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MINISTERE DE LA COOPERATION I.N.S.E.E.
Sous-Direction des Etudes du Développement Service de Coopération
SOMMAIRE
N° 45 - Mars 1986 Pagres
ISSN 0224-098X
- EDITORIAL 3
- Michel MOUYELO-KATOULA 5
Projet de comparaison internationale : les méthodes de calcul utilisées pour l'Afrique
- Michel SERUZIER
29
Le traitement des stocks en comptabilité nationale dans un contexte d'inflation
- Thierry PACCOUD 49
Exploitation micro-Informatique des données comptables des entreprises du Bénin
- Pierre MEYER
73
Quelles enquêtes peut-on dépouiller sur un micro-ordinateur ?
- Michel BLANC et Jean BUKIET
81
L'utilisation de la micro-informatique en statistique : pour une maîtrise de l'outil
- Notes de lecture
par Philippe COUTY
93
Georges DUPRE : Les naissances d'une société. Espace et historicité chez les Beembé du Congo
par Francis GENDREAU
103
Rémy CLAIRIN. Contribution à l'analyse des données démographiques imparfaites des pays africains
STATECO : Bulletin de liaison non officiel des Statisticiens et Economistes exerçant leur activité dans les pays du Tiers-Monde
Directeur de la Publication : Xavier CHAROY
Rédacteur en Chef : Michel BLANC
Secrétariat de Rédaction : I.N.S.E.E. - Service de Coopération 18 boulevard Adolphe Pinard 75675 PARIS CEDEX 14
Tirage : 1 200 exemplaires
-3
EDITORIAL
par Michel BLANC
Les deux premiers articles de ce numéro 45 de STATECO constituent les compléments,
annoncés par leurs auteurs, à deux articles du précédent numéro.
Il s'agit en premier lieu du projet de comparaison internationale (P.C.I.) des niveaux de
prix et des agrégats économiques d'un ensemble de pays africains. M. MOUYELO-KATOULA
avait donné une présentation générale du projet en décrivant en détail le cadre conceptuel, les
classifications de produits, le déroulement des enquêtes, et en définissant la notion de parité de
pouvoir d'achat, et avait fourni un aperçu des résultats obtenus pour quinze pays sur l'année
1980. L'article qu'il propose ici complète cette description en exposant les procédures et
formules de calcul utilisées pour la détermination des parités de pouvoir d'achat.
L'article de M. SERUZIER sur "Le traitement des stocks en comptabilité nationale dans
un contexte d'inflation" apporte, quant à lui, des précisions aux quelques lignes consacrées à la
variation des stocks dans son précédent article "La prise en compte de l'inflation dans
l'élaboration des comptes nationaux". Les divers problèmes liés à la valorisation de cette
grandeur y sont examinés à la fois de manière théorique et en relation avec les sources de
données statistiques, et suivant la nature des stocks (chez les producteurs, chez les utilisateurs
)u dans le commerce) ; des exemples sont fournis pour illustrer ces difficultés et des solutions
pratiques sont suggérées pour les résoudre.
Restant dans le domaine de la comptabilité nationale, Th. PACCOUD présente une
expérience en cours au Bénin "d'exploitation micro-informatique des données comptables des
entreprises". On sait que dans pratiquement tous les pays disposant d'un plan comptable des
entreprises du type "Plan Comptable OCAM" ont été mis en place des documents comptables
de fin d'exercice, destinés à présenter les comptes à l'administration, qui offrent un très grand
intérêt pour les statisticiens, notamment en vue de l'élaboration des comptes nationaux. Or il
arrive souvent que le traitement de ces comptabilités, en particulier la constitution d'une
centrale de bilans, exige des délais importants qui se répercutent généralement sur les comptes
nationaux. C'est en ce sens que l'opération qui est actuellement expérimentée à la Statistique
du Bénin, où le plan comptable national a été mis en place récemment, est exemplaire :
- 4 -
l'optique choisie est de privilégier la comptabilité nationale, en mettant en oeuvre une
exploitation des documents des entreprises directement par les comptables nationaux, à l'aide
de micro-ordinateurs.
On ne sera pas étonné que la micro-informatique prenne une place de plus en plus
importante pour les traitements des données réalisées dans les Services de Statistique des pays
en développement, comme d'ailleurs dans de nombreux autres organismes, et donc qu'elle soit
maintenant fréquemment mentionnée dans les articles que nous publions, comme un outil au
service des statisticiens, économistes, démographes, etc. Pourtant on ne peut pas encore dire
que son usage s'est "banalisé", au sens où une maîtrise parfaite de cet outil serait déjà
généralisée. Certes ceci provient de l'évolution constante des matériels ainsi que du
développement également continu des logiciels mais s'explique aussi par la rapidité de
l'expansion des micro-ordinateurs, intervenue le plus souvent de manière désordonnée et sans
qu'elle s'accompagne de la formation des personnes destinées à les utiliser. Il ne semble donc
pas inutile dans la situation présente de publier des articles spécialement dédiés aux problèmes
d'utilisation de la micro-informatique, en relation avec des expériences concrètes.
C'est ainsi qu'un article de P. MEYER donne, à partir d'expériences effectivement
réalisées sur des micro-ordinateurs, des indications sur leurs performances dans le traitement
d'enquêtes statistiques.
Un autre article, rédigé par J. BUKIET et moi-même, aborde le problème de l'utilisation
des micro-ordinateurs pour la statistique de manière plus générale, mais dans une optique
toutefois liée à la pratique ; la démarche consiste ici à caractériser divers types d'utilisation de
la micro-informatique pour faire apparaître un certain nombre de principes à respecter : l'article
tente ainsi de définir les exigences d'un savoir-faire en la matière.
Deux notes de lecture clôturent ce numéro. Dans la première, Ph. COUTY analyse le
livre de Georges DUPRE "Les naissances d'une société. Espace et historicité chez les Beembé
du Congo" et propose quelques réflexions, dont certaines dépassent un peu le cadre de
l'ouvrage, sur le rapport entre les classifications qu'introduisent les statisticiens -dont la
classification ethnique est un exemple- et l'histoire, ainsi que sur la méthode de recherche
suivie par l'auteur.
La seconde note de lecture, rédigée par F. GENDREAU, porte sur le dernier ouvrage
publié par le Groupe de Démographie Africaine, sous la signature de Rémy CLAIRIN, et intitulé
"Contribution à l'analyse des données démographiques imparfaites des pays africains".
PROJET DE COMPARAISON INTERNATIONALE :
LES METHODES DE CALCUL UTILISEES POUR L'AFRIQUE
par Michel MOUYELO-KATOULA*
I - INTRODUCTION
Les objectifs, l'historique et le cadre conceptuel et statistique du projet de
comparaison internationale (P.C.I.), ainsi que la méthodologie des enquêtes qui
sous-tendent ledit projet ont été présentés dans STATECO n° 44 (décembre 1985). Ce qu'il
convient d'en retenir parce que justifiant les méthodes de calcul décrites dans le présent
article peut être résumé en trois points :
1. la comparaison internationale des produits intérieurs bruts (PIB) réels nécessite la
détermination de parités de pouvoir d'achat (PPA) ;
2. pour ce faire, le PIB est décomposé en cinq emplois qui sont :
- la consommation privée,
- la consommation collective des administrations publiques,
- la formation brute de capital fixe,
- la variation des stocks,
- l'excédent des exportations sur les importations de biens et services ;
3. la décomposition du PIB est poussée plus avant grâce à une partition judicieuse
de chacun des trois premiers emplois en positions élémentaires.
Une position élémentaire est définie comme un groupe de produits homogène à
l'intérieur duquel on peut aisément sélectionner et identifier pour chaque pays un ou
plusieurs produits dont les prix révèlent bien le niveau des prix du groupe.
* Expert de l'Office Statistique des Communautés Européennes.
- 6 -
Il - PROCEDURE DE DETERMINATION DES PPA : CONSIDERATIONS GENERALES
2.1. Données nécessaires
La détermination des PPA repose principalement sur deux jeux de données, à sa-
voir :
1- des données de la comptabilité nationale : valeurs du PIB, de ses emplois, et des
dépenses qui correspondent aux positions élémentaires des trois premiers emplois ;
2- des prix moyens nationaux des biens et services sélectionnés à l'intérieur des
positions élémentaires.
2.2. Etapes de calcul
La détermination des PPA s'effectue en deux temps :
1- estimation des indicateurs de niveau des prix des positions élémentaires. C'est
l'étape de calcul des parités de pouvoir d'achat élémentaires ;
2- agrégation de ces parités élémentaires.
Ces deux étapes de calcul ne concernent guère la variation des stocks ni le solde
des exportations sur les importations. En effet, on considère que les incidences directes et
mutuelles de la dynamique des changes et de la dynamique de la balance des paiements
justifie bien l'utilisation des taux de change officiels des monnaies pour la comparaison
internationale des différences entre les exportations et les importations. Quant à la variation
des stocks, il lui est attribué la même PPA que la formation brute de capital fixe.
Ce qui précède révèle bien les temps forts de la procédure de calcul des valeurs
réelles du PIB et de ses emplois et sous-emplois. Si le calcul des PPA élémentaires et des
PPA synthétiques des trois principaux emplois intérieurs du PIB passe par l'échafaudage de
méthodes parfois très complexes, la prise en compte des deux autres emplois relève par
contre de l'arithmétique la plus simple.
2.3. Méthodes de calcul
Il existe tant pour les PPA élémentaires que pour les PPA synthétiques des familles
de méthodes mathématiques caractérisées par des propriétés bien précises. Mais ici, il n'est
- 7 -
fait état que des méthodes utilisées par l'Office Statistique des Communautés Européennes
pour la comparaison africaine de 1980. Le lecteur désireux de s'informer sur d'autres
méthodes pourra exploiter la bibliographie donnée en annexe.
III - CALCUL DES PPA ELEMENTAIRES
3.1. L'approche binaire de l'OSCE
L'Office Statistique des Communautés Européennes (OSCE -ou EUROSTAT-)
procède au calcul des PPA élémentaires selon une approche binaire à'urle échelle réduite.
Disons plus simplement qu'il calcule ces PPA à partir des rapports de prix existants pour
certains couples de pays. Ces rapports de prix sont calculés produit par produit. Dans la
comparaison africaine de 1980, ils ont été affectés de coefficients avant d'être agrégés.
Ces coefficients proviennent des pondérations reconnues par les pays aux produits
observés.
En réalité, les pondérations relatives aux différents produits d'une même position
élémentaire ne traduisent pas leur importance effective dans l'emploi qui en est fait par les
consommateurs finals. On pourrait considérer comme cela a été dit pour la comparaison
africaine de 1980 que chaque produit est affecté du poids de la classe d'équivalence des
produits similaires dont il est un représentant privilégié (parce que sélectionné pour les
besoins de la comparaison !). Cela autoriserait alors à calculer les PPA élémentaires à partir
de moyennes arithmétiques pondérées de rapports de prix entre pays.
Mais -et c'est bien là que réside la difficulté- ces classes d'équivalence ne sont pas
clairement définies, et leur importance relative n'est pas connue. Soulignons que si ces
classes de produits étaient correctement identifiées, elles correspondraient à des catégories
plus fines que les groupes qui les contiennent, donc à des positions élémentaires : grâce au
poids de chacune on estimerait aisément les valeurs de dépenses correspondantes. Il y a
donc lieu de douter de la fiabilité des données de pondération, même si elles ont conduit
pour 1980 à des parités non significativement différentes de celles que l'on aurait obtenues
si on ne les avait pas introduites dans les calculs.
Au lieu d'utiliser des pondérations explicites, des pondérations implicites devraient
suffire. Pour un pays donné, la pondération 1 (ou 100 %) est attribuée à tout produit
sélectionné à l'intérieur d'une position élémentaire en tant que révélateur des habitudes de
consommation, des modes d'investissement ou de la structure des dépenses de l'Etat. La
pondération 0 (zéro) est attribuée à tout produit dont les prix ne sont relevés que pour
permettre un calcul d'indice comparatif entre le pays considéré et les autres pays dans
lesquels ce produit est considéré comme important.
Pour un pays donné, l'échantillon des produits d'une position élémentaire contient
les produits représentatifs, c'est-à-dire typiques de ce pays, ainsi que les produits non
typiques qui ne sont retenus que pour les besoins des comparaisons binaires directes entre
pays.
La notion de comparaison binaire indirecte est introduite ici pour bien mettre en
exergue le fait qu'a contrario de la comparaison qui s'établit naturellement entre deux pays
dont les produits typiques de l'un sont observés dans l'autre, on estime, selon une méthode
qui sera exposée plus loin, un indice de comparaison (des prix relatifs à une position
élémentaire donnée) pour deux pays qui n'ont pourtant pas de produit-échantillon en
commun.
3.2. Méthode des astérisques
La méthode des astérisques doit son nom à l'attribution d'astérisques (ou de
pondération 1) aux produits typiques d'un pays.
Pour une position élémentaire, il peut y avoir plusieurs produits typiques d'un pays.
En affectant la pondération 1 ou le code de représentativité 1 ou encore un astérisque à
ces produits, on se donne tout simplement un signe de reconnaissance des produits d'une
position élémentaire dont les prix doivent intervenir dans le calcul des indices
caractéristiques du pays considéré.
En clair,
IA/B
étant un indice de prix entre les pays A et B, IA/B
est dit
caractéristique du pays A (respectivement B) si les produits dont les prix constituent cet
indice sont typiques de A (resp. B).
3.3. Indices de Laspeyres et de Paasche
i étant un produit typique du pays B dont les prix ont été relevés dans le pays A
aussi, un indice simple de prix (moyens) de A base le pays B s'écrit comme rapport entre le
1 V
j c J . pl
où v est le nombre de produits (appartenant à J) typiques de A également observés dans B.
PA/B
- 9 -
prix moyen dei dans A, soit piA, et le prix moyen de i dans B, soit p.B.
Le rapport piA/p B est de toute évidence un indice de type Laspeyres.
S'il existe plusieurs produits typiques de B (supposons qu'il existe un ensemble I ; i e I), également observés dans A, il est recommandé de calculer les rapports simples des
prix correspondants et d'en prendre la moyenne géométrique.
L'indice composite de type Laspeyres ainsi obtenu est de la forme :
1 A ti
TT Pi L = A/B iel B Pi
où u est le nombre de produits appartenant à I.
Cet indice est caractéristique de B.
En suivant la même démarche on construit un indice caractéristique de A en tant
que synthèse de rapports de prix entre A et B pour des produits typiques de A. Il s'agit d'un
indice de type Paasche.
3.4. Indice de Fisher
Il est démontré que chacun de ces indices fournit une mesure biaisée du rapport de
prix réel entre A et B.
LA/B construit sur des produits représentatifs de B peut être souvent une
surestimation des indices de type Laspeyres que l'on aurait calculés (si c'était possible !) en
- 10 -
considérant l'ensemble des produits relevant d'une même position élémentaire. Cette
surestimation serait due d'une part à la faiblesse relative des prix des produits représentatifs
de B, et d'autre part au niveau de consommation certainement élevé de ces produits dans
A.
L'indice de Paasche, lui, sous-estimerait le rapport réel des prix entre A et B.
Ainsi, la moyenne géométrique (indice de Fisher) de ces deux indices présente, en
plus des propriétés qu'on lui conne, l'avantage de réduire l'un et l'autre biais
systématiques des Laspeyres et Paasche et d'être, dans un certain sens, de même
caractéristicité pour A et B, tenant compte à la fois des produits typiques de chacun de ces
pays.
3.5. Exemple
Il est intéressant de voir sur un exemple comment le choix des produits et
l'affectation des astérisques s'articulent avec le calcul des indices de Fisher.
Matrice des astérisques
Considérons cinq pays A, B, C, D, E dont on désire comparer les parités de pouvoir
d'achat correspondant à une position élémentaire donnée.
Pour cette position élémentaire, les produits typiques des différents pays sont
indiqués par une croix :
Pays
A B C D
Produits typiques
a
b x
c x
d
Comme on le voit, seul le produit a est typique de A. Pour B, il y a deux produits
typiques a et b, etc.
La matrice des astérisques, en tant que matrice booléenne permettant de
sélectionner les prix des produits intervenant au numérateur des rapports de type Paasche,
est donc la suivante :
1 1 1 0
0
o 1 o o 0
o o. 0 1
0
0 0 1 0
Matrice des prix
Pour que les comparaisons binaires puissent s'établir, il faut bien que chaque produit
typique d'un pays soit observé dans au moins un autre pays.
Supposons que le pays A ait enquêté sur les produits a, b et d, que B ait retenu a, b
et c, que C n'ait retenu que ses deux produits typiques a et d, que D ait choisi a et c et
que E n'ait observé que d. La matrice des prix se présentera comme suit pour la position
élémentaire considérée :
A B C D Pa Pa Pa Pa
A B Pb Pb 0 0
B D 0 Pc 0 Pc
PdA
0 PdC 0
Le zéro dans une colonne signifie simplement que le pays correspondant n'a pas
observé le produit considéré.
Association Matrice des astérisques - Matrice des prix
La lecture simultanée de la matrice des astérisques et de la matrice des prix permet
de savoir pour quels couples de pays l'on pourra procéder à la détermination directe des
indices de Fisher et montre les produits qui interviennent dans les indices de Laspeyres ou
de Paasche de deux pays.
0
0
0
E Pd
- 12 -
Pour chaque couple de pays les produits qui sont pris en compte dans le calcul des
indices de Laspeyres et de Paasche sont indiqués dans le tableau ci-dessous qu'il convient
de lire en considérant que les lignes correspondent aux pays de base en ce qui concerne
les indices de Laspeyres, tandis que les colonnes représentent les pays de base pour les
indices de Paasche.
A B C D E.
A a a a
B a,b a a
C a,d a a d
D c
E d d
Les comparaisons directes s'établissent donc pour les couples de pays pour lesquels
on peut calculer à la fois un indice de type Laspeyres et un indice de type Paasche. Il
s'agit de A-C, A-B, B-C, C-E, D-B.
C E D
(figure n° 1)
I A B
Tableau des indices de Fisher
Le tableau des indices de Fisher qui résulte de la matrice des prix et de la matrice
des astérisques présentées ci-dessus est incomplet : il ne contient que les indices de Fisher
directs relatifs aux couples A-C, A-B, B-C, C-E et D-B.
La méthode de calcul des parités de pouvoir d'achat élémentaires préconise,
lorsque le tableau des indices de Fisher est incomplet, qu'il soit complété par des indices
indirects estimés à l'aide des indices directs.
Les chemins à retenir pour relier deux pays doivent être les plus courts possibles.
Ainsi dans l'exemple précédent (voir figure n° 1), on relie E et B en passant par C et non
pas par C puis A. De même, le chemin optimal de D à E est le chemin D-B-C-E et non
D-B-A-C-E.
- 13 -
l'E/B étant l'indice direct de E base B, on écrit :
l E/B = IE/C x IC/B
où IE/C désigne l'indice direct de E base C.
I' DIE = D/B x B/C x IC/E.
La longueur d'un chemin est le nombre de segments qui le composent. S'il existe
pour deux pays donnés plusieurs chemins optimaux (c'est-à-dire ayant la longueur la plus
petite), l'indice indirect final est obtenu comme moyenne géométrique des indices indirects
correspondant aux différents chemins optimaux.
Par exemple, dans un cas de figure comme le suivant :
(figure n° 2)
l'indice indirect de D base E à inscrire dans le tableau des indices de Fisher est la moyenne
géométrique des indices indirects 11'D/E et 211D/E
1 D/E = ID/B x IB/C x IC/E
211D/E = ID/A x IA/C x IC/E
La procédure de remplissage du tableau des indices de Fisher repose sur la
condition de transitivité imposée aux indices utilisés, et préfigure en cela la détermination
des parités de pouvoir d'achat élémentaires de type EKS.
3.6. Parités EKS
Les indices de type Fisher, dont nous venons d'examiner la méthode de calcul tant
pour les comparaisons binaires directes que pour celles qui sont indirectes, peuvent ne pas
être transitifs.
- 14 -
On dérive de la matrice (complète) qu'ils forment des parités de pouvoir d'achat
élémentaires transitives, en minimisant la distance suivante due à Elteto, Koves et Szulc :
D = Z (LogEKSj - Log IFj)2 Z
Dans l'expression de cette distance D,
.EKS. désigne la PPA de type EKS que l'on désire déterminer pour le pays j, base le pays i ;
1Fi est l'indice de type Fisher (direct ou indirect) de j base i ;
et la somme double est effectuée sur tous les n pays comparés.
On démontre que, pour tout couple de pays, l'indice EKS de l'un (soit j) base l'autre
(soit i) est égal à la moyenne géométrique des n rapports entre un indice de Fisher de l'un
et un indice de Fisher de l'autre.
F 1Fj 2 j .EKS. x
1F1 2F1 X .. X
1 .Fj 1F1
. nFj x •• x x x 'Fi F.
.EKS j
n 1T 1=1 Li
j
1 n
IFj
1 ,
Sachant que IF = i .F1 , i on peut encore écrire .EKS sous la forme de la racine j
n-ième d'un produit d'indices F :
1 .EKS. = 1F.) x (if IFI n
J 1=1 J 1=1
On reconnart entre ces crochets d'une part le produit des éléments de la j-lème
colonne de la matrice de Fisher et d'autre part le produit des éléments de la i-ième ligne de
ladite matrice.
- 15-
Toutes les informations contenues dans la matrice EKS peuvent être reconstituées à
partir de n'importe laquelle de ses lignes ou colonnes étant donné la transitivité des indices
EKS.
Si on examine la n-lème ligne par exemple, on constate qu'elle contient les ppa de
chacun des pays par rapport au pays n.
Dans toute la suite de cet article, le vecteur de ces ppa s'écrira :
nppai.1 nppa12 nppa1.3 nPPai(n-1) nPPain avec nppain 1
n désigne le pays de base ; I désigne la position élémentaire dont la matrice des ppa transitives est réduite au n-ième
vecteur-ligne ci-dessus ;
j désigne le pays courant (pays de référence).
IV - AGREGATION DES PARITES DE POUVOIR D'ACHAT
La littérature sur les comparaisons internationales préconise de nombreuses
méthodes d'agrégation de parités de pouvoir d'achat (ppa) élémentaires, dont nous ne
présentons ici que celle utilisée par l'EUROSTAT pour la comparaison africaine de 1980.
4.1. Présentation de la méthode d'agrégation choisie
4.1.1. Propriétés désirées
Le choix de la méthode d'agrégation des parités de pouvoir d'achat élémentaires
est guidé par un certain nombre de propriétés parmi lesquelles on fait principalement valoir
l'invariance par rapport au pays pris comme base, la réversibilité des facteurs, la cohérence
interne et la transitivité.
a) Invariance par rapport à la base
Les résultats de la comparaison entre plusieurs pays ne doivent pas être influencés
par le choix d'un pays comme base. Les indices obtenus devraient être dans un certain
sens symétriques par rapport à l'ensemble des pays.
- 16 -
b) Réversibilité des facteurs
La condition de réversibilité des facteurs telle qu'elle est généralement utilisée est
remplie si le produit de la ppa par rapport à l'indice de volume est égal au rapport des
valeurs nominales (tous les trois éléments se situent dans un cadre spatial). Souvent, la
condition est faiblement remplie, la ppa ou l'indice de volume étant implicitement dérivé
l'un à partir de l'autre et de l'indice des valeurs nominales. Eri effet, dans les comparaisons
internationales, les indices de volume sont obtenus en divisant le rapport des valeurs
nominales par la ppa ; la condition exigée est alors automatiquement remplie.
Dans la littérature sur les indices, la condition de réversibilité des facteurs impose
aussi une autre exigence qui n'est pas respectée en pratique, à savoir que les ppa soient
obtenues en permutant dans les indices de volume les prix avec les quantités (et
inversement les indices de volume donnés par la permutation des quantités avec les prix
dans les ppa). Ce type de réversibilité des facteurs n'est pas utilisé, mais il est intéressant
de souligner que lorsque la deuxième exigence est satisfaite aussi, la condition entière
présente l'avantage de montrer si le produit de l'indice de volume avec la ppa (l'un obtenu
à partir de l'autre en permutant les prix avec les quantités) est bien égal au rapport des
valeurs nominales.
c) Cohérence interne (en anglais : internai consistency)
Cette condition recouvre deux nécessités différentes qui sont examinées ci-après :
1- Additivité
Cette condition concerne les valeurs réelles, c'est-à-dire les valeurs nominales des
différents pays pour les différents niveaux d'agrégation, converties dans une unité
commune à l'aide' des ppa spécifiques des agrégats.
Elle est satisfaite si la valeur réelle d'un agrégat d'un pays, est égale à celle qu'on
obtient par addition des valeurs réelles des composants de cet agrégat ; ceci pour
n'importe quel niveau d'agrégation.
Elle est remplie selon deux possibilités qui tiennent à la façon dont les ppa
spécifiques des composants sont calculées. En effet les ppa spécifiques peuvent être
calculées pour chaque composant indépendamment des autres prix et quantités, ou bien
comme fonction de ces prix et quantités aussi. Dans ce deuxième cas, l'additivité appelée
"matrix consistency" est aussi dite additivité faible. Dans le premier cas, il s'agirait de
l'additivité forte.
- 17 -
La condition d'additivité est très importante dans le contexte des comparaisons
internationales des agrégats des comptes nationaux.
2- Test de la moyenne des rapports de volume
Cette condition est étroitement liée à la précédente parce qu'elle concerne la
cohérence entre le rapport de volume d'un agrégat et celui de ses composants. Elle est
remplie si le rapport de volume de l'agrégat est compris entre le plus grand et le plus petit
des rapports de volume des composants.
Elle est extrêmement importante en raison de l'objectif principal poursuivi dans le
projet de comparaison des rapports de volume entre les pays.
Il faut signaler que si les indices de volume satisfont au "test de la moyenne", cela
n'est pas généralement le cas pour les ppa correspondantes. Cela implique que la
comparaison des niveaux relatifs des prix entre pays, pour être caractérisée par une
cohérence interne, nécessite que les ppa soient calculées à l'aide d'un indice qui remplit le
"test de la moyenne" des ppa.
d) Transitivité
La condition de transitivité est très importante dans le cadre des comparaisons
internationales parce qu'elle permet de comparer deux pays directement ou par le
truchement d'un autre ou de plusieurs autres pays. En d'autres termes, si alc indice de
volume ou de prix entre les pays a et c est inconnu, on peut l'obtenir en tant que produit
de l'indice alb du couple (a,b) par l'indice bIc du couple (b,c) si ces deux derniers indices
sont connus.
4.1.2. Equations de définition de l'indice Geary-Khamis
Parmi les méthodes connues qui satisfont les conditions mentionnées ci-dessus, le
choix de l'EUROSTAT s'est fixé sur l'indice Geary-Khamis par conformité au choix fait par
l'office statistique des Nations-Unies pour les comparaisons mondiales.
La méthode Geary-Khamis fait partie de l'ensemble des méthodes basées sur une
structure commune de prix moyens.
- 18 -
Ces prix moyens ou "prix internationaux" sont définis pour chaque produit en tant
que moyenne arithmétique des prix nationaux ; lesquels prix nationaux sont convertis en
une monnaie commune à l'aide de la parité globale, et pondérés par des quantités
spécifiques.
Si la moyenne Tri est le prix international du produit i, elle peut s'écrire comme suit :
n (GK 1) : Tr . =
j=1
qij
= 1, ...,m PPA.
j=1
qij /
La parité de pouvoir d'achat globale du pays j est :
(GK 2) : PPAi
j = 1, ...,n
Dans les équations (GK 1) le prix national p i, du produit i dans le pays j est pondéré
par le poids dudit pays dans la consommation totale (somme des quantités nationales =Zq. )
du produit considéré. Il y a m équations du type GK 1 : autant que de produits.
La parité de pouvoir d'achat globale d'un pays j, soit PPA j, le .niveau général
des prix dudit pays par rapport aux prix internationaux. C'est un rapport dont le numérateur
représente les quantités de tous les pr'oduits affectées des prix nationaux, tandis qu'au
dénominateur les quantités, qij sont multipliées par les prix internationaux.
Les (mi-n) équations sont résolues simultanément dès que toutes les données de
base sont connues : il s'agit des prix pg et des quantités qij.
4.1.3. Intégration des ppa élémentaires dans les formules GK
Dans le cadre des comparaisons internationales, les prix connus et disponibles se
rapportent à des produits bien spécifiés dont on ne connaît cependant guère les quantités
ni les valeurs consommées ou investies.
- 19 -
Les données de valeur existantes concernent des groupes de produits dont les plus
fins sont appelés "positions élémentaires".
Pour chaque position élémentaire, il est calculé une matrice de ppa transitives à
l'aide de la méthode EKS (ou de toute autre méthode connue). La n-ième ligne de la
matrice (lorsque n pays sont comparés) de la position élémentaire i contient les éléments
suivants :
. . nij p (avec nppain = 1) nppai.1 nppa12 nppa13 ppa . npai(n-1) nppa.
nppa. est la parité de pouvoir d'achat du pays j par rapport au pays n, pour la position
élémentaire i.
Sachant que le pays n est pris comme base, on peut omettre l'indice gauche n dans
l'expression des nppaii.
Pour la position élémentaire i, ppaii est en quelque sorte un prix. Il estime que si une
quantité donnée de produit composite i vaut 1 unité monétaire dans le pays n, elle vaudra
ppaij unités monétaires du pays j dans le pays j.
Les "prix" ppa, seront utilisés dans les équations de Geary-Khamis à la place des
pli. Malheureusement, ils ne correspondent pas à des quantités effectives ; à moins que l'on
ne détermine des indicateurs de volume en rapportant toutes les valeurs de dépenses des
positions élémentaires au niveau des prix du pays de base n, lesquels indicateurs joueraient
le rôle des quantités.
Cet expédient se justifie bien. En effet, la parité ppaij est un rapport de prix entre le
pays j et le pays n pour la position élémentaire i :
pij
nppaij = Pin
Valeur des dépenses de i Les indicateurs de volume sont : Qij - parité correspondante
vil Q = ij ppaij
- 20 -
Cette valeur V.. telle qu'estimée en comptabilité nationale (c'est une fraction du tl produit intérieur brut) peut être décomposée en un facteur prix pi) et un facteur quantité qq.
Ainsi, Q. pli / pin ; Qij qii x Pin
En guise de quantité, on considère dont la valeur des dépenses de la position élémentaire I (du produit composite i) aux prix du pays n.
Les équations de Geary-Khamis s'écrivent alors :
pi x qi
n ppaij Qij
(GK 3) if. = j=1 Z o. PPAJ 1=1
= • • M
m
(GK 4) PPA = 1 = 1 m
i = 1
ppa.. . Q. ij j = 1, ...
En remplaçant ppa. et Qij par leurs expressions respectives en fonction de p if , q. et pin, et en mettant en relief le produit 7tr i . pin, on se rend compte que les équations GK 3 et GK 4 fournissent
- des "prix internationaux" relatifs : ils sont rapportés aux prix du pays de base
-Tri / p • i in '
- des parités de pouvoir d'achat globales indépendantes du pays choisi comme base.
Solution du système d'équations de Geary-Khamis
Certes ces équations fournissent simultanément les TT. et les PPAI, mais la solution recherchée est le vecteur des PPAi.
dans :e lecteur trouvera une démonstration de l'existence et de l'unicité de cette solu-
tion
m r PPaij ppal.j
ij
r= 1 ,
ppaii
(GKH 2) : PPA.
= 1
j = 1, 2, ... , n - 1
- 21 -
D.S. PRASADA RAO : Aggregation Methods for the Computation of Purchasing Power
Parities - A Review and Comparison (Special IARIW Conference on Purchasing Pqwer
Parities : Luxembourg, 21-24 September).
Connaissant les parités élémentaires ppail (base pays n) et les valeurs nominales des
positions élémentaires en monnaie nationale V. les "prix internationaux" et les parités de
pouvoir d'achat globales PPA. sont calculés simultanément grâce au système de (m + n -
1) équations suivant :
(GKH 1) : =
V..
n
j=1
!plu
PPA.
ppail = 1, 2, • • • , m n V.
j = 1 ppaij
Ce système provient des équations GK 3 et GK 4 dont une est supprimée parce que
redondante, et dans lesquelles on utilise les rapports de valeurs nominales sur les parités
élémentaires comme indicateurs de quantités.
On écrit aisément ce système sous forme de système d'équations linéaires aux m 1
PPA.
4.1.4. Valeurs réelles et parités de pouvoir d'achat spécifiques
Dans la pratique, les calculs d'agrégation se font en trois étapes de calcul qui sont
explicitées ci-après :
inconnues Tri et aux (n - 1) inconnues
1ère étape : Calcul des prix moyens internationaux et des parités du total des principaux
emplois intérieurs. Les données nécessaires à ce stade des calculs sont les suivantes :
- 22 -
a) une matrice de parités élémentaires obtenues grâce à la méthode EKS. Chaque
ligne de cette matrice est un vecteur de parités dont la base est tel pays : le Cameroun
par exemple. Il est évident que la base est la même pour toutes les lignes. Il y a autant de
lignes que de positions élémentaires relatives à la consommation privée (CP), à la
formation brute de capital fixe (FBCF) et à la consommation collective des administrations
publiques (CCAP).
Cette matrice ne concerne pas la variation des stocks ni le solde des exportations
sur les importations qui font l'objet d'un traitement particulier qui sera explicité plus loin.
L'élément de la i-ième ligne, j-ième colonne de cette matrice est la parité du pays j
par rapport au pays de base choisi pour la position élémentaire i.
La colonne correspondant au pays choisi comme base ne comporte que des 1.
b) une matrice de valeurs nominales.
L'élément de la i-ème ligne, j-ième colonne de cette matrice est la valeur nominale
correspondant à la valeur élémentaire i dans le pays j ; laquelle valeur nominale est
exprimée en monnaie du pays j.
Les formules développées ci-dessus permettent de tirer de ces matrices d'une part
les m prix internationaux des différentes positions élémentaires, et d'autre part, pour
chaque pays, la parité de pouvoir d'achat correspondant au total des principaux emplois
finals intérieurs (CP + FBCF + CCAP). La parité de pouvoir d'achat obtenue pour un pays à
ce stade des calculs n'est pas encore globale parce qu'elle ne tient pas compte de la
variation des stocks ni du solde entre exportations et importations.
Ces deux derniers soldes pouvant être négatifs, leur inclusion dans la première
étape risquerait de conduire à des parités aberrantes.
2ème étape : calcul des parités de pouvoir d'achat et des valeurs réelles de tous les
niveaux de décomposition du produit intérieur brut.
Cette deuxième étape peut être scindée en trois temps qui sont l'agrégation des
parités élémentaires, puis le traitement de la variation des stocks et du solde entre
exportations et importations, et enfin la standardisation.
- 23 -
a) Agrégation des parités élémentaires.
Etant donné que la valeur réelle VRii des dépenses correspondant à la position
élémentaire i dans le pays j est égale à la quantité (mesure de volume) Vii/ppaii y relative
multipliée par le "prix international" (1) pour chaque pays, on peut calculer la valeur réelle
de n'importe quel sous-agrégat en additionnant simplement les valeurs réelles des positions
élémentaires qui composent ce sous-agrégat. Ce calcul est autorisé par l'additivité de
l'indice de Geary-Khamis. Il convient de souligner qu'il n'est effectué que pour les
sous-agrégats du total des principaux emplois finals intérieurs.
Connaissant déjà toutes les valeurs nominales, on obtient la parité de pouvoir
d'achat spécifique de chaque sous-agrégat en divisant sa valeur nominale par sa valeur
réelle.
b) Traitement de la variation des stocks et du solde entre exportations et
importations.
La notion de prix international pour ces deux agrégats n'étant pas définie, on se
contente de prendre d'une part la parité de la formation brute de capital fixe pour déflater
aussi la variation des stocks d'un pays donné, et d'autre part le taux de change officiel de
la monnaie de ce pays par rapport au pays de base pour convertir le solde entre
exportations et importations.
c) Standardisation.
Pour la comparaison africaine l'EUROSTAT, au lieu de privilégier la monnaie de l'un
des pays étudiés, a choisi comme "numéraire" une unité de référence qui est un amalgame
des monnaies de tous les pays comparés.
La procédure utilisée à cet effet est la standardisation. Elle consiste à se donner la
convention selon laquelle la somme sur tous les pays des valeurs réelles des PIB exprimées
en "numéraire" est égale à la somme sur tous ces pays des PIB exprimés en une monnaie
unique à l'aide des taux de change officiels.
(1) On sait que la valeur nominale de V., est égale au prix p.. multiplié par la quantité ql ., ;
quant à la parité ppa.i elle s'écrit Cbrnme rapport des 19rix entre le pays j et le pa4 de base n (ppaij = pij )1 pin). Comme 'g. / pin' on montre aisément que Vril = q
Ir ni,
- 24 -
Ce numéraire est le standard de pouvoir d'achat (SPA). Dans l'étude africaine de
1980 (et il en sera de même pour 1985) les PIB étaient exprimés en une monnaie unique
qui est le dollar US. Et l'on est convenu de désigner le SPA par l'expression "dollar africain
réel".
L'équation de standardisation s'écrit :
V. Vr.. = TC. j=1 1=1 j=1 1=1
Vrij est la valeur réelle de la position élémentaire i dans le pays j
Vij est la valeur nominale de i exprimée en monnaie du pays j
TC. est le taux de change de la monnaie du pays J par rapport au dollar US (1 dollar US =
TC unités monétaires)
M est le nombre de positions élémentaires y compris la variation des stocks et le solde
entre exportations et importations
n est le nombre de pays comparés.
Cette équation se traduit concrètement par la multiplication des valeurs réelles
calculées sous a) et b) par un scalaire qui ne modifie nullement les rapports entre les pays.
V - INDICES DE COMPARAISON
5.1. Principes généraux
Les résultats issus des calculs selon la méthode Geary-Khamis sont :
a) les parités de pouvoir d'achat du produit intérieur brut et de ses subdivisions
successives (agrégats, sous-agrégats) jusqu'au niveau des positions élémentaires ;
b) les valeurs réelles de ces agrégats et sous-agrégats.
Pour faciliter l'analyse de tous ces résultats, on calcule généralement des indices
de comparaison pour les pays comparés. Mais il est important de noter qu'un indice n'est
pas caractéristique du pays auquel il se rapporte. Certes, il concerne ce pays, mais il n'a
de signification que dans le contexte de la comparaison effectuée.
- 25 -
Si l'ensemble des pays étudiés venait à être modifié (insertion ou exclusion de
pays), les indices d'un pays donné pourraient être modifiés aussi.
De plus, les indices que l'EUROSTAT calcule dans le cadre de la comparaison
africaine ont pour base (= 100) l'ensemble des pays considérés.
Les indices de structure relative (comme les indices de niveau relatif des prix, et les
indices de volume relatif) ne doivent pas être utilisés pour dégager des conclusions sur un
pays donné (1). Ils ne servent qu'à comparer l'homogénéité des structures de prix ou de
volume entre pays.
5.2. Indice de niveau général des prix
L'indice de niveau général des prix d'un pays est égal au rapport de sa PPA globale
(celle relative au PIB) sur le taux de change officiel de sa monnaie (par rapport à la
monnaie prise comme numéraire) (voir définition suivante).
5.3. Indices de niveau (relatif) des prix
a) Indices de niveau des prix (moyenne de l'ensemble des pays = 100)
Ces indices sont obtenus en divisant la parité de pouvoir d'achat spécifique pour un
agrégat par le taux de change. L'indice de niveau des prix lorsqu'il se rapporte au PIB est
également connu sous le nom "d'indice de déviation par rapport au taux de change", mais
l'autre terme est préféré ici. Il s'agit d'une présentation standardisée des parités de pouvoir
d'achat de tous les pays. En effet, les indices de niveau dè prix permettent de comparer
directement les niveaux de prix entre les pays pour un agrégat donné parce qu'ils sont pour
tous les pays rapportés à la moyenne des indices de niveau des prix du PIB de l'ensemble
des pays. Lorsque cet indice pour un pays donné et pour un agrégat donné est supérieur à
100, cela signifie que le niveau de prix de cet agrégat pour ce pays est supérieur à la
moyenne de l'ensemble des pays, prise comme référence. La comparaison de cet indice
entre pays permet de déduire les niveaux de prix relatif entre ces pays, pour cet agrégat.
(1) Ansi on ne dira pas qu'au vu des indices de volume relatif la consommation de produits laitiers est de 20 % supérieure à celle de produits de la pêche dans tel pays, bien que l'indice de l'un soit 120 et celui de l'autre 100 (ce n'est qu'un exemple 9. On doit uniquement pouvoir dire que telle structure de tel pays est plus (ou moins) homogène que la structure correspondante de tel autre pays, compte tenu de la situation moyenne de l'ensemble.
- 26 -
b) Indices de niveau relatif des prix
Cet indice est obtenu en divisant la parité de pouvoir d'achat spécifique d'un
sous-agrégat par la parité de pouvoir d'achat d'un des agrégats de ce même pays. Il s'agit
donc d'une standardisation des parités spécifiques pour un pays donné et pour un agrégat
donné. Cet indice peut se définir à des niveaux d'agrégation différents, dans ce sens qu'il
mesure le rapport entre les parités des composants d'un agrégat et la parité de l'agrégat
même. On peut donc diviser par la parité du PIB, ou bien appliquer la parité de la
consommation privée et ainsi de suite. Lorsque, pour un agrégat donné, cet indice est
supérieur à 100, cela signifie que le niveau relatif des prix de cet agrégat est supérieur au
niveau relatif de prix de l'agrégat de référence. Bien entendu, la standardisation uniforme
de toutes les parités pour un pays donné peut se faire par rapport à la parité de pouvoir
d'achat du PIB. Lorsque l'on se réfère aux autres agrégats ou sous-agrégats, la parité de
référence varie et la standardisation se limite à un ensemble de parités seulement.
Un agrégat (ou sous-agrégat) étant pris comme référence (indice = 100), les indices
de ses composantes constituent un vecteur de structure relative des prix.
5.4. Indice de volume
a) Les indices de volume par habitant (moyenne des pays = 100)
Ces indices sont calculés à partir des valeurs réelles par pays et pour l'ensemble des
pays, en exprimant ces valeurs par habitant et en les rapportant à la valeur par tête d'un
habitant moyen de l'ensemble. La conversion par habitant est faite pour mieux comparer la
situation des habitants moyens des différents pays. Bien entendu, les valeurs réelles pour
chaque agrégat sont obtenues à (^'aide de la parité de pouvoir d'achat spécifique. Lorsque,
pour un pays donné et pour un agrégat donné, l'indice est supérieur à 100, cela signifie
que le volume par habitant pour ce pays est supérieur au volume par habitant pour
l'ensemble des pays. Cet indice peut se comparer agrégat par agrégat entre les pays par
rapport à la situation de l'habitant moyen de l'ensemble.
b) Indices de volume relatif
Cet indice est obtenu en divisant l'indice de volume par habitant d'une composante
par celui de l'agrégat. Pour un agrégat donné, les indices des composantes forment un
vecteur de structure relative des volumes.
L'analogie avec les indices de niveau relatif des prix est évidente.
- 27 -
BIBLIOGRAPHIE
EUROSTAT - 1985
Comparaison des niveaux de prix et des agrégats économiques : le cas de 15 pays africains - 1980.
EUROSTAT - 1983
Comparaison en valeurs réelles des agrégats du SEC - 1980.
MOUYELO-KATOULA Michel and MUNNSAD Kantilal
A note on methodologies used in a comparison of purchasing power parities and real economic aggregates in fifteen African' Countries -
Statistical Journal of the United Nations ECE 3 (1985) - 289-305.
KRAVIS Irving B., HESTON Alan W. and SUMMERS Robert
World product and income : international comparison of real gross product
(John Hopkins University Press, Baltimore, 1982).
PRASADA RAO D.S. •
Aggregation methods for the computation of purchasing power parities - A review and comparison
Special IARIW Conference on Purchasing Power Parities. Luxembourg, 21-24 September 1982
MOUYELO-KATOULA Michel
Projet de comparaison internationale : un outil pour l'amélioration des statistiques de prix en Afrique
STATECO n° 44 - décembre 1985.
GERARDI D. - 1981
Selected problems of inter-country comparisons on the basis of the experience of the EEC
17th General Conference of the IARIW, Paris, 1981.
LE TRAITEMENT DES STOCKS EN COMPTABILITE NATIONALE
DANS UN CONTEXTE D'INFLATION
par Michel SERUZIER*
Dans l'analyse qu'elle fait des biens et services présents sur le marché d'une
économie nationale, la comptabilité nationale s'intéresse à tous les produits disponibles,
quelle que soit leur origine, nationale ou importée. Par rapport à une période donnée,
l'année en général, certains biens franchissent la barrière de temps retenue : on parle de
stock initial pour ceux qui proviennent du passé, de stock final pour ceux dont l'utilisation
n'est pas encore constatée en fin de période.
En général, l'équilibre Ressources-Emplois regroupe ces deux flux inter-temporels
en une seule opération désignée par le terme "Variation de stocks". Il s'agit d'un excédent
(ou d'une insuffisance) de produits disponibles au cours de l'année qui est conservé pour le
futur (prélevée sur une accumulation antérieure). La contrepartie de cet excédent
(insuffisance) se traduit par une variation d'immobilisation retracée au compte de capital
des secteurs institutionnels.
Quand il s'agit d'évaluer ce poste, il est souvent préférable de travailler en séparant
stock initial et stock final, d'autant plus que se posent de redoutables problèmes de
valorisation dès qu'apparaissent des variations dans les prix des produits concernés au
cours de la période considérée.
Le présent article propose une analyse théorique de ces problèmes et suggère des
solutions pratiques pour en assurer la résolution dans le cadre de l'élaboration des comptes.
* Expert en comptabilité nationale.
- 30 -
I - RAPPEL DE QUELQUES PRINCIPES
1.1. Où trouve-t-on les stocks ?
a) Il existe quatre variétés de stocks :
- les produits finis
- les produits en cours de fabrication
appelés stocks chez les producteurs (en abrégé stocks producteurs)
- les stocks de matières premières (appelés stocks utilisateurs)
- les stocks chez les commerçants (appelés stocks commerce).
b) La nature des stocks : seuls les biens donnent lieu à stockage ; en aucun cas les
services.
c) Les détenteurs de stocks :
- pour les stocks producteurs : les secteurs ayant une production marchande de
biens ;
- pour les stocks de matières premières : tous les secteurs producteurs marchands ;
en effet, on ne considère pas de stocks utilisateurs dans l'administration, à l'exception de
stocks de produits stratégiques ;
- pour les stocks commerce : les secteurs ayant une production de commerce à
titre principal ou secondaire.
Figurent également dans cette rubrique les stocks de logement détenus par les
promoteurs immobiliers (bien que ceux-ci ne relèvent pas de l'activité commerce
proprement dite).
1.2. La place des stocks dans l'équilibre R = E
La démarche comptable de l'équilibre Ressources-Emplois prend en compte, pour
un produit donné, l'ensemble des flux intervenus à l'intérieur du territoire au cours d'une
année civile. Les stocks représentent le franchissement des frontières temporelles :
stocks initiaux (en début de période) : Ressource
stocks finaux (en fin de période) : Emploi.
- 31 -
En ne retenant que leur variation, on procède à une réduction des phénomènes qui
complique à la fois l'élaboration et l'interprétation. Le retour à l'analyse séparée des deux
flux est une nécessité pour surmonter la plupart des obstacles rencontrés.
Selon la démarche comptable de l'équilibre, chaque emploi élémentaire est la
contrepartie d'une ressource, et la valorisation retenue de part et d'autre doit être la
même.
Dans le cas des flux concernant les stocks, il peut être utile de décrire les diverses
contreparties possibles.
a) Produits finis
entrée : de la production ou du stock d'en cours
sortie : vers stocks utilisateur stocks commerce consommation intermédiaire utilisation finale.
b) En cours
entrée : de la production
sortie : vers le stock produits finis ou les sorties de ceux-ci.
c) Chez l'utilisateur
entrée : de la production de l'importation du stock à la production du stock commerce
sortie : vers la consommation intermédiaire.
d) Dans le commerce
entrée : les mêmes que pour le stock chez l'utilisateur
sortie : vers stock chez l'utilisateur consommation intermédiaire utilisation finale.
- 32 -
1.3. La place des stocks dans le compte de capital
Les stocks sont enregistrés au compte de capital des secteurs institutionnels. Ils
constituent en effet un actif détenu par ceux-ci, dont la variation entraîne un besoin (ou
dégage une capacité) de financement.
Il va de soi que la même valorisation doit être retenue dans le TES et dans les
comptes de capital, de telle sorte qu'elle soit compatible avec les soldes retenus pour le
tableau des opérations financières.
En conséquence, on doit pouvoir réaliser des tableaux par nature de stocks,
croisant les secteurs institutionnels et les produits.
1.4. Le principe de valorisation
Quel prix appliquer aux entrées et sorties de stocks ? Différentes solutions existent.
La comptabilité d'entreprise en retient déjà plusieurs, qui ont toutes comme principe de
prendre pour la sortie un prix utilisé à l'entrée, condition nécessaire pour assurer la
continuité du patrimoine enregistré au bilan.
Un tel principe n'est pas applicable en comptabilité nationale, car il induit dans le
PIB une création de valeur provenant d'un écart de valorisation des patrimoines (plus ou
moins-value, appelée "appréciation" en comptabilité nationale). Or le PIB ne doit retracer
que la création de valeur issue de la production de l'année.
En fait, le principe à retenir pour la valorisation des stocks doit tenir compte à la fois
des deux exigences suivantes :
- ne pas induire par la valorisation retenue que la production, et donc le PIB,
contiennent ce qui résulte d'un accroissement de valeur provenant d'une variation dans les
prix des produits stockés. Cet accroissement, qui est "l'appréciation", ne constitue pas à
proprement parler un revenu, mais un transfert de valeur entre secteurs institutionnels ;
- proposer une valorisation qui soit cohérente avec les flux financiers enregistrés
par les secteurs institutionnels.
Pour satisfaire ces exigences, on doit valoriser les opérations sur biens et services
au "prix en vigueur au jour de la réalisation de l'opération".
- 33 -
Pour la variation des stocks, cette valorisation s'écrit selon la formule suivante :
tiS = X pi e, - Z p. s. (1) I 1 i 1 1
où ei et s.1 sont les quantités entrées et sorties aux jours i et j ; p.1 et p.
1 indiquent les prix en
vigueur les jours correspondants.
On peut encore écrire cette équation :
às =1p. (e. - s.) (1')
Si on considère un produit élémentaire qui est suivi dans le temps, on a e.1 = sj mais le prix n'est plus le même : c'est cette différence de eix qui représente justement
l'appréciation ; la formule (1) est la plus conforme à représenter cette approche.
Si on considère les mouvements un jour donné, alors on a p.1 = pj' mais cette fois-ci e. A si ; • C'est alors la formule (1') qui convient. C'est celle que nous allons retenir ici,
puisque l'approche des comptes relève de cette dernière perspective : la référence à une
période de temps.
On remarquera que cette manière de procéder conduit à ignorer les valeurs initiales
et finales des stocks : seules nous intéressent les entrées et sorties de l'année.
"Prix en vigueur au jour de la réalisation de l'opération" :
Cette formule est d'application simple quand entrée et sortie sont associées à une
transaction : on constate alors le prix de marché pratiqué, tel qu'il est également pris en
compte dans l'opération de contrepartie : production ou importation pour des entrées en
stocks, consommation intermédiaire (Cl) ou demande finale pour des sorties.
Mais certains mouvements de stocks ne donnent pas lieu à transaction. On doit
alors appliquer un prix fictif tenant compte de l'évolution des prix au jour du mouvement :
- 34 -
- du stock utilisateur à la Cl : soit le prix constaté sur le marché au jour du
mouvement ; soit en appliquant au prix d'acquisition la variation de prix constatée sur le
marché entre date d'achat et date d'utilisation ;
- pour les stocks d'en cours, la valeur d'entrée est progressive, au fur et à mesure
de la mise en oeuvre des facteurs ; en revanche, la sortie se fait en totalité au terme du
processus de production, et correspond normalement au prix de revient du produit actualisé
au jour de sortie ;
- pour les stocks producteurs, l'interprétation est moins immédiate. La définition
invite à prendre le prix de marché du jour de la production ; dans l'agriculture, il est même
difficile de procéder autrement. Mais le problème est différent dans l'industrie, où les
entreprises enregistrent en général les entrées en stock de produits finis au prix de revient ;
dans ce cas, la marge du producteur n'est prise en compte dans la production qu'au
moment de la commercialisation. Si la comptabilité nationale retient ce même principe de
valorisation (cas de la France), cela ne dispense pas de modifier le prix de sortie pour tenir
compte de l'inflation intervenue depuis le moment d'entrée en stock.
Il - LES SOURCES ET LEUR TRAITEMENT
2.1. La pratique d'enregistrement des agents
L'information sur les stocks vient presque exclusivement des données comptables
des agents économiques, soit par l'intermédiaire d'enquêtes auprès des établissements, soit
à partir des documents comptables eux-mêmes (au niveau des unités institutionnelles).
L'information manque donc le plus souvent en ce qui concerne les petits producteurs (et en
particulier les entrepreneurs individuels)*.
La valeur retenue en entrée est toujours le coût complet pour l'entreprise (y compris
coûts liés aux achats, tels les frais de transport, pour les biens acquis à l'extérieur ; prix de
revient complet pour les biens en cours de production ou terminés).
* La règle suivie en comptabilité d'entreprise est de valoriser la quantité sortie au prix même où cette quantité a été valorisée à l'entrée : ceci répond à la fois à des exigences fiscale et patrimoniale.
- 35 -
Pour la valeur de sortie, différentes méthodes sont proposées, en raison de la
difficulté de repérer chaque bien et sa valeur d'entrée :
- en prenant la valeur du dernier entré (LIFO) ;
- en prenant la valeur du premier entré (FIFO) ;
- en prenant le prix moyen des biens encore en stocks ;
- en prenant sa valeur d'entrée (inventaire permanent : cela suppose le suivi de
chaque bien nominativement).
La première méthode a pour conséquence de minorer le bénéfice de l'entreprise, si
bien qu'elle est refusée le plus souvent par les administrations fiscales. Les trois autres
donnent des résultats assez voisins les uns des autres ; dans la suite des travaux, c'est la
méthode FIFO qui sera prise comme hypothèse.
Mais quelle que soit la méthode retenue, aucune ne correspond aux besoins propres
de la comptabilité nationale. L'écart entre les deux valorisations s'appelle l'appréciation sur
stocks.
2.2. L'appréciation sur stocks
Prenons comme référence la méthode de l'inventaire permanent (la plus rigoureuse
en comptabilité) appliquée à un produit fini. Chaque sortie est valorisée au prix que le bien
avait à son entrée : à l'occasion de la vente, appareil une marge qui résulte de deux
facteurs :
- l'écart instantané entre prix de vente et prix de revient ;
- l'écart sur le prix de revient intervenu entre le moment de l'entrée et celui de la
sortie.
Ce dernier terme est fonction de l'inflation, et correspond à un gain que la
comptabilité nationale ne veut pas reprendre : c'est l'appréciation sur stocks.
C'est la raison pour laquelle la sortie est valorisée au prix de revient du jour de
sortie. Il en résulte donc une valeur de sortie supérieure (en période d'inflation) et donc une
variation plus faible des stocks.
- 36 -
patrimoine détenu en stocks :
= à S (selon la comptabilité nationale)
+ Appréciation sur stocks.
Le premier terme de l'équation correspond à la valeur comptable des entreprises
(bilan différentiel).
Rappelons que la production (la consommation intermédiaire) est calculée à partir
des ventes (des achats) auxquelles on ajoute (on retire) la variation des stocks
"producteurs" ("utilisateurs") ; la modification ainsi introduite sur la valeur de la variation a
pour effet de diminuer la valeur ajoutée de l'unité (on peut vérifier que les deux
modifications sur production et Cl vont dans le même sens).
En contrepartie, au compte de capital, la variation retenue pour les stocks est
également diminuée du même montant ; les deux modifications se compensent donc de
telle sorte que le besoin (ou la capacité) de financement de l'unité reste inchangé.
En fait, l'appréciation n'est qu'un des aspects d'un phénomène plus vaste : la
réévaluation permanente des actifs en période d'inflation. Celle-ci est prise en compte en
"réconciliation" du compte de patrimoine ; l'appréciation est la part de cette réévaluation
qui a été réalisée en cours d'année par vente ou utilisation (en effet, chaque sortie est
majorée de la réévaluation sur le produit concerné) ; elle est prise en compte dans les
stocks (comme moindre croissance de leur variation) car cette réalisation se traduit par un
accroissement de la capacité financière de l'unité. En revanche, la partie non réalisée reste
potentielle et n'a donc aucun effet sur les comptes de flux.
Notons, pour terminer, que la prise en compte de l'appréciation modifie de la
manière suivante les sources statistiques en provenance des unités productives :
- diminution de la valeur de la production ;
- accroissement de la valeur des consommations intermédiaires ;
- diminution de la marge commerciale.
En cas de forte inflation, les modifications à introduire peuvent atteindre une
proportion importante.
- 37 -
2.3. L'utilisation des sources
On a vu que les sources disponibles sont le plus souvent comptables, et au niveau
des unités institutionnelles. Or, l'analyse en terme de biens et services nécessite une
connaissance des stocks par produit. D'autre part, le calcul de l'appréciation s'établit à
partir des taux d'inflation par produit. L'évaluation de la variation des stocks en
comptabilité nationale passe donc par une transformation des sources qui permette
l'analyse par produits. En raison des traitements à appliquer (cf paragraphe suivant), cette
transformation ne peut se limiter à la seule variation du patrimoine ; il faut considérer
séparément les stocks initial et final. En l'absence d'informations sur le détail des produits
stockés, on peut utiliser les critères suivants pour en faire la décomposition :
- stocks d'en cours et de produits finis : on considère qu'il s'agit des mêmes
produits que ceux retenus pour la production (et dans la même proportion, sauf raison
particulière) ;
- stocks de demi-produits : en première approximation, on peut les assimiler au cas
précédent ; mais il peut s'agir aussi de produits achetés (sous-ensembles) ou d'un produit
de l'entreprise représentant un poste particulier dans la nomenclature des biens et servi-
ces ;
- stocks de matières premières : la liste des produits contenus est multiple ; elle
correspond normalement aux biens qui figurent en consommation intermédiaire dans le TES
pour l'activité correspondante. A défaut d'information plus précise, on peut répartir stocks
initial et final dans la même proportion que ces consommations intermédiaires ;
- stocks du commerce : seule une information par type de commerce permet un
traitement, qui sera de toute façon insatisfaisant. Il est en effet nécessaire de décomposer
ces stocks par produit ! Des sources spécifiques peuvent exister pour les matières
premières (agricoles ou minières) dont les rythmes de prix et de stockage sont particuliers,
entraînant des comportements spéciaux en matière d'appréciation.
III - DES EXEMPLES SIMPLES POUR EXPLICITER LES DIFFICULTES
A l'expérience, nous avons constaté que les difficultés théoriques se clarifiaient en
utilisant des exemples chiffrés très simples se limitant à un seul problème.
- 38 -
Exemple 1
Nous supposons un seul bien produit en début d'année et qui circule entre différents
stocks jusqu'à son utilisation dans un autre processus de production (consommation inter-
médiaire). Il n'y a de stock ni à l'origine, ni au terme ; la variation du patrimoine de chacu-
ne des unités est donc nulle dans leur comptabilité. En période 1, la valeur de marché est
100 pour un coût de production de 90. Le taux de marge du commerce est 20 %.
Trimestres 1 2 3 4 Equilibre annuel Indice d'inflation 100 110 125 150 Production 90 11 101 Marge 25 25 Consommation intermédiaire 180 180
producteur + 90 - 99 - 9 àstock commerce + 110 - 125 - 15
utilisateur + 150 - 180 - 30
A chaque étape, le détenteur du stock a bénéficié d'une appréciation qu'il réalise
au moment de la vente. La variation négative du stock représente une ressource
enregistrée au compte de capital, laquelle correspond aux ressources financières
supplémentaires dégagées lors de la vente ou de l'utilisation. Pour le producteur, en
revanche, c'est en production qu'on enregistre le gain réalisé sur l'accroissement de marge
dû au retard de commercialisation (ceci n'aurait pas lieu si l'entrée en stock se faisait au prix du marché).
Exemple 2
Cas d'un produit spéculatif présentant une baisse de prix
Indice de prix
1
100
2
90
3
80
Equilibre annuel
99 .
80
+ 9
+ 10
Production
Consommation intermédiaire
î producteur stock utilisateur
90
90
9
- 81
+ 90
80
- 80
- 39 -
La baisse de valeur du stock se traduit par une perte financière, laquelle est
enregistrée au niveau d'un coût relatif à la variation des stocks.
Exemple 3
Soit un commerce traitant une unité de produit dans les conditions suivantes :
Stock Stock Mai Août Octobre
au 1/1 au 31/12
Cas 1 90 vente 100 100 achat 100
Cas 2 90 achat 90 vente 100 90
Cas 3 90 vente 100 achat 110 110
Le stock initial est toujours le même : une unité dont la valeur d'achat était 90.
La vente indique la valeur de sortie du stock (prix de remplacement sur le marché).
En appliquant la formule (1') :.D S = Zp. (e. - s.1), on obtient :
Cas 1
Cas 2
Cas 3
OS= 0
à S = - 10
à S + 10
Alors qu'on a toujours :
quantité = 0
Appréciation = 10.
Dans le premier cas, l'appréciation est réinvestie dans le stock ; dans le cas 2, elle
est restituée sous forme financière ; dans le 3e cas, il est nécessaire en plus d'accrortre le
financement du patrimoine stocké.
- 40 -
IV - FORMALISATION DU TRAITEMENT
Dans la pratique, il n'est guère possible de mettre en oeuvre l'une des formules (1)
ou (1') pour évaluer la variation des stocks : l'information n'est pas disponible, et même
alors la mise en oeuvre en serait très complexe (on devra cependant y revenir dans le cas
de produits très importants à comportement spécial). C'est pourquoi nous proposons ici des
méthodes simplifiées d'évaluation ; mais il faut savoir que les hypothèses retenues pour leur
application ne sont vérifiées qu'approximativement dans la réalité.
4.1. Cas général
a) Premier leu d'hypothèses :
- connaissance des stocks initial et final en quantité : Q 1 et Q2 ;
- entrées et sorties régulières dans le temps ;
- régime d'inflation : croissance régulière des prix (1).
Reprenons la formule (1') :
àS = r p. (e. - s.)
durant chaque période de temps on a : ei - si = giQ
avec Si Q = Q2 - Ql. i
En cas d'évolution régulière des prix (même à rythme élevé) et de mouvement
régulier des stocks, on montre (voir encadré page suivante) qu'une bonne approximation de
cette équation est donnée par :
As = p . Q (2)
où 13 est le prix moyen de l'année et àQ = Q2 - 01.
La variation des stocks est alors mesurée par la variation des quantités valorisée au prix moyen de l'année.
(1) Sans variation spéculative des prix ; le rythme d'inflation peut être variable.
- 41 -
CALCUL DE L'APPROXIMATION SUR CROISSANCE LINEAIRE
DES PRIX ET DE LA VARIATION DES STOCKS
On mesure le temps sur l'année par la variable 0 < t <1.
Evolution des prix : soit o( le taux d'inflation po prix en début d'année.
P -= po (1 + oc t).
Evolution de la variation des stocks : d Q = (Q2 - Q1) [1 + a (t - 1/2)' dt
où a est le taux de croissance du volume de la variation.
On a donc : 1
AS = 5 Po (1 + « t) (Q2 - Q ) [1 + a (t - 1/4 dt ' o
A S= po (Q2 - 0 1' 3 ‘ {I :LI t3 1
I 0 +1 t2 2 (a + oC - r + (1
1
tà S = (Q2 - Q1) x po (1 + oe a 2 12
« )
Or, .,po (1 + ) représente le prix moyen sur l'année et a est le plus
souvent ie.: 0,1. 2
a oc est donc petit par rapport à tX 12 2
Dans le cas de D( = 2 (200 % d'inflation), négliger ce terme représente un écart
inférieur à 0,8 %.
En fait, l'inflation varie selon un rythme plus voisin de l'exponentielle. Quant aux
variations de stocks, elles subissent l'effet conjoncturel en l'amplifiant. Malgré tout, si de
telles variations restent assez régulières dans le temps, on peut encore utiliser l'appro-
ximation. On a donc :
AS c.-. ip A Q
ce qui représente la variation des quantités valorisées au prix moyen de l'année.
2i) t 111
- 42 -
Si les variations des prix et/ou des quantités n'offraient pas une évolution suffisam-
ment régulière, on pourrait décomposer le temps en trimestres ou même en mois et appli-
quer la même formule :
12 A S = Fi q
1 I
où pi est le prix moyen de chaque mois
8.q :a variation de quantité durant le même mois.
b) Deuxième leu d'hypothèses :
- connaissance en comptabilité des stocks initial et final en valeur, établis selon la méthode FIFO, pour un produit donné ;
- entrées et sorties régulières dans le temps ;
— régime d'inflation : croissance régulière des prix.
Soit le nombre de mois de stocks. On a :
„ 12 x (stock initial + stock final?
chiffres d'affaires x 2
(valable pour les stocks chez le producteur ; pour les stocks chez l'utilisateur, on prend les achats au dénominateur).
La valeur du stock initial s'écrit approximativement :
12 - 7
n-1
et celle du stock final :
p
12 - 2‘
n
où p1 = p n-1
12 - , prix de production (ou d'acquisition) pour le mois 12 -de l'année r
n-1, est une approximation du prix moyen auquel les biens en stock ont été entrés.
Q 1 = p1 Q 1
- 43 -
Soit D E la variation de stocks en comptabilité :
àE = p2 Q2 01
+ DE = (02 - Q P 1 P2 ) 2 Q + Q
+ (1)2 P1) 2 (3)
P + P2 est une approximation du prix moyen annuel entre les mois
fl 2 12 - 2 /n-1 et 12 - - P 2- in ; soit cr le différentiel moyen d'inflation entre chacun de
ces mois et le terme de l'année ; selon l'équation (2), on .a alors :
=1'(°2 - 1 p1 + p2 2
Le second terme est une approximation de l'appréciation A, à condition d'introduire
le même différentiel y :
à prix x quantités moyennes.
Il peut encore s'écrire :
P Q A= (p + ) (p2/p 1 - 1) (4) 2 1 1 p2/p1
qui donne une mesure de l'appréciation à partir de valeurs initiale et finale des stocks en
patrimoine.
P2 Q2 représente le stock final valorisé au prix moyen du stock initial
P2/Pi mesure le taux d'inflation entre les mois 12 - et 12 - — (1)
2 /n-1 2 /n
Or, on a : AS =41E - •
(1) Si l'inflation présente un rythme constant, on peut utiliser la variation des prix moyens annuels, connue dans le cadre des comptes à prix constant.
- 44 -
On peut donc calculer l'appréciation et la variation des stocks de la comptabilité
nationale à partir des données comptables, de leur transformation par produit et du profil
d'inflation annuelle de chacun d'eux.
En pratique, le travail se conduit ainsi :
- décomposition par "produit" de la nomenclature des stocks initial et final donnés
par la comptabilité ;
- évaluation du taux d'inflation pour ce produit sur la période p2/
p 1
(on prendra de
décembre à décembre, ou de novembre à novembre, selon le nombre de mois de stocks) ;
- ramener le stock final au prix du stock initial P2 02
P2/p1
- introduire le facteur er si celui-ci est significatif ;
- on peut calculer l'appréciation A ;
- la 4 S de la comptabilité nationale s'obtient alors par la formule £S =A E - A.
c) Commentaires par nature de stocks
- Produits finis : si on voulait valoriser ces stocks au prix du marché au lieu du prix
de production, il faudrait majorer p1 01 et p2 02 du taux de marge industriel :
prix du marché
m - prix d'entrée en stock
Il est par ailleurs important de vérifier quelle valorisation est retenue pour la produc-
tion industrielle dans les statistiques disponibles afin d'introduire les corrections nécessaires.
Au Pérou, par exemple, dans les formulaires statistiques, la production stockée est égale-
ment valorisée au prix du marché ; il est alors nécessaire de valoriser les stocks de la même
manière.
- Produits "en cours" : si on retenait la proposition que j'ai faite par ailleurs (1), ces
stocks seraient ajoutés à ceux des matières premières et ne seraient plus considérés en
production.
(1) Cf l'article "La prise en compte de l'inflation dans l'élaboration des comptes nationaux", STATECO n° 44 (décembre 1985), p. 71.
- 45 -
Quelle que soit la solution retenue, un traitement spécifique doit être apporté
compte tenu de la durée du cyle de production qui influe sur le facteur Cf . Si celui-ci est
long, une analyse plus précise est souhaitable (bétail, navires, logement, . . . ).
- Matières premières : il est fort probable que les statistiques disponibles sur les
consommations intermédiaires prennent comme valeur pour celles-ci le prix de sortie des
stocks. Dans ce cas, elles sont sous-estimées de la valeur de l'appréciation sur les mêmes
stocks. La correction qui en résulte peut être assez importante.
- Commerce : l'appréciation ainsi calculée doit permettre la mesure exacte du taux
de marge.
4.2. Les autres cas
Dès qu'une solution approximative est proposée, la question se pose de savoir
jusqu'où il est possible de l'utiliser. Dans le cas de produits à variation spéculative ou
associés à des cycles saisonniers de production, un traitement spécifique est nécessaire,
qui est décrit ci-dessous. Mais sans atteindre ces cas extrêmes, on peut concevoir des
situations suffisamment marginales pour que le cas général ne puisse s'appliquer qu'au prix
d'une grande approximation :
- changement conjoncturel marqué : modification brutale de l'équilibre entre offre et
demande ;
- comportement spéculatif général : qui entraîne une modification significative dans
la manière de stocker (ou déstocker) des agents économiques ;
- modification importante du rythme d'inflation.
On ne peut envisager que des réponses graduées face à des phénomènes de ce
genre, tenant compte de différents facteurs :
- importance économique des produits concernés ;
- existence de données permettant une analyse plus pertinente ;
- temps disponible pour s'engager dans un travail plus complexe.
- 46 -
4.2.1. Quand le cycle n'est pas saisonnier
La seule méthode a priori concevable est la mise en oeuvre de l'équation (1'),
réécrite sous la forme :
Ll s= X p. I Q
Le plus souvent, il suffit de décomposer l'année en 12 mois (il faudrait des cas très
particuliers pour entrer dans un plus grand détail). Mais il faut alors évaluer :
- le prix moyen mensuel ;
- la variation en quantité du stock pour chacun des mois de l'année.
On peut cependant imaginer pour des situations particulières (un profil donné
d'inflation, par exemple) des traitements spéCifiques permettant une adaptation du cas
général.
4.2.2. Cycle saisonnier
Il s'agit le plus souvent des produits agricoles. La difficulté est présente tant pour les
produits issus du processus de production que pour ceux qui en sont les inputs.
a) Les inputs
Leurs stocks sont à traiter dans l'équilibre des produits correspondants. Est posée la
question de la date à retenir pour leur inscription en consommation intermédiaire : entrée
dans le processus, ou date de production. Le retard envisagé dans un contexte d'inflation
majore la valeur des Cl et a pour conséquence une diminution du montant retenu pour la
variation des stocks (chez l'utilisateur).
b) Produit fini : chez le producteur
On fait l'hypothèse que la production intervient à un moment précis de l'année (et
pendant deux ou trois mois au maximum) : c'est le cas le plus fréquent des productions
agricoles saisonnières.
On propose les références suivantes :
- 47 -
temps t
quantité en stock
production
prix
année n - 1 année n
1/1 1/1 31/12 récolte récolte
1 2 3 4 51 S2 S3 S4
Qn-1 Qn pl p2 p3 p4
On désigne par p23 le prix moyen entre les dates 2 et 3, pondéré par les quantités traitées au cours de la période.
A noter que pour les produits agricoles, à défaut d'information sur le prix de
production, on est même amené le plus souvent à utiliser le prix de marché.
On fait l'hypothèse S3 = 0 (les producteurs n'ont rien gardé de la récolte précédente). On a alors :
entrées : p3 Qn
sorties : S2 i) + (Qn - S4) 1534 23
Si on introduit en + et en - les deux termes S4 p3 et S2 pl' on obtient :
s [S4 p3 - S2 p - [(Qn - S4) (1334 - p3) + S2 (i323 -1511
La variation de stocks se décompose donc en deux éléments :
- la différence des quantités en stock au début et à la fin de l'année, valorisées aux prix de récolte respectifs ;
- la réalisation de l'appréciation résultant du décalage de prix entre la récolte et le moment de la vente.
- 48 -
c) Produit fini stocké dans le commerce
Bien souvent, le commerçant assure au moins une partie du stockage saisonnier de
tels produits. Mais ceux-ci peuvent également avoir une origine étrangère. Il est donc
nécessaire d'introduire une distinction entre les stocks ,de produits importés et ceux
d'origine nationale.
Stocks de produits importés : le traitement relève a priori de la démarche proposée
en 4.2.1., sauf si les flux et les prix présentent une évolution régulière.
Stocks de produits nationaux : reprenons des hypothèses semblables à celles
formulées en b) et supposons que la production de l'année est vendue pour 11
% avant la
fin de l'année, (1 - y ) % l'année suivante. On a, en quantités :
entrées : (1 - e ).n _1 + ï Qn
sorties : S2 + entrées - S4
et en valeur :
entrées : (1 - V ) en-1 i323 + Y en /534 sorties :1324 {S2 - 54 + (1 -
en-1 + Qn
D'où :
A s = (s4 - S2) i>24 - (i)2 (1 - ) Q n_ 1 + (5
-1'24) Î en
La variation de stocks se décompose en trois éléments :
- la différence des quantités en début et fin, valorisée au prix moyen d'achat de
l'année (il peut s'agir du prix moyen simple si les sorties de stock ont été régulières) ;
- la réalisation de l'appréciation résultant de l'écoulement de la partie achetée dans
l'année à un prix inférieur au prix moyen annuel ;
- le coût du financement nécessaire pour acquérir la nouvelle récolte à un prix
supérieur au prix moyen annuel.
d) Produit fini chez l'utilisateur
Il s'agit du cas général si entrées et sorties sont régulières. Dans le cas où
l'utilisateur joue un rôle de stockeur de récolte, on se trouve dans une situation similaire à celle du commerçant.
EXPLOITATION MICRO-INFORMATIQUE DES DONNEES COMPTABLES
DES ENTREPRISES DU BENIN
par Thierry PACCOUD*
La République Populaire du Bénin traverse une période charnière de son
développement économique, ét pour en maximiser les effets, elle entend disposer d'une
panoplie d'instruments et d'outils permettant d'affiner la décision macro-économique. La
comptabilité nationale constituant un de ces outils, elle a entrepris, avec l'aide
d'organisations internationale, de développer sa capacité à élaborer des comptes le plus
complètement et le plus régulièrement possible ; c'est en ce sens qu'a été établi un projet
de travail conjoint entre l'Institut National de la Statistique et de l'Analyse Economique
(1.N.S.A.E.) et l'Office Statistique des Communautés Européennes (O.S.C.E.). Ce projet est
orienté dans deux directions principales
- l'amélioration des techniques de traitement des données de base nécessaires à
l'élaboration des comptes ;
- la mise en cohérence des différentes opérations spécifiques d'élaboration des
comptes autour d'un renforcement de la méthodologie et du transfert d'expérience.
L'analyse plus détaillée des procédures d'élaboration des comptes utilisées par la
Statistique béninoise a fait apparartre un domaine où il était relativement profitable, en
terme de coût financier, de coût humain et d'espérance de résultats rapides, d'engager une
action. Ce domaine est celui des informations concernant les entreprises,privées du secteur
moderne.
* Expert de l'Office Statistique des Communautés Européennes.
- 50 -
C'est cet aspect concernant le traitement des données comptables des entreprises,
réalisé à l'aide de la micro-informatique, qui va être développé ici. Cette présentation
générale ne couvre pas de manière approfondie l'ensemble des aspects techniques de
l'expérience. Pour de plus amples informations, il conviendra de contacter directement
I'O.S.C.E., Service "Analyses et Développement".
1 - LE PLAN COMPTABLE NATIONAL
Depuis le 1er janvier 1983, toutes les entreprises agricoles, industrielles,
commerciales ou artisanales ayant leur siège social (ou des établissements) sur le territoire
de la République Populaire du Bénin sont tenues d'appliquer le Plan Comptable National
(P.C.N.) et d'établir annuellement les 19 tableaux de synthèse qu'il comporte. Ces tableaux
remplis doivent être déposés, en double exemplaire, à la Direction des Impôts, au plus tard
deux mois après la clôture de l'exercice. Un de ces exemplaires est destiné à l'I.N.S.A.E.
Parallèlement, un Conseil National de la Comptabilité (C.N.C.) est créé afin d'assurer
l'édition et la diffusion du PCN et de contrôler son bon développement parmi les
professionnels et les formateurs. L'INSAE est représenté au sein du CNC par son Directeur
Général.
La situation quelque peu désordonnée qui prévalait avant 1983 est donc maintenant
totalement contrôlée et le Bénin peut dorénavant disposer d'une source d'information
structurée, cohérente et annuelle sur les entreprises (voir annexè 1), qu'elles soient privées
ou publiques, et ceci même si les structures mises en place sont jeunes et demandent
encore à être rôdées.
Pour l'INSAE, et la Comptabilité Nationale (C.N.) en particulier, le Plan Comptable
est l'occasion d'accrortre tant la couverture statistique du secteur des entreprises que sa
qualité, d'où l'effort qui a été entrepris pour le traitement informatique des données
contenues dans les tableaux de synthèse du PCN.
- 51 -
2 - OPTIONS SUIVIES POUR LA MISE EN PLACE DU TRAITEMENT
Les tableaux de synthèse du Plan Comptable National (T.S.P.C.N.) ont une double
vocation :
- fournir à la Direction des Impôts (D.I.) les bases comptables de la perception
fiscale sur les entreprises ;
- permettre à la Statistique (INSAE) de disposer des données primaires sur les
entreprises à des fins d'agrégation et d'analyse.
Ces deux vocations sont bien distinctes et correspondent à deux traitements des
données qui sont très éloignés tant dans les méthodes que dans l'esprit. Pour les
entreprises, il est certain que c'est l'aspect fiscal qui est privilégié lors du remplissage, ce
qui nuit parfois à la clarté et la cohérence statistique des documents.
2.1. Besoins de la Comptabilité Nationale
La première option suivie pour le traitement des TSPCN a été de le limiter aux seuls
besoins de la Statistique, et plus particulièrement aux seuls besoins de la comptabilité
nationale. Cela ne veut pas dire que l'administration fiscale soit totalement écartée de la
procédure car, dans le cas béninois, la Statistique dépend de la Direction des Impôts pour la
réception de la 2ème copie des TSPCN.
Il semble, pourtant, que la Statistique a tout intérêt à se démarquer de la Dl pour
conserver la neutralité qui lui est nécessaire à l'obtention de renseignements plus précis de
la part des entreprises. En outre, cette exploitation consciemment limitée permet une mise
en place plus souple, s'appuyant sur des moyens financiers limités et facilement
mobilisables et la couverture quasi exhaustive des besoins des comptes nationaux.
La comptabilité nationale béninoise poursuit deux objectifs complémentaires :
- la production de données, même partielles, afin de répondre aux attentes
immédiates des utilisateurs ;
- la redéfinition des concepts et méthodes qui ont gouverné jusqu'à présent
l'élaboration des comptes.
- 52 -
Concrètement, cela signifie tant l'exploitation formalisée des sources de données
traditionnelles de la CN que leur mise en cohérence sur des bases retravaillées. L'INSAE
traverse une période relativement favorable à la réalisation de ces objectifs : d'importants
travaux de collecte et de traitement de données primaires sont actuellement réalisés pour
divers secteurs (enquête budget-consommation, données du commerce extérieur, projet de
comparaison internationale) et la Direction des Etudes et Synthèses Economiques et
Financières (D.E.S.E.F., en charge de la comptabilité nationale) bénéficie d'une assistance
technique permanente des Nations-Unies.
2.2. Options informatiques
Le programme de traitement s'appuiera totalement sur du matériel
micro-informatique, l'INSAE étant particulièrement familiarisé avec ce type de matériel
(enquête budget-consommation et exploitation des résultats du recensement général de la
population).
La limitation du champ d'exploitation aux seuls besoins de la comptabilité nationale
et le nombre restreint d'entreprises à traiter sont autant d'éléments favorisant ce choix. La
micro-informatique permet, en outre, de réaliser un lien direct (sans l'intermédiaire d'un
spécialiste) entre l'utilisateur et les données, ce qui est particulièrement important dans le
cadre d'un traitement technique spécifique : le manipulateur est aussi un concepteur.
L'exploitation proprement dite est réalisée sur la base d'un logiciel commercial
simple et bien connu : MULTIPLAN de Microsoft. Il s'agit d'un tableur de 63 colonnes et 251
lignes.
Le choix d'une telle option résulte de la constatation, malheureusement courante,
que les logiciels spécifiques, élaborés en dehors des structures d'exploitation, posent
généralement plus de problèmes qu'ils n'en résolvent (dépendance d'un programmeur). Il
est souvent plus simple et plus sûr d'employer un logiciel commercial qui, si il est parfois
limité et général, n'en est pas moins connu de tous et parfaitement documenté.
2.3. Options techniques
Le développement du traitement micro-informatique des TSPCN se réalise
parallèlement à la réflexion méthodologique de la DESEF sur l'élaboration des comptes
nationaux. De plus, il doit s'attacher à correspondre au mieux aux structures propres de
- 53 -
l'économie béninoise et aux habitudes de travail des statisticiens. Trois options techniques
principales sont donc suivies :
- une approche branche par branche. Le tableau de l'annexe 2 donne la répartition
des TSPCN en 1983 par branches et sous-branches d'activité. Certaines ne nécessitent pas
de traitement, le nombre de TSPCN recueillis étant limité ou nul (ex : industries extractives),
alors que d'autres requièrent un traitement plus sophistiqué en fonction des méthodes
d'évaluation statistiques tenant compte d'un environnement spécifique à un pays en
développement. La situation est résumée dans le tableau ci-dessous :
Pas de traitement Traitement normal Traitement spécifique
Informatique Manuel
. Industries extractives
. Electricité, gaz et eau
. Industries manu-facturières
. BTP
. Banques et assurances
. Commerce
. Transports et communication
. Agriculture
. Services
- une approche compte par compte. Les comptes relatifs au secteur des entreprises
(production/exploitation, revenus et dépenses, capital et financement) sont plus ou moins
difficiles à établir et il convient, de plus, de conserver l'ordre logique de leur élaboration
pour faciliter la compréhension de l'utilisateur. Ce dernier ne doit pas être un simple
manipulateur qui attend les résultats des calculs de la machine, mais bien un utilisateur actif
qui garde le contrôle des données entrées en machine sur la base des soldes successifs.
Pour chaque branche (ou sous-branche) quatre tableaux de calculs sont élaborés puis les
principaux résultats sont reportés dans des tableaux récapitulatifs ;
- une approche des comptes en données brutes. Les différents soldes des comptes
caractéristiques (valeur ajoutée, excédent d'exploitation, épargne) seront tout d'abord
calculés en brut, la consommation de capital fixe (CCF) n'étant introduite que dans les
tableaux récapitulatifs. La Direction des Etudes et Synthèses examine actuellement les
différentes méthodes de calcul de la CCF et déterminera son choix pour , le traitement
informatique.
- 54 -
3 - CHRONOLOGIE DES OPERATIONS
Les formulaires des tableaux de synthèse sont envoyés aux entreprises à la fin de
l'exercice comptable. Les entreprises ont en pratique quatre mois pour les remplir et les
retourner à la Direction des Impôts, qui en transmet une copie à la Direction des Etudes et
Synthèses Economiques et Financières de I'INSAE.
3.1. "Récolte" et classement
En fait, l'arrivée des tableaux s'échelonne sur toute l'année suivant l'exercice en
revue. On peut Imputer ces retards tout à la fois à la nouveauté du PCN, les comptables
d'entreprises n'étant pas encore totalement rôdés à la nouvelle procédure, et à l'absence
de moyens de pression réels délégués à la Direction des Impôts ou à la Statistique.
La première étape du traitement consiste donc à réduire ces délais de fourniture en
mettant en place une méthode de récolte précise et régulière, qui s'organise autour de
quatre éléments principaux :
- le classement immédiat des tableaux reçus. Dès leur arrivée, les TSPCN doivent
être classés par branches d'activité, selon une nomenclature fixée, proche de la CITI ;
- l'introduction des données signalétiques des entreprises dans des listes de
référence. Ces listes consistent en des tableaux "MULTIPLAN" dans lesquels sont stockées
les informations générales sur chaque entreprise. Ces listes doivent permettre tout à la fois
de faciliter les relances, de rendre possibles certaines analyses fines sur la structure des
entreprises (emploi, localisation, .. . ) et de faciliter la détermination d'échantillons. Pour
être efficaces, elles doivent être mises à jour année après année.
Chaque tableau comporte 14 colonnes :
. 1ère colonne : le code CITI ;
. 2ème à 13ème colonne : les renseignements généraux tirés du tableau 1 des
TSPCN (sigle, siège social, activités, . . . ) ;
. 14ème colonne : l'évolution des réponses année après année.
Pour les sous-branches du commerce, les listes de référence permettront l'élaboration
d'échantillons représentatifs sur la base du chiffre d'affaire, de la marge brûte (MB), des
impôts indirects (II) et du ratio II/MB (4 colonnes supplémentaires) ;
- 55 -
- les relances. Sur la base des listes de référence, les entreprises pour lesquelles les
TSPCN ne sont pas disponibles au 1er avril, doivent être relancées :
. par courrier ;
. auprès de la Direction des Impôts.
Les TSPCN arrivant à la suite de cette relance doivent subir le traitement dans les listes de
référence ;
- les "descentes". Ce sont les visites directes aux entreprises. Elles devront débuter
dans le courant du 2ème semestre de l'année. Elles concerneront :
. les entreprises qui n'ont pas répondu à la suite de la relance par courrier ;
. les entreprises qui ont répondu, mais pour lesquelles les TSPCN comportent de
graves lacunes ou requièrent des compléments d'information.
A terme, et grâce aux listes de référence, il sera possible d'anticiper les relances e,t
les descentes, la dernière colonne de la liste permettant de saisir immédiatement les
habitudes de fourniture de chaque entreprise.
3.2. Contrôles
Les TSPCN sont remplis par les entreprises à des fins essentiellement fiscales et par
des comptables qui ne sont pas toujours au fait de l'évolution du PCN. Ainsi, ils sont
généralement entachés d'erreurs plus ou moins importantes. Le comptable national n'est
pas un comptable d'entreprise et il doit donc s'appuyer sur les compétences de spécialistes
pour détecter et corriger ces erreurs (pas toujours involontaires). Les procédures de
contrôle présentées ici ne couvrent que l'aspect purement comptable du contrôle d'entrée
des TSPCN ; pour le comptable national, un contrôle global de cohérence
macro-économique intervient en fin de traitement.
Il s'agit ici de déterminer, de manière rapide et efficace, quelles sont les TSPCN qui
nécessitent un contrôle comptable plus approfondi. Le passage ou non des contrôles sera
enregistré dans les listes de référence.
- Contrôle de cohérence comptable. Cette opération s'effectue avant tout
traitement d'un TSPCN. Les TSPCN qui ne satisfont pas à ce contrôle sont mis de côté, les
autres étant immédiatement introduits dans la charrie de traitement. Ce contrôle consiste en
la vérification manuelle de cohérence quantitative entre les différents tableaux des TSPCN
(ex : cohérence des soldes de gestion et des postes de bilan).
- 56 -
- Correction. Pour les TSPCN exclus par les contrôles, il s'agira de déterminer si les
erreurs peuvent ou non être corrigées directement par les cadres de la DESEF. Si tel n'est
pas le cas, il conviendra :
. de contacter le centre national de formation comptable (CENAFOC) chargé de
la diffusion des principes du PCN auprès des comptables d'entreprises (formation, conseils,
etc.) ;
. si ce n'est pas suffisant, de contacter directement les entreprises en cause.
A la suite des corrections, les TSPCN pourront être introduits.
- Echantillons. Dans le cas des branches d'activité où le nombre des TSPCN erronés
est important (ex : commerce), il conviendra de déterminer un échantillon type, sur lequel
seront appliqués des coefficients d'extrapolation, afin de ne pas perdre trop de temps en
corrections. Cette procédure devra rester exceptionnelle et la DESEF a tout intérêt à
faciliter le développement des normes du PCN même si elle doit perdre du temps dans les
premières années d'exploitation. A ce niveau, la concertation entre l'INSAE, le CENAFOC et
les entreprises est un élément central de la pérennité du traitement.
3.3. Exploitation
L'objectif du traitement est d'établir, sur la base des TSPCN, les comptes
caractéristiques des branches d'activité de la CITI. Ces comptes sont au nombre de quatre :
- le compte de production ;
- le compte de revenus et dépenses ;
- le compte de capital ;
- le compte de financement.
3.3.1. Principes généraux
A chaque agrégat et sous-agrégat des comptes caractéristiques correspondront un
ou plusieurs postes des TSPCN. Par exemple, la détermination de la consommation
intermédiaire (compte de production) nécessitera la prise en compte de différents éléments
des tableaux 2, 13 et 15 des TSPCN (matières et fournitures consommées, transports
consommés, primes d'assurances, etc.). Les correspondances entre les postes des comptes
caractéristiques et les postes des TSPCN ont été établies sur la base des prescriptions du
- 57 -
Système de Comptabilité Nationale des Nations-Unies (S.C.N.) et en étroite collaboration
entre la DESEF et le CENAFOC. Elles ont été délibérément établies par rapport à une
situation bien déterminée, mals il est apparu que :
- le PCN est en évolution et que certains postes des TSPCN pourront recouvrir des
réalités différentes dans le futur ; il conviendra d'en tenir compte ;
- elles se réfèrent aux TSPCN version normale, certaines informations devant être
négligées dans le cas des TSPCN simplifiés (critères d'importance de l'entreprise en terme
de chiffre d'affaire et d'emploi).
Ainsi, la DESEF devra-t-elle être particulièrement attentive aux modifications qui
pourront intervenir dans le futur.
3.3.2. Exploitation en chaîne
L'exploitation proprement dite s'effectue sur la base de l'ancien traitement manuel.
Les variables du TSPCN sont introduites dans le système au fur et à mesure de leur
nécessité dans le calcul des agrégats des comptes caractéristiques. On aurait pu envisager,
et la micro-informatique l'aurait d'autant facilité, d'entrer les informations selon leur ordre
d'apparition dans les TSPCN et de laisser le soin à l'ordinateur d'effectuer les
regroupements et les calculs. Il a semblé que cette option avait le grand désavantage
d'écarter le manipulateur de l'élaboration logique des comptes et qu'il perdait dès cet
instant tout contrôle sur le déroulement des opérations.
C'est pourquoi le micro-ordinateur est ici utilisé comme une simple "super"
calculatrice, le manipulateur pouvant suivre directement sur l'écran les différentes étapes
logiques d'élaboration des comptes caractéristiques d'une part et les passages et reports de
soldes entre eux d'autre part.
Sur le plan pratique, l'exploitation se réalise selon le schéma suivant :
- introduction des données relativet aux agrégats du compte de production pour
une première entreprise (l'introduction s'effectue en ligne dans le tableau "MULTIPLAN", les
titres étant ainsi toujours visibles par le manipulateur) ;
- calcul des agrégats et des soldes du compte de production pour cette entreprise ;
- 58 -
- répétition de l'opération pour les autres entreprises de la branche ;
- calcul des totaux de la branche (en colonne) pour les principaux agrégats ;
- report des soldes dans le compte de revenus et dépenses ;
- introduction des données par entreprise pour ce nouveau compte et calcul des
soldes pour la branche ;
- report dans le compte de capital ;
- introduction des données et calculs ;
- report dans le compte de financement ;
- introduction des données et calcul.
A la fin de ces opérations, les agrégats de chaque compte caractéristique sont
reportés dans des tableaux récapitulatifs par branche, prêts pour l'édition. Le traitement,
qui a été présenté ici dans son ensemble pour une branche d'activité, peut être interrompu
à la fin de chaque compte caractéristique.
Par branche, les tableaux récapitulatifs sont au nombre de deux ; le premier
recevant les reports du compte de production et de revenus et dépenses, le second ceux
des comptes de capital et de financement. Cette césure dans le traitement résulte d'une
constatation pratique : les deux premiers comptes caractéristiques sont en général
beaucoup mieux maîtrisés par les comptables nationaux et leurs composantes dans les
TSPCN mieux remplies par les comptables privés. En effet, les aspects financiers et de
capital semblent moins bien perçus que les aspects réels par les comptables privés, ce qui a
des répercussions immédiates sur la qualité de l'information contenue dans les TSPCN et sur
la fiabilité de l'exploitation qui peut en être faite.
L'inclusion, dans la procédure de traitement, des "écrans" que sont les tableaux
récapitulatifs vise quatre objectifs principaux :
- la visualisation des seuls agrégats de chaque compte, épurés de toutes leurs
composantes, permettant une première édition de lecture aisée ;
- la présentation immédiate de certains soldes importants, telle la valeur ajoutée
dans le cadre du compte de production, et leur confrontation directe avec les agrégats ;
- 59 -
- l'établissement, si nécessaire, de structures par branches (par rapport à l'un ou
l'autre des agrégats) qui serviront par la suite à l'estimation dans chaque branche des
activités traditionnelles ;
- l'introduction, au niveau désiré (entreprises ou branches) des estimations,
réalisées à part, de la consommation de capital fixe (CCF), ceci permettant de passer aux
comptes en net.
3.4. Structure de classement
3.4.1. Tableaux par branches
Une vue générale du schéma de traitement des TSPCN est fournie par le tableau de
la page suivante.
Pour chaque branche et sous-branche traitées, sept tableaux "MULTIPLAN" sont
élaborés, les noms de chacun d'entre eux répondant à un code alphanumérique composé
de deux ou trois lettres et de quatre chiffres.
Type de tableau
Branche concernée
3000 Industries manufacturières
5000 BTP
6110 Commerce de gros - tissus
6120 Commerce de gros - alimentation
6130 Commerce de gros - divers
6210 Commerce de détail - tissus
6220 Commerce de détail - alimentation
6230 Commerce de détail - divers
6240 Commerce de détail - pièces détachées
6300 Hôtels et restaurants
7000 Transports et communication
8000 Banques et assurances.
LR Listes de référence
PE Production/exploitation
RD Revenus et Dépenses
CA Capital
FI Financement
REA Récapitulatif PE + RD
REB Récapitulatif CA + FI
- 61 -
Les informations contenues dans les tableaux récapitulatifs sont reportées, pour
l'édition, dans quatre tableaux généraux qui reprennent les totaux par branche :
- TG0001 Production/exploitation
- TG0002 Revenus et Dépenses
- TG0003 Capital
- TG0004 Financement.
3.4.2. Agrégats
Chaque agrégat reçoit un code en trois lettres (nom de l'agrégat) et en quatre
chiffres (référence à la branche). Ainsi, par exemple, la consommation intermédiaire
calculée pour la branche des BTP prendra-t-elle le nom de CIN5000 et sera calculée dans
le tableau PE5000, puis reportée dans le tableau récapitulatif REA5000.
De plus, les deux premières colonnes des tableaux par branche (PE, RD, CA, FI,
REA et REB), concernant le code CITI et le sigle usuel de l'entreprise, recevront elles aussi
un code alphanumérique qui permettra de les reporter tableau après tableau. Ces codes
sont :
- pour le code CITI, CCI et les quatre chiffres de la branche ;
- pour l'entreprise, CEN et les quatre chiffres.
3.4.3. Reports de tableau à tableau
Les reports de tableau à tableau se feront en trois étapes :
- report de tableau détaillé à tableau détaillé ; il s'agit des soldes reportables
(excédent brut d'exploitation, épargne brute et capacité de financement), ainsi que des
deux premières colonnes (code CITI et sigles des entreprises). Ces reports s'effectueront en
colonne ;
- report de tableau détaillé à tableau récapitulatif ; il s'agit de synthétiser les
informations (reports d'agrégats). Ils s'effectueront en colonne ;
- report de tableau récapitulatif à tableau général ; il s'agit de reporter les totaux
par branche. Ils s'effectueront en ligne.
- 62 -
3.4.4. Stockage
L'objectif final est de stocker sur un même support toutes les informations relatives
à une même année. Le seul support capàble de répondre à cet objectif est un disque dur
(capacité de 10 Mo). En l'attente de disposer d'un tel support, les informations seront
stockées sur disquettes, chaque disquette enregistrant la totalité des informations
concernant une branche.
4 - TRAITEMENTS PARTICULIERS
Les structures partiéulières des branches "commerce" et "transports et
communication" ont nécessité la mise en place de traitements particuliers.
4.1. Commerce
Dans une première étape, les listes de références sont remplies par sous-branche
(tableaux LR6110 à LR6300). Un échantillon représentatif (rapport II/MB) est construit pour
chaque désagrégation. Les entreprises des échantillons sont alors introduites dans les
tableaux de calcul et les résultats répartis dans les tableaux récapitulatifs. Une
structure-type par sous-branche y est calculée (par rapport à la production).
Parallèlement, la production totale de la branche "commerce" est calculée sur la
base de la méthodologie habituelle. La part relative de chaque désagrégation de la branche
dans la production totale est déterminée sur la base des échantillons et reportée dans les
tableaux récapitulatifs. Sur ces montants, les structures par sous-branche sont appliquées
et les soldes recalculés. Ces résultats sont reportés dans les tableaux généraux puis
agrégés au niveau de la branche totale.
4.2. Transports et communication
Le traitement normal est modifié afin de prendre en compte les estimations globales
relatives aux transports routiers.
Dans les tableaux récapitulatifs, le total "transports routiers" est isolé et une
structure-type est calculée par rapport à la valeur ajoutée.
- 63 -
Parallèlement, et sur la base des enquêtes effectuées dans le cadre du Ilème Plan
de la République Populaire du Bénin (sous-secteur Transports et communication), une
valeur ajoutée est calculée pour la sous-branche des transports routiers. Cette valeur
ajoutée est appliquée à la structure calculée précédemment et les totaux recalculés pour le
total de la branche. Ces derniers montants sont reportés dans les tableaux généraux.
5 - LIMITES DE L'EXPERIENCE
Les options de traitement qui ont été présentés ici se réfèrent toutes à la situation
particulière de la République Populaire du Bénin. Il est ainsi évident que l'option
micro-informatique n'est réaliste que grâce au nombre restreint d'entreprises à traiter
(environ 300 en 1983, environ 400 en 1984) et à l'habitude des cadres béninois de l'INSAE
face au matériel informatique.
Le nombre limité d'entreprises permet l'introduction de données par les services
d'exploitation eux-mêmes sans recours à une codification et des équipes d'encodage,
nécessaires pour des volumes de données plus importants. Le matériel micro-informatique
joue, dans ce cas précis, un rôle actif qui n'exclut pas d'emblée l'initiative du manipulateur.
Même si le nombre des tableaux peut parartre important (7 par branches, 12
branches ou sous-branches traitées, soit 84 tableaux auxquels il faut ajouter les 4 tableaux
généraux et le tableau spécifique des transports routiers -au total 89 tableaux), leur gestion
est à la portée de l'utilisateur informatique moyen.
Concernant les options techniques, elles résultent d'un choix pris par la Direction
des Etudes et Synthèses de l'INSAE considérant l'état des réflexions méthodologiques sur la
construction des comptes nationaux et les objectifs qu'elle s'est assignés pour l'avenir.
Le modèle ne se veut donc pas universel, même si certaines options peuvent être
facilement adaptées et transposées à d'autres situations. Son rôle sera totalement rempli s'il
permet à la fois de faire progresser les diverses réflexions sur le domaine et d'améliorer
l'exploitation des données de base de la comptabilité nationale béninoise.
- 64 -
6 - OBJECTIFS DE CALENDRIER
L'assistance de l'OSCE en matière d'exploitation des TSPCN au Bénin s'est
développée, à partir du début de l'année 1985, selon un programme par étapes, défini
conjointement avec l'INSAE et qui est présenté en annexe 3.
Par rapport à ce calendrier indicatif, l'implantation du système de traitement
micro-informatique des TSPCN a pris quelque retard, imputable principalement aux
problèmes posés par la disponibilité du matériel. En effet, il est vite apparu que le matériel
déjà existant à l'INSAE (MICRAL 90-50 dans le cadre de l'enquête budget-consommation
des ménages, IBM-PC dans le cadre des statistiques démographiques) ne pouvait être
utilisé comme prévu pour le traitement des TSPCN, les activités des principaux services
utilisateurs de ces matériels se révélant suffisantes à monopoliser la totalité des capacités.
La dernière mission de suivi effectuée par l'OSCE (du 7 au 21 février 1986), qui
devait, selon le programme indicatif, marquer le démarrage effectif de l'exploitation
micro-informatique, n'a pu que consister en un test complet du logiciel sur une branche
d'activité spécifique (celle des BTP).
Ce test a été effectué sur un micro-ordinateur indépendant de l'INSAE (M24
d'Olivetti) et a permis, en une journée, d'entrer dans le système toutes les entreprises du
BTP et d'établir pour cette branche les différents comptes caractéristiques.
L'INSAE s'est engagé, au vu des résultats du test, à fournir pour la prochaine
mission (prévue en juin 1986) la disponibilité temps, si ce n'est machine, nécessaire au
rattrapage définitif des traitements des années 1983 et 1984.
A terme, l'exploitation des TSPCN devrait s'organiser selon le calendrier
approximatif suivant :
- janvier à mars :
. arrivée des TSPCN à l'INSAE et, après contrôle, intégration en continu dans la
chaîne de traitement ;
. après quelques années de pratique, il devrait être possible, sur la base des listes
de référence, d'établir des échantillons représentatifs par branche et de présenter des
résultats provisoires.
- 65 -
- avril à mai :
. relances pour les entreprises n'ayant pas répondu ;
. intégration en continu ;
. calcul des structures par branche et estimation des activités traditionnelles.
- juin :
. sortie définitive des résultats ;
. intégration dans les opérations de construction des comptes nationaux.
- 66 -
ANNEXE 1
TABLEAUX DE SYNTHESE DU PLAN COMPTABLE BENINOIS
REGIME NORMAL
Tableau 1 Fiche signalétique de l'entreprise
Informations concernant le régime juridique, le régime fiscal, les activités, la nationalité,
l'emploi, .
Tableau 2
Soldes caractéristiques de gestion Détermination de la marge brute, de la valeur ajoutée, du résultat d'exploitation, des
résultats sur cession d'actifs, du résultat net avant impôt, de l'impôt sur le résultat, du
résultat net de la période à affecter ...
Tableau 3 Mouvements patrimoniaux
Emplois et ressources.
Tableau 4
Bilan
Actif et passif.
Tableau 5
Détermination du résultat fiscal
Tableau 6 Détermination du bénéfice minimum fiscal
Tableau 7
Calcul des prélèvements fiscaux et parafiscaux
Tableau 8
Tableau des immobilisations
Détermination de l'investissement total.
- 67 -
Tableau 9
Tableau des amortissements
Tableau 10
Tableau des stocks
Tableau 11
Tableau des provisions
Tableau 12
Tableau des capitaux permanents
Capital, réserves, report à nouveau, résultats en instance d'affectation, provisions pour pertes et charges, emprunts, obligations, . . .
Tableau 13
Détail des services consommés et charges,
Transport, autres services, charges et pertes diverses, frais de personnel, impôts et taxes,
intérêts, dotations, .. .
Tableau 14
Détail des ventes et prestations fournies
Tableau 15
Détail des autres produits
Tableau 16
Détail des résultats sur cessions d'açtifs immobilisés
Tableau 17
Tableau de financement
Emplois et ressources.
Tableau 18
Evolution du fonds de roulement
Emplois et ressources.
Tableau 19
Engagement hors bilan
- 68 -
ANNEXE 2
REPARTITION DES TSPCN 1983 PAR BRANCHE D'ACTIVITE
1. AGRICULTURE 1 2. INDUSTRIES EXTRACTIVES 0 3. INDUSTRIES MANUFACTURIERES 31
3115. Corps gras 1 3116. Travail des grains 1 3117. Boulangerie 1 3131. Boissons non alcoolisées 1 3132. Alcools non maltés 1 3210. Textile 2 3240. Chaussures 1 3320. Meubles en bois 3 3400. Papier et imprimerie 5 3510. Chimie 1 3520. Autres produits chimiques 5 3560. Plastique 1 3600. Produits min. non métal. 2 3810. Ouvrages en métaux 1 3900. Autres industries manufacturières 5
4. ELECTRICITE, GAZ ET EAU 1 5. BTP 11 6. COMMERCE 203
61. Commerce de gros 120 611. Tissus 60 612. Alimentation, Boissons 26 613. Divers 34
62. Commerce de détail 81 621. Tissus 20 622. Alimentation, Boissons 10 623. Divers 42 624. Pièces détachées 8 625. Librairie/Papeterie 1
63. Hôtels et restaurants
7. TRANSPORTS ET COMMUNICATIONS 3 8. BANQUES ET ASSURANCES 5 9. SERVICES 8
TOTAL DES TSPCN CLASSES 263
TSPCN NON CLASSES 20
TOTAL 1983 283
- 69 -
ANNEXE 3
PROJET DE TRAVAIL CONJOINT I.N.S.A.E.-O.S.C.E.
SUR LE TRAITEMENT DES TABLEAUX DE SYNTHESE
DU PLAN COMPTABLE NATIONAL
OBJECTIFS
* Améliorer la saisie et le traitement statistique des données sur les entreprises non
financières (rapidité, efficacité et exhaustivité).
* Permettre le développement des analyses sur le secteur productif (moderne et
traditionnel) et améliorer la connaissance sur les filières de production.
* Améliorer la qualité des comptes nationaux (justesse, précision et cohérence).
MOYENS
* Missions.
* Expertises.
* Micro-informatique (déjà disponible au Bénin).
PROGRAMME
Programme en plusieurs étapes dont l'année 1985 consistera en une étape de
réflexion et de mise en place des procédures de traitement et l'année 1986 en une étape
d'exploitation définitive des instruments. Durant ces deux années, l'exploitation
traditionnelle (effectuée manuellement) coexistera avec les efforts de mise en place de la
procédure informatique : les deux traitements devront être aussi proches que possible
(charrie de traitement, résultats intermédiaires, contrôles).
PRINCIPES
La nouvelle procédure de traitement devra s'intégrer dans les efforts nationaux
déployés pour le développement de l'appareil et des instruments statistiques (définition
- 70 -
précise des objectifs à atteindre) et être adaptée aux besoins d'informations nécessaires au
développement des politiques et projets sectoriels, tels qu'ils sont définis dans la
Convention de Lomé III.
DETAILS
Première étape : 1985
Janvier à avril : Arrivée à I'I.N.S.A.E. des documents statistiques et fiscaux (décret 81-399 du 19
novembre 1981) relatif à l'année civile 1984.
Avril * Rencontres 0.S.C.E./I.N.S.A.E./Autres services producteurs ou utilisateurs de
données sur les entreprises.
* Trois types de questions à traiter :
Questions générales
- Utilisations désirées des résultats du traitement des données sur les entreprises
(fichier d'entreprises, centrale des bilans, analyses Emplois/Ressources, autres analyses
particulières).
- Principes à respecter pour la chaîne de traitement des données (cohérence avec
les autres actions sectorielles, parallélisme des traitements manuel et informatique, . ).
Questions méthodologiques
- Passage Plan Comptable béninois/concepts de comptabilité nationale (conformité
du Plan Comptable béninois, problèmes de collecte, double régime .. . ).
- Passage branches - secteurs.
- Entreprises d'Etat, Plan comptable sectoriel.
- Echantillon d'entreprises pour des enquêtes spécifiques.
Questions informatiques
- Type de traitement.
- Disponibilité en matériel.
- 71 -
- Personnel qualifié.
* Ces rencontres devront aboutir à la définition d'un programme de travail conjoint
0.S.C.E./I.N.S.A.E.
Mai à août :
* Elaboration des rapports et expertises définis dans le programme de travail.
* Exploitation manuelle des TSPCN sur l'année 1984.
Septembre :
* Réunion de synthèse O.S.C.E./I.N.S.A.E.
- discussion sur les rapports ;
- examen des résultats de l'exploitation manuelle des documents sur l'année
civile 1984 ;
- présentation du logiciel de traitement ;
- établissement du calendrier pour l'implantation informatique.
Octobre :
Préparation à l'implantation informatique (mise en forme des données disponibles).
Novembre :
* Implantation du logiciel.
* Essais.
Décembre :
Entrée des données 1984 et sortie des premiers résultats.
Deuxième étape : 1986
Janvier à avril :
* Fin de l'implantation des données 1984.
* Publication des résultats.
* Arrivée des documents 1985.
* Double exploitation, en parallèle (contrôles de cohérence et formation sur le tas
du personnel à la nouvelle procédure).
QUELLES ENQUETES PEUT-ON DEPOUILLER
SUR UN MICRO-ORDINATEUR ?
par Pierre MEYER*
L'utilisation de la micro-informatique, pour le traitement des enquêtes ou dans
d'autres domaines, provoque fréquemment des prises de position qui ont peu de rapports
avec les possibilités des machines.
Que ce soient les partisans de la micro-informatique, rêvant d'une informatique
enfin débarrassée des informaticiens, ou les tenants de la "grosse informatique", semblant
craindre une dévalorisation de leurs travaux dès lors que ceux-ci seraient traités sur de si
petites machines, les arguments avancés ont souvent manqué de l'objectivité souhaitable.
Ce type de matériel n'offre effectivement pas des capacités suffisantes pour
pouvoir traiter tous les types d'enquêtes qu'on peut être amené à dépouiller. Il semble
pourtant certain, lorsque c'est possible, qu'il y ait intérêt à traiter une enquête sur un
micro-ordinateur, principalement pour :
* la facilité de mise en oeuvre du matériel : un non-informaticien peut facilement
dépouiller une enquête s'il a suivi une initiation au matériel et au logiciel employé ;
* les coûts d'utilisation très réduits ;
* la facilité de transfert sur d'autres machines des fichiers et des logiciels, grâce à
la standardisation des systèmes.
* Directeur d'Etudes à la Société ACT (Etudes et recherches économiques et industrielles)
- 74 -
Il importe donc de définir les critères qui permettent de décider si une enquête peut
ou non être traitée sur un micro-ordinateur. C'est bien sûr la taille de l'enquête, résultant
du nombre d'observations et du nombre de variables, qui peut constituer le premier
obstacle, étant donné les capacités de stockage limitées des micro-ordinateurs. Mais on
doit considérer aussi les durées de traitements qui en plus de la taille dépendent aussi de la
structure du fichier de l'enquête.
Etant donné la diversité des performances des machines présentes sur le marché de
la micro-informatique, il faut cerner le champ de ce qui est considéré ici sous le vocable
de micro-informatique. Dans le secteur professionnel, c'est incontestablement la famille
des PC d'IBM (PC, PC-XT, PC-AT) qui sert de référence, avec tous les compatibles qui
sont proposés par la majorité des constructeurs. Il s'agit donc de matériel monoposte,
fonctionnant sous le système MS-DOS ou PC-DOS, et pouvant disposer d'un disque dur
allant jusqu'à une capacité de 40 Méga-octets, 40 millions de caractères, pour les
machines les plus récentes. A l'intérieur de cette famille de matériel, les performances
varient du simple au double en temps de traitement.
L'ESPACE MEMOIRE SUR DISQUE
Le calcul de la taille du fichier donne l'étendue d'espace mémoire nécessaire au
stockage de l'enquête. On le mesure en nombre de caractères. Dans le cas d'une enquête
à un seul type d'enregistrement, si N est le nombre d'observations et C le nombre de
caractères nécessaires au codage d'une observation, donc la taille de l'enregistrement, la
taille du fichier T est légèrement supérieure à C x N, car selon le type de logiciel utilisé, il
faut rajouter quelques caractères à C pour obtenir la taille réelle de l'enregistrement. Dans
le cas d'une enquête à plusieurs types d'enregistrement, le calcul de T dépend beaucoup
du logiciel utilisé, puisque l'on utilise une base de données qui occupe elle-même de
l'espace mémoire pour sa propre gestion.
Pour des raisons de rapidité de traitement, de facilité de sauvegarde et de
transformation du fichier, il faut pouvoir mémoriser simultanément au moins deux versions
du fichier sur le disque dur, et plutôt trois si possible. Ceci s'avère particulièrement
indispensable lors des contrôles et corrections, si l'on veut facilement pouvoir revenir à
l'étape précédente de correction.
- 75 -
En plus de l'espace utile au stockage de l'enquête, il faut prévoir au moins deux
Méga-octets pour le stockage du système, des utilitaires, du logiciel, du descriptif de
l'enquête et des différents fichiers de paramètres.
Ceci signifie que, en disposant d'une capacité de stockage de 20 Méga-octets, on
peut théoriquement traiter une enquête dont la taille du fichier atteint 9 Méga-octets, mais
il est préférable de se limiter à 6 Méga-octets, afin de disposer simultanément de trois
versions du fichier. Dans le cas d'un fichier simple (à un seul type d'enregistrement) cela
représente une enquête de 6 000 observations codées sur 1 000 caractères, ou 30 000 de
200 caractères. Avec une capacité de 40 Méga-octets, on peut aisément doubler ces
volumes, et l'apparition de disques de capacité encore nettement supérieure nous laisse
penser que les possibilités limites se situeront de moins en moins dans la capacité de stockage.
LA DUREE DES TRAITEMENTS
Bien que les performances des micro-ordinateurs aient été augmentées très
sensiblement avec l'apparition des vrais 16 bits (PC-AT et compatibles), ces dernières
demeurent le point faible des micros dès que l'on tente de traiter de gros fichiers. Il est
difficile de fixer un seuil au-delà duquel une durée de traitement sera inadmissible.
La rapidité de traitement à laquelle l'informatique nous a habitués a sensiblement
modifié notre organisation du travail. Des temps de calcul trop longs sont devenus une gêne dans le déroulement de nos travaux.
L'expérience montre que de façon générale les traitements ne doivent guère durer
plus d'une heure. Pour les dépouillements d'enquête, cette limite s'applique aux
traitements usuels tels que les tabulations et autres calculs statistiques. Pour les
applications plus longues comme les contrôles et les tris, on peut segmenter les traitements
ou lancer des traitements nocturnes, afin de ne pas fermer l'accès à la machine- pendant
les heures ouvrables.
- 76 -
Les temps de traitements que nous citons ici ont été mesurés lors d'un
dépouillement effectué sur une machine compatible PC-XT, sensiblement plus rapide que
ce dernier. Les progiciels étaient écrits en basic compilé. Le fichier avait un seul type
d'enregistrement, d'une longueur de 250 caractères.
Les temps donnés peuvent être sensiblement améliorés par l'utilisation de machines
plus performantes et de logiciels plus évolués ; ils représentent cependant une bonne
estimation de ce que l'on peut obtenir avec les micro-ordinateurs les plus répandus.
Le traitement de référence choisi ici est le calcul d'un tableau résultant du
croisement de quatre variables. Ce type de calcul fait une lecture de tous les
enregistrements du fichier et effectue sur chacun une tâche simple, représentative du
dépouillement d'enquête.
Pour le calcul d'un tableau à quatre dimensions, la vitesse de traitement a été de
715 observations par minute, avec des enregistrements de 250 caractères. Pour le calcul
de 5 tableaux à quatre dimensions, la vitesse obtenue est de 193 observations par minute,
et la performance chute à 100 observations par minute pour le calcul de 10 tableaux. Ceci
donne des capacités de traitement horaire respectivement de 42 900, 11 580 et 6 000
observations.
Ces performances ont été considérablement améliorées, en transformant les
variables non numériques du fichier (les codes des variables ont été remplacés par le
numéro de modalité que ce code représente). Cette transformation a permis de diviser les
temps de traitement par trois. Toutefois cette transformation ne peut être effectuée
qu'après apurement du fichier, et n'améliore donc pas la durée des contrôles.
Quelques essais sur un micro-ordinateur compatible PC-AT nous ont permis de
constater un coefficient multiplicateur de la capacité de traitement allant de 2 à 3, suivant
le type de traitement. Dans le tableau suivant, nous avons pris l'hypothèse la plus
défavorable d'un coefficieht égal à 2, c'est pourquoi ces capacités théoriques
représentent un minimum.
- 77 -
CAPACITE DE TRAITEMENT, MESUREE EN NOMBRE D'ENREGISTREMENTS
DE 250 CARACTERES TRAITES EN 1 HEURE
Avec un compatible
PC - XT
Résultats théoriques avec un compatible PC - AT
Calcul de 1 tableau
Calcul de 5 tableaux
Calcul de 10 tableaux
Résultats obtenus avec le fichier d'origine 42 900 11 580 6 000
Avec un fichier transformé 119 007 35 321 19 263
Fichier non transformé 85 800 23 160 12 000
Fichier transformé 238 014 70 642 38 526
Bien que ce soit plus difficilement transposable, nous pouvons donner pour mémoire
la durée des traitements de contrôle dans la même enquête, qui comprenait un contrôle de
validité sur 160 variables et 25 contrôles de cohérence. La vitesse de contrôle a été de
1 440 observations à l'heure, ce qui donne une bonne idée de la relative lenteur de ces
traitements. Mais comme presque tous les contrôles peuvent être effectués
quotidiennement, au fur et à mesure de la saisie du fichier, il est possible d'éviter ces longs
traitements.
Il ne serait pas significatif de donner des temps de traitement de fichier à plusieurs
types d'enregistrement. Dans ce cas les performances dépendent de trop de paramètres
pour qu'il soit possible de produire des résultats généralisables. L'on peut toutefois affirmer
que l'utilisation de base de données multiplie les durées de calcul au minimum par trois et
souvent par beaucoup plus. Il apparart donc préférable, chaque fois que cela est possible,
de ramener le fichier à un seul type d'enregistrement malgré la redondance d'information
que cette solution représente.
LA SAISIE
La saisie est la partie du traitement la moins affectée par le passage à la
micro-informatique. Que l'on saisisse sur un terminal connecté à une grosse machine ou
sur un micro-ordinateur, le programme de saisie et ses contrôles se déroulent de façon
- 78 -
identique, et les temps de réponse des micros (affichage de l'écran, contrôle, écriture),
s'avèrent suffisamment courts dans le cadre d'une saisie intelligente (i.e. contrôlée). La
seule contrainte nouvelle provient du fait que le micro (au sens où on l'a pris ici) est
encore monoposte.
Si le volume de l'enquête est trop important ou les délais particulièrement restreints,
il est possible d'utilisér un ou plusieurs micro-ordinateurs supplémentaires. Il suffit alors de
machines ayant la configuration minimale, un écran et un lecteur de disquettes. Il faut
alors aussi prévoir une procédure pour concaténer les fichiers saisis sur ces machines
annexes au fichier principal stocké sur la machine qui effectue les traitements. Une autre
solution peut être l'utilisation d'un réseau raccordant les machines annexes à la machine
principale ; mais cette solution plUs coûteuse et plus complexe ne nous semble justifiable
que dans le cas d'un fichier trop volumineux pour être traité sur un micro.
EN RESUME : DES PERFORMANCES HOMOGENES
Lorsque l'on pose la question de savoir si une enquête peut ou non être traitée sur
un micro-ordinateur, la réponse dépend principalement de la taille du fichier nécessaire et
de sa structure (fichier simple ou base de données). On a vu en effet que les capacités de
traitement et les capacités de stockage des machines sont assez homogènes et imposent
donc des limites de taille de fichier assez proches.
Supposons par exemple un traitement sur une machine compatible à un PC-XT
équipé d'un disque dur de 20 Méga-octets. La limite supérieure de la taille du fichier
admissible se situe alors à 9 Méga-octets, ce qui représente 9 000 enregistrements de
1 000 caractères ou 36 000 de 250 caractères. Nous avons vu que pour un traitement
durant lequel on calcule 5 tableaux à quatre dimensions, il fallait une heure pour traiter un
peu plus de 35 000 enregistrements de 250 caractères. Dans le cas où l'on voudrait
calculer l'équivalent de 400 tableaux de ce type, ce qui parait vraisemblable sur un
enregistrement de 250 caractères, cela supposerait 80 heures de traitement, c'est-à-dire
entre un et deux mois de travail. Dans le cas où l'on traiterait. 9 000 enregistrements de
1 000 caractères, les durées de traitement seraient nettement plus courtes mais le nombre
de traitements supérieur, ce qui ferait une durée globale sensiblement équivalente.
- 79 -
Sur les machines les plus récentes (compatibles PC-AT) avec un disque de 40
Méga-octets, ces capacités sont doublées, amenant la limite supérieure du fichier
exploitable à 18 Méga-octets, pour des durées de traitement équivalentes. La question qui
se pose alors est la durée de la saisie, ou plutôt le nombre de machines nécessaires pour
ramener cette durée à une longueur admissible.
LA GRANDE LIMITE : LE MONOPOSTE
Dans le cas extrême où l'on voudrait dépouiller une enquête dont le fichier atteint
18 Méga-octets, et dont la moitié des variables sont effectivement codées, on aurait alors
9 x 106 caractères à saisir. Avec deux agents de saisie, se succédant au clavier, à raison
de 5 heures chacun, il faudrait au moins 11 mois pour saisir la totalité du fichier dans un
mode de saisie contrôlée. Une telle durée réservée à la saisie est, dans la plupart des cas, difficile à admettre.
Pour ramener la durée de la saisie à 3 mois, il faudrait, dans ce cas, 4 machines, et
si l'on veut que le responsable du dépouillement puisse préparer les traitements et
commencer les contrôles et les corrections, il en faudrait 5. La solution micro-informatique
est alors très lourde, voire coûteuse s'il faut acquérir le matériel.
Cette limite devrait être levée dans les prochaines années avec la standardisation
de systèmes multipostes. Mais dans l'attente de ces systèmes on voit que c'est le
monoposte qui constitue le principal handicap au traitement des grands fichiers.
L'UTILISATION DE LA MICRO-INFORMATIQUE EN STATISTIQUE
POUR UNE MAITRISE DE L'OUTIL
par Michel BLANC
et Jean BUKIET
I - INTRODUCTION
C'est une banalité de dire aujourd'hui que la micro-informatique peut rendre
d'immenses services à un Office Statistique, spécialement dans des pays où la masse des
informations socio-économiques à traiter ne nécessite pas a priori le recours à des
capacités de mémoire ou de calcul considérables. Et il est vrai que, dans tous les services
centraux de statistique qui ont été dotés de micro-ordinateurs au cours de ces dernières
années, on a vu que certaines situations, qui étaient bloquées lorsqu'il fallait faire appel à
de gros ordinateurs -dont la statistique n'avait pas en général le contrôle-, évoluaient
favorablement et semblaient se débloquer. Ceci ne veut pas dire pourtant que la
micro-informatique constitue une panacée et qu'il suffit d'introduire des micro-ordinateurs,
le plus nombreux possible évidemment, pour voir disparartre tout à coup tous les problèmes
rencontrés par les statisticiens dans l'exploitation des données. On n'a pas vu en effet,
depuis l'avènement de ces machines, de Direction de la Statistique qui parvienne, même
après une période de rodage de quelques mois -voire quelques années-, à sortir
régulièrement les bulletins de statistique, les comptes nationaux ou les résultats d'enquêtes
qu'elle n'arrivait pas à produire auparavant.
Indépendamment du problème de la disponibilité et de la collecte des données
statistiques de base subsiste clairement un problème de méthode lié à l'utilisation des
micro-ordinateurs, qu'il s'agisse de l'existence de logiciels adaptés aux traitements
statistiques ou plus généralement de méthode d'organisation du travail autour et à l'aide de
* M. BLANC et J. BUKIET appartiennent au Service de Coopération de l'INSEE.
- 82 -
ces machines. Certes les solutions doivent être plus faciles à trouver et surtout plus faciles
à mettre en oeuvre que dans la situation antérieure, mais elles ne sont pas forcément
évidentes pour autant. Un outil ne vaut que par l'usage que l'on en fait, la martrise que l'on
en a, et le micro-ordinateur n'échappe pas à cette règle.
Nous allons donc essayer de caractériser les travaux de traitement des données
incombant à un service statistique dans l'optique de l'utilisation de la micro-informatique,
en faisant apparartre les difficultés ou les problèmes que cela entraîne, et en tentant
d'apporter, si possible, quelques éléments de solution.
Mais tout d'abord il convient de préciser de quels types de machines nous voulons
parler, et aussi de quels types d'application, c'est-à-dire quels types de données et quels
types de traitement.
Il - LE MICRO-ORDINATEUR
En ce qui concerne les micro-ordinateurs dont nous allons parler, ce seront a priori
des machines monotâches (un seul programme exécuté à la fois) et monopostes (un seul
utilisateur à la fois), dotées d'un système d'exploitation relativement simple. Le type en est
l'IBM PC et ses compatibles, sous MS-DOS (mais aussi la famille APPLE . . . ).
Les tailles mémoire des micro-ordinateurs et les capacités des disques durs
deviennent toujours de plus en plus grandes, aussi les principales caractéristiques
techniques qui les font différer des "gros" ordinateurs sont la vitesse des traitements, qui
reste incomparablement plus faible, et la simplicité du système d'exploitation.
Les micro-ordinateurs dotés d'un système d'exploitation complexe, permettant par
exemple de supporter le multiposte, nous semblent relever plus d'une philosophie "mini" que
"micro".
III - LES APPLICATIONS
On pense évidemment à tenter de différencier, parmi les diverses applications de
traitement de données réalisées dans une Direction de la Statistique, celles qui relèvent de
la micro-informatique et celles qui relèvent de l'informatique "classique".
- 83 -
Il faut pour cela commencer par distinguer les tâches de "production" statistique des
tâches "d'analyse". Le premier groupe se réfère à la première fonction d'un service
statistique, qui est de mettre de l'information chiffrée à la disposition d'utilisateurs (sous
forme de tableaux de résultats d'enquêtes, de recensement, sous forme d'indices, sous
forme de tableaux de comptes nationaux, etc.). Le deuxième groupe de tâches correspond
à la fonction d'études que peut s'attribuer le statisticien-économiste, lorsqu'il se fait le
premier utilisateur des données qu'il a produites.
3.1. Micro-informatique "de production"
En ce qui concerne les travaux de production statistique, on voit que ceux-ci
comprennent des opérations de nature, de périodicité et de volume divers. Ils vont en effet
de la production de statistiques de base à la "mise en forme" de ces statistiques sous forme
d'indices par exemple, à la mise en forme à des fins de présentation économique de
statistiques d'origine administrative, ou à une élaboration un peu plus sophistiquée dans le
cadre de la comptabilité nationale, etc. Les opérations de collecte de données de base
proprement dites peuvent elles-mêmes être plus ou moins lourdes, selon qu'elles se font au
travers d'un recensement général de la population, d'un recensement de l'agriculture, d'un
recensement de l'industrie, d'une enquête nationale sur le niveau et les conditions de vie
des ménages, ou alors d'une enquête légère, de relevés de prix sur quelques marchés, etc.
Mais la mise en évidence de cette diversité d'opérations et leur classement par le
volume des données traitées ou par la complexité des traitements à effectuer ne suffisent
pas pour permettre d'établir une frontière nette entre les travaux qui relèveraient
naturellement d'une exploitation micro-informatique et les autres. S'il est clair en effet que,
pour les opérations les plus simples et de moindre taille, comme les enquêtes légères ou le
calcul d'indices, on puisse envisager a priori de les traiter sur des micro-ordinateurs, rien ne
prouve qu'il faille l'exclure absolument pour les opérations lourdes et complexes. En effet,
compte tenu de l'évolution continue des matériels et du développement rapide de logiciels
dans des domaines variés, ce ne seront bientôt plus des raisons techniques qui
détermineront cette frontière, mais des raisons d'une nature différente : par exemple,
existence d'un savoir-faire, recherche d'une organisation adaptée.
3.2. Micro-informatique "d'étude"
Les micro-ordinateurs monopostes sont par nature destinés à être partagés entre un
nombre réduit de personnes, voire à ne servir qu'à une seule personne. La facilité d'utilisa-
tion, surtout avec le confort apporté par les progiciels et les "souris", en fait un outil idéal
- 84 -
pour des cadres n'ayant pas a priori de compétence informatique ou ne désirant pas entrer
dans les arcanes d'un langage ésotérique et d'un mode opératoire rebutant.
La logique de cette utilisation des micro-ordinateurs est la réalisation d'études où
l'outil informatique n'est pas une finalité en soi. Le cadre s'attachera à la validité des
résultats produits, pas à celle du déroulement informatique des traitements. Le but des
progiciels est d'éviter de programmer et de se poser des questions de nature informatique.
Les progiciels utilisés peuvent être des gestionnaires de données, des tableurs, ou
bien des progiciels intégrés, mais il peut s'agir aussi de progiciels beaucoup plus spécialisés
et adaptés notamment à l'analyse statistique. C'est ainsi qu'il existe des logiciels pour
micro-ordinateurs réalisant diverses sortes d'analyses de données (analyse en composantes
principales, analyse des correspondances, différentes méthodes de classification) ou des
analyses économétriques, y compris les méthodes les plus récentes incluant les variables
qualitatives.
Il s'agit donc a priori d'opérations qui ne sont pas répétitives, ou qui restent toujours
sous la responsabilité d'un même cadre qui les conçoit et les réalise. Toutefois on imagine
que ce dernier va être amené bien vite à vouloir répéter une même étude à échéances
régulières, et donc à vouloir conserver ses commandes dans un fichier permanent de
manière à éviter d'avoir à les rentrer à chaque fois. Par ailleurs, il voudra peut-être aller
plus loin et sortir des options standards du progiciel ; or certains progiciels disposent de
véritables langages de programmation.
On rejoint ainsi les caractéristiques de la micro-informatique de production, où on
bâtit un système informatique qui doit s'intégrer au fonctionnement du service et doit par
conséquent répondre à un certain nombre d'exigences de fiabilité, de sécurité, de
possibilités d'évolution, etc.
3.3. Micro-informatique
On voit donc qu'on arrive à un point où s'opère une distinction entre l'informatique
personnelle -l'ordinateur personnel (le "PC")-, et une organisation utilisant éventuellement
le même type de micro-ordinateurs mais requérant des compétences informatiques qui sont
exactement de même nature que celles exigées pour faire fonctionner l'informatique
•classique, avec même le cas échéant la nécessité d'avoir un informaticien à plein temps
pour gérer cette organisation.
- 85 -
Cette séparation ne doit toutefois pas être perçue comme une opposition de deux
situations extrêmes entre lesquelles il faudrait choisir ; il existe au contraire, si l'on peut
dire, un continuum de possibilités entre les deux.
Pour revenir à l'optique que nous avons choisie, qui est celle du cadre statisticien
confronté à un problème de production statistique (ou à un problème d'étude entrant dans
le cadre régulier des travaux et donc des publications de la Statistique, dont nous avons vu
qu'il rejoignait le précédent), elle semblait a priori proche de ce que nous venons d'appeler
informatique personnelle. Mais nous voyons maintenant que la solution se situe quelque part
sur le chemin défini ci-dessus, ce qui signifie que le statisticien ne pourra résoudre les
différents problèmes qui se posent à lui qu'après avoir acquis les connaissances et les
compétences nécessaires correspondant à cette situation.
Quelles sont donc ces compétences supplémentaires requises, ou quels sont les
écueils qui guettent celui qui se lance sans précaution particulière, même dans des
applications apparemment simples ? C'est ce que nous allons tenter de mettre en évidence
en passant en revue diverses exigences d'applications informatiques de type professionnel,
relatives ici à la statistique.
IV - LES EXIGENCES DE LA MICRO-INFORMATIQUE
4.1. Pérennité des applications
La crédibilité d'un service statistique et l'utilité de ses travaux se jugent certes à la
qualité mais aussi à la régularité de ses productions. Une application destinée à "tourner"
tous les mois, tous les trimestres ou tous les ans doit donc offrir toutes les garanties en ce
sens. Une des premières conditions est que la conception et la réalisation d'une telle
application ne doit pas être le fait d'une personne seule "bricolant" des programmes à sa
guise et construisant un monstre que personne ne saura plus utiliser après son départ.
La rotation des cadres étant en général plus importante dans les pays en
développement que dans les pays développés, ce problème doit faire l'objet d'une attention
particulière.
- 86 -
4.2. Organisation
Informatiser une fonction ou un service, même à l'aide de micro-ordinateurs
domiciliés et mis en oeuvre au sein du service, conduit inéluctablement à figer certains
aspects de l'organisation du service. Comme un service n'est jamais indépendant des
autres services d'une Direction, ni de l'extérieur, mais reçoit et transmet des informations,
informatiser signifie également figer certains aspects de l'organisation de la Direction, et
notamment certains circuits d'information.
L'introduction de l'informatique devrait s'accompagner de la réflexion sur
l'organisation, pour éviter des blocages immédiats ou à plus long terme, pour tirer le
meilleur parti des apports dus au nouvel outil, et pour s'inscrire dans des perspectives plus
larges (d'autres services, en amont ou en aval, sont informatisés ou vont l'être).
En tout état de cause, les impératifs de sécurité (cf infra) imposent une organisation
précise et rigoureuse de l'utilisation de la micro-informatique pour les applications de
production.
4.3. Conception des fichiers
Concevoir et organiser les différents fichiers et leurs liens est une opération délicate.
Et de mauvaises décisions en ce domaine conduisent inéluctablement à des programmes
plus complexes, voire à rendre les traitements quasiment impossibles.
Il est nécessaire d'envisager d'abord l'ensemble des informations que la tâche à
automatiser met en jeu, leurs liens et leurs occurrences, de manière à bâtir le système
d'information.
Puis en fonction des matériels et des logiciels que l'on prévoit d'utiliser, on déduira
les structures et organisations des fichiers physiques et leur accès.
Cette phase de conception et de structuration des fichiers est particulièrement
importante dans le cas de la micro-informatique de production statistique. Ceci est vrai déjà
pour des opérations en apparence simples (par exemple la gestion de relevés de prix et le
calcul d'indices), si on veut que l'application soit réellement efficace, mais devient vraiment
une condition de faisabilité de l'application lorsque l'opération devient plus complexe,
comme c'est le cas d'une enquête budget-consommation, avec de nombreux niveaux
d'observation et des liaisons à établir entre ces niveaux.
- 87 -
Certains progiciels imposent de bien définir la structure des données dès le départ,
mais laissent aussi beaucoup de libertés à l'utilisateur, ce qui bien sûr n'est pas mauvais en
soi, mais par ailleurs ne l'empêche pas de se noyer dès qu'il a affaire à un grand nombre de
fichiers et qu'il doit gérer toutes les liaisons entre eux. D'autre part la majorité de ces
progiciels ne permettent pas de définir des structures du type hiérarchique, sans lesquelles
l'exploitation et l'analyse des données de la plupart des enquêtes auprès des ménages ne
peuvent se concevoir valablement. De tels logiciels généraux adaptés au traitement de ce
type d'enquête commencent à voir le jour sur les micro-ordinateurs, mais aucun n'a encore
atteint l'efficacité et la notoriété de ceux qui ont été mis au point sur les gros ordinateurs.
4.4. Compatibilité et cohérence
Ce point mérite d'être mentionné, même s'il peut paraître évident, car, justement
peut-être parce qu'on le croit évident, on a tendance à en oublier toutes les implications.
Dans une Direction de la Statistique comme dans toute autre organisation, bien vite
le besoin sera ressenti de pouvoir échanger des programmes et des données avec d'autres
utilisateurs, donc avec d'autres machines. Se posent alors tous les problèmes de
compatibilité : compatibilité des données produites par des logiciels différents, compatibilité
des machines pour pouvoir échanger des programmes ou des données.
Mais il faut penser aussi aux problèmes de cohérence ; si les définitions ne sont pas
les mêmes, les données produites par une application seront difficiles, voire impossibles, à
exploiter dans une autre. Il faut par exemple se méfier des copies d'un fichier : plusieurs
utilisateurs du même service ont chacun leur copie, ou bien une copie est fournie à un
autre service. Il sera alors impossible d'assurer la cohérence entre les copies, qui ne seront
jamais dans le même état de mise à jour, et risquent même de diverger grandement.
Il est donc particulièrement important de veiller à la cohérence de l'ensemble de son
dispositif de traitement informatique : compatibilité des matériels qui équipent les différents
services, cohérence des données de manière que chacun des systèmes d'information
décentralisés participe bien au système d'information global.
4.5. Maintenance des programmes
Les programmes constituant l'application doivent pouvoir évoluer au cours du
temps, pour corriger des erreurs résiduelles qui apparaîtront pour des cas marginaux, mais
aussi parce que certaines fonctionnalités seront modifiées (changements de définition, de
règles administratives, etc.).
- 88 -
Un programme documenté, lisible, accompagné d'un dossier reprenant le fichier
logique d'entrée, la description algorithmique, la programmation, les jeux d'essai et les
procédures d'exploitation, sera rapidement compris par ceux qui devront le reprendre.
Un programme structuré et modulaire pourra très facilement être modifié, adapté et
enrichi de nouvelles fonctionnalités.
Cela nécessite aussi que les fichiers puissent être utilisés pour réaliser des
traitements qui n'étaient pas prévus initialement (mais qui s'inscrivent dans la même finalité)
sans avoir à être modifiés dans leur structure.
Penser le système d'information sans le lier aux programmes qu'il faudra écrire, mais
en l'envisageant comme une description des informations que manipule le service, permet
d'assurer une relative indépendance des données et des traitements.
4.6. Sécurité des données
Il s'agit là d'un point crucial, car les micro-ordinateurs offrent fort peu de sécurités,
pour les données comme pour les programmes.
Une fausse manoeuvre, un incident, et des heures voire des mois de travail peuvent
disparaître à tout jamais si l'utilisateur n'a pas fait l'effort d'organiser lui-même sa sécurité.
Sur un gros ordinateur des incidents se produisent aussi, mais un certain nombre de
procédures et de personnes réalisent des protections et des sauvegardes.
Les données doivent donc être protégées contre une destruction accidentelle (ce
qui arrive très souvent en micro-informatique où les supports des données sont manipulées
directement par les utilisateurs ; qui n'a été victime d'une commande DEL, COPY ou
FORMAT mal venue ?). Les micro-ordinateurs n'offrent aucune protection réelle et la seule
solution reste de sauvegarder systématiquement les fichiers de données, après chaque
manipulation, sur un autre support. Cette précaution permettra de faire face également aux
problèmes dus aux supports devenus illisibles. La nécessité de sauvegarder un disque dur
peut conduire à installer un dispositif de sauvegarde sur bande (streamer).
Un aspect particulier de la sauvegarde concerne les données qui demeurent un
certain temps en mémoire (comme par exemple les cellules d'une feuille lorsqu'on utilise un
tableur) car une coupure de courant les fera disparartre irrémédiablement ; là aussi une
sauvegarde régulière est nécessaire.
- 89 -
Il convient également de préserver l'intégrité, des données en empêchant des
modifications qui seraient apportées mal à propos et qui nuiraient à la fiabilité des fichiers ;
il n'existe malheureusement pas de solution générale à ce problème.
En outre, il est nécessaire de gérer les dates de mise à jour des données afin de
savoir si une modification a été répercutée et si un traitement a eu lieu avant ou après des
modifications.
Enfin il faut mentionner le problème de la confidentialité, qui recouvre notamment
l'obligation de secret pour un Office Statistique. Or les systèmes d'exploitation tels que
MS-DOS n'offrent aucune garantie pour protéger l'accès aux données enregistrées sur un
disque dur ; de plus il est facile d'effectuer des copies de ces fichiers sans laisser aucune
trace ; ét un utilisateur un peu expérimenté peut même retrouver le contenu de fichiers qui
ont été détruits.
4.7. Protection des programmes
Les programmes doivent également être protégés contre la destruction par
l'utilisation de copies de sauvegarde (les disquettes originales ne doivent jamais servir sauf
pour refaire une copie de travail lorsqu'il y en a besoin, ce qui pose des problèmes avec
des progiciels trop protégés).
Ils doivent aussi être protégés contre des modifications intempestives que leurs
utilisateurs pourraient leur apporter et qui seraient susceptibles de mettre en cause la
validité ou la cohérence des résultats produits ; la meilleure protection consiste alors à ne
fournir que des programmes exécutables obtenus par compilation (et ces programmes se
suffisent à eux-mêmes, alors que des programmes interprétés doivent être accompagnés de
l'interpréteur).
V - CONCLUSION
5.1. Envisager d'autres solutions
Un ou plusieurs micro-ordinateurs ne représentent pas la seule solution pour
informatiser un service.
- 90 -
Une solution mini-ordinateur par exemple (1) offrirait une meilleure sécurité des
données, par les procédures de sauvegarde automatique, et garantirait une meilleure
cohérence, par l'existence d'une seule base de données accessible par les différents
utilisateurs.
Cette solution nécessite la présence d'informaticiens, ce qui garantit la
connaissance de certaines techniques dont nous avons vu l'importance, et la mise en place
d'une organisation spécifique.
Cela dit, un micro-ordinateur multiposte multitâche (par exemple avec le système
d'exploitation UNIX) répond à cette définition.
Mais il est certain que la solution mini-ordinateur est lourde ; elle est d'abord plus
coûteuse, mais pas plus qu'un projet qui nécessiterait dix micro-ordinateurs. Mais surtout
elle est plus difficile à maltriser par les utilisateurs, et risque de conduire à des contraintes
concernant l'accès à la machine du type de celles que connaissent nombre de services
vis-à-vis d'un gros ordinateur central.
5.2. Nécessité d'une formation à la micro-informatique
Il apparaît que pour pratiquer une micro-informatique de production, le statisticien
devra avoir à sa disposition un certain nombre de connaissances et d'outils qui étaient
jusqu'ici plutôt réservés aux informaticiens. Certes il ne s'agit pas pour lui de devenir
informaticien, ni d'ailleurs de croire que les informaticiens ont résolu tous les problèmes
posés par le traitement automatique de l'information, mais il est également inutile de
réinventer un certain nombre de techniques qu'ils ont élaborées pendant quarante ans.
Une formation à la micro-informatique devrait alors comprendre :
- une approche d'une technique d'analyse permettant de concevoir le système
d'information et de réaliser un ensemble de programmes cohérent et planifié ;
- une formation plus poussée sur la conception des fichiers, qui sont la matière
première que traite l'informatique et dont l'organisation conditionne la faisabilité et la
facilité des traitements ;
(1) On aurait pu envisager aussi les avantages et inconvénients respectifs des réseaux locaux et des infocentres.
- 91 -
- une formation sérieuse à la programmation (structurée), seule garantie de pouvoir
mettre au point des programmes même longs et complexes, et surtout de pouvoir les
maintenir, les faire évoluer ;
- enfin il est nécessaire d'acquérir des compétences concernant le système
d'exploitation et les procédures de sauvegarde.
NOTE DE LECTURE
Georges DUPRE
LES NAISSANCES D'UNE SOCIETE, ESPACE ET HISTORICITE CHEZ LES
BEEMBE DU CONGO
ORSTOM, Paris, coll, Mémoires, n° 101, 418 pages
par Philippe COUTY
Après un premier ouvrage consacré en 1982 aux Nzabi du Congo (1), Georges
DUPRE, géologue devenu sociologue, nous donne un livre sur les Beembé, groupe ethnique
situé autour de Mouyondzi, entre Niari et Bouenza. Les deux études relèvent d'une même
recherche, qui vise à décrire et à faire comprendre les modalités et les ressorts de la
diversité des sociétés rurales congolaises. Les Nzabi s'opposent aux Beembé comme le
système s'oppose à l'histoire, comme l'ordre et ses règles sont aux antipodes de la
transaction : "La mobilité à quoi les a contraints leur système de production amène les
Nzabi à produire leur espace par un réseau de relations relativement rigides entre des
établissements humains essentiellement transitoires. Au contraire, c'est à partir des points
fixes des villages et des marchés que s'organise l'espace beembé, dans lequel les relations
sont mouvantes et sans cesse remises en cause" (p. 15).
On le comprend, l'auteur affirme la spécificité de chaque société, et reconnail qu'il
ne saurait construire librement l'image de ce qu'il observe : "Produire la connaissance de
ces sociétés, c'est d'abord apprendre à composer avec elles" (p. 13). Nous voilà d'emblée
à des années-lumière des travaux que certains anthropologues, il n'y a pas si longtemps,
(1) Un ordre et sa destruction. ORSTOM. Paris. Collection Mémoires, n° 93, 446 pages. Cet ouvrage a été analysé dans le Bulletin Analytique de Documentation d'AMIRA (n° 4, mars 1984) et également (plus brièvement) dans le Bulletin Bibliographique du Service de Coopération de l'INSEE (n° 2, 1983).
- 94 -
entreprenaient sur le terrain pour vérifier des schémas théoriques d'une solidité à toute
épreuve. En d'autres termes encore, l'analyse d'une société donnée ne peut se réduire à la
condamnation de la dépendance où cette société est maintenue : "Les Beembé ne se
contentèrent pas de réagir à la domination qui leur était imposée : ils lui assignèrent des
limites à ne pas dépasser" (p. 12).
Mais que faut-il entendre par spécificité d'une société ? Dès le premier chapitre,
DUPRE rejette le fixisme des anciennes classifications ethniques, et propose de reprendre le
problème sur d'autres bases. Il existe une entité beembé, soit, mais "à la notion d'ethnie
beembé dotée d'attributions hétéroclites, est substitué le concept de société productrice de
son histoire" (p. 27).
J'essaierai de montrer, dans la deuxième partie de cette note de lecture, que ce
changement de perspective entraîne des conséquences épistémologiques importantes.
Auparavant, toutefois, il convient de résumer brièvement le contenu du livre.
Trois parties : les mouvements de l'histoire (jusques et y compris la conquête
coloniale), les outils du présent, maîtriser le devenir.
LES MOUVEMENTS DE L'HISTOIRE
L'histoire des Beembé, c'est d'abord celle du peuplement d'un certain espace. La
conjonction des éléments téké et kongo produit les deux ensembles que l'on désigne de
nos jours au Congo sous le terme de Beembé : les Beembé stricto sensu et les Keengé. Le
processus revêt un caractère multiforme. DUPRÈ parle de "grignotage" des positions téké
par les Kongo, ou encore d'une réalité migratoire composite occultée par le nom unique
donné à chaque kanda (groupe de parenté d'extension maximale). Passer de l'histoire des
kanda à celle de l'ethnie -si ethnie il y a- c'est effectuer un saut au-delà du détail et
reconstituer des origines irrémédiablement problématiques. Peu importe : "C'est la
connaissance du peuplement, de ses modalités, des différentes phases et de ses conditions
géopolitiques, qui permet de lire ce qui ne serait autrement que singularités
ethnographiables. C'est en particulier la nature et l'intensité des rapports avec les Téké qui
confère à chaque groupe sa spécificité" (p. 61).
- 95 -
Allons jusqu'au bout : l'état de guerre permanent qui caractérise l'ancienne société
beembé doit être considéré comme l'aboutissement de conflits occasionnés par la maîtrise
et l'occupation de l'espace. En ce sens, la guerre n'est que la continuation du peuplement.
La guerre consolide l'emprise des migrants anciennement installés sur les lignages ou les
villages récents, faibles et pauvres. La guerre est si peu l'accoucheuse de relations créant
un espace politique paisible dépassant le village que, pour anéantir la violence, il faut que
la violence collective se déchaîne, jusqu'à le détruire physiquement, contre l'individu ou le
village coupable d'avoir enfreint la loi. "En l'absence de toute transcendance religieuse ou
politique qui puisse transformer la guerre en paix" (p. 90), cette extirpation de la violence
par la violence est toujours à recommencer. Schéma qui rappelle celui que propose René
GIRARD (1), bien que cet auteur ne soit pas cité dans la bibliographie. Même la création de
l'échange et du marché, c'est-à-dire de "l'anti-guerre" (p. 105), repose en dernière
analyse sur la violence. Derrière la paix du marché, "se profilait la violence collective et la
puissance guerrière du martre du marché ... Le marché apparat donc comme une réalité
dépendante dont la reproduction passe par celle des rapports de production guerriers" (p.
106).
Cette première partie se conclut par deux chapitres dramatiques. Vers les décennies
1860-1870, on voit des hommes éminents (nkanyi) constituer des unités politiques
supra-villageoises, en s'appuyant sur des pouvoirs surnaturels ancrés dans la réussite
économique. L'un d'eux, Mwa Bukulu, passe à la postérité pour avoir symboliquement
proposé de mettre fin à la guerre, de favoriser l'agriculture et de sauver les enfants. A
cette transformation politique, quatre sections de tirailleurs viennent mettre un terme en
trois mois de campagne, d'avril à juillet 1911. Pourtant la résistance ultérieure des Beembé
contraignit le colonisateur à leur réserver une place à part dans ses plans. Réfractaires aux
recrutements de travailleurs pour les chantiers Congo-Océan, les Beembé n'acceptèrent
que de fournir des produits agricoles à l'autorité nouvelle.
LES OUTILS DU PRESENT
C'est la partie la plus subtilement anthropologique de l'ouvrage. On y trouve un
exemple insigne de ce à quoi parvient un chercheur lorsque, cessant de se borner à
exposer minutieusement le contenu de ses notes de terrain, il impose à ses matériaux, par
(1) Des choses cachées depuis la fondation du monde. Livre de Poche, Biblio. Essais, Paris, 1983, 631 pages.
- 96 -
une sorte de coup de force créateur, le sens qui les organise en les unifiant. Il est question,
dans ces chapitres 6 à 11 compris, du système de parenté, de l'inscription du lignage dans
l'espace villageois, de la régulation (lors des funérailles) d'une accumulation de richesses
qui pourrait compromettre la perpétuation des lignages, de la circulation des femmes, des
rapports entre pouvoir sur les hommes et pouvoir sur la terre, et enfin de la légitimité que le
pouvoir sur les hommes trouve dans la familiarité avec le surnaturel. Sujets délicats, que
DUPRE traite avec une virtuosité confondante.
Ces pages fascinent parce qu'avec une évidence progressive, on y voit se
déformer, se transformer, se renouveler des thèmes trop souvent traités de manière scolaire
et répétitive. Il serait peu de dire que DUPRE pose de nouvelles questions, il force à voir les
choses autrement. Il propose par exemple (chapitre VI) toute une théorie de la
fragmentation des villages, selon une gradation qui l'amène à montrer comment la scission
peut créer de nouveaux rapports sociaux. Une distinction s'opère alors entre parents qui
habitent le même village, c'est-à-dire qui partagent une histoire commune incarnée dans
un même terroir, et parents dont les relations ressortissent à l'histoire seule. A cette
occasion, DUPRE explique que toute scission révèle une différence déjà existante entre
lignages forts et faibles, manifestant par conséquent un processus de
segmentation-domination qui s'exacerbe là où la richesse en jeu est la plus grande. On ne
manquera pas de noter que, dès le chapitre 7, l'exposé se réfère à des monographies de
terroir, dont la valeur heuristique est une fois de plus attestée. Certains résultats
surprendront, par exemple la mise en évidence d'un système de production guerrier (p.
178) -concept qui s'impose pourtant quand on mesure à quel point le travail agricole des
femmes n'était possible que sous la protection d'hommes en armes (p. 75). On méditera
également sur l'aspect fictif de la notion de terroir villageois dans les zones à forte densité
démographique (p. 179) où plus de la moitié des femmes d'un village cultivent en partie sur
des terres relevant d'un autre village . . .
MAITRISER LE DEVENIR
Cette troisième partie est sans doute celle qui intéressera le plus les économistes.
DUPRE l'ouvre en opposant les deux ensembles de représentations qui circonscrivent
l'identité beembé. Les unes concernent le pouvoir, le lignage, la terre et les ancêtres. Les
autres traitent de l'individu, du travail, de l'échange, de la richesse, de la réussite écono-
mique. Deux pôles donc, qu'il ne faudrait cependant pas assimiler aux concepts de tradition
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et de modernité inlassablement remués par tant d'ouvrages académiques. Le modèle
beembé de la réussite n'est pas moderne, puisque dès l'époque précoloniale l'idéologie de
la reproduction du lignage et celle de la création de nouveaux rapports sociaux par la
réussite économique coexistent. Coexistence éminemment créatrice : "Le modèle lignager,
s'il était seul, aboutirait à l'homogénéisation de toute la société par l'extension illimitée des
relations de parenté. Par contre, le lignage qui perd, en tant que système de
représentation, son autonomie pour composer avec la richesse et se soumettre à ses
contraintes place la société sous le signe de l'hétérogénéité génératrice d'histoire" (p. 265).
Cette tension permanente entre deux pôles anime une prospérité fondée en premier
lieu sur une forte croissance démographique, une émigration massive, une exceptionnelle
accumulation de femmes facilitée par la modicité de la dot. Ces femmes soutiennent une
agriculture dynamique qui parvient, malgré les interventions intempestives de I'ONCPA
(Office National de la Commercialisation des Produits Agricoles) à maîtriser dans une
certaine mesure la commercialisation de ses produits. De nombreuses innovations, des
adaptations spontanées, témoignent d'une ingéniosité paysanne qui compense jusqu'à un
certain point la totale absence de soutien technique administratif (p. 282). Grâce à cette
assise agricole, les hommes peuvent se livrer à l'élevage, à l'artisanat, au commerce et au
transport.
Le chapitre 14 développe plus en détail le dynamisme économique beembé, en
décrivant successivement une intéressante technique d'agriculture intensive (1), la
fabrication artisanale du savon à l'huile de palme, et enfin les associations d'entraide pour
les funérailles. Rendant justice au travail féminin, fondement de la prospérité beembé, un
dernier chapitre examine les modifications qui affectent actuellement la situation des
femmes, les conflits conjugaux, la dot, la place faite aux commerçantes, la scolarisation
des filles, le développement du rite mukisi.
(1) Les maala. Il s'agit d'un buttage associé à l'écobuage, très exigeant en travail mais permettant, en 1ère année, deux récoltes vivrières sur des surfaces cultivées très réduites (pp. 288-89).
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Un ouvrage aussi riche pourrait donner lieu à d'infinis commentaires. Je me
contenterai de faire deux séries d'observations sur le renouvellement de la notion d'ethnie
et sur la méthode de recherche utilisée par l'auteur.
ETHNIE ET HISTOIRE
Les statisticiens, cherchant à stratifier leurs échantillons, ont recouru pendant
longtemps aux classifications ethniques. Il n'y avait là nul présupposé théorique, comme il
n'y en a pas non plus dans la pratique des géographes, des économistes, des agronomes et
des démographes qui, nous dit justement DUPRE, "repèrent sur le terrain des variations
significatives et reconnaissent des unités sur lesquelles ils hésitent à mettre un nom et dont
ils voudraient bien savoir que faire" (p. 16).
C'est alors qu'ils se tournent vers le sociologue. Que dit le sociologue ?
En vérité, sa réponse est déroutante. Tout le monde reconnaît aujourd'hui que la
référence à l'ethnie a tendu, par un effet d'agrégation bien connu des économistes, à
occulter les particularités et les structurations internes de cette entité équivoque. Le
modèle ethnique, par exemple, a complètement dénaturé la réalité des agricultures
forestières précoloniales, nous dit J.P. CHAUVEAU, car il est injustifié "d'attribuer à un
groupe ethnique particulier un modèle agricole ou alimentaire précis" (1).
Il n'en reste pas moins que les africanistes n'ont jamais autant publié d'ouvrages
consacrés à la société X ou à la société Y, comme l'atteste le catalogue de la librairie
Karthala (2). Suffit-il alors, pour apaiser les initiés, de substituer le terme de "société" à
celui d'"ethnie" ? DUPRE ne se contente pas de ce tour de passe-passe. Saisie dans son
(1) J.P. CHAUVEAU : L'avenir d'une illusion. Histoire de la production et des politiques vivrières en Côte d'Ivoire (à paraître dans Etudes Rurales).
(2) Les sociétés songhay-zarma Niger-Mali, par J.P. Olivier de SARDAN ; La société bété en Côte d'Ivoire, par J.P. DOZON ; La société wolof, par A. Bara DIOP.
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devenir historique, l'entité ethnique cesse réellement pour lui de ressortir à ces
"investissements de forme" dont parlent aujourd'hui les statisticiens professionnels (1). Que
sont les investissements de forme ? Des codes, des conventions, des modes d'organisation
qui, établissant des liens systématiques entre des cas singuliers et des formes plus
générales, permettent de faire l'économie d'une interprétation de chacun des cas. Eh bien
non, la présomption d'homogénéité ethnique ne permet plus cette économie bien commode.
Découvrir, à travers la genèse de l'ethnie ou de la société beembé, l'émergence "d'un
arrangement social singulier" (p. 27), c'est constater avec A. DESROSIERES que "l'intérêt
essentiel de l'histoire est d'aider à rompre avec l'autonomisation des formes, laquelle, en
offrant des outils tout faits, interdit de trouver ou même d'imaginer quelque chose qui ne
soit déjà inscrit dans ces outils" (2).
Les conséquences méthodologiques ne sont pas négligeables. Il devient exclu
désormais, me semble-t-il, de partager le point de vue exprimé par R. BASTIDE, selon
lequel "la connaissance du particulier à changer est moins importante que les
connaissances générales théoriques" ; exclu également d'assigner, comme le faisait
BASTIDE, une place secondaire à la connaissance intime de telle ou telle ethnie dans son
originalité et sa spécificité (3). Si chaque groupe ethnique constitue vraiment une entité
originale, alors on voit mal quel niveau de connaissance théorique pourrait se déployer
au-delà de la connaissance particulière de chaque devenir ethnique singulier, observé et
restitué dans sa spécificité inédite. Pas de comparaison concevable entre les parcours
originaux accomplis par des entités toutes uniques en leur genre. On s'aperçoit bien en
lisant DUPRE : à part quelques phrases très générales, et d'ailleurs prometteuses, inscrites
au début de son livre, nulle part il ne tente le rapprochement systématique que l'on
attendait entre le cas beembé et le cas nzabi. Et pour cause ! Le problème ne se pose plus
en ces termes. Il n'est plus question d'examiner, encore moins d'expliquer, la modulation
chez les X et chez les Y d'une catégorie commune telle que le progrès des richesses. Plus
question, par exemple, de chercher si le système de parenté de chaque ethnie est plus ou
moins compatible avec le développement économique. Il n'y a pas, à proprement parler, de
catégorie véritablement commune à plusieurs ethnies. Chacune devient ce qu'elle est, et le
cours inimitable de ces histoires non pareilles se caractérise par des accidents observables
mais inexplicables, comme par exemple un degré inégal de prospérité.
(1) M. ARMATTE et A. DESROSIERES : La recherche en histoire de la statistique. Les sour-ces, les techniques, les usages. Exposé devant le Séminaire recherche de l'INSEE le 16/01/1986.
(2) A. DESROSIERES : Histoires de formes. Statistiques et sciences sociales avant 1940. Revue Française de Sociologie, vol. XXVI, 1985, pp. 277-310.
(3) R. BASTIDE : Anthropologie appliquée, Paris, Pte. Bibl. Payot, 1971, p. 142.
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Tout se passe alors, en fait, comme si se trouvait réhabilitée une tradition de
recherche qui remonte à Frédéric LE PLAY et à Emile CHEYSSON. Pour ces sociologues
polytechniciens, les études monographiques ne peuvent conduire à des généralisations ni
même â des esquisses de typologie. Aucune comparaison ne peut être entreprise entre les
familles puisque chacune d'elles est un cas spécifique résultant de "l'infinie variété des
coutumes" (1), exactement comme chaque entité ethnique est, aujourd'hui, un
"arrangement social singulier". A quoi sert alors, objectivement, la monographie ?
DESROSIERES propose une réponse : à reconstituer -au XlXème siècle- des rapports de
type familial entre dominants et dominés, entre patrons et ouvriers, entre propriétaires et
fermiers. Aujourd'hui, en Afrique, on peut de même se demander si, par l'intensité et la
durée des rapports qu'elle instaure entre chercheurs et informateurs, la recherche
anthropologique n'a pas d'abord pour fonction objective d'instituer des liens personnels et
un climat d'Einfühlung ("intuition") favorables à la compréhension puis à la présentation
d'une séquence historique parfaitement singulière. J'ai bien conscience d'écrire des choses
un peu provocantes, mais ne doit-on pas tenter d'aller jusqu'au bout de ce qu'implique le
retour à l'histoire tant célébré de nos jours par les anthropologues ?
METHODE DE RECHERCHE
L'ouvrage de DUPRE est complété par treize annexes du plus grand intérêt. Dans
certaines d'entre elles, en effet, on trouve un compte-rendu instructif des investigations
concrètes exécutées par le sociologue et ses collaborateurs. On nous explique, par
exemple (annexe I), comment un agent technique commença par recueillir des données de
base dans tous les villages beembé, ainsi que dans les villages laali et téké du district de
Mouyondzi (2). On nous précise que l'enquête sur le terrain proprement dit a duré cinq
mois, mais a bénéficié de la collaboration de nombreux lycéens et instituteurs beembé. Bien
entendu, l'essentiel du travail s'est fait lors d'entretiens avec des informateurs, ou par
exploitation d'archives et de documents administratifs. Trois points intéressants sont à
souligner :
(1) DESROSIERES A. : L'ingénieur d'Etat ou le père de famille : Emile CHEYSSON et la statistique. Comm. pour le Colloque "Emile CHEYSSON, ingénieur social", Le Creusot, 26/01/1985.
(2) En 1974, la population beembé s'élevait à 38 293 individus.
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1- Une enquête visant à inventorier, localiser, décrire 85 anciens marchés a
comporté un questionnaire passé auprès de vieillards compétents. Parmi les questions
posées, il en est qui concernent la liste des produits vendus ou échangés, l'aire de
fréquentation du marché, etc. ; mais on ne trouve rien sur les prix ou les niveaux de troc
pratiqués, ce qui est assez caractéristique des enquêtes économiques menées par des
sociologues ou des géographes. A noter également que la technique du questionnaire a été
choisie "afin d'obtenir des informations de nature presque statistique" (p. 371). On aimerait
savoir ce que signifie exactement le mot "presque".
2- Trois enquêtes intensives ont été menées en ce point de passage obligé qu'est le
village (annexe VI). Parmi les travaux effectués, on mentionne le "croquis du terroir et
l'identification des parcelles et de leurs occupants", ainsi qu'un questionnaire agricole
s'adressant au« femmes.
3- On discute activement, chez les africanistes historiens, du statut qu'il convient
d'accorder à la tradition orale et aux documents écrits. L'affaire se complique lorsque la
tradition orale a fait l'objet d'un enregistrement écrit, ou lorsque des informateurs cultivés
récitent le contenu de documents manuscrits ou imprimés. Où s'arrête alors la tradition
orale, où commence la source écrite ? DUPRE traite succinctement mais judicieusement le
problème dans un bijou de note infrapaginale (18, p. 336), renouant ainsi avec la tradition
qui consiste -depuis Decline and Fall de GIBBON- à reléguer dans les soutes d'un ouvrage
les morceaux les plus drôlatiques ou les plus coquins. S'étonnant à juste titre qu'un
chercheur africain dise avoir recueilli, auprès d'un informateur, pour sa thèse de 3ème
cycle, des renseignements curieusement conformes à ce que BALANDIER avait déjà écrit
dans Sociologie actuelle de l'Afrique Noire, notre auteur note sarcastiquement : "Il serait
souhaitable que lorsque M. NDINGO-MBO retournera sur le terrain, il ne s'adresse pas à des
informateurs qui sachent par coeur l'oeuvre de G. BALANDIER".
Ce qui frappe, dans ces annexes, c'est la diversité des matériaux recueillis. Cette
diversité pose évidemment problème. S'il ne veut pas se limiter à une besogneuse
énumération de ses données de terrain, le chercheur se trouve en quelque sorte condamné
à prendre de la hauteur, à proposer une vision des choses que les données contribuent
certes à étayer et à nourrir, mais où l'invention et la construction jouent, au sens propre,
un rôle déterminant. On notera à ce propos, une fois de plus, que l'anthropologue ne
cherche pas à rassembler les moyens de constituer une histoire (p. 30). Il se contente de
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recueillir, par exemple, des récits qui "ne donnent pas accès à une connaissance historique
unifiée embrassant l'ensemble du kanda" (p. 30) ou qui, à cause de leurs divergences,
"dessinent dans un halo ce qui fut l'origine des Mimbundi" (p. 32). Malgré les nombreux
informateurs qu'il sollicite, le travail de l'anthropologue ne prétend pas à l'exhaustivité et
permet simplement de "dessiner les contours, la composition et les lignes de force d'un
tableau historique dont le détail reste à peindre" (p. 44).
Le lecteur apprécie tant de ',modestie, mais avoue sa gêne devant cette
anthropologie qui revendique sa parenté avec l'histoire sans pour autant prétendre accéder
à part entière au niveau de la connaissance historique. Car enfin l'histoire, l'histoire
scientifique, s'appuie bien -en principe- sur la collecte, la critique et l'interprétation de
toute la documentation disponible ?". M. LANSON, écrit Charles PEGUY, est un scientifique.
M. LANSON suit la méthode. M. LANSON n'aura le droit d'écrire un mot sur l'Amérique que
quand il aura épuisé la documentation et la littérature sur l'Amérique depuis le
commencement . .. C'est nous autres, comédiens, qui avons le droit d'aller trois mois en
Amérique et de regarder ; et de voir, et de rapporter, et de parler, et de conter. M.
LANSON est tenu de dépouiller auparavant et d'épuiser toute la documentation et toute la
littérature sur l'Amérique. Autrement, M. LANSON n'est plus scientifique . . . " (1). Vous
avez bien lu : nous autres comédiens. L'anthropologie, cette histoire sélective et
incomplète, serait-elle par hasard un peu apparentée à la comédie ? J'ai fait le compte des
passages d'humour dans le livre analysé ici. Ils sont fort nombreux, et pas tous dissimulés
dans des notes. Je n'en donnerai qu'un seul exemple, illustrant l'habile utilisation d'effets
de voisinage :
Page 132
L'existence post mortem de Mwa Bukulu fait progresser l'intégration du pays beembé. La statue d'étoffe qui contient ses restes tient en son giron outre le balai du martre de la pluie la marmite du mukomo. Cette marmite indispensable à la magie du mukomo était, du vivant de Bukulu, possédée par un nganga laali qui était requis toutes les fois où cela était nécessaire ...
Page 133
Dans tous les domaines de la vie de Mwa Bukulu une prodigieuse synthèse créatrice est à l'oeuvre. Tirant sa force de l'union des contraires qu'il réalise dans sa vie, dans ses gestes et jusque dans son corps, Mwa Bukulu est, pour tout le pays beembé et pas seulement pour son village le héros qui, surgi de la violence, prend en charge les contradictions de l'histoire pour être le signe des temps nouveaux et annoncer la naissance d'une société.
(1) Ch. PEGUY : L'arclent t suivi de l'argent (suite), Paris, NRF, 1932, pp. 82-83.
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NOTE DE LECTURE
Rémy CLAIRIN
CONTRIBUTION A L'ANALYSE DES DONNEES DEMOGRAPHIQUES IMPARFAI-
TES DES PAYS AFRICAINS
Groupe de Démographie Africaine, Paris, 1985, 403 pages
par Francis GENDREAU
Quand, dans les années 1950, les démographes ont commencé à travailler de
façon systématique sur les données démographiques des pays du Tiers-Monde, la
nécessité de mettre au point des méthodes d'analyse adaptées à la qualité "imparfaite"
de ces données est apparue très vite. Il en est résulté l'éclosion de nombreuses méthodes
diffusées essentiellement par le biais d'articles dans les revues de démographie, mais qui,
dans certains cas, n'ont fait l'objet que de notes à diffusion restreinte.
Pour mettre à la disposition de la communauté scientifique l'ensemble de ces
innovations méthodologiques, la publication de manuels les regroupant a été entreprise.
Les principaux ouvrages de ce type parus en langue française sont les suivants :
- le manuel IV des Nations-Unies : "Méthodes permettant d'estimer les mesures
démographiques fondamentales à partir de données incomplètes" (1967) ;
- "Ajustement des données imparfaites", ouvrage de Rémy . CLAIRIN publié en
1973 par le Groupe de Démographie Africaine ;
- le livre de G. WUNSCH publié en 1978, réédité en 1984, "Méthodes d'analyse
démographique pour les pays en développement" ;
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- enfin le manuel X des Nations-Unies : "Techniques indirectes d'estimation
démographique", rédigé à partir des travaux du Comité de la Population et de la
Démographie de l'Académie des Sciences des Etats-Unis et publié en 1984.
Ces quatre ouvrages constituent un ensemble hétérogène certes, mais
relativement complet, permettant une bonne approche de ce nouveau domaine de la
démographie. Pourquoi donc Rémy CLAIRIN, auteur d'un de ces manuels a-t-il éprouvé
le besoin de rédiger cette nouvelle "contribution" dont il est rendu compte ici ?
On peut avancer deux raisons qui en justifient la publication :
- tout d'abord un légitime souci d'actualiser le manuel de 1973, le sujet ayant
considérablement évolué depuis : mise au point de variantes à partir de méthodes
existantes, élaboration de nouvelles méthodes, ... ;
- mais surtout une volonté d'aborder la présentation de ces méthodes avec un
regard plus critique, certaines d'entre elles se révélant relativement inefficaces à l'usage,
d'autres, au contraire, apparaissant très utiles dans de nombreux cas.
Plutôt que de refondre complètement le manuel de 1973, l'auteur a préféré
publier le présent ouvrage en forme de "compléments", à partir de différentes notes qu'il
avait pu rédiger depuis cette date dans le cadre du cours qu'il dispensait à l'Institut de
Démographie de Paris ou à l'attention de chercheurs ou de démographes "de terrain".
Ces notes risquaient de conserver encore longtemps un caractère quasi-confidentiel et il
a été jugé préférable de leur donner une plus large diffusion. On doit d'ailleurs
reconnartre que certains de ces "compléments" sont eux-mêmes aujourd'hui dépassés
par les développements intervenus depuis leur rédaction, ce qui est tout à fait normal
dans une discipline en constante évolution.
Signalons enfin que, parallèlement, le Groupe de Démographie du Développement
(nouveau nom du Groupe de Démographie Africaine) décidait de réaliser, avec la
collaboration de l'OCDE, sous la responsabilité de R. CLAIRIN, D. WALTISPERGER et G.
ROGER, un programme de travail visant une approche plus systématique de la question,
et devant déboucher sur un manuel de démographie mathématique et une série de
fascicules (un par méthode) bâtis sur le même plan : description détaillée, exposé des
hypothèses, conditions d'actualisation, exemples pratiques commentés et critiqués.
-105-
Le contexte dans lequel s'insère la publication de cette "contribution" étant ainsi
posé, venons-en à son contenu. Le classement adopté est par "sujet" (fécondité,
mortalité, ... ). Les méthodes passées en revue sont les suivantes :
A - FECONDITE
- Estimation des variations passées de la natalité à partir d'une série de
recensements (méthode de BERNADELLI) ;
- Estimation de la fécondité à partir des résultats d'un recensement sur les
"propres" enfants (méthode de LEE JAY CHO) ;
- Estimation de la fécondité à partir de la descendance des femmes à des
recensements successifs (méthode DE C. ARRETX) ;
- Analyse de l'évolution de la descendance des femmes à partir de 50 ans
(méthode de DAS GUPTA) ;
- Analyse des histoires de maternité ;
- Ajustement de la descendance des femmes par cohorte de mariage (omission
préférentielle des filles, mortalité infantile).
B - NUPTIALITE ET FECONDITE
- Modèle de répartition des premiers mariages ;
- Modèles de fécondité.
C - MODELES DE MORTALITE
- Lois de GOMPERTZ et de MAKEHAM ;
- Tables-types de mortalité de GABRIEL et RONEN ;
- Analyse factorielle de la mortalité ;
- Modèles de mortalité fondés sur la transformation logit :
- modèle à 2 paramètres (BRASS)
- modèle à 4 paramètres (ZABA).
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D - METHODES D'ESTIMATION DE LA MORTALITE
- Estimation de la mortalité, aux jeunes âges à partir de la survie parmi la
descendance des femmes (méthodes de SULLIVAN et TRUSSEL) ;
- Estimation de la mortalité à partir de la survie des parents (méthode de BRASS
et HILL) ;
- Utilisation de la répartition par âge des décès pour les ajustements :
- méthode de BOURGEOIS-PICHAT
- méthode de BRASS
- méthode de PRESTON
- méthode de COURBAGE et FARGUES.
E - MODELÉS DE POPULATION
- Age moyen des mères à la naissance de leurs enfants et intervalles entre
générations.
Comme le souligne l'auteur dans l'introduction de l'ouvrage, ces différents
chapitres sont de nature très variable, et cela de divers points de vue : ancienneté de la
méthode, situation par rapport à des méthodes déjà connues, utilisation des modèles ; car
il s'agit de "mélanges" et non d'un manuel solidement et logiquement structuré autour
d'un fil conducteur.
Mais telle quelle, cette "contribution" présente un intérêt évident pour les
démographes francophones ayant à analyser des données .imparfaites, surtout que les
différents chapitres sont émaillés d'exemples.
Certes, on a souvent mis l'accent sur le retard pris par les francophones en la
matière, mais il ne faut pas faire preuve d'un pessimisme excessif. Si retard il y a, il se
situe "au sommet", mais il n'est pas certain que la "base" anglophone soit mieux
familiariée avec ces problèmes.
En effet, en la matière, le nombre de spécialistes vraiment au fait de ces
méthodes, de leur utilisation efficace et de leurs limitations reste restreint et leurs
interventions restent dans l'ensemble assez ponctuelles.
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Avec l'auteur, nous insisterons sur le sens critique dont doit faire preuve
l'utilisateur de telles méthodes : en effet, dans ce domaine, la prudence est de rigueur, et
l'analyse se doit de procéder à une étude approfondie, et en particulier à de nombreux
recoupements en comparant les résultats fournis par diverses méthodes, avant de
formuler ses conclusions. Ceci implique une collaboration entre les responsables des
différents pays concernés de façon à multiplier les expériences, comparer et critiquer
leurs résultats, seul moyen de porter un jugement objectif permettant de rentabiliser un
effort de recherche considérable, mais souvent trop éloigné des réalités terre-à-terre.