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Marc Cabillic

La geste de Taliesin

Fugues poétiques

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« Entrer dans le secret alchi-mique, c'est entrer, par la

contemplation, dans la réalité métaphysique du Symbole.1 »

« Sans ce langage, sans signes et sans indices,

Des milliers d'interprètes sur-gissent du cœur.2 »

« Je pense à la rime, mais mon Bien-Aimé

Me dit : Ne pense qu'à mon vi-sage.

Il faut jeter pêle-mêle les lettres, les sons, les paroles,

Afin que je puisse, sans tout cela, m'entretenir avec toi.3 »

1 Luc-Olivier d'Algange, L'étincelle d'or, p. 222 Mawlânâ Djalâl Od-Dîn Rûmî, Odes mystiques,

p. 123 Ibid.

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Préambule

L'exhaustivité ? Très peu pour moi. Je suis trop honnête pour nous perdre, vous et moi, dans un discours incontrôlé. Ces médita-tions, poussières nées d'une poussière, qui re-tournerons toutes rapidement à la poussière sont de brefs jeux de clefs linguistiques, quelques danses poétiques autour de la Mys-térieuse Source de Vie.

Vous aurez peut-être parfois l'impres-sion que je cherche à vous noyer sous les concepts. Je ne cherche qu'à accrocher votre esprit et non à vous piéger.

« En tant que connaissance éso-térique, les textes alchimiques possèdent la particularité d'être codés. Il s'agit d'un savoir qui n'est transmis que sous certaines conditions. Les codes employés par les anciens alchimistes étaient destinés à empêcher les profanes d'accéder à leurs connaissances. L'utilisation d'un langage poétique volontairement obscur, chargé d'allégories, de figures rhéto-riques, de symboles et de poly-phonie (voir langues des oiseaux) avait pour objet de réserver l'ac-cès aux connaissances à ceux qui auraient les qualités intellec-tuelles pour déchiffrer les

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énigmes posées par les auteurs et la sagesse pour ne pas se laisser tromper par les pièges nombreux que ces textes recèlent.4 »

L'erreur serait de croire que l'obscurité est volontaire, elle n'est que naturelle. Quel aveugle peut prétendre voir la Lumière ? Pour les initiés, les textes ésotériques sont d'une profonde simplicité et d'une grande clarté.

Rédiger ce petit ouvrage m'aura pris ap-proximativement un an. Je n'ai pas terminé le travail, loin de là, mais j'ai eu envie de réali-ser quelque chose. Qui sait, peut-être cela pourra-t-il aider une ou deux âmes assoif-fées ?

Je ne suis pas un séducteur, mais un chercheur, un mineur et peut-être cet essai apportera-t-il de l'eau à votre moulin. Je l'es-père.

Je vous offre, en toute simplicité, mes Lumières et vous souhaite une bonne lecture.

4 Source: wikipedia

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Sommaire

Préambulep. 7

I De la personnalité à l'essencep. 15

II Objets et analogiep. 19

III Idées diversesp. 23

IV Ouroborosp. 25

V Un Monstrep. 29

VI Cheminement sur le Réelp. 35

VII Intelligibilitép. 39

VIII Actif & Réactifp. 41

IX Généalogie, partie Ip. 43

X Généalogie, partie IIp. 47

XI Exhaustivitép. 53

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XII Poésie et prosep. 55

XII Devenir Chevalierp. 59

XIV Parasitisme métaphysiquep. 63

XV La Chute et les dieuxp. 67

XVI Maîtrisep. 73

XVII Langage et consciencep. 77

XVIII Le sixième sens ou sens dusymbolep. 83

XIX Fragments éparsp. 87

XX Terroristes de la penséep. 89

XXI Deux élémentsp. 93

XXII « Je ne suis pas croyant, je suis conscient de croire. »p. 95

XXIII L'objectifp. 99

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XXIV L'œuvre ésotérique et ses antagonistesp. 103

XXV Babelp. 109

Appendicep. 113

Bibliographiep. 125

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Aux Maîtres.

Aux Frères.

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I

De la Personnalité à l'Essence

« Il faut faire la paix comme Ja-cob qui, après avoir lutté toute la nuit contre un ange ténébreux, a pu voir Dieu avant le lever du jour et se réconcilier ensuite avec son frère Esaü à qui il avait volé le droit d'aînesse.5 »

Cette courte citation peut être interpré-tée de la manière suivante: Jacob représente l'ego tyrannique (personnalité) coupé de la profondeur du moi réel (symbolisé par Esaü). C'est par la ruse qu'il se prévaut de son frère, en lui retirant son droit d'aînesse (contre un plat de lentilles). Fuyant l'ire d’Esaü, Jacob part durant vingt années en exil. C'est sur le retour qu'il passera une nuit à se battre contre un homme inconnu (l'ange ténébreux).

« 25 - Jacob resta seul ; alors un homme lutta contre lui jusqu'au matin,26 - Et, voyant qu'il ne pouvait l'emporter, il toucha le gras de la cuisse de Jacob, qui s'engourdit dans la lutte.27 - L'ange lui dit : Laisse-moi partir, car l'aurore s'est levée ; il répondit : Je ne te laisserai point partir que tu ne m'aies béni.

5 Pascal Bouchet, Les forgerons de l'aura, p. 158

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28 - L'ange repartit : Quel est ton nom ? Il répondit Jacob.29 - Tu ne te nommeras plus Ja-cob, reprit l'ange, Israël sera ton nom : parce que tu as été fort contre Dieu, et que tu seras fort contre les hommes.30 - Jacob lui fit cette question : Apprends-moi ton nom. Pourquoi, répondit-il, me demandes-tu mon nom ? Et sur le lieu même il le bénit.31 - Jacob nomma cet endroit Vi-sion de Dieu ; car, dit-il, j'ai vu Dieu face à face, et la vie m'a été conservée.32 - La vision de Dieu s'étant évanouie, le soleil se leva sur lui, et Jacob boitait de la cuisse6. »

Le retour à l'Essence (Esaü) et le par-don (réconciliation, reconnaissance du droit d'aînesse) ne semblent possibles qu'à la condition d'un combat contre l'ange inconnu, notre soleil obscur, notre divinité en germe. Ce combat s'inscrit dans la dynamique d'un retour vers soi. Il a pour but d'éprouver les forces (la volonté) du pèlerin. Ainsi, nous pou-vons citer Luc-Olivier d'Algange lorsqu'il écrit :

« Nous devenons ce que notre œuvre nous prescrit d'être.7 »

6 Génèse 327 Luc-Olivier d'Algange, supra., p. 37

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Nous pouvons nous interroger sur la si-gnification du geste de l'ange, touchant la cuisse de Jacob pour mettre un terme à la lutte. Le choix de ce membre est, en effet, loin d'être anodin.

« Par sa fonction dans le corps, support mobile, la cuisse signifie également la force. La Kabbale in-siste sur cette fermeté analogue à celle de la colonne.

La cuisse de Jupiter (Zeus), à l'in-térieur de laquelle, selon la lé-gende grecque, Dionysos aurait opéré une seconde gestation, mé-riterait toute une analyse symbo-lique, qui lui prête, de toute évi-dence, une signification sexuelle et matricielle. (...) Il [le mot “cuisse”] rejoindrait alors directe-ment le symbolisme de la grotte, ou plus encore de l'arbre creux, ce qui n'est pas en contradiction avec la cuisse considérée exté-rieurement comme une colonne, c'est-à-dire un symbole à la fois d'élévation et de force.8 »

Nous retrouvons ici le symbole de l'arbre creux, bien connu des alchimistes.

8 Jean Chevalier, Dictionnaire des symboles

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« Tiphereth représente le moi le plus élevé dans l'homme. Le Christ intérieur par lequel la per-sonnalité peut consciemment at-teindre le père. Ce principe est parfois figuré sous la forme d'un enfant : l'enfant royal dans le berceau ou dans l'arbre creux. Ceci montre à quel point le cœur est sacré pour la personnalité.9 »

Nous nous trouvons ici encore face aux mêmes symboles, agencés d'une différente fa-çon : la personnalité, l'essence (l'aîné ou l'en-fant royal), la cuisse (ou arbre creux).

La personnalité est le vecteur de la force existentielle, l'écorce de l'arbre creux. Ce qui est dans l'arbre, ce qui est caché, c'est la force christique essentielle, seule à même de nous amener à dépasser l'existence et re-joindre le Père. Mais pour ce faire, la person-nalité / Jacob doit avant tout se réconcilier avec l'essence / Esaü.

9 http://johfra.no.sapo.pt/LeaoPage.htm

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II

Objets et analogie

Tout événement qui se déroule dans le temps et l'espace n'est-il pas l'impression ho-rizontale d'un sens (archétypal) vertical ?

Le monde est alors aussi réel qu'une œuvre d'art, des idées y sont imprimées selon une logique qui n'apparaît qu'à l'Artiste. Der-rière l'apparence se cache un "autre chose", une obscure volonté.

Il est, par exemple, possible de décou-vrir le cheminement d'un auteur de philoso-phie, en parcourant ses travaux, aussi dogma-tiques soient-ils : c'est l'impression du mo-ment d'un parcours philosophique, d'une ten-dance (comme une image sur une photogra-phie) ou plus simplement d'un mouvement. On peut se perdre dans les mots sans rien en dégager, et se faire à son tour le chantre d'une certaine philosophie (regarder le doigt du sage), ou bien dégager les liens qui sous-tendent l'œuvre dans une certaine direction (découvrir la lune).

« 6. Peu à peu j'ai appris à dis-cerner ce que toute grande philo-sophie a été jusqu'à ce jour : la confession de son auteur, des sortes de mémoires involontaires et qui n'étaient pas pris pour tels ; de même, j'ai reconnu que les intentions morales (ou immo-rales) constituaient le germe pro-

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prement dit de toute philosophie. De fait, si l'on veut comprendre ce qui a donné le jour aux affir-mations métaphysiques les plus transcendantes d'un philosophe, on fera bien (et sagement) de se demander au préalable : à quelle morale veulent-elles (ou veut-il) en venir ? 10 »

Pour toute chose, on peut observer une succession d'étapes : chaos, génération, crois-sance, épanouissement, fructification, dégéné-rescence, pourrissement, mort (chaos). Rien ne déroge à la règle.

Il y a un double mouvement : un mou-vement perpétuel qui se fait l'image de cer-taines règles immuables.

Le progrès est une insomnie.

La Vérité n'existe pas.

Aucun fait présenté ou donné, la source fut-elle la plus crédible possible (nos propres sensation), n'est fondamentalement vrai.

Les données que notre mental acquiert ne doivent rester que des supports pour l'in-trospection. Et non pas des pierres venant composer une cathédrale intellectuelle.

10 Friedrich Nietzsche, Par-delà bien et mal

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La première attitude aboutit sur la viva-cité d'esprit et d'imagination, la souplesse in-tellectuelle et la vie (mouvement permanent, kaléidoscopique). La seconde, le savoir crou-pissant, l'érudition rigide et sclérosée puis, au final, la mort de l'esprit (la cathédrale est ter-minée).

La donnée n'est rien, ce sont les liens que l'on tisse à partir d'elle qui sont impor-tants.

Car nous ne tissons ni plus ni moins que notre âme (ou centre magnétique11) – j'y re-viendrais.

La terre est-elle plate ou ronde ? Elle est ronde. Comment le sais-je ? Pourquoi le sais-je ? Le sais-je ? Qu'est-ce que je cherche ? Pourquoi je cherche ? Qui cherche ?

L'accumulation incessante de données, non employées à des fins d'introspection (même si elles y sont destinées), en plus d'être un exercice fastidieux (on contraint la mémoire à conserver des éléments ne possé-dant aucune signification) et inutile, réduit pe-tit à petit notre capacité à plonger dans les profondeurs du sens : le mortier se fixe. Il devient impossible d'envisager un fait sans un autre (forme de la terre et gravité, par exemple).

11 Cf. Ouspensky, Gurdjieff, Mouravieff

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Mieux vaut s'en tenir à très peu de chose et jouer avec, de toute les façons pos-sibles et imaginables. Le déclic peut se faire par la simple observation d'une chaise.

Accumuler les données et tenter de dé-gager une logique de leur agencement est l'attitude digne d'un fou, d'un moderne. Il suf-fit de réfléchir cinq secondes pour comprendre que l'agencement des objets, quels qu'ils soient (mentaux - concepts, physiques - ob-jets, historiques - événements) se fait de fa-çon totalement arbitraire. Autant chercher à comprendre pourquoi une goutte de pluie tombe ici plutôt que là.

En vérité, nul besoin d'amasser, la sim-plicité est prescrite : les liens que nous for-mons par l'exercice de la pensée analogique (pensée vivante) rencontrent, par hasard, cer-tains objets, des "points de repère" qui semblent venir à nous. Nous découvrons alors des similitudes, des symboles ancestraux, des archétypes, qui viennent d'eux-même s'agen-cer dans un ordre mouvant.

Nous devenons riches par accident.

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III

Idées diverses

L'expérience s'accumule d'elle-même, il n'y a pas d'acte volontaire derrière son or-ganisation. Tout au plus nous décidons de nous sacrifier, d'aller souffrir sans certitude du résultat de nos actions. Il sera, à la rigueur, prédictible mais importe peu au final. C'est ce qui l'entoure qui fait l'expérience. Succès ou échec, cela n'a pas beaucoup de sens. L'im-portant est de s'impliquer totalement (d'où le sacrifice) pour recueillir un maximum d'infor-mations.

Les objets (qu'ils soient physiques, historiques, métaphysiques, etc.) n'ont pas de sens en soi, mais en tant qu'ils présentent des similitudes (archétypes).

Un arbre croît au travers des saisons. C'est par la Nature et non par sa propre vo-lonté qu'il s'élève.

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IV

Ouroboros

Étant donné que c'est par ma conscience (ou plus précisément, via le prisme de la conscience corporelle, c'est-à-dire la personnalité, l'ego) que je prête essence aux choses, la pure essence (qualité pure) ainsi que la pure forme (quantité pure) se situent donc hors de moi (de l'ego).

Plus une chose est rare et unique (c'est-à-dire présente le moins de similitudes possibles avec autre chose - sachant que l'op-position est un acte subjectif qui dévoile une égalité, j'y reviendrais juste après), plus cette chose a de valeur (c'est bien évidemment une considération totalement subjective, c'est je qui considère la chose comme rare et unique).

Exemple: un homme affamé qui trouve un bon pour un hamburger gratuit ac-cordera à ce bon une valeur infiniment plus élevée qu'un enfant gâté.

On en déduit que ce qui est le plus rare et le plus unique, absolument, c'est tout et rien.

Je suis riche de ce que je ne possède pas, pauvre de ce que j'ai.

J'ai écrit que l'opposition implique l'égalité. Il n'y a en effet aucune différence de valeur entre tout et rien: ce sont des valeurs

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absolues. Traduisons cela en termes plus simples : la valeur en soi n'existe pas. Donner une valeur à quelque chose, c'est le définir se-lon des critères plus ou moins précis, mais toujours arbitraires (socle traditionnel d'une civilisation, par exemple ou, mieux, notre per-sonnalité). Ainsi on se retrouve à opposer un objet (positif) à un autre (négatif) pour la seule raison que leur direction correspond ou non à la notre propre (conceptions du bien et du mal).

Objectivement, tout ce que l'on peut dire d'un homme qui en tue un autre, c'est qu'il en tue un autre.

Retournons dans le monde, et parlons de choses sérieuses, concrètes, parlons d'AR-GENT.

J'en suis venu, au cours de mes cogi-tationes privatae, à définir l'argent ainsi : l'ar-gent est la foi à son degré le plus inférieur.

En terme d'analogie, l'argent est à la foi ce que la terre est au feu (dans la concep-tion hermétique, bien entendu). Il n'y aurait donc qu'une différence de degré, et non de nature, entre la foi et l'argent. On peut dire de l'une qu'elle est valeur de la qualité (essence) et l'autre, de la quantité (forme). La foi est, par conséquent, plus proche de l'en-soi du monde (la source, la conscience pure) que l'argent (qui, lui, tend vers la forme pure).

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On commence à entrevoir le serpent se mordant la queue : les pays ayant adopté un système économique capitaliste (ou son opposé, socialiste – cf. ce que j'ai écrit plus haut), dont les seuls intérêts sont écono-miques, sont les premiers victimes du nihi-lisme (comparons les taux de suicide de la France ou de la Lituanie avec ceux de la So-malie, par exemple, c'est édifiant). Là ou l'in-térêt est porté sur les questions économiques, il n'y a pas de foi, la vie devient alors son propre sens (immanence, matérialisme, quête superficielle du bien-être, peur de la mort). Que font les pays du tiers-monde de leur foi ? Ils la placent dans l'argent ! (Cela explique donc leur incapacité a émerger d'eux-même, car leur confiance est excentrée, hypnotisés qu'ils sont par le faste ostentatoire, l'artifi-cielle beauté cachant le néant du grand Sta-vroguine12.)

Le serpent se mord la queue, comme toujours, mais en un sens négatif... À moins qu'il n'en ait toujours été ainsi.

Pour finir, la sortie du monde (son dé-passement) se fait nécessairement par sa source. Un gland ne poussera que s'il est mis en terre. Méditez sur l'accouchement : nous sortons de la matrice par là où nous y sommes entrés.

12 Stavroguine est le personnage-clef du roman de Dostoïevski, Les possédés

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V

Un Monstre13

Elle reste essentiellement la même, mais se pare de mille couleurs, mon âme. Que je veille, que je rêve, son regard reste d'une parfaite équanimité.

Les rêves sont des vies, d'une infinité de formes différentes, mais naissant d'une même et unique source.

Les vies sont des rêves, d'une infinité de formes différentes, mais naissant d'une même et unique source.

Comme les échos d'un unique et per-pétuel son de cloche.

Et moi, qui suis-je ? Cette immuabili-té, origine autour de laquelle vient s'agencer le monde à la manière d'un kaléidoscope.

Que devient la Lumière ? Les rayons captés de Jésus-Christ s'épuisent et le som-nambule retourne à l'obscurité. Gonflé d'or-gueil, il prétend être à l'origine de ce qu'il re-flète faiblement ; nature lunaire face à un astre mourant.

Son esprit n'est qu'un rêve et il ne le voit pas. Je suis réel, s'exclame-t-il, je suis vrai - et il s'endort. Au crépuscule d'un temps, il ignore la mort séparant la Nature de ses illu-

13 Jean Guitton, Le travail intellectuel, p. 65

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sions. Aveugle et sourd aux signes des temps, son jeu était faussé depuis le début ; empli de bonnes intentions, il est l'incarnation de l'En-fer. Sa création, c'est la destruction, sa liber-té, l'enchaînement, sa paix, la guerre.

Quel messie peut bien attendre un tel être ? Celui qu'il attend est une limite, une mécanique, un tic-tac rapide et régulier, une habitude, une prévision, un repère, l'incarna-tion de l'Illusion, un séducteur, une lune sans éclat, il est l'absurde, l'impossible, l'incarna-tion de la corrosion, de la matière, de ce qui est le plus bas et le plus froid, il est le repti-lien, le serpent tentateur, la mer inconsciente, le chaos.

Comment dès lors ne pas frissonner d'effroi et de dégoût à sa vue ? Même en pos-sédant une nature similaire, on ne peut sur-vivre à son contact. Toute la question réside là : le voile de Mâyâ peut-il être incarné ?

Le Dasein est le reflet imparfait de l'in-créé. Il est inaccessible car projection, à l'ins-tar des ombres du mythe de la caverne. La question de l'Être ne se pose pas autrement qu'ainsi : qui suis-je ? Qui voit, s'attache, pense ?

Il existe un peuple, le plus orgueilleux que la Terre n'a jamais eu à porter, lui-même portant un lourd, très lourd karma. Il a, jus-

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qu'à présent, ignoré chaque Signe qui lui au-rait permis de s'éclairer et s'est entêté dans l'attente d'un messie en tout point conforme à sa nature illusoire. Ouvrant les yeux, je com-pris que sa nature, c'est la Chute, et son mes-sie, la Mort. Qui sont les maîtres aujourd'hui ? Ce sont ses fils, seuls capables de fournir l'ef-fort surhumain de maintenir un monde de Sé-duction, tirant toute chose à contre-courant afin de les changer en leur nature. Mais dans cette logique, le masque doit finir par tomber. Qui de Méduse ou du Miroir sera pétrifié ?

Ils ont donc, tout comme la femme, un intérêt vital à conserver une aura de Mys-tère, car ce ne sont pas leurs intentions, mais leurs promesses que les somnambules suivent aveuglément, papillons de nuits hypnotisés par la lueur d'un flambeau.

Aspirer à la paix, c'est désirer la mort.

Aspirer à la mort, c'est désirer la paix.

Seuls les morts se reposent ; à vrai dire, hors de l'existence, peu importe. Guerre et Paix en sont des degrés, car tout ici est re-latif. En toute chose, son contraire.

Les pensées elles-mêmes sont relatives et floues. Elles ne peuvent être appliquées et considérées que comme formes artistiques. Tout peut être perfectionné, à l'infini : quelque chose n'est jamais parfait. Le rien l'est.

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L'Art ne peut diriger : appliqué aux hommes, il tue. Il n'y a qu'une façon de gouverner : ne pas gouverner.

« (...) c'est par les idées que les hommes vivent et c'est pour elles qu'ils mourront sans murmurer. Or, toutes nos idées sont meur-trières, aucune d'elle n'obéit aux lois de l'objectivité, de la mesure et de la cohérence, et nous, qui perpétuons ces idées, nous mar-chons à la mort comme des auto-mates. (...) La Révélation nou-velle a beau nous sembler plus que nécessaire, il faut auparavant que le scandale éclate et que nos idées meurtrières épuisent leur démence en exhalant leur malfai-sance (…)14 »

Le Maître n'a aucun effort à fournir.

Car ceux qui contrôlent ne maîtrisent pas.

« Le Maître éminent est ignoré du peuple.Ensuite vient celui que le peuple aime et loue.Puis celui qu'il redoute.Enfin celui qu'il méprise.

14 Albert Caraco, Bréviaire du Chaos, p. 17

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Si le maître n'a qu'une confiance insuffisante en son peuple,celui-ci se méfiera de lui.

Le Maître éminent se garde de parler.Et quand son œuvre est accom-plie et sa tâche remplie,le peuple dit : "Cela vient de moi-même."15 »

Il faut maintenir l'effort avec foi, jusqu'à la maîtrise : « ora, lege, lege, relege, labora et invienes16. » C'est le travail qui libère : comment avancer si je ne donne aucune im-pulsion ?

15 Lao Tseu, Tao-tö king, XVII16 Altus, Mutus Liber

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VI

Cheminement sur le Réel

Le monde qui nous entoure est sans cesse changeant. Les falaises s'érodent ou ap-paraissent au gré des mouvements géolo-giques, les arbres poussent puis finissent par mourir, les cellules composant les corps se re-nouvellent à chaque instant. Toute une série de lois interdépendantes, applicables du ma-crocosme au microcosme maintiennent l'édi-fice indéfinissable, sans cesse changeant, des apparences.

J'en viens à mon propos : je définis le monde apparent comme la permanence im-permanente (et vice-versa) ou, en d'autres termes, le mouvement perpétuel.

Le monde est donc tiré entre deux forces : l'une de création et d'unité, l'autre de dispersion et de multiplicité. Ces deux forces sont étroitement liées : sans l'unité, tout s'ef-fondrerait, sans multiplicité, rien ne s'unifie-rait. Nous redécouvrons les concepts guéno-niens de qualité et de quantité, que l'on re-trouve à divers degrés (mais jamais à des de-grés purs, cela n'existe pas).

Ce qui caractérise le monde manifesté, c'est le mouvement. Tout comme une tornade se forme lors de la rencontre d'un courant d'air froid avec un courant d'air chaud, la quantité rencontrant la qualité forme le mou-vement du monde. Un objet peut certes sem-bler immobile, mais c'est selon une échelle de

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perception temporelle particulière, subjective : soyons certains que le mur qui se dresse face à nous finira par disparaître, même s'il est construit dans les matériaux les plus résis-tants.

La Réalité, ainsi que la Vérité se tiennent hors du monde : on peut dire de ces concepts qu'ils n'existent pas. Toute chose étant imper-manente et changeante, que ces objets soient physiques ou mentaux (une idée est un objet, métaphysique certes, mais un objet en ce sens qu'il possède des limites spatio-tempo-relles - pour s'en convaincre, il n'y a qu'à ob-server l'évolution des concepts philoso-phiques), on en déduit que rien ne peut être absolument saisi17 ou, plus précisément, que l'on ne peut rien posséder, que la chose soit un objet ou une idée. Exit, donc, la Vérité : nul ne peut en revendiquer la possession ex-clusive (absolue).

Le Monde est une image du Réel (sou-venons-nous de l'allégorie de la caverne). Tout ce qui est manifesté est image. Nos sens, en tant qu'ils existent, ne peuvent donc que témoigner de l'image du réel et non du réel lui-même. Si, par la peinture, je projette ma perception d'une atmosphère sur une toile, cette projection ne pourra en aucun cas être tenue pour ma perception, et encore moins pour être le réel perçu : la toile est une image de ma perception, et l'image de l'image que j'ai du réel.

17 Clément Rosset, Fantasmagories

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« La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s'est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve.18 »

Le Réel se reflète dans l'existence, tout est un reflet du Réel : tout objet est la synthèse d'une qualité essentielle permanente et d'une quantité formelle impermanente, la synthèse du Tout et du Rien, de l'Absolu et de Lui-Même, de l'Alpha et de l'Oméga. Par exemple, les cellules composant mon corps se renouvellent sans cesse selon un modèle gé-nétique précis.

On peut en quelque sorte dire que le monde manifesté est un écho du Réel. Un fait acoustique est qu'il est impossible de détermi-ner la nature d'un son sans son impulsion, en se basant uniquement sur son écho ; de même un son ne peut exister s'il n'a d'écho (dans l'espace par exemple). On en déduit que le Réel se manifeste à chaque instant - précisons - dans chaque instant. Le présent est le moment ou l'éternité (permanence ab-solue) et l'absence de temps (impermanence absolue) se rencontrent. Il est insaisissable.

18 Mawlânâ Djalâl Od-Dîn Rûmî

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VII

Intelligibilité

Il est inutile de chercher à être clair. J'affirme cela en raison de ma propre expé-rience. Ceux qui veulent comprendre sont ceux qui peuvent comprendre. Obscurcir ses paroles permet, en outre, de séparer le bon grain de l'ivraie. Je ne parle évidemment pas d'un incompréhensible amphigouri sans queue ni tête, mais de l'application de ceci :

« Ne donnez pas les choses saintes aux chiens et ne jetez pas les perles aux pourceaux, de peur qu’ils ne les foulent aux pieds et que, se tournant contre vous, ils ne vous déchirent.19 »

Je n'ai plus l'envie de maintenir les liens qui m'apparaissent, encore moins de les formaliser. Pourtant cela me semblait être un bon exercice, on m'a répété toute ma jeu-nesse que ce qui se conçoit bien s'énonce clai-rement. Mais comment énoncer ce que l'on ne peut saisir, ni par l'intellect, ni par les sens? Le silence s'impose.

« Vous arrive-t-il d'écouter quel-qu'un ? Non, vous n'écoutez ja-mais que vous-mêmes. Quand vous laissez agir de lui-même votre sens auditif il n'y a plus que

19 Matthieu 7:6

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la pure vibration du son et les mots se répètent en vous comme l'écho à l'intérieur d'une pièce. Ce sens fonctionne exactement de cette même manière en ce qui vous concerne ; la seule diffé-rence est que vous croyez que les mots que vous entendez viennent de l'extérieur. Soyons clairs : vous n'entendez jamais un seul mot de quelqu'un d'autre quelles que soient les relations d'intimité que vous croyez avoir avec cette personne ; vous n'entendez que vos propres traductions ; ce sont vos mots que vous entendez. Tous les mots formulés par cette autre personne peuvent bien être pour vous un bruit, une vibration, saisie par le tympan et transmise au cerveau par la voie du nerf au-ditif. Vous traduisez continuelle-ment ces mots en essayant de les comprendre parce que vous dési-rez tirer quelque chose de ce que vous entendez. C'est parfait lors-qu'il s'agit d'une conversation du type : "Voilà de l'argent ; donnez-moi un demi-kilo de carottes" mais c'est la limite de vos rela-tions, de votre communication avec qui que ce soit.20 »

20 Rencontres avec un éveillé contestataire : U.G.

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VIII

Actif & Réactif

«cLa lumière divine se répand sur tout pareillement, pourtant, elle n'est pas assimilée pareillement : le cœur grossier d'en bas l'ab-sorbe comme un trou noir, le cœur subtil d'en haut la reçoit et la réfléchit.21 »

La lumière divine, c'est le Réel.

Le cœur grossier d'en bas correspond au réactif chez Nietzsche ou au SDS chez Lau-ra Knight-Jadczyk. C'est le cœur mental (ego, "je", etc.) qui, de nature illusoire, doit absor-ber et interpréter les sensations reçues afin d'assurer sa subsistance. L'homme endormi, non conscient de lui-même, celui qui incarne des idées et des illusions et vit (peut-on appe-ler ça vivre ?) au nom de ces illusions. Il s'ac-croche a ses identités.

Le cœur subtil d'en haut correspond quant à lui à l'actif nietzschéen et au SDA LK-Jien. « Celui qui pense tromper son maître ne fait que se tromper lui-même.22 » Celui qui se trouve dans un tel état peut être nommé éveillé, übermensch, miroir, Homme, réalisé, maître, parfait. Il a cessé le jeu de Mâyâ et in-carne désormais la Nature, libéré de la tyran-nie de l'ego. Il est libre.21 Robert Fludd, Philosophia Sacra22 AZac Dante, J'ai bu le sang des étoiles

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« Parmi les maximes du Zen qui indiquent la direction dont il s'agit, nous citerons celles-ci : la "grande révélation", que l'on at-teint après une série de crises mentales et spirituelles, consiste à reconnaître qu'il "n'existe aucun au-delà", rien "d'extraordinaire", que seul existe le réel. Mais le réel est perçu dans un état où "il n'y a pas de sujet de l'expérience ni d'objet expérimenté", un état caractérisé par une sorte de pré-sence absolue, où "l'immanent se fait transcendant, et le transcen-dant immanent".23 »

« La démarche initiatique n'est qu'une illusion de plus, pour faire tomber toutes les illusions.24 »

23 Julius Evola, Chevaucher le tigre, pp. 158-15924 AZac Dante, supra., p. 33

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IX

Généalogie, partie I

A : Idée a

B : Idée b

C : Remontée ontologique (généalogique)

D : Réalité ontologique du symbole (qualité pure)

E : Champ de manifestation du symbole (quantité pure)

La réalité ontologique est vide, il n'y a plus de sens. L'intellect ne peut se déployer qu'entre les deux absolus (+ et -), il ne peut en aucun cas accéder à la réalité. Le champ

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de manifestation est donc vide aussi (ce sont l'Alpha et l'Omega). Deux concepts apparem-ment opposés, prenons par exemple la guerre et la paix désignent, lorsque l'on effectue une remontée ontologique, la même réalité mais en sont, bien évidemment, distincts. En (la) réalité, il n'y a ni guerre, ni paix.

Les limites du champ intellectuel (in-tellect, mental, ego, jus d'orange ou ce que vous voulez) et surtout la nature illusoire de l'ensemble apparaîssent clairement. Quel est l'intérêt d'effectuer tout ce satané travail ? Il y en a plusieurs, tous liés :

− Résistance à la séduction (illusion).

− Acquérir une autonomie intellectuelle en ne se basant plus que sur son ex-périence propre (exit l'attachement aux croyances venant de Dieu sait où). Il devient de plus en plus difficile d'incarner des concepts, des idéolo-gies, cela provoquant des tensions.

− L'âme acquiert donc progressivement son équanimité. Avant de disparaître (car c'est un concept).

− Plus rien, la paix !

Approfondissons : aller dans le sens de la paix, c'est-à-dire s'éloigner de la réalité ontologique à laquelle fait référence ce sym-bole, c'est se diriger vers le vide de façon in-consciente. La paix absolue c'est la dissolution via l'affaiblissement : éloge de la faiblesse, de

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la différence, de la tolérance, de l'amour, etc. (symboliquement, la mer/mère, l'élément eau). La guerre absolue, la dissolution via la destruction : on a tous en tête l'image de l'apocalypse de film de série B avec des bombes nucléaires explosant tout autour de la Trre, etc. (symboliquement, l'élément feu). Dans tous les cas, cela revient à détruire le monde au nom d'une idée.

Pour ma part, je préfère l'inverse, détruire les idées au nom du monde.

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X

Généalogie, partie II

A : Champ de la médecine

B : Champ de la science de l'armement

C : Champ du langage

D : Champ de l'art

I : Alpha (qualité pure)

II : Omega (quantité pure)

(Ce sont bien évidemment des exemples, il est impossible d'être exhaustif)

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Analyse:

Plus on s'éloigne du centre ontolo-gique Alpha (c'est-à-dire du Réel) et plus on s'enfonce dans l'illusoire sujet (se diriger vers Oméga), plus la somme d'énergie nécessitée pour progresser est importante et plus les dis-tinctions sujet/objet et objet/objet prennent de l'importance (mouvement allant de l'unité vers la multiplicité).

J'ai choisi de découper les "champs de manifestation" représentés sur le schéma en trois parties. C'est totalement arbitraire : il n'y a pas de "saut" entre chaque partie, juste une différence de degrés :

Par exemple, a1 peut correspondre à l'antique sorcier guérisseur, que l'on peut re-trouver dans les peuples dits primitifs. Il dé-tient toute la connaissance de la médecine et a une vue globale sur son art. Il est capable de le maîtriser. Au niveau a2, les spécialisa-tions commencent à apparaître et créent des voies qui se distinguent au fur et à mesure de la chute (du principe Alpha vers le néant Oméga). Ainsi ce stade peut correspondre à l'apparition d'une distinction entre une méde-cine de l'esprit (psychanalyse) et médecine du corps. Au cours de la progression, il y aura de plus en plus scission entre les objets du champ de la médecine. Ainsi, en a3, les spé-cialisations deviennent innombrables. Méde-cine nucléaire, médecine allopathie, naturopa-thie, psychothérapie, hypnothérapie, kinési-thérapie, chimiothérapie, psychanalyse, etc.

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Les principes arbitraires nécessités pour avan-cer dans telle ou telle voie deviennent tôt ou tard des dogmes qui, s'ils sont erronés (en-tendre, trop éloignés de la nature, donc de la réalité), deviennent, au cours du temps, de véritables scléroses (pensons au mythe de la vaccination, par exemple). La médecine se change en meurtre de masse.

Pour b1, b2 et b3, on peut imaginer la progression ayant mené de la première arme (une massue en bois, peut-être) aux diverses bombes atomiques, bombardiers, grenades, mitrailleuses, etc.

Pour ce qui est du champ du langage, l'ontologie que je pratique se situe complète-ment à contre-courant des divers mouve-ments philosophiques, linguistiques, analy-tiques contemporains (je pense notamment à un ouvrage que j'étais censé étudier, La lo-gique des noms propres de Saul Kripke, une horreur). D'un témoignage originel de la réali-té (s'incarnant nécessairement dans une forme linguistique arbitraire, par exemple la parole de Jésus-Christ telle qu'on peut la re-trouver dans l'évangile apocryphe de Thomas), on aboutit au final aux infinis fan-tasmes d'esprits presque totalement coupés de la nature.

Pour employer une analogie, les pa-roles d'un Maître sont comme les rayons du soleil : en les suivant, on se dirige vers le néant et cela crée de plus en plus d'espace, de temps et d'obscurité tandis que si l'on re-

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monte à la source, on finit par atteindre la lu-mière et la simplicité, transcendant toute illu-sion pour atteindre la suprême réalité du hic et nunc.

Enfin, dans le dernier exemple que j'ai utilisé, le champ artistique, on part d'une re-présentation anonyme de la nature pour fina-lement aboutir aux éructations d'egos en mal de considération. Hélas pour ces derniers, ils n'existent pas en Réalité. D'une même façon, il n'y a ni pure prose (langage séparé du su-jet), ni pure poésie (langage et sujet fondus ensemble) : le langage n'est que prose poé-tique (ou vice-versa pour les pinailleurs).

Je ne cherche pas à expliquer mes propos plus que de raison (cela demanderait trop d'efforts et un risque de dispersion non négligeable), j'emploie suffisamment d'analo-gies et de rapprochements symboliques pour que les liens puissent transparaître. Il y aurait mille déductions à faire, rien qu'avec ce sché-ma. Lisez Mircea Eliade, il exprime les choses de façon très claire dans deux de ses ou-vrages, à savoir Le sacré et le profane et Le mythe de l'éternel retour. Le primitif est plus proche du Réel que l'homme moderne de nos civilisations. Bernard Ruaud l'a ainsi très clai-rement exprimé :

« Aujourd'hui aucun culture n'est digne d'intérêt, mais suivie par tous : la nature seule est vraie et n'intéresse personne.

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Comment à la naissance la repré-sentation des cinq sens se construit, avec l'élément unifor-misant de l'inconscience, de l'habitude et de la culture ?La paresse ou l'incapacité ou les deux, nous oblige à nous rabattre sur les croyances avec leur auto-rité du passé, aide du mer-veilleux.

La vie naturelle est bousculée par la vie culturelle.

La culture est la prétention de corriger la nature, (la culture n'est pas tout le savoir, mais es-sentiellement ce qui éloigne de la nature jugée trop inhumaine).25 »

25 http://laconnaissancedesoi.exprimetoi.net/mots-de-mon-enseignant-f5/

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XI

Exhaustivité

Concrétiser la compréhension d'une question de façon exhaustive est quelque chose d'impossible pour plusieurs raison. La première, qui me saute aux yeux, c'est le phé-nomène de dispersion qui apparaît tôt ou tard : à chaque idée, une arborescence de concepts annexes apparaît, il faut donc choisir une direction arbitraire au risque de devoir faire référence aux points n'ayant pas pu être traités. Un exposé exhaustif sur la question qui m'intéresse, celle de l'Être, me semble être impossible.

Alors quoi ? Il y a, avant tout exposé, un choix à faire : aller vers l'exhaustivité au prix de l'intelligibilité ou l'inverse. Le premier choix possède ses inconvénients et ses avan-tages : il est plus aisément accessible à la ma-jorité car plus structuré mais demande davan-tage d'effort intellectuel pour que son essence puisse être saisie, le risque d'incompréhension est beaucoup plus important. L'amphigouri fi-nit souvent par apparaître. Un bon exemple du choix d'une telle méthode: Être et temps de Martin Heidegger. Le second choix me semble avoir pour seul inconvénient, si tant est qu'il puisse en être un, d'aboutir à des dis-cours élitistes, je renvoie à mon billet intitulé Intelligibilité.

L'écriture vraie (ayant pour prétention de refléter le Principe masqué derrière une

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question) doit être vivante et dynamique. In-ternet offre d'intéressante possibilités à ce titre.

Ma méthode de prédilection reste donc de choisir un thème au hasard (ou comme il se présente à mon esprit) et de "fuguer" des-sus, afin de remonter au Principe (qui est in-accessible, méta-intellectuel). Les multiples analogies finissent par former une trame entre les diverses fugues principielles.

« Pour ceux qui connaissent le sens profond des choses, les paroles brèves sont des commentaires ; pour ceux qui se fient aux apparences, les vastes discours ne sont que des abrégés imprécis.26 »

26 Mawlânâ Djalâl Od-Dîn Rûmî

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XII

Prose et poésie

A : Chaos pur, silence

B : Champ de la mani-festation, langage

C : Ordre pur, silence

D : Mouvement ascen-dant, poésie

E : Mouvement des-cendant, prose

Qu'est-ce que le silence ? Pouvons-nous en avoir l'expérience ? De façon indirecte oui, lorsque l'on se réveille. Dans le sommeil profond, il n'y a plus de mental, donc plus d'expérience, donc le silence. Essayons de voir comment le silence s'articule avec le langage.

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Prose et poésie sont indissociables, ce sont des noms caractérisant des degrés de langage différents tout comme chaud et froid caractérisent des températures différentes. Cela induit bien entendu des composantes subjectives (sensibilité, impressions sur soi) et objectives (lois, impressions sur le monde). On ne fait pas bouillir de l'eau avec des gla-çons, de même l'âme ne peut s'échauffer sans poésie.

Le langage poétique est imagé, la prose elle, est mentale. Cette dernière dé-coule de l'acte créateur de la poésie. En effet, les objets n'ont pas été nommés avant d'être. Les images merveilleuses s'offrant à l'esprit dans la contemplation adamique ont chuté avec l'homme en prenant nom, se sont maté-rialisées. Ce qui se tenait de toute éternité dans l'Être, le hic et nunc, s'est mis à exister. C'est par la poésie que le fils prodigue revien-dra au paradis, que son âme adamique re-trouvera le chemin d'Eden.

Le rêve beaudelairien de prose poétique27 m'amuse : essayons d'accorder deux per-sonnes sur la notion de tiède. Absurde !

Comment exprimer l'absence de mental, le si-lence ? Je pense que c'est une histoire de sen-sibilité. La poésie peut avoir recours à des images différentes, voire opposées, de façon souple et cela sans se contredire, sans devenir incohérente et tendre, d'une certaine façon, vers le centre principiel dont toute chose dé-27 Beaudelaire, Petits poèmes en prose

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coule. À l'instar du doigt du sage, pointant vers la lune. La prose, plus éloignée, demande plus d'efforts, reste rigide et froide, et ne peut réellement éclairer l'âme qui cherche. Pour employer les termes du poète Rûmî, elle n'est qu'un abrégé imprécis.

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XIII

Devenir Chevalier

« L'addition de choses étrangères est la lèpre de nos métaux.28 »

La lèpre de notre corps, c'est l'ego, élément étranger par excellence. Ce sont en effet les croyances qui corrompent le corps et conditionnent nos comportements. Ces idées sont très malignes et redoublent d'ingéniosité pour assurer leur relative pérennité. Nous pouvons reprendre le schéma habituel que voici :

28 Basile Valentin, Les douze clefs de la philosophie

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A : Réalité «extrin-sèque»

B : Champ mental, Ego

C : Réalité «intrin-sèque»

D : Ego blanc, cheva-lier

E : Ego noir, dragon

Quelques précisions, pour commen-cer : j'ai choisi d'écrire "intrinsèque" et "ex-trinsèque" mais ces mots n'existent que pour l'ego qui instaure la division entre le monde et l'esprit (le champ mental n'a aucune réalité, il est une illusion, la Mâyâ des hindouistes). Éloigné de la réalité, il la rend inaccessible et utilise tout un panel de ruses afin de subsis-ter. Ce sont la justification (comme on la ren-contre en psychologie, par exemple), le désir de possession (fusionner avec un objet afin d'assurer son immortalité - ce qui est une chi-mère), l'attachement (idem), la séduction (utiliser le mensonge pour s'auto-confirmer), etc. L'ego n'est autre que Tantale, souffrant de la faim et de la soif, de ses dé-sirs.

J'ai instauré deux degrés d'ego diffé-rents sur le schéma, l'ego blanc, dit Chevalier, et l'ego noir, dit Dragon. Ce sont des images souvent employées dans la tradition hermé-tique, très claires je pense. D'après mon sché-ma, donc, ils apparaissent comme deux pôles d'une seule et même chose : le mental. Le Chevalier apparaît chez celui qui s'efforce de remonter vers la Réalité intrinsèque et éclaire,

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par la lumière de sa conscience, sa nature illu-soire. D'où les propos de Cyliani :

« Lorsqu'on a tout perdu, que l'on a plus d'espoir,La vie est un opprobre et la mort, un devoir.29 »

Le Chevalier a perdu ses illusions et rencontre, sans peur, le Gardien du Seuil.

On observe, chez celui qui travaille à devenir un Chevalier, une succession d'étapes de crises et de reconstruction : le solve et coagula des alchimistes. Ces étapes per-mettent de blanchir l'ego, en attendant la ren-contre finale.

29 Cyliani, Hermès dévoilé

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XIV

Parasitisme métaphysique

Les conflits psychiques sont toujours basés sur le langage : un mot (concept, no-tion, idée) s'ancre dans le mental (on peut même en l'occurrence employer le terme de parasiter) en se définissant comme partie de l'ego et en s'attribuant une certaine valeur. Ce mot n'étant pas la réalité, il se met à l'inter-préter en fonction de ses besoins. Grâce à deux mécanismes précis que nous allons voir, il filtrera ce qui le nie et ce qui le confirme, éloignant la conscience de l'un et l'orientant vers l'autre. La fixation dépend de deux fac-teurs : la culture (éducation et milieu culturel) et l'expérience. C'est la culture qui crée la va-leur, qui vient se fixer dans le champ mental à l'aide de l'expérience de l'individu.

Un concept parasitant crée la sensa-tion d'identité (séparation d'avec le monde : je suis cela) et parvient à subsister via deux mécanismes : l'émotion (peur face à ce qui me nie, plaisir face à ce qui me confirme) et l'intellect (justification, croyances). Je définis par conséquent la personnalité comme un faisceau de concepts, insondable car irréelle. Ce qui fait de la culture un véritable parasite métaphysique.

Il est intéressant de voir à quel point ces concepts peuvent façonner une existence. L'illusion métaphysique prend peu à peu con-trôle du corps en lieu et place de la Nature. Le

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brouhaha illusoire de l'ego, tel mille dieux ri-canants, gémissants et grimaçants, masque peu à peu le Silence originel de la pure réalité ontologico-biologique. Mis à part le sommeil où le mental s'efface progressivement (pas-sant d'un mode conscient à un mode incons-cient, avant de s'arrêter tout à fait puis de re-prendre sur un même mode, inconscient puis conscient), le Silence n'est rencontré qu'à la mort. Une personnalité non chevaleresque sera terrifiée par ce passage. De façon plus générale, le Silence se manifeste à l'aide d'une sensation bien connue : l'ennui. Qui res-sent l'ennui cherche aussitôt à le fuir, en se plongeant dans l'existence, dans l'activité. Je ne sais pas quoi faire. Cette phrase, nous l'avons entendu des centaines de fois. Pour-quoi agir ? Pour oublier cet ennui, pour fuir cette insupportable vérité : je ne suis rien.

Un Chevalier ressent en permanence cet ennui qui l'accompagne, car il est très conscient. Nulle activité ne peut effacer cette sensation, contrairement aux esprits plus chtoniens, dragonesques, qui s'oublient facile-ment dans l'action.

Pour en revenir au sujet du parasi-tisme métaphysique, j'ai eu l'occasion expéri-menter la ruse et la malignité de ces idées pa-rasites à plusieurs reprises, sur moi-même et sur d'autres. Je suis incapable d'expliquer comment ces expériences sont arrivées. La dernière fois j'ai simplement laissé les choses venir, sans faire de saisie et les choses se sont faites naturellement : j'ai pu guider une

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amie à se défaire d'un mot qui limitait son comportement dans un grand nombre de si-tuations. La situation est apparue d'elle-même : j'ai d'abord ressenti intensément le blocage (il est venu s'opposer à un élan natu-rel), ensuite un choix est apparu pour cette amie : ou elle se débarrassait de ce concept parasite, ou je m'en allais. Mes expériences sont sensiblement similaires : ou je me débar-rassais du mot qui m'empêchait de vivre, ou je mourais. Car cette dissolution est vécue par l'ego comme une mort, l'événement est tou-jours placé sous le sceau de la terreur. Puis le bruit s'efface et laisse la paix du Silence s'écouler.

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XV

La Chute et les dieux

Est-il possible d'agir sur ces parasites?

« 3 Mais quant au fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n’en mangerez point et vous n’y toucherez point, de peur que vous ne mouriez.4 Alors le serpent dit à la femme : Vous ne mourrez point ; 5 mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ou-vriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal.30 »

Une jolie ruse. Le serpent n'a pas menti, cela dit. Incarner les dieux, c'est être comme eux.

Les dieux sont les forces qui façonnent les paysages, qu'ils soient intérieurs (personnali-tés) ou extérieurs (mondes). Leur essence même échappe à toute saisie, mais l'homme possède un pouvoir: celui de les nommer, par-tant de les invoquer. Le nouveau-né pénétrant dans le monde possède un esprit vierge, son paysage intérieur n'est encore qu'un chaos, une mer informe: il est inconscient et heureux jusqu'à sa naissance. Dès lors, le serpent, au-trement dit l'illusion du monde, s'adresse à

30 Génèse 3

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l'enfant sur le mode de la séduction (visant la partie féminine, émotionnelle, encore non nommée) et le fait, d'une certaine façon, choir dans le monde mental, seule façon de conqué-rir la conscience en germe. Ce sont les dieux qui façonnent ce chaos primordial. Situons ces archétypes: le serpent représente le rêve du monde, doté d'une infinité de dieux eux-mêmes soumis et renvoyant au Principe Créa-teur, source de tout ce qui est. La chute est à analyser d'un point de vue ontologique.

A : Principe incons-cient

B : Serpent

C : Principe conscient

D : Esprit majeur

E : Esprit mineur

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Il est possible de s'enfoncer dans la soumission aux forces du monde en se diri-geant vers l'inconscient (l'esprit mineur, qui est inconsciemment dominé par une pléthore de dieux) ou de s'élever vers la lumière du Réel (l'esprit majeur qui conquiert son indé-pendance et se libère du joug des archétypes - cf. Devenir Chevalier). L'esprit mineur est attiré par l'obscur reflet du principe (les arché-types se situent dans l'inconscient collectif et agissent dans l'ombre) : il est incapable de se tourner vers soi et sa mauvaise interprétation des symboles l'égare dans le monde (et, pour notre plus grand malheur, il égare souvent les autres). L'esprit majeur a quant à lui acquis une connaissance personnelle et consciente de ces archétypes. Il les situe en soi et observe leur influence, sans effectuer de saisie.

« Connais-toi toi-même et tu connaîtras l'univers et les dieux.31 »

Les dieux formant l'esprit et le monde dépendent de la relation entre culture et na-ture, leur rôle étant totalement minimisé, si ce n'est nié dans la civilisation occidentale. Ils sont des forces de vie et, à l'instar de Janus, chacun possède un double visage. Honorés dans les lumières de la conscience, ils mani-festent leur potentiel de création, mais aban-donnés aux ténèbres de l'inconscience, ils

31 Inscription célèbre gravée à l'entrée du temple de Delphes et reprise par Socrate.

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phagocytent toute tentative physique d'éman-cipation (la culture est un phénomène mental, elle est antinaturelle et ne peut être réalisée, matérialisée). Ainsi, qui cherche à atteindre la Paix absolue finira par aboutir à une tension absolue, donc la Guerre absolue. Qui cherche la Guerre absolue aboutira à la destruction ab-solue, donc la Paix absolue. Nous ne révérons plus le dieu de la Guerre et de la Paix et pré-tendons agir à sa place, contrôler ce qui ar-rive. D'où les troubles de ce siècle.

Mircea Eliade l'a souligné dans son ou-vrage Mythes, rêves et mystères, le rôle qu'a joué aux XIXe et XXe siècles l'idéologie mar-xiste n'est pas sans rappeler des thèmes my-thologiques bien connus : le combat du bien contre le mal, l'âge d'or, la fin du temps. Tout cela était bien sûr inconscient et finit par aboutir à un contrôle dans le but de réaliser cette dimension mythologique dans l'exis-tence. Pour se convaincre de l'impossibilité d'une telle matérialisation, ou plutôt devrais-je dire désacralisation du Sacré, situons les nombreux échecs subis par cette idéologie au cours du XXe siècle et les dégâts qu'elle a créés.

« Quoique l'on pense des velléités scientifiques de Marx, il est évident que l'auteur du Manifeste communiste reprend et prolonge un des grands mythes eschatolo-giques du monde asiatico-médi-terranéen, à savoir : le rôle ré-dempteur du Juste (l'élu, l'oint,

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l'innocent, le messager, de nos jours, le prolétariat), dont les souffrances sont appelées à chan-ger le statut ontologique du monde. En effet, la société sans classes de Marx et la disparition conséquente des tensions histo-riques trouvent leur plus exact précédent dans le mythe de l'Âge d'or qui, suivant les traditions multiples, caractérise le commen-cement et la fin de l'Histoire.32 »

La volonté de contrôle s'intensifie alors que l'écart entre la culture et la nature se creuse. Cette volonté de contrôle implique à terme l'oubli des dieux et l'oubli du monde. Poussée à l'extrême, l'homme de la chute in-conscient tirant à son plan d'existence les symboles finit par n'en manifester que les par-ties obscures. La mort, la destruction et le chaos s'abattent sur ceux qui tentent de cor-rompre les dieux, car c'est à l'homme de s'élever et non à ces puissances de s'abaisser.

« Le rapport de la Culture à la Nature, c'est le vice !33 »

Je vais plus loin : contrôler, c'est se soumettre inconsciemment aux dieux. Lorsque nous les écoutons, ils sont nos guides, mais

32 Mircea Eliade, Mythes, rêves et mystères, p. 2433 Bernard Ruaud (voir la note Généalogie, partie

II)

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gare à nous si nous les ignorons, leur colère peut être terrible.

Pour finir, voici un exemple : une personne contrôlant sans cesse son aspect physique se soumet au double visage de la Beauté. Dépen-dant de critères subjectifs, l'appréciation de la Beauté est toujours relative au lieu, à l'époque et à la race, je n'apprends rien à personne. Cette personne, donc, se sentira laide si elle n'effectue pas tel ou tel rituel (se déroulant le plus souvent dans le temple de la Beauté, au-trement nommé salle de bain). Bien sûr, il faut voir tout cela en terme de degré. Plus un individu contrôle son image, plus il veut être parfait, plus il devient obsédé par la Beauté, plus il épuise son énergie dans une succession de rituels qui aurait de quoi effrayer les plus simples d'entre nous (qui passons à peine cinq minutes par jour dans ce temple). Tout est une question d'harmonie : dans ce cas l'excès de zèle tue (l'excès d'hygiène affaiblit le corps), l'absence de zèle pue.

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XVI

Maîtrise

La volonté d'imitation est une volonté d'incarnation d'archétype (idée, dieu, esprit). L'incarnation (ou intégration) n'est réalisable qu'à la suite d'une soumission, consciente ou non. Dans la première situation, nous pouvons ranger tout art (au sens technique). Analysons cela : le pratiquant doit tout d'abord se sou-mettre, s'il veut espérer apprendre ; il se sou-met à celui qui est désigné comme maître, in-carnation de la loi. C'est une fois la soumis-sion effective qu'il pourra commencer à obser-ver et pratiquer afin d'intégrer, de canaliser l'esprit de l'art. Selon la richesse et la profon-deur de la technique étudiée, et du potentiel de l'étudiant (volonté et intelligence), l'inté-gration se fera plus ou moins rapidement. Une fois intégré, au terme d'un grand labeur, l'étu-diant devenu maître apportera ses propres contributions : l'esprit de l'art est dompté, le maître et l'esprit vivent en harmonie. Les véri-tables maîtres, de ce point de vue, sont rares. Je songe par exemple à Jean de Sainte-Co-lombe, maître de Marin Marais reconnu comme maîtrisant à la perfection l'art de la viole de gambe34.

L'imitation en vue d'incarner un esprit suit donc ce modèle très général : soumission, ob-servation, pratique et incarnation, les trois premiers éléments devant être pratiqués si-

34 Pascal Quignard, Tous les matins du monde

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multanément et le dernier n'étant pas un but à atteindre, mais se manifestant le moment venu. On retrouve la célèbre formule du Mutus Liber : « Ora, lege, lege, relege, labora et in-venies. »35 (prie, lis, lis, relis, travaille et tu trouveras).

C'était ici le cas d'une intégration consciente. L'ego, quant à lui, est un amal-game d'intégrations non-conscientes effec-tuées durant l'enfance. Les esprits ne sont pas contrôlés, il n'y a pas d'harmonie avec le men-tal, mais une domination. Nous sommes sou-mis à des dieux dont nous ignorons le nom (les nommer, ou du moins les désigner semble faire partie du processus de libération). Les tics du langage sont par exemple révélateurs de ces soumissions.

On peut se demander quel est l'intérêt d'intégrer un archétype, étant donné que sa nature même est illusoire (l'esprit d'un art ne peut se manifester que s'il est invoqué, c'est-à-dire manifesté dans la conscience, il n'existe pas à l'état pur). C'est pour la simple raison qu'un archétype offre sa puissance à celui qui l'invoque. Croître, c'est acquérir de la force, sans esprits, l'enfant ne pourrait vivre bien longtemps dans le monde : c'est une nécessi-té naturelle. Notre éducation est telle que nous n'apprenons plus à maîtriser ces esprits (et que, plutôt d'en invoquer un précis qui pourrait nous guider, nous les évoquons en masse - songeons à l'importance de l'appren-

35 Altus, Mutus Liber

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tissage théorique vis-à-vis de l'apprentissage pratique à l'école), par conséquent la majorité de la population est soumise, perdue et souffre. Mais nous pouvons imaginer qu'une époque plus spirituelle (comme le modèle de société évoqué par Scott Baker dans ses livres Kyborash et La Danse du Feu) ne permet à l'enfant de n'être accompagné que par un seul archétype précis, choisi de la façon la plus juste (c'est là que les systèmes de castes semblent trouver leur justification).

Il y a une remarque à faire, concer-nant la vie sacrée et la vie profane : il faut prendre en compte la pratique, consciente ou non des archétypes. La vie profane est la vie manifestée, le champ de pratique des arché-types, mais la différence est notable entre un maître accompli et un inconscient. La vie sa-crée, c'est le retour au temps pur des ori-gines, in illo tempore, à l'instant du Principe. Un esprit mineur est quasiment prisonnier de la vie profane ; aujourd'hui, les seuls moyens d'évasion dont bien souvent il dispose sont les distractions et loisirs offerts par le monde mo-derne. Rien de tout cela dans une société saine, le travail est en lui-même un lieu sacré. Mais je m'égare. Une personne maîtrisant un art dépasse la dualité sacré/profane lorsque il invoque l'esprit qui le guide (un maître de guerre sur le champ de bataille, un maître d'art martial sur le tatami, un maître de mu-sique dans une salle de concert, etc.).

Les dieux possèdent, comme je l'ai évoqué une autre fois, un double visage. Qui

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est soumis à eux subira les tensions, batailles et intrigues qui se déroulent dans son champ mental incontrôlable. En fonction des stimuli reçus, tel esprit obtiendra ce qu'il cherche, tel autre tentera de s'enfuir, créant de véritables contradictions internes, dépendant de l'impor-tance et de la force de chacun des archétypes. Comment s'en sortir ? Comme un véritable étudiant, il convient de choisir l'esprit qui nous guidera et aspirer à la maîtrise, sans penser à rien d'autre, sans se laisser détourner. Bientôt les esprits s'ordonnent autour d'un seul et l'étudiant faible devient petit à petit fort et se centre progressivement (devient droit). Les parasites inutiles sont éliminés, parfois non sans souffrance, mais si la volonté est pré-sente, il n'y a rien d'insurmontable. Le maître n'est plus victime des deux visages de l'esprit qu'il a choisi de suivre ; au contraire, il les in-carne.

Ceux qui ont déjà eu la chance d'ob-server un maître en action comprendront mon propos.

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XVII

Langage et conscience

La conscience humaine est constituée par la mémorisation du langage, lui-même composé d'un double aspect. Le pôle appa-rent, matériel, correspond à l'aspect prosaïque du langage. Le seconde pôle, invisible et sub-til, correspond à l'aspect poétique. En d'autres termes, le caractère et l'âme. Il n'y a pas de distinction efficiente entre ces deux pôles, il faudrait en effet étudier cette dualité en terme de degrés.

Le langage acquis est employé de fa-çon partagée, principalement dans les échanges pratiques, c'est la fonction principale des degrés inférieurs de l'âme. On peut dire que la conscience est double : d'un côté elle désigne le monde et de l'autre, la source du monde, via son pôle poétique. En effet, c'est dans la subtilité des pensées que se dévoile sa richesse (attention toutefois à ne pas confondre subtilité et complexité).

Le poète (celui dont l'âme est élevée) ne rêve pas d'un ailleurs merveilleux, n'essaye pas de matérialiser vulgairement un paradis perdu. Au contraire, il sacralise l'instant, quel

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qu'il soit. Le regard du poète est une hiéro-phanie.

Vouloir universaliser et concrétiser une vague conscience du paradis perdu, c'est une attitude typique du vulgus pecum, type d' homme qui hélas domine aujourd'hui et qui, dans la folie propre à son genre, voudrait en-traîner l'univers dans sa chute.

Car l'erreur du vulgaire est là : il prend le langage pour la réalité, se confond avec son corps et sa personnalité. Dans un cartésianisme aveugle, il désigne l'ego comme seule vérité. Cette confusion résulte d'une identification presque complète avec les choses du monde. Le langage permet certes la création et l'ordre, mais il est précédé par le réel.

« 1 Au commencement était le Verbeet le Verbe était tourné vers Dieu,et le Verbe était Dieu.2 il était au commencement tour-né vers Dieu.3 Tout fut par lui, et rien de ce qui fut ne fut sans lui.4 En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes,5 et la lumière brille dans les té-nèbres,et les ténèbres ne l'ont pas com-prise.36 »

36 Évangile selon Saint Jean, 1

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Le langage permet de saisir et de for-mer le chaos du monde. En désignant telle chose par un nom, je la sépare intellectuelle-ment du monde. En réalité, cette chose se confond dans le monde. Mais en vérité, elle est nommée et se met à exister comme une entité distincte.

Cette création n'est pas empirique mais intellectuelle. On ne crée pas d'objets, on les révèle. C'est la reproduction idéale de la Création, une analogie divine, mise en place pour nous permettre de nous éveiller à la Vé-rité, non plus celle des hommes, mais celle de Dieu.

La conscience commence à émerger au fur et à mesure que le chaos recule. Plus les choses apparaissent claires et distinctes, plus il y a de conscience (d'âme, d'ego). Re-pérer les objets, les faire émerger du chaos et leur attribuer une valeur permet d'interagir d'une façon unique avec le monde : c'est la naissance de la culture.

« Mais l’homme ne peut vivre dans le chaos. Les animaux, oui. Pour l’animal tout est chaos, seulement il y a un petit nombre de mouvements et d’aspects qui se reproduisent dans ce déferle-ment. L’animal s’en contente. L’ homme non. L’homme doit s’en-velopper d’une vision, se construire une maison d’une forme et d’une stabilité, d’une

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fixité apparentes. Dans sa terreur du chaos il commence par inter-poser une ombrelle ouverte entre soi et l’éternel maelström. Ceci fait, il peint sur le dessous de son ombrelle un firmament. Puis il se pavane, il vit et meurt sous une ombrelle. Transmise à ses des-cendants, celle-ci devient un dôme, une voûte, et les hommes finissent par sentir que quelque chose ne va plus.37 »

L'acte de création humain, c'est la ré-miniscence. Remonter à l'origine de la conscience, c'est toucher, via son noùs (la fine pointe de l'âme) la source dont est originaire le « je suis ». C'est effectuer une remontée ontologique à l'aide des objets de la nature, en les prenant pour ce qu'ils sont en réalité, c'est-à-dire la matérialisation (et particularisa-tion) de modèles pseudo-ontologiques (ces modèles existent moins, mais sont plus réels sans toutefois être absolus).

Il n'y a pas d'inconscient collectif. Il y a, au contraire, une surconscience collective. La conscience humaine est à cette surcons-cience ce que la conscience d'un homme ivre mort est à sa conscience « normale ». À l'in-verse, certaines substances (telle la mesca-line) aiguisent temporairement l'âme. Inutiles et peut-être même dangereuses pour le vul-

37 D.H. Lawrence, Les deux principes, pp. 42-43

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gaire (sa conscience normale étant trop chto-nienne), elles sont le nectar des poètes.

L'Art véritable (et non le misérable er-satz auquel la parole est aujourd'hui donnée, ère sombre oblige) est celui qui parvient à sa-craliser son objet, quel qu'il soit. Ce n'est pas une remarque anecdotique faite à la va-vite, ni la volonté de développer ou de changer un système en place (comme Schönberg en son temps). C'est au contraire l'acceptation d'un objet donné dans toute sa présence et son dé-voilement poétique via le prisme de l'âme, son élévation jusqu'à l'absolu. Les théoriciens et les scientifiques sont inférieurs à l'artiste. Pour eux la vérité se situe dans le temps et dans l'espace. Sous eux encore, toute une pléthore d'imbéciles sans talent, d'imitateurs dépour-vus d'âme. Comment peut-on créer sans ins-piration ? Ils vous l'apprendront.

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XVIII

Le sixième sens ou sens du symbole

Il est un sens mystérieux que seuls possèdent les Poètes, celui de l'âme, je veux parler du sens du symbole. On en retrouve la trace dans toute doctrine religieuse, dans toute tradition car sa maîtrise est la fin de toute quête spirituelle. C'est la langue des oi-seaux des adeptes alchimistes, le noùs, cette fine pointe de l'âme évoquée par Jésus-Christ dans l'évangile apocryphe de Myriam de Mag-dala. Le Poète possède l'esprit sain, il est pas-sé au delà du voile de Mâyâ, il est l'homme délivré de la caverne platonicienne. Il serait aisé de continuer ainsi pendant longtemps.

Difficile de décrire ce sens oublié de l'esprit humain à ceux qui n'en ont jamais res-senti la présence. Le présenter aux esprits profane reviendrait à parler d'images à un aveugle ou de sons à un sourd. Tout au plus pourront-ils apprendre le discours correspon-dant, bluffer via divers exercices et artifices mais la nature profonde de ces sens leur échappera à jamais. La profondeur ne s'ac-quiert pas mais elle se redécouvre. C'est là le sens véritable de toute initiation.

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Je comptais parler des imposteurs qui, à notre époque d'aveuglement quasi-complet, sont légion, mais à quoi bon perdre mon temps à crier « Le Roi est nu ! » lorsque les personnes à qui s'adressent cette mise en garde ne vous écoutent pas. Un aveugle peut aisément convaincre un autre aveugle qu'il est capable de voir, éventuellement finira-t-il par se persuader qu'il voit vraiment mais le monde finira tôt ou tard par le mettre face à son mensonge. Ceux qui possèdent le sens de la vue n'ont nul besoin de convaincre les autres, ils vivent leur sens et cela est bien suffisant.

« Quant à la mesure de l'absolui-té, celle-ci s'apprécie au degré d'identification active, au degré d'implication et d'unification du Moi avec l'expérience. Plus la "quantité" de Moi est grande — et plus, en contrepartie, celle de non-Moi est faible — dans le cadre d'une expérience donnée, et plus celle-ci sera réelle et ab-solue. Et c'est en fonction d'une "quantité" de Moi toujours crois-sante, que l'on s'élève de "nom" en "nom" et de "signe" en "signe" dans une hiérarchie dont le som-met est cet état d'identité par-faite, d'éveil, de vision intellec-tuelle, de totale réalisation d'une chose dans le Moi et du Moi dans une chose — qui se manifeste par

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un état de puissance et, simulta-nément, un état d'évidence abso-lue vis-à-vis de la chose même : un état où il n'y a plus rien à de-mander, où ratiociner — et même parler, tout simplement — devient superflu.38 »

L'âme ne s'obtient pas, elle se dé-couvre. Son exploration correspond à l'éléva-tion dans l'arbre de vie kabbalistique et celui qui la maîtrise pénètre le mystère de la dixième sephiroth, Kether, et devient lui-même le couronné.

Ainsi la Poésie n'est pas un genre litté-raire structuré par une syntaxe, des règles, un orthographe, un style, un rythme. Non, en vé-rité, rien de tout cela ne forme l'essence de la Poésie, ce ne sont que des accidents ou, pour paraphraser Gabriel Matzneff, le support d'un univers. C'est la profondeur du regard et la présence à l'instant qui forment l'essence du Poète, successeur des antiques Hiérophantes.

« (...) La poésie du moment pré-sent ne peut avoir le même corps ni le même mouvement que la poésie de l'avant et de l'après. Elle ne peut jamais se plier aux mêmes conditions. Elle n'est ja-mais finie. Elle n'a pas de rythme qui revient sur lui-même, pas de serpent de l'éternité se mordant

38 Julius Evola, Ur et Krur

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la queue. Il n'y a nulle perfection statique, rien de cette finitude si propre à apaiser nos an-goisses.39 »

Comment accéder à ce sens hiéropha-nique qu'est la Poésie ? Les moyens sont in-nombrables, il en existe autant qu'il existe d'hommes. Là où le monde prend une teinte artistique, où l'univers profane semble laisser place à quelque chose de plus profond, de plus mystérieux, de plus religieux, là est une porte d'entrée dans le royaume de l'Art des arts. Le medium supportant l'artification du monde importe peu, car il n'est qu'une bé-quille personnelle dont on apprend, au final, à se passer.

Les alchimistes évoquent la fin de leurs travaux en ces termes : le Grand Œuvre. L'article défini ici employé n'est pas une er-reur, mais un des innombrables indices qui parcourent cette quête du sixième sens.

39 D.H. Lawrence, supra., pp. 56-57

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XIX

Fragments épars

Le mythe est la langue de l'âme.

Le Poète est un mythologène.

Ce que l'on veut dire est faux.

L'Art véritable est Sacré. Il transcende espace et temps.

L'art engagé ou art profane n'est qu'une conséquence.

En toute œuvre, même la plus basse, le Sacré demeure.

En réalité, seule l'intention est pro-fane.

Il n'y a pas de subconscient, mais une hyperconscience. Sommes nous trop assou-pis ?

Avant toute chose, qu'est-ce que la conscience ?

La conscience est à l'hyperconscience ce que le rêve est à la veille.

Toute généalogie sérieuse mène à l'Al-pha et l'Omega.

Platon, ou la désartification du monde.

Philosophie analytique, désastre du désart.

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Lebensphilosophie, philosophie arti-sane.

Plus de temps, plus d'espace, plus d'hostilité.

La morale, filtre de l'hyper conscience.

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XX

Terroristes de la pensée

Le philosophe doit d'abord s'illuminer lui-même avant de prétendre éclairer les autres. Il ne peut se permettre d'avancer à tâ-tons en puisant sa force dans un groupe, car c'est ainsi que la pensée se sclérose et se sys-tématise, absorbée petit à petit par la foule qui le suit40. Ainsi le philosophe échoue dans sa quête. Car il y a dans toute philosophie honnête, une quête individuelle, qu'elle soit voilée ou non. Ainsi, comme l'a remarqué Hei-degger, pour la pensée, « Le mauvais danger, le danger confus, est la production philoso-phique.41 » La pensée inachevée se pare de l'amphigouri pour protéger sa nullité. C'est ce que Louis Scutenaire a parfaitement exprimé par ces quelques lignes :

« Naguère, les gens du Milieu usaient d'un jargon pour cacher le sens de leurs paroles. Mille gens de l'Esprit, au contraire, usent d'un jargon pour prêter du sens aux leurs.42 »

40 À ce titre, pour plus d'informations sur la composante psychique des grands groupes humains, lire Psychologie des foules du professeur Gustave Le Bon.

41 Martin Heidegger, L'expérience de la pensée.42 Louis Scutenaire, Mes inscriptions 1943-1944, p.

31

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À l'inintelligible charabia démesuré-ment complexe d'un postmoderniste43, j'op-pose la fluide chaleur de la Poésie qui, elle, assume son élitisme, n'étant accessible qu'à ceux qui sont capables de synthétiser correc-tement leur vision mentale (intuition et rai-son) et à nul autre. Si la différence entre ces deux instances n'apparaît pas claire au pro-fane, c'est parce qu'il est plus que délicat au premier abord de différencier la brûlure provo-quée par le gel de celle occasionnée par le feu. « Je suis cuit de froid », nous dit Louis Scutenaire. Mais si ici le froid de la pensée hy-per rationnelle cristallise, coagule, alourdit, ralentit et tend vers le zéro absolu, la chaleur de la Poésie subtilise, élève, dynamise et vita-lise la pensée. L'un des courants tend vers le contrôle total, l'autre vers la danse cosmique.

Au fond, un authentique don philoso-phique mène, si ce n'est à l'illumination, au moins à la poésie. Les plus grands génies n'étaient-ils pas poètes ? Je pense ici à Par-ménide, Héraclite, Rûmî, Meister Eckhart, An-gelus Silesius, Friedrich Nietzsche, Ludwig Klages, et tant d'autres.

Ne trouvant pas de désignations pour le courant sclérosant, je le nomme Terreur et ses apôtres Terroristes, car ils ne font que ça, terrifier - rendre terre. La Terreur s'accom-pagne de nombreux signes tous liés à l'éloi-

43 Pour s'en convaincre, lire l'ouvrage co-écrit par Alan Sokal et Jean Bricmont, Impostures intellectuelles

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gnement d'un principe vital : espace, temps, angoisse, abstraction et désespoir. Leur but est, si ce n'est de percer le Mystère à l'aide d'un microscope, au moins de rester serrés les uns contre les autres pour s'en protéger et se rassurer.

Le Poète est l'ennemi du Terroriste.

Le Terroriste est l'ami du Poète.

Quant à moi, à la fois Terroriste et Poète, le temps devient parfois trop présent et insupportable, mais est jusqu'à présent resté incapable de réduire à néant ce quelque chose, ce mystérieux cela qui me prend dans ma totalité lorsque, du haut d'une vigie, je vois la tempête se calmer. Quand l'instant emporte mon âme, tout doute s'évanouit.

Ne cherche jamais l'approbation de ton génie chez la foule, mais au contraire trouve-toi chez les Génies.

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XXI

Deux éléments

Alcools sauvages, nectars divins.

Nous, qui cherchons à intégrer le gé-nie qui se tient là où tout commence et finit, sommes différents par le caractère, similaires par l'âme. Nous formons un tout dans la pro-fondeur, dimension occulte qui nous lie. Nous, les herméneutes, pouvons ne pas nous en-tendre, nous nous comprenons quand même. Nous possédons le sens de l'amitié véritable.

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XXII

« Je ne suis pas croyant. Je suis conscient de croire. »

La faculté d'aperception (perception accompagnée de réflexion), correspondant à ce que Gurdjieff nommait le "rappel de soi", est une caractéristique du génie : la conscience claire et permanente que le sujet a de posséder une âme. Ainsi Bernard Ruaud nous dit-il :

« Je ne suis pas croyant. Je suis conscient de croire.44 »

Le génie a cet avantage sur le vulgaire qu'il est virtuellement invincible. Les mots, concepts et croyances n'ont d'influence sur lui qu'en fonction de ce qu'il fait le choix de les porter. Et ce choix est fonction de sa nature propre, qu'il apprend intuitivement à écouter et à reconnaître. La croyance n'est pas pour lui une fin, mais un outil de connaissance. Rien d'étonnant à ce que de tels esprits appa-raissent comme changeants ou indécis : leur pensée est en perpétuel mouvement, toujours évoluant, jamais statique. Précisons néan-moins que « La génialité est un impératif inté-rieur, jamais un fait accompli.45 ». Ainsi le gé-nie est-il celui qui chemine vers le Génie. Du Génie, je ne parlerais pas ici.

44 http://laconnaissancedesoi.exprimetoi.net/mots-de-mon-enseignant-f5/

45 Otto Weininger, Sexe et caractère, p. 156

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Revenons-en à l'aperception. Si cette conscience de soi est une qualité permanente du génie, le vulgaire peut peut-être, à l'aide de techniques mentales ou de certains élixirs, acquérir momentanément cette ébauche du sixième sens. La question qui se pose est la suivante : qu'est-ce qui fait que certains hommes possèdent cette faculté de façon per-manente, et plus précisément, comment s'ob-tient-elle ?

La réponse ne plaira pas à l'ascète : c'est par la Grâce que le génie s'obtient. On peut, en d'autres termes, dire que le génie est un don Divin. Il ne semble pas y avoir de technique autre que l'humilité et l'honnêteté envers soi-même. La Grâce s'offre à qui éprouve un désir sincère de vérité. Parfois même semble-t-elle apparaître de façon tout à fait hasardeuse, mais nous connaissons la ré-putation d'impénétrabilité de certaines voies...

Altus, dans son Mutus Liber, nous lais-sait cette précieuse indication : « Ora, lege, lege, relege, labora et invenies. », ou prie, lis, lis, relis, travaille et tu trouveras. Le rôle de la prière est non négligeable...

« Qui veut la Lumière, doit la de-mander d'abord à Dieu, le Père des Lumières. Qui veut parcourir la voie doit suivre celui qui est la Voie. Vivre selon la vérité qu'on connaît, c'est faire descendre en soi un peu de la vérité qu'on ignore. Que l'Esprit divin s'incarne

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dans les doubles eaux pour les glorieux, voilà tout le programme de l'Œuvre : "Ignis et Azoth tibi sufficiunt", disent les Adeptes. Trouve d'abord en toi cette eau, dégage-la des superfluités et des ténèbres infernales, c'est là le travail préparatoire du véritable Grand Œuvre. Quand cette purifi-cation qui t'incombe est terminée, l'Esprit descendra. Mais ceci ne t'incombe pas. C'est Dieu qui choisira son heure. Tel est le vrai Grand Œuvre, par lequel ton nom sera écrit dans le Livre de Vie. L'autre, le Grand Œuvre physique te sera donné par surcroît.46 »

Voici un autre indice :

« (...) Mais sache, pour t'éclairer dans ton choix, que tout ce que la science nous enseigne, en des milliers de livres, tu peux l'acqué-rir en quelques secondes par l'illumination mystique, parce que ton esprit, se trouvant face à face avec l'Absolu, saisit alors la Clef de l'harmonie universelle.Et cette Clef, les livres ne te la donneront jamais.

46 André Savoret, cité par Patrick Rivière dans Alchimie, science et mystique

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C'est en vain que tu liras tout ce qu'ont écrit les maîtres. Si tu ne la possèdes pas, tu ne compren-dras rien à leur langage.

(...) Demande la Lumière à la Lu-mière elle-même. Tu ne l'obtien-dras pas autrement.47 »

La faculté d'aperception, ou sens de l'âme obtenu, l'homme découvrira une nou-velle dimension intérieure, celle de sa réalité, de sa profondeur. Nombre de génies ont més-estimé ce don ou, pire, en ont tellement souf-fert qu'ils préférèrent sombrer dans la folie. Mais cultivée soigneusement, dans une "hâte patiente", peut-être l'âme pourra-t-elle éclore. Bienheureux celui qui parvient à réaliser un tel Instant, l'Honneur Suprême lui est accordé : réintégrer le Royaume de Dieu.

47 Grillot de Givry, Le Grand Œuvre

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XXIII

L'objectif

Noble,

Poète,

Surhumain,

Dieu,

Intégré,

Aristocrate,

Guerrier,

Fou,

Éveillé,

Illuminé,

Sage,

Petit Enfant,

Chamane,

Mage,

Maître,

Spirituel,

Christ,

Adepte,

Bouddha,

Artiste,

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Créateur,

Libre,

Inconditionné,

Vide,

Profond,

Plein,

Léger,

Seigneur,

Réalisé,

Immortel,

Éternel,

Voyant,

Un,

Sensible,

Mystique,

Naturel,

Sauvage,

Solaire,

Glorieux,

Roi,

Barbare,

Aryen,

Hyperboréen,

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Chevalier,

Prêtre,

Paysan,

Ego,

Génie,

Lion,

Loup,

Total,

Androgyne,

Barde,

Herméneute,

Symboliste,

Philosophe,

Individué,

Ataraxien,

Contemplateur,

Stoïcien,

Homme.

Tous ces Noms ne désignent qu'une seule et unique réalité, qu'une seule et même fin qui, en elle-même, est commencement. Tous y aspirent.

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XXIV

L'œuvre ésotérique et sesantagonistes

L'œuvre ésotérique qui ne serait pas en même temps œuvre poétique a de fortes chances d'appartenir à l'un de ses deux anta-gonistes, à savoir la prose et le mythe. Bien entendu, je parle en terme de degrés absolus. Il n'y a ni prose absolue, c'est-à-dire qui se coupe définitivement du pôle intuitif de l'âme humaine, ni mythe absolu, séparé quant à lui du pôle rationnel.

« (...) Sache (...) que tout ce que la science nous enseigne, en des milliers de livres, tu peux l’acqué-rir en quelques secondes par l’illumination mystique, parce que ton esprit, se trouvant face à face avec l’Absolu saisit alors la Clef de l’harmonie universelle.48 »

La Poésie est la synthèse de l'intellect et de l'intuition. Elle est unificatrice, contraire-ment à la prose, qui égare dans le détail ou à l'intuition de l'oracle, dans les croyances abra-cadabrantes et l'irrationnel.

On pourrait m'objecter que mes pro-pos touchent bien souvent au mystique, mais ce serait faire l'erreur de croire que la vie ma-

48 Grillot de Givry, Le Grand Œuvre

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térielle et la vie spirituelle sont deux choses distinctes.

La prose ne peut aboutir à rien d'utile tant que l'expérimentateur niera sa propre in-fluence dans les phénomènes rencontrés. Le jour où il découvre l'importance de sa pré-sence et l'unité de son regard, son existence, son être même viendront colorer ses re-cherches. C'est ainsi, par exemple, que le chi-miste devient alchimiste en ajoutant le travail oratoire (prière, ou plutôt méditation) à celui du laboratoire. Avant cette transformation (cette conversion, nous dirait Saint Augustin), un tel homme est Terroriste.

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L'inverse du Terroriste est l'Oracle my-thologène que nous allons maintenant abor-der.

L'intuition qui ne s'ouvre que sur un intellect parasité par un maelström de croyances et d'idées reçues, où tout travail de préparation initiatique a été négligé, ne peut aboutir qu'à une connaissance biaisée, inutile, vague et irrationnelle. La Vérité du Soi est oc-cultée par le degré d'ignorance de « l'oracle » (dont l'appellation moderne est « channel » et l'activité « channelling »). Les récits relatant l'existence de « frères de lumière extrater-restres » ou de mauvais « reptiliens œuvrant pour le néantisant service égoïste du Je » sont aussi proches de la réalité que l'étaient les in-

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dividus à l'origine du mythe de la Chute ou de celui du supplice de Tantale.

On assiste, depuis plusieurs dizaines d'années, à un enrichissement des modèles archétypaux et mythologiques par les oracles du mouvement New Age.

La faculté permettant d'intégrer ces mythes de façon personnelle résulte du lien entre prose et mystique : la poésie. Les épiques aventures de nos « frères cos-miques », qu'ils œuvrent pour la lumière ou les ténèbres, peuvent, par la poésie, être

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éclairés sous un jour nouveau, bien plus lo-gique et évident : nous sommes nous-même le terrain de cette guerre épique et éternelle entre l'être et le néant, l'âme artisane et l'ego néantisant.

Ne séparons dès lors plus l'expérience de l'expérimentateur, ou l'expérimentateur de l'expérience. C'est dans l'unité que la conscience trouve un terrain fertile à sa ger-mination, c'est par l'unité que l'homme peut espérer s'établir de nouveau dans le Royaume des Cieux, l'éternel Ici et Maintenant, le Temple de l'Art universel.

Le Roi du Monde est le fils de la Lune et du Soleil, de l'eau et du sel. Sa mère est chair, son père esprit et il les honore tous deux. Par son état connaissant, il est l'andro-gyne spirituel, synthèse parfaite de l'être et du non-être, être dans son être, néant dans son néant.

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XXV

Babel

Mettons tout de suite les points sur les i : la dialectique empirique moderne (étudier les phénomènes dans leur particularité afin d'en déduire des lois générales) n'est que le reflet de la véritable philosophie. Scientifiques et spécialistes s'y cantonnent et, parce qu'ils ignorent l'importance de leur propre conscience, restent prisonniers du monde phénoménal.

Une dialectique digne de ce nom n'est pas horizontale, ne se cantonne pas aux plans immanents d'un degré de conscience donné

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(car quand les esprits s'accordent, c'est tou-jours sur le degré de conscience le plus infé-rieur, question de pratique), mais est verticale : le chercheur doit tout mettre en œuvre pour centrer ses propres efforts afin de s'élever, de symbole en symbole, du particulier de l'expé-rience à la Totalité de la conscience.

Si à la base, nous rencontrons la mul-tiplicité phénoménale de l'éternel mouvement du monde, au sommet trône le couronné, le sujet transcendantal immuable et éternel.

Qu'est-ce que la tour de Babel ? À l'heure ou nous entendons parler de plus en plus fort de l'importance de la création d'un Nouvel Ordre Mondial, il semble intéressant de redécouvrir ce symbole révélateur des temps en cours.

« La tour de Babel était selon la Génèse une tour que souhaitaient construire les hommes pour at-teindre le ciel. Descendants de Noé, ils représentaient donc l'hu-manité entière et étaient censés tous parler la même et unique langue sur Terre, une et une seule langue adamique. Pour contrecarrer leur projet qu'il ju-geait plein d'orgueil, Dieu multi-plia les langues afin que les hommes ne se comprissent plus. Ainsi la construction ne put plus

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avancer, elle s'arrêta, et les hommes se dispersèrent sur la terre.49 »

L'autre nom du Nouvel Ordre Mondial en germe est « l'art de prendre des vessies pour des lanternes ».

Que pourrais-je vraiment dire sinon que les tenants de cette idéologie inversent absolument tout, et aspirent à inverser la na-ture, fixer le mouvement, planifier l'inconnu, limiter l'infini, et cætera. Ces imbéciles sont néanmoins utiles dans la quête de l'être : ce qu'ils appellent bien et mal peut et doit être étudié avec un miroir.

« Nous vivons depuis le début du XXIe siècle une démocratie des experts irresponsables, les juges n'étant pas responsables de leurs conseillers.50 »

« Les idéologues édictent des règles que devront tôt ou tard ob-server les citoyens totalisés, car les idéologues sont coupés de la nature humaine.

Or il faut la connaître, et d'abord la sienne propre et personnelle pour prévoir l'adaptation de l'hu-

49 Source: wikipedia50 Bernard Ruaud

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main (directement ou hypocrite-ment) aux mesures souhaitables à édicter, pour en voir l'esprit ap-pliqué.51 »

Si l'on se fie aux modèles symbo-liques, nous nous apprêtons à observer un changement radical d'orientation de l'espèce humaine, la fin du règne des imbéciles.

Du moins l'espèré-je.

« S'ils ne sont pas criminels, ils sont incommensurablement bêtes.52 »

51 Ibid.52 Louis Scutenaire, supra.

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Appendice

Texte 1 – D.H. Lawrence, Le Chaos en Poésie (extrait de Les deux principes, éd. de L’Herne, Paris, pp. 41-48.)

La poésie, dit-on, est affaire de mots. Cela est aussi exact que de dire : la peinture est affaire de pigments ou les fresques de dé-trempe. Cela est si loin de la vérité totale qu’à le dire sentencieusement on apparaît un peu stupide.

La poésie est affaire de mots. La poé-sie ce sont des mots qui, enfilés les uns aux autres, produisent un friselis, un bruit de clo-chettes, une écharpe de couleurs. La poésie est un lacis d’images. La poésie est l’irides-cente suggestion d’une idée. La poésie est toutes ces choses, et d’autres choses encore.

Tous ces ingrédients réunis, on obtient quelque chose qui ressemble beaucoup à la vraie poésie, quelque chose qu’on peut définir par le vieux nom romanesque de poesy. Et cette poésie, comme le bric-à-brac, sera tou-jours à la mode. Mais la vraie poésie est autre chose encore. La qualité essentielle de la vraie poésie, c’est qu’elle fait un nouvel effort d’at-tention et « découvre » un monde nouveau dans le monde connu. L’homme, les animaux et les fleurs vivent tous dans un chaos étrange, un perpétuel déferlement. Le chaos auquel nous avons fini par nous accoutumer, nous le nommons cosmos. L’indicible chaos in-térieur dont nous sommes formés, nous le

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nommons conscience, esprit, voire civilisation. Mais c’est, en définitive, le chaos, qu’il soit ou non illuminé par des visions.

Tout comme l’arc-en-ciel peut illumi-ner ou non l’orage. Et, comme l’arc-en-ciel, s’estompe la vision. Mais l’homme ne peut vivre dans le chaos. Les animaux, oui. Pour l’animal tout est chaos, seulement il y a un petit nombre de mouvements et d’aspects qui se reproduisent dans ce déferlement. L’animal s’en contente. L’homme non. L’homme doit s’envelopper d’une vision, se construire une maison d’une forme et d’une stabilité, d’une fixité apparentes. Dans sa terreur du chaos il commence par interposer une ombrelle ou-verte entre soi et l’éternel maelström. Ceci fait, il peint sur le dessous de son ombrelle un firmament. Puis il se pavane, il vit et meurt sous une ombrelle. Transmise à ses descen-dants, celle-ci devient un dôme, une voûte, et les hommes finissent par sentir que quelque chose ne va plus.

L’homme érige un merveilleux édifice de sa propre création entre soi et le sauvage chaos, puis il s’étiole et s’asphyxie petit à petit sous son parasol. Vient alors un poète, enne-mi de la convention, qui pratique une fente dans l’ombrelle ; et, miracle ! le chaos révélé est une vision, une fenêtre ouverte sur le so-leil. Mais au bout d’un certain temps, habitué à la vision et sans goût pour le franc courant d’air issu du chaos, l’homme banal barbouille un simulacre de la fenêtre ouverte sur le chaos, et raccommode l’ombrelle avec ce si-

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mulacre. Ce qui revient à dire qu’il s’est habi-tué à la vision, que celle-ci fait dorénavant partie de l’ornementation de sa demeure. De sorte que l’ombrelle finit par ressembler à un firmament étincelant et déployé, qui présente de multiples aspects. Mais, hélas, tout est si-mulacre, innombrables rapiéçages. Homère et Keats, annotés et suivis d’un glossaire.

Telle est l’histoire de la poésie à notre époque. Quelqu’un voit des Titans dans les bourrasques du chaos, et le Titan devient un mur, entre les générations suivantes et le chaos dont elles auraient dû hériter. Le ciel in-dompté remuait et chantait. Cela même est devenu une grande ombrelle ouverte entre l'humanité et le ciel empli d’air frais ; puis une voûte peinte, une fresque étalée sur un pla-fond cintré, sous lequel les hommes s’étiolent et deviennent insatisfaits. Jusqu’à ce qu’un autre poète vienne ouvrir une fente qui laisse entrevoir le chaos libre et venteux.

Mais notre toit finit par ne plus trom-per. Ce n’est que plâtre peint, et l’habileté de toutes les grandes époques ne nous trompera plus. Dante ou Léonard, Beethoven ou Whit-man : voyez! tout cela est peint sur le plâtre de votre voûte. Comme saint François d’Assise prêchant aux oiseaux ! Quelle ressemblance étonnante avec l’air, l’espace fourmillant d’oi-seaux et le chaos formé de mille choses – en partie parce que la fresque va s’effaçant. Et pourtant, on est heureux de sortir de cette église, de pénétrer dans le chaos naturel.

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Nous voici face à la crise capitale de l'humanité : le retour obligatoire au chaos. Tant que sert l’ombrelle, que les poètes y pra-tiquent des fentes, que la masse des gens est susceptible d’être instruite par degrés à se hausser au niveau de la vision qui apparaît dans la fente (ce qui revient à dire qu’on la ra-vaude d’une pièce qui ressemble exactement à la vision qui apparaît dans la fente), aussi longtemps que ce processus peut continuer et que l’humanité peut être, à force d’instruction, formée et ainsi emmurée, une civilisation se perpétuera avec plus ou moins de bonheur, tout en achevant la construction de sa prison peinte. Cela s’appelle faire prendre pleine conscience.

La joie qu’éprouvèrent les hommes quand Wordsworth, par exemple, ouvrit une fente et vit une primevère ! Jusqu’alors, les hommes n’avaient vu la primevère qu’indis-tinctement, dans le clair-obscur de l’ombrelle. Par les yeux de Wordsworth, ils la virent à la pleine lumière du chaos. Depuis lors, par de-grés, nous en sommes venus a ne voir de la primavera que la primevère. Ce qui veut dire que nous avons ravaudé la fente.

Et la joie plus grande encore quand Shakespeare fit une grande déchirure et vit l'homme insatisfait en proie aux émotions – dehors – dans le chaos, par-delà l’idée conventionnelle et l’ombrelle décorée d’images morales et de paladins bardés de fer, apparus au Moyen Âge. Mais aujourd’hui, hélas, le pla-fond de notre voûte, les murs aussi d’ailleurs,

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sont tout simplement recouverts d’un grouille-ment d’Hamlet et de Macbeth, et l’ordre est devenu figé et sans faille. L’homme ne peut être différent de son image. Le chaos est ex-clu tout entier. L’ombrelle est devenue si grande, les pièces et le plâtre si tendus et si durs, qu’on ne peut plus y pratiquer de fentes. Si on les fendait, la fente ne serait plus une vision, elle ne serait qu’une déprédation. Il faudrait la ravauder aussitôt, pour qu’elle ne jure plus avec le reste. Ainsi l’ombrelle est ab-solue. Et le désir du chaos est devenu nostal-gie. Et il en sera ainsi jusqu’à ce qu’un vent terrible vienne déchiqueter l’ombrelle, en même temps qu’une grande partie de l’huma-nité, pour les emporter vers l’oubli. Les survi-vants grelotteront dans le chaos. Car le chaos est toujours là, quelles que soient les om-brelles visionnaires que nous dressions.

Et les poètes, alors, en cette conjonc-ture ? Ils révèlent le désir secret de l’humani-té. Que révèlent-ils ? Ils montrent l’appétit du chaos, et la peur du chaos. L’appétit du chaos est le souffle même de leur poésie. La peur du chaos réside en leur parade de formes et de techniques. La poésie est affaire de mots ! disent-ils. Ils lancent donc des bulles – sons et images – qui ne tardent pas à éclater au souffle de l’appétit du chaos, qui les emplit. …

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Texte 2 - Jean-Marc Vivenza, Le Dictionnaire de René Guénon, pp. 349-350.

[...] Le « troisième œil », qui orne le front du dieu Shiva, à ne pas confondre ce-pendant avec l'œil cosmique qui est en rela-tion avec l'accès aux états supérieurs de l'être, symbolise le sens de l'éternité, la connaissance et l'omniprésence. C'est l'œil universel, l'œil absolu qui étend son regard à l'ensemble des mondes. La tradition rapporte « qu'un regard de ce troisième œil réduit tout en cendres, c'est-à-dire qu'il détruit toute ma-nifestation ; mais lorsque la succession est transmuée en simultanéité, toutes choses de-meurent dans "l'éternel présent", de sorte que la destruction apparente n'est véritablement qu'une "transformation", au sens le plus ri-goureusement étymologique de ce mot ». On notera que c'est la « chute » qui priva l'homme de ce « troisième œil », cette « lapsit exillis », la pierre tombée du front de Lucifer, qu'il possédait originellement, et que le Graal est seul en mesure de lui restituer. Ceci a bien évidemment une relation avec la célèbre phrase hermétique « Visita interiora terrae, rectificando invenies occultum lapidem », le « Vitriolum » des sages, le breuvage d'éterni-té. La réincorporation de ce troisième œil re-présente de ce fait la restitution de « l'état primordial », et donc de l'immortalité virtuelle. Remarquons que ce troisième œil est, précisé-ment, celui qui figure au centre d'un delta dans la symbolique maçonnique, intégrant en

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un seul ensemble la représentation du Principe incarnée par le triangle, et par l'œil son omni-présence providentielle au sein de la Manifes-tation.

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Texte 3 – Otto Weininger sur le caractère poétique de la prose (extrait de Sexe et caractère, L'Âge d'Homme, pp.120-121.)

L'Histoire humaine (l'Histoire de la culture s'entend, et non celle, par exemple, de la guerre) ne se laisse-t-elle pas tout entière réduire à la répétition de ce mouvement constitué par l'apparition d'un génie, l'action que ce génie exerce et l'imitation qu'il suscite parmi des êtres de plus en plus pithécoïdes ? Songeons à l'architecture, à l'agriculture, à la langue ! Chaque mot de la langue a tout d'abord été l'invention d'un seul homme, par-ticulièrement doué, comme c'est le cas au-jour- d'hui encore (exception faite, bien en-tendu, des mots servant à désigner les nou-velles inventions techniques). Les premiers mots étaient « onomatopéiques » : ils surgis-saient en celui qui parlait en dehors de tout contrôle de la volonté, créés par l'émotion elle-même dans une forme rappelant son ob-jet ; et tous les autres mots sont à origine des tropes, ou si l'on veut des onomatopées d'un second ordre, soit métaphores, soit paraboles : toute prose a été poésie. Il appa-raît par là que la plupart des grands génies sont inconnus. Il suffit de considérer les pro-verbes, et jusqu'à ceux qui sont devenus les plus triviaux, comme par exemple « une main lave l'autre », pour se dire qu'il est impossible que pareilles trouvailles n'aient été le fait, à chaque fois, d'un seul homme à l'esprit supé-rieur. Par ailleurs, combien de citations d'au-

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teurs classiques, même les plus lus, combien de paroles du Christ sont tombées aujourd'hui au rang d'expressions proverbiales, au point qu'il nous faut quelque effort pour nous rappe-ler qu'elles ont été un jour écrites ou pronon-cées par quelqu'un dont nous connaissons le nom ! C'est pourquoi il est faux de parler de la « sagesse de la langue », tout comme de dé-nombrer les avantages ou de relever les ex-pressions heureuses du « français ». Pas plus que la « chanson populaire », la langue n'est une création collective. Une telle idée suppose autant d'ingratitude envers un grand nombre d'individualités que d'honneur excessif fait à un peuple. On ne saurait dire, du fait de son universalité, qu'un génie créateur dans le do-maine de la langue appartient à la nation dont il est né et dans la langue de laquelle il s'ex-prime. C'est la nation qui, bien plutôt, est re-devable en grande partie à ses génies de ce qu'elle est et de l'image qu'elle se fait d'elle-même, cette image n'étant rien pour le génie, mais tout pour le peuple. On devrait de même montrer plus de prudence lorsqu'on traite comme des sciences connexes psychologie de la langue et psychologie des peuples. C'est justement parce que la langue est l'invention de tels ou tels grands hommes qu'il y a en elle tant d'étonnante sagesse ; lorsqu'un penseur aussi profond que Jacob Böhme se met à faire de l'étymologie, cela a beaucoup plus de sens que ne semblent le comprendre les historiens de la philosophie. Quant aux esprits bornés, de Bacon à Fritz Mauthner, ils n'ont été que des critiques de la langue.

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Le génie, au contraire, ne critique pas la langue, mais la fait, de même qu'il est à l'ori-gine de toutes les autres créations de l'esprit humain qui sont avec la langue, au sens précis du terme, au fondement de la culture, ou de l'esprit « objectif », pour autant qu'il s'agisse en effet d'un esprit. Nous voyons donc que l'homme qui s'est soustrait au temps est celui même qui crée l'Histoire : l'Histoire ne peut être faite que par des êtres qui se situent à l'extérieur de l'enchaînement causal qu'elle représente. Car il n'y a qu'eux qui soient dans ce rapport continuel avec ce qui échappe ab-solument au temps et qui est la valeur, par quoi leurs productions sont douées d'un contenu éternel. Et de tout ce qui arrive, c'est ce qui a valeur éternelle ou y prétend qui forme la culture.

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