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Résumé Cet article commence par le récit d’un moment parti- culier d’une régate, évoqué par un coureur de laser. Il s’inspire des techniques d’explicitation, que nous utilisons avec les coureurs de haut niveau lors de séquences d’analyse de pratique. Au travers des élé- ments évoqués, on s’aperçoit que ce qui conditionne la performance va bien au-delà de la seule interac- tion technique / tactique / stratégie. Des éléments insoupçonnés, parfois très éloignés du contexte de la régate viennent néanmoins perfuser les actions du coureur au cœur de sa production de performance. Nous nous efforcerons, en vis-à-vis du récit, de les identifier et de les décrypter. C’est à partir de ce tra- vail que nous tenterons, dans une deuxième partie, de reconstituer le puzzle des différentes dimensions et déterminants de la performance, pour aboutir à la présentation d’un modèle global. Mots clés : Performance en voile, modélisation, explicitation, activité du régatier. Cahiers de l’ENV - Septembre 2005 - p. 21 Technique et performance MODELISATION DE LA PERFORMANCE EN VOILE Philippe DELHAYE et Gilles MONIER Technique et performance Sommaire Guide de lecture L’histoire 1. De l’individu à l’acteur : ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre... 2. De l’activité à la situation : d’une donnée à une construction... 3. La performance comme un produit. 4. La performance comme un processus Conclusion

MODELISATION DE LA PERFORMANCE EN VOILE · 2019. 2. 18. · Modélisation de la performance en voile, Philippe Delhaye et Gilles Monier. Cahiers de l’ENV - Septembre 2005 - p. 24

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RésuméCet article commence par le récit d’un moment parti-culier d’une régate, évoqué par un coureur de laser.Il s’inspire des techniques d’explicitation, que nousutilisons avec les coureurs de haut niveau lors deséquences d’analyse de pratique. Au travers des élé-ments évoqués, on s’aperçoit que ce qui conditionnela performance va bien au-delà de la seule interac-tion technique / tactique / stratégie. Des élémentsinsoupçonnés, parfois très éloignés du contexte de larégate viennent néanmoins perfuser les actions ducoureur au cœur de sa production de performance.Nous nous efforcerons, en vis-à-vis du récit, de lesidentifier et de les décrypter. C’est à partir de ce tra-vail que nous tenterons, dans une deuxième partie, de reconstituer le puzzle des différentes dimensions etdéterminants de la performance, pour aboutir à la présentation d’un modèle global.

Mots clés : Performance en voile, modélisation, explicitation, activité du

régatier.

Cahiers de l’ENV - Septembre 2005 - p. 21

Technique et performance

MODELISATION DE LA PERFORMANCE EN VOILE

Philippe DELHAYE et Gilles MONIER Tech

niqu

e et

perf

orm

ance

SommaireGuide de lecture

L’histoire

1. De l’individu à l’acteur : ni tout à fait le même,ni tout à fait un autre...

2. De l’activité à la situation : d’une donnée àune construction...

3. La performance comme un produit.

4. La performance comme un processus

Conclusion

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Modélisation de la performance en voile, Philippe Delhaye et Gilles Monier.

Cahiers de l’ENV - Septembre 2005 - p. 22

Que l’on soit athlète, entraîneur, formateur d’entraî-neur, il nous paraît essentiel de se construire unereprésentation précise de la performance, et de ten-ter de la modéliser afin de rendre possible la com-munication et l’échange autour de ses différentesdimensions. Nos réflexions et nos travaux sur cesujet, qu’ils soient finalisés par un mémoire derecherche, la production d’articles ou d’outils d’aideà l’entraînement, nous conduisent aujourd’hui à pro-poser une nouvelle modélisation de la performanceen voile, utilisable aussi bien dans le cadre desactions de la cellule entraînement de l’ENV, quedans celui de la formation professionnelle initiale etcontinue des entraîneurs. Ce modèle s’inscrit dansle prolongement du travail proposé en 1994 parJacques Saury1. Il s’en distingue, néanmoins, en cequ’il tente d’intégrer différentes dimensions de laperformance, en tant que produit, mais égalementen tant que processus dans lequel le coureur estengagé. Il nous est également apparu important derevenir sur la notion de ressources du pratiquant etde contraintes objectives de l’activité, qui pouvaientaccréditer l’idée, malgré les intentions de l’auteur,que la production de performance passait par untraitement algorithmique (binaire, ont dit certains)des situations de confrontation sportive. En effet,nous pensons que la situation n’est pas une donnéestable, sous la seule dépendance des conditionsmétéorologiques, de l’adversité, du matériel... Nous

pensons au contraire qu’elle est une construction,largement influencée par les représentations et lesactions du coureur. A sa singularité répond la singu-larité des actions du coureur qui ne dépendent pas,quant à elles, des seules ressources intrinsèquesde l’athlète.Nous ne nous interrogerons pas ici sur les diffé-rentes finalités assignées à la pratique sportivecompétitive et ses effets à plus ou moins longtermes sur la vie et le projet de l’athlète. Nous ver-rons d’abord la distinction qui doit s’opérer entre l’in-dividu et l’acteur. L’individu peut se définir par l’en-semble de ses caractéristiques intrinsèques, dépas-sant largement les caractéristiques physiques,cognitives et psychologiques. L’acteur, quant à lui,engagé dans la production de performance, se défi-nit dans l’action qu’il réalise, face aux caractéris-tiques d’une situation qu’il contribue en retour à défi-nir. Nous envisagerons ensuite pourquoi la situationdoit être distinguée du contexte, autant du fait deson immédiateté, que de son caractère dynamiqueet singulier. Nous nous attacherons enfin à définir lanotion de performance, et à rendre compte de sesdifférentes acceptions, en tentant de préciser l’inté-rêt de ces distinctions. En conclusion, nous proposerons une modélisationdestinée à intégrer ces différents éléments et rendrecompte de notre conception de la performance envoile.

Possibilités Objectifs Remarques1Lire l’histoire de régate comme untémoignage

Lire une histoire derégate comme si vous yétiez…

C’est un témoignage pratique qui permetde construire une représentation de ceque vit l’athlète lors d’une régate à enjeu

2Lire l’histoire de régate et lescommentaires qui y sont associés

Tenter de faire desrapprochements avecce qui construit lasituation compétitive

Cette double lecture vous obligera àprendre du recul sur l’activité du régatieret mesurer l’ensemble des facteursintervenant dans la production de laperformance en solitaire

3Lire l’histoire de régate etconstruire votre représentation dela performance

En s’inspirant du récit,tenter de construire sapropre modélisation àpartir des notions quisont proposées dansl’histoire

Ceci peut vous permettre de construirevotre propre modèle de la performance.C’est une démarche que nous utilisonslors de nos formations professionnellessur l’entraînement.

4Lire le modèle et les commentairesdu modèle

Privilégier l’approchethéorique de laperformance qui estproposée

Se servir du modèle comme appuithéorique sur la performance dans sonensemble (aide aux écrits d’examens etconcours)

5Commencer par la lecture dumodèle et des commentaires dumodèle puis lire l’histoire

Comprendre lamodélisation qui estproposée et l’illustrer autravers du récit

Lire dans un second temps l’histoire enfaisant « jouer le modèle »

Guide de lecture de l’articleSi notre article est présenté dans un certain ordre, nous vous invitons à y cheminer à votre guise, sans néces-sairement adopter une lecture linéaire et exhaustive. Parmi les stratégies possibles de lecture voici cinq pro-positions…

1. Voir les Cahiers de l’ENV n°17 - 1994.

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Contexte de la pratique (institutionnel)1) Organisation sportive fédérale : les filières et lesstatuts des sportifs définies par la FFV délimite unstatut dans lequel se positionne l’athlète. Cecicontractualise les attentes du système fédérale(quota, sélection,…) et les aides et les ressourcesmise en œuvre envers les athlètes.

Contexte du pratiquant :2) Caractéristiques personnelles : l’individu, l’âge :permet de délimiter les caractéristiques typolo-giques générales connues (physiologique, psy-chologique, morphologique, âge osseux, croissan-ce, etc…) de cette tranche d’âge.

3) Contexte familial : historiquele contexte particulier de l’environnement familialpeut participer à comprendre quelle valeur sous-jacente peut avoir l’athlète, par exemple : quelsoutien ou pression familiale il peut recevoir dansle cadre de son projet sportif ou d’étude.

4) Quel manque affectif l’histoire familial peut sus-citer et quelle résonance ces aspects peuventavoir dans sa pratique de compétition ?

5) Contexte géographique : historique le contexteparticulier de l’environnement géographique peutparticiper à comprendre dans quelle culture (icivoile, bord de mer) peut avoir forger l’athlète.

6) Niveau d’études & 7) Projet professionnel : sta-tut des études et engagement dans un projet pro-fessionnel sont susceptibles d’engendrer un étatd’équilibre ou de déséquilibre (état momentané oudurable).

9) Contexte affectif : stabilisation ou instabilisationaffective susceptible d’engendrer un équilibre ouun déséquilibre (état momentané ou durable).

L’INDIVIDU Ressources de l’individu10) Caractéristiques personnelles ; morpholo-giques à mettre en rapport avec 2) susceptiblesd’engendrer un équilibre (état momentané oudurable).

11) Les perceptions de son potentiel physique ouplus globalement de ses compétences sont déter-minantes par rapport à l’engagement du prati-quant autant dans son projet sportif que dans sonaction.

Technique et performance

Bonjour, je m’appelle François. Jecours en Laser. Je suis actuellement(1) Espoir au niveau de laFédération Française de Voile. Jevais vous raconter une manche d’unerégate qui s’est déroulée, il n'y a paslongtemps. Mais avant, je vais vousparler un petit peu de comment j’ensuis arrivé là. Raconter en gros unpetit peu ma vie, pour que vous com-preniez ce que je me dis et ce que jepense pendant cette manche.

Je suis Français. (2) J’ai 20 ans. Mon(3) père est un ancien sportif dehaut niveau, il travaille dansl’Education Nationale et il m’aidebeaucoup dans mon projet. Je n’aipas eu beaucoup de chance, ma (4)mère est décédée, il y a quelquesannées. Depuis, (5) j’habite au bordde la mer et j’ai toujours connu lebord de mer depuis ma naissance. J’ai commencé à naviguer très tôtsur des séries Jeunes, en Optimistnotamment. J’ai intégré un PôleFrance et maintenant je suis Espoir.Je suis en (6) DEUG STAPS àl’Université et je (7) voudrais devenirprofesseur, ou en tout cas essayerde l’être. J’ai une (9) petite amieAnne Françoise, mais bon, je ne lavois pas souvent.Je mesure (10) un mètre quatre-vingt-deux, soixante-dix huit kilos.J’ai un (11) potentiel physique assezbon.

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Modélisation de la performance en voile, Philippe Delhaye et Gilles Monier.

Cahiers de l’ENV - Septembre 2005 - p. 24

J’ai pratiqué d’autres sports, maisc’est (12) la voile qui m’intéressedepuis toujours. J’ai découvert le (13) Laser, il y amaintenant 6 ans. Je suis passé surce support assez naturellement,d’abord en Radial et maintenant envoile Standard. J’ai fait mes preuvessur quelques régates de niveaunational et j’ai été intégré dans le (13)groupe France. Pour ceux qui neconnaissent pas le Laser, c’est (14)un bateau assez éprouvant au près.Ça peut être (14) « le Fun » au por-tant, surtout quand il y a un (14b) petitpeu de clapot, j’aime bien glissersur les vagues. Cette série est bienreprésentée, il y a (13) beaucoup decoureurs en France. Alors il y a sou-vent du monde sur les parcours etsouvent on est obligé de (15) régateren flotte, en poule. Et il faut dire unechose, c’est qu’au niveau internatio-nal, le niveau est très haut. Mes (16)objectifs, c’est bien sûr, d’être sélec-tionné un jour pour les Jeux et peut-être de gagner les Jeux, il y a enco-re du chemin à faire. Cette régate était (17a) sélectivepour la préolympique de Pékin. Ils’agit de la (18) 8ème manche, j’étais àce moment-là, le (19) mieux placédans le classement parmi lesFrançais. Cette manche, je m’en sou-viens bien, car (20) j’étais premier.(17b) Il y avait l’ensemble des cou-reurs, les plus représentatifs de lasérie, avec les meilleurs mondiaux.Et je me retrouve au cours de cettemanche, (20) en tête, à proximité dela marque au vent.

Mais il s’est passé un certain nombrede choses et je vais vous les décriremaintenant. Éléments en particulier àprendre en compte, avant de partirdans l’explication de la manche.

Contexte du pratiquant : 12) Culturel, Affectif, Familial, Culture sportive et motivation pour la discipline :L’individu avec toute son histoire : son lieu de vie,sa famille ont participé à structurer sa personnali-té (individu unique) et peuvent participer aux élé-ments fondateurs de son engagement dans unsport et plus particulièrement en compétition.

16) L’engagement dans son projet, ces objectifs.

Contexte de la pratique : Sociologique,Fédéral,Politique,13) Contexte de la discipline : c’est ici le contextefédéral, le développement de la filière laser et sonorganisation. Exemples : Quota ; sélections miseen placer par le MJS (espoir, élite…) ; Nombres delicenciés ; nombres de régatiers.

LA DISCIPLINE : Données objectives de ladiscipline14) Caractéristique du support (énergétique & bio-mécanique).

14bis) Les caractéristiques du support en fait un sup-port qui peut être source de plaisir intrinsèque pour lecompétiteur : le plaisir… l’engagement physique.

15) Donnée de la discipline, format de course.

17a) Règles de la sélection, adversité (flotte,poules, duels) Situe le niveau de la régate.

17b) En référence au niveau de l’épreuve et objec-tifs assignés (quotas…) détermine un enjeu propreà l’acteur engagé dans une discipline sportive.

La situation : Eléments subjectifs de lasituation : 18) & 19) Situe le contexte individuel particulier :

18) Manche milieu de championnat (les classe-ments sont déjà bien engagés et peuvent êtresource de stratégie ou de comportement particu-lier (marquage, pétage de plomb….).

19) Le coureur est en tête de la sélection et le cou-reur est en tête de la manche avec l’ensemble desmeilleurs régatiers derrière lui. C’est une situationnouvelle pour le compétiteur.Ces caractéristiques propres à la situation et soncontexte sont de nature à forger les enjeux et àinfluencer le comportement de l’acteur (plus oumoins de pression, motivation…).

20) Zoom sur la situation significative « momentsaillant ».

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L’acteur dans la situation Perception / Adapt-action / transformation (extrait lié au passage en tête)19 bis) Perception de l’Acteur Caractéristiqueobjective de la situation liée à l’histoire & l’ expé-rience de l’acteur.

21 & 22) Réaction de l’acteur à la perception dela situation. Il est important de distinguer la pres-sion perçue (plus ou moins forte et plus ou moinsagréable) avec sont aboutissement (plus ou moinspositif).

Ressources mobilisables dans l’action (ici etmaintenant)21) Mentales : activation, cognition, émotion…

22) Physiques : Engagement énergétique, straté-gie motrice… L’acteur avec son potentiel physique et ses res-sources mobilisables dans l’action.

(extrait lié à la phase de départ)Elle est à ce moment définie autour de l’élabora-tion du projet stratégique intégrant, les donnéesobjectives et subjectives de la situation, la mise enjeux de routines, des phases d’évaluation de sespotentialités et des stratégies d’ajustement visantà préserver son état de confiance.

24) Routines de prises d’informations décrite parl’acteur. Séquence de : Recueille d’info/Analyse .

25) Perception / adapt-action : La lecture du pland’eau est en lien avec un état de confiancemomentané. L’élaboration de la stratégie dudépart contribue à mettre en confiance le compé-titeur.

26) Evaluation sur les sensations perçues sur lebateau (vitesse) sur soi (état de bien être) mobili-sant un état de confiance (compétence, valence).

26 bis) Son sentiment de compétence globaleréféré aux autres dans ce type de conditions (cfremarques 11) est susceptible d’instaurer un cli-mat de confiance particulier.

Données objectives de la situation : 23) Conditions météorologiques :Les conditions météo définissent un contexte derégate particulier mais peuvent également engen-drer chez l’acteur un niveau d’investissementselon les compétences perçues par le coureurdans ce type de condition.

Technique et performance

Au niveau individuel, (19) c’est la pre-mière fois que je me retrouve entête d’une manche avec tous lesmeilleurs derrière sur une régate decette importance. C’est le bord de portant, après le pas-sage au vent,(21) j’avais la pression,bien que ce souvenir soit très posi-tif. Globalement, j’ai eu du (21) mal àgérer cette position en cours demanche. J’étais stressé. J’ai eu lesentiment que je me suis (22) com-plètement grillé pendant une partiedu portant ce n’était pas trèsagréable. Avant d’en arriver à ce passage de lamarque au vent, je suis arrivé sur leplan d’eau, il y avait du (23) soleil, 2-3 noeuds. C’était super. J’ai pristous mes repères de ligne. J’ai cher-ché les (24) indicateurs que jeprends d’habitude pour repérer lecôté avantageux, pour également voirle plan d’eau, un petit peu ce qui sepassait. J’ai eu quelques (25) doutessur cette lisibilité du plan d’eau,mais bon à priori j’ai vu à peu près lecôté où il fallait aller et se positionnersur la ligne ... plutôt à l’extrémitébâbord. Mon (25) intention dedépart, était de partir à bâbord, unpeu sous le vent de tout le monde, etpuis essayer de faire de la vitessepour aller chercher un peu à gauche.Mon projet de départ est à peu prèsclair, quand je rentre dans les minutesprécédant le départ et techniquement,(26) je sens bien le bateau.. J’ai faitun petit bord comparatif avec mescoéquipiers, là, ça semblait bien mar-cher dans ces conditions. J’étaisassez confiant. Au près, dans cesconditions-là, (26 bis) je vais bien,par rapport au groupe France.Globalement, le bord du près, ça s’estpassé à peu près comme je le souhai-tais.

Cahiers de l’ENV - Septembre 2005 - p. 25

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Principes de Perception 27) Perception : redéfinie / à un niveau de compé-tence :Les prises d’informations pendant la course sur leclassement (résultat objectif observé) sont croi-sées avec le niveau de compétence estimée. Cecipeut contribuer à instaurer une émotion, un climatde confiance ou de doute.

28) Perception : référée à l’expérience de l’ac-teur :Les prises d’informations pendant la course sur leclassement (résultat objectif observé) sont compa-rées à une expérience antérieure négative. Cecipeut contribuer à la recherche d’une stratégie deréponse nouvelle originale.

Adapt-action par rapport à la situation : 29) Mental : illustre le discourt interne d’un ath-lète engagé dans la situation. Les intentions peu-vent être de nature différentes comme : larecherche d’activation, d’engagement énergé-tique, de mise en place de stratégies motrices.

Réaction & Transformation de la situation30) stratégie de « coping »: stratégie pour fairefasse à la situation stressante (consiste ici pourl’acteur engagé à schunter une partie de la réalité(adversaires forts proche derrière) pour se focali-ser sur des éléments de maîtrise personnelle(conduire efficacement le bateau).

31) La pensée du coureur est porté sur la compa-raison entre « ce qu’il faudrait faire » et la solutionoriginale (créativité) qui est adoptée par le coureurRéférence à la logique de l’activité tactique quicorrespond à la prise d’information sur le position-nement des adversaires lors des situations demarquage au portant. Ici la tâche est redéfinie (30) en prenant en comp-te le facteur stressant et déstabilisant de regarderl’adversaire (charge interne psychologique) et lastratégie mise en place de focaliser sur sa tech-nique. C’est une forme de réponse de l’activité «tactique » du moment privilégiant la centration surla technique.

Modélisation de la performance en voile, Philippe Delhaye et Gilles Monier.

Cahiers de l’ENV - Septembre 2005 - p. 26

En fait, assez rapidement je me suisaperçu que j’étais dans le top 10, dans ledernier tiers du près. Je m’étais biendégagé avec quelques coureurs quiavaient pris l’avantage. Après le dernierrecroisement, je passe la marque entête. Et évidemment quand on passe lamarque, on regarde un petit peu derriè-re et là, je me suis aperçu que, (27) dansles 5-6 qui suivaient, il y avait tous lesmeilleurs de la série. Et c'est vrai que(27) la première chose que j’ai pensé,c’est que ... c’était des bons et quedans ces conditions notamment au por-tant, ils allaient très très vite et que moi,ce n’était pas forcément mon point fort(27). C'est vrai que (28) ça m’est arrivéplusieurs fois, dans d’autres situationsde régates où je n’étais pas trop malplacé, de me faire passer au portant.Alors là, je me suis dit : (29) « Accroches-toi mon petit père. ». Et disons, j’ai pris leparti d’ignorer un petit peu les forts qu’il yavait derrière moi. Je me souviens mêmeme dire que c’était mes partenaires d’en-traînement. Et qu’il fallait de toute façon,y aller. Je me suis recentré tout desuite sur mon bateau (30). J’ai essayéd’oublier un peu le potentiel des concur-rents qu’il y avait derrière. Je me suiscentré sur ma voile, sur l’équilibre. Levent était bien monté, ça devenait dur,techniquement, au portant en faussepanne. D’habitude ce sont des sensa-tions et des situations que je n’affection-ne pas trop. Et là, en rentrant dedans, j’aitrouvé un peu de plaisir (29). Alors, est-ce que c’était parce que j’étais en tête,mais (30) je n’ai pas cherché à regar-der derrière, en fait. Je crois que je mesuis même interdit, je me suis dit : « Neregarde pas derrière. Tu fais ton truc. ».(31) Ce n’est peut-être pas logique dese dire ça, parce que c'est vrai qu’ondevrait surveiller un peu. Mais j’avais lesentiment que ça allait plus me perturberqu’autre chose.

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Transformation de la situation32) Référence à une règle construite de son acti-vité tactique qui correspond à la prise d’informa-tion sur le plan d’eau. Reconstruction de la situa-tion par l’acteur.

34) Principes de l’Action Réaction : Singularité dela situation et l’engagement et le plaisir quelle pro-cure.

35) Evaluation : sentiment de compétence référerpar rapport à la maîtrise du support dans cesconditions (constante).

Extrait d’une situation « non prégnante dansl’analyse de la course » :36) Cette portion de régate n’est pas jugée « signi-ficative » par le coureur dans le sens ou sa placen’a pas beaucoup évoluée. Cette portion de réga-te est globalement évaluée.

36 bis) Le coureur porte un jugement général surson comportement sur cette portion de course.

Principes de la boucle : perception, adapt-action, transformation Dans cette partie du récit est décrit un étatmomentané et une perception de cet état. Enretour cette perception va influencer sur l’engage-ment et sur l’état lui même ( boucle action réac-tion) exemple d’enchaînement : le stress présentest perçue par le coureur, il peut provoquer la soifou la soif peut contribuer à l’état de stress, demême faciliter l’état de crampes (traduction corpo-relle et perception) qui peut renforcer la perceptionde l’état de stress et donc conduire à retraduirecomplètement la situation.

40 & 44) Mentales : émotion… perception duniveau d’activation (ici stress) et de mobilisation.

39,41 &43) Physiques : perception de la douleur,de l’état de fatigue et de l’état de soif.

Interface entre perception et transformationde la situation38) La situation de se portant est redéfini au tra-vers de l’expérience du précédant portant.

36) Jugement à postériori : évaluation subjectivede maîtrise pouvant contribuer à renforcer lescompétences globale du compétiteur.

Technique et performance

Les conditions, à ce moment-là, étaientassez stables sur le plan d’eau, avec uneforte intensité de vent, donc (32) il n'y apas forcément besoin d’aller regarderles risées non plus, donc ... ça avait l’airde bien marcher, je regardais les vagues,je les prenais une à une. A regarder deplus près, (32) les règles de bases tac-tiques, prendre les infos derrière… jene les ai pas vraiment respectées. C'estvrai qu’à ce moment-là, j’avais des sensa-tions de glisse importante, (34) commejamais je n’avais eu auparavant à l’en-traînement. J’avais vraiment du plaisir.Pourtant (35) d’habitude, je ne maîtrisepas ces conditions, fausse panne, c’estquand même difficile techniquement. Jesuis arrivé à la marque sous le vent, sansavoir vraiment regardé derrière. J’étaisencore devant. J’ai pris l’information auvent et puis je suis parti un premier tempssur bâbord. (36)J’ai globalement maintenules écarts. Il y a un concurrent qui est venuun petit peu se recoller à moi, mais d’unautre côté sur les 6 qu’il y avait tout à l'heu-re au passage au vent, il y en avait 2 ou 3qui avaient perdu pas mal. Donc on seretrouvait 3 concurrents dans une bonnesituation, on va dire avec un écart derrière.(36 bis) J’ai bien géré la chose à cemoment-là.Et donc, au deuxième passage au vent,(37) j’avais toujours le concurrent quime collait vraiment, avec un autre der-rière pas très loin et puis, après, il yavait un trou. J’ai attaqué le deuxièmebord de portant avec un (38) bon état deconfiance, vu ce qui s’était passé aupremier portant. Mais à ce moment-là, j’aiquand même senti quelque chose, (39)j’avais assez mal aux jambes. Sansdoute que j’avais donné pas mal ... au prèsen énergie, et bon c'est vrai peut-êtrequ’aussi, j’ai bien regardé, (40) j’étais unpeu stressé par la situation. Je ne saispas, mais en tous les cas, je sentais qu’auniveau de (41) mes jambes, j’étais unpeu grillé.

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Interface entre perception et adapt-action : Cette partie décrit la mise en place d’une stratégiede comportant visant à privilégier la technique denavigation au près et se préserver de la pressioninduite par la proximité d’un adversaire jugé expertdans ces conditions. La situation est donc trans-formée par le coureur. On parle de couplage stra-tégie perceptive.

42) Recentrage sur la technique.

45) Prise de décision et mesure des risques tech-niques (déssalage).

46) Référence à l’histoire de la manche (bords ana-logues et même position par rapport aux adver-saires avec une situation qui avait bien évolué).

47) Discours interne motivé par l’état de confiancedans lequel se retrouve le coureur au vu de la situa-tion précédente qui s’est bien déroulée (tendance àreproduire le comportement qui a marché).

48) Evaluation en référence à une norme : leniveau de compétence communément admis parle coureur concernant un adversaire.

49) Inférence à l’histoire d’une régate dans uncontexte proche dont l’aboutissement a été défa-vorable pour le coureur . Cette connaissance desadversaires mise en lien avec la situation obser-vée permet de mettre en œuvre « une règle defonctionnement momentanée »une forme de créa-tivité.

Ressources mobilisables dans l’action (ici etmaintenant)50) Ressources mentales : discours interne visant àprovoquer une forme d’activation, d’engagement,d’investissement dans la tâche, de motivation…

Modélisation de la performance en voile, Philippe Delhaye et Gilles Monier.

Cahiers de l’ENV - Septembre 2005 - p. 28

Alors pendant un moment, ça m’a unpeu turlupiné, je suis resté un petit peudessus. (42) J’ai essayé de me recen-trer sur ma technique. Mais bon, ce quise passait en plus c’est que (43) j’avaissoif, je n’avais pas pris le temps deboire ni au près, et là, au portant vu lesconditions, je ne pouvais pas le faire.Donc la soif et un peu le mal aux jambes,(44) ça m’a un peu perturbé. J’ai passéun petit moment, j’y ai pensé un petitmoment, et puis de toute façon, je nepouvais pas boire. Techniquement, cen’était pas possible, je (45) prenais unrisque à aller chercher ma bouteille,qui n’était pas placé forcément prochede ma position... En fait, (46) je me suisretrouvé comme dans le premierbord, je me suis dit : « (47) Tu ne lâchesrien. Là, tu es en plein dans le match,(48) c’est important, à ce moment-là,de se re-concentrer sur sa vitesse. Ceque j’ai remarqué aussi c’est que (48) legars, qui me suivait en fait derrière,était un concurrent assez fort dansces conditions-là. Et notamment, (49) ily a à peu près deux mois, il m’est arri-vé dans une manche comme ça,d’être juste devant lui, à ce moment-là, jen’étais pas premier, j’étais deuxième,juste devant lui sur un bord de portant etil m’avait passé. Il m’a passé assez faci-lement. Et là, je me retourne et je le voisà peu près dans la même position qu’il ya deux mois, je me dis : « (50) Là monpote, il ne faut rien lâcher. Il faut quetu restes hyper concentré. ». Et doncje me souviens quand même qu’à cemoment-là, il m’est resté dans la tête, etje me suis dit : « (49) Je n’ai pas enviede refaire le même scénario, pasenvie de refaire la même chose, doncfais ce qu’il faut pour ... ». Et puis, jeme souviens « rien lâcher », autant j’aipensé que j’étais cramé au niveau desjambes, c’est un mot, mais « rienlâcher », c'est vraiment ce que je mesuis dit, à ce moment-là.

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Ressources mobilisables dans l’action 52) Gestion énergétique.

La performance comme produit :résultat53) Evaluation objective de la situation : le gainobtenu.

La performance comme produit : maîtrise 54) Recherche de compromis technique par rap-port à la fraîcheur physique.

55) Etat de jugement sur le compromis adopté.

56) Recherche de compromis technico-tactiquepar rapport à la fraîcheur physique et aux nécessi-tés du marquage en fin de course.

57) Etat de jugement sur le compromis adoptéavec les ressources disponibles (physiques) ici etmaintenant.

Principes de Perception / Adapt-action /transformation 58) Etat émotionnel lié à l’évaluation du résultatmomentané en comparaison des résultats etexpérience précédente de régate. Cet état desatisfaction contribue à faire évoluer la perceptionqu’a le coureur de ses compétences dans la ges-tion de ce type de situation de course en tête.Cette évaluation contribuera à appréhender dessituations analogues futures avec un autre regard,en ce sens cette expérience agrégera la percep-tion des situations futures.

Technique et performance

Le deuxième portant en fait, il s’estpassé à peu près pareil. Ça m’a permisà la limite de me reposer un peu auniveau des jambes, parce que (52) laposition me permettait un petit peude m’étirer partiellement. Je suis arrivéà la marque sous le vent toujours en pre-mière place, mais là franchement, j’étaisquand même bien fatigué au niveauphysique. (53) Étonnamment, j’avaisrepris un petit peu au portant sur unetoute petite option, j’ai pris plus de dis-tances par rapport au deuxième, et parcontre en attaquant l’autre bord de près,là je me suis dit : « Là, il va falloir que tucherches quelque chose. ». En fait, lesconditions avaient forci un peu et j’étaisc’est vrai un peu fatigué, un peu craméau niveau des cuisses. Et là en fait, (54)j’ai pris le parti de rentrer un tout petitpeu, d’essayer de m’économiser, delâcher un peu au niveau de la voile, d’es-sayer d’ouvrir un tout petit peu, et puis defaire un tout petit peu plus de vitesse quede cap. Alors je sais bien que (55) lecompromis, en fait, il n’était pas for-cément le meilleur. J’étais vraimentcramé. Donc j’ai lâché un peu, j’aiessayé de (56) me positionner par rap-port aux deux adversaires les plusproches, de façon à les contrôler.(suppression de textes dans cette partiepar rapport à la précédante) j’ai réussisur ce bord de près à conserver l’écart.C'est vrai que ça réduit l’écart avec lesadversaires, mais bon (57) le compro-mis, que j’ai adopté, était assez satis-faisant. De toute façon, je ne pouvaispas faire mieux, au niveau physique jene pouvais pas faire mieux. J’ai lesentiment que j’ai bien tactiqué, sur-tout par rapport à ce que je disais tout àl'heure, le gars qui était derrière moi, il nem’avait pas recollé au portant et ça, çam’avait quand même donné (58) unegrande satisfaction à l’attaque duprès.

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Modélisation de la performance en voile, Philippe Delhaye et Gilles Monier.

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Parce que je ne reproduisais pas le scé-nario qu’il y avait eu, il y a deux mois, etlà j’avais réussi à garder l’avantage.

A ce moment-là, ce qui s’est passé, c’estque c'est là que j’étais toujours ... sur ledernière tiers du bord de près. Il fallaitquand même un petit peu tactiquer. (59)J’étais un peu fatigué, je lâchais doncun peu prise, et que le deuxième com-mence à me recoller, (60) ça m’a unpeu inquiété. Et à un moment donné,j’ai eu un peu de doute et en fait, j’ailoupé un truc tactique que j’aurais pufaire, j’ai manqué un petit coup tactique.Alors là, est-ce que c’est parce que jen’étais (61) plus trop lucide ou... Entout cas, c’est sûr que j’étais, à cemoment-là, (62) un peu stressé, parceque je voyais qu’il recollait. Mais bon,vraiment sur la toute dernière partie, j’aivu que j’avais lâché, (63) j’ai à nouveauregardé bien au vent, les risées qu’il yavait sur la marque au vent, lesrisées, ... C'est vrai que j’ai eu de lachance, mais je pense que ce n’est pasdu hasard, (64) j’ai été chercher lebon endroit et en fait j’ai repris unpetit avantage sur la fin. J’ai même étéchercher un endroit sans trop marquer,sans trop rester en contact du deuxième.Mais d’un autre côté, je voyais que lecompromis, si j’allais le chercher, n’étaitpas forcément meilleur et ... (64 bis) jene pouvais pas partir en bataille devirements avec mon état de fatigue,donc j’ai plutôt fait le choix d’allerexploiter un côté du plan d’eau. A cemoment-là, dans la dernière partie, j’aivu que j’avais repris un petit avantage.Les deux concurrents qui étaient derriè-re n’avaient pas tout à fait pris la mêmeroute. Il y en a un qui allait très très biendans ces conditions-là et l’autre à prioriavait plutôt suivi la bonne option, maisavait une moins bonne vitesse dans cesconditions. Donc en fait, j’ai pris un com-promis.

Ressources mobilisables dans l’action (ici etmaintenant)Dans ce passage le coureur évalue son état phy-sique et psychique du moment. Il s’interroge surl’efficacité de son action au regard des optionsprises et de la réduction de l’avantage sur sonadversaire direct.

Sentiment du coureur et efficacité perçue pendantl'action :60, 61 & 62) Mentales : activation, émotion… pen-sées et sensations (physio & psycho) expriméesliées à l'action. 61) Cognition : évaluation des ressources atten-tionnelles mobilisables pendant l’action.62) Etat de stress.

59) Physiques : Engagement énergétique :L’acteur avec son potentiel physique et ses res-sources mobilisables dans l’action.

Perception : Repères de l'action : élémentsvisuels pris sur l'eau63) Routines de prises d’information, Séquencede Recueil d’info/Analyse.

Logique de l’acteur engagé dans la situationCet extrait montre l’état de tension existant entredeux « logiques » :La logique actuelle de l’acteur redéfinie au traversde son état de fatigue.La logique de la situation de fin de course en confi-guration de marquage et des fondamentaux tac-tiques qui y sont associés.

64) Option tactique prise au regard d’éléments dumilieu (zone de vent), des ressources mobilisablesdans l’action.Attribution de la réussite (principe de renforcementde la motivation).

64 bis) Situation de régate est redéfinie au regardde son état de fatigue qui ne lui permet pas d’ef-fectuer un marquage sérré (ce qui devrait être logi-quement le cas dans cette configuration de cour-se).

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Ressources mobilisables dans l’action65) Physiques : Perception de l’état de fatigue.

66) Mentales discours interne de mobilisation.

Contexte du pratiquant impliqué dans lasituation :La situation de régate trouve sa résonance à par-tir d’un certain nombre de facteurs liés à l’histoireplus personnelle voir intime du coureur. Le com-portement du compétiteur se traduit le plus sou-vent par un discours interne tendant à mobiliserles ressources et à préserver l’émotion positive.L’émotion trouve ses origines dans :

- Le lien entre l’histoire intime de l’individu (iciles rapports avec le père).

- L’acteur engagé dans la tâche (ici être en têted’une manche et être prés de la victoire).

- La situation (finir une manche devant lesmeilleurs mondiaux de la série).

- La discipline (besoin d’être reconnu dans lecircuit mondial laser).

Cette résonance globale émotionnelle contribue àretraduire la situation dans laquelle est engagée lecoureur (couplage acteur/situation).

67 & 68) Vision de l’entraîneur et des liens rela-tionnels existant avec lui pouvant participer à l’en-gagement du coureur dans la tâche.

69) Effet sur les ressources mobilisables : activa-tion, engagement physique, etc…

70) Projection de ce que pourrait dire son père.

Technique et performance

A ce moment-là, j’arrive à la marque aupassage au vent, il reste un vent arrièreet un bord de travers. Alors (65) j’ai sentià nouveau mon état de fatigue, j’étaisvraiment cuit. Il restait le portant, c’étaitmoins sollicitant que le près. Et là, je mesuis dit : (66 ) « Allez ! Accroches-toi !Merde, tu ne vas pas lâcher mainte-nant. Ca t’est déjà arrivé, tu as lemême concurrent derrière. ». Je mesuis dit « Bon là, tu ne vas pas faire lemême scénario qu’il y a deux mois, tut’accroches et puis tu y vas. ». A cemoment il s’est passé deux choses ;d’abord j’ai vu le bateau rouge de (67)mon entraîneur, qui était là… je l’ai vujuste debout, comme il fait, les bras croi-sés comme ça, et puis un peu la tête enarrière, et j’ai vu qu’il avait (68) un petitsourire en coin. Il n’était pas très trèsloin de la bouée. Et là, aussi, ça m’a (69)donné du jus, parce que je voyais qu’ilétait là et ça m’a donné un (69) coup depêche ; ensuite j’ai pensé à un trucbizarre, j’ai un peu pensé à... un peupensé à mon père, ce qu’il aurait pu medire. C’est marrant parce que c’est venupercuter comme ça, (70) comme unflash en course, j’ai vu l’attitude demon père qui me dit : « Allez !Accroches-toi garçon ! », ce qu’il medisait quand j’étais petit. En fait, ça m’adonné une espèce de (69) petit coupde frisson. C’était un petit peu endehors de la course, mais en mêmetemps, ça m’a donné un petit flash et çam’a remis dedans. A ce moment c’estvrai, je n’ai plus pensé du tout au mal dejambes. Bon, c'est vrai qu’au près,j’avais pu à un moment donné boire unpetit coup, mais ce n’était pas pareilpuisque là (71) c’était la fin de lamanche, je pouvais aller au bout... J’aieu du plaisir à nouveau bien que lesconditions ont encore pris un petit cran,du moins je pense. Bon (72) peut-êtreune force de plus, ou alors c’étaitparce que j’étais vraiment fatigué.

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Je naviguais très abattu, j’avais detrès bonnes sensations, de superssensations de glisse. Je me souviens,mon œil, il se posait sur mon grée-ment, devant le bateau, à exploiterchaque vague. En fait, (73) je ne l’aipas vu passer ce dernier portant.J’ai l’impression que ça a été uneséquence non-stop, hors temps, (74)vraiment très concentré. Enfin je suis arrivé au passage de lamarque sous le vent, il me restait unbord de vent de travers. Et là, j’ai vuque mon concurrent n’était pas loinderrière, à ... une dizaine de lon-gueurs, peut-être moins. J’avais monempannage. (75) J’ai abordé lamarque en m’y préparant commejamais. Le bord de travers, j’en aivraiment profité. J’étais technique-ment dessus, c’était moins sollicitant,mais je voyais poindre la ligne d’arri-vée. Au fur et à mesure que la ligne serapprochait, j’ai vraiment eu le senti-ment... (76) super plaisir, la joie. Aquelques longueurs de la ligne je mesuis dit : (77) « Tu vois, tu n’as pasrefait tes erreurs, tu as été jusqu’aubout.» Et voilà, j’ai passé la ligne, et (76) j’aiéclaté de joie.Après passage de la ligne, (78 ) il yavait mon entraîneur et à coté sur unautre bateau j’ai vu un sélection-neur, une personne de la Fédération,que je ne connais pas très bien maisje l’ai reconnu. Elle est venue me voiret m’a dit «Super ! C’est bien ». Cettepersonne je ne (78) l’apprécie pasforcément, mais en tout cas, c’estune personne clé au niveau de la fédéet ça fait (78) toujours plaisir de voirquelqu’un qui vient vous féliciter.

Principe d’Action Réaction 72) Vision des conditions du plan d’eau mise enrelation avec l’état physique (objectivité, subjecti-vité)

Performance comme processus Cette partie de régate peut s’apparenter au phé-nomène de « flow » (traduit en français par l’ex-cellence ou la fluidité) ou l’on retrouve générale-ment plusieurs facteurs comme :

73) Phénomène de « distorsion du temps » pertede repère temps relatif à l’investissement dans latâche (concentration) et la situation de réussite.

75) Sentiment de concentration dans la tâche(imprégnation).

76) Plaisir, satisfaction intrinsèque liés à la situa-tion que le compétiteur est en train de vivre.

77) Pensées et sensations (physio&psycho) expri-mées liées à l'action. Sentiment de compétence etde progrès réalisés.

78) Face à l’enjeu de la situation, plaisir et fiertévis à vis du public (sélectionneur, entraîneur)devant la réussite obtenue.

Performance comme produit 75) Référé à la maîtrise :Référé à une norme : le résultat de la manche : 1er

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Un coureur pratique la voile en compétition et estengagé dans une préparation olympique. Il évoluedans un contexte qui contribue à organiser son acti-vité : les règles internationales concernant l’accès àcertaines épreuves, les quotas et les calendriers desélection, les politiques sportives…Il pratique sur unsupport ayant des spécificités techniques et il res-pecte un certain nombre de règles concernant sonmatériel, le déroulement de la compétition, dans uncadre défini par le lieu de l’épreuve et les conditionsgéographiques et météorologiques du moment.Tout cela s’agrège en un ensemble de données,plus ou moins prégnantes et proches de la situationde compétition, qui déterminent des contraintes etdes opportunités avec lesquelles il convient de com-poser. Mais si le contexte et les caractéristiques dela discipline peuvent être les mêmes pour deux cou-

reurs régatant simultanément, la situation peut êtredifférente, et pour un même coureur, suivant lesactions plus ou moins volontaires réalisées, la situa-tion peut être sensiblement différente.Ainsi imaginons que notre coureur navigue dans duclapot orienté très proche de l’axe du bateau.Suivant qu’il choisit de naviguer plus près du venten acceptant de fortes régulations exigées par leclapot de face, ou qu’il “allonge” un peu pour privilé-gier la vitesse, la situation ne sera pas la même. Carles contraintes de pilotage étant différentes, lesactions réalisées par le coureur le seront égale-ment, en terme de réglages et de conduite. Mais deplus, les trajectoires variant, les opportunités et lescontraintes liées notamment aux adversaires et à lagestion du cadre de navigation seront influencéespar le type de pilotage choisi.

Technique et performance

Exploits et échecs tout aussi retentissants qu’inat-tendus émaillent les chroniques sportives et ali-mentent la “glorieuse incertitude” du sport. Cetteincertitude est liée au milieu de pratique, à l’adver-sité, mais également à ce que l’athlète “est” aumoment de l’épreuve. Car le sportif ne se résumepas à ses qualités physiques et psychologiquesintrinsèques. Influencé par son histoire, sociale,culturelle, affective…, il l’est également par lesévénements de sa vie quotidienne, de sorte que

l’acteur qui se trouve engagé dans la situationsportive, ne peut être réduit aux indicateurs de per-formance mesurés en dehors de cette situation2.Acteur, sous l’influence de ce qu’il est “ici et main-tenant” il est également “mu” par les éléments dela situation à laquelle il participe3. C’est donc l’ac-teur qu’il importe de considérer dans la productionde performance, pour analyser celle-ci, et com-prendre les mécanismes intimes qui la déterminent.

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2. Voir. Monier G., Etude qualitative des émotions compétitives et desstratégies d’ajustement des régatiers de haut niveau, diplôme INSEP,mai 2005.3. Voir. Delhaye P., Leblanc S., Evolution des modèles d’analyse dela technique : bilan et perspective, Cahiers de l’ENV n°1, avril 2002

Contexte dupratiquant

CulturelAffectifFamilial

ProfessionnelHistoire personnelle

L’INDIVIDU

Ressourcespotentiellesmentales- motivation- concentration- attention- confiance- …

Ressourcespotentiellesphysiques- morphologie- énergie- coordination

L’ACTEUR

Ressourcesmobilisablesdans l’action(ici et maintenant)

Mentales :mémoireactivationcognitionémotion…

Physiques :Engagementénergétique,stratégie motrice…

1) De l’individu à l’acteur : ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre…

2) De l’activité à la situation : d’une donnée à une construction…

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Modélisation de la performance en voile, Philippe Delhaye et Gilles Monier.

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La situation sera donc différente, à la fois parce queles caractéristiques du milieu seront exploitées dif-féremment, et parce qu’en retour, l’exploitation quien sera faite conditionnera les choix tactiques etstratégiques, par exemple, qui se présenteront aucours de la manche.

C’est donc bien à la situation non pas comme unedonnée, mais telle qu’elle est construite et influen-cée par le régatier qu’il faut s’attacher, pour com-prendre la performance en référence au cadre danslequel elle se réalise.

Contexte de lapratique

Sociologique,Fédéral,

Politique,…

la

DISCIPLINE

Donnéesobjectives de la

discipline- Caractéristiques dusupport- Règles de course- règles de classe- règles de jauge- formats de course- partenariat (solitairedouble équipage)- adversité (flotte, poules,duels)- conditionsmétéorologiques- caractéristiques du site

Eléments subjectifsde la situation

- Etat et rég lage dusupport- sur ou sous puissance- niveau de l’épreuveet objectifs ass ignés(qu otas…)- adversité (attaque,marquage direct oucontrôle…)…

LaSITUATION

C’est le plus souvent de cette façon que l’on consi-dère la performance de prime abord. C’est la par-tie émergée de l’iceberg. C’est d’abord le résultatbrut du sportif placé dans une situation de confron-tation, en compétition ou à l’entraînement. “j’aigagné” ou “j’ai perdu”, “j’étais deuxième à la pre-mière marque”, “j’ai fait que gagner des places”etc. Dans ce cas, on parlera de résultat référencéà une norme. Mais parallèlement au résultat brut,on pourra le comparer avec le résultat attendu, oucelui obtenu précédemment dans des conditionssimilaires. Le résultat sera dès lors également“auto-référencé”.La performance comme produit traduit aussi lesacquis de l’athlète construits dans la situation d’en-

traînement ou de compétition, et parfois indépen-damment du résultat final de l’action : “j’ai progres-sé dans le virement bascule”, “j’arrive à m’imposersur le départ” etc. Dans ce cas, la performance setraduira par la maîtrise plus ou moins grandeacquise ou mobilisée dans l’action. Elle pourraégalement être référencée à une norme, parexemple, dans le cas du virement de bord, enterme de rendement (gain au vent dans lamanœuvre, vitesse en relance) ; elle pourra êtreégalement auto-référencée, par exemple, sur lamême situation de virement, en tenant compte dunombre d’appuis réalisés dans la manœuvre, del’aisance dans les déplacements etc.

Auto-référencée Référencée à unenormeLa performance comme produit,

Maîtrise Résultat

En tant que produit, la performance est l’effet mesurable sur l’environnement d’une action de l’athlète, évaluée au regard d’unenorme ou de critères auto-référencés.

3) la performance comme un produit

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Technique et performonco

4) lo p@rformonc@ comrn@ un proc@ssusLa performance est souvent évoquée en référenceà I 'act ion el le-même, et à son déroulement.D'ai l leurs on ut i l ise parfois l 'angl ic isme "perfor-

mer", pour parler de I 'engagement de I 'athlètedans la si tuat ion sport ive. Cette dimension de laperformance précède le résultat ou est concomi-tante à ce dernier. Notre définition de la situationcompétitive, et l ' importance évoquée des diffé-rentes dimensions du contexte dans sa construc-tion, renforcent cette idée. Elles mettent en évi-dence qu'on ne peut déconnecter le résultat desprocessus qui y conduisent. Ces processus consti-tuent une dimension à part entière de la perform-ance. Elle repose sur la perception et la traductiondes occurrences ou signes issus de la situation, lamanière dont I'athlète s'organise pour y faire faceet peser sur l 'évolut ion de la si tuat ion, que nousappellerons "adapt'action". Elle ne peut être disso-ciée des transformations qui s'opèrent de ce faitsur la si tuat ion el le même ni des nouveaux signesque celle ci renvoie et propose à nouveau à la per-ception du coureur. Cette dimension de la per-formance, cette activité de I'athlète sur une tâchequ'il redéfinit en permanence renvoie également àla not ion de charge, tel le que la déf inissent cer-tains auteurs.

ConclusionLa modélisation que nous proposons ne simplifiepas la conception de la performance, et notre ambi-tion n'est d'ailleurs pas de résoudre la complexitéde I'acte sportif, mais de rendre compte au mieux decette comolexité.Car cette représentation n'est pas sans conséquen-ce dans l'analyse et la compréhension du gestesportif. En effet, elle suppose que I'on accepte deconsidérer que la performance n'est pas le fruit d'unacte binaire, au cours duquel le sportif ferait coïnci-der du mieux qu'il peut ses ressources, avec lescontraintes obiectives d'une situation ou'il s'efforce-

Cette charge comporte une dimension manifeste,la charge externe, et une dimension sous-jacente,la charge interne. La charge externe est I'activitévisible de l 'athlète dans la si tuat ion de navigat ion.La charge interne renvoie quant à el le aux proces-sus internes, à I 'engagement physique et psycho-logique du coureur, qu' i l met en æuvre pour pro-duire son action. C'est en quelque sorte l'effet del 'act iv i té de I 'athlète sur lui même4. Pour évi ter laconfusion terminologique entre les not ions decharge, d'activité et de tâche, nous préféreronsoarler d'activité interne et d'activité externe pourévoquer les processus qui caractérisent ce versantde la performance.Par exemple, je navigue au près en sol i taire. Maposition de rappel, ma conduite et mes trajectoires(activité externe), témoignent à la fois des res-sources que je suis en mesure de mobiliser à cetinstant, de mes choix et stratégies plus ou moinsconscients et de mon adaptation aux caractéris-tiques perçues de la situation (activité interne).Mon engagement dans l 'act ion et mon placementsur le plan d'eau qui en découle, modif ie ma posi-tion par rapport à mes adversaires, par rapport auoarcours. et contribue donc à modifier les caracté-ristiques de la situation elle même. La perceptionde la situation s'actualise donc, du fait des réac-t ions que provoque mon act ion, et ainsi de sui te. . .

rait de déchiffrer mieux oue ses adversaires. Onpeut alors s'engager dans une approche plus com-préhensive de I'acte sportif, tout en s'appuyant,cependant, sur ses connaissances, sa propre expé-rience et sur ses représentations. Cette approche,sans prétendre dispenser de la connaissance desfondamentaux de l'activité concernée, doit doncpermettre de mieux se centrer sur l ' interaction finequi s'opère entre I'athlète et la situation à laquelle ilparticipe, et impose de prendre en compte le pointde vue de I'athlète sur sa propre activité.4. Voir aussi : Delhaye P, des compétences pour entraîner . in Lescompétences. ouvr. Coll. Ed. revue EPS, mai ?005

En tant que processus, la performance recouvre I'activité interne et externe de I'athlète permettant, dans une période identifiée, lapoursuite d'un objectif significatif pour lui.

fir' ^/avÈo* La performance

Comme processusf Activité\ externe/interne

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