces  de  Police,  de Gendarmerie et de Douanes. La coopération avec les pays voisins est embryonnaire. Il n’existe pas de structure d’analyse et d’exploitation du renseignement opérationnel dans le domaine des filières. La lutte  contre  les  filières d’immigration  irrégulière  se  résume  à de  rares  interpellations  fortuites de «passeurs»  en  flagrant‐délit.  Le  travail  d’investigation  n’existe  pas,  sauf  peut  être  par  rapport  au phénomène  d’embarquements  dans  les  pirogues  à  destination  des  îles  Canaries  et  au  départ  de Nouadhibou(61)  concernant  des  interpellations  de  passeurs    laissant  présumer  un  travail  de renseignements et de recherches en amont. Cependant, la filière d’immigration irrégulière n’est pas prise en compte dans son envergure nationale ni même internationale. La terminologie en la matière est d’ailleurs  limitée à  la seule catégorie des «passeurs» ;  la distinction entre  les différents acteurs d’une filière n’est pas faite(62).  

Aux  niveaux  des  techniques  d’enquête,  les  policiers  mauritaniens  sont  limités  par  l’absence  de moyens mis à leur disposition. Les auditions des candidats à l’immigration ne sont pas réalisées selon un modèle uniforme  incluant un  canevas précis en  vue de  faciliter  l’identification des  filières, des protagonistes et des modes opératoires. Les  témoignages sont assimilés à des  renseignements en‐dehors  de  toute  procédure  judiciaire  écrite  et  la  signalisation  des  individus  à  l’interpellation  est inexistante  du  fait  de  l’absence  en  dotation  de  tout matériel  adéquat.  Quant  à  l’infiltration  des 

59 Direction Régionale de la Sûreté  Nationale. 60 Statistiques, note d’information.  61 En effet, la DRS et le  groupement de Gendarmerie de ce secteur possèdent des chiffres conséquents. 62 Passeurs, logeurs, organisateurs, etc. 

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réseaux,   elle ne semble pas être une technique utilisée et aucun service ou bureau n’est destiné à l’exploitation et l’analyse des données opérationnelles, tant au niveau local que national. 

Aucun système de coopération ou de coordination entre  les divers acteurs concourant à  la sécurité du pays n’est mis en œuvre hormis le cas particulier de Nouadhibou(63). Les missions de surveillance ne font l’objet d’aucune coordination tant au niveau des DRSN qu’au niveau central. Les informations recueillies  par  les  différents  services  ne  font  pas  l’objet  d’un  échange  entre  états‐majors.  La révélation de  filières d’immigration de  clandestins partant de Nouadhibou  vers  les  îles Canaries  a conduit  les autorités mauritaniennes, sous  la pression des Etats Européens et plus particulièrement de  l’Espagne,  à  créer  un  état‐major  de  coordination  qui,  basé  à Nouadhibou,  a    pour mission  de mutualiser  les  efforts  en  matière  de  surveillance  des  flux  migratoires,  de  gérer  des  centres d’hébergement  et  d’améliorer  l’échange  d’informations  opérationnelles  aux  plans  régional  et international. Les moyens et matériels mis à la disposition de cet état‐major ne lui permettent pas de répondre  aux  enjeux  de  la  lutte  contre  l’immigration  clandestine.  La  coopération  avec  les  Etats voisins est embryonnaire. La gestion des reconduites, faute d’accords de réadmission entre les pays de  la  zone  crée  des  tensions.  Au  niveau  de  la  surveillance  du  fleuve  Sénégal,  aucune  action  de coordination entre  la Mauritanie et  le Sénégal n’a à ce  jour été mise en œuvre(64) pour trouver des solutions à l’immigration clandestine.  

63 Cette ville, eu égard à la porosité de ses plages et  au nombre croissant de cadavres d’immigrés clandestins que  ses  côtes  rejettent  connaît  l’existence  d’un  comité  régional  de  lutte  contre  l’immigration  clandestine composé de  toutes    les parties  concernées par  ce phénomène dont  la  coordination est  assurée par  le wali (gouverneur) de Nouadhibou. 64 Une  réflexion dans ce domaine est depuis quelque  temps engagée   et aboutira sans doute à  l’élaboration d’une esquisse d’accord bilatéral permettant des patrouilles mixtes avec les sénégalais.

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3. La stratégie nationale de lutte contre la migration clandestine  Pour pouvoir  lutter efficacement contre  l’immigration clandestine,  les autorités mauritaniennes ont mis en place une stratégie nationale de lutte contre l’immigration clandestine.    La Mauritanie dispose de 5070 kilomètres de frontière dont 740 kilomètres de côte maritime difficile à surveiller  face à l’action persistante  des migrants clandestins désireux  de traverser  le pays pour accéder  à  l’Europe.  Les  pouvoirs  publics  ont  déployé  des moyens  pour  contrer  cette migration  à travers la mise en place d’une stratégie nationale de lutte contre la migration irrégulière. 

 Les grandes  lignes de  la  stratégie nationale de  lutte  contre  la migration  clandestine(65)  s’articulent autour  de  la  coordination  des  activités  relatives  à  la migration    clandestine,  la mobilisation  des moyens humains  et matériels    pour  lutter    contre  la migration  clandestine,    le  renforcement des capacités  des  services de  surveillance  et de  contrôle,  la  construction de  centre d’accueil  pour  les migrants  clandestins,  la  traque  des  réseaux  de  passeurs  pour  la migration  clandestine,  l’échange d’informations entre les parties concernées par la lutte contre la migration clandestine  et la création d’un fonds d’appui pour les services chargés de lutter contre  la migration clandestine.  Pour optimaliser l’efficacité de la stratégie nationale de lutte contre la migration irrégulière, plusieurs actions ont déjà été menées. 

 C’est  ainsi  qu’un  comité    régional    chargé  de  la  coordination    de  la  lutte  contre    la migration clandestine   a été mis en place   à Nouadhibou. Cette structure   sera généralisée   à  l’ensemble du territoire. Dans un premier temps, des coordinations régionales  ont été  créées au niveau du Trarza, du Hodh Charghy et du Tiris‐Zemmour(66). Une vaste campagne de sensibilisation a été  engagée  sur le  thème de  la migration.  Les médias officiels,  la presse  indépendante et  les organes de  la presse étrangère, ont été mis à contribution pour cette campagne. Un support  audio‐visuel a été également utilisé pour mieux sensibiliser la population. 

 L’éradication  du  phénomène  de  la  migration  clandestine,  requiert  la  mobilisation  d’importants moyens humains et matériels. A cet effet  les postes de contrôle existants ont été     renforcés pour leur permettre de juguler le fléau de la migration clandestine. Le personnel a été  mis à la disposition des  services  compétents pour  assurer  cette mission. Dans  ce  cadre,  les pouvoirs publics  ont déjà procédé à l’ouverture de plusieurs postes de contrôle. 

 La lutte contre la migration clandestine exige le renforcement des capacités des services chargés de la surveillance et du contrôle de  la migration clandestine notamment au niveau aérien, terrestre et maritime. Des  véhicules,  deux hélicoptères, deux patrouilleurs  et des moyens de  communications radio ont été mis à la disposition de ces services pour les aider efficacement contre le phénomène de la migration clandestine. Des modules de formation ont été   développés au profit du personnel des services chargés de la migration. 

 

65 Stratégie nationale de régulation des flux migratoires, mars 2006, adoptée par les pouvoirs publics  en mars 2006.  66 Régions  situées  aux  frontières  de  la Mauritanie  et  qui  constituent  des  points  de  passage  des  immigrés clandestins.

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Pour traiter  les migrants clandestins conformément aux normes du droit  international humanitaire, les  pouvoirs  publics  ont  crée  un  centres  d’accueil(67)pour  héberger  les migrants  en  attendant  de procéder à leur rapatriement. 

 Le  démantèlement    des  réseaux    de  passeurs  de  migrants  clandestins  nécessite  un  effort    de recherche  pour  identifier  les  trafiquants.  Un  dispositif  pénal  suffisamment  dissuasif  sera mis  en œuvre  pour  décourager  ce  genre  de  délinquants.  A  cet  effet,  une  commission  technique  a  été  chargée d’élaborer les textes conséquents(68). 

 Pour mener à bien la lutte contre la migration clandestine un échange d’informations entre toutes les parties  concernées  est  indispensable.  Des  dispositions  ont  été    prises  pour  obtenir  et  échanger toutes les informations utiles afin de lutter contre le phénomène de la migration clandestine. Pour ce faire,  des  collaborateurs  de  l’administration  ont  été    engagés  pour  collecter  les  renseignements relatifs à  la migration au niveau des villages frontaliers avec  les pays sources de  l’immigration. Une base de données a été  installée au niveau de tous les services chargés de la migration pour faciliter l’exploitation du fichier relatif à la population migrante.  

Cette  stratégie ne prend pas en  compte  la  lutte  contre  la  transformation de  l’entrée  régulière en séjour  irrégulier;  l’action dirigée contre les pourvoyeurs des moyens(69) permettant aux immigrés en situation irrégulière de se maintenir sur le territoire national et l’éloignement. 

En  ce  qui  concerne  la  lutte  contre  le  travail  clandestin,  les  services  qui  en  sont  chargés  ont  été  mobilisés  et  des mesures  ont  été  prises  pour  renforcer  les  sanctions  applicables  aux  employeurs d’étrangers  en  situation  irrégulière.  Il  faut  cependant  une  application  plus  rigoureuse  de  ces sanctions  ainsi  qu’un  renforcement  des  moyens  de  rechercher  la  responsabilité  des  donneurs d’ordres.  Par  ailleurs,  les  droits  sociaux  reconnus  par  la  République  aux  étrangers  en  situation irrégulière méritent d’être préservés, dans  la mesure où  ils répondent strictement à des  impératifs de protection des mineurs et de santé publique. Enfin,  l’éloignement constitue  la pierre de  touche des politiques de contrôle de l’immigration: sauf à renoncer en fait à tout contrôle de l’entrée et du séjour sur son  territoire,  l’État doit en effet savoir afficher sa détermination à mettre  fin au séjour irrégulier, au besoin par la contrainte mais dans le respect du droit des personnes, si possible le plus rapidement possible après l’entrée irrégulière sur le territoire.  

67 A Nouadhibou, ville frontalière et côtière. 68 Cette commission a déjà élaboré un avant projet de loi relatif à l’entrée et au séjour des étrangers et le droit d’asile en Mauritanie. Celui‐ci  reflète  les points de vue des praticiens du domaine notamment,  la  justice,  les services de la migration, des Affaires Etrangères, de l’Emploi, de la Marine Nationale et de la Gendarmerie, son adoption, après une concertation avec la société civile, dotera le pays d’un arsenal juridique qui lui a fait défaut pendant plusieurs décennies et a handicapé son action de lutte contre l’immigration irrégulière. 69 Travail illégal ou logement indigne.

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Migration en Mauritanie : Document thématique 2009           18        

4. Propositions visant à lutter contre l’immigration clandestine Si  l’immigration  irrégulière  demeure  fâcheusement  indénombrable,  sa  réalité  est,  en  revanche, perceptible à travers ses conséquences.  

4.1. Le péril social

L’immigration  irrégulière, dont  les premières victimes sont  les  immigrés eux‐mêmes, fait obstacle à l’intégration des étrangers en situation régulière et comporte, notamment à travers le champ qu’elle ouvre au développement de l’économie souterraine, un risque de déstabilisation sociale. Comme ont pu le mesurer les associations(70) qui travaillent dans le domaine de la migration, l’exemple extrême de ce péril social est malheureusement celui que donnent les villes de Nouakchott et de Nouadhibou, submergés par une immigration clandestine massive que l’on a trop tardé à tenter d’endiguer et qui se traduit par  l’engorgement des services publics,  le travail clandestin,  l’installation anarchique des populations,  la  montée  de  la  violence  et  des  tensions  sociales.  Ce  sont,  comme  souvent,  les collectivités territoriales qui assument  l’essentiel de  la charge résultant de cet afflux de population irrégulière  et  qui  constituent  le  dernier  rempart  contre  les  risques  d’explosion  sociale  qu’elle comporte. Sans préjudice des autres mesures qu’appelle la situation des autres wilayas(71) du pays, il est  indispensable que  les dotations que reçoivent  les villes de Nouakchott et de Nouadhibou soient au plus vite adaptées à l’importance réelle de leur population.   

La  réaction  contre  cette menace  nécessite  l’adoption  des moyens  juridiques,  administratifs,  voire diplomatiques,  susceptibles  de  contribuer  au  contrôle  de  l’immigration  irrégulière.  Ce  contrôle impose à  la  fois de  faire preuve d’une  fermeté, qui n’est pas  toujours  comprise quand elle paraît dirigée  contre  ceux  qui  cherchent,  de  façon  bien  compréhensible,  à  échapper  à  la misère,  et de traiter  au  fond  le  problème  de  l’immigration  irrégulière  en  approfondissant  la  politique  de coopération et de co‐développement avec les pays sources. Les actions proposées pour lutter contre l’immigration clandestine  distinguent  entre les moyens tendant à prévenir l’immigration irrégulière et ceux qui ont pour objet de la traiter. 

4.2. Prévention de l’immigration irrégulière

La  résolution  de  la  question  de  l’immigration  clandestine  nécessite  la  création  d’une  commission d’enquête sur  l’immigration clandestine appelant à un débat de  fond,  rationnel et dépassionné. La pertinence de cette commission s’explique par le fait que, suscitée par la misère, entretenue par une exploitation  sans  scrupule ni merci,  l’immigration  illégale  ‐qu’elle soit, selon  les cas, à proprement parler  clandestine  ou  doive  plutôt  être  qualifiée  d’irrégulière‐  pose  en  effet  des  problèmes  trop graves  pour  que  l’on  puisse  espérer  les  analyser  et  les  résoudre  sans  faire  appel  à  toutes  les ressources de  la raison. Pour ce  faire,  il est nécessaire de maîtriser    l’immigration  irrégulière d’une part et  de renforcer le dispositif juridique et policier d’autre part. 

70 Notamment  l’ONG  ALPD :  «Etude  monographique :  migrants  et  emploi  à  Nouakchott»,  juin  2005 ;  « Migrants,  réfugiés  et  communication  à Nouakchott »,  juin  2005 ;    et   ONG APEAH :   «Monographie  sur  la migration et  l’emploi à Nouadhibou»  mai 2006. 71 Générique utilisé pour désigner la région en Mauritanie.

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4.2.1. La maitrise de l’immigration irrégulière

La mesure de l’immigration irrégulière doit,  être regardée comme un préalable, car on ne bâtit rien sur  l’ignorance,  et  le  premier  devoir  des  autorités  mauritaniennes    est  d’attirer  l’attention  sur l’urgente nécessité d’approcher  la  vérité des  faits. Des mesures  ayant pour objet de  recueillir  les données et de  lancer  les travaux statistiques  indispensables pour évaluer  l’immigration clandestine et en cerner  la réalité mouvante doivent être appliquées sans retard. Cet effort de mise en œuvre d’actions  concrètes  devrait  être  étendu  à  l’immigration  régulière,  dont  la  connaissance  reste lacunaire.  Ce  premier  volet  de  l’action  à mener  est  en  effet  le  plus  complexe. Il met  en  jeu  des moyens très divers(72). Il doit prendre en compte, tant en ce qui concerne la maîtrise de l’entrée et de la  circulation  sur  le  territoire  national  que  la  stratégie  d’aide  au  développement,  l’étendue  des compétences des partenaires de la Mauritanie. 

La  maîtrise  de  l’accès  au  territoire  mauritanien  n’a  bénéficié  d’aucune  mesure  législatives  ces dernières années pour  renforcer  le contrôle de  la délivrance des visas de   court séjour, et aucune initiative  n’a  été  entreprise    pour  améliorer  l’accueil  des  étudiants  étrangers,  qui  pourraient bénéficier autant au  contrôle de  l’immigration  irrégulière. En matière de politique des visas et de lutte  contre  la  fraude  documentaire,    aucune  perspective  prometteuse  ne  s’ouvre  aux  autorités mauritaniennes.  En  effet,  celles‐ci  n’ont  pas  encore  prévu  de  recourir  aux  nouvelles  techniques tendant au développement des visas biométriques, dont  il  importe de  souligner qu’en  facilitant  le contrôle  de  l’utilisation  des  visas,  elles  permettront  aussi  d’alléger  les  contrôles préalables  à  leur délivrance.  Les  contrôles  aux  frontières n’ont, quant  à  eux, bénéficié  que    très moyennement du  renforcement des moyens de  la police aux frontières, qui n’est pas encore en mesure de s’affirmer comme  le chef de  file d’une police de  l’immigration   pouvant  lutter à armes égales avec  les filières d’immigration  illégale.  Cependant,  si  le  contrôle  aux  frontières  doit  pouvoir  être  une  arme  de dissuasion crédible contre  les réseaux de passeurs, cette exigence doit être conciliée avec celles de l’accès  au  territoire  des  demandeurs  d’asile,  qu’il  ne  paraît  pas  souhaitable  de  contraindre  à  de hasardeux périples, ou de la prise en compte du cas particulier des mineurs isolés. En ce qui concerne ces derniers,  il est nécessaire de renforcer  la protection de  leurs droits et de clarifier  les conditions de leur prise en charge. 

Dans les pays limitrophes, la problématique du contrôle de l’accès au territoire est toute différente, la perméabilité des frontières et la proximité des pays sources incitant les candidats à l’immigration à préférer, si périlleuse qu’elle puisse être,  la voie de  l’entrée clandestine. Cet état de  fait, qui peut également  nuire  à  l’efficacité  des mesures  d’éloignement,  ne  doit  cependant  pas  servir  d’alibi  à l’insuffisance des moyens.  Il est  indispensable de  faire un effort  important  sur  ce plan et qui doit porter  aussi  bien  sur  les  effectifs  que  sur  les  matériels.  Enfin,  les  dispositifs  de  lutte  contre l’obtention  frauduleuse  d’un  droit  au  séjour,  voire  de  l’accès  à  la  nationalité  mauritanienne(73) demeurent perfectibles. 

Mais,  le chantier principal de la lutte contre les flux migratoires irréguliers doit être celui de l’aide au développement des pays sources d’immigration. Il est donc indispensable de recenser les moyens qui pourraient y contribuer aux niveaux  locaux, régional, national, continental et mondial et  les cadres juridiques(74)  dans  lesquels  elle  pourrait  s’inscrire.  En  effet,    le  développement  des  pays  sources constitue,  à  terme,  la  seule  solution  de  fond  au  problème  de  l’immigration  irrégulière  et,  en particulier,  le seul moyen d’alléger  la pression migratoire qui s’exerce sur  les pays de transit ou de passage comme  la Mauritanie,   à cet égard  l’intérêt potentiel du co‐développement(75), qui est une  

72 Contrôle de l’accès au territoire, lutte contre la fraude et politique de développement. 73 Fraude documentaire, mariages de complaisance et, surtout les paternités fictives. 74 Coopération multilatérale ou bilatérale, co‐développement, coopération régionale ou décentralisée. 75 Qui a  été retenu comme une priorité de l’action du Ministère des Affaires Etrangères de la France en 2006. 

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priorité annoncée par certains pays de destination de  l’immigration clandestine doit   privilégier  les régions ou les zones originaires de forts courants d’immigration irrégulière. 

Enfin, de manière plus générale,  la dimension «humaine» de  la politique de coopération doit être remise à l’honneur. La présence d’une assistance technique européenne, les échanges de personnel, les  actions de  formation  sur place, qui ont  été naguère un  facteur  important de  l’efficacité de  la politique d’aide au développement doivent  servir  la  lutte contre  l’immigration  clandestine à partir des  pays  d’origine  ou  de  transit  de  celle‐ci  qui  ont  besoin  de  renforcer  rapidement  leur  corpus juridique et sécuritaire en la matière. 

4.2.2. Le renforcement du dispositif juridique et de surveillance des frontières

Un  dispositif  juridique  adapté  est  aujourd’hui  indispensable  à  la  Mauritanie  pour  pouvoir appréhender  efficacement  les  problèmes  que  pose  l’immigration  clandestine  de  plus  en  plus organisée et couvrant plusieurs cas d’illégalité. Son existence contribuera  à rendre les structures de police  de  frontières  plus  efficaces,  car  disposant  désormais  d’un  arsenal  juridique  clair  et opérationnel. 

4.2.2.1. Le renforcement du dispositif juridique

Dans le cadre de la régulation des flux migratoires, les pouvoirs publics ont adopté en mars 2006 une stratégie nationale relative à la migration. Celle‐ci comprend plusieurs points dont l’élaboration d’un cadre  législatif permettant de réguler  la migration. L’élaboration de ce cadre  législatif a été confiée au Ministère de la Justice et une commission comprenant les représentants de ce département, ceux de l’Intérieur et de la Défense Nationale a été mise en place(76). L’avant projet de loi  relatif à l’entrée et au  séjour des étrangers et au droit d’asile en Mauritanie, élaboré par  cette commission a pour objet de doter  le pays d’une  législation relative à  la migration et au droit d’asile qui tienne compte des questions que pose cette problématique. 

Afin  de  faciliter  l’application  du  texte,  la  loi  définit  la  terminologie  qu’elle  adopte  notamment  et institue  des mécanismes pour son application. C’est ainsi que  la commission nationale sur le Statut de  Réfugié,  composée  des  représentants  des  départements  chargés  de  l’asile notamment  les Ministères  de  la  Justice,  des  Affaires  Etrangères,  de  la  Défense,  de  l’Intérieur,  de  la  Protection Sociale, devra  jouir d’une autonomie  juridique  lui permettant de d’accorder ou refuser  le statut de réfugié.  La  commission  administrative  étant  un  démembrement  de  l’autorité  administrative  en charge de  la migration(77) signifie aux  immigrants  les mesures administratives qui seront édictées à leur encontre avant d’entendre leurs moyens de défense, la commission des recours des réfugiés est une juridiction administrative qui statue sur les recours formés contre les décisions de la commission nationale sur le statut des réfugiés et les juridictions de droit commun sont chargées de statuer sur les délits et crimes commis en matière de migration et  d’asile 

Afin de lutter contre la migration clandestine et de donner aux autorités chargées de l’application de la  loi  les moyens de parer aux  tentatives d’entrée  illégale en Mauritanie,  le projet de  loi érige en infractions  plusieurs  actes  irrespectueux  de  la  législation.  Ainsi  sont  considérés  comme  des 

76 Un draft du document, élaboré par cette commission, a été soumis aux procureurs et juges d’instruction des différentes wilayas du pays lors du séminaire sur la migration organisé au mois de juin 2007 dans le Centre de Perfectionnement et de Documentation Judiciaire du Palais de Justice de Nouakchott. La version résultant de leurs observations a été soumise à  la commission  le 1er   août 2007 pour validation avant son adoption par  le Gouvernement en mars 2009 sous forme de projet de loi. Ledit projet de loi est programmé pour la session de novembre‐décembre 2009 du Parlement.  77 Ministère de l’Intérieur.

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infractions : le délit d’entrée illégale en Mauritanie d’une ou de  plusieurs personnes, l’utilisation de la fraude et la tromperie pour entrer en Mauritanie, le débarquement en haute mer d’étrangers ou le faux  et  usage  de  faux   à  cette  fin. La  facilitation  de  l’entrée  illégale  en Mauritanie  est  également sanctionnée. Le  mariage contracté à la seule fin d'obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour ou la nationalité  mauritanienne  est,  devenu  par  le  biais  de  cette  loi,  une  infraction.  Ensuite,  la méconnaissance  des  mesures  d'éloignement  ou  d'assignation  à  résidence en  Mauritanie,  ou  de rejoindre  la  résidence  assignée  est  aussi  une  infraction.  Enfin,  d’autres  infractions,  comme  la  méconnaissance  des  obligations  incombant  aux  entreprises  de  transport, le  débarquement d’étranger  démuni  de  documents,  l’emploi  d’un  étranger  clandestin,  la  présentation  erronée,  l’incitation à des présentations erronées et  la   corruption de fonctionnaire pour entrer  illégalement en Mauritanie enrichissent  le cadre répressif mis à  la disposition de  la  justice pour  lutter contre  la violation de la loi.  

En plus des sanctions administratives la loi prévoit un arsenal répressif dissuasif. Outre le placement de l’étranger en zone d’attente, décidé par l’autorité administrative pendant 48 heures, renouvelable une  fois,  par  le  procureur  de  la  République,  ou  le  juge  d’instruction  pour  8  jours  et exceptionnellement pour 12  jours  soit 20  jours,  le Ministre de  l’Intérieur peut, par  arrêté motivé, décider  qu'un  étranger  sera  reconduit  à  la  frontière.  Ensuite,  le  Ministre  de  l’Intérieur  peut prononcer  l’expulsion  de  l’étranger  qui  constitue  une menace  grave  pour  l'ordre  public  ou  son assignation à résidence avant son expulsion. Enfin,  la peine d'interdiction du territoire mauritanien est susceptible d'être prononcée contre un étranger coupable d'un crime ou d'un délit régis  par les dispositions du  code pénal qui prévoient  cette interdiction. 

Les  sanctions  pénales  sont  prononcées  par  les  tribunaux  de  droit  commun.  Elles  vont  de l’emprisonnement  de  un  an  et  une  amende  de    1.000.000  d’ouguiyas,  à  l’emprisonnement  à perpétuité en passant par des peines et des amendes variables. Elles s’accompagnent souvent de la confiscation  des  objets  et  produits  de  l’infraction  ainsi  que  la  saisie  de  tous  les  éléments  s’y rapportant. Ces mesures dissuaderont  les  immigrés  clandestins passant par  la Mauritanie    si elles sont complétées  par une surveillance efficiente du territoire. 

4.2.2.2. Le renforcement de la surveillance du territoire

Le dispositif actuel mis en œuvre pour le contrôle des frontières répond  partiellement aux attentes des autorités mauritaniennes en matière de contrôle des flux migratoires. La création d’un service de police des frontières devrait permettre de remédier à la structure actuelle de la DST(78)  inadaptée à la mission de contrôle des frontières et à la lutte contre l’immigration irrégulière. 

Pour ce faire, ce service devrait clairement être identifié lors de la rédaction du nouveau texte de loi sur  les étrangers. Cette   structure nouvelle peut   être créée   au sein de  la DST, déjà en charge du service des passeports, des visas et des étrangers, ou en tant que nouvelle direction à part entière et spécialisée.  Cette  dernière  solution  d’un  service  de  police  aux  frontières  autonome  clairement identifié donnerait un signal fort dans la lutte contre l’immigration irrégulière. 

Pour remplir efficacement son rôle et répondre aux nouvelles exigences liées à la problématique du contrôle des  flux migratoires en Mauritanie, ce nouveau service, quel qu'en soit  le positionnement dans  l’organigramme  de  la  Sûreté  Nationale,  doit  comporter  un  service  central  et  des  services territoriaux. L’échelon central doit  inclure un pôle d’activité transfrontière et un pôle opérationnel. Le  pôle  d’activité  transfrontière  aurait  pour  mission  de  veiller  au  respect  de  la  réglementation mauritanienne  relative  au  franchissement  des  frontières,  d’analyser  les  flux  migratoires  et  de participer à la conduite de programmes de coopération policière au niveau international notamment  78 Direction de la Surveillance du Territoire.

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avec les pays voisins. Il devrait, en outre assurer la mise en œuvre des techniques de sûreté destinées à  prévenir  les  actes  de  terrorismes  pouvant  être  dirigés  contre  les  moyens  de  transports internationaux(79). Le pôle opérationnel aura pour vocation de recueillir, rechercher et diffuser toute information de nature à favoriser l’application des textes relatifs à la lutte contre les manifestations de l’immigration. Il pourra comprendre un office central ayant une compétence nationale en matière de lutte contre les filières d’immigration(80).  

En  l’absence  de  structures  interministérielles  et  de  services  ayant  une  véritable  «culture»  de l’immigration, cette structure devrait être l’organe centralisateur de tous les éléments statistiques et de toutes  les données nominatives provenant des services de police et de gendarmerie afin d’avoir une  connaissance des mécanismes de  l’immigration  clandestine et des  risques  liés à  la  criminalité transnationale organisée(81). Compte tenu des difficultés actuelles de communication entre les états‐majors des services de police, de gendarmerie et des douanes, la contribution de chacun pourrait se concevoir  à  travers  la  désignation  d’officiers  de  liaison  au  sein  de  cette  structure.  Ce  pôle  aurait également  en  charge  la  coordination  au  plan  national  de  la  mise  en  œuvre  des  mesures d’éloignement.  

Enfin, il serait souhaitable de créer au sein de cette structure, un bureau de la fraude documentaire chargé de recenser et d'étudier les documents authentiques d'identité, de séjour et de voyage, quel que  soit  leur  pays  d'origine,  ainsi  que  les  techniques  de  contrefaçon  et  de  falsification  de  ces documents de diffuser une documentation spécialisée sur la fraude documentaire destinée à alerter les services compétents et à orienter les méthodes de détection des faux documents et développer la formation initiale et continue des personnels dans ce domaine(82). La structure territoriale, pour être en  conformité  avec  le  découpage  administratif  existant,  devrait  avoir  une  zone  de  compétence identique  à  celle des directions  régionales de  la  sûreté nationale. Dans  le  cas où  la  solution d’un service autonome de  la police aux  frontières ne  serait pas  retenue,  il est  impératif, dans un  souci d’efficience, que la structure territoriale ait un lien fonctionnel avec l’échelon central. 

Les  services  territoriaux  doivent  comporter  obligatoirement  des  postes  frontières  fixes, correspondant  aux  points  de  passage  autorisés  et  des  unités  mobiles  de  surveillance  sur  les frontières  fluviales, maritimes  et  terrestres  et  les  principaux  axes  routiers.  Ils  doivent  également comporter des unités judiciaires, permettant de traiter toutes les affaires judiciaires liées au contrôle transfrontière  et  à  la  surveillance mobile,  en  liaison  avec  la  structure  opérationnelle de  l’échelon central. Outre une formation adaptée à la mission, les effectifs doivent disposer de moyens nouveaux liés au contrôle et à l’identification des étrangers. La communication entre la structure centrale et les services  territoriaux passe par des équipements modernes en  informatique et  l’établissement d’un réseau sécurisé en vue de la transmission des informations. 

La  création  d’une  structure  de  Police  aux  Frontières  efficiente  nécessite un  renforcement  en ressources  humaines,  en  moyens  matériels  tant  en  terme  de  logistique,  de  communication  et d’équipements  en  informatique,  avec  création  pour  ce  dernier  point  d’un  réseau  sécurisé,  des sanctions en matière d’aide à l’immigration irrégulière et de fraude documentaire, de la coopération internationale policière et judiciaire tant au niveau international que régional(83).  

79 Aériens et maritimes. 80 En constituant des groupes d’enquêtes. 81 Groupes de recherches, d’exploitation et d’analyse des données. 82 Notamment le réseau de personnes‐ressources au sein des services déconcentrés. 83 Officiers de liaison, équipes mixtes de surveillance et de contrôle des frontières.

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4.3. Le partenariat international

Soumise à une forte pression de flux migratoires,  la Mauritanie est animée par la volonté de réguler l’immigration  en  coopération  avec  la  communauté  internationale.  Pour  ce  faire,  elle  a  adhéré  à l’accord  de partenariat  ACP‐CE(84) qui soumet « la question des migrations à un dialogue approfondi dans  le  cadre  du  partenariat »(85).  Elle  est,  par  conséquent,  partie  prenante  au  dialogue  sur l’immigration et  s’est déjà distinguée par  la  conclusion d’un accord   en matière migration avec  le royaume  d’Espagne(86)  et  l’élaboration  d’une  stratégie  nationale  de  lutte  contre  la  migration clandestine dont l’objectif principal est de décourager ce phénomène et qui se base notamment sur la coopération internationale en matière de lutte contre l’immigration clandestine. 

 Malgré ses prédispositions en matière de coopération dans le cadre de la  lutte contre l’immigration clandestine, la Mauritanie n’a pas encore bénéficié des mécanismes de l’accord ACP‐CE qui prône un dialogue approfondi en  la matière. Seul  le Royaume d’Espagne a pris des mesures  susceptibles de contribuer à l’allégement du fardeau de la Mauritanie en matière d’immigration clandestine, l’Union européenne est encore en retard sur  le plan de ses obligations. L’immigration clandestine pose des problèmes d’ordre stratégique d’une part pour la Mauritanie, qui est susceptible de devenir un pays de  destination  eu  égard  à  ses  potentialités  économiques  prometteuses  et,  d’autre  part  pour l’Europe, un enjeu politique et électoral de taille avec la montée des extrémismes de tout bord et la xénophobie ambiante contraires aux principes démocratiques  et des droits de l’homme que le vieux continent prône. Cette perspective  est doublée de  la  crainte que  les  accords  de  rapatriement ne soient une cause de détérioration des relations  avec les Etats des clandestins rapatriés avec lesquels la Mauritanie a conclu des conventions d’établissement et de circulation des personnes et des biens notamment le Mali et le Sénégal. 

 La Mauritanie ne possède pas  les  infrastructures  indispensables pour  l’accueil,  l’hébergement et  le transport des  immigrés clandestins refoulés. Les ressources humaines  indispensables pour gérer  les politiques d’immigration font également défaut et enfin, le cadre juridique relatif à la migration n’est pas adapté. Ces difficultés sont accentuées par la vétusté et l’insuffisance des moyens de surveillance des frontières dont une façade maritime très importante. 

 Pour parer  à  cette  situation,  les prescriptions  de  l’accord de Cotonou doivent  être  appliquées  en appelant à un dialogue approfondi sur  l’immigration entre  les signataires dudit accord. La stratégie de  lutte contre  l’immigration clandestine requiert des moyens humains, matériels et financiers qu’il convient de  solliciter auprès de  l’Union Européenne, car elle est  intéressée au premier chef par  la lutte contre ce phénomène et a déjà contribué au renforcement des capacités de pays(87) confrontés à cette situation(88). 

  

84 Accord entre d’un côté les Etats de l’Afrique, des  Caraïbes et du  Pacifique et ceux de l’Union Européenne de l’autre côté signé le 23 juin 2000 à Cotonou, capitale du Bénin. 85 Article 13 de l’Accord ACP‐CE.   86 Conclu  le 1er    juillet 2003, et  intitulé « Accord   entre  le Royaume d’Espagne   et  la République  Islamique de Mauritanie en matière de migration »,  il prévoit  le rapatriement de tout clandestin pénétrant en Espagne en provenance des frontières mauritaniennes. 87Avec  le  Royaume  du  Maroc,  l’Union  Européenne  a  conclu  un  accord  de  lutte  contre  l’immigration  clandestine.  88  Mehdi  Lahlou,  Migrations  irrégulières  transméditerranéennes  et  relations  avec  le  Maroc  ‐  Union Européenne, Migrations  irrégulières  : mesures, déterminants, conséquences et  implications politiques, XXVe Congrès international de la population, Tours – France 18 / 23 Juillet 2005, p 7, note 7.

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La  réaction contre  le phénomène de  l’immigration clandestine doit cependant s’inscrire dans   une coopération internationale de longue durée. Pour ce faire, il est judicieux d’élaborer un plan d’action qui s’articulera autour : 

‐ De l’augmentation des ressources destinées au développement ; ‐ De  l’accélération des procédures de décaissement de  l’aide aux pays d’origine des 

immigrés ; ‐ Du programme de contrôle  du territoire  et des frontières ; ‐ Du  démantèlement  des  réseaux  et  trafics  illicites  et  ce  dans  le  respect  de  la 

souveraineté de la Mauritanie ; ‐ De  l’institution  d’un  partenariat  solide    en  la  matière  qui  implique,  avec  la 

Mauritanie, les pays  d’origine et ceux de destination ; ‐ De  la  mise  en  place  de  mécanismes  financiers  appropriés  pour  lutter  contre 

l’immigration clandestine ; ‐ De  la  formation  des  ressources  humaines  pour  pouvoir  endiguer  la  migration 

clandestine ; ‐ De la révision du cadre juridique pour l’adapter aux problèmes actuels ; ‐ De  l’appui  institutionnel  et  matériel  aux  opérations  relatives  à  la  lutte  contre 

l’immigration clandestine.   

Ce plan pourrait profiter du programme «Sea Horse»  lancé par  l’Union Européenne  inquiète de  la montée en puissance des filières de l’immigration clandestine et dont la mise en œuvre a été confiée à l’Espagne(89). Il s’étalera sur trois ans et  prévoit le lancement de patrouilles mixtes avec les gardes‐côtes mauritaniens et marocains. Par ailleurs, Fuerteventura accueillera aussi des officiers de liaison marocains et mauritaniens et les officiers directement concernés seront formés. 

89 Dans ce cadre, le Ministre de l’Intérieur espagnol, José Antonio Alonso, a présenté à Madrid le projet « Sea Horse »,  destiné  à  « renforcer  la  coopération  entre  les  pays  d’origine,  de  transit  et  de  destination »  de l’immigration clandestine.

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5. Recommandations  Compte  tenu  de  l’analyse  de  la  migration  en  Mauritanie,  une  gestion  reposant  sur  les recommandations suivantes s’impose pour rationnaliser l’efficacité de l’action des pouvoirs publics :  5.1. Cadre normatif

  Revisiter la législation relative à l’entrée et la circulation des étrangers en Mauritanie ;    Elaborer un cadre législatif permettant de réguler la migration ;  Intensifier  la  lutte  contre  les  réseaux  de  passeurs  des  immigrés  clandestins  par 

l’adoption d’une loi incriminant le trafic des migrants ;  réviser le cadre juridique pour l’adapter aux problèmes actuels de la migration 

5.2. Cadre politique

  Réunir      les  moyens,  administratifs,  voire  diplomatiques,  susceptibles  de  contribuer  au 

contrôle de l’immigration irrégulière ;  Créer une commission d’enquête sur l’immigration clandestine appelant à un débat de fond, 

rationnel et dépassionné pour analyser et  résoudre  les problèmes graves qu’elle pose   en faisant appel à toutes les ressources de la raison ; 

Inscrire  la  lutte  contre  l’immigration  irrégulière en Mauritanie dans    le  co‐développement, qui est une  priorité annoncée par certains pays de destination de l’immigration ; 

Appliquer    les  prescriptions  de  l’accord  de  Cotonou  relatif  au  dialogue  approfondi  sur l’immigration ; 

Demander  l’accélération des procédures de décaissement de  l’aide  aux pays d’origine des immigrés, de transit et de destination comme la Mauritanie ;  

Solliciter  l’appui    conséquent  des  partenaires  au  développement    pour  le    contrôle    du territoire   et des  frontières,  le démantèlement des  réseaux et  trafics  illicites et  ce dans  le respect de la souveraineté de la Mauritanie ; 

Instituer un partenariat solide  avec les pays  d’origine et ceux de destination par   la mise en place de mécanismes financiers permettant de fixer les potentiels migrants dans leur terroir pour lutter contre l’immigration clandestine ; 

Favoriser l’aide au développement des pays sources d’immigration ;  Introduire la gestion de la migration dans la  politique de coopération de la Mauritanie avec 

ses partenaires dans le cadre de la lutte contre l’immigration irrégulière. 5.3. Cadre institutionnel

  Adapter rapidement les dotations que reçoivent les villes de Nouakchott et de Nouadhibou à 

l’importance réelle de leur population ;  Recueillir  rapidement  les  données  et  les  statistiques  indispensables  pour  évaluer 

l’immigration clandestine et cerner sa réalité ;  Réunir les moyens humaines permettant de contrôler et d’organiser l’entrée et la circulation  

des étrangers sur le territoire mauritanien ;  Améliorer  l’accueil   physique des étrangers pour éviter qu’ils ne versent dans  l’immigration 

irrégulière ;     Perfectionner  la  lutte  contre  la  fraude documentaire et  l’obtention des papiers d’état  civil 

mauritanien ;  

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Recenser  et  vulgariser    les moyens  qui  pourraient  contribuer  aux  niveaux  local,  régional, national, continental et mondial au développement des pays d’origine de l’immigration ; 

Faciliter l’accès du territoire mauritanien aux demandeurs d’asile ;  Renforcer les capacités des services chargés de la surveillance et du contrôle de la migration 

au niveau aérien, terrestre et maritime ;  Réaliser l’accueil des migrants dans des conditions honorables préservant leur dignité ;  Donner un signal fort pour la lutte contre l’immigration clandestine en créant  un service de 

police aux frontières autonome et  clairement identifié ;  Mutualiser  les  informations  des  parties  engagées  dans  la  lutte  contre  l’immigration 

irrégulière pour dissuader  les migrants et permettre à  la  société civile de  jouer un  rôle de d’information et de sensibilisation sur les méfaits de ce phénomène ;  

Renforcer    la  lutte contre  le travail clandestin par    la   mobilisation   des services qui en sont chargés  et  la  prise  de mesures    pour  renforcer  les  sanctions  applicables  aux  employeurs d’étrangers en situation irrégulière ; 

Appliquer  l’éloignement à tout étranger en situation irrégulière dés le constat de son cas ;  Former  des  ressources  humaines  pour  pouvoir  endiguer  le  phénomène  à  travers  une 

coopération  Nord  Sud  réunissant  les  financements  (Nord),  la  formation  (Sud)  et  les bénéficiaires (les migrants) ; 

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2007a  Le  droit  des  étrangers  et  l’asile  en  Mauritanie,  in  Mémorandum,  numéro expérimental,  mai 2007, p.7 et suivantes. 

2007b  L’éradication  des  séquelles  de  l’esclavage  en  Mauritanie,  Revue  Juridique    et Politique des Etats Francophones n°2, 2007, p. 211 et s. 

2005  La Législation de la Migration et des Travailleurs Migrants en Mauritanie, OIT/ Projet Migration  de Main d’œuvre pour  l’intégration  et  le Développement  en Afrique de l’Ouest. Juin 2005. 

2004  Les apports du nouveau code du travail,  FAC, octobre 2004. 2003  Le renforcement de la protection  de l’enfant à travers la loi portant répression  de la 

traite des personnes, Chronique  de l’Association Internationale  des magistrats de la jeunesse et de la Famille  n° 2 volume 12 décembre 2003, p.18 et suivantes. 

 UNICEF  

1999  Enquête sur les enfants talibés.   UNICEF‐Mauritanie  

2006  Plan d’action pour  le  rapatriement,  la  réadaptation et  la  réintégration des  enfants jockeys mauritaniens  impliqués   dans  la  course  des  chameaux  aux  Emirats Arabes Unies, mars 2006. 

    Principaux textes relatifs à la migration en Mauritanie  

 - Loi n° loi n° 017‐2004 du 6 juillet 2004 portant Code du travail  - Loi n° 67.039 du 3 février 1967 instituant un régime de sécurité sociale  

 - Loi n° 25.2003 du 17 juillet 2003 portant répression de la traite des personnes  

 - Ordonnance n° 91.022 du 20 juillet 1991 portant constitution de la République Islamique de 

Mauritanie   

- Loi n° 65.046du 23 février 1965 portant dispositions pénales relatives au régime de l’immigration 

 - Loi n° 2001‐052 du 19 juillet 2001 portant Code du Statut Personnel   - Décret n° 64.169 du 15 décembre 1964 portant régime de l’immigration en Mauritanie  

 - Décret n° 65.110 du 8 juillet 1965 portant modification du paragraphe 3 de l’article du décret 

n° 64.169 du 15 décembre 1964 portant régime de l’immigration en Mauritanie   

- Décret n° 74.092 du 19 avril 1974 fixant les conditions d’emploi de la main d’œuvre étrangère et instituant le permis de travail

Page 32: Migration en Mauritanie : Document thématique 2009...Migration en Mauritanie : Document thématique 2009 3 Table des matières 1. Introduction 4 1.1. Causes de l’immigration irrégulière

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Migration en Côte d’Ivoire :Document thématique 2009

Migration, emploi, pression foncière et cohésion sociale en Côte d’Ivoire

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