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Migros Magazine 42, 12 octobre 2009 VIE PRATIQUE NATURE | 91 En quête du brame du cerf Sauvage et insolite. Pendant un mois, le seigneur de la forêt vit d’intenses et sonores amours. Que l’on peut écouter sur la pointe des pieds dans le vallon de Réchy (VS). Visite guidée et épicée avec Pascale Haegler, accompagnatrice de montagne. Pascale Haegler s’aide d’un télescope pour repérer les cerfs. A la montagne, on se dit tu et on se nettoie les yeux». Pas- cale Haegler, 43 ans, a le sens de l’entrée en matière. Le mollet sûr, des mains habituées à saisir la roche, les yeux couleur de mélèze juste avant l’automne et une voix de rocaille. Accompa- gnatrice de montagne depuis une douzaine d’années, cette Gene- voise à l’accent valaisan fait partie du paysage non comme une pièce rapportée, mais comme un élé- ment du tout. Peut-être à cause de sa verve, son franc-parler, son enthousiasme pur.

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Migros Magazine 42, 12 octobre 2009 VIE PRATIQUENATURE | 91

En quête du brame du cerfSauvage et insolite. Pendant un mois, le seigneur de la forêt vit d’intenses et sonoresamours. Que l’on peut écouter sur la pointe des pieds dans le vallon de Réchy (VS).Visite guidée et épicée avec Pascale Haegler, accompagnatrice de montagne.

Pascale Haegler s’aide d’un télescope pour repérer les cerfs.

Ala montagne, on se dit tu eton se nettoie les yeux». Pas-cale Haegler, 43 ans, a le

sens de l’entrée en matière. Le

mollet sûr, des mains habituées àsaisir la roche, les yeux couleur demélèze juste avant l’automne etune voix de rocaille. Accompa-

gnatrice demontagne depuis unedouzaine d’années, cette Gene-voise à l’accent valaisan fait partiedu paysage non comme une pièce

rapportée, mais comme un élé-ment du tout. Peut-être à cause desa verve, son franc-parler,son enthousiasme pur.

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NOUVEAU

92 | VIE PRATIQUENATURE Migros Magazine 42, 12 octobre 2009

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Avec l’agence Swiss alpineémotion (lire encadré),

qu’elle vient de lancer cette année,elle s’est donné pour mission defaire découvrir le val d’Anniviers(VS) dans tous ses états, de la raced’Hérens au vin des glaciers, enpassant par les lieux chargésd’âme. Sans oublier le brame ducerf. «On veut que les gens viventla montagne avec leurs tripes etnon qu’ils la visitent comme unzoo.»

L’endroit qui a déclenchéun changement de vieAinsi le vallon de Réchy, réservede chasse sur les hauteurs de Ver-corin, occupe une place particu-lière dans son cœur. D’abord parcequ’il est l’endroit qui a déclenchéson changement de vie. C’est pré-cisément là, le long dubisse, qu’ellea décidé de lâcher le journalismepour le plein air. «Quand j’ai quit-té la Tribune de Genève, je me suis

offert un challenge. J’avais 31 anset envie d’êtremon propre patron.Je voulais pouvoir dire en mon-trant les sommets, voilà mon bu-reau!»

Ensuite, parce que ce fameuxvallon est un espace magique. OùPascale Haegler aime emmenerses visiteurs. Il faut dire que lehaut plateau de l’Ar du Tsan, à2200mètres, ouvre sur un paysageétonnant de steppes mongoles,cirque de mousses ocre encadréespar quelques dents de gypse, avecen arrière-plan la Maya, les Becs-de-Bosson. «Voilà lesméandres duMississippi!» s’exclame soudain laguide en croquant un pignond’arolle. Surgissent les courbesdansantes de la Rèche dans un dé-cor totalement sauvage, terresd’automne piquées du rouge buis-sonnant des myrtilliers, du cri descasse-noix et du roulement cachéde l’eau. En contrebas, c’estautre chose. Monte un mu- De mi-septembre à mi-octobre, les mâles appellent les femelles.

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gissement, un beuglementcomme le ronflement d’un

moteur: le fameux brame descerfs. «On va voir si Oscar est là»,dit-elle en attaquant la descente.

Oui, car les différents étagesdu vallon de Réchy sont le terri-toire privilégié de la faune, et ducerf en particulier. C’est dans cedécor grandiose de cascade, defeuillus et d’épicéas, digne d’unopéra wagnérien, que cet animalcrépusculaire y pousse son chantd’amour. Il faut donc ouvrir l’œilet l’oreille. Pour saisir le passagefurtif de robes rousses à travers lesbranchages, surprendre un rapidegalop dans les frondaisons de ver-nes. Çà et là, des troncs de sorbierspelés, l’écorce pantelante, arra-chée. «Ce sont des frayures. Lescerfs se battent contre les arbres,y frottent leurs bois pour impres-sionner les belles.»

Des mâles prêtsà toutDans cette réservede chasse rôdentquelque 150cerfs, accourus des val-lées voisines pour profiter de l’étéindien et vivre leur rut loin des ca-rabines à plomb. De mi-septembreà mi-octobre, les mâles appellentdonc les femelles. Et sont prêts àtout pour arriver à leurs fins. A re-pousser les jeunes prétendants, am-bitieux daguets aux bois naissants,comme à se battre contre de plussolides concurrents. Des duels par-fois àmort, quand leurs cors restenttragiquement enchevêtrés.

Poussés par leur testostérone ensurrégime (1200hormones supplé-mentaires pendant le rut), cespriapes velus courent derrière lesnymphes, après s’être parfumés àl’urine pour séduire et coincer lesmalheureuses… lesquelles sem-blent totalement indifférentes àcette odorante et bruyante paradenuptiale. En tout cas, tant que leursovules n’ont pas donné leur accord,les femelles n’étant sexuellementréceptives qu’un seul jour par an-née.

Dans son télescope, PascaleHaegler a zoomé sur un superbedix-cors: tête lourde sous son can-délabre de bois, poitrail en avant,bouche ouverte, il s’élance. Mais labichedétale et lui échappemomen-tanément. Combat, poursuite, ac-couplement. Pas étonnant qu’à la

fin des amours, le seigneur de la fo-rêt perdeparfois jusqu’à 20%de sonpoids. Et ne pense ensuite plus qu’àmanger et dormir.

Ilsbramerontencore longtemps,les cerfs. Cris nocturnes et rauquesqui retentissent dans toute la vallée.Une toile de fond idéale pour allu-mer le réchaud et préparer une fon-dueà«l’hôtel desmille étoiles».Elleest comme ça, Pascale Haegler. Enquelques gestes lents accordés àl’immanence des cimes, elle saitcueillir les instants épicés, prolon-ger les heures au cœur de cette na-ture «qui force à être vrai, vous dé-nude et vous ressource tout à lafois». Patricia Brambilla

Photos Mathieu Rod

EN BREFSur les tracesdu cerf en rutPour écouter le brame,l’Office du tourisme deChampéry organise desweek-ends avec guide aupied des Dents-du-Midi.Infos au tél. 024 479 20 20.Le Ranch Aventure à Sionpropose sorties à pied et àcheval dans la réserve deMandelon (val des Dix).Rens. auprès de R. Vuissoz,tél. 079 628 06 57. L’Aubergedes Alpes à Liddes (tél.027 783 13 80) organise desrandos à la combe de l’A.Visites commentées parLivio Sarasin, naturaliste, tél.079 650 18 49. Le CentrePro Natura propose dessorties à l’écoute du cerf enforêt d’Aletsch. Rens. tél.027 928 62 20.

Plateau de chasseS’il est fascinant d’écouter lecerf en forêt, il est aussisavoureux de le dégusterdans l’assiette! Dans un belouvrage, vingt-cinq chefs decuisine, de Jean-MauriceJoris à Didier de Courten,ont mitonné quaranterecettes de gibier valaisan.«Tables de chasse»,coordination de JeanBonnard, Ed. Monographic.

Tu veux sa photo?Pour être sûr d’apercevoir legrand cerf, on peut aussi sepromener virtuellement surle site du photographenaturaliste Roland Clerc. Cechasseur d’images valaisan,qui sillonne le Chablaisdepuis plus de vingt ans, adéjà capturé dans sonobjectif toute la gamme desongulés. Chamois, sangliers,bouquetins, mouflons etcerfs, bien sûr. Une mentionspéciale à cet instantané:une paire de bois sortant dela brume. A voir surwww.faune-valais.ch

Une agence alpine qui pétilleDes petites histoires, légendes, contes, Pascale Haegler en a pleinson sac. Celle du rouge-gorge, ou de l’étoile transformée enedelweiss. Elle raconte la géologie à coup de formules inoubliables,saisit les images qui font mouche, parle de la renaissance quasibouddhique des roches à travers les âges. «J’aime la transmissionorale. Je suis là pour faire découvrir et rêver les gens.» Pas étonnantque cette accompagnatrice de montagne ait fini par créer sonagence, Swiss alpine émotion, avec Anne-Lise Bourgeois et MurielMacgeorge. Au programme: treks, randos, sorties d’entreprises,courses d’école avec pour cadre le val d’Anniviers, entre autres, etpour mission l’éveil des cinq sens. Une forme de tourisme doux, quiprivilégie «les petits artisans, la valeur des choses et les relationshumaines» tout en faisant déguster les produits du terroir. Siropd’épicéa, saucisse au génépi ou raclette au feu de bois, autant desaveurs décuplées sous le regard des montagnes intactes.Infos sur www.swiss-alpine-emotion.com

Le tourisme doux est le fil rouge des activités de Pascale Haegler.