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gestion | délocalisation 24 OptionBio | Lundi 10 novembre 2008 | n° 408 S elon la norme ISO 22870:2006, la biologie délocalisée englobe des « analyses réali- sées à proximité du patient ou de l’endroit où il se trouve, dont le résultat peut entraîner une éventuelle modification des soins prodigués au patient. » L’évolution de la biologie délocalisée est lente : il y a encore monopole de la biologie et pré- sence de laboratoires sur tout le territoire français. Il n’y a toujours pas de facturation possible de ces actes délocalisés, cette pratique ne fait toujours pas partie de la “culture” des praticiens français. Pourtant les regroupements de laboratoires, asso- ciés aux évolutions techniques et aux exigences politiques, font que la biologie délocalisée doit évoluer, par la force des choses. Exemple de mise en place Il ne s’agit pas d’établir des listes d’analyses mais des recommandations ouvertes, des séries de principe (accessibles sur le site www.sante.gouv. fr depuis novembre 2006). La biologie délocalisée implique que les patients sont en établissement de santé (donc les maisons de retraite n’y sont pas incluses), la qualité de l’analyse doit être équiva- lente à celle réalisée au sein du laboratoire et il est nécessaire de pouvoir justifier de l’urgence (et non du confort). Ces différentes recommandations portent sur la décision de mise en place, les responsabilités, les acteurs, les validations analytique et biologique et l’installation. Elles s’expriment, à titre d’exemple, dans le retour d’expérience de M. Vaubourdolle, lors de la mise en place de réalisation des gaz du sang par biologie délocalisée à l’hôpital Saint Antoine de Paris. Avant implantation (phase 1) Les recommandations La décision doit émaner d’un comité de biologie délocalisée où sont présents biologiste, clinicien et représentant de l’administration de l’établis- sement. Il doit y avoir rédaction d’un protocole, convention entre biologiste et cliniciens qui répartit les charges et les responsabilités. Enfin, l’installation est à l’initiative du biologiste qui doit donc s’assurer du choix des appareils et tubes de prélèvement, des locaux, de l’archivage des données, du respect de la confidentialité, de la facturation. Le retour d’expérience À l’hôpital Saint-Antoine, la mise en place d’une biologie délocalisée était médicalement justifiée en raison d’exigence de délais courts (inférieur à 30 minutes) pour urgence vitale, des besoins organisationnels, des contraintes géographiques et fonctionnelles (pas de personnel pour le trans- port) ; par ailleurs, une biologie délocalisée était déjà en place mais de façon “sauvage”. Le consensus local a été formalisé par un pro- tocole impliquant les cliniciens demandeurs, le biologiste, l’ingénieur biomédical et la direction de l’établissement de soins, précisant les charges et responsabilités de chacun. Ainsi, le biologiste prend en charge l’investisse- ment, le fonctionnement et la maintenance ; les contrôles qualité (qu’il peut déléguer aux infir- miers) ; la validation biologique ; l’intégration au système informatique hospitalier, et enfin l’activité via la nomenclature des actes de biologie médi- cale. Si le patient vient en consultation externe, l’analyse n’est pas facturée. Le clinicien s’engage à respecter les procédures : c’est le biologiste qui impose la manière de tra- vailler. Il fournit également la liste des personnes habilitées à réaliser les analyses. Procédures (phase 2) Les recommandations Il s’agit d’un partenariat formalisé par l’écriture de procédures tant pour le prélèvement que pour l’analyse (norme ISO 22870). La prescription médicale est obligatoire. La validation analytique doit faire l’objet d’une procédure engageant le laboratoire et le service ; elle englobe les contrô- les, la maintenance, la gestion des incidents et pannes. Elle est réalisée par le personnel du labo- ratoire ou bien elle est déléguée. La validation biologique doit être faite par un bio- logiste, même a posteriori. Il doit y avoir enga- gement contractuel entre clinicien et biologiste ; le clinicien engage sa propre responsabilité s’il utilise les résultats non encore validés biologi- quement. Il est nécessaire d’attirer l’attention sur les tests unitaires pour lesquels il n’existe pas de contrôle régulier, ni de liaison avec le laboratoire via le logiciel. Le retour d’expérience Il est mis en place une identification du patient et des opérateurs, notamment par un code-barres (chaque opérateur est identifié sous forme de code-barres). Formation et habilitation des per- sonnes sont intégrées dans le cahier des charges du fournisseur. Le processus de validation comprend deux par- ties, selon que l’action se situe dans ou hors du laboratoire. Dans le service, le clinicien prescrit, l’infirmière prélève, identifie, réalise l’analyse et transmet le résultat. Dans le laboratoire, le tech- nicien sur la station analytique, fait la validation technique et contrôle l’appareil, le biologiste valide biologiquement sur le système informatique du laboratoire et renvoie les résultats, via le serveur, au médecin prescripteur. L’intérêt ici est notam- ment d’intégrer l’antériorité et donc d’améliorer l’interprétation, surtout si le patient a changé de service. Les suivis (phase 3) Les recommandations Formation, évaluation et contrôle des connaissan- ces sont sous la responsabilité du biologiste, ainsi que le système qualité. Le retour d’expérience Le suivi des formations donnant habilitation impose une communication efficace avec l’unité de soins, afin de connaître les mouvements de personnel. Le suivi des activités, notamment le fait de savoir si les prescriptions sont justifiées et si elles le Mise en place de la biologie délocalisée La biologie délocalisée ne fait à l’heure actuelle pas partie de la “culture” des praticiens français. Pourtant, à la lueur de l’expérience de l’hôpital Sain-Antoine de Paris, la proximité biologiste/praticien peut s’avérer indispensable au chevet du patient. Seul un protocole stipulant les responsabilités de chaque acteur est nécessaire. Avec la réforme profilée de la biologie, cette pratique pourrait tendre à se généraliser si elle est légalement encadrée.

Mise en place de la biologie délocalisée

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24 OptionBio | Lundi 10 novembre 2008 | n° 408

Selon la norme ISO 22870:2006, la biologie délocalisée englobe des « analyses réali-sées à proximité du patient ou de l’endroit

où il se trouve, dont le résultat peut entraîner une éventuelle modification des soins prodigués au patient. » L’évolution de la biologie délocalisée est lente : il y a encore monopole de la biologie et pré-sence de laboratoires sur tout le territoire français. Il n’y a toujours pas de facturation possible de ces actes délocalisés, cette pratique ne fait toujours pas partie de la “culture” des praticiens français. Pourtant les regroupements de laboratoires, asso-ciés aux évolutions techniques et aux exigences politiques, font que la biologie délocalisée doit évoluer, par la force des choses.

Exemple de mise en placeIl ne s’agit pas d’établir des listes d’analyses mais des recommandations ouvertes, des séries de principe (accessibles sur le site www.sante.gouv.fr depuis novembre 2006). La biologie délocalisée implique que les patients sont en établissement de santé (donc les maisons de retraite n’y sont pas incluses), la qualité de l’analyse doit être équiva-lente à celle réalisée au sein du laboratoire et il est nécessaire de pouvoir justifier de l’urgence (et non du confort).Ces différentes recommandations portent sur la décision de mise en place, les responsabilités, les acteurs, les validations analytique et biologique et l’installation. Elles s’expriment, à titre d’exemple, dans le retour d’expérience de M. Vaubourdolle, lors de la mise en place de réalisation des gaz du sang par biologie délocalisée à l’hôpital Saint Antoine de Paris.

Avant implantation (phase 1)Les recommandationsLa décision doit émaner d’un comité de biologie délocalisée où sont présents biologiste, clinicien et représentant de l’administration de l’établis-sement. Il doit y avoir rédaction d’un protocole, convention entre biologiste et cliniciens qui répartit les charges et les responsabilités. Enfin,

l’installation est à l’initiative du biologiste qui doit donc s’assurer du choix des appareils et tubes de prélèvement, des locaux, de l’archivage des données, du respect de la confidentialité, de la facturation.

Le retour d’expérienceÀ l’hôpital Saint-Antoine, la mise en place d’une biologie délocalisée était médicalement justifiée en raison d’exigence de délais courts (inférieur à 30 minutes) pour urgence vitale, des besoins organisationnels, des contraintes géographiques et fonctionnelles (pas de personnel pour le trans-port) ; par ailleurs, une biologie délocalisée était déjà en place mais de façon “sauvage”.Le consensus local a été formalisé par un pro-tocole impliquant les cliniciens demandeurs, le biologiste, l’ingénieur biomédical et la direction de l’établissement de soins, précisant les charges et responsabilités de chacun.Ainsi, le biologiste prend en charge l’investisse-ment, le fonctionnement et la maintenance ; les contrôles qualité (qu’il peut déléguer aux infir-miers) ; la validation biologique ; l’intégration au système informatique hospitalier, et enfin l’activité via la nomenclature des actes de biologie médi-cale. Si le patient vient en consultation externe, l’analyse n’est pas facturée.Le clinicien s’engage à respecter les procédures : c’est le biologiste qui impose la manière de tra-vailler. Il fournit également la liste des personnes habilitées à réaliser les analyses.

Procédures (phase 2)Les recommandationsIl s’agit d’un partenariat formalisé par l’écriture de procédures tant pour le prélèvement que pour l’analyse (norme ISO 22870). La prescription médicale est obligatoire. La validation analytique doit faire l’objet d’une procédure engageant le laboratoire et le service ; elle englobe les contrô-les, la maintenance, la gestion des incidents et pannes. Elle est réalisée par le personnel du labo-ratoire ou bien elle est déléguée.

La validation biologique doit être faite par un bio-logiste, même a posteriori. Il doit y avoir enga-gement contractuel entre clinicien et biologiste ; le clinicien engage sa propre responsabilité s’il utilise les résultats non encore validés biologi-quement. Il est nécessaire d’attirer l’attention sur les tests unitaires pour lesquels il n’existe pas de contrôle régulier, ni de liaison avec le laboratoire via le logiciel.

Le retour d’expérienceIl est mis en place une identification du patient et des opérateurs, notamment par un code-barres (chaque opérateur est identifié sous forme de code-barres). Formation et habilitation des per-sonnes sont intégrées dans le cahier des charges du fournisseur.Le processus de validation comprend deux par-ties, selon que l’action se situe dans ou hors du laboratoire. Dans le service, le clinicien prescrit, l’infirmière prélève, identifie, réalise l’analyse et transmet le résultat. Dans le laboratoire, le tech-nicien sur la station analytique, fait la validation technique et contrôle l’appareil, le biologiste valide biologiquement sur le système informatique du laboratoire et renvoie les résultats, via le serveur, au médecin prescripteur. L’intérêt ici est notam-ment d’intégrer l’antériorité et donc d’améliorer l’interprétation, surtout si le patient a changé de service.

Les suivis (phase 3)Les recommandationsFormation, évaluation et contrôle des connaissan-ces sont sous la responsabilité du biologiste, ainsi que le système qualité.

Le retour d’expérienceLe suivi des formations donnant habilitation impose une communication efficace avec l’unité de soins, afin de connaître les mouvements de personnel.Le suivi des activités, notamment le fait de savoir si les prescriptions sont justifiées et si elles le

Mise en place de la biologie délocalisée

La biologie délocalisée ne fait à l’heure actuelle pas partie de la “culture” des praticiens français. Pourtant, à la lueur de l’expérience de l’hôpital Sain-Antoine de Paris, la proximité biologiste/praticien peut s’avérer indispensable au chevet du patient. Seul un protocole stipulant les responsabilités de chaque acteur est nécessaire. Avec la réforme profilée de la biologie, cette pratique pourrait tendre à se généraliser si elle est légalement encadrée.

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restent dans le temps, impose une évaluation régulière pour y répondre.Le suivi des évaluations passe par un contrôle :– du délai de rendu de résultats (30 min en urgence et 11 min en réanimation) ;– du temps passé par le laboratoire dans le ser-vice (20 min par jour au début de l’activité, moins de 10 min par la suite) ;– des incidents, ainsi des problèmes de traçabilité sont passés de 7 % à moins de 0,5 % et la non-disponibilité est inférieure à 5 %.Les performances analytiques sont satisfaisan-tes aujourd’hui, de même que l’ergonomie de ces appareils : pas de pipetage, formation réduite... Des actions d’amélioration sont envisagées, comme l’informatisation complète, le contrôle à distance et la validation technique à distance.

Les dérogationsIl existe des analyses dérogatoires. Elles concer-nent essentiellement les glycémies sur sang capillaire, qui appartiennent aux actes infirmiers et ne sont donc pas soumises aux dispositifs des analyses de biologie médicale. Et pourtant ces gly-cémies sont très souvent à l’origine de problèmes

de réactovigilance. Les recommandations vont donc dans le sens d’un meilleur encadrement de ces analyses, notamment en matière de contrôle qualité.

Les modifications à prévoirLa biologie délocalisée pourrait bénéficier d’améliorations par certaines modifications de procédure :– compléter l’article L.6211-1 du Code de santé publique pour pouvoir exécuter des analyses en dehors du laboratoire ;– imposer un compte rendu des résultats des analyses faites en délocalisé, notamment les glycémies ;– préciser l’exercice de l’autorité des biologistes sur le personnel infirmier.Pour la Direction générale de la santé (DGS), ce travail est un rapport technique faisant partie des recommandations de bonnes pratiques et servant de base à l’appréciation de « l’observation ou au contraire le manquement aux règles de l’art » notamment en matière juridique. Toujours, selon la DGS, il faut établir un texte de loi qui précisera le cadre de la biologie délocalisée. Il s’agira d’un

décret d’application, donc opposable, sans doute intégré dans la réforme plus globale de la bio-logie. Soit il s’agit d’une équivalence du GBEA, soit il s’agit de la norme Iso EN NF 22870:2006 « Analyse de biologie délocalisée – Exigences concernant la qualité et la compétence » mais alors, il n’existerait pas de champ restreint à la pratique française.Le point de discussion le plus difficile est de pré-voir l’utilisation de la lettre clé B. C’est la Caisse nationale d’assurance maladie qui décidera et, en tout état de cause, elle demandera pour cela le coût du test. Or, aujourd’hui, chaque situation de biologie délocalisée est différente. La question de la comptabilisation du temps infirmier reste en suspens, ainsi que l’évaluation du temps d’attente aux urgences et la spoliation sanguine.De fait, il semble évident que tout le monde doit participer à ce travail de calcul. |

ROSE-MARIE LEBLANC

consultant biologiste, Bordeaux (33)

[email protected]

SourceCommunication de J. Goudable (hôpital Édouard-Herriot, Lyon, 69) et M. Vaubourdolle (hôpital Saint-Antoine, Paris, 75), lors du 25e col-loque Corata, juin 2008.