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1 Madame Bovary dans tous ses états Les élèves de la classe de seconde Picasso du groupe SaintVincent de Paul à Paris dans le 13 ème arrondissement, encadrés par A. Stauder ont écrit ensemble ces journaux intimes des personnages de Madame Bovary et réalisé la couverture du roman.

Mme bovary dans tous ses états

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Les élèves de la classe de seconde Picasso du groupe Saint-Vincent de Paul à Paris dans le 13ème arrondissement, encadrés par A. Stauder ont écrit ensemble ces journaux intimes des personnages de Madame Bovary et réalisé la couverture du roman.

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Madame Bovary

dans tous ses états

Les  élèves  de  la  classe  de  seconde  Picasso  du  groupe  Saint-­‐Vincent  de  Paul  à  Paris  dans  

le   13ème   arrondissement,   encadrés   par   A.   Stauder   ont   écrit   ensemble   ces   journaux  

intimes  des  personnages  de  Madame  Bovary  et  réalisé  la  couverture  du  roman.

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Une nouvelle vision de Madame Bovary de Gustave Flaubert axée sur

les sentiments éprouvés par les personnages. Cette œuvre retrace

l’histoire d’une manière différente du point de vue de chaque

personnage, en dévoilant dans leurs journaux intimes leurs pensées et

leurs sentiments les plus profonds.

Amour, Infidélité, Dépression et Suicide… Quel personnage vous

surprendra le plus ?

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CHARLES  

8 Septembre 1828

Étant heureux d’aller à l’école mais voulant être paysan, ce jour fut assez

nuancé pour moi. Ne parlons pas du comportement de mes camarades,

des ingrats. Ils se sont bien moqués de moi. Sous la pression d’une

vingtaine de paires de yeux, je dus prononcer mon nom. Cependant, je

fis une liaison accidentelle entre mon prénom et mon nom de famille.

Une hilarité générale éclata lorsque l’on entendit « Charebovary ». De

plus, n’étant pas habitué à leurs coutumes, je ne rangeai pas ma

casquette mais la mit sur mes genoux, elle tomba à chaque fois que j’ai

dû me lever. Voilà comment a commencé ma scolarité, moi, Charles

Bovary.

17 Juillet 1834

Aujourd’hui j’ai lamentablement échoué à mon examen pour l’obtention

du diplôme d’Officier de Santé. Pourtant j’estime avoir bien travaillé,

mais j’avais beau écouté, je n’y comprenais rien.

Février 1836

Je repassai, mon diplôme et cette fois si je réussi à l’obtenir.

J’emménageai à Tostes où je me mariai avec une veuve du nom de

Héloïse Dubuc, elle était âgée de 45 ans. Elle me faisait penser à ma

mère de par son âge et sa façon de penser.

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CHARLES  

Mars 1836

Je suis arrivé à Tostes. Je repense à mon enfance à la campagne avec

mes deux parents. Mon père voulait que je travaille dans les champs,

mais ma mère voulait exactement le contraire : elle souhaitait que j’ai

une place dans la haute société, notamment en pratiquant la médecine.

EMMA  

Lundi 1er Janvier 1837

Cher journal,

En ce triste temps maussade, où la pluie s’abat sur le rebord de la

fenêtre, je m’ennuie de la campagne et je rêve de Paris, de ses petites

ruelles tamisées par la lumière de la lune, ses soirées dansantes et ses

boutiques luxueuses. J’espère un jour m’envoler à Paris, partager ces

moments avec l’homme de ma vie. J’attends impatiemment ce jour qui

arrivera avec rapidité, je l’espère.

CHARLES  

Mercredi 11 Janvier 1837

Le jour de ma rencontre avec Emma. Je m’en souviens comme si c’était

hier. J’ai dû aller soigner le père Rouault, son père. J’ai été surpris par la

blancheur de ses ongles, ils étaient brillants, fins du bout comme des

ivoires de Dieppe et taillés en amande. Elle avait de beaux yeux marron,

avec un regard candide. Je suis immédiatement tombé amoureux d’elle.

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EMMA  

Mercredi 11 Janvier 1837

Aujourd’hui, comme à mes habitudes je m’occupais de la maison, quand

entra un homme se nommant Monsieur Bovary, semblant gentil,

charmant, mais gras. Celui-ci était un médecin venant prendre soin de

mon cher père qui s’était cassé la jambe. Il me parut fort instruit et

compétant car père me semblait guérir. Lorsque celui-ci partit j’ai eu

l’impression qu’il me trouvait belle et attirante car lors de son départ

monsieur Bovary me regarda fixement comme si son regard me

transperçait toute entière. J’espère que ma perception de l’instant passé

n’est pas uniquement une simple impression car moi je l’apprécie.

CHARLES  

Avril 1837

Ce jour-là Héloïse est décédée, je me suis senti comme libéré.

28 Septembre 1837

Je suis allé demander à Monsieur Rouault la main de sa fille, j’eu comme

l’impression qu’il s’y attendait. Cependant, je suis impatient que la

cérémonie commence.

18 Mai 1838

Le père Rouault s’est occupé de tous les préparatifs du mariage, j’étais

bien trop timide pour faire quoi que ce soit. Le mariage était de mon

point de vue réussi, je n’ai jamais été aussi heureux.

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EMMA  

Août 1838

Ce mariage est un désastre. Où sont passés mes rêves de grandeurs et

d’aventure ?

Où est passé ce mari cultivé, riche et passionné ? Quelles souffrances

j’endure au quotidien, quelle banalité ! Et ce Charles, mon Dieu ce

Charles ! Rentrant toujours à la même heure et s’attablant devant le

repas que, comme tous les soirs, je lui prépare. Il me raconte alors sa

journée, identique et ennuyante, comme chaque jour. Je n’en peux plus

de ses manières et de l’attention qu’il me porte. Je me sens comme

spectatrice de son quotidien. Je ne supporte plus cette situation invivable

si cela se répète éternellement je crois que je vais craquer.

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CHARLES  

2 Octobre 1841

Emma semblait très vague ces derniers temps. Je craignais que ce soit

dû à une forme dépression ou à un malaise. Nous décidâmes de quitter

Tostes pour aller nous installer dans une ville un peu plus éloignée du

nom de Yonville, pour qu’Emma puisse changer d’air. Sur le trajet, la

chienne d’Emma se perdit, ce qui je pense n’améliora pas son mental.

Une fois arrivés à une auberge, nous rencontrâmes monsieur Homais, le

propriétaire de cette auberge. Nous passâmes un cours instant en cet

endroit où Emma fit la connaissance d’un homme du nom de Léon. Il

paraissait fort sympathique et traitait de sujets apparemment poignant

pour Emma. Je pense que nous pouvons devenir de bons amis avec le

temps.

21 janvier 1842

Ce fut une rude journée comme il y en a eu autant d’autres depuis ce

début d’année. La vague de froid que j’attendais ne m’a pas fait venir

plus de patients, les comptes sont vides. Mais malgré cela, je garde

espoir. Monsieur Homais m’a dit qu’a la même période de l’année

dernière il n’y avait guère plus de patients, mais que dans les semaines

qui survinrent, ils furent tous atteints du même mal. De plus, j’ai une

femme qui m’aime et qui me soutient, elle m’a même remonté mon moral

lorsque je lui ai raconté qu’aujourd’hui je m’étais froissé avec un confrère

pour une histoire de diagnostic sur lequel nous avions tous deux nos

torts. J’espère que les jours qui arrivent seront meilleurs.

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LÉON  

8 mars 1842

Cher journal,

Je me rendais à mon auberge habituelle, le Lion d’Or, afin d’y retrouver

les habitués et d’y passer du bon temps, quand tout à coup je vis une

calèche noire s’avancer vers ma destination. Depuis 15 ans que je

côtoyais Yonville, je n’avais jamais vu cette voiture, ni ses chevaux dont

le pelage semblait être très bien traité.

En entrant au Lion d’Or, je devinai une tension flotter au dessus des

visages familiers, et comprit que les gens à bord de cette calèche

devaient être importants. Plus tard dans la soirée, attablé en compagnie

de Pascal et Jacques, je me sentis tout à coup fatigué, et me levai pour

rentrer. Alors que j’enfilai mon pardessus, la serveuse me prit le bras et,

dans un grand sourire, me présenta à la jeune femme qui venait

d’arriver, du nom d’Emma.

Je restai bouche bée devant son visage pâle, et ses yeux d’un vert

profond reflétaient une grande détresse. Des cernes allongeaient ses

yeux fatigués, et ses cheveux blonds tombaient sur ses épaules frêles.

Malgré la tristesse que son visage dégageait, elle était d’une beauté

incroyable. Afin de continuer à regarder son minois angélique, je lui

demandai ses goûts littéraires et ses yeux émeraude s’illuminèrent. Elle

débita de nombreux ouvrages, tous à l’eau de rose, et je l’écoutais

attentivement. Plus elle parlait, plus je l’ai trouvée belle. Ses goûts

étaient intéressants, mais son visage l’était encore plus.

Je baissai le regard et vit qu’elle avait posé délicatement ses mains

blanches sur son ventre légèrement gonflé, et un éclair de souffrance me

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fit défaillir : elle était mariée, et enceinte. Au même instant, un homme

dont les cheveux gras et blonds coupés au bol luisaient sur son visage

boursouflé arriva et posa une main protectrice sur son épaule. Son mari.

Que vais-je faire, cher journal? Je sens de l’amour quand je la vois, et de

la haine quand il apparaît, suis-je normal?

RODOLPHE  

12 Août 1842, 20h00  

Lors d'une saignée chez un fermier avec mon ami Charles si on peut

appeler cette chose comme cela; une chose m'a intrigué : sa femme.

Elle m'a paru fatiguée de son chère époux qui comment dire, était laid ?

Il ne fait que trottiner à ses malades tandis qu'elle reste à repriser ses

chaussettes. Pauvre petite femme! Il faut qu'elle revive.  

EMMA  

Août 1842

A la fête, j’ai rencontré un homme aux allures nobles et hautaines. Il m’a

accosté et ne m’a plus quitté.il me submergeait de compliments et

d’histoires. Il me trouve belle, gentille, attirante et veut me faire la cour,

mais j’ai du mal à le laisser faire car je n’arrive pas à m’enlever de la tête

Léon qui est malheureusement parti.

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Pourtant cet homme nommé Rodolphe est parfait, c’est l’homme dont

j’ai toujours rêvé, le prince charmant de mes livres au couvant, gentil,

serviable, galant, beau et vaillant comme un chevalier. Je ne peux

pourtant toujours vivre mes histoires d’amour librement car il y a et je ne

veux pas qu’il les découvre.

RODOLPHE  

Août 1842

Aujourd’hui, tout le monde a été invité à la fête des comices. D’ailleurs,

c’est à ce moment que j’en ai profité pour séduire la potiche de Mme

Bovary, qui ne le sera plus dans quelques temps, ah ah ah ! Je me suis

arrangé pour être seul avec elle, je l’ai accompagnée dans les rues et

nous avons assisté à certains évènements. Je la charmerais à longs

discours auxquels elle ne répondra pas. Je l’aurais bientôt, je le sens.

CHARLES  

Septembre 1842

Aujourd’hui, je fis la connaissance de Rodolphe. Un homme âgé de 34

ans. Il parait cependant brutal, mais semble intelligent et perspicace. On

m’eut même dit qu’il fréquenta beaucoup de femmes et qu’il s’y

connaissait plutôt bien.

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RODOLPHE  

15 Septembre 1842,15h00  

Après les comices, je devais un peu m'éloigner d'elle. Tu me connais

mon journal: c'est ma stratégie de séduction pour lui faire augmenter ses

sentiments, ainsi lui ai donné envie de me revoir même si elle ne

m'intéresse pas plus qu'un bœuf.

2 Octobre 1842, 23h00  

J'ai rendu visite à Emma pour lui avouer mes sentiments... enfin pour lui

jouer une " scène sentimentale". Quand Charles fut de retour, je lui

conseillais de me laisser Emma pour une journée de promenade à

cheval à fin d'améliorer sa santé. Bien sûr cette balade satisfait à mon

plaisir puis après hop! À la poubelle!

5 Octobre 1842, 23h00  

Ça y est, elle a mordu à l'hameçon. J'ai réussi à faire d'elle ma

maîtresse, cela n'a pas été difficile, ah ah ah ! D’un côté, elle n'attendait

que cela! Quelques mots choisis et hop dans ma poche. Elle s'est

abandonnée à moi dans la forêt. Chut!

8 Janvier 1843, 20h00  

Cela fait un peu de temps que je, n'ai pas écrit mais je vais t'expliquer

pourquoi : elle me fatigue! Je m'en lasse! Je le vois, elle est heureuse et

totalement éprise oui, oui, mais elle ne m'intéresse plus. Elle m'offre de

nombreux cadeaux. Quel est cet amour sans frein? Je n'en peux plus!!

Devine quoi: elle m'a même proposé qu'on s'enfuit ensemble... Je ne

comprends pas pourquoi j'avais dit "oui". M'enfuir avec cette autruche!

Jamais de la vie!

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LÉON  

26 mai 1843

Cher journal,

Je reviens vers toi après tout ce temps. Cela fait déjà 1 mois que je suis

à Paris, pour mes études.

Malgré toutes mes aventures vécues, j’éprouve toujours des sentiments

intenses envers Emma, je suis obnubilé par la passion dévorante, et je

ne peux l’oublier…

Cependant, elle est la vraie cause de mon départ. Ma perception de

Charles n’a pas changé, il n’était qu’un obstacle entre elle et moi. Il est

insensible à l’amour aux femmes, incarne la médiocrité, inconscient de

ses actes maladroits, trop préoccupé par son travail. Tandis que moi, je

serai l’homme qu’il faut, celui dans les livres dont elle a tant rêvé. Je suis

épris d’elle, toutes mes pensées lui sont dirigées.

Je l’avoue, elle me manque énormément. Je sais bien que je ne suis

qu’un étudiant, que j’ai un grand avenir devant moi… Mais pourtant, je

ne veux qu’elle, et passer le restant de mes jours à ses côtés.

CHARLES  

Mai 1843

J'ai dû opérer le pied bot d'Hyppolyte. Je pensais avoir réussi cette opération

et aussi rendre fière Emma, mais ce fût un échec. Hyppolyte a dû être amputé.

Je crois que Emma a été déçue que je n’aie pas réussi cette opération.

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RODOLPHE  

3 Septembre 1843, 21h00  

C'est fini, j'ai craqué. Je lui écrit une lettre pour me justifier de ma

lassitude. Lorsque je lui ai apportée ce matin, elle avait les yeux brillants

telle une nuit étoilée au dessus d'une tempête. Tant puis moi ca

m'arrange, je ne vais pas me forcer. J'en avais obtenu tous ce que je

voulais. Maintenant, je préfère tâter d'autres terrains.  

LÉON  

10 septembre 1844

Cher journal,

Je n’en peux plus, je suis de retour à Yonville. J’attends avec hâte de l’a

revoir, mais une pointe d’appréhension me retient de courir chez elle. Me

méprise-t-elle? Peut être qu’elle ne veut plus de moi?

Je décide de laisser faire le temps, et d’aller ce soir à l’opéra pour me

détendre.

EMMA  

Automne 1844

Ces trois derniers jours furent probablement les journées les plus

exquise de ma vie. Depuis que je me suis mariée je n’ai fait que vivre les

jours comme ils viennent, dans une morosité et une monotonie sans

nom.

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Mais maintenant, la personne que j’attendais depuis toujours est enfin là.

Celle-ci, Léon ma donc amené en Lune de miel « au bord de la mer.

Léon change ma vie du tout au tout contrairement à Charles, il est

intéressé par ce que je fais, il me prête beaucoup d’attention et se

préoccupe beaucoup de mon sort .il passe ses journées à s’occuper de

moi, nous sortons beaucoup, nous passons notre temps à manger, nous

promener et nous parler. J’espère vraiment que cela sonnera le

renouveau que j’attendais depuis si longtemps dans ma vie.

LÉON  

septembre 1844

Cher journal,

Cela fait longtemps que je ne t’ai pas ouvert. Je suis aux côtés d’Emma,

mais pas en tant que femme. Je suis son amant, son amant maudit,

qu’elle ne pourra jamais épouser par la faute de Charles.

Ce matin, en marchant, je l’ai aperçue à sa fenêtre, rêveuse. Je me

demandai à quoi elle pensait. Sa tenue attira mon attention : une robe de

chambre ouverte, laissant voir une chemisette plissée avec trois boutons

d’or. Je repris mon chemin, des rêves plein la tête.

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LÉON  

octobre 1844

Cher journal,

Je l’ai revue, elle m’avait manqué, bien que ça faisait moins d’une

semaine. Elle sortait d’un établissement, une liasse de papiers sous le

bras, visiblement occupée. J’allais partir vers chez moi, quand sa douce

voix m’appela. Un frisson m’a parcouru, et j’ai pratiquement accouru

pour venir vers elle. J’ai pris ses papiers, et son visage me montra

qu’elle n’était pas habituée à ce genre de politesse avec Charles.

Elle me dit qu’elle allait chercher Berthe chez sa nourrice, et me

demanda si je pouvais l’accompagner jusqu’à là bas. Je l’ai suivie donc,

un grand sourire aux lèvres. J’avais voulu lui tenir la main,

l’accompagner partout, l’écouter parler jusqu’à la nuit tombée.

Malheureusement, devant la maison, elle me salua et continua seule.

LÉON  

22 mars 1846

Cher journal,

J’ai décidé de partir. Etre l’amant d’Emma, bien que ces moments avec

elle me procure un grand sentiment de bien être, me fait atrocement

peur. Si Charles découvre son infidélité, son mariage sera rompu de ma

faute. De plus, il me connaît, et il risque de venir à même ma maison

pour me tuer. Je sens bien les regards insistants que les villageois nous

lancent, lorsque nous marchons ensemble. On a failli se faire prendre de

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nombreuses fois, et les doutes commencent à se faire étoffer par des

rumeurs diverses à Yonville.

Non, notre relation ne mène à rien, je ne comprends pas pourquoi je suis

retourné auprès d’elle après Paris. Peut être devrais-je y retourner, sans

la prévenir. Elle ne le remarquerait pas, trop occupé à nourrir Charles, et

préparer sa fille.

Je rêve toujours d’être à la place de son mari, de ne pas craindre son

retour à chaque instant.

J’hésite : Dois-je retourner à Paris et couper les ponts brutalement, ou

rester pour m’éloigner lentement d’elle… Ce qui est sûr, c’est que je vais

partir. Laisser tomber notre amour, même si on mis beaucoup d’énergie

pour le construire.

Je ne sais pas si c’est une preuve de lâcheté, ou de courage, mais c’est

la seule solution. Tels des amants maudits, comme il me plaît de nous

appeler, nous ne pouvons vivre notre amour pleinement, et ça me

plonge dans une dépression morbide.

A chaque moment où je vois Charles, quand sa main grasse se lève

pour me saluer, et que son visage se fend dans un sourire naïf, je n’ai

qu’une envie : Arracher Emma de cet homme faible, et inconscient de la

chance d’avoir une femme comme telle. Mais je ne fais que feindre un

sourire, et lever distraitement ma main. Je ne pense pas être capable de

faire ça, tout simplement parce que mon esprit me dicte de l’ignorer à

chaque fois que je le vois. Je me hais pour ça, je me sens faible et lâche.

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CHARLES  

23 Mars 1846

Je suis fou, je ne dors plus, j’ai cessé de manger. Emma se tue devant

moi et je ne peux rien y faire. Elle soufre, nous souffrons, l’arsenic l’a

dévorée. Moi qui la pensais heureuse à mes côtés, je ne comprends

pas. Pourquoi a-t-elle fait cela ? Je suis perdu, elle me cachait tant de

choses comme les prêts de monsieur Lheureux. Pourquoi apprendre

tout cela de cette manière ? Mais je l’aime et je ne m’imagine pas vivre

sans elle. Les huissiers sont passés pour faire l’inventaire de ce qui va

être vendu. Nous n’avons plus rien mais je n’en veux pas à Emma. Je

garde espoir, demain, nous devons recevoir la visite de monsieur

Larivière, c’est un médecin de renom, il trouvera un remède pour sortir

ma femme de ce mal. En attendant sa visite, je reste à son chevet.

EMMA  

Samedi 16 novembre 1846

C’est décidé, depuis aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours pensé

que ma vie serait différente de ce que j’ai toujours traversé.

J’ai toujours eu l’impression que quelque chose allait venir me chercher,

que cette chose était là tout près. Mais Aujourd’hui voilà où j’en suis

rendue. Toutes les personnes que j’ai semblé avoir aimées ne sont en

réalité que source de déception. Pour commencer il y a ma famille, mon

mari, un médecin incapable, n’ayant aucune ambition, aucun objectif, ne

sachant même pas comment s’occuper correctement de moi. En réalité,

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il ne ce soucie pas de moi .Le fait qu’il n’a pas eu la puce a l’oreille lors

de mes escapades avec mes amants le prouve bien !

On peut aussi parler de ma fille, pour laquelle je me demande encore si

elle tient vraiment de moi, je sais bien que ce n’est point de sa faute,

mais elle est laide et une telle source de problèmes ! Et tant qu’à faire on

peut ranger, Rodolphe et Léon dans le même panier puisqu’ils m’ont tout

les deux donné l’illusion de m’aimer, avant de lâchement m’abandonner

au moment le plus crucial.

Aujourd’hui tout me parait plus vide que jamais, faux, dégoûtant. Mon

cœur, qui autrefois était tombé si facilement dans ces premiers charmes,

n’y voit aujourd’hui plus que des créatures errant d’endroit en endroit,

d’objet en objet, mais elles ne se meurent non pas pour trouver un but

ou un plaisir, elles n’ont tout simplement aucun objectif, aucune raison

d’exister.

Et moi-même paradoxalement, je ne vis que pour ces personnes. Et ce

n’est que maintenant que je me rends compte que moi-même, je suis

inutile.

Adieu.

Emma Bovary, 1846

CHARLES  

26 Mars 1846

C’est le jour fatidique, le jour le plus horrible de ma vie. Ce jour-là, Emma

est décédée. Elle fut enterrée le lendemain de son décès. J’ai revu son

père à ses obsèques.

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13 Juin 1847

Léon, Léon ah ! Je croyais que c’était une personne de confiance ! De

toute évidence, je me suis trompé. J’ai découvert ses lettres de

correspondance avec Emma, ma femme ! Je n’ai strictement rien vu des

relations d’Emma, je crois que je l’ai même mise dans les bras de ses

deux amants. En effet, Rodolphe tenait également une liaison secrète

avec elle. Que je regrette toutes les erreurs que j’ai pu faire.

22 Août 1847

Il y a peu, j’ai vu Rodolphe, je lui dis que je n’avais pas de rancœur

contre lui, quel soulagement de lui dire. Je sens que ma fin est proche,

j’écris certainement mes derniers mots sur le banc au fond de mon

jardin. Mon chagrin m’oppresse, je commence à avoir du mal à respirer.

Je ne sais pas vraiment quoi penser de toute cette histoire qu’est ma vie,

à part que tout le monde autour de moi à dû souffrir. Je me lasse de ce

monde.

Charles Bovary.

LÉON  

23 décembre 1847

Cher journal,

Emma s’est suicidée. Même quand je l’écris, je n’y crois pas. Morte.

C’est impossible.

Imaginer son visage dépourvu de ses joues rosies par le froid, ses

cheveux ternes, ses yeux profonds et illuminés, ça me déchire le coeur,

vide mon esprit et me fait défaillir.

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Tout ça à cause de son mari, de sa vie banale, alors qu’elle méritait

tellement plus. Quand j’écris, des larmes me laissent des yeux, que

j’essuie rageusement. Lorsque je ferme les yeux, je vois son visage, son

sourire, son regard… Je peux même sentir son léger parfum de violette.

Mais quand je les rouvre, je vois le visage dégoulinant de sueur de

l’homme à qui elle à dit “Oui”, et ça me met dans une rage folle.

LÉON  

5 janvier 1848

Cher journal,

Ce matin, en allant chercher le courrier, j’ai vu une lettre, signée Charles.

Il explique avoir vu des lettres échangées entre Emma et moi, et a donc

découvert notre liaison. Mon ventre se tord à cette idée, et la peur me

fige. Je l’imagine débouler chez moi, un couteau à la main, le visage

tordu par la douleur. Malgré ma terreur, je continue ma lecture, puis pose

la lettre et me sers un verre de whisky.

Charles est malheureux, ça se voit par les taches de larmes recouvrant

ma lettre, son écriture tremblante et ses mots, dépourvus de sentiments,

de passion. Malgré toute ma haine envers cet homme, je ressens une

certaine pitié… Il aimait sa femme, mal, mais d’un amour sincère.

Quelque chose dans sa lettre m’ayant alerté, j’y replongeai mes yeux,

maintenant humides. Je n’étais pas le seul amant d’Emma, un certain

Rodolphe l’avait également courtisée. Un gémissement de douleur

m’empoigna, et je pleurai toutes les larmes de mon corps.

FIN  

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