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développement durable Des plumes s’expriment sur le Sécurité alimentaire Pauvreté INÉGALITÉS Croissance et emploi Écosystèmes Égalité des sexes INFRASTRUCTURES Éducation PAIX ET GOUVERNANCE Villes Consommation et production Eau et assainissement SANTÉ Climat Partenariat mondial Énergie Océans et mers

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Sécurité alimentaire

PauvretéINÉGALITÉS

Croissance et emploi

Écosystèmes

Égalité des sexes

INFRASTRUCTURES

Éducation

PAIX ET GOUVERNANCEVilles

Consommation et production

Eau et assainissementSANTÉ

Climat

Partenariat mondialÉnergieOcéans et mers

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2 OBJECTIF 2030

Ce magazine spécial est une publication de l’Organi-sation internationale de la Francophonie éditée dans lecadre du Sommet Spécial des Nations Unies sur ledéveloppement durable. Il compile les articles présé-lectionnés lors du concours de journalisme « Objectif2030 » lancé dans le cadre du Mois de la Francopho-nie (24 mars 2015).

Supervision :Paul Robert Tiendrébéogo et Jean-Pierre Ndoutoum

Coordination :E. Lionelle Ngo-Samnick

Avec l’aimable participation de Christian Ngalle,Jérôme Longue, Herman Houngbo, Nadine Ravaud,Cristina Diez et Anne-Marie Marais

Assistance éditoriale :Yannick Naré et Claire Schiettecatte

Conception graphique :Code Jaune, design et créativité

Les opinions exprimées dans cette publication nereflètent pas nécessairement celles de l’OIF.

Cette publication peut être reproduite à des finsd’appui au développement, mais en aucun cas pourune utilisation commerciale.

Éditorial par Son Excellence Madame Michaëlle Jean 3

L’Afrique peut-elle être au rendez-vous ? 4

L’après-2015 : casse-cou ou cycle vertueux ? 9

Objectifs de développement durable : 15 ans pour sauver la planète ? 11

Innovation paysanne, enjeu de développement durable au Sahel 15

Jeunesse africaine et Agriculture 18

L’agriculture vivrière menacée au Togo 20

Croissance, émergence et inégalités en Afrique 24

Ces villes menacées… de disparition 27

Eau et assainissement : Samdollé ou les oubliés des OMD 30

En route vers les guerres climatiques ? 33

Quand le climat bouscule les traditions 37

Conférence sur le climat - Paris 2015 : un accord est-il possible ? 43

développement durableDes plumes s’exprimentsur le

Sécurité alimentaire

PauvretéINÉGALITÉS

Croissance et emploi

Écosystèmes

Égalité des sexes

INFRASTRUCTURES

Éducation

PAIX ET GOUVERNANCEVilles

Consommation et production

Eau et assainissementSANTÉ

Climat

Partenariat mondial Énergie

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3Des plumes s’expriment sur le développement durable

Développement durable … un para-digme qui depuis 1972 fait beaucoupparler de lui et aura été ces dernièresannées un moteur de l’action interna-tionale. Si des progrès considérablesont été réalisés en matière de déve-loppement humain, d’immenses défisse posent encore. Des milliards depersonnes vivent toujours dans lapauvreté, privées de leur dignité.Les inégalités persistent en matière derichesse comme de capacité d’actionet la vulnérabilité de bien des popu-lations demeure élevée. Catastrophesnaturelles et sanitaires, recrudes-cences des conflits armés, terrorisme,épuisement des ressources natu-relles… sont autant de menaces aux-quelles doivent faire face nos sociétés.

Les changements climatiques, notam-ment, sont de ces grands défisauxquels la Francophonie accordeune attention particulière. Ferme-ment convaincue que la mobilisationde la jeunesse est indispensable à undéveloppement durable et solidaire,j’ai lancé une grande consultation desjeunes sur le thème de l’environne-ment et du climat à laquelle plus de10 000 d’entre eux ont participé. Jeme ferai maintenant forte de porterleur appel à la Conférence de Parissur les changements climatiquesauprès des États et gouvernements.

Du 25 au 27 septembre 2015, lesNations Unies ont également adoptéle Programme de développement

durable à l’horizon 2030. Ce pland’action pour l’humanité, la planète etla prospérité est un projet ambitieuxet vise à mettre fin à la pauvreté ettransformer nos vies tout en proté-geant la planète pour les générationsfutures. C’est un cadre qui se veutuniversel, sur la base d’un partenariatrenouvelé entre l’ensemble des payset tous les acteurs de la société.

Aujourd’hui, nous le savons tous, ils’agit d’inventer des façons de faire etde penser différentes afin de transfor-mer durablement nos modèles dedéveloppement. Le grand défi de cenouveau programme de développe-ment est maintenant de rassemblerles acteurs dans toute leur richesse etleur diversité. Le développementdurable se doit d’être une révolutionsociétale porteuse d’humanisme.Après tout, c’est l’avenir de l’humanitéqui est en jeu et il est plus que tempsde remettre la personne humaine aucentre de toutes les actions et déci-sions.

Espace de diversité, avec ses dispari-tés et ses défis, la Francophonie a éga-lement une incroyable capacitéd’innovation collective. C’est cetteFrancophonie d’action, cette Franco-phonie des solutions qui s’engageauprès des populations dans leurappropriation et mise en œuvredu développement durable. Or, ilimporte avant tout de répondre àleurs besoins d’information. Pour

l’OIF, l’engagement des acteurs de lacommunication est un élément cru-cial de ce processus. Porteurs d’infor-mations, promoteurs de dialogueentre les communautés et les déci-deurs, ils se font également l’échode bien des innovations ou bonnespratiques.

C’est dans cette optique que nousavons organisé un concours de jour-nalisme sur le développement dura-ble. Autour de cette langue qui nousfédère et que nous nourrissons de nosvaleurs communes les analyses et lespoints de vue se sont multipliés. Denombreux articles ont ainsi été pro-duits sur des défis d’importance pourl’espace francophone, comme leschangements climatiques, l’eau et l’as-sainissement, l’agriculture, la durabi-lité des villes ou encore les inégalitéssociales. Il s’agit d’une première dontnous nous engageons à tirer les leçonsafin de renforcer notre action de com-munication en faveur du développe-ment durable.

Cette publication présente les pro-ductions les plus expressives, afin decélébrer la Francophonie dans toutesa créativité. Sachons maintenant tirerbénéfice de notre vécu et de cesexpériences pour faire de ce Pro-gramme de développement durable unsuccès dans l’espace francophone àl’horizon 2030.

MICHAËLLE JEANSecrétaire générale de la Francophonie

ÉDITORIALCommunication pour le développement durable :soyons au rendez-vous !

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4 OBJECTIF 2030

Le développement durable, "nou-veau paradigme", suscite encorebeaucoup d’analyses sur le continentde la part des acteurs du dévelop-pement, qu’ils soient universitaires,de la société civile, jeunes oufemmes… Hélas, les populationsne comprennent pas le sigle ODD,encore moins le concept du déve-loppement durable. Ce qu’ellesattendent, c’est l’amélioration sensi-ble de leurs conditions de vie si pré-caires. Et les réalités de la pauvretés’imposent à elles, quotidiennement,notamment en ce qui concerne lemanque d’eau, la famine, la malnu-trition, les inondations, les effets per-vers des changements climatiquessur l’agriculture, etc. La question quise pose est de savoir si le programmede développement pour l’après2015, dans sa mise en œuvre, réus-sira à permettre au continent africainde briser le carcan de la pauvreté.

«Un développement qui permetd’offrir, dès aujourd’hui, un niveaude vie convenable à chacun d’entre

nous, sans compromettre la possibi-lité pour les générations futures desubvenir à leurs besoins», c’est ainsique Rio+20, la Conférence desNations Unies sur le développementdurable, tenue à Rio de Janeiro auBrésil, du 20 au 22 Juin 2012,définit le développement durable.Considéré comme tel, il constitueraita priori une opportunité pourl’Afrique en proie à la pauvreté et àla faim, aggravées par les effets per-vers des changements climatiques.Cependant, pour les différentescouches de la population, sur lecontinent, il convient de s’attarderd’abord sur le bilan des Objectifs duMillénaire pour le Développement(OMD) avant de se projeter dans lesODD.

En Afrique, la pauvretéa résisté aux OMDSelon le rapport 2014 des NationsUnies sur les OMD, «L’Asie de l’Est,l’Asie du Sud-est, l’Amérique latineet les Caraïbes, le Caucase et l’Asiecentrale ont atteint la cible consistant

L’AFRIQUEPEUT-ELLE ÊTREAU RENDEZ-VOUS ?

Publié le 24 juin 2015Par Béatrice Koumenougbo(L’AUTRE Quotidien – Bénin)Courriel : [email protected]

Éliminer la pauvreté, c’est possible ! L’espoir porté par les Objectifs du Millénairepour le Développement (OMD), quinze ans après leur lancement, a été déçu dansla majeure partie de l’Afrique. Aujourd’hui, le monde entier a le regard tourné versles 17 Objectifs du Développement Durable (ODD). Mais pour l’Afrique dont lespopulations ne saisissent guère la nuance entre les deux concepts, la pauvreté resteun défi quotidien. Au cœur d’une problématique aux défis multiples pour le conti-nent africain, chaque échec constitue un frein à l’espoir.

à réduire de moitié le taux d’extrêmepauvreté, tandis que l’Afrique subsa-harienne et l’Asie du Sud accusenttoujours un retard. D’après les pro-jections de la Banque mondiale, il estpeu probable que l’Afrique subsaha-rienne atteigne la cible en 2015».Le rapport intitulé "OMD 2014,Évaluation des progrès accomplisen Afrique dans la réalisation desObjectifs du Millénaire pour leDéveloppement ; Analyse de la Posi-tion commune africaine sur le pro-gramme de développement pourl’après-2015" donne, quant à lui,davantage de précisions. Six paysafricains ont atteint la cible deréduction de la pauvreté. Ce sont : laTunisie, l’Égypte, le Cameroun, laGambie, le Sénégal et la Guinée.L’Éthiopie, le Swaziland, l’Ougandaet la Mauritanie sont eux à moins de5 pour cent de la cible, alors que leGhana, l’Afrique du Sud, le Mali etle Niger se situent à 10 pour cent endeçà. Dans la même veine, le rapportindique que, globalement, « le nom-bre d’africains (exclusion faite desNord-africains) vivant en dessousdu seuil de pauvreté a progressé,passant de 290 millions en 1990,à 376 millions en 1999, puis à414 millions en 2010». Plus loin, lemême rapport indique que «quatrepays africains rassemblent à euxseuls près de 52 pour cent des

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5Des plumes s’expriment sur le développement durable

pauvres du continent ». Il s’agit duNigéria (25,89 %), de la Républiquedémocratique du Congo (13,6 %),de la Tanzanie (6,8 %) et de l’Éthio-pie (5,2 %). «Par ailleurs, la part ducontinent dans la pauvreté mondialeest passée de 15 pour cent en 1990,à 34 pour cent en 2010 (Banquemondiale et al, 2014d ; Olinto et al,2013)». Ces chiffres démontrentclairement que pour une majoritéd’africains, la croissance économiquefulgurante du continent ne s’est pastraduite par une amélioration duniveau de vie. Ce que note d’ailleursle rapport.

En cause, une croissanceéconomique non inclusiveGlobalement, les chiffres des deuxrapports importants sur lebilan des OMD en 2014, etqui font une projection surles ODD, montrent claire-ment que l’Afrique danssa grande majorité n’a pasatteint l’OMD lié à l’élimina-tion de l’extrême pauvreté etceci en raison de facteursreliés à la structure même deséconomies africaines. À cesujet, le Dr Alastaire Alinsato,directeur à la coordinationdes Politiques de mise en œuvre desOMD et ODD au Bénin, soutient que« L’Afrique fait partie de ces parties dumonde qui tirent la croissance écono-mique mondiale. Et quand vous analy-sez les facteurs qui tirent cettecroissance, vous vous rendez comptequ’il s’agit de l’industrie extractive, for-tement capitalistique, qui ne crée pasbeaucoup d’emplois ». Il faut mainte-nant créer, selon lui, une croissanceéconomique qui tienne compte

d’une large partie de la populationqui doit bénéficier de ses fruits. C’estdans ce contexte peu reluisant en cequi concerne la réalisation del’OMD1 en Afrique, qu'un nouveauprogramme, qualifié d’inclusif, a étéconçu. Il a pour ambition de pro-mouvoir les trois dimensions dudéveloppement : le social, l’environ-nement et l’économie. Ce pro-gramme est en train d’être finalisépour orienter le développementdu monde dans les 15 prochainesannées. L’Afrique, comme les autresparties du monde, est embarquéedans ce nouveau paradigme. Maissur le continent, une question brûleles lèvres. Ce plan ambitieux corres-pond-t-il aux réalités de l’Afrique ?

Les ODD, un programmeplus inclusif et participatif,y compris pour l’Afrique …«Tout a commencé par Rio+20, quibalise un peu le processus et meten place les entités qui vont porter ledébat» a souligné le Dr AlastaireAlinsato. Selon ses explications, etcelles du Dr El Hadji Fall, Conseilleréconomique et chef du départementdes politiques et stratégies au PNUDau Bénin, un haut panel d’éminentes

personnalités a été mis en place, ungroupe de travail ouvert ; et enparallèle, un processus de consulta-tion global à l’endroit de différentstypes de parties prenantes au niveauinternational a été lancé, et ouverttant au secteur privé qu’au mondeuniversitaire. Au niveau des pays,des consultations nationales se sontdéroulées dans plus de 50 États.Elles ont été organisées pour définirles priorités des populations. AuBénin, par exemple, précise le Dr ElHaji Fall, ces consultations ont étéfaites sous l’égide du PNUD. « Nousavons organisé des consultations dans18 communes du Bénin, avec toutes lescomposantes des populations, les jeunes,les femmes, les chefferies tradition-nelles, la société civile, les enseignants,les fonctionnaires, les chercheurs, lesuniversitaires, les étudiants, etc.Des sujets thématiques ont été dévelop-pés avec des institutions telles que laCour suprême, le Conseil économiqueet social, la Haute autorité de l’Audio-visuel et de la communication…Ensuite», a-t-il poursuivi, « ces con-sultations ont donné lieu à des rapports,dont l’ensemble a été versé aux travauxdu Groupe de travail ouvert. Le panelde haut niveau a aussi fait son rapport.À l’issue de ce processus, le groupe detravail ouvert a fait une proposition de17 ODD avec 169 cibles. L’Assembléegénérale des Nations-Unies de Septem-bre 2014, a adopté le principe derecommander des 17 ODD. Dans sonrapport de décembre 2014-janvier2015, elle a une fois encore recom-mandé que les 17 ODD soient pris telsquels. Ce sont ces 17 ODD qui font l’ob-jet de négociations intergouvernemen-tales », a-t-il expliqué.

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6 OBJECTIF 2030

Voilà le processus globalementexpliqué. Prend-il en compte l’Afri-que et ses priorités ? Oui répond leDr Alastaire Alinsato, Coordinateurdes Politiques de mise en œuvre desOMD et ODD. Selon son argumen-tation, parmi le panel de haut niveauqui comporte 27 personnalités, oncompte cinq africains. La présidentedu Libéria, Johnson Sirleaf, la minis-tre des finances du Nigéria NgoziOkonjo-Iweala, l’épouse du prési-dent Nelson Mandela, GraçaMachel, la présidente dupatronat Kényan BettyMaina, et le ministre chargéde la Coordination des Poli-tiques de mise en œuvre desOMD et ODD au Bénin, lePr Fulbert Géro Amous-souga. Ensuite, explique-t-il,contrairement aux OMD,qui n’étaient pas participatifset inclusifs, les ODD ont lemérite d’avoir associé toutes lescouches de la société. Ceci, notam-ment, à travers les consultationsnationales qui ont permis d’associerentre autres plus de cinq mille ONG.Par ailleurs, Joannie Bewa, directricede Young Beninise leader associa-tion, jeune femme leader du Bénin,impliquée dans les consultations surles ODD, a rappelé qu’il existe uneposition commune africaine sur lesODD.

Un avis pas toujourspartagé sur le continent…Mais pour certains économistes ducontinent, le développement rested’abord un processus endogène quidoit répondre aux réalités des pays.« Je constate que l’Afrique se positionnecomme consommatrice d’agenda déve-

loppé par d’autres, et ne se pose jamaisla question de comment elle peut placerla centralité en elle-même » a com-menté le Dr Ra-Sablga Seydou Oué-draogo, Directeur Exécutif del’Institut Free Afrik au Burkina-Faso.Selon lui, «L’histoire du développementnous montre qu’aucune partie dumonde ne s’est développée en s’arrimantà un agenda, sans se poser la questionde la compatibilité de cet agenda avecses intérêts. Il ne s’agit pas de vivre dans

une sorte d’autarcie, mais il faut consta-ter que tous les pays qui s’en sortent seposent la question de leur avenir ettrouvent la solution. » Pour le Dr Gré-goire Balaro, économiste et ensei-gnant à l’École nationale d’économieappliquée et de management duBénin, les ODD posent des pro-blèmes réels qui frappent le déve-loppement de l’Afrique, notammentles changements climatiques et laquestion de l’agriculture. Cependant,l’Afrique doit aller au-delà des ODDet penser à un développement régio-nalisé qui fait appel à toutes lesressources endogènes africaines.Pour lui, les ODD ne sont ni uneopportunité, ni une utopie pour l’éli-mination de la pauvreté en Afrique,mais plutôt une possibilité.

Mais quel est l’avis des populationsqui vivent dans la pauvreté elle-même ? Et quels sont les gros défispour l’élimination de la pauvreté enAfrique ?

Les inégalités sociales,un gros défiSamedi 6 juin, il sonne 10h dans lapartie non loti du quartier dénomméNagrin, à Ouagadougou. Ici, insalu-brité, précarité, rareté de l’eau pota-

ble, manque d’électricité et chômagedes jeunes ont érigé domicile. Ce quisuscite la curiosité, ce sont les bidonsjaunes de 25 litres entassés dans despousse-pousse devant de petites fon-taines d’eau. Apparemment, il y acoupure d’eau. Ici, les populationsne comprennent rien au sigle ODD,bien qu’il représente un programmede développement qui ambitionnel’amélioration de leurs conditions devie. Par contre, elles brûlent d’envied’exprimer leurs préoccupations.Bassi Monteira, un jeune du quartiers’exprime : « Avant-hier les femmes sebattaient ici. Certaines ont même dormisur les lieux. L’eau est là de minuitjusqu’à l’aube. Mais déjà vers 9h, il ya encore coupure. A peine chaquefemme arrive à avoir un bidon d’eau de25 litres pour la journée. Et pour l’avoir

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7Des plumes s’expriment sur le développement durable

c’est un parcours du combattant. L’élec-tricité c’est pareil. Mais l’électricité nenous dit pas grand-chose. C’est l’eaunotre problème. Nous voulons de l’eau,plus de fontaines d’eau, a-t-il martelé.Il poursuit : Je suis un ouvrier, il n’y apas de travail. Les jeunes se baladentdans le quartier parce qu’il y a manquede travail puis nous avons des difficultésà manger. » À quelques mètres de lafontaine d’eau, Madame Habi, mèrede trois enfants, fabrique des pagnestissés qu’elle revend. Elle a égale-ment mis un accent sur la précaritédans ce quartier et les difficultés desfemmes dans l’approvisionnementen eau potable. Ces témoignages deprécarité, dans ce quartier périphé-rique de Ouagadougou, se heurtentà un paradoxe. En effet, à quelquesmètres de Nagrin se trouve le quar-tier Ouaga 2000, une zone résiden-tielle non habitée, mais bitumée,avec des villas, et bien-sûr dotéed’eau et d’électricité. Ce phénomène,le Dr Ra-Sablga Seydou Ouédraogo,Directeur exécutif de Free Afrique ledésigne par l’expression «la fabriquedes inégalités». Selon lui, les inégali-tés sont explosives en Afrique. Il amartelé que « pour réduire la pau-vreté, les politiques publiques doiventmesurer leur efficacité non seulementpar rapport aux indicateurs liés à lapauvreté, mais aussi à ceux en rapportaux inégalités. »

Du Burkina Faso au Bénin : constatidentique. Une randonnée dans lesquartiers pauvres de Cotonou, parti-culièrement celui de Djidjè, permetde découvrir, en plein centre urbainle visage de la pauvreté. Ici l’inonda-tion fait ravage chaque saison des

pluies et les habitations restent long-temps inondées. Cette année, despluies plus abondantes que d’habi-tude plongent davantage ce quartierinsalubre dans l’eau. Comme àNagrin à Ouagadougou, les popula-tions ne connaissent pas les ODD,mais dès notre arrivée, ils s’impa-tientaient de lancer leur appel auxdirigeants. « L’eau ne trouve pasde passage pour circuler. Nous leurdemandons de venir construire des

infrastructures d’écoulement pour quel’eau circule. Nous sommes tous desBéninois et il n’est pas normal que cer-tains vivent dans l’aisance et d’autresdans la précarité. Il faut une répartitionéquitable des ressources » s’est écriéMadame Koudégbé Charlotte. Al’instar du Bénin et du Burkina-Faso,les inégalités sociales persistent dansde nombreux pays du continent.Elles demeurent un défi colossal àl’élimination de la pauvreté.

Pauvreté : les changements climatiques en question« Quand le climat a le paludisme en Afrique, l’agriculture a l’Ebola ». Cetteexpression humoristique vient du Professeur Euloge Ogouwalé, expert enchangement climatique au Bénin. Il explique que lorsque les précipitationssont perturbées –l’agriculture dépendant de l’eau – il y a baisse de rende-ment agricole et quand il y a baisse, il y a diminution de la quantité de pro-duction attendue. Ce qui augmente dans certains cas l’insécurité alimentaire.Quelle que soit leur position sur les ODD, certains économistes du conti-nent pensent que les changements climatiques restent une préoccupationtrès pertinente pour l’Afrique. C’est le cas de l’économiste Grégoire Balaro,qui explique quelques effets des changements climatiques : « Nous savonsqu’avec la destruction de la couche d’ozone, il y a un réchauffement qui se met enplace. Ce réchauffement, l’Afrique le vit déjà sous deux formes. La première formece sont les sécheresses prolongées. La seconde forme c’est l’abondance des pluies.

Le Bénin par exemple vit les deuxformes de changements climatiques.Le gros problème c’est au niveau del’agriculture. Au Bénin par exemple,l’agriculture contribue à plus dutiers (35%) du Produit intérieurbrut. Mais cette agriculture dépendde la pluie donc dès lors que lasécheresse est prolongée, nousn’avons pas le rendement à l’hec-tare. Le second niveau concernel’énergie. Dès lors que les séche-

resses sont prolongées, le niveau d’eau dans les bassins et les centrales électriqueschutent. Et quand le niveau d’eau dans les bassins chute, on se retrouve dans unesituation de crises énergétiques récurrentes. »

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8 OBJECTIF 2030

Les défis de la réalisation de l’ODD1en AfriqueSelon le Dr El Hadji Fall du PNUD, ce qui a été notéde manière remarquable pour les OMD, c’est qu’ilsont eu un effet catalyseur. Il explique que le faitd’avoir mis le focus sur des principes simples commel’éducation pour tous, la scolarisation des filles, laréduction de la mortalité infantile et maternelle a euun effet phénoménal. En témoignent les bons résul-tats obtenus en Afrique dans ces domaines. « Ainsi,explique-t-il, si on dit éradiquons l’extrême pauvreté etqu’on focalise l’attention là-dessus, on aura des résul-tats». Le Dr Joannie Bewa, Mawusé Houtondji et leDr Grégoire Balaro soulignent, quant à eux qu’il fautdavantage mettre l’accent sur la bonne gouvernanceen Afrique et mettre des mécanismes en place pour éradiquer la corruption et l’évasion fiscale.Faut-il le rappeler, au nombre des moyens de financements des ODD, figure en bonne place lamobilisation des ressources domestiques. Par ailleurs, le rapport intitulé « OMD 2014, Évaluationdes progrès accomplis en Afrique dans la réalisation des OMD » souligne que la pauvreté sur le conti-nent présente trois caractéristiques majeures : elle sévit premièrement en milieu rural, frappe surtoutles femmes et est liée à la recrudescence des emplois dans le secteur informel. Cela signifie que,comme le défend la plupart des économistes sur le continent, il faut des politiques intégrées etinclusives pour faire face à la pauvreté. Enfin, l’Afrique pour réussir cet objectif doit effectivementprendre son destin en main, comme le martèle si bien la majorité des personnes interviewées.

Selon les travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolutiondu climat GIEC (2007b), les secteurs les plus vulnérables aux changementsclimatiques en Afrique comprennent l’agriculture, l’alimentation et l’eau.Ces travaux précisent que l’Afrique subsaharienne souffrira sans doute leplus, non seulement aux plans de la réduction de sa productivité agricoleet de l’augmentation de son insécurité hydrique, mais aussi de son exposi-tion accrue aux inondations côtières, aux événements climatiques extrêmeset à la multiplication des risques pour la santé humaine. Les changementsclimatiques exacerbent donc la pauvreté en Afrique. Les ODD ont lemérite d’en faire un grand sujet. Cependant, une véritable lutte contre leschangements climatiques, notamment en Afrique, nécessite un accordglobal et franc sur le plan international, où les pays développés acceptentde diminuer considérablement leurs émissions de gaz à effet de serre.De même, ils devront œuvrer davantage à la mise en œuvre du quatrièmepilier du plan de Bali qui souligne que les pays du Nord doivent libéraliserla technologie liée aux énergies renouvelables pour que les pays du Sudpuissent s’en approprier, a relevé Mawusé Hountondji, de l’ONG JeunesVolontaires pour l’Environnement, présente dans 25 pays africains. Sur cesdifférents points, les africains attendent beaucoup de la rencontre de Parissur le climat en décembre 2015. En attendant, que peut-on espérer de l’éli-mination de la pauvreté en Afrique d’ici 2030, avec les ODD ?

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9Des plumes s’expriment sur le développement durable

L’émergence de ce nouveau modèle aprésentement comme toile de fondle bruit que produisent le dégel desbanquises, le vol avorté d’abeilles aucoin d’une fleur, l’absence des gre-nouilles dans ces lacs devenusacides, les océans désertés sous unepluie de micro-plastiques, le clapo-tis des vagues gigantesques inondantles champs, la honte silencieuse deceux qui n’ont pas de moyens pourapporter de quoi nourrir leursenfants, les forêts résonnant sous lescoupes à blanc … et bien d’autreséchos que chacun a pu entendre iciet là dans ce vacarme que produisentles innombrables manifestations dumonde actuel. Nous sommes avecun pied dans une ère géologiqueconnue et l’autre dans l’inconnu.L’Holocène, ère géologique douce etstable qui nous a accueillis tout aulong du développement de l’huma-nité tire à sa fin. Nous poursuivonsnotre course vers une toute nouvelleère soumise à l’humain et ses activi-tés en tant que force déterminantedu changement global. Son nom dittout, Anthropocène; et nous ensommes les créateurs. Voilà la grande

différence entre 1992, époque de Rioet l’après – 2015, pour ce quiconcerne le cadre d’un modèle dedéveloppement soutenable.

Un vaste processus de consultationet de négociation au sein de l’Orga-nisation des Nations-Unies enclen-ché depuis 2012 devrait doncbientôt accoucher de la vision et duleadership d’un nouveau plan globalde développement durable codifiéautour de 17 objectifs majeurs. Cesobjectifs cherchent à encadrer larecherche du bien-être des quelquesmilliards d’habitants de la planèteà l’ère de l’Anthropocène. Cela im-plique, entre autres, d’empêcher laviolation des droits humains fonda-mentaux en tenant compte deslimites imposées par la nouvelle réa-

lité. La santé, l’éducation, un revenuminimal, l’équité entre les sexes,l’eau potable, l’assainissement et l’ac-cès aux énergies propres restentencore des droits orphelins pour unemajorité significative de la popula-tion mondiale. Ces droits fondamen-taux ne pourront pas être assurés sila préservation de la biodiversité etson urgente restauration ne devien-nent pas une condition sine qua nonpour contrer les impacts destruc-teurs causés par l’humain. Aussi, lalutte ferme et radicale contre lescauses des changements climatiquess’avère notre atout majeur pourgarantir les services essentiels offertspar les écosystèmes et la biodiversitépour se nourrir, avoir un sol fertile,de l’eau propre et bien établir deséconomies vraiment bénéfiques pour

En 2030, lorsque nous regarderons parle rétroviseur, pourrons-nous voir 2015comme une véritable ligne de «partagedes eaux» ayant marqué un changementde direction vers un modèle effectif dedéveloppement durable à l’échelle pla-nétaire?

L’APRÈS-2015 :CASSE-COU OU CYCLE VERTUEUX ?

Publié le 7 juillet 2015Par Maria del Rosario Ortiz Quijano(Le Devoir – Canada Québec)Courriel : [email protected]

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la société. En somme, pour assurernotre mieux-être et la justice sociale.

Les pressions engendrées par desmodes de production et de consom-mation insoutenables, globaliséset standardisés qui ne cessent des’accroître, font que les ressourcesdiminuent dramatiquement. Alors,comment faire pour que tous lesêtres humains puissent trouver unminimum de dignité, un emploidécent et en même temps respecterles droits de tous les êtres vivants(Droit de la nature ou de la « PachaMama ») ? Un des 17 ODD (Objec-tifs du Développement Durable)s’avère particulièrement probléma-tique; celui de la réduction des iné-galités au sein des pays ou entre cesderniers et d’autre part, le défiimmense de garantir une croissanceéconomique inclusive et soutenable.Il s’agit bien ici d’avoir les moyensréels pour s’assurer d’un développe-ment humain soutenable et la pros-périté. Le développement massif àl’échelle planétaire d’énergies pro-pres, d’infrastructures soutenables etde villes plus écologiques doit être la

base d’une croissancetant espérée dans lespays les plus pauvres etd’une véritable évolutionécologique, sociale, cul-turelle et économique àl’échelle globale.

Pour illustrer ces défisqui nous interpellent,prenons ces 17 ODDcomme le fameux jeu de bâtonnetsoù ils se trouvent enchevêtrés entreeux. Chaque bâtonnet - ou objectif– se doit donc d’être considéré trèsattentivement pour pouvoir assurerle maintien du grand enjeu global enveillant attentivement à ce que letout ne s’écroule pas. Mais commedans ce jeu de bâtonnets d’originebouddhiste, le bâtonnet qu’onnomme Mikado reste celui qui a leplus de valeur. Dans le cas des ODD,Mikado sera l’adoption en décembreà Paris d’un traité universel contrai-gnant et comportant des engage-ments fermes de lutte contre lescauses des changements climatiques.Ce traité qui se veut historique doittraduire un engagement effectif des

pays riches et émer-gents quant à l’abandondes combustibles fos-siles d’ici 2100 et ledébut d’un nouveaucycle d’évolution pourl’humanité. Son adop-tion aura un impact fortimportant quant à l’at-teinte de tous ces ODD.L’équilibre planétairepeut ainsi être rétabliau même titre que cette

impressionnante plume suspenduesur les treize morceaux de feuillespalmiers présentés par les structuresmontées en état optimal de concen-tration et d’équilibre par l’artistesuisse Maedir Eugster Rigolo. Les ci-toyens sont prêts à contribuer acti-vement à ce nouvel équilibrepuisque 80% de la population mon-diale se déclaraient très préoccupéspar les causes et les impacts deschangements climatiques, comme l’aconstaté une récente enquête del’ONU.

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11Des plumes s’expriment sur le développement durable

universitaires et du secteur privé.Une enquête publique a égalementété menée, à laquelle plus de 7 mil-lions de personnes ont participé.Après un long processus, lancédepuis juin 2012 lors de la confé-rence internationale de Rio+20, leGTO a rendu son programme enaoût 2014.

Bien qu’en 2012, l’ONU préconisaitque les futurs objectifs soient “ambi-tieux”, mais “concis”, “faciles à com-prendre” et “limités en nombre”, leGTO s’est arrêté sur 17 ODD,accompagnés de 169 cibles. Encomparaison, les OMD se limitaientà huit et 21 cibles. La principalenouveauté réside dans le fait quecontrairement aux OMD, qui s’appa-rentaient à un agenda planifié par lespays du Nord pour le Sud, les ODDs’appliqueront à tous les pays. Ilsont en effet vocation à être universelssur le plan géographique, mais aussithématique.

Ainsi, de nouveaux enjeux apparais-sent, notamment l’environnement,auparavant uniquement abordé àtravers l’OMD 7, qui prend uneplace primordiale et transversale.Des changements d’ordre séman-tique confirment le caractère plusambitieux du projet : il n’est plusquestion de réduire la pauvreté,mais de l’éradiquer. Des thèmescomme le changement climatique, lasécurité ou la stabilité financière fontaussi leur apparition. En somme, lesODD visent à prendre en compteles trois piliers du développementdurable: le social, l’économique etl’environnement. Avec pour objectiffinal “de permettre à chacun de vivredans la dignité d’ici 15 ans”, expliquaitle Secrétaire général des NationsUnies Ban Ki-Moon, dans son rap-port de synthèse sur le programmepost-2015.

Un monde sans pauvreté, sans iné-galités et durable d’ici 15 ans. C’est,en résumé, la promesse idyllique desObjectifs de développement durable(ODD), qui devraient être adoptésen septembre 2015 par les NationsUnies. Il s’agit là d’une nouvellefeuille de route pour les Étatsmembres, destinée à remplacer leshuit Objectifs du millénaire pourle développement (OMD) quiprendront fin cette année. Les OMDont été instaurés en 2000 dans le butde concentrer l’effort de l’aide inter-nationale sur quelques points-clés,comme la réduction de la pauvreté,l’accès à l’éducation ou le combatcontre le VIH/Sida.

Alors que les OMD avaient été éla-borés en catimini par les NationsUnies, le processus a cette fois étéélargi. Ainsi, 70 pays se sont parta-gés 30 sièges au sein du Groupe detravail ouvert (GTO) chargé de défi-nir les ODD. Et, des consultationsnationales ont été organisées auprèsde la société civile, des citoyens, des

En septembre 2015, l’Assemblée générale desNations Unies adoptera les futurs objectifs pour ledéveloppement durable (ODD). Un cadre internatio-nal destiné à mobiliser les efforts de tous les payspour rendre la planète durable et équitable avant2030. Un programme plus qu’ambitieux.

Publié le 6 mai 2015Par Magali Sennane(Youphil – France)Courriel : [email protected]

OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENTDURABLE : 15 ANS POUR SAUVERLA PLANÈTE?

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OMD, l’heure du bilanAvec une telle perspective, il estcertes difficile de remettre en causele caractère ambitieux du projet.Reste que, de l’ambition à la réalisa-tion, il y a un gouffre... Quelles sontles évolutions positives obtenuesgrâce aux OMD? Selon le dernierrapport d’évaluation de l’ONU, plu-sieurs objectifs ont été atteints :réduction de la pauvreté de moitiédans le monde, amélioration de l’ac-cès à l’eau potable, des conditions devie des habitants des bidonvilles etparité des sexes dans l’enseignementprimaire.

En réalité, les résultats généraux sontbeaucoup plus mitigés. « Il est inté-ressant d’analyser les OMD à tra-vers leurs OMD ’jumeaux’, noteMatthieu Boussichas, chercheur àl’institut Ferdi sur le développementde l’aide l’internationale. En 2010,l’ONU a célébré le fait d’avoir atteintl’OMD 7 qui concernait le doublementde la population ayant accès à l’eau.Cependant, l’objectif corollaire surl’accès au système d’assainissement n’apas du tout été atteint. Le constat est lemême entre la réduction de la pauvretéet l’objectif de réduire le nombre depersonnes souffrant de la faim dans lemonde, qui n’a pas été réalisé.» Deplus, les systèmes de mesure sontaussi critiqués : les objectifs ont biensouvent été évalués à travers desindicateurs quantitatifs et non quali-tatifs.

L’ONU elle-même fait état de lacunesen matière d’accès élargi des pays lesplus pauvres à l’aide, au commerce,à l’allégement de la dette, aux médi-caments essentiels et aux technolo-

gies. L’une des limitesmajeures est doncque les progrès réali-sés sont très inégauxentre les régions duglobe. Car, si l’onpeut se féliciter de laréduction de moitiéde la pauvreté dans lemonde, ces statistiques sont enpartie alimentées par l’essor éco-nomique des pays émergents,notamment la Chine. Ainsi, desrégions restent particulièrement enretard, comme l’Afrique subsaha-rienne. En conséquence, d’ici la fin2015, les pays les plus pauvres leresteront.

Toutefois, malgré ces résultats endemi-teinte, les OMD sont reconnuspour avoir contribué à la structura-tion des politiques de développe-ment international. Notamment enmobilisant autour d’objectifs com-muns les bailleurs de fonds interna-tionaux, les ONG, ainsi que lesacteurs publics et privés.

Une dilution des prioritésLes ODD ont donc pour mission depoursuivre les efforts, tout en lesintensifiant. Mais alors qu’ils n’ontpas encore été adoptés, ces derniersfont déjà débat. D’abord, parce quela grande variété des thématiquesciblées est questionnable. « Le pro-blème avec les ODD, c’est qu’on ne voitpas quels problèmes ils ne sont pas cen-sés résoudre sur terre... C’est une listetrès consensuelle », s’amuse TancrèdeVoituriez, directeur de programme àl’Institut du développement durableet des relations internationales(Iddri).

Tandis que les OMD étaient centréssur quelques objectifs à caractèresocial bien identifiés, les ODD s’ap-parentent à un inventaire à la Pré-vert. «Le risque, c’est de réduire lapriorité donnée aux problématiquesfondamentales du développement, quifaisaient l’ADN même des OMD, quesont la pauvreté, la nutrition, l’éduca-tion, etc. Et ainsi de diminuer l’alloca-tion des ressources aux pays quipouvaient difficilement s’en sortir sansl’aide, au profit de problématiques plusglobales », note Matthieu Boussichas.

Ensuite, parce qu’avec 169 cibles,chapeautées par 17 ODD, on peutcraindre que les États appliquentseulement les objectifs qui les arran-gent. Si tout est une priorité, plusrien ne l’est vraiment… La solutionconsisterait alors à rationaliserl’agenda, en hiérarchisant les objec-tifs en fonction de leur importance.Car, malgré la demande de certainsÉtats, comme l’Angleterre, de revoirle contenu des ODD à la baisse,celle-ci a très peu de chance d’abou-tir.

Après deux ans de consultation mul-tipartite, le débat n’est plus là. « Au-jourd’hui, il faut se concentrer sur lafaçon dont nous allons mettre en œuvreles ODD pour qu’ils soient les plustransformatifs possible», note Pascale

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13Des plumes s’expriment sur le développement durable

Quivy, déléguée générale du Centrede recherche et d’information pourle développement (Crid) et Vice-pré-sidente de Coordination Sud. Depuis2012, les ONG sont très actives surce sujet et se sont réunies au sein dedifférentes coalitions : le FIP, Beyond2015 et Action mondiale contre lapauvreté. Ces plateformes travaillentde concert pour influencer le cadred’application des ODD. Notammentpour que les populations les plusvulnérables ne soient pas laissées decôté et qu’aucun objectif ne soitconsidéré comme atteint, tant qu’ilne l’a pas été pour tous.

Une équation à plusieursinconnuesÀ l’heure actuelle, les stratégies àadopter pour mettre en œuvre lesODD et les possibles indicateurs àutiliser sont peu définis. L’ODD 17consacré à cet effet reste plutôt som-maire. «On ne sait pas de quels moyensde mise en œuvre, de vérification, demesure et de financement, les acteursvont disposer. Ni les engagements queles acteurs publics et privés vont devoirformuler pour que tout cela devienneeffectif», détaille l’économiste Tan-crède Voituriez. Alors que nous nesommes plus dans la dynamiqueNord/Sud des années 2000, maisdans un monde plus hétérogène,comment appliquer ces objectifs à lafois de façon universelle, mais aussidifférenciée à tous les pays ? Sanscompter la question de l’applica-tion des ODD au sein même despays développés, qui reste aussiune nébuleuse.

L’évaluation, quant à elle, pourraitprendre la forme d’un rapport de

suivi, sur la base d’indicateurs encorenon définis. En ce sens, la sociétécivile plaide pour que les indica-teurs soient plus qualitatifs etprennent en compte les conditionsdans lesquelles les progrès ont étéréalisés. La mise en œuvre et la réa-lisation des ODD dépendront doncpour beaucoup du niveau d’ambi-tion des États. D’autant plus qu’iln’existera pas de caractère contrai-gnant à ces engagements.

Toutefois, l’opinion publique pour-rait être un levier de pression sup-plémentaire pour rappeler aux Étatsleurs engagements. Mais, encore fau-drait-il que les populations soient aufait de l’existence de ces ODD. Lamobilisation citoyenne est l’un desrendez-vous ratés des OMD. « Il esttrès compliqué de mobiliser les citoyenssur des enjeux qui paraissent si loin-tains et déconnectés du quotidien. Ycompris les militants au sein même desréseaux de solidarité internationale »,confie Pascale Quivy de Coordina-tion Sud. C’est pourquoi, plusieursONG internationales se sont rassem-blées à travers la plateformeAction/2015, avec pour mis-sion de mener régulièrementdes campagnes internatio-nales de sensibilisation surles enjeux post-2015.

Lutter contrel’évasion fiscaleOutre la volonté d’engage-ment des États, le finance-ment sera aussi moteur de latransition. C’est la grand-messe d’Addis-Abeba (Éthio-pie) sur le financement dudéveloppement qui donnera

le « la », en juillet 2015, sur le cadreà adopter pour les années à venir.

Difficile de chiffrer les ODD, maisles échelles seront indéniablementsupérieures à celle des OMD. LeComité intergouvernemental d’ex-perts sur le financement du dévelop-pement durable, initié par l’ONU, atenté, en août 2014, de quantifier lesbesoins financiers. À titre d’exemple,il faudrait près de 66 milliards dedollars par an pour éradiquer l’ex-trême pauvreté dans tous les pays.Ce sont également entre 5 000 et6 000 milliards d’investissements an-nuels qui seraient nécessaires pourmettre en place les infrastructuresrequises au développement, tellesque l’électricité, l’eau ou l’agricul-ture. En conséquence, l’actionpublique ne pourra pas parvenir àtout financer.

Dans ce même rapport, les expertsrappellent qu’il incombe à chaquepays la responsabilité première deson développement. Les finance-ments seuls n’étant pas suffisants

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pour parvenir à atteindre ces objec-tifs sur le long terme. La créationd’un environnement propice audéveloppement à travers un ensem-ble de facteurs combinés est indis-pensable : cadre légal, stabilitépolitique et financière, politiqueséconomiques et publiques.

À ce titre, la mobilisation des res-sources domestiques, publiqueset privées, représente une sourcede fonds majeurs. En particulier,par la régulation des flux financiersillicites : l’évasion et la fraudefiscales dans les pays en dévelop-pement représenteraient plus de1 000 milliards de dollars par an,soit plus de 10 fois le montant del’Aide publique au développement(APD). Mais aussi, grâce à une affec-tation mieux ciblée des ressourcesbudgétaires des pays, en suppri-mant, par exemple, les subventionsaux énergies fossiles.

Pour une implicationdu secteur privéSi rien n’est défini aujourd’hui, il estdéjà certain que la contribution dusecteur privé est très attendue. Lamobilisation de ressources privées,notamment via les investissementsdirects étrangers à destination despays les moins avancés, représente-rait, selon le rapport, la source laplus stable et la plus durable d’in-vestissement. Toutefois, rappellentles ONG, celle-ci ne devra pas sefaire au détriment de l’APD, qui resteune ressource essentielle pouraccompagner les pays pauvres dansla lutte contre les inégalités et la pau-vreté. D’autant plus que l’APD peutégalement jouer un rôle cataly-seur, afin d’attirer de nouveauxfinancements.

Enfin, les financements innovantscontinueront d’être explorés. Ungroupe d’experts intergouvernemen-

tal, créé depuis 2006, étudie lespistes pour financer de nombreuxsecteurs comme la santé, l’agricul-ture, la biodiversité ou le change-ment climatique. Plusieurs solutionssont envisageables, qu’il s’agissede l’application innovante de sourcesde financement traditionnelles, àl’image de la taxe sur les billetsd’avion reversée à UNITAID pourl’achat de médicaments ou de taxesur les transactions financières. Oubien, par des mécanismes de finan-cements innovants qui permettrontd’orienter les ressources existantes,publiques, privées ou public-privé,afin d’optimiser leurs impacts, telsque le font déjà les investissements àimpact social ou l’initiative GAVI.

Si Addis-Adeba sera l’occasion d’ap-profondir la question du finance-ment du développement, les enga-gements réels risquent de resterlimités. « Beaucoup sortiront avec unsentiment mitigé, car nous en attendonsbeaucoup trop, estime l’économisteMatthieu Bousichas. Je doute qu’il y aitun ’pledge’ de la part des États. Aumieux, il y aura un beau discours quirappelle les instruments qui existent etla façon dont nous pouvons les utiliserpour élargir notre façon de financer ledéveloppement.» À quelques mois desdeux conférences qui se veulentessentielles pour l’avenir de la pla-nète, la COP21 et l’Assemblée géné-rale des Nations Unies sur les ODD,il est certain qu’aucun risque de lesfaire échouer ne sera entrepris.

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Des saisons de pluies de plus en plusirrégulières occasionnent des pertur-bations importantes dans le calen-drier agricole, des sècheresses, desinondations, une désertificationgalopante, etc. On dénombre unelongue série de contraintes clima-tiques dans la bande sahélienne. Descontraintes qui ont pour corollaireune baisse des rendements et de lafertilité des sols, mettant ainsi denombreuses familles paysannes dansune situation d’insécurité alimentairechronique.

Pour s’y adapter, certains produc-teurs font appel à leur esprit créatif.Ils élaborent des innovations à partirde leurs observations, de connais-sances endogènes, en utilisant desmatériaux locaux. Ces innovationssont par la suite relayées par desstructures locales d’appui au mondepaysan et par la recherche, avecl’appui de partenaires techniques etfinanciers nationaux et internatio-naux. Reproductibles et maîtrisables

par les populationslocales, ces innova-tions s’adaptent auxcontextes agroécolo-giques et sociaux etdemeurent accessi-bles pour des produc-teurs et productricesà faibles revenus.

Des arbres fruitiers malgréla sècheresseLa mangue. Ce fruit très prisé auSénégal et en Afrique de l’Ouestcontribue à la sécurité alimentaire etconstitue une source importante derevenus pour les producteurs. Seule-ment, il est de plus en plus difficilede planter des manguiers au Sénégaloù sévissent des sécheresses récur-rentes. Mais c’est compter sans l’in-géniosité des paysans de KeurNdiogou Ndiaye, une localité situéeà une centaine de kilomètres deDakar, la capitale du Sénégal.

Pour accroître les chances de surviede leurs manguiers, les paysans lesassocient à un arbuste localementappelé «nguiguiss », de son nomscientifique Pilostigma reticulatum.« L’idée est née car nous étions épuisédu manque d’eau dans notre zone. Nousvoulions absolument avoir des arbresfruitiers. Certains même disaient que lemanguier ne pouvait pas survivre dansnotre terroir, car une plante repiquée atoujours besoin d’être arrosée. Maisnous étions convaincus que là où il y aune terre, il doit être toujours possibled’avoir des arbres fruitiers et surtoutdes manguiers», confie CheikhBabou, l’un des paysans à l’origine decette pratique.

15Des plumes s’expriment sur le développement durable

Publié le 20 juin 2015Par INOUSSA MAÏGA(Googolfarmer – Burkina Faso)Courriel : [email protected]

INNOVATION PAYSANNE,ENJEU DE DÉVELOPPEMENTDURABLE AU SAHEL

Dans les pays du Sahel, le changement climatique constituel’une des principales contraintes auxquelles font face les agri-culteurs et agricultrices. Mais ce phénomène est aussi pournombre d’entre eux une source d’inspiration. Çà et là on recensedes agriculteurs et agricultrices qui innovent pour s’adapter àun environnement de plus en plus hostile à l’activité agricole.Ces innovations engendrent des augmentations de rendementsconsidérables dans des zones géographiques menacées par ladésertification.

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L’innovation consiste à planter lemanguier au milieu des touffes decet arbuste sauvage appelé Pilostigmareticulatum, de sorte que le manguiersoit protégé contre le soleil, les ventsde l’harmattan, les animaux en diva-gation, etc. De plus, il est reconnu aunguiguiss la faculté de faire remon-trer l’eau des profondeurs du sol versles horizons superficiels du sol. Lemanguier peut ainsi profiter de cettehumidité et des micronutrimentsprésents au pied du nguiguiss.

Le nuguiguiss peut être associé àbien d’autres arbres fruitiers. Cetarbuste peut aussi être associé auxcultures céréalières, comme cela estpratiqué à Yilou, une localité de zonenord aride du Burkina Faso. Despaysans associent la culture du sor-gho au Pilostigma reticulatum locale-ment appelé « baagandé». Cetteassociation leur permet de doublerleurs rendements. La récurrence depieds de Pilostigma reticulatum dansun champ permet aux paysans derestaurer progressivement la matièreorganique du sol et de pouvoir ainsimieux faire face à une pluviométrie

limitée et de plus enplus irrégulière.

De l’engrais 100%organique àportée de mainToujours au BurkinaFaso, et cette fois-cidans l’est du pays, l’unedes régions les plushostiles d’un point devue climatique, TaniLankoandé, une agri-cultrice d’une trentaine

d’années, mène unerévolution silencieuse. Avec une plu-viométrie des plus faibles et des solsdégradés, à Sagadou, sa localité, lesconditions de production agricolesont précaires. Plusieurs annéesdurant, l’agricultrice a constaté unebaisse de ses récoltes. Elle n’a pasd’animaux pour espérer obtenir de lafumure organique. Elle ne peut pasnon plus accéder aux engrais chi-miques, trop chers pour elle.

Pour autant, Tani Lankoandé nebaisse pas les bras. « Je cherchais lemoyen d’améliorer la fertilité du solde mon champ sans pour autant exigerdes moyens financiers dont je ne disposepas», confie-t-elle. « J’ai d’abordessayé les cordons pierreux pour retenirl’eau, mais le résultat n’était pas à lahauteur de mes attentes. J’ai alors eul’idée d’utiliser des feuilles mortes desarbres comme fumure organique.L’avantage est que je pouvais ramasserles feuilles mortes partout», ajouteTani Lankoandé.

Utiliser des feuilles mortes d’arbrescomme engrais, l’agricultrice expli-que sa recette : « Je suis partie d’un

simple constat, les résidus de feuillesmortes charriées par les eaux de pluiesenrichissent le sol par endroit. Je collectedonc les feuilles mortes, que je disposepar petit tas dans mon champ tout enprenant le soin d’y ajouter de la cendre.Cela évite que les termites n’attaquentmes tas de feuilles mortes et surtoutque le vent de l’harmattan les emporte.Puis j’attends les premières pluies pourrépandre cette matière sur toute lasuperficie du champ. Passée cette étape,ce sont les labours à la charrue et toutce qui s’en suit pour que les plans crois-sent normalement ». Mais il ne s’agitpas non plus des feuilles mortes den’importe quel arbre. Tani Lan-koandé explique qu’elle sélectionneles feuilles qui se décomposent leplus vite comme celles des épineuxet des légumineux. Les feuilles dekarité, elle les évite, car celles-ci sedécomposent très lentement.

Tout au long de la campagne agri-cole, l’agricultrice constate une nettedifférence entre les plants de la par-tie de son champ où elle a pu mettreles feuilles mortes et les plants de lapartie où elle n’a pas pu mettre lesfeuilles mortes. Au début, Tani Lan-koandé était presque seule. Son marilui donnait un coup de main detemps en temps sans pour autant enêtre convaincu. « Je reconnais quequand ma femme a entrepris cette pra-tique, j’étais perplexe et pessimiste.Mais aujourd’hui je suis plus que fierd’elle. Elle a inspiré beaucoup de culti-vateurs dans les environs qui l’imitentet les résultats sont probants », confiePaul Lankoandé, époux de Tani.Grâce à la technique des feuillesmortes, Tani Lankoandé est parve-nue à améliorer considérablement

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17Des plumes s’expriment sur le développement durable

ses rendements, des résul-tats qui ont convaincu biend’autres agriculteurs à adopterla technique. Fatimata Ouoba estde ceux-là. Elle témoigne : «Nousvoyons que dès la saison sèche, Tanicommence à rassembler les feuillesmortes et à les disposer sur son champet quand débute la saison pluvieuse, sonchamp se présente bien et elle obtient demeilleures récoltes que nous. Alors on asuivi son exemple et nous ne le regret-tons pas. »

Innover pour diversifierses sources de revenusSous d’autres cieux, pas si lointains,à Djela, une petite localité situéedans la région de Ségou au Mali,Nouhoun Traoré, lui, a choisi dediversifier ses sources de revenuspour faire face à la dure réalité quelui impose le changement clima-tique. Parallèlement à la productioncéréalière, Nouhoun Traoré pratiquel’élevage de volaille. Pour commen-cer, l’agriculteur a hérité de son pèreune couveuse en bois en 1997. Maisau fil du temps, celle-ci ne répondaitplus à ses attentes. Étroite, la cou-veuse en bois a une capacité de seu-lement 140 à 150 œufs. Il s’eninspire alors et met au point unecouveuse beaucoup plus grande enutilisant des matériaux locaux : desbriques en banco et du bois. Cettecouveuse en banco a une capacité de400 à 500 œufs. Ce qui lui permetd’avoir plus de pintadeaux et ainsid’augmenter plus vite ses revenus.Cette innovation a intéressé beau-coup d’autres paysans maliens quil’ont adoptée. Grâce à cette trou-vaille, ils peuvent diversifier leurs

sources de revenus et mieux faireface aux besoins alimentaires deleurs familles.

Des paysans qui innovent pours’adapter au changement climatique.Il en a été question à l’occasion de laFoire de l’Innovation Paysanne enAfrique de l’Ouest (FIPAO) tenue du15 au 16 mai 2015 à Ouagadougouau Burkina Faso. Une foire qui a per-mis de mettre en évidence le grandpotentiel des producteurs pour larecherche agricole et le développe-ment rural jusque-là largement sous-exploité et parfois ignoré.

Mettre en débat desinnovations paysannesLes trois innovations paysannesdécrites plus haut ont fait l’objet dedocumentaires vidéo qui ont servi desupport pour des projections-débatsà l’occasion d’un événement parallèleà la FIPAO. Les projections-débatsont vu la participation d’agriculteurset d’agricultrices, de professionnelsdu développement, de scientifiques,d’étudiants, de journalistes, etc. Lesdébats ont permis de faire ressortirplusieurs enjeux liés aux innovationspaysannes en adaptation au change-ment climatique.

L’un de ces principaux enjeux portesur la protection des innovationspaysannes. Il est ressorti des débatsla nécessité de permettre au paysaninnovateur de bénéficier de la recon-naissance sociale, éventuellementd’en tirer l’intérêt économique, et,d’autre part, de l’importance de per-

mettre aux paysans quivivent parfois dans la pau-

vreté d’avoir librement accèsaux techniques qui améliorent laproduction pour les sortir de la pau-vreté et de l’insécurité alimentaire.

Un second enjeu mis en lumièreconcerne la vulgarisation et la repro-ductibilité de l’innovation. La facilitéde répliquer détermine la rapiditéavec laquelle l’innovation est adop-tée par d’autres paysans. C’est le caspar exemple de la couveuse enbanco, qui nécessite peu de moyenset presque exclusivement des maté-riaux locaux.

Un troisième enjeu, également enlien avec l’adoption de l’innovation,pointe du doigt l’insécurité foncière.Celle-ci peut être un frein à l’adop-tion de certaines innovations pay-sannes en adaptation au changementclimatique. Les agriculteurs sontplus prompts à faire certaines réali-sations dans leur champ quand ilsont la garantie de pouvoir l’exploitersereinement. De ce point de vue, lefait de garantir aux paysans leursdroits sur leurs terres encourageraitces derniers à multiplier les réalisa-tions pour récupérer les terresdégradées et les rendre à nouveaupropices à la production agricole.

Ces enjeux rappellent que la luttecontre le changement climatique etpour une sécurité alimentaire dura-ble dans la bande sahélienne passepar une plus grande promotion depratiques paysannes innovantes ensoutien aux millions de producteursfamiliaux dans leurs efforts.

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Pourtant, l’agriculture constitue unesolution pour l’Afrique, notammenten ce qui concerne les questions del’emploi des jeunes ou encore del’autosuffisance alimentaire et de lalutte contre la pauvreté.

L’agriculture, voie dedéveloppement durablepour l’AfriquePremière source d’alimentation,l’agriculture est un élément centraldans la société africaine. En effet,une large part de l’économie enAfrique s’appuie sur le secteur pri-maire. Employant 57% de la popu-lation, l’agriculture produit 40%du PIB en moyenne et procure11% des recettes d’exportation. Àtitre d’exemple, dans la ville de Ku-masi au Ghana, qui compte plusd’un million d’habitants, c’est l’agri-

culture urbaine et périurbaine quiravitaille les marchés, fournissantainsi bananes, maïs et tubercules àprès de 600 000 habitants.

Toutefois, l’Afrique connaît unegrave crise alimentaire et l’agricul-ture locale ne parvient plus à répon-dre aux besoins des populations.Cette problématique est imputableà l’urbanisation, qui fait évoluerles modes de consommation. AuCongo-Brazzaville, on constate queles besoins en produits de base ontconsidérablement évolué entre 1985et 2010. Ainsi, pour le manioc, onest passé de 575 605 tonnes par an(T/an) à 1 043 380 T/an. Si l’onobserve la couverture de la consom-mation de viande pour la productionnationale, on se rend compte de l’im-portance de l’importation. Par exem-

ple, la consommation de viandebovine est de 7 108 T/an, dont941 couvertes par la productionnationale, soit 13,23%. Le mêmephénomène s’observe concernantcertains produits végétaux : si 92%du manioc consommé est produit auCongo, le riz est importé, les pro-ductions couvrant seulement 3% desbesoins. [Source Agricongo].

La cause la plus évidente est le dés-intérêt des pouvoirs publics. S’il y aquelques années l’agriculture avaitété érigée au rang de « priorité despriorités » au Congo-Brazzaville, ellea fortement pâti de l’application dumodèle marxiste inadapté aucontexte sociologique et culturel. Deplus, ces dispositifs n’étant pasaccompagnés d’actions en directiondes producteurs ruraux, ces derniersont été abandonnés à leur triste sort.

Pourtant, force est de constater quel’Afrique regorge de potentiel et

Avec 45% de sa population âgée de moinsde 15 ans, l’Afrique est un vivier de main-d’œuvre. Si les domaines de compétencessont variés, on constate que les États sesont majoritairement tournés vers l’agriculture pour favoriser l’accès desjeunes à l’emploi. Force est de constater que les résultats de ces poli-tiques publiques restent encore faibles. Pénibilité, archaïsme, ruralité :tels sont les qualificatifs associés à cette activité.

JEUNESSEAFRICAINE ETAGRICULTURE

Publié le 01 juin 2015Par Vanessa Lébéka(Bantuenia – Congo)Courriel : [email protected]

Réhabiliter l’image de l’agriculture auprès de lajeunesse, un enjeu de développement durable

18 OBJECTIF 2030

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19Des plumes s’expriment sur le développement durable

qu’une mobilisation des pouvoirspublics en ce sens favoriserait forte-ment l’évolution de ce secteur.

L’agriculture, un levierpour lutter contre lapauvreté et éliminer la faim« L’agriculture est la mère de tousles arts : lorsqu’elle est bien conduite,tous les autres arts prospèrent ; maislorsqu’elle est négligée, tous les autresarts déclinent, sur terre comme surmer», disait le philosophe grecXénophon.

Cette citation illustre à merveille lesrésultats des politiques publiques deces dernières années. Soutenantprincipalement le secteur tertiaire,elles ont certes favorisé une crois-sance à deux chiffres, cependant,celle-ci aurait pu être dopée par lesrésultats d’un secteur agricole plusperformant. En effet, la pauvreté etla faim sont des fléaux qui conti-nuent de frapper le continent. Moinsproductifs, les quelques 200 millionsd’affamés plombent l’économie. LaFAO a réalisé en 1990 une étudefondée sur 110 pays entre 1960 et1990. Celle-ci a démontré que, n’eûtété la malnutrition, le PIB annuel parhabitant en Afrique subsaharienneaurait pu atteindre entre 1 000 et3 500 $ en 1990 contre moins de800 $.

D’autre part, le développement del’agriculture entraînera de fait ledéveloppement des autres secteurs

de l’économie. Par exemple, l’agri-culture est indissociable des trans-ports.

Susciter les vocationsagricoles au sein de laJeunesseSi de nombreuses initiatives sontmenées en ce sens dans les États afri-cains, leur efficacité est cependantcontestable. Cela est notamment lié àl’image négative qu’ont les jeunes decette activité, qu’ils trouvent réservéeaux « vieux ».

Ainsi, l’exode rural des jeunesdevient monnaie courante et lapopulation rurale vieillissante peineà se renouveler. Selon Agricongo, cespaysans ont en moyenne 55 ans. Siles jeunes refusent de perpétrer latradition agricole, c’est en grandepartie à cause de la pénibilité dutravail. L’outillage rudimentaire(machettes, haches, houes et dabas),les pratiques peu évoluées ainsi queles contraintes socio-économiquessont autant de facteurs répulsifs.

Pourtant, plusieurs solutions pour-raient être envisagées pour rendrel’agriculture « sexy» aux yeux decette génération, massivement attiréepar les télécommunications. SelonJannick Yamachui, consultant seniorchez AfricSearch, cabinet de recru-tement spécialisé sur l’Afrique sub-saharienne « ces entreprises sontrecherchées par les jeunes diplômés,

car elles ont une image de modernité etde dynamisme très attractive.»

La première solution consiste en lamodernisation des équipements.Aujourd’hui en Afrique, les tracteursse comptent sur les doigts de lamain. Avec une participation del’État à cette modernisation, la péni-bilité serait considérablement atté-nuée et les compétences desingénieurs agronomes seraient misesà profit.

La seconde piste serait de promou-voir des méthodes de culture plusrespectueuses de l’environnement.Aujourd’hui, la pratique la plusrépandue est la culture sur brulis. Ladisparition du couvert végétal, l’éro-sion et la perte de fertilité des solssont autant de conséquences néfastesde cette agriculture.

Enfin, la question du salaire des agri-culteurs est une réelle préoccupa-tion.

Si les États sont souvent frileux àl’idée d’investir, ils doivent néan-moins prendre en compte le fait queles questions du développementdurable, du chômage des jeunes etde la crise alimentaire ne se résou-dront pas sans un effort considéra-ble. Comme l’a dit Lionel Zinsou,« ne pas investir dans l’agriculture estun moyen sûr de rester dans le sous-développement ».

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20 OBJECTIF 2030

Comme dans la plupart des paysafricains, l’agriculture a une placeprépondérante dans l’économietogolaise : selon les chiffres officiels,elle occupe près de 75% de la popu-lation active du Togo et contribuepour environ 38% au Produit inté-rieur brut (PIB). Elle est axée sur laproduction vivrière (maïs, sorgho,mil, manioc, igname, patate douce,haricot, voandzou et pois d’angole,etc.) et les produits de rente (café,cacao et coton). Mais la productionvivrière est menacée au sud-Togo, legrenier du pays, qui concentre plusde la moitié de la population (régionmaritime : 2 705 200 habitants etrégion des plateaux : 1 375 615 ha-bitants). Les paysans, analphabètespour la plupart, qui continuent depratiquer l’agriculture selon desméthodes ancestrales, sont sérieuse-ment confrontés aux « caprices » de

la nature, au désintéressement desjeunes par rapport aux travauxchampêtres et au recours excessifaux pesticides qui ne se sont pas sansconséquence sur l’écosystème.

Aléas climatiques« Nous ne comprenons plus rien à cequi se passe. Avant, nous semions lemaïs déjà dans le mois de mars ou auplus tard début avril. Mais depuisquelques années, nous sommes ballotéspar la nature. Pour cette saison agricolepar exemple, les premières pluies sonttombées dès début mars et nous avonsmis en terre le maïs. Mais entre-temps,il n’a pas plu et les jeunes plants de maïsn’ont pas résisté à la canicule. Consé-quence, nous étions obligés de détruireceux-ci pour reprendre tout à zéro finavril-début mai. À cette allure, on sedemande si on sera prêt pour la petitesaison pluvieuse », se plaint Kossi

Tchakpana, un paysan à Tchekpo-Dévé, un village situé à 65 km aunord-est de Lomé.

En effet, il existe deux types de cli-mats au Togo : le climat soudano-sahélien au nord caractérisé par l’al-ternance d’une saison pluvieuse etd’une saison sèche et le climat subé-quatorial guinéen au sud caractérisépar deux saisons de pluies (grandesaison : mars-juillet et petite saison :fin août-novembre) en alternanceavec deux saisons sèches. Précisonstoutefois que ces durées restent iné-gales et tout dépend de dame nature.Cette appropriation du climat datede plusieurs siècles et se transmet degénération en génération. Chaquepaysan fait jouer ses sens pour tenterde tirer ce qu’il y a de mieux de laterre qui, selon une formule bienconnue au sud-Togo, ne trompe

Publié le 30 juin 2015Par Komi Aziadouvo(Liberté – Togo)Courriel : [email protected]

L’AGRICULTURE VIVRIÈREMENACÉE AU TOGO

L’agriculture de subsistance, qui répond aux besoins essentielsde la population, mais ne permet pas assez d’excédent, est endanger dans la partie méridionale du Togo. En dehors des aléasclimatiques qui sont devenus une préoccupation planétaire,elle est menacée par la déficience de la main-d’œuvre et l’usagede plus en plus fréquent des pesticides aux origines douteuses. Maispersonne ne semble préoccupé par la baisse de la production vivrière.

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21Des plumes s’expriment sur le développement durable

jamais. En revanche, le climat, lui,trompe. Mieux, il change et les pay-sans sont parfois contraints deremettre l’ouvrage sur le métiercomme l’explique Kossi Tchakpana.Désabusés, certains n’osent plus pro-céder à de nouvelles semences etabandonnent ainsi l’œuvre de tant dejours et de tant de sacrifices. « Avecles instruments rudimentaires que nousutilisons, il faut être courageux pourtout reprendre, fait remarquerAkouwa, une paysanne à Gbatopédans la préfecture du Zio. Parfois, lesgens laissent carrément les plants demaïs desséchés se débrouiller tout seuls.Une situation qui plombe leurs rende-ments ».

Aujourd’hui, la petite saison despluies où de nouvelles semencessont mises en terre, tend à disparaî-tre. Même la région des Plateaux, laplus arrosée en termes de pluviomé-trie (1500 à 1600 mm), n’échappepas à ce phénomène. Kouma pré-sente le tableau : « Habituellement lespluies s’étalent d’avril à octobre-no-vembre. Cette situation fait que certainsd’entre nous ne se soucient pas souventde la période où ils doivent semer. Ils lefont tout au long de cette période. Maisl’année dernière, la surprenante séche-resse du mois d’août n’avait pas permisà certaines cultures de maïs d’arriver àmaturation. Après ce coup reçu, nousavions repris courage et semé du maïsavec les pluies de septembre. Les cul-tures de maïs étaient à peine à leurphase de floraison que les précipitationsavaient cessé. Et l’harmattan s’était an-noncé de manière précoce. Vivementque nous n’assistions pas à la mêmechose prochainement ».

Certes, la pluie est indispensable àl’éclosion des plants. Mais c’est par-fois le désenchantement chez lespaysans qui restent impuissantsdevant des averses qui se succèdentsur plusieurs jours et qui détruisenttout sur leur passage. Et direqu’après, ces eaux tarissent, et lespaysans sont obligés de scruterencore le ciel !

Ce qui repose le problème de la maî-trise de l’eau. En outre, les servicescompétents peuvent aider les pay-sans à s’adapter aux mutations cli-matiques en les amenant à mieuxgérer la grande saison pluvieuse oùils peuvent maximiser leurs produc-tions. Mais la question du manquede main-d’œuvre reste un sérieuxhandicap.

Insuffisance demain-d’œuvreL’agriculture de subsistance est ani-mée par les familles qui embauchentparfois des manœuvres. La culture

est aussi manuelle et est basée surl’utilisation des outils archaïques telsque la houe, le coupe-coupe, lerâteau, la daba. Cependant, lemanque de main-d’œuvre n’est paslié à l’exode rural, mais bien au phé-nomène de zémidjan (« amène-moivite » en fon, une langue du Bénin)qui date des années 1990 et qui s’estamplifié avec l’apparition sur le mar-ché de motos à bas coût fabriquéesen Chine. Selon une étude réaliséeen novembre 2012 par le Collectifdes organisations syndicales destaxis-motos du Togo (COSTT), leTogo compte 215 800 conducteursde taxis-motos. Aujourd’hui, lesjeunes préfèrent faire le zémidjandans les zones rurales pour la plu-part enclavées au lieu d’aller travail-ler dans les champs. « Nos aïeuxavaient été agriculteurs et avaient uti-lisé les mêmes outils rudimentaires.Mais jusqu’à ce jour, aucune solutionn’est apportée à ce problème. Le travailde la terre reste pénible. Ce qui n’est pasle cas pour la conduite des taxis-motos.

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22 OBJECTIF 2030

Nous gagnons entre 1 500 et 2000FCFA par jour. N’est-ce pas mieux ? Masituation s’est nettement amélioréedepuis que j’ai acheté une moto»,raconte Grégoire.

Plus curieux, ce sont les comporte-ments des politiques qui, pendantles campagnes électorales, distri-buent à des jeunes des motos desti-nées au zémidjan à des prix très baset ce, à crédit ou pour le « work andpay ». « Depuis quelques années, on aappris aux jeunes la culture du gainfacile dans notre pays. Ainsi, les brasvalides abandonnent le travail de laterre. Dans ces conditions, c’est difficilepour les paysans d’avoir des manœu-vres. Même les enfants qui, jadis,aidaient leurs parents dans les champs,ne le font plus. La plupart d’entre euxvont se débrouiller avec les taxis-motos.Je connais un paysan vers Badou quiexploitait avec ses trois garçons unesuperficie de 6 hectares. Mais depuisque ceux-ci se sont embarqués dans laconduite des taxis-motos, son exploita-tion agricole a périclité. Actuellement,cet agriculteur qui est sous le poids del’âge n’exploite même pas 1 hectare.C’est une situation très inquiétante »,alerte pour sa part un agronome baséà Kpalimé.

En revanche, certains jeunes commeApélété allient la conduite de taxis-motos et l’agriculture qui, dans cecas, dégage peu d’excédent : « Je faisle travail de zémidjan à plein temps queje complète par l’agriculture. Mais j’aidû réduire considérablement monespace cultivable. La faute, au manquede main-d’œuvre. »

Que faire devant cet état de chose ?Une approche de solution vient deKékéli, revendeuse de céréales aumarché d’Adéta: « S’il est vrai que letravail de taxi-moto a permis à certainsjeunes de trouver leur pain quotidien,on doit être inquiet quand on voit lamajorité se tourner vers ce métier. Lapolitique gouvernementale en matièred’agriculture doit être encore plus atti-rante pour qu’en faisant la comparai-son, les jeunes fassent le constat quel’agriculture est plus avantageuse. Notreagriculture aura des lendemains diffi-ciles si les jeunes désertent ce secteur ».En attendant, les agriculteurs ont deplus en plus recours aux herbicides.

Usage fréquent despesticides« Les substances chimiques nocives oudangereuses qui, en raison de leur toxi-cité, de leur radioactivité ou de leurconcentration dans les milieux biolo-giques et physiques présentent ou sontsusceptibles de présenter un dangerpour l’homme, la faune, la flore et l’en-vironnement en général, lorsqu’ellessont produites, importées sur le terri-toire national ou qui y sont évacuées,sont soumises au contrôle et à la sur-veillance des services techniques com-pétents, en relation avec le ministèrechargé de l’environnement », stipulel’article l12 de la loi N°2008-005portant loi-cadre sur l’environne-ment au Togo. Mais dans les faits, lacommercialisation et l’usage des pes-ticides par les agriculteurs prennentde l’ampleur. Le contrôle alléguédans l’article 112 n’existe pas dutout. Fleurissent dans les zonesrurales des marchés de vente de pes-ticides. La plupart de ces produitsaux dénominations bizarres viennent

du Ghana : Glyphader 480, WeedKonka 480 SL, Force Up, NwuraWura, Herbextra, etc.

« Nous vendons plusieurs sortes de pro-duits mais les plus demandés sont lesherbicides, relate un vendeur à Kpa-limé. Ce sont des liquides à diluer avantusage. Ils servent à détruire les mau-vaises herbes pour permettre au culti-vateur de faire le semis deux semainesen moyenne plus tard. Nous payonsau Ghana le carton entre 22 000 et23 000 FCFA, parfois 25000 F selon lecours du Cedi. La douane perçoit 700 Fpar carton et le transport 1000 F parcarton. C’était un commerce juteux.Mais il ne l’est plus car les vendeurssont devenus très nombreux et mêmeprésents dans les localités les plus recu-lées. »

Alors, ces herbicides sont utilisés parles agriculteurs pour compenser lemanque de main d’œuvre. « Je suisdans l’agriculture depuis 1986 à Tové.Mais de nos jours, l’usage des pesticidess’est imposé aux paysans car il y a unmanque de main-d’œuvre au momentoù les bouches à nourrir augmentent »,indique Akoété. Dans une étude surl’«apparition d’un commerce informelde produits phytosanitaires dans le sud-ouest du Togo » publiée en 2014 dansEuropean Scientific Journal, il estconstaté que « L’approvisionnement ences herbicides répertoriés s’effectue auGhana » et que « 57% des enquêtés jus-tifient cette utilisation d’herbicides parun manque de main d’œuvre ».

Un phénomène qu’évoque égale-ment Peter, un agronome en poste àAdeta : « L’usage massif des herbicidesest un fait réel. Le cultivateur qui a plus

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de 50 ans par exemple ne peut pluslabourer une grande surface. S’il pou-vait défricher un hectare en deuxsemaines avec la houe et le coupe-coupe, avec les herbicides, il peut, enune ou deux heures, traiter son champet attendre deux semaines pour allersemer. Mais puisque la plupart des pay-sans sont analphabètes, il se pose unproblème de dosage des produits qui,pour la plupart, ne sont pas homolo-gués. Le mal, c’est que beaucoup de gensne se protègent pas. Si le liquide rentreen contact avec la peau, on a des sen-sations de brûlure. L’endroit devient sec.Des fois quand on l’inhale par mégarde,on a la même sensation au niveau dela gorge. Il arrive aussi que certains,malheureusement, traitent les culturesvivrières avec des produits du café et ducacao ».

« J’ai aussi personnellement constatéqu’après un usage d’herbicides durantquatre à cinq saisons consécutives, lasurface du sol se durcit et perd progres-sivement de sa perméabilité semblableà du sol sur lequel on aurait versé dugoudron. Quand le produit est surdosé,les conséquences sont encore plusgraves. Des résidus peuvent se retrou-ver dans les récoltes », poursuitAkoété, paysan à Tové. Les agricul-teurs sont conscients des désagré-ments causés par les pesticides, maisne sont pas prêts à s’arrêter de sitôt.

C’est donc tout l’écosystème qui estmenacé par l’usage excessif et incon-trôlé des pesticides. Ce qui met enpéril la production vivrière indis-pensable à la sécurité alimentaire au

Togo. « Les techniciens agricoles sonttrès peu sur le terrain aux côtés desagriculteurs. De même, les agents desservices phytosanitaires devraient fairedes contrôles et des tests pour voir laqualité des produits agricoles sur lesmarchés. Ce qui implique plus demoyens de la part du gouvernementqui, pour le moment, fait beaucoup dediscours, mais peu d’actions », suggèreune paysanne à Agou.

De tout ce qui précède, des solutionsdurables méritent d’être apportéesaux problèmes liés à l’agriculturevivrière dans la région méridionaledu Togo. La crise actuelle du maïs, leprincipal aliment de base, doit eninterpeller plus d’un. Quand la par-tie considérée comme le grenier seramal en point, c’est tout le Togo quiva crever de faim.

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Publié le 10 avril 2015Par Racine Assane Demba(Terangaweb – Senegal)Courriel : [email protected]

CROISSANCE,ÉMERGENCEET INÉGALITÉSEN AFRIQUE

L’Afrique est un continent jeune avecses 1,1 milliard d’habitants en 2013.C’est à dire 15% de la populationmondiale. Qui dit jeunesse dit dyna-misme, espoir, fenêtres d’opportuni-tés. Pourtant, le continent nereprésente que 3,5% du Produitintérieur brut (PIB) mondial soit,selon une comparaison établie parl’économiste congolais, GabrielMougani, de la Banque Africainede Développement, dans son livre«Afrique : prochaine destination desinvestissements mondiaux ? », moinsque la part du PIB de l’Inde par rap-port au PIB mondial qui est de5,77% (le PIB moyen par habitant del’Afrique est de 2060 dollars contre5418 dollars pour l’Inde). L’Afriquec’est aussi seulement 3,9% duvolume mondial des Investissementsdirects étrangers (IDE) et 3,4% ducommerce mondial.

La moitié du milliard d’africains aaujourd’hui moins de 25 ans. La ten-dance ne faiblira pas – bien aucontraire – dans les prochaines

années. Les prévisions disent quedans 30 ans, l’atelier du monde sedéplacera de la Chine vers l’Afriquedont la population sera alors estiméeentre 1,5 et 2 milliards d’âmes. Laraison est que l’aire géographique dumonde ayant la plus grande popula-tion d’âge actif ne sera plus l’empiredu Milieu, mais le continent noir.

Ainsi, sont mises en évidence, departout, les opportunités qu’offre cepôle de croissance devenu désormaisincontournable. Souvent, il s’agitd’abord de non-africains s’expri-mant, selon leur intérêt ou celuide leurs pays, région, continent,sur un marché nouveau à conquériret exploiter, car c’est la régiondu monde où la rentabilité des capi-taux est la plus élevée. Comme lefait remarquer l’économiste franco-égyptien Samir Amin : « on parled’une Afrique émergente alors que lesproblèmes sociaux fondamentaux s’yapprofondissent d’année en année ».

Toutefois, des voix africaines, de plusen plus nombreuses, se font enten-dre pour mettre en avant la visionque les fils du continent eux-mêmesont de cette embellie annoncée, cequ’ils pensent de l’utilisation desimportants flux d’investissementsdont ils sont appelés à être les desti-nataires. Le guinéen Amadou BachirDiallo, autre économiste de laBanque Africaine de Développe-ment, campe le sujet en ces termes :« si ces interlocuteurs-là viennent cher-cher leurs intérêts, la question quise pose est : quels sont nos intérêts ànous ? D’abord est-ce qu’on tire profitde ces investissements en termes detaxation, en termes de création d’em-plois, d’infrastructures, en termes derenforcement de la structure écono-mique ? Les ressources qu’on en tirequ’est-ce qu’on en fait ? Quel type departenariat on vise ? Pour résumer,il faut penser en termes de diversifica-tion maîtrisée de l’économie. » Faireen sorte d’investir dans la recherche-

Nombre de citoyens africains de 2015, quise veulent libres et entreprenants, dansun monde en pleines mutations, sont entrain d’œuvrer à une nouvelle expressiondu continent à travers les idées novatriceset les actions transformatrices qui y ontcours.

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développement et d’avoir un secteurprivé fort dans chaque pays ducontinent pour porter cette écono-mie devient ainsi une nécessité.Le développement d’un marchéintra-africain l’est tout autant, car,avec l’Afrique du Sud et le Nigérianotamment comme moteurs, lepotentiel est impressionnant. D’au-tant plus que les 430 milliards envi-ron de dollars de réserve de changequi dorment dans les banques cen-trales africaines pourraient boostercette nouvelle politique économique.Mais pour en arriver là, un change-ment radical de mentalités s’impose.

À cette approche économique, il fau-dra ajouter une lutte plus efficacecontre la corruption, le renforcementdes institutions juridiques et gou-vernementales ainsi que la diminu-tion des risques politiques.

Sociétés émergentes versusmarchés émergentsLorsqu’ils font référence à l’Afrique,beaucoup de spécialistes des paysdéveloppés ou grands émergents etmême, parfois, certains fils du conti-nent parlent donc d’un marchéémergent offrant actuellement plusd’opportunités que partout ailleurs :« le lieu où il faut être pour faire du pro-fit» dit-on. Or cette approche de

l’émergence (concept enlui-même discuté parcertains) met au secondplan le volet social. Ellene garantit pas que lesfruits de la croissanceprofitent aux africains etse répercutent sur leurpouvoir d’achat. La nou-velle conscience africaine

dont il est question ici cherche,quant à elle, à promouvoir dessociétés émergentes. La croissance yserait essentiellement portée par desAfricains et non par des multinatio-nales promptes à rapatrier les divi-dendes tirés de leur activité versd’autres destinations. Elle seraitinclusive avec des richesses mieuxredistribuées pour, d’une part,réduire l’écart de niveau de vie avecles citoyens des pays les plus avan-cés et, d’autre part, en interne, venirà bout des inégalités qui, sans cela,iraient en se creusant avec ce booméconomique.

Les intellectuels porteurs de cetteconscience africaine émergente ontle souci de ne pas laisser d’autrespenser leur devenir à leur place. Ilstentent de questionner leurs choix,de se regarder et de regarder leurenvironnement sans complaisance,d’interroger le passé pour transfor-mer ce présent dont nul ne pourraitse complaire, malgré des projectionssouvent optimistes, en ne répétantpas les erreurs du passé.

Au suivisme dans la recherche effré-née d’une infinie croissance auxfragiles fondations en papier men-tion- nant une accumulation dedettes, ils préfèreront la sérénité

d’une approche à la fois plus res-ponsable, plus solidaire et pluspréoccupée par les priorités actuelleset le sort des générations futures,procurant in fine la satisfaction dudevoir accompli. C’est ce que cer-tains appellent l’afro-responsabilité.

L’enjeu consiste dès lors en une priseen compte des succès et des échecsdes orientations passées et présentes,une prise en charge des aspirationset espoirs des plus modestes, dans laréflexion pour la réalisation d’undéveloppement à hauteur d’hommesynonyme de mieux être pour tous.Il s’agit aussi de ne pas réduire lalutte contre la pauvreté à des actionsd’assistanat visant les pauvres, maisde faire le lien entre pauvreté et iné-galités afin de s’attaquer aux causesdont la principale renvoie à unecroissance mal redistribuée, et devaincre le mal à la racine.

Établir sa propretemporalitéLa responsabilité des États africainset autres organisations d’intégrationest engagée. Toujours selon AmadouBachir Diallo de la BAD, plus d’unité

25Des plumes s’expriment sur le développement durable

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GalynaAndrushko/Shutterstock.com

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s’impose pour pouvoir peser surcertaines décisions dans les instancesinternationales. « Il faut aussi,avance-t-il, une volonté politique, uneréorganisation du système financierpour accompagner ce secteur privé quiportera une croissance africaine réelle,éviter la compétition entre le secteurpublic et le secteur privé, penser àdévelopper une classe de jeunes entre-preneurs. Cela passe par une formationde qualité, des financements adéquats,mais aussi la mise en place d’un réseauqui puisse guider leurs premiers pasdans la vie d’entrepreneur. »

L’écrivain et économiste sénégalais,Felwine Sarr va plus loin. Il faut, deson point de vue, pour l’Afrique,rompre avec la référence externe etétablir sa propre temporalité pour neplus avoir comme horizon indépas-sable le projet de rattraper les cham-pions d’un modèle qui a fini parmontrer ses limites. Une étudemenée par Oxfam révèle qu’en 2016,1% de la population mon-diale possèdera plus de lamoitié du patrimoine. Lesplus virulents détracteursde cette étude réfutent leschiffres avancés, maisconviennent unanime-ment du creusement desinégalités. Sarr rejetteainsi le modèle ayantconduit à cette dérive néed’un désir d’accumulationmalsain érigé en normeet insiste sur « la nécessitéde l’élaboration d’un projet

social africain, partant d’une socio-culture parce qu’on ne peut avoiréconomiquement raison si on a socio-culturellement tort ».

Ce souci de changer de paradigmea une résonnance particulière aumoment où la théorie du ruisselle-ment voulant que l’accumulationde richesses entre les mains d’uneminorité profite à la croissance, carleurs revenus auraient pour finalitéd’être réinjectés dans l’économie, esten train d’être battue en brèche parle FMI lui-même. Le Fonds, long-temps favorable à cette thèse d’inspi-ration libérale, a reconnu dans unrapport publié récemment que plusles riches sont riches moins la crois-sance est forte. Les chiffres quiétayent cette position sont les sui-vants : lorsqu’à travers le monde lafortune des 20% les plus aisés aug-mente de 1%, le PIB global diminue,quant à lui, de 0,8%.

26 OBJECTIF 2030

Aussi est-il aujourd’hui aisé deconstater que les modèles dedéveloppement destructeurs desystèmes sociaux et d’équilibresnaturels qui sont reproduits àl’identique un peu partout finis-sent par ne plus répondre aux exi-gences d’un développementdurable et par creuser les inégali-tés dans une même société ainsiqu’entre pays au sein du systèmeinternational.

Sources : ONU, Banque mondiale, FMI, OMC,CNUCD, BAD, Economy Watch, «Afrique :prochaine destination des investissementsmondiaux? » ouvrage de Gabriel Mougani,« Développement : archéologie du concept »présentation de Felwine Sarr.

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Ce matin-là, seul le bruit des vaguesqui tapent sur les gros moellonsaménagés tout le long du littoraldéfie la quiétude des habitants deMérina, un paisible quartier deRufisque, à 28 km de la capitaleDakar. Non loin de ce qui reste deshabitations de ce quartier, on entendla mer, calme et dévastatrice. Face àelle Mérina meurt peu à peu, ensilence. Les vagues lui ont volé sesgrandes plages sablonneuses et ses

infrastructures. Les usines de décor-ticage de l’arachide, sa célèbre huile-rie et ses wharfs n’ont pas pu résisteraux flots. Assis sur un rocher, SadaDia, un comptable à la retraite habiteles parages. « Derrière moi, il y avaitun bar qui a disparu, une mosquée quia aussi disparu. C’était très bien àl’époque» nous dit-il, l’air un peunostalgique. Petit à petit et au fil desans, l’érosion côtière a tout pris àMérina : ses mosquées, ses maisons

et ses habitants dont la majorité aaujourd’hui déménagé. Quitter pourne plus subir les affres d’une merdéchaînée qui défie scientifiqueset décideurs publics. À côté deMérina, Thiawlene : un quartierlébou authentique garde les stig-mates de l’avancée de la mer.Comme ces murs effondrés ou enpartie rongés par l’eau de la mer. Ici,il suffit juste de creuser un mètrepour faire jaillir de l’eau salée. Lequartier est assis sur un océan sous-marin. Les habitants de Thiawlenevivent la paupérisation de plein fouetet l’érosion côtière y est pour beau-coup. « Ça a fait des dégâts énormes.Toutes les maisons qui étaient ici sontparties. Ici (il montre du doigt), ily’avait un grand terrain, c’est là queles Thierno Youm (ancien attaquantinternational) et autres s’entraî-naient ». Souleymane Diop est unpêcheur qui a grandi dans ce quar-tier. Prévu pour lutter contre l’éro-sion, l’imposant barrage de pierresn’a plus de force, lui aussi n’en peutplus maintenant de supporter lesassauts répétés des vagues. En aoûtou septembre, les houles le traver-sent facilement pour venir semer ledésarroi chez les populations. Ainsi,matelas et meubles se retrouventdans les eaux, et les habitantsdoivent attendre quelques jours letemps que les vagues se retirent.«Nous sommes habituées maintenant»,nous dit la fille du chef de ce quar-tier. Parfois, c’est ce que les popula-tions ont de plus cher qui se retrouveau fond de la mer : en 2007, lesvagues ont emporté une partie ducimetière musulman et 120 corpssont ainsi partis. Sur place, le murqui devrait servir de rempart contre

Publié le 24 avril 2015Par Hamidou Diop(RTS – Sénégal)Courriel : [email protected]

CES VILLESMENACÉES…DE DISPARITION

De par leur situation géographique qui les place au bord de la mer,Rufisque et Bargny sont deux villes connues dans tout le pays : parleur histoire… mais surtout par le mal qui les ronge… l’avancée dela mer va-t-elle épargner ces deux quartiers ou va-t-elle les rayer dela carte ?

27Des plumes s’expriment sur le développement durable

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ReportageBargny, une ville oubliée dans la lutte…Elle n’est pas bavarde ni muette, mais c’est en silence que cette ville vit sa situa-tion de quartier très affecté par l’avancée de la mer.Sur la route nationale, en allant vers Thiès, Bargny est la ville qui vient aprèsRufisque. Avec sa plage, dévorée au jour le jour par les vagues paisibles et dange-reuses, Bargny semble résister au temps et à l’érosion côtière. Mais au fond le malest profond. Pour le visiteur qui débarque au bord de la mer, ce sont d’énormesflaques d’eau qui viennent à son accueil. À première vue, on croirait que ces eauxstagnantes viennent de la pluie. Mais en réalité, c’est la mer qui vient jusqu’à côtéde la route nationale.Le long du littoral, on ne trouve aucune infrastructure destinée à lutter contre l’avan-cée de la mer, au contraire, on constate l’immensité de l’océan et sa proximité avecles habitations… entre les deux, d’énormes pirogues sont immobilisées. Quand lamer se déchaîne, elles se retrouvent souvent cassées. Sur la voie de Sendou, la nou-velle commune, un lot d’édifices construits juste à côté de la mer agonise : des mai-sons entières se sont effondrées et c’est dans les décombres que les dernieshabitants, sans doute laissés à eux même, vivent les pieds à quelques mètres del’eau.

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les vagues ne fait même pas 2 mètresde haut et comme pour taquiner lesmorts, les flots viennent à chaquefois s’échouer à leurs pieds.

Diokoul, et… le murde la discordeIl s’est effondré une première fois etles autorités l’ont rebâti. Cette fois-ciles populations de Diokoul ne vontpas attendre que le mur de protec-tion de Diokoul s’écroule à nouveau.L’un des quartiers de la vieilleRufisque, Diokoul ne cache pas sondésarroi. Son mur ne peut pluscontenir la mer. Pourtant à chaquefois que ces populations constituéesen majorité de pêcheurs vont àla mer, elles le croisent… raide etimpuissant. Construit récemment, ilfait face à une mer avec des courantsqui tapent directement sur les côtessablonneuses de ce quartier. Juste aubord de Diokoul, la centrale du Capdes biches vit son train-train habi-tuel. Selon les habitants de Diokoul,sa mise en place est une des raisonsde l’avancée de la mer. Ici, l’espoirs’est envolé depuis belle lurette. Lesrares personnes qui nous ont parléveulent quitter les lieux. Un argu-ment théorisé par les scientifiquescomme étant le seul pour faire face àl’avancée de la mer. Mais le problèmede Rufisque, comme le disent cer-tains, c’est qu’il n’y a plus d’espacepour recaser tous ces occupants dulittoral. L’argument est battu enbrèche par la municipalité, quiaffirme par la voix de son directeurdes services, Ahmadou BambaNdiaye, que la ville peut proposerdes logements aux personnes lesplus affectées par l’avancée de la

mer : «Nous avons bel et bien del’espace pour caser tous ces habitants.Ceux qui disent qu’à Rufisque il n’y aplus d’espace ne maîtrisent pas l’assiettefoncière de la ville.» Mais où ? Oùtransférer toutes ces populations ? Ilest vrai que la ville de Rufisque estproche des réserves foncières de San-galkam et Bambilor et, même si les

autorités des collectivités acceptentle principe, un argument culturelrisque de se poser…Le lébou peut-ilvivre loin de la mer ? Supposons quecertains acceptent… ce serait un panimportant de la culture de cette com-munauté qui risque d’être perdu : lelittoral permet souvent au lébou d’af-firmer son identité.

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29Des plumes s’expriment sur le développement durable

Pourquoi la meravance-t-elle si viteà Rufisque ?Pour savoir ce qui explique l’avancée dela mer, nous avons interrogé les experts.Dans ce compte rendu, retrouvez lesracines du mal.

C’est au début des années 1930 quele phénomène de l’érosion côtière acommencé à affecter Rufisque. Pourle chef de département géologie àl’UCAD et membre du GIEC(Groupe Intergouvernemental surl’évolution du climat), les causesexactes ne sont pas connues, mais lesprélèvements et les études faits sur leterrain ont montré que la ville deRufisque, en plus de vivre de pleinfouet le réchauffement climatique,synonyme de montée du niveau desmers, se trouve aussi dans unecuvette, une situation qui la rend trèsvulnérable. Selon elle toujours, lescôtes rocheuses et les estuaires àmangroves sont plus résistants auphénomène de l’érosion; or la plagede Rufisque est sablonneuse et n’estpas suffisamment alimentée en sédi-ments.

Le Pr Pape Goumba Lo, enseignantà l’Institut des Sciences de la Terre(IST), lui, explique que le phéno-mène d’épi que constitue la pres-qu’ile du Cap-Vert protège les côtesde la région de Dakar jusqu’à Hann.Mais au-delà de cette zone, les cou-rants marins ont libre cours et tapentdirectement sur des villes commeMbao et Rufisque. Dans la ville deMama Coumba Lamb, les popula-tions ont aussi leur explication.En fait, elles disent que les travauxd’extension du port de Dakar ontexposé leur ville. Rumeur ou…parole d’expert.

Le Fonds d’adaptation aux changements,une bouffée d’oxygène.Le Fonds d’adaptation aux changements climatiques est créé spécialement envertu du protocole de Kyoto et a pour mission d’apporter son soutien auxpays exposés aux effets néfastes des changements climatiques. Ce, en finançantdes projets et programmes concrets d’adaptation impulsés par les pays. Cefonds vise à contribuer à la mise en œuvre du plan d’action national pourl’adaptation aux changements climatiques. Au Sénégal, le premier projetfinancé par le fonds d’adaptation est le Projet "Adaptation des zones vulnéra-bles à l’érosion côtière". Ces zones sont parmi les secteurs les plus vulnérablesaux effets des changements climatiques avec l’élévation du niveau de la merqui se traduit par les inondations, l’érosion, la salinisation des terres et ladégradation de la mangrove. Ce fonds est un mécanisme original de finance-ment dans la mesure où il permet aux pays en développement d’accéder à cesressources directement, sans passer par l’intermédiaire d’institutions multila-térales. Il devient également une manière de contribuer à sécuriser les facteursde production dans les zones côtières et à améliorer les conditions de vie descommunautés les plus vulnérables. Le Sénégal est le premier pays au mondeà voir une de ses institutions accréditée par le fonds comme entité nationalede mise en œuvre et à avoir bénéficié du premier financement selon le méca-nisme de l’accès direct. Le Centre de suivi écologique (CSE) est la premièreentité nationale de mise en œuvre ainsi que la direction de l’Environnementet des établissements classés (DEEC), promoteur principal du projet.

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Samandollé : un hameau de cultureperdu dans le sahel burkinabé, à unedizaine de kilomètres d’Aribinda. Laceinture d’épineux et la multitude decollines qui l’entourent le soustraientau regard du voyageur empruntantla route départementale reliant Dorià Djibo. A l’abri derrière ce rideauinhospitalier, les 500 âmes qui yvivent sont en marge du mondemoderne. À Samandollé, rien n’achangé depuis des âges. Dans ce vil-lage hors du temps, on ne rencontreaucun symbole de la République.« Nous n’avons ni dispensaire, ni école,ni même un poste de police…»,déclare, médusé, Ousséni Wouraba,un paysan. Mais de tous les servicessociaux, c’est l’absence d’eau potable

qui chagrine le plus le quinquagé-naire. «Nous n’avons pas un seulforage dans le village, pourtant lesbesoins des hommes et des animauxsont importants » dit-il.

Confirmation avec Safoura Man-zouba. Comme toutes les femmes duvillage, la jeune femme de 25 ans estresponsable du ravitaillement de safamille en eau. Deux fois par jour,elle se rend à la petite mare située à300 mètres du village pour y puiserune eau rougeâtre, au-dessus delaquelle flottent des excrémentsd’animaux. Il faut dire qu’à Saman-dollé depuis toujours, les hommes etles animaux ont appris à partager lesmaigres flaques d’eau. « C’est ici, dit

Safoura, que nous puisons l’eau pour laboisson, la cuisine et la toilette ». « Avecle temps, nous ne faisons plus attentionaux animaux qui y pataugent et y défè-quent. Sans cette eau nous serions déjàmorts sûrement », poursuit Safoura.Certes, l’eau de la mare sauvemomentanément, mais elle tue àpetit feu. Tous les habitants deSamandollé souffrent d’une maladied’origine hydrique. «Nous sommestous malades à cause de l’eau. Lesenfants souffrent de la bilharziose, duverre de Guinée et de maux de ventretoute l’année. Vraiment nous nous sen-tons totalement abandonnés par lesautorités », lance Ousséni.

EAU ET ASSAINISSEMENT :SAMDOLLÉ OU LES OUBLIÉSDES OMD

Le Burkina Faso s’est engagé, dans le cadre des objectifsdu millénaire pour le développement (OMD), à réduirede moitié la proportion des personnes n’ayant pas accèsà l’eau potable et à l’assainissement à l’horizon 2015.Depuis, tous les efforts se sont focalisés sur ces objectifs,même s’ils ne seront pas atteints, en ignorant totalementl’autre moitié abandonnée à son triste sort…

Publié le 29 juin 2015Par Nourou-Dhine Salouka(Toute l’info – Burkina Faso)Courriel : [email protected]

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Autorités impuissantesDu côté des autorités locales, onrécuse la thèse de l’abandon. Ellespréfèrent mettre en avant leurimpuissance. « Vous savez, depuis quenous sommes responsables de la fourni-ture des services d’eau et d’assainisse-ment, assure Yacouba Gouem,secrétaire général de la communed’Aribinda, Samandollé est un vraicasse-tête pour la commune. » Admi-nistrativement rattaché à la com-mune rurale d’Aribinda, Samandollén’est pourtant pas officiellementreconnu comme étant un villageencore moins comme un quartier.C’est un hameau de culture quel’administration considère commefaisant partie d’Aribinda. Du coup,impossible de lui attribuer des infra-structures (eau potable, santé,éducation…) provenant de la pro-grammation de l’État. Samandollé estcensé utiliser les infrastructures exis-tantes à Aribinda, la ville située àplus d’une dizaine de kilomètres.Une pure aberration pour les popu-lations. « Si je devais aller puiser l’eauà Aribinda, je passerais toute la journéeet je ne pourrais pas rapporter suffi-samment d’eau pour couvrir les besoinsde ma famille » analyse Safoura.

En charge de fournir des servicesd’eau potable et d’assainissement àtous ses administrés, la commune aentrepris des démarches auprès deses partenaires pour trouver unesolution à la détresse des habitantsde Samandollé. «Chaque fois que nousen avons l’occasion, nous faisons duplaidoyer auprès de nos partenaires enespérant que certains soient sensibles aumalheur des populations de Samandollé

en leur construisant un ouvragemoderne. Nous avons bon espoir quecela se concrétise bientôt», déclaremonsieur Gouem.

Politiques inopérantesSi Samandollé et les zonesnon couvertes par les pro-grammes gouvernementauxsont en détresse, la situationdans les zones couvertesn’est guère reluisante. Lesefforts fournis n’ont pas pro-duit les résultats escomptés.Le pays a déjà intégré le faitqu’il n’atteindra pas lesOMD dans le secteur del’eau et de l’assainissement.Selon le rapport-bilan de lamise en œuvre du pro-gramme national d’approvi-sionnement en eau potableet assainissement (PN-AEPA), le taux d’accès à l’eauen milieu rural était de 64%en 2014, tandis que la ciblevisée est de 76%. Plusieurs raisonsexpliquent cet échec. Les politiqueset le dispositif d’approvisionnementen eau potable en milieu rural sontinopérants. Au début des années2000, le Burkina Faso a adopté unnouveau cadre règlementaire de ges-tion des services publics d’eau pota-ble en milieu rural et semi-urbain.Fortement inspiré des politiques dedécentralisation et de communalisa-tion intégrale, le cadre entérine letransfert de la maîtrise d’ouvrage enmatière d’eau potable à la commune.La commune, sans ressourceshumaines et financières consé-quentes, se retrouve du jour au len-demain responsable de la gestion, du

développement, de l’organisation desacteurs, du financement et du suivi-évaluation des services d’eau potablesur son territoire. Une charge troplourde pour les jeunes communes.

« La décentralisation ne devrait pas êtreune astuce de l’État pour se débarras-ser de ses responsabilités sur les com-munes », s’insurge Jean Bosco Bazié,Directeur général de l’ONG Eau ViveInternational.

Si les communes peuvent se sentirabandonnées par l’État, les associa-tions des usagers de l’eau (AUE),mises en place dans chaque villagepour assurer la fourniture de servicedans les villages, doivent l’êtredavantage. En clair, l’AUE doit col-lecter des fonds auprès des usagers.Cet argent servira à réparer lesforages en cas de pannes et à payer

31Des plumes s’expriment sur le développement durable

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la contribution des usagers lors del’implantation d’une nouvellepompe. Minées par l’analphabétismeet une légitimité souvent mise enquestion par leurs membres, laquasi-totalité des AUE sont dans unétat léthargique. Pas étonnant pourles spécialistes. « Il ne faut pas atten-dre des usagers ruraux ce qu’on nedemande pas aux citadins, avanceJuste Nansi, directeur d’IRC Burkina.Pourquoi c’est aux usagers ruraux d’or-ganiser le service alors que nous savonsqu’ils ne possèdent pas les compétencespour le faire ? Cela ne peut marchersans aide extérieure ».

Changer le fusil d'épauleFace à tous ces dysfonctionnements,les professionnels du secteurdemandent un profond changementdans les politiques. Réunis en févrierdernier, au cours du Forum nationalde l’eau et de l’assainissement, lesparticipants se sont engagés à ce que« chaque burkinabè ait un accès per-manent à l’eau potable et à l’assainis-sement d’ici à l’horizon 2030 ». Vœuxpieux ou engagement réaliste ? Sansdoute les deux. A l’étape actuelle,il est présomptueux de croire quele pays atteindra l’accès universel en15 ans. Les statistiques sont impla-cables. Seulement 9% des Burkina-bés ont accès à des servicesd’assainissement adéquats malgréune relative augmentation. Ils étaient3% en 2008 selon une enquêtenationale. Concernant l’eau potable,l’objectif paraît plus abordable : 84%des urbains contre 64% des rurauxont accès à l’eau potable. Mais ceschiffres sont à relativiser pour lemilieu rural. Les questions de fonc-

tionnement durable des équipe-ments et les modalités de gestionpérenne sont encore en friche.« Quand on dit que 64% des popula-tions rurales ont accès à l’eau, c’est àmon sens exagéré, car l’État supposequ’un forage qui n’a pas connu unepanne excédant 12 mois a fonctionnécorrectement toute l’année», affirmeJuste Nansi, directeur d’IRC. JusteNansi fonde son argumentaire sur lesrésultats d’une étude, menée par sonONG, dans 23 villages du Sahel surles services effectivement reçus parles usagers. En combinant les critèresnationaux sur la qualité de l’eau(normes OMS), la distance parcou-rue (moins d’un kilomètre pour unforage), le nombre d’usagers utilisantla même pompe (300 personnes), laquantité (20 litres par jour et parpersonne) et la durée de rupturede service (moins de 72h), IRCaboutit à la conclusion que seule-ment 1% des populations concer-nées avait accès à un niveau deservice basique.

Pour inverser la tendance, les pro-fessionnels exigent que l’État fassedu secteur de l’eau et de l’assainisse-ment un secteur prioritaire. Celapermettra de mobiliser plus defonds. «À ce jour, seulement 2% dubudget sont consacrés à l’eau, tandisque 13% sont réservés à l’éducation »,concède Mathieu Bingbouré, chargéde mission au ministère en charge del’eau. « Nous faisons un plaidoyer dansles programmes post-OMD afin quel’État nous alloue des financements plusimportants ; ce qui nous permettra ausside recruter une ressource humaine suf-fisante», conclu-t-il. Pour les ONG,

le financement endogène est primor-dial. Faute d’argent, le ministère apassé une dizaine d’années sansrecruter de nouveaux agents. «Lesecteur est financé en grande partie pardes partenaires extérieurs qui dictentleurs priorités, qui ne sont pas toujourscelles du pays», analyse LamineKouaté, un expert à la retraite. « Ilfaut que l’État se saisisse de la question,car c’est avant tout une question desouveraineté nationale. Sans investisse-ments massifs de l’État, les choses nechangeront pas », regrette Jean BoscoBazié. Dans une déclaration faite enfin juin 2015, les organisations de lasociété civile exigent que 10% dubudget national soient alloués ausecteur. En attendant un sursaut éta-tique, les habitants de Samandolléprient pour qu’une âme charitableleur vienne en aide avec un forage.

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33Des plumes s’expriment sur le développement durable

En 2010, la Russie a connu son été leplus chaud depuis au moins cinqcents ans. Une superficie équivalenteau tiers de la Belgique y a été rava-gée par les incendies. L’année sui-vante, le Queensland, en Australie, aconnu son année la plus pluvieusejamais enregistrée : 30 000 per-sonnes ont été évacuées à cause desinondations. La même année, laFrance a été confrontée à son prin-temps le plus chaud et sec depuis1880. L’année suivante, en 2012,les États-Unis ont vécu le mois dejuillet le plus chaud depuis 1895,entraînant une perte économique de20 milliards de dollars. Quant à l’an-née 2014, elle a été la plus chaudejamais enregistrée à la surface de laTerre depuis que les mesures exis-tent, les températures dépassant

les valeurs de 2005 et 2010 quiconstituaient déjà des records en lamatière.

Pas de doute, le dérèglement du cli-mat est en marche. Et pas pourquelques années. Les spécialistes duGroupe d’experts intergouverne-mental sur l’évolution du climat(GIEC) estiment que le climat conti-nuera à se réchauffer en continu aumoins jusqu’en 2040, quelles quesoient les réductions des d’émissionsde gaz à effet de serre adoptées1.Même si les mêmes spécialistes nevous le crieront pas sur les toits (parcrainte de créer un climat général dedémotivation), chaque année quipasse nous rapproche de l’éventua-lité d’une hausse moyenne des tem-pératures supérieure à 2° C en 2100

par rapport au début de l’ère indus-trielle. Or, ce seuil annonce desbouleversements majeurs et irrémé-diables des écosystèmes. Certainsexperts – la matière est controversée– n’y croient déjà plus : ce seuil serabel et bien dépassé étant donné l’ef-fet d’inertie des gaz à effet de serre.

A quoi ressemblera ce monde oùl’eau de mer fera largement sonintrusion dans les nappes phréa-tiques et compromettra l’approvi-sionnement en eau potable? Que sepassera-t-il lorsque disparaîtront lesmangroves, sources d’alimentationpour des centaines de millions d’in-dividus? Lorsque les frontières natu-relles, dans les golfes et les estuaires,s’effaceront sous l’effet de la montéedes eaux ? Lorsque le tourisme et lapêche, principales ressources écono-miques des États insulaires et côtiers,seront mis à mal?2 Ce monde sera-t-il plus violent? Ne risque-t-il pas de

Un monde globalement plus chaud mèneraprobablement à davantage de tensions et deconflits. Mais ceux-ci n’auront pas nécessai-rement la forme que l’on pourrait croire.François Gemenne, expert dans diverses uni-versités belges et françaises, attire l’attentionsur les risques de dérives liées au thème desréfugiés climatiques.

EN ROUTE VERSLES GUERRESCLIMATIQUES ?

Publié le 01 mai 2015Par Philippe Lamotte(Valeriane – Belgique)Courriel : [email protected]

1. Lire, à ce sujet, le petit ouvrage de synthèse "L’adaptation au changement climatique", V.van Gameren, R.Weikmans et E. Zaccaï. Ed. Ladécouverte, 106 p. (2014).

2. Près de 500 millions de personnes vivent actuellement à moins de cinq kilomètres des côtes. Et 320 millions à moins de cinq mètres d’alti-tude par rapport au niveau de la mer. Sans mesure adéquate, une ville comme Bangkok (Thaïlande) pourrait voir inondés 40% de sa super-ficie en 2025, et jusqu’à 70% en 2100, selon Banque mondiale (2013).

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34 OBJECTIF 2030

connaître davantage de conflits au-tour de ses ressources naturelles? Lejury d’Oslo n’a-t-il pas été vision-naire en attribuant, en 2007, le prixNobel de la Paix au GIEC et à l’an-cien Vice-président américain AlGore pour leur mobilisation dans cedomaine ?

La leçon du printempsarabeSpécialiste de la géopolitique de l’en-vironnement, François Gemenne(ULg, chargé de cours à l’ULB etSciences Po Paris)3, a fait lescomptes. Sur les 47 opérations demaintien de la paix lancées par lesNations-Unies depuis leur création,46 ont été motivées par des conflitsoù les facteurs environnementauxont joué un rôle. Il l’affirme sansambages : « un monde plus chaud seraplus violent. » Certes, il reconnaît quela relation de cause à effet entre l’évo-lution du climat (anomalies de tem-pératures, précipitations...) etl’insécurité géopolitique (révolu-tions, conflits, guerres...) n’est pasencore scientifiquement établie.Deux courbes qui évoluent en paral-lèle, en effet, ne suffisent pas à éta-blir une véritable corrélation entreles deux phénomènes qu’elles tra-duisent4. Autre bémol aux prévisionsles plus sinistres : les guerres et lesconflits s’expliquent généralementpar un enchevêtrement de causesdans lequel il n’est pas facile d’isolerle facteur environnemental, et encore

moins de lui assigner une place pré-pondérante. Mais voilà, FrançoisGemenne prévient : au rythme oùvont les choses, il va nous falloirimproviser. « Ce que nous savons dupassé, cette fois, ne pourra peut-êtrepas nous aider dans le futur. Car leschangements climatiques actuels etles impacts déjà perceptibles sontd’une rapidité inégalée dans l’histoirehumaine: environ un siècle pour deschangements aussi profonds, c’est trèscourt ! »

Lorsqu’on pense aux guerresinduites par l’évolution climatique,on songe spontanément aux conflitsentre États, qui se disputeraient l’ac-cès aux ressources naturelles (eau,terres agricoles, énergie...) à la suite,par exemple, d’une sécheresse ma-jeure. Le spécialiste belge reconnaîtqu’une multiplication de tels conflitsest plausible. «Le mur qui sépareactuellement l’Inde du Bangladeshn’est-il pas d’ores et déjà porteur d’unmessage bien clair à l’égard des Ban-gladais ? : ’en cas de montée des eaux(NDLR : 10% du territoire du Ban-gladesh, très pauvre, est situé sous leniveau de la mer), ne vous réfugiez paschez nous, mais au Pakistan ou en Bir-manie’ ». Plus largement, il rappelleque deux tiers des bassins fluviauxdans le monde sont la copropriété dedeux États ou davantage. Mais, pourlui, plus qu’à des conflits frontaliersclassiques (on peut aussi s’attendre àdes renforcements de coopération

entre certains États), il faut plutôtenvisager une multiplication deguerres civiles et de conflits internes.« La faim est un puissant moteur derévolution et de délégitimation des gou-vernements en place. Le Printempsarabe est d’ailleurs né en Tunisie aprèsqu’un homme se fût immolé par le feupour protester contre la flambée desprix des denrées alimentaires. » Et derappeler, pour l’anecdote, que laRévolution française, près de deuxsiècles plus tôt, fut surtout motivéepar la volonté farouche des paysansfrançais de s’accaparer les réserves depommes de terre entassées à la Bas-tille. Plus, en tout cas, que par desvelléités antimonarchiques ou desidéaux romantiques, venus plus tard.

Les tribunauxinternationaux sollicitésSelon François Gemenne, il faut éga-lement s’attendre à une multiplica-tion des conflits portés devant lescours et les tribunaux. Le premierexemple historique à ce stade estcelui de l’archipel de Tuvalu, micro-État situé dans l’Océan pacifique,dont l’altitude moyenne est dequatre mètres. Menacéde submersion par lahausse du niveaude la mer et s’esti-mant victime desémissions de gazà effet de serredes pays dévelop-pés, Tuvalu a déposé

3. Intervention "Climat et sécurité", présentée lors de la conférence intitulée "Quelles transformations des sociétés face au changement cli-matique?" du 20 octobre 2014, à l’ULB, organisée par l’Institut de gestion de l’environnement et d’aménagement du territoire (IGEAT) encollaboration avec la Fondation Bernheim.

4. Jusqu’à la fin 2015, cinq universités internationales (dont l’ULB, chez nous) s’attellent à étudier cette matière plus en détail, en prévision dela Conférence internationale sur le climat qui se tiendra à Paris en décembre.

jbor/Shutterstock.com

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35Des plumes s’expriment sur le développement durable

plainte dès 2002 contre les États-Unis et l’Australie. Motifs : la non-ratification par ces deux États duProtocole de Kyoto et, plus précisé-ment, la violation de son intégritéterritoriale (par les eaux montantes)!Soit un motif aussi grave que l’inva-sion du Koweït par l’Irak en 1990,commente l’expert... « Du fait que lesÉtats-Unis avaient menacé de mettrefin aux aides internationales, Tuvalu,mis sous pression, a finalement retiré saplainte à la Cour internationale de jus-tice. Mais il faut s’attendre à ce qu’àl’avenir, des États directement menacésdans leur survie territoriale, de plusen plus nombreux, s’organisent pourdemander aux pays industrialisés uneréparation des dommages subis à lasuite du réchauffement du climat. Iln’est pas exclu que des conflits "distri-butionnels" de ce genre dégénèrent enconflits véritables5. »

Face à ces menaces, le géopoliticienen appelle à soutenir davantage larecherche scientifique (balbutiante)menée sur ces matières et, surtout, àrenforcer la vigilance démocratiqueexercée sur les gouvernements. Cer-tains dirigeants, par exemple, pour-raient être tentés de mettre sur lecompte du dérèglement climatiqueleurs propres déficiences politiquesen matière d’aménagement du terri-toire, d’agriculture, etc. « À la suitedes inondations de 2007 en Grande-Bretagne, plusieurs ministres se sontdéfendus des critiques à leur encontreen proclamant : ’nous ne sommes pas

responsables, c’est le climat !’ » Fran-çois Gemenne invite égalementles sciences sociales (ethnologie,anthropologie, etc.) à se pencherdavantage sur les mécanismes per-mettant de renforcer les logiques decoopération et d’entraide face auxcatastrophes environnementales. Ilrappelle, enfin, que l’enfer est pavéde bonnes intentions... et que lethème des réfugiés climatiques, sou-vent présenté dans les médiascomme la conséquence numéro 1des conflits liés au climat, risqued’amener aux pires dérives s’il n’estpas appréhendé dans la sérénité.

Réfugiés climatiquesGare aux fantasmes etaux manipulations !Contrairement à ce quel’on pense souvent, lenombre de décès imputa-bles aux catastrophes liéesau climat est en diminu-tion à travers le mondedepuis au moins troisdécennies. En revanche,les dommages écono-miques sont, eux, en aug-mentation sur la mêmepériode6. Qu’en sera-t-ilaprès demain, dans unmonde qui aura proba-blement vu sa tempéra-ture moyenne augmenter d’environ2°C d’ici à la fin de ce siècle ? Le chif-fre de 200 millions de réfugiés cli-matiques à l’horizon 2050 estsouvent cité. S’il se vérifie, cela

signifierait qu’un habitant de la pla-nète sur 45 serait dans cette situa-tion! En 2005, le président du GIEC,Rajandra Pachauri, (démissionnairedepuis lors), évoquait plutôt 150 à200 millions de migrants climatiquesà l’échéance 2050. Ce qui resteconsidérable.

De telles imprécisions s’expliquentaisément. Rares sont les situationsoù la relation de cause à effet entreun phénomène climatique et undéplacement de population estunique. Souvent, ce dernier ne peutêtre isolé d’un contexte agricole,politique, économique... Parler de"migrants climatiques" est donc par-tiellement une vue de l’esprit. Ceux-ci ont toujours existé. Les spécialistes

s’accordent en revanche sur unpoint : les migrations climatiquesd’après-demain se réaliseront le plussouvent à l’intérieur des frontièresétatiques ou régionales. Et, comme

5. Signe que l’évolution est en marche dans cette région du monde: en juin 2014, Kiribati (110 000 habitants, un autre archipel du Pacifique suddivisé en 33 îlots, menacé de submersion, a fait l’acquisition de 20 kilomètres carrés de terres aux îles Fidji, distantes de 2 000 kilomètres.

6. Lire, à ce sujet, le petit ouvrage de synthèse "L’adaptation au changement climatique", V.van Gameren, R.Weikmans et E. Zaccaï. Ed. Ladécouverte, 106 p. (2014).

Aekkaphob/Shutterstock.com

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pour les migrations actuelles, onpeut s’attendre à ce qu’une majoritéde migrants dans un monde pluschaud de 2 à 4 degrés à l’horizon2100 regagnent leurs terres d’origineune fois les crises passées (inonda-tions, tempêtes, sécheresses...). Dumoins si celles-ci ne se reproduisentpas à un rythme trop soutenu !

En tant que spécialiste des migra-tions, François Gemenne attirel’attention sur le risque d’instrumen-talisation du climat à des fins –avouées ou pas, larvées ou pas – de

xénophobie. En effet, pour attirerl’attention du public sur la gravité dela crise climatique, des individuset des associations peuvent êtretentés – parfois en toute bonne foi –d’utiliser des termes forts ou desimages chocs qui, en réalité, risquentde transformer la crise climatique enenjeu sécuritaire. Ils risquent dont dedresser davantage les communautésles unes contre les autres, par exem-ple les pays du Nord contre les paysdu Sud. En témoigne l’exemple decette ONG britannique qui, il y aquelques années, avait cru bon lors

d’une exposition sur le dérèglementclimatique de représenter Bucking-ham Palace entouré de camps deréfugiés sous la mention : "Demain,vous ne reconnaîtrez plus Londres...".Réaction de l’expert : « Danger ! Caril n’y a plus qu’un pas, alors, pourconvaincre certains publics que les mos-quées vont remplacer les églises...»

Les pays du Sud, d’ailleurs, ne s’ytrompent pas. Beaucoup s’irritent dece que les pays "riches" fassent duclimat un enjeu croissant de sécurité,de menaces, de frontières, etc. Car,

en mettant l’accent surles questions relatives auxmigrants et aux réfugiés cli-matiques, ces derniers fontpeser le risque de gommer laquestion, centrale, de la res-ponsabilité historique desconcentrations de gaz à effetde serre dans l’atmosphère.Selon François Gemenne, ledanger serait alors grand devoir, pour toute réponse à lacrise climatique, la partie laplus nantie de la communautémondiale renforcer ses fron-tières et ses capacités militairespartout où c’est possible. Audétriment de ceux qui n’ontque peu – ou pas – de respon-sabilité dans le dérèglementclimatique.

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Si la chasse, la pêche et la cueillettesont au cœur même du mode de vietraditionnel des peuples autochtonesnordiques, ces activités de subsis-tance historiques sont de plus enplus difficiles à pratiquer en raisondes changements climatiques. « Cesbouleversements affectent les habitudesancestrales de ces populations»,explique Malek Batal, qui travaillesur les relations qui existent entrel’environnement et l’alimentationchez les Premières Nations. Que cesoit parce que les routes de glace dis-paraissent plus tôt d’année en année,que les trajectoires migratoires destroupeaux varient ou que de nou-velles espèces s’aventurent au nord,ces communautés sont forcées dereconsidérer des manières de fairetransmises de génération en généra-tion depuis de nombreuses décen-nies. Bien qu’il soit difficile deprévoir les impacts de ces change-ments à long terme, les experts s’en-tendent pour dire que c’est toutl’écosystème qui est en voie d’êtrebouleversé.

Couvert végétalC’est l’allure même de cette vasterégion qui est en train de changer, leréchauffement planétaire ayant uneffet direct sur le pergélisol, cetteportion du sol qui est toujours geléedans les zones arctiques. « Les gensont souvent une idée très simpliste dece qu’est le Nord, qu’il n’y a que dela neige et que rien ne pousse, laisseentendre la professeure à l’Universitédu Québec à Trois-Rivières EstherLévesque qui travaille également ausein du Centre d’études nordiques,un regroupement de chaires derecherche interuniversitaire. Pour-tant, la flore y est très variée.» D’au-tant plus que le territoire polaires’étend sur des milliers de kilomè-

tres. «Dans le nord du Québec, lasituation se dégrade très vite et onobserve des modifications rapides de lavégétation, précise-t-elle. Plus on vavers le nord, plus les changements sontdifficiles à percevoir à l’œil nu. »

Les travaux de la chercheuse surl’impact des changements clima-tiques sur le développement de lavégétation arctique, qu’elle mène deconcert avec la professionnelle derecherche José Gérin-Lajoie, lui ontpermis de mesurer concrètement lespremiers contrecoups de ces nou-velles variations de température.Ainsi, dans certaines régions où laflore est clairsemée et composée sur-tout de lichens et de petits arbustes à

Publié le 16 juin 2015Par Florence Sara G. Ferraris(Le Devoir – Canada Québec)Courriel : [email protected]

QUAND LE CLIMATBOUSCULELES TRADITIONS

Au printemps, lorsque lespremiers redoux se fontsentir, Chisasibi ressem-ble presque à une villefantôme. «Nous prenonsles plus jeunes avec nouset nous montons vers lenord, raconte Robbie Mat-thew avec un léger sou-rire. C’est le retour desoies. » Lui-même chasseur, il initie chaque annéequelques-uns de ses arrière-petits-enfants, et ce,même si les envolées sauvages tardent.

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ras le sol, on assiste à une densifica-tion du couvert végétal. Densifica-tion qui, sur le terrain, limite déjàl’accès des communautés aux tallesde petits fruits, comme la chicoutai,la camarine noire ou la cannebergedu nord. « Les plantes arbustives sonten train d’envahir l’espace, ce quientrave les passages normalement utili-sés, explique Mme Lévesque. Çachange l’utilisation du paysage. »

À long terme, certaines variétéspourraient produire moins ou carré-ment disparaître, car elles sont main-tenant en compétition avec desespèces jusqu’alors inexistantes dansces contrées éloignées. « L’arrivée deces arbustes érigés fera sans doute plusd’ombrage, souligne la professeure.On pourrait aussi voir apparaître denouveaux parasites ou pollinisateurs. »Les deux femmes précisent toutefoisqu’elles sont encore à l’étape d’éva-luation des impacts sur une pluslongue période.

Mosaïque climatiqueAlors qu’on parle souvent de la dis-parition progressive du pergélisolcomme un facteur d’humidificationdes territoires, les deux chercheusessoulignent qu’on observe plutôtun assèchement des sols. « Il fautvoir les régions polaires comme unemosaïque », précise Esther Lévesque.De cette manière, dans certains sec-teurs, la fonte des glaces favorise,entre autres, l’érosion des berges etla multiplication des affaissementsde terrain. « Il y a [d’autres] endroitsoù l’eau issue du dégel est complètementdrainée [par les nouveaux arbustes],

puis rejetée dans l’air. » Cette concen-tration d’eau dans l’atmosphère rendce dernier électrique. « Il y a desorages qui éclatent et qui déclenchentdes feux de toundras. Ce sont des phé-nomènes qu’on n’a jamais vus aussiau nord.»

« Il ne faut pas sous-estimer la capacitéde survie [des autochtones], soulignetoutefois José Gérin-Lajoie. Ce sontdes communautés traditionnellementnomades qui étaient habituées de sedéplacer au besoin.» Avec un légersoupir, la chercheuse ajoute qu’unefois de plus, leur grande résilienceleur permettra peut-être de s’adapterà « ces problèmes importés du sud ».

Le nord du Québec a faimLa neige fond lentement à Chisasibi.Ici et là, de larges monticules refu-sent de disparaître malgré les chaudsrayons qui percent le pâle couvert denuages. Au centre de la petite villesituée tout au bout de la route de laBaie-James, à 1500 kilomètres deMontréal, une jeune femme déam-bule dans les allées de l’épicerieéclairées au néon. En traînant lespieds, elle passe devant un étal videoù les étiquettes annoncent qu’onpouvait trouver là des poivrons il y aquelques jours. Arrivée à la caisse,elle décharge lentement son panier.Sur l’écran lumineux, 47,34 $ s’af-fiche. Après avoir récupéré sa mon-naie, la jeune femme quitte ensoupirant le supermarché. Dans sonsac, deux tomates, un paquet deviande hachée et quelques pommess’entrechoquent au rythme de sespas.

Au nord du 52ème parallèle, à plus de10 heures de route d’un grand centreurbain, il ne faut pas se surprendresi le kilo de farine se vend le double– quand ce n’est pas davantage – dece qu’on retrouve plus au sud. En2011, la Chaire de recherche duCanada sur la condition autochtonecomparée nous apprenait qu’enmoyenne, un panier de provisionscoûtant 100 $ à Québec revient à181 $ au Nunavik. Le prix des den-rées, que celles-ci soient périssablesou non, subit les contrecoups de ladistance qui sépare ces villes isoléesdes distributeurs et de la faibleconcurrence sur place.

À Chisasibi, ce sont trois établisse-ments qui se partagent un marché deplus de 5000 personnes, alors qu’àMontréal, on en compte un pourenviron 490 individus. Plus au nord,dans les communautés accessiblesuniquement par avion, il n’est pasrare qu’une seule épicerie s’occupede tout l’approvisionnement. «ÀKuujjuaq [capitale du Nunavik], onne s’en sort pas si mal parce que tousles produits qui transitent vers la côtede l’Ungava passent par chez nous,indique Marc-André Lamontagne,qui vit et travaille dans la région de-puis sept ans. Mais dès qu’on va versces villages plus au nord, c’est épouvan-table. »

Au Canada, on estime qu’environ8,3 % des ménages vivent en situa-tion d’insécurité alimentaire, selonles plus récentes données de Statis-tique Canada. Or, les enquêtesmenées par l’organisme statistique

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39Des plumes s’expriment sur le développement durable

omettent généralement de leursrésultats globaux les habitants desréserves des Premières Nationsmême s’ils sont « les plus vulnérables»vis-à-vis de ce problème, soulignaitle Conseil des académies cana-diennes (CAC) dans son rapportpublié en mars 2014 sur la sécuritéalimentaire des populations autoch-tones dans le Nord.

Ainsi, selon les dernières donnéescollectées directement dans cescommunautés, de 30 à 80 % desménages autochtones résidants dansle nord du pays affirment avoir étédans une situation d’insécurité ali-mentaire modérée ou grave, parexemple en vivant de l’anxiété parrapport à leur prochain repas ouencore en ne pouvant carrément pass’alimenter pendant toute une jour-née. Plus la distance entre les centresurbains et les groupes ciblés aug-mente, plus les témoignages sontfréquents.

Transition nutritionnelleet culturelleDes prix plus élevés et une situationsocio-économique précaire forcentbon nombre des résidents de cesrégions éloignées à se rabattre surdes aliments de moins bonne qualitéd’un point de vue nutritionnel.«On peut faire le parallèle avec lesquartiers défavorisés du Sud, affirmeChakda Yorn du Centre d’innovationsociale en agriculture (CISA) basé àVictoriaville. Les gens se tournent versce qui est moins cher, mais malheureu-sement, c’est presque toujours ce qui estplus gras, plus salé et plus sucré. »Selon le professeur Malek Batal, qui

participe au projet pancanadien inti-tulé Étude sur l’alimentation, lanutrition et l’environnement chez lesPremières Nations, il s’agit d’unréflexe courant. « Ils font d’abord descompromis sur la qualité. Puis, lorsquece n’est plus suffisant, ils en font sur laquantité.»

Depuis une vingtaine d’années, ceschangements de diète couplés àune consommation accrue d’ali-ments transformés sont accompa-gnés de nouvelles problématiques desanté publique, comme le diabète,l’obésité ou les maladies cardio-vasculaires. « Ce qu’on voit, c’est unetransition nutritionnelle, c’est-à-dire unpassage de l’alimentation traditionnelle[chasse, pêche et cueillette] à celleissue du circuit marchand, explique leresponsable de la recherche au CISA.Et avec cela, il y a une érosion cultu-relle.» Dans son rapport, le CACrefuse toutefois de faire la relation decausalité entre cette transition et lamultiplication des maladies nontransmissibles. Mais sur le terrain, onfait rapidement le lien.

Nellie Bearskin a toujours résidédans les environs de Chisasibi.Aujourd’hui âgée de 58 ans, elle avécu brutalement les changementsdans sa communauté. « J’ai perdu unejambe à cause du diabète, lance-t-elletout de go. Mes doigts se meurent, j’aifait sept crises cardiaques et je suis com-plètement aveugle. Mais je suis toujoursen vie.»

Pour l’aînée, la sédentarisation forcéede son peuple est en grande partieresponsable des ravages dont on

récolte encore les fruits des annéesplus tard. « On nous a toujours ensei-gné que tout ce dont nous avions besoinnous viendrait de la terre, explique-t-elle. Pourtant, dans les pensionnats[ces écoles où, pendant plus d’unsiècle, des dizaines de milliers dejeunes autochtones ont été envoyésafin de les soustraire à leur culture],on nous punissait lorsque nous voulionsmanger ce qu’elle nous donnait. » Lesannées ont passé et les coups ontlaissé des traces indélébiles. Difficiledans un tel contexte de transmettreaux plus jeunes les savoirs ances-traux.« On observe une rupture entre lesgénérations » qui s’inscrit dans levaste portrait de l’insécurité alimen-taire, explique Malek Batal. Il ajouteque le passage des connaissances sefaisait autrefois par un système d’ap-prentissage, un peu comme celui demaîtres et d’apprentis. « Le problèmeest qu’on a là toute une génération –si ce n’est pas plus – qui n’a pas eu deformation traditionnelle, qui a été ar-rachée à ses parents, qui a perdu salangue. »

« Plusieurs ont perdu, oublié leur iden-tité dans ces écoles, murmure Nellie,les yeux mi-clos. Les plus jeunesn’auront jamais ça. Nous sommes ladernière génération. »

Problème complexe« Il ne faut pas non plus idéaliser l’ali-mentation traditionnelle, tempèrecependant Chakda Yorn. Avant l’ar-rivée des épiceries, les autochtones ontconnu des famines qui les ont décimés.»Il ajoute qu’une foule de nouveauxfacteurs doivent être pris en compte

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lorsqu’on parle des moyens de sub-sistance ancestraux. «Ce n’est pas vraique c’est aussi facile aujourd’hui que cel’était avant. Les communautés sontplus grosses [juste à Chisasibi, lapopulation est passée de 2000 à5000 personnes dans les 30 der-nières années], les gens manquent detemps et l’accessibilité aux territoires dechasse et de pêche est de plus en pluscoûteuse. Les changements climatiquesont également un impact majeur. »

«C’est un problème excessivement com-plexe, soupire-t-il en se passant lamain sur le front. L’insécurité alimen-taire dans le Nord est liée à des change-ments de valeurs et de comportementsinfluencés par l’histoire, le confinement,les combats, les stratégies d’assimila-tion, les trajectoires économiques et, évi-demment, tout ça dans un climatextrême. Alors pour ce qui est de lasolution, je ne sais pas si on pourra fairesimple ! »

Entre inefficacité etméconnaissanceEn novembre 2014, le vérificateurgénéral du Canada (VG) remettait enquestion l’efficacité du programmeNutrition Nord Canada (NNC). Cedernier, avec son budget annuel de

60 millions, a pourbut d’améliorer l’ac-cès « aux alimentssains dans les collec-tivités nordiques iso-lées et de rendre cesaliments plus abor-dables ».

Mis en place en2011, NNC rem-

place Aliments-poste qui, depuis lesannées 60, permettait aux particu-liers de se faire livrer des denrées duSud, aux prix du Sud, par un servicepostal. Alors que l’ancien pro-gramme reposait sur les individus,la nouvelle mouture est davantageaxée sur le marché. L’argent est ainsi« versé aux détaillants et aux fournis-seurs », qui doivent ensuite ajusterleurs prix en conséquence. Or, selonl’audit du VG, la valeur des produitssur les tablettes n’est pas toujoursmodulée en fonction des montantsperçus par les entreprises de distri-bution.

Une autre critique ciblait l’admissi-bilité des collectivités, cette dernièren’ayant pas été déterminée en fonc-tion des besoins. Par exemple, denombreuses communautés auxprises avec de graves problèmesd’insécurité alimentaire ne peuventpas se prévaloir du programme enraison de leur accès routier.

À la suite de la publication dece rapport, le ministère des Affairesautochtones et du Développementdu Nord, qui chapeaute le pro-gramme, a procédé à certainschangements basés sur les recom-

mandations du VG. Notons, entreautres, « l’évaluation de la marge deprofits des détaillants» qui devraitpermettre un meilleur encadrementdes prix.

«On ne voit pas l’impact de ces pro-grammes sur le terrain, déplore MalekBatal, de l’Université de Montréal.Les chiffres nous montrent qu’il y a unproblème d’envergure. Et oui, à la base,c’est un problème économique, maisc’est beaucoup plus compliqué que ça.»« Il y a surtout un problème de trans-mission de l’information, lance le res-ponsable de la recherche du CISA,Chakda Yorn. Dans les communautés,les gens ne connaissent pas vraiment,voire pas du tout, les programmesdisponibles.» Pire encore, selon lui, cesont surtout des « gens du Sud quiviennent travailler dans le Nord » quis’en prévalent.

Pour les deux chercheurs, les chosessont toutefois claires : pour qu’unvéritable changement s’opère, lesdifférents paliers gouvernementauxdevront absolument travailler avecles populations locales. «Car, à labase même de la sécurité alimentaire, ily a un problème de gouvernance», sou-ligne M. Batal. « Il faut arrêterd’essayer d’importer les solutions duSud dans le Nord, insiste Diane Cro-teau, du projet de serre de Chisasibi.Tant que ça va être “un projet deBlanc”, ça ne fonctionnera pas. Il fautque les solutions viennent d’eux, soientpensées par eux, pour eux. »

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Des jardins au boutdu mondeLorsqu’il ferme les yeux, RobbieMatthew voit encore la couleur de laterre sur l’île de Fort George, à l’em-bouchure de la Grande Rivière. « Laterre était parfaite là-bas », laisse-t-iltomber dans un souffle. Enfant, ilfaisait lui-même pousser quelquesespèces de légumes avec sa famille.Des pommes de terre, des carottes,quelques laitues… « Il y avait mêmede petites serres pour faire pousser destomates», raconte le vieil hommeavec un sourire.

Les archives sont avares de rensei-gnements sur les premières tenta-tives d’agriculture dans ces régionséloignées, mais les souvenirs desaînés ne mentent pas. À Chisasibi,bien avant le transfert de la popula-tion crie sur la terre ferme dans lesannées 80, les missions religieusesanglicane et catholique avaient déjàplanté de quoi subvenir à leursbesoins. Et quelques personnes de laplace leur ont rapidement emboîté lepas. « Nous avions notre propre jardin,insiste Robbie. Les Blancs le faisaient,alors pourquoi pas nous ? »

Bien qu’ils soient d’abord chasseurset cueilleurs dans l’âme en raisonde leur mode de vie traditionnelnomade, de plus en plus de Cris etd’Inuits voient en l’agriculture une

option intéressantepour combattre lesproblèmes d’insécu-rité alimentaire. « Desfois, certains rient unpeu de nous en disant

qu’on ne fera pas d’eux des cultivateurs,concède Chakda Yorn, du Centred’innovation sociale en agriculture(CISA), avec un sourire en coin. Maisl’idée fait tranquillement son chemin. »

À long terme, ces projets pourraientfaciliter l’accessibilité aux produitsfrais, et ce malgré l’isolement descommunautés. Car la distance àparcourir et les heures de transportnécessaires pour acheminer les ali-ments à bon port ont un impactimportant sur leur qualité. « Avecchaque kilomètre supplémentaire, lafraîcheur en prend un coup, déploreEllen Avard, doctorante à l’UniversitéLaval dont les recherches sont axéessur le développement de l’agricultureà Kuujjuaq. L’hiver, les fruits et légumesgèlent parfois directement dans lescaisses de transport sur la piste d’atter-rissage. »

Laitues flétries et pommes gâtéesfont donc partie du quotidien deshabitants du Nord. Un petit tour surle site de « Feeding my Family », ungroupe qui tend à faire connaître lesdifficultés alimentaires des commu-nautés nordiques, suffit pour consta-ter l’ampleur du problème. Fruitspourris, viande avariée et produitshors de prix sont quelques exemplesdes photos qui sont fréquemmentpartagées sur la plateforme.

Nourrir la terreAlors qu’au Sud on peine à conce-voir qu’un plant puisse percer lecouvert gelé au nord du 52e paral-lèle, ce ne sont pas tant les condi-tions météorologiques qui posentproblème aux agriculteurs nor-diques. « Les gens s’imaginent que leNord n’est qu’une vaste étendue deneige, lance en riant Marc-AndréLamontagne, membre du comité degestion du projet serricole de Kuuj-juaq. La réalité sur place est toutautre. » En effet, bien qu’en hiver lemercure frôle souvent les -40 °C, lestempératures estivales peuvent grim-per au-delà de 30 °C. « Il est évidentque certaines espèces qui nécessitentplus de chaleur, comme la tomate ou lepoivron, n’apprécient pas les nuits plusfraîches [alors que la températurepeut parfois descendre sous le pointde congélation], explique l’horticul-teur de formation. Mais dans l’ensem-ble, plusieurs légumes survivent trèsbien à ces écarts de température. »

Le problème réside plutôt sous leurspieds, une grande quantité de sableayant été étendue afin de faciliter laconstruction des habitations, ce quia rendu le sol aride. D’où l’intérêt duprojet de compost qui a vu le jour àKuujjuaq il y a quelques années et del’initiative similaire qui débutera àChisasibi cet été.

Une serre communautaire,le fruit du hasardLa première serre de la capitale duNunavik a été érigée il y a près de20 ans. À l’époque, la municipalité

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en a la charge dans le but de « revé-gétaliser» les terrains avoisinants.«Le projet a duré quelques annéesavant d’être abandonné, raconte Marc-André Lamontagne. La Ville a doncremis les clés de la serre aux citoyens. »Bien que de manière un peu désor-ganisée, ils sont nombreux à s’êtrealors approprié les lots cultivables.

«Le modèle s’est implanté tout seul,soutient celui qui vit dans la régiondepuis 2008. C’est avec mon regard denouvel arrivant que je me suis renducompte qu’on avait affaire à un jardincommunautaire.» L’arrivée d’EllenAvard a donné au projet le petit coupde pouce qui lui manquait pour biens’enraciner dans la communauté.Depuis, l’engouement est tel qu’uneseconde serre est venue rejoindre lapremière. Et à l’aube de la nouvellesaison jardinière, les 46 lopins dis-ponibles sont déjà attribués.

« L’idée n’est pas juste de répondre auxbesoins alimentaires, mais aussi decréer un modèle qui pourrait s’adresseraux défis sociaux, économiques et envi-ronnementaux, explique la docto-rante. Qui sait, peut-être qu’à longterme nous verrons pousser des serresun peu partout dans le Nord. »

Laisser mûrir l’idéeChez les Cris, les choses seront sansdoute un peu différentes. Depuisdéjà plusieurs années, un projet deserre germe dans la tête de certainsmembres influents de la commu-nauté. « Nous en sommes à l’étude defaisabilité, explique Eric House, l’un

des Cris à l’origine du projet. Noustestons l’eau et le sol. Nous évaluons lescoûts. » Plus qu’une serre, l’hommerêve de créer un modèle de produc-tion. « Nous aimerions que ce soit unexemple énergétique tout en nous assu-rant que ça répond bien aux besoins dela collectivité », ajoute Diane Croteau,la chargée de projet embauchée pourmener à terme les premières étapesde conception. La jeune femme quivit à Chisasibi depuis environ un anprécise cependant que, contraire-ment à celle de Kuujjuaq, la serre quiprendra racine sur les berges de laGrande Rivière tiendra davantage dujardin collectif que du jardin com-munautaire. « La volonté individuellen’est pas là. L’idée est donc de produirecollectivement — sur une base volon-taire — pour le plus grand nombre pos-sible. »

C’est d’ailleurs un comité citoyen,qui devrait être créé dans les pro-chains mois, qui prendra le relais del’équipe en place actuellement. Sitout se passe bien, cette premièreserre devrait voir le jour à l’été 2016.

Révéler les possiblesBien que plus populaires, les serresnordiques n’ont toutefois pas laprétention de vaincre l’insécurité ali-mentaire. « En volume, c’est négligea-ble, soutient Chakda Yorn, quiapporte son soutien aux gens deChisasibi. Ce ne sont pas quelquesserres en tunnel, quelques légumesplantés ici et là, qui vont régler ce pro-blème. Par contre, ces initiatives nousprouvent que parfois, même ce qu’oncroyait difficilement faisable en raisonde toutes ces conditions extrêmes quel’on connaît, est possible. Ces serres sontdes catalyseurs d’espoir. »

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43Des plumes s’expriment sur le développement durable

également des Annexes I & II de laCCNUCC avec la liste des États par-ties qui devraient prendre des enga-gements chiffrés à réduire leursémissions. Les autres pays comme laChine et l’Inde, grands émetteurs deGES, n’avaient pas d’engagementschiffrés à respecter pendant la pre-mière période de 2008-2012, maisétaient associés au processus par desmécanismes incitatifs.

Comme nombreux le savent en effet,la première période d’engagementsau Protocole de Kyoto a été unéchec. Les États concernés n’ontpas tenu leurs engagements. Unedeuxième période d’engagementsallant de 2013 à 2020 a été décidéeà la conférence de Doha en décem-bre 2012. Cette fois-là, l’objectif fixéétait de 18 % de réduction des émis-sions globales de GES des paysindustrialisés, par rapport à leurs ni-veaux de 1990. Avec le désengage-ment de grands émetteurs tels que laRussie, le Canada, le Japon, la Nou-velle-Zélande et surtout les États-Unis qui ne l’ont jamais ratifié, ladeuxième période d’engagements duProtocole de Kyoto qui expire en

2020 est vouée certainement à unéchec.

Problème : principe desresponsabilités communesmais différenciéesLe cycle d’intenses négociations surles changements climatiques qui acommencé à Copenhague en 2009 ets’est poursuivi à Cancun en 2010, àDurban en 2011, à Doha en 2012, àVarsovie en 2013, à Lima en 2014 età la fin de cette année à Paris, a unobjectif ultime de s’accorder sur uninstrument juridique universelle-ment contraignant, en vertu duqueltous les États s’engageraient à réduireleurs émissions de GES, afin de sta-biliser la concentration des GES dansl’atmosphère.

Durant toutes ces années de négo-ciations, l’enjeu majeur qui entreautres bloquait tout accord durableétait et demeure le partage du far-deau de la réduction des émissionsglobales des GES entre les paysindustrialisés et les pays en dévelop-pement, en vertu du Principe desresponsabilités communes mais dif-férenciées.

CONFÉRENCE SUR LECLIMAT - PARIS 2015 :UN ACCORD EST-ILPOSSIBLE ?

Publié le 26 avril 2015Par Isidore Kwandja Ngembo(Huffington Post – Canada Québec)Courriel : [email protected]

De la Conférence de Stockholm (1972) à celle de Rio de Janeiro(1992), vingt ans de négociations internationales sur l’environnementse sont écoulés pour aboutir à un compromis au forceps d’uneConvention-Cadre des Nations Unies sur les changements clima-tiques (CCNUCC) ratifiée à ce jour par 195 États parties.

Comme on peut bien se l’imaginer,cette Convention dont l’objectifultime était de réduire les émissionsde gaz à effet de serre (GES) d’originehumaine, n’a pas aidé à stabiliser laconcentration des GES dans l’atmo-sphère. Entre autres parce qu’ellen’avait pas spécifiquement chiffré lesengagements que chaque État devaitrespecter pour lutter efficacementcontre le réchauffement climatique.

La CCNUCC s’est limitée à recom-mander aux États parties de faireleur propre inventaire des émissionsde GES et de prendre des mesurespour les réduire. Les États partiesétaient néanmoins conscients queleur engagement volontaire ne suffi-rait pas à réduire drastiquementles émissions de GES, source duréchauffement climatique. C’est ainsiqu’ils vont négocier et adopter leProtocole de Kyoto en 1997, com-portant des mesures spécifiques deréduction des émissions de GES despays industrialisés, pour la périodepostérieure à l’an 2000, en raison deleurs responsabilités historiques.

Le Protocole de Kyoto, ratifié à cejour par 192 États parties, exigeait depays industrialisés qu’ils réduisentleurs émissions de GES de 6 % à8 % par rapport à 1990 sur la pé-riode de 2008 à 2012. Il comportait

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44 OBJECTIF 2030

Principe 7 de la Déclaration de Riosur l’environnement et le dévelop-pement:« Les États doivent coopérer dans unesprit de partenariat mondial en vuede conserver, de protéger et de rétablirla santé et l’intégrité de l’écosystèmeterrestre. Étant donné la diversité desrôles joués dans la dégradation de l’en-vironnement mondial, les États ont desresponsabilités communes mais diffé-renciées. Les pays développés admettentla responsabilité qui leur incombe dansl’effort international en faveur du déve-loppement durable, compte tenu despressions que leurs sociétés exercent surl’environnement mondial et des tech-niques et des ressources financières dontils disposent. »

Pour les besoins de justice sociale,d’équité et de bon sens, il eût falluque les pays industrialisés et riches,qui sont en grande partie responsa-bles de l’accumulation de GES dansl’atmosphère, contribuent propor-tionnellement aux dommages qu’ilsont causés à l’environnement. Maisaussi, qu’ils tiennent à leurs engage-

ments d’apporter, non pas despromesses, mais des ressourcesfinancières disponibles et les techno-logiques nécessaires pour aider lespays en développement et particu-lièrement les petits États insulairesqui subissent déjà les conséquencesirréversibles du réchauffement cli-matique.

Mais il faut vraiment être naïf pourpenser un seul instant que les Étatsprivilégient la justice sociale, l’équitéou le bon sens dans les négociationsinternationales. En effet, certainsgrands émetteurs de GES notam-ment les États-Unis et bien d’autres,quoiqu’ils soient conscients du rôlejoué par les pays industrialisés et dela nécessité de prendre des mesurespour protéger l’environnement,n’acceptent cependant pas touteinterprétation du principe 7 quiimpliquerait la reconnaissance etl’obligation de leur part ou toutediminution de la responsabilité despays en développement en vertu dudroit international.

Solution :redéfinition du principe desresponsabilités communesmais différenciéesÀ mon humble avis, un accorddurable passera par la redéfinitiondu Principe des responsabilités com-munes mais différenciées adopté en1992 à la conférence de Rio et qui aété coulé dans la CCNUCC et dansle Protocole de Kyoto, deux instru-ments juridiques importants dudroit international de l’environne-ment.

La redéfinition du Principe 7 et sonacceptation par tous seraient béné-fiques aussi bien pour les paysindustrialisés que pour les pays endéveloppement. En ce sens que celadevrait permettre de redéfinir lesengagements des États, en raison deleurs responsabilités historiques etactuelles dans la détérioration del’environnement.

En effet, s’il y a au moins une certi-tude à laquelle un bon nombre croit,c’est que la planète se réchauffe etrequiert absolument une interven-tion des États pour stabiliser les GESdans l’atmosphère. Malheureuse-ment pour des raisons "écono-miques", les États continuent de serejeter les responsabilités et detraîner les pieds sur des mesuresurgentes à prendre pour réduire lesémissions de GES, sources duréchauffement climatique.

Les pays industrialisés, à qui il estdemandé d’assumer leurs responsa-bilités historiques à la détériorationde l’environnement, sont moins vul-nérables au réchauffement clima-tique, étant donné qu’ils disposent,du moins pour l’instant, des moyensfinanciers et technologiques néces-saires d’adaptation et d’atténuationaux effets climatiques - alors que lespays pauvres sont plus vulnérableset n’ont pas assez de moyens d’adap-tation et d’atténuation. Ils sontsouvent frappés de plein fouet par lafréquence de phénomènes météoro-logiques extrêmes, avec leur lotde problèmes : sécheresses, inon-dations, éruptions volcaniques,

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45Des plumes s’expriment sur le développement durable

manque d’eau potable, insécurité ali-mentaire, maladies diarrhéiques, etc.La situation est encore beaucoupplus difficile pour les petits Étatsinsulaires en développement quirisquent sérieusement pour leursécurité et leurs modes de vie tradi-tionnels avec l’augmentation de l’aci-dité des océans et l’élévation duniveau des mers, entraînant des dé-gâts énormes d’infrastructures et dedéplacements massifs de populationspar manque de terres habitables.

Tout ceci pour dire que le respectde l’environnement devrait être undevoir moral pour toute personneet une exigence fondamentalepour les États afin de prévenir lesconséquences catastrophiques, enagissant maintenant avant qu’il nesoit trop tard.

Comme disait Jean-Baptiste deLamarck en 1820 : « l’homme, par sonégoïsme trop peu clairvoyant pour sespropres intérêts, par son désir insatia-ble de jouir de tout ce qui est à sa dis-position, par son insouciance pourl’avenir et pour ses semblables, sembletravailler à l’anéantissement et à ladestruction de sa propre espèce. »

Nous avons tous la responsabilitémorale de laisser aux générationsfutures un environnement vivable.Espérons donc que la COP21 vafinalement déboucher sur un accordcontraignant et opposable à tous.

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PUBLICATION DES RÉSULTATSNew York, le 28 septembre 2015

La Secrétaire générale de la Francophonie annonce les résultats du concours dejournalisme sur le développement durable

A l’occasion de l’évènement francophone de haut niveau sur le développement durable, la Secrétaire générale de laFrancophonie, Son Excellence Madame Michaëlle Jean, a annoncé, le 28 septembre 2015, les résultats du concoursde journalisme sur le développement durable, « Objectif 2030 », qui avait pour but de valoriser les meilleures ana-lyses journalistiques rédigées en langue française sur les enjeux des Objectifs de Développement Durable (ODD).

Au regard de l’importance des acteurs de l’information et de la communication pour favoriser l’appropriation desenjeux du développement durable, l’OIF, à travers sa Représentation permanente auprès des Nations unies à New Yorket son Institut de la Francophonie pour le développement durable, a lancé un concours de journalisme sur le déve-loppement durable, intitulé « Objectif 2030 ». Une soixantaine d’articles venant de 17 pays (Algérie, Belgique, Benin,Burkina Faso, Cameroun, Canada, Congo, Côte d'Ivoire, France, Guinée, Sénégal, Togo, Haïti, Mali, Maroc, Mauri-tanie et RDC) ont été présentés.

Les 12 articles présélectionnés ont été repris dans ce magazine spécial sur le développement durable. Lesauteurs des six meilleurs articles recevront chacun un chèque de 2000 à 500 dollars. Tous les autres candidats pré-sélectionnés recevront des lots en nature (livres, matériel promotionnel...).

> Le 1er Prix est attribué à Béatrice Koumenougbo (Benin) pour son article « L’Afrique peut-elle être au rendez-vous ? »publié dans L’autre Quotidien.

> Le 2ème Prix est attribué à Magali Sennane (France) pour son article « Objectifs de développement durable : 15 anspour sauver la planète ? » publié dans Youphil.

> Le 3ème Prix est attribué à Inoussa Maïga (Burkina Faso) pour son article « Innovation paysanne, enjeu de dévelop-pement durable au Sahel » publié dans Googolfarmer.

> Le 4ème Prix est attribué à Philippe Lamotte (Belgique) pour son article « En route vers les guerres climatiques ? »publié dans VVaalleerriiaannee.

> Le 5ème Prix est attribué à Vanessa Lébéka (Congo) pour son article « Jeunesse africaine et Agriculture» publié dansBantuenia.

> Un Prix d’encouragement est attribué à Maria del Rosario Ortiz Quijano (Canada Québec) pour son article « L’après-2015 : casse-cou ou cycle vertueux ? » publié dans Le Devoir.

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47Des plumes s’expriment sur le développement durable

L’ Institut de l’Énergie des Pays ayant en commun l’usage du Français (IEPF) est né en 1988 peu après le 2eSommet de laFrancophonie, tenu à Québec en 1987. Sa création faisait suite aux crises énergétiques mondiales et à la volonté deschefs d’État et de gouvernement des pays francophones de conduire une action concertée visant le développement dusecteur de l’énergie dans les pays membres. En 1996, l’Institut inscrit les résolutions du Sommet de la Terre de Rio-1992comme fil directeur de son action et devient l’Institut de l’énergie et de l’environnement de la Francophonie. Et en 2013, àla suite de la Conférence de Rio+20, il prend la dénomination Institut de la Francophonie pour le développementdurable (IFDD). L’Institut est un organe subsidiaire de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et sonsiège est à Québec.

Sa mission est de contribuer :• à la formation et au renforcement des capacités des différentes catégories d’acteurs de développement des pays de

l’espace francophone dans les secteurs de l’énergie et de l’environnement pour le développement durable ;• à l’accompagnement des acteurs de développement dans des initiatives relatives à l’élaboration et à la mise en œuvre

des programmes de développement durable ;• à la promotion de l’approche développement durable dans l’espace francophone ;• au développement de partenariats dans les différents secteurs de développement économique et social, notamment

l’environnement et l’énergie, pour le développement durable.

L’action de l’IFDD s’inscrit dans le Cadre stratégique de la Francophonie, au sein de la mission D « Développement durable, économie et solidarité » et de l’Objectif stratégique 7 « Contribuer à l’élaboration et à la mise en œuvre du Programme de développement pour l’après-2015 et des Objectifs du développement durable ».L’Institut est notamment chef de file des 2 programmes suivants de la programmation 2015-2018 de l’OIF, mis en œuvreen partenariat avec d’autres unités de l’OIF :

• Accroître les capacités des pays ciblés à élaborer et à mettre en œuvre des stratégies régionales, nationales et localesde développement durable, inclusives, participatives et axées sur les résultats;

• Renforcer les capacités des acteurs francophones en vue d’une participation active aux négociations et aux décisionsinternationales sur l’économie, l’environnement et le développement durable, ainsi qu’à leur mise en œuvre.

www.ifdd.francophonie.org

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48 OBJECTIF 2030

L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) est une institution fondée sur le partage d’une langue, le français,et de valeurs communes. Elle rassemble à ce jour 80 États et gouvernements dont 57 membres et 23 observateurs. LeRapport 2014 sur la langue française dans le monde établit à 274 millions le nombre de locuteurs du français.

Présente sur les cinq continents, l’OIF mène des actions politiques et de coopération dans les domaines prioritaires sui-vants : la langue française et la diversité culturelle et linguistique ; la paix, la démocratie et les droits de l’Homme ; l’édu-cation et la formation ; le développement durable et la solidarité. Dans l’ensemble de ses actions, l’OIF accorde uneattention particulière aux jeunes et aux femmes ainsi qu’à l’accès aux technologies de l’information et de la communi-cation.

La Secrétaire générale conduit l’action politique de la Francophonie, dont elle est la porte-parole et la représentante of-ficielle au niveau international. Madame Michaëlle Jean est la Secrétaire générale de la Francophonie depuis janvier2015.

57 États et gouvernements membresAlbanie • Principauté d’Andorre • Arménie • Royaume de Belgique • Bénin • Bulgarie • Burkina Faso • Burundi • CaboVerde • Cambodge • Cameroun • Canada • Canada-Nouveau-Brunswick • Canada-Québec • République centrafricaine• Chypre • Comores • Congo • République démocratique du Congo • Côte d’Ivoire • Djibouti • Dominique • Égypte• Ex-République yougoslave de Macédoine • France • Gabon • Ghana • Grèce • Guinée • Guinée-Bissau • Guinéeéquatoriale • Haïti • Laos • Liban • Luxembourg • Madagascar • Mali • Maroc • Maurice • Mauritanie • Moldavie •Principauté de Monaco • Niger • Qatar • Roumanie • Rwanda • Sainte-Lucie • Sao Tomé-et-Principe • Sénégal • Sey-chelles • Suisse • Tchad • Togo • Tunisie • Vanuatu • Vietnam • Fédération Wallonie-Bruxelles

23 observateursAutriche • Bosnie-Herzégovine • Costa Rica • Croatie • République dominicaine • Émirats arabes unis • Estonie • Géor-gie • Hongrie • Kosovo • Lettonie • Lituanie • Mexique • Monténégro • Mozambique • Pologne • Serbie • Slovaquie• Slovénie • République tchèque • Thaïlande • Ukraine • Uruguay

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