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FBT NewsLex N o 15 - DÉCEMBRE 2017 REVUE PÉRIODIQUE D’INFORMATIONS EN MATIÈRE JURIDIQUE ET FISCALE TABLE DES MATIÈRES P02 Adieu ISF, vive l’IFI : premières réflexions sur la déductibilité des passifs dans le cadre du nouvel impôt sur la fortune immobilière en France P04 Nouveautés dans le domaine de l’assistance internationale en matière fiscale P06 Ordre falsifié et responsabilisation du client P08 Un projet philanthropique est-il compatible avec un objectif d’optimisation fiscale en France ? P11 Convention entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la République française concernant le service militaire des doubles nationaux du 16 novembre 1995 P12 Déréglementation pour les entreprises FinTech – Modification de l’ordonnance suisse sur les banques P14 Le Tribunal fédéral suisse a tranché la question du délai de prescription en matière de rétrocessions CONTACT Marco Villa [email protected] T. +41 (0)22 849 60 40 www.fbt.ch

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FBT NewsLexNo 15 - DÉCEMBRE 2017

REVUE PÉRIODIQUE D’INFORMATIONSEN MATIÈRE JURIDIQUE ET FISCALE

TABLE DES MATIÈRES

P02 Adieu ISF, vive l’IFI : premières réflexions sur ladéductibilité des passifs dans le cadre du nouvelimpôt sur la fortune immobilière en France

P04 Nouveautés dans le domaine de l’assistanceinternationale en matière fiscale

P06 Ordre falsifié et responsabilisation du client

P08 Un projet philanthropique est-il compatible avecun objectif d’optimisation fiscale en France ?

P11 Convention entre le Conseil fédéral suisse et leGouvernement de la République françaiseconcernant le service militaire des doublesnationaux du 16 novembre 1995

P12 Déréglementation pour les entreprises FinTech– Modification de l’ordonnance suisse sur lesbanques

P14 Le Tribunal fédéral suisse a tranché la questiondu délai de prescription en matière derétrocessions

CONTACTMarco Villa

[email protected]. +41 (0)22 849 60 40

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ADIEU ISF, VIVE L’IFI: PREMIÈRES RÉFLEXIONS SUR LADÉDUCTIBILITÉ DES PASSIFS DANS LE CADRE DU NOUVELIMPÔT SUR LA FORTUNE IMMOBILIÈRE EN FRANCE

En France, l’Impôt de Solidaritésur la Fortune (ISF) est appelé àdisparaître au 1er janvier 2018,pour être remplacé par un impôtsur la seule fortune immobilière(ci-après IFI). A première vue,l’IFI est le jumeau « foncier» defeu l’ISF: même barème, mêmetaux, même méthode de revalorisa-tion des actifs (valeur vénale),mêmes exonérations (loueur enmeublé professionnel, bois et forêt,etc.). Pourtant, ce nouvel impôtprésente des spécificités qui luisont propres et nous nous arrête-rons sur l’une d’elles : la strictedéductibilité des passifs tranchedésormais avec les dispositions

plus « tolérantes» précédemmenten vigueur sous l’empire de l’ISF.

Dans le cadre de l’ISF, la déductibi-lité des dettes était effectuée parréférence aux droits de succession(article 885 D du Code Général desImpôts – CGI). En substance, pourêtre déductibles, les dettes devaientêtre à la charge personnelle du rede-vable et être justifiées par tousmoyens de preuve. En matièreimmobilière, étaient donc suscep-tibles de réduire l’assiette impo-sable, les emprunts immobilierspour le montant égal au capital res-tant dû avant le 1er janvier. Pour lesseuls non-résidents, une limite avait

par ailleurs été intégrée consistant àrejeter la déductibilité des comptescourants d’associés sur la valorisa-tion des titres des sociétés immobi-lières (article 885 T ter du CGI).

En matière d’IFI, la liste des limi-tations à la déductibilité des passifsest beaucoup plus longue etmarque une volonté affichée d’en-cadrer strictement toute réduc-tion de l’assiette foncière taxable.

En premier lieu, le législateur, pourla valorisation des titres d’unesociété immobilière, entend exclureles dettes contractées sur laditesociété pour l’acquisition du bien

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immobilier, lorsque l’achat a été réa-lisé auprès du contribuable lui-même. En d’autres termes, en casde «vente à soi-même» d’unimmeuble – y compris au moyend’un prêt bancaire – ce prêt ne pour-rait pas être déduit pour la valorisa-tion de la société acquéreuse, dèslors que l’opération aurait été réali-sée «dans un objectif principale-ment fiscal». Il s’agit manifeste-ment d’une clause «anti abus».

Mais ce n’est pas la seule. Seraientégalement non déductibles : – Les prêts in fine, sauf à recal-

culer ces prêts en prêts amortis-sables ;

– Les prêts contractés, personnelle-ment ou au travers d’une société,auprès d’un groupe familial, quece soit à l’égard de sociétés inter-posées ou de proches (ascen-dants, descendants, frères ousœurs), sauf à justifier du «nor-mal des conditions du prêt» ;

– Les prêts «excessifs»: le projetde loi fixe en effet une limite à latotale déductibilité des empruntsimmobiliers, même amortis-sables, lorsque leur montantexcède 60% de la valeur du bienfinancé (pour les seuls actifsayant une valeur brute excédant 5millions d’euros). Dans ce cas, leprêt excessif n’est déductible del’IFI que pour 50% seulement.

Concrètement, si l’acquisition d’unbien immobilier de 10 millionsd’euros est intégralement financéepar endettement, seul 8 millionsd’euros seront déductibles.

PERSPECTIVESAvec la disparition programméede l’ISF, et l’instauration de l’IFI,entrainant ainsi l’exonération del’ensemble des actifs financiers(et plus précisément des actifs nonimmobiliers), il peut être tentantpour le contribuable de procéder àdes arbitrages afin d’alléger sonassiette foncière taxable et d’aug-menter son patrimoine financierexonéré. La solution la plus dras-tique consiste alors à vendre desbiens immobiliers et réinvestir leprix dans des supports financiers.Une telle décision est inattaquablecar la décision de se dessaisir estmanifeste.

En revanche, lorsque le dessaisis-sement est sujet à discussion,notamment en cas de cession de

biens immobiliers à une sociétéque l’on contrôle – «vente à soi-même» – le législateur intervienten limitant la déductibilité de ladette (quelle que soit sa naturesemble-t-il : dette bancaire oucompte courant d’associé).

Le message ressortant du projetde Loi de finance tel qu’adoptépar l’Assemblée Nationale (notrearticle a été rédigé le 24 octobre2017) est donc relativement clair :si l’assiette de la fortune taxableest drastiquement réduite du faitde la disparition de l’ISF, toute« financiarisation» des actifsimmobiliers, y compris par consti-tution d’un endettement, seradésormais un sujet sensible.

Contact : Alain Moreau 3

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La jurisprudence du Tribunal fédé-ral suisse («TF») dans le domainede l’assistance internationale enmatière fiscale se densifie. Lesarrêts du TF sont d’autant plusimportants pour la pratique dansce domaine qu’ils traitent essen-tiellement des questions juridiquesde principe. Voici quelques nou-veautés notables.

Protection des tiers : Selon lajurisprudence actuelle du TF, lesdonnées relatives aux tiers quin’ont manifestement « rien à voir»avec la question fiscale motivant lademande d’assistance doivent êtrecaviardées ; c’est typiquement lecas des noms des employés debanque figurant dans les extraits de

comptes (ATF 142 II 161) ; s’agis-sant des autres tiers, les donnéesles concernant doivent être trans-mises dans la mesure où leur sup-pression rendrait vide de sens lademande d’assistance.

L’administration fédérale descontributions («AFC») avait néan-moins dénié la qualité de partie àun ancien employé de banque quisollicitait le caviardage de son nomapparaissant dans les documentsbancaires que l’AFC entendaittransmettre aux USA, au motifnotamment qu’il n’était pas direc-tement concerné par la demanded’assistance et qu’il n’avait doncpas un intérêt digne de protectionpour intervenir dans la procédure.

Le 23 août 2017, le TF a donné tortà l’AFC en reconnaissant à cetancien employé la qualité de partieen relation avec ses conclusionsvisant à faire supprimer de la docu-mentation destinée aux USA touteréférence à son nom.

S’agissant des autres tiers, le TFjustifie la transmission des donnéesles concernant au motif notammentque ces derniers seraient suffisam-ment protégés par le principe despécialité, à savoir, en particulier,l’interdiction pour l’Etat requérantd’utiliser les données reçues contred’autres personnes que le contri-buable faisant l’objet de l’enquêteà l’origine de la demande d’assis-tance. Pourtant, dans une prise de

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NOUVEAUTÉS DANS LE DOMAINE DE L’ASSISTANCEINTERNATIONALE EN MATIÈRE FISCALE

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position émise le 29 juin 2017,l’OCDE a affirmé que les rensei-gnements reçus conformément à larègle de l’art. 26 du Modèle-OCDEde CDI, peuvent être utilisés contred’autres contribuables, de la mêmemanière que contre celui qui estvisé par la demande d’assistance.Le principe de spécialité ne consti-tue donc pas (ou plus) une protec-tion pour les tiers non impliqués,contrairement à ce que semblaitpenser le TF ; eu égard à la positionexprimée par l’OCDE à ce sujet, ilest hautement probable que lesEtats récipiendaires des donnéesobtenues au moyen de l’assistanceadministrative les exploiteront sansretenue à l’encontre d’autres per-sonnes – que celle(s) visée(s) ini-

tialement – dont l’identité ressortde la documentation remise.

Demandes d’assistance nonnominatives : le principe selonlequel les contribuables visés parune demande d’assistance peuventêtre identifiés par d’autres moyensque leurs nom et adresse estaujourd’hui solidement ancré dansla jurisprudence. Le TF s’est pro-noncé dans ce sens une premièrefois en septembre 2016 à l’égardd’une demande groupée des Pays-Bas. Il a naturellement confirmé saposition le 1er septembre 2017 enlien avec une demande norvé-gienne. De manière moins atten-due, cette jurisprudence a été appli-quée, par le Tribunal administratif

fédéral cette fois, dans une déci-sion du 15 mai 2017, non contestéedevant le TF, rendue dans le cadred’une demande espagnole alorsque la Convention entre la Confé-dération suisse et l’Espagne en vued’éviter les doubles impositions enmatière d’impôts sur le revenu et lafortune prévoit expressémentl’obligation pour l’Etat requérantd’indiquer l’« identité de la per-sonne faisant l’objet d’un contrôleou d’une enquête».

Status update: c’est le nom donnéà la pratique de l’AFC consistant àinformer périodiquement ses homo-logues étrangers de l’état d’avance-ment des demandes d’assistancependantes. Le problème est, que, àce stade, aucune décision en forcen’autorise la transmission des infor-mations demandées et que le contri-buable visé ne souhaite pas forcé-ment que l’Etat requérant sache, parexemple, qu’il a déposé un recourscontre la décision de l’AFC. Le Tri-bunal administratif fédéral avaitjugé cette pratique illicite en juin2016. Le 3 novembre dernier, le TFen a admis la validité.

PERSPECTIVESIl convient de suivre très attentive-ment les prochaines décisions quele TF rendra en matière de trans-mission de données relatives à destiers. Le sort réservé aux employésde banques devra être surveillé enparticulier.

Contacts : Jean-Luc Bochatay etAlexis Dubois-Ferrière 5

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Dans un arrêt du 15 juin 2017, leTribunal fédéral suisse se montre ànouveau sévère à l’égard d’unebanque dans une affaire d’ordre depaiement falsifié. Il confirmecependant qu’une faute du clientcontribuant à la survenance dupréjudice peut justifier qu’il doiveen supporter tout ou partie.

Les faits peuvent être résumés dela manière suivante. Une cliente,domiciliée en France, dispose d’uncompte auprès d’une banque suissedepuis 2004 sur lequel elle adéposé EUR 1’481’705.07. En2007, cette cliente décide deconfier un mandat de gestion deses avoirs à la société de gestion defortune que son gestionnaire, jus-qu’alors employé au sein de la

banque, venait de rejoindre. Lesavoirs demeuraient toutefois dépo-sés auprès de la banque.

Les 20 et 21 octobre 2008, aumoyen de deux ordres sur les-quels il avait finement imité lasignature de la cliente, ledit ges-tionnaire a fait transférer un totalde EUR 1’050’000 à son propreprofit en faveur d’une entitétierce. L’employé de la banquequi a traité ces ordres n’a pasdécelé la falsification de la signa-ture. Il a toutefois appelé le ges-tionnaire scélérat pour vérifierque les virements concernaientbien l’achat de métaux précieux,ce que celui-ci lui a confirmé. Lestransferts ont ainsi été réalisés etles avis de débit correspondant

ont été remis à la cliente en« banque restante ». Près de deuxans plus tard, en juin 2010, deuxnouveaux ordres sont passés parle gestionnaire en question, selonle même mode opératoire, pourdes montants de EUR 42’000 etEUR 120’000.

Pour les deux instances cantonales,les vérifications réalisées par l’em-ployé de la banque étaient suffi-santes et la banque ne devait pasrembourser à la cliente les mon-tants de ces quatre virements.

Le Tribunal fédéral, en revanche, aconsidéré qu’une faute grave étaitimputable à la banque. A ses yeux,les montants et la nature des inves-tissements ordonnés auraient dû

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ORDRE FALSIFIÉ ETRESPONSABILISATION DU CLIENT

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pousser l’employé de la banque àprocéder à des mesures de vérifica-tion auprès de la cliente elle-même,voire de sa fille, et non seulementauprès du gestionnaire, malgré laproximité de ce dernier avec le per-sonnel de la banque découlant deleur relation d’anciens collègues.

Cela étant, le Tribunal fédéral aconstaté qu’il était établi que lacliente avait omis de prélever sacorrespondance en «banque res-tante» entre 2006 et 2010. Or, lesquatre ordres falsifiés ont été réali-sés sur une période de près de deuxans. Qui plus est, en juin 2006,alors qu’il était encore employé dela banque, le gestionnaire scélératavait déjà détourné sans droit EUR82’800 du compte de la cliente, ce

qui semble être resté inaperçu jus-qu’après juin 2010.

Le Tribunal fédéral a donc jugéque la banque ne pouvait pas à cestade être condamnée à rembourserla cliente car la cause devait êtrerenvoyée à l’instance précédentepour examiner la question d’uneéventuelle faute de la cliente quiaurait pu contribuer à causer le pré-judice. Concrètement, la dernièreinstance cantonale devra détermi-ner la conséquence juridique del’omission par la cliente de préle-ver sa correspondance, et dire sicette dernière aurait pu ou dû serendre compte de l’ordre falsifié dejuin 2006, ce qui aurait permisd’éviter la survenance des trans-ferts de 2008 et 2010.

PERSPECTIVESPar cet arrêt, le Tribunal fédéralconfirme sa sévérité à l’égard desbanques en matière d’ordres falsi-fiés. En particulier, les exigencesqu’il leur impose à l’heure dedéterminer le caractère insolited’une opération demeurent trèsélevées. L’ouverture dont il faitpreuve en ce qui concerne la pos-sibilité que le client doive suppor-ter tout ou partie du dommagequ’une faute de sa part a contri-bué à causer tend à favoriser demanière louable la responsabili-sation du client en lien avec unrisque sur lequel il a une maîtriseà tout le moins partielle.

Contacts : Serge Fasel etAlexis Dubois-Ferrière 7

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La création d’un impôt sur la for-tune immobilière et la suppressionde l’impôt de solidarité sur la for-tune (ISF) est l’une des principalesmesures fiscales annoncées dans lecadre du projet de loi de financespour 2018. L’immobilier composeral’assiette taxable à l’impôt sur la for-tune immobilière à l’exclusion detout autre bien selon le projet de loi,et il devrait en résulter que l’impôtsera sensiblement réduit, voire sup-primé, pour les contribuablesactuellement assujettis à l’ISF.L’exercice qui consiste à provision-ner annuellement un impôt sur lafortune, souvent mal accepté, devraitbientôt appartenir au passé; il ensera de même des arbitrages réalisésau 15 juin de chaque année par lescontribuables désireux de réduirel’ISF au moyen de dons à une œuvreéligible. Pour autant, participer àune œuvre philanthropique conserveactuellement toute sa pertinence, enparticulier pour les propriétairesd’immeubles qui demeureront dansle champ d’application de l’impôt

sur la fortune immobilière, dans lecadre de la planification d’un projetphilanthropique ambitieux et fiscale-ment optimisé.

L’exemple qui suit est saisissant :Madame X, résidente française,veuve, 65 ans, ayant deux enfants,détient un immeuble de rapportd’une valeur d’un million d’euros,et une résidence principale demême valeur (après prise encompte de l’abattement de 30%).Elle détient par ailleurs un impor-tant portefeuille de valeurs mobi-lières ainsi que des liquidités.

En 2018, Madame X estime que cesrevenus locatifs s’élèveront à40.000 € net. Ses revenus étanttaxés à la tranche marginale de l’im-pôt sur le revenu, et compte tenu del’augmentation – si elle est adoptéedans le cadre de la loi de finances –de la contribution sociale générali-sée (CSG) notamment sur les reve-nus locatifs, les impositions sur cesrevenus fonciers s’élèveraient à la

somme de 24’880 €, majorée del’impôt sur la fortune immobilièrecalculée sur une base imposable de2 millions d’euros, soit une imposi-tion globale de 32’300 € environ.Concrètement, la trésorerie netteannuelle de Madame liée à l’exploi-tation de son immeuble locatifs’élèverait ainsi à la somme de7’700 € environ.

Madame X et deux de ses amies,toutes anciennes élèves d’unecélèbre école d’ingénieurs en régionparisienne, avaient muri un projetd’aide aux étudiants de cette écolepour le financement de leur scola-rité, pour lequel elles souhaitaientinvestir un peu de temps durant leurs10 premières années de retraite. Lapression fiscale actuellement sup-portée rend néanmoins hésitanteMadame X, d’autant qu’aucun orga-nisme sans but lucratif déjà existantne semble éligible à une réductiond’ISF pour la réalisation de ce projetspécifique. Une réduction d’impôtsur le revenu impliquerait de mobili-

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UN PROJET PHILANTHROPIQUE EST-IL COMPATIBLE AVECUN OBJECTIF D’OPTIMISATION FISCALE EN FRANCE?

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ser davantage de trésorerie comptetenu du taux de la réduction (66%dans la limite de 20% du revenuimposable), ce qui n’est pas souhaitépar Madame X au cas particulier.

Dans cette situation, et parmi lesnombreuses solutions qui permet-traient de réaliser d’une part sonprojet philanthropique, et d’autrepart d’améliorer sa situation fis-cale, il pourrait être proposé unedonation par Madame X, au béné-fice d’une structure philanthro-pique à créer, de l’usufruit de sonimmeuble locatif pour une duréelimitée (10 ans au cas particulier).S’agissant d’un usufruit à duréefixe, la donation porterait sur unevaleur de 230 000 € (23% partranche de 10 ans). Ses amiesaffecteraient chacune une somme

de 7’500 €, ou plus encore selonleurs souhaits. Les 40’000 € derevenus nets de l’immeubleseraient perçus ainsi par la struc-ture, et affectés à la réalisation deson objet : le financement de lascolarité de plusieurs étudiants, surla base de critères sociaux.

Fiscalement, cette donation seraitexonérée de droits de mutationdans le respect de certaines condi-tions. De plus, Madame X ne seraitplus assujettie à l’impôt sur la for-tune immobilière après l’opérationde donation d’usufruit, et ce, pen-dant toute la durée de cette dona-tion, soit 10 ans !

Si cette opération a pour effet l’aban-don chaque année et pendant 10 ans,du revenu locatif net d’impôt de

7’700 € environ, elle permet surtoutà Madame X de ne plus être assujettieà l’impôt sur la fortune immobilièred’un montant quasi identique dansson cas, chaque année et sur la mêmedurée (sauf si la loi de finances pour2018, lorsqu’elle sera définitivementadoptée, nécessite d’éventuellesadaptations). Surtout, Madame Xparticiperait à l’œuvre souhaitée, lastructure affectant chaque année lesrevenus locatifs de l’immeuble à sesprojets philanthropiques, durant ladurée souhaitée, sans pour autantrenoncer définitivement à un désir detransmettre ultérieurement son patri-moine immobilier à ses enfants!

Le projet philanthropique défini, etla stratégie fiscale maitrisée, l’étapesuivante consiste à réfléchir à lastructuration de l’œuvre philanthro- 9

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pique. Au cas particulier, comptetenu de la pluralité de constituants,l’inscription dans la durée de ce pro-jet (10 ans), le souhait d’interveniractivement dans la gestion et l’ani-mation de la structure, tout en fai-sant appel à des tiers professionnelsle cas échéant, et compte tenu de ladotation initiale totale de 245 000 €,la structure la mieux adaptée sembleêtre le fonds de dotation.

PERSPECTIVESAffirmer que la générosité n’estpas compatible avec l’optimisationfiscale est une erreur. La démons-tration «pratique» ci-avant et lastructuration choisie, en offre une

belle illustration, pourvu que lamotivation de l’opération ne soitpas exclusivement fiscale, ce quiserait de nature à caractériser unabus de droit. L’absence de réap-propriation des revenus locatifsaprès l’opération, et l’animationeffective du fonds de dotation exer-çant réellement une activitéconforme à son objet, permet-traient de faire échec à une tellequalification, outre le respect deconditions spécifiques prévues parl’administration fiscale. Les pro-jets philanthropiques doivent ainsis’intégrer dans une stratégie patri-moniale et fiscale globale, afin des’assurer de la sécurité juridique et

fiscale de l’opération sur la durée,à plus forte raison si le philan-thrope a des enfants, héritiersréservataires. Les projets doiventd’abord être définis avec soin, puisfaire l’objet d’une structurationprécise, incluant même le caséchéant la méthodologie de sélec-tion des bénéficiaires et de mesuredes résultats sur le terrain. Dans cecontexte, le futur philanthrope doitse faire accompagner par desconseils professionnels, gage d’unprocessus au service de la philan-thropie réconciliée avec la fiscalité.

Contacts : Stéphanie Barreira etJérôme Bissardon

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FOCUS SUR LE FONDS DE DOTATION

Le fonds de dotation est, en droit français, une per-sonne morale de droit privé à but non lucratif,constituée par un ou plusieurs fondateurs pour col-lecter des libéralités privées, en vue de constituerune dotation générant des revenus, ou une dotationconsomptible pour financer ses activités à but nonlucratif ou celles d’une autre personne morale à butnon lucratif.

Le fonds de dotation, comme la fondation reconnued’utilité publique, a pour but de réaliser ou de soutenirfinancièrement une œuvre ou une mission d’intérêtgénéral, et suppose l’affectation d’un patrimoine àcette œuvre ou cette mission. Toutefois, il se distinguede la fondation dans la mesure où :– il peut être constitué sans contrôle préalable et

sans décision du gouvernement,– il peut consommer sa dotation, – il offre une certaine souplesse de fonctionne-

ment, ses règles d’administration étant librementfixées dans ses statuts. S’agissant de la gouver-

nance, le fonds de dotation est administré par unconseil d’administration comprenant au mini-mum trois membres.

L’objet du fonds de dotation doit être très précis. Ildoit indiquer notamment s’il est « opérateur »,« redistributeur», ou «mixte», et il doit spécifier lanature de la mission d’intérêt général, ses bénéfi-ciaires, et les moyens d’action du fonds.

La dotation initiale en numéraire doit être de15’000 € au minimum. Cette somme peut être com-plétée par des biens de toute nature. La consomma-tion de la dotation doit être stipulée dans les statuts.A défaut, la dotation ne peut être consommée. Laconsomptibilité de la dotation entraine toutefois desconséquences sur le régime fiscal du fonds.

La personnalité morale est acquise dès la déclarationen préfecture et l’insertion d’un extrait au journal offi-ciel des associations et fondations d’entreprises.

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L’Etat-major de conduite de l’Ar-mée avait pour pratique de considé-rer le recrutement comme faisantpartie du service militaire. L’auto-rité a ainsi toujours considéré que leservice militaire devait s’entendreau sens large du terme. Dès lors quele binational avait effectué sonrecrutement en Suisse, il était consi-déré avoir commencé son servicemilitaire au sens de la Convention etne pouvait donc plus faire valoir sondroit d’option pour l’accomplisse-ment des obligations militaires enFrance. Suite à un arrêt du Tribunaladministratif fédéral du 24 août2017, l’Etat-major de conduite del’Armée doit modifier sa pratique.

En 1958, la France et la Suisse ontsigné une première convention enmatière d’accomplissement desobligations militaires, s’agissantdes doubles nationaux franco-suisses. Cette convention a étéremplacée par celle du 16novembre 1995 (RS 0.141.134.92),dite Convention-F.

L’art. 2 de la Convention-F définitque la notion d’obligations mili-taires s’entend, pour la France, duservice national dans toutes sesformes (let. a) et, pour la Suisse, duservice militaire, du service civil etdu paiement de la taxe d’exemp-tion de ces services (let. b).

Dans l’échange de notes de 2010portant sur l’interprétation com-mune de la Convention-F, la Francea clairement défini la notion d’obli-gations militaires en expliquantqu’«[u]n double national qui optepour servir en France plutôt qu’enSuisse et qui participe à la «Jour-née d’appel de préparation à ladéfense (JAPD)» est alors libéré del’obligation de servir dans l’arméesuisse et ne sera pas assujetti aupaiement de la taxe d’exemption del’obligation de servir.»

La Suisse, elle, n’a pas précisécomment interpréter cette notionde service militaire. Elle a toutefoisconsidéré, en pratique, ce jusqu’au24 août 2017, que le recrutement

faisait partie des obligations mili-taires, respectivement du servicemilitaire.

Dans le cas d’espèce, le binationalqui avait participé au recrutementen Suisse avait formulé par la suiteune déclaration d’option en faveurde l’accomplissement des obliga-tions militaires en France. Cettedéclaration a été rejetée par l’Etat-major de conduite de l’Armée quise référait à sa pratique établie delongue date.

Dans son recours, le conscritdouble national a fait la démonstra-tion – accueillie par le Tribunaladministratif fédéral – que le droitinterne suisse ne permet tout sim-plement pas, en raison de sonmanque de précision, de détermi-ner que le recrutement entre dansla notion d’obligations militairesde l’art. 2 let. b de la Convention-F.Le conscrit a ainsi pu faire valoirson droit d’option après avoir par-ticipé au recrutement en Suisse,obligeant l’administration fédéraleà capituler.

PERSPECTIVESMalgré une pratique établie etdurable, une autorité fédérale peutse retrouver dans l’erreur. «Vou-loir, croire, et oser» s’appliquemême devant les tribunaux. Dansle cas particulier, des précisions dudroit interne seront donc apportéessous peu par l’autorité.

Contacts : Serge Fasel etOlivia de Weck 11

CONVENTION ENTRE LE CONSEIL FÉDÉRAL SUISSEET LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUEFRANÇAISE CONCERNANT LE SERVICE MILITAIREDES DOUBLES NATIONAUX DU 16 NOVEMBRE 1995

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Le 20 avril 2016, le Conseil fédérala donné mandat au Départementfédéral des finances (ci-après le«DFF») d’examiner l’opportunitéd’une révision de la réglementationdes marchés financiers en vue delimiter les obstacles à l’accès aumarché pour les fournisseurs detechnologies financières inno-vantes (ci-après les «entreprisesFinTech»). Le DFF a estiméqu’une telle déréglementation s’im-posait. Il a donc mis en consulta-tion des propositions de modifica-tions de la loi sur les banques

(ci-après «LB») et de l’ordon-nance sur les banques (ci-après«OB»). Ces modifications reposentsur trois axes complémentaires : (i)une prolongation du délai pour lescomptes d’exécution, (ii) la créa-tion d’un espace favorisant l’inno-vation et (iii) la création d’une nou-velle catégorie d’autorisation pourles entreprises FinTech. Les modifi-cations de l’OB couvrant les deuxpremiers axes ont été adoptées le 5juillet 2017, pour une entrée nevigueur au 1er août 2017. Ellessont analysées ci-après.

Il n’existe aujourd’hui en Suisseaucune réglementation spécifiqueaux modèles d’affaires des entre-prises FinTech. Ce sont dès lors leslois en vigueur sur les marchésfinanciers qui s’appliquent, notam-ment la LB et l’OB dans la mesureoù l’entreprise FinTech accepte desdépôts du public à titre profes-sionnel ou fait de la publicité pourl’acceptation de dépôts du public.L’OB modifiée revisite les notionsde «dépôts du public» ainsi que del’exercice d’une activité bancaire«à titre professionnel» afin de créerun cadre réglementaire propice àl’innovation et faciliter l’accès aumarché des entreprises FinTech.

Dans le cadre de la réglementationbancaire, est considéré comme«dépôt du public» le fait d’accep-ter un engagement vis-à-vis detiers pour son propre compte. Parcette action, la personne concernéedevient elle-même débitrice duremboursement de la prestationcorrespondante. La réglementationpart du principe que tous les enga-gements constituent des dépôts dupublic. L’OB contient toutefoisplusieurs exceptions à ce principe.L’une de ces exceptions concerneles soldes en compte de clientsauprès d’intermédiaires financiersqui ne servent qu’à exécuter desopérations de clients, pour autantqu’aucun intérêt ne soit versé surces comptes (art. 5 al. 3 let. c OB).Cette exception peut être appliquéeaux modèles d’affaires des entre-prises FinTech, en particulier auxplateformes de financement parti-12

DÉRÉGLEMENTATION POUR LES ENTREPRISESFINTECH – MODIFICATION DE L’ORDONNANCESUISSE SUR LES BANQUES

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cipatif (crowdfunding). Toutefois,selon la pratique de la FINMA,l’exception ne s’applique en règlegénérale que lorsque les fonds sonttransmis dans un délai de septjours. Or, si la durée de conserva-tion de fonds pour un projet devantêtre financé par le biais d’un finan-cement participatif est supérieure àsept jours, l’exception ne s’ap-plique pas et l’intermédiaire finan-cier dépositaire des fonds est dansl’obligation de requérir une autori-sation bancaire. Afin de remédier àce problème, l’OB modifiée pré-voit que le délai pendant lequel lesfonds collectés peuvent êtreconservés est désormais desoixante jours pour les intermé-diaires financiers concernés, saufles négociants en valeurs mobi-lières (auxquels le délai précité desept jours continue de s’appliquer).

L’activité bancaire constitue enoutre une activité exercée « àtitre professionnel » lorsqu’elleimplique, sur une longue période,l’acceptation de plus de vingtdépôts du public, ou un appel aupublic pour obtenir des dépôtsmême si le nombre de dépôts obte-nus est inférieur à vingt (art. 6OB). Les modèles d’affaires desentreprises FinTech visent en prin-cipe la participation de plus devingt personnes ; c’est pourquoi,nombre d’entreprises FinTech sontsusceptibles de tomber sous lecoup des dispositions de la loi surles banques. Pour parer à cette dif-ficulté, l’espace exempt d’autorisa-tion bancaire sera élargi pour deve-

nir un espace d’innovation. L’OBmodifiée prévoit en effet qu’uneautorisation ne sera pas nécessaireà celui qui, sur une longue période,accepte plus de vingt dépôts dupublic ou fait appel au public pourobtenir des dépôts, à condition queles dépôts ne dépassent pas au totalle montant d’un million de francset que les dépôts ne soient ni inves-tis ni rémunérés (art. 6 al. 2 let. a etb OB modifiée). Les entreprisesFinTech entrant sur le marchéauront ainsi l’occasion de testerl’efficacité conceptuelle et écono-mique de leur modèle d’affairesdans un cadre restreint avant dedécider si elles entendent requérirune autorisation bancaire.

Les modifications apportées à l’OBdoivent sans conteste être saluées,dans la mesure où elles devraientpermettre à certains acteurs d’accé-der plus facilement au marché et setraduiront ainsi par une intensifica-tion de la concurrence. Le Conseilfédéral considère que les modifica-tions apportées à la réglementationapporteront un avantage compétitifà la place financière suisse dans ledomaine des entreprises FinTech.Pour le Conseil fédéral, les modifi-cations introduites n’entraînent pasde diminution notable du niveau deprotection des clients, en raison dufait notamment que les dépôtsrecueillis dans ce cadre ne pourrontêtre ni investis, ni rémunérés. Parailleurs, les entreprises FinTechacceptant des dépôts pour un mon-tant maximal d’un million de francsdevront rendre leurs clients attentifs

au fait que leurs dépôts ne sont pasgarantis en cas de faillite et qu’au-cune surveillance n’est exercée parla FINMA (art. 6 al. 2 let. c OBmodifiée).

PERSPECTIVES Il reste un dernier axe à traiterpour alléger la réglementation desactivités exercées par les entre-prises FinTech selon le projet duDFF: la création d’une nouvellecatégorie d’autorisation bancaire.Un projet de modification législa-tive a d’ores et déjà été examinépar le Parlement dans le cadre desdébats concernant la loi sur lesservices financiers (ci-après la«LSFin») et la loi sur les établis-sements financiers (ci-après la«LEFin»). Pour l’heure, lesChambres se sont prononcées enfaveur de la création, dans la LB,d’une nouvelle catégorie d’autori-sation pour les entreprises quiacceptent des dépôts du publicjusqu’à concurrence de 100 mil-lions de francs sans toutefois lesinvestir ou les rémunérer. A l’en-trée en vigueur de la LB modifiée,qui coïncidera avec celle de laLSFin et de la LEFin, les entre-prises FinTech bénéficierontainsi, dans les domaines de l’éta-blissement des comptes, de l’auditet de la garantie des dépôts, deconditions d’autorisation et d’ex-ploitation moins strictes que cellesqui s’appliquent à la licence ban-caire sous le régime actuel.

Contacts : Frédérique Bensahel etFabianne de Vos Burchart 13

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Cette dernière décennie, les rétro-cessions ont fait l’objet de plu-sieurs arrêts du Tribunal fédéral(TF), non sans conséquences pourles banques et les gérants de for-tune indépendants. En 2006, le TFjugeait que le gérant de fortuneétait, en sa qualité de mandataire,tenu de restituer à son client lesrétrocessions reçues de tiers àmoins que le client n’ait expressé-ment renoncé aux rétrocessions enfaveur du gérant de fortune. Dansdes jurisprudences postérieures, leTF a fixé les conditions de validitéde la renonciation du client. Toute-fois, jusqu’à présent, le TF n’avaitpas eu l’occasion de se penchersur la question du délai de pres-cription applicable aux rétroces-sions ni sur le point de départ de cedélai. Cette question est désormaistranchée par le TF dans un arrêtdu 16 juin 2017.

Dans le cas d’espère, le mandatairequi était une société de courtage enassurance, avait perçu des rétroces-sions de primes d’assurance ver-

sées par des sociétés d’assurance,pendant toute la durée du mandat,sans que le mandant, une associa-tion qui avait demandé l’organisa-tion d’un concept d’assurance,n’en soit informé. L’associationavait appris l’existence de rétroces-sions dix ans après leur premièreperception, soit en 2005. Elle a misun terme au mandat et exigé dumandataire la restitution des rétro-cessions perçues depuis 1995. Lemandataire s’est opposé a ces pré-tentions et contestait notammentl’application d’un délai de pres-cription de dix ans, ainsi que lepoint de départ de ce délai.

Dans l’arrêt du 16 juin 2017, le TFse pose d’abord la question desavoir quel est le délai de prescrip-tion applicable : s’agit-il du délaiordinaire de dix ans prévu enmatière contractuelle commeappliqué par la dernière instancecantonale ou, à l’instar de ce quesoutient le mandataire, du délaispécial de cinq ans qui s’appliqueaux redevances périodiques ? Les

juges de Mon Repos ont tranché :l’obligation de restituer les rétro-cessions se prescrit par un délaide dix ans.

Pour notre Haute Cour, les rétroces-sions ne constituent pas des rede-vances périodiques, auxquelless’applique le délai de prescriptionquinquennal. «[L]es rétrocessionsne découlent pas d’un rapport dedurée (Dauerschuld); elles ne sontpas convenues à l’avance entre lemandant et le mandataire. Ledevoir du mandataire de rendrecompte de ces avantages indirectsobtenus de tiers et les créances cor-respondantes du mandant en déli-vrance de ces avantages ne repo-sent pas sur un rapport de durée,mais sur le simple fait que le man-dataire a perçu des avantages (...)Chaque devoir de restitution reposesur un fondement séparé» (consid.5.2.1). Le Tribunal fédéral enconclut que le délai de prescriptionordinaire de dix ans en matièrecontractuelle s’applique.

Quant au point de départ de la pres-cription, le TF estime que la pres-cription commence à courir dès lemoment où le mandataire a perçuun montant rétrocédé, la réceptionde chacun d’eux faisant naître unecréance en restitution du mandantet, de ce fait, son exigibilité,conformément à l’article 130 duCode des obligations. Le TF ren-verse ainsi l’arrêt de la Cour de jus-tice de Genève qui faisait partir ledélai de prescription au moment dela résiliation du mandat en 2005. 14

LE TRIBUNAL FÉDÉRAL SUISSE A TRANCHÉLA QUESTION DU DÉLAI DE PRESCRIPTIONEN MATIÈRE DE RÉTROCESSIONS

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PERSPECTIVESLe TF met ainsi un terme au débatdoctrinal sur le délai de prescrip-tion en matière de rétrocessions,sans pour autant citer ni mêmeévoquer les auteurs qui soutien-nent la thèse de l’application dudélai quinquennal. Il convient denoter que le délai ordinaire de dixans était généralement admis parla doctrine concernant les rétro-cessions, mais pas en matière decommissions d’état (soit le pour-centage de la commission de ges-tion perçu à intervalles régulierspar les banques et les gérants defortune sur la fortune d’un fonds)pour lesquelles certains auteursprivilégiaient l’application dudélai de prescription de cinq ans.Dans son dernier arrêt, le TF ne

fait pas de distinctions entre lesdifférents types de rétrocessions,la question ne se posant pas dansle cas d’espèce. Toutefois, si l’onconsidère avec le TF que les rétro-cessions ne sont pas convenues àl’avance entre le mandant et lemandataire, mais qu’elles le sontdans le cadre d’une relationcontractuelle entre le mandataireet un tiers, il est vraisemblable quela position du TF ne sera pas dif-férente en matière de commis-sions d’état.

L’arrêt du TF de 2006 consacrantl’obligation de restitution desrétrocessions perçues par legérant de fortune avait conduit lesbanques et les gérants de fortuneà revoir leur documentation

contractuelle. Le dernier arrêt duTF devrait n’avoir aucune consé-quence pour les acteurs de l’in-dustrie qui ont révisé leurs man-dats et/ou leurs conditionsgénérales à ce moment-là pour lesadapter à la jurisprudence du TF.Les rétrocessions perçues parceux qui n’auraient adapté leurdocumentation contractuelle queplus tard et qui n’auraient pasobtenu la ratification de leursclients pour le passé peuvent êtreà risque pour celles des rétroces-sions perçues avant la modifica-tion de leur documentation et celapendant dix ans à compter de laperception des rétrocessions.

Contacts : Frédérique Bensahel etVéronique Chatelain Gomez 15

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