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1 Module 4 : Déséquilibres, régulation et action publique Partie 1. Les déséquilibres macroéconomiques et financiers Chapitre 2. Le chômage : évolution et analyses 1. Emploi, chômage et marché du travail : définitions et mesures 1.1 L’emploi, un rapport de travail institutionnalisé en pleine transformation Document 1 : qu’est-ce que le travail ? L’étude historique montre que la conception moderne du travail a émergé récemment. La société antique ou de l’Ancien Régime avait une vision négative du travail, notamment manuel, dénué de dignité sociale. Les travailleurs manuels étaient situés en bas de la hiérarchie sociale. Si certaines professions garantissent sous l’Ancien Régime une position sociale, c’est parce qu’elles sont réservées aux couches supérieures (charges, états et métiers jurés) et qu’elles garantissent l’appartenance communautaire à une corporation fermée. Le travail indigne, c’est le travail salarié comme le rappel Robert Castel. L’invention du travail, pour reprendre l’expression de Michel Freyssenet (1993), c’est l’invention du rapport salarial, c’est-à-dire le développement et la généralisation progressive à partir du 18 ième siècle d’une relation contractuelle entre le travailleur et son employeur. Selon Castel, le travail sous l’Ancien Régime est soit un travail réglé (par des corporations et des états), soit un travail forcé. On peut certes trouver un « proto-salariat », tout comme on peut trouver des « poches » de capitalisme avant la révolution industrielle : commis et clercs dans les villes, ouvriers agricoles se louant à la journée … Le salariat existe et même se développe quantitativement mais il reste marginal par rapport aux formes d’activités légitimes. C’est bien à partir du 17 ième siècle et surtout du 18 ième siècle, que le salariat se développe et devient central, au sens où il devient le principe d’organisation de l’économie et de la société. Une activité industrielle se met en place qui embauche par contrat et contre rémunération des individus. La disparition des terres communautaires et la modernisation de l’agriculture développent également le salariat agricole. Un marché du travail émerge permettant la rencontre entre offreurs et demandeurs de travail. On sait que la Loi Le Chapelier a en France dissout les corporations en 1791 permettant le développement d’un marché du travail libre. En réalité, le contrat de travail est largement asymétrique : le rapport de force est en défaveur des travailleurs-offreurs de travail, d’autant plus que les syndicats sont interdits. La liberté du marché s’apparente à la liberté « du renard libre dans le poulailler libre » (K.Marx et F.Engels dans le Manifeste du parti communiste, 1848). Marx et Engels considèrent que les ouvriers sont les esclaves de la classe bourgeoise, n’ayant que la liberté de choisir à quel bourgeois individuel ils devront se vendre. Karl Polanyi (1944) considère également que la caractéristique centrale de la société capitaliste est d’avoir marchandisé le travail, la terre, la monnaie, marchandises fictives (thèse du désencastrement de l’économie vis-à-vis de la société). Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 10 Document 2 : l’évolution du travail depuis le 19 ième siècle On sait que les conditions de travail et de salaire pouvaient être effroyables au 19 ième siècle. Ce siècle est celui de la « question sociale » marqué par la paupérisation de masse et la conflictualité sociale. La fin du 19 ième et surtout le 20 ième vont être ceux de la reconnaissance progressive du droit du travail, encadrant et protégeant le salariat (temps de travail, conditions de travail, protection de l’emploi puis sécurité sociale …). Pour reprendre R.Castel, le travail passe de la logique de tutelle sous l’Ancien Régime à celle du contrat au 19 ième siècle et enfin au salariat-statut au 20 ième siècle. Le travail représente le cœur d’une société salariale où il est la condition normale des individus, leur ouvrant et leur garantissant, à eux et à leur famille, des droits (systèmes d’assurances sociales), une identité, une position sociale et un statut. Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 10 Document 3 : la notion d’emploi L’utilisation fréquente du concept d’emploi par les économistes apparaît après la crise économique de 1929. Cet intérêt nouveau peut être symbolisé par la Théorie Générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie publiée en 1936 par Keynes. L’entre-deux-guerres est en effet caractérisée par une profonde mutation des sociétés occidentales. Les relations de travail, contrairement à la situation du 19 ième siècle, sont de moins en moins individualisées. L’Etat,

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Module 4 : Déséquilibres, régulation et action publique Partie 1. Les déséquilibres macroéconomiques et financiers

Chapitre 2. Le chômage : évolution et analyses

1. Emploi, chômage et marché du travail : définitions et mesures

1.1 L’emploi, un rapport de travail institutionnalisé en pleine transformation

Document 1 : qu’est-ce que le travail ? L’étude historique montre que la conception moderne du travail a émergé récemment. La société antique ou de l’Ancien Régime avait une vision négative du travail, notamment manuel, dénué de dignité sociale. Les travailleurs manuels étaient situés en bas de la hiérarchie sociale. Si certaines professions garantissent sous l’Ancien Régime une position sociale, c’est parce qu’elles sont réservées aux couches supérieures (charges, états et métiers jurés) et qu’elles garantissent l’appartenance communautaire à une corporation fermée. Le travail indigne, c’est le travail salarié comme le rappel Robert Castel. L’invention du travail, pour reprendre l’expression de Michel Freyssenet (1993), c’est l’invention du rapport salarial, c’est-à-dire le développement et la généralisation progressive à partir du 18ième siècle d’une relation contractuelle entre le travailleur et son employeur. Selon Castel, le travail sous l’Ancien Régime est soit un travail réglé (par des corporations et des états), soit un travail forcé. On peut certes trouver un « proto-salariat », tout comme on peut trouver des « poches » de capitalisme avant la révolution industrielle : commis et clercs dans les villes, ouvriers agricoles se louant à la journée … Le salariat existe et même se développe quantitativement mais il reste marginal par rapport aux formes d’activités légitimes. C’est bien à partir du 17ième siècle et surtout du 18ième siècle, que le salariat se développe et devient central, au sens où il devient le principe d’organisation de l’économie et de la société. Une activité industrielle se met en place qui embauche par contrat et contre rémunération des individus. La disparition des terres communautaires et la modernisation de l’agriculture développent également le salariat agricole. Un marché du travail émerge permettant la rencontre entre offreurs et demandeurs de travail. On sait que la Loi Le Chapelier a en France dissout les corporations en 1791 permettant le développement d’un marché du travail libre. En réalité, le contrat de travail est largement asymétrique : le rapport de force est en défaveur des travailleurs-offreurs de travail, d’autant plus que les syndicats sont interdits. La liberté du marché s’apparente à la liberté « du renard libre dans le poulailler libre » (K.Marx et F.Engels dans le Manifeste du parti communiste, 1848). Marx et Engels considèrent que les ouvriers sont les esclaves de la classe bourgeoise, n’ayant que la liberté de choisir à quel bourgeois individuel ils devront se vendre. Karl Polanyi (1944) considère également que la caractéristique centrale de la société capitaliste est d’avoir marchandisé le travail, la terre, la monnaie, marchandises fictives (thèse du désencastrement de l’économie vis-à-vis de la société). Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 10

Document 2 : l’évolution du travail depuis le 19ième siècle On sait que les conditions de travail et de salaire pouvaient être effroyables au 19ième siècle. Ce siècle est celui de la « question sociale » marqué par la paupérisation de masse et la conflictualité sociale. La fin du 19ième et surtout le 20ième vont être ceux de la reconnaissance progressive du droit du travail, encadrant et protégeant le salariat (temps de travail, conditions de travail, protection de l’emploi puis sécurité sociale …). Pour reprendre R.Castel, le travail passe de la logique de tutelle sous l’Ancien Régime à celle du contrat au 19ième siècle et enfin au salariat-statut au 20ième siècle. Le travail représente le cœur d’une société salariale où il est la condition normale des individus, leur ouvrant et leur garantissant, à eux et à leur famille, des droits (systèmes d’assurances sociales), une identité, une position sociale et un statut. Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 10

Document 3 : la notion d’emploi L’utilisation fréquente du concept d’emploi par les économistes apparaît après la crise économique de 1929. Cet intérêt nouveau peut être symbolisé par la Théorie Générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie publiée en 1936 par Keynes. L’entre-deux-guerres est en effet caractérisée par une profonde mutation des sociétés occidentales. Les relations de travail, contrairement à la situation du 19ième siècle, sont de moins en moins individualisées. L’Etat,

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par la mise en place progressive d’un droit du travail et de la protection sociale, et les syndicats confèrent aux rapports de travail une dimension de plus en plus collective et organisée. L’emploi est défini par D.Gambier et M.Vernières comme « la combinaison des éléments sociaux et juridiques qui institutionnalisent la participation des individus à la production de biens et services socialement valorisés ». cette définition implique que l’étude des normes, des règles et des institutions est au cœur de l’analyse de l’emploi. Par ailleurs, cette analyse ne serait se limiter aux seuls salariés ; les travailleurs indépendants sont également pris en compte. (…)

Document : Dictionnaire d’économie, A.Colin p.281

Document 4 : distinguer travail, salariat et emploi

Document 5 : la diversification des formes d’emploi Aujourd’hui les normes d’emploi et les règles sociales existant en matière d’emploi (législation du travail, mode de gestion de la main d’œuvre par les firmes, modalités de l’action syndicale …) évoluent. (…) Mais après une période où s’est imposé le concept homogène d’emploi, s’ouvre une nouvelle étape qui exige de prendre en compte la diversité des formes d’emplois : l’extension du salariat, s’est poursuivie, mais à travers diverses formes (…) on voit émerger une participation à l’activité productive qui est moins institutionnalisée.

Document : Dictionnaire d’économie, A.Colin p.281

Document 6: les transformations de l’emploi et ses conséquences (c’est moi qui mets en gras) Dans la société salariale, on pouvait parler sans équivoque de citoyenneté sociale dans la mesure où des droits inconditionnels avaient été attachés à la situation professionnelle. Ce statut de l’emploi qui constituait le socle de cette citoyenneté, assurant un couplage fort droits-protection (droits du travail – protection sociale). Depuis les années 1970, on observe un effritement de ce couplage. (…) Face à ce que l’on présente parfois comme un champ de ruines, il faut rappeler quelques évidences : (…) même s’il n’est plus quasi hégémonique, le rapport travail – protection est toujours déterminant (près de 90% de la population française en comptant les ayants droits est couverte à partir du travail, y compris dans les situations hors-travail comme la retraite ou le chômage). C’est donc bien autour de l’emploi que continue de se jouer une part essentielle du destin social de la grande majorité de la population. Mais la différence avec la période antérieure, c’est que si le travail n’a pas perdu son importance, il a perdu de sa consistance, d’où il tirait l’essentiel de son pouvoir protecteur. La mise en mobilité généralisée des situations de travail et des trajectoires professionnelles place l’incertitude au cœur de l’avenir dans le monde du travail.

Source : R.Castel « L’insécurité sociale » La république des idées, 2003, p. 79-85

Document 7 : évolution des formes de l’emploi et évolution des formes de la protection sociale Si l’on prend au sérieux cette transformation, elle donne la mesure du défi qui doit aujourd’hui être affronté : est-il possible d’associer de nouvelles protections à ces situations de travail caractérisées par leur hypermobilité ? Il me semble que la voie privilégiée à explorer est celle de la recherche de nouveaux droits capables de sécuriser ces situations aléatoires et d’assurer les trajectoires marquées par la discontinuité. (…)

Ancien régime : Corporation de métier (travail réglé) ou travail forcé

Le travail sous la logique de la tutelle

Libérer le travail de la tutelle

Le travail sous la logique du salariat-contrat

Révolution : Après 1789 (nuit du 04 août) et 1791 (Loi d’Allarde et Le Chapelier) = Contrat entre individus « libres »

Libérer le travail de la précarité : émergence de la citoyenneté « sociale »

Le travail sous la logique du salariat-statut

Fin 19ième / début 20ième : développement du droit du travail et droits sociaux fondés sur l’activité salariée = essor de la société salariale = notion d’emploi plutôt que de travail (l’emploi c’est le travail institutionnalisé)

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Aujourd’hui, on assiste de plus en plus à une fragmentation des emplois, non seulement au niveau des contrats de travail à proprement dits (multiplication ders formes atypiques) mais aussi à travers la flexibilisation des tâches de travail. Il en résulte une multiplication de situation de hors-droit, ou de situations faiblement couvertes par le droit, ce qu’Alain Supiot appelle « les zones grises de l’emploi » : travail à temps partiel, intermittent, travail « indépendant » mais étroitement subordonné à un donneur d’ordre, nouvelles formes de travail à domicile, ….Il semble donc que la structure de l’emploi, dans un nombre croissant de cas, ne soit plus un support stable suffisant pour accrocher des droits et des protections qui soient, eux, permanents. Une réponse à cette situation consisterait à transférer les droits du statut de l’emploi à la personne du travailleur. Ainsi se trouverait rétablie continuité des droits à travers la discontinuité des trajectoires professionnelles (…). D’où la nécessité d’organiser les transitions entre emploi et perte d’emploi, de ménager des passerelles entre deux états qui ne se traduiraient pas par une perte de ressources et une dégradation du statut. Les « droits de tirage sociaux » préconisé par A.Supiot s’inscrivent dans cette logique. (…) La formation au changement est appelée à prendre une place prépondérante. (…) Il s’agirait d’instaurer un véritable droit à la formation des travailleurs qui les doterait tout au long de leur parcours des savoirs et qualifications nécessaires pour faire face à la mobilité.

Source : R.Castel « L’insécurité sociale » La république des idées, 2003, p. 79-85

1.2 La population active en France : quelques données empiriques

1.2.1 La population active par âge, sexe, taux d’emploi ou d’activité …

Document 8 : la population active, qui est actif ?

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Document 9 : type de contrat en fonction de l’âge (2012)

Document 10 : type de contrat selon l’âge, le sexe et la PCS

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Document 11 Population

active Totale Statut

emplois Secteurs Ages Sexes

30 millions 89% salariés 77% CDI

Services Tranche intermédiaire

Hommes surtout sur tranche intermédiaire

Document 12 : les formes d’emploi

1.2.2 L’évolution des formes d’emploi et l’essor des emplois « atypiques »

Document 13 : évolution de la part des CDD et de l’intérim dans l’emploi total

Emplois atypiques Emplois typiques (CDI temps plein)

A temps partiel A durée déterminée

Temps partiel subi

Temps partiel volontaire

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Document 14 CDI en pourcentage total

de l’emploi salarié CDD en pourcentage total de l’emploi salarié

Hommes 94% à 88% 4% à 8% Femmes 92% à 86% 6% à 12%

Document 15 : évolution de la part des contrats courts en % des embauches

source : lexpress.com

Document 16

Source : Conseil d’orientation pour l’emploi « Emplois durablement vacants et difficultés de recrutement »,

septembre 2013

Document 17 : évolution du temps partiel et du sous-emploi

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Document 18: caractéristiques des emplois « atypiques » : à durée déterminée ou temps partiel (notamment sous-emploi)

En fonction de l’âge En fonction du secteur (privé /public)

En fonction de la PCS

Emploi hors CDI 50% chez les moins de 15-24 ans contre 10% chez les 25- 49 ans

Plus dans le public que dans le privé !

6% chez les cadres contre 32% chez les ONQ

Dans total emploi En fonction du sexe Temps partiel subi = « sous-emploi »

Emploi à temps partiel 18% 30% des femmes contre 7% des hommes

12% des employés contre 6% en moyenne

1.2.3 Ne pas confondre le stock d’emplois et les flux d’emplois

Document 19: l’évolution du stock d’emplois dans les secteurs marchands à partir du solde des

variations trimestrielles

source : journaldunet.com

Document 20 : l’évolution du solde trimestriel des emplois entre 2009 et 2013

Source : http://www.trendeo.net/2013/09/18/france-septembre-2013-une-economie-a-la-cape/

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Document 21 : pour connaître l’évolution du solde, il faut connaître l’évolution du total des créations et des suppressions d’emplois

Source : http://www.trendeo.net/2013/09/18/france-septembre-2013-une-economie-a-la-cape/

Document 22 : ne pas confondre création nette et création totale d’emplois

Document 23 : remarque méthodologique, comment mesurer les emplois détruits et créés ? L’évolution des créations et des destructions d’emplois soulève des problèmes délicats. La démarche habituelle consiste à utiliser un échantillon d’entreprises dont on observe les effectifs à deux dates bien précises (01 janvier au 31 décembre par exemple). Si, entre ces deux dates, une entreprise augmente ses effectifs, on comptabilise cette augmentation comme autant de création d’emplois. A l’inverse, si entre ces deux dates, une entreprise diminue ses effectifs, cette diminution est comptabilisée comme autant de destructions d’emplois. Le taux de destruction est égal au nombre total de destructions divisé par le stock moyen d’emplois de toutes les entreprises de l’échantillon sur la période. (…) Cependant, cette méthode sous-estime les créations et les destructions d’emplois, car elle néglige les destructions et les créations résultant des variations brèves de l’activité. Elle néglige aussi les modifications de structure des emplois au sein des entreprises, qui peuvent, par exemple, détruire des emplois d’ouvriers et créer des emplois de cadres tout en conservant un effectif constant. Les contributions qui ayant estimé ces créations et ces destructions d’emplois supplémentaires suggèrent qu’elles sont importantes. Leur pris en compte conduit à un taux de destruction annuel de l’ordre de 15%. A la fin de l’année 2013,la France compte 15,9 millions d’emplois dans le secteur marchand non agricole, ce qui donne environ 2,4 millions d’emplois détruits chaque année, soit approximativement 10 000 par jour.

Source : P.Cahuc et A.Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p. 15

Document 24 : les flux d’emplois sur le marché du travail

En France, tous les ans, 2,4 millions d’emplois disparaissent. Ramenée à l’échelle quotidienne, l’ampleur du « carnage » est impressionnante : chaque jour ouvrable, la France perd 10 000 emplois ; 10 000 par jour, c’est l’emploi d’une ville comme Fécamp, c’est 7 par minute. A ce rythme, il n’y aura plus aucun emploi en France dans moins de sept ans ! Voilà des chiffres qui pourraient facilement convaincre n’importe qui, de bonne foi mais partiellement informé, de l’inéluctable fin du travail. Heureusement, ce point de vue oublie une moitié de l’histoire.

Total emplois créés Total emplois détruits

Solde (création nette ou

destruction nette d’emplois

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La moitié omise est pourtant tout aussi intéressante. Elle se résume en une phrase : chaque jour, la France créé 10 000 emplois. Tout compte fait, la vérité est beaucoup plus déconcertante que la banale fin du travail si souvent annoncée. Les créations et les destructions d’emplois sont gigantesques et, bon an mal an, parviennent à s’équilibrer. Ainsi en 2002 en France, la croissance nette de l’emploi (différence entre créations et destructions) a été de 60 000 emplois, soit 0,4% des effectifs. L’année 2002 n’a pas été exceptionnelle, elle reflète assez bien la situation moyenne du marché du travail depuis plusieurs décennies. Entre 1970 et 2000, l’économie française a détruit, chaque année, approximativement 15% de ses postes de travail … et en a créé 15,5% de manière à assurer une croissance nette de l’emploi de 0,5% par an. (…) Une rupture dans cette évolution s’est produite à la suite de la crise des subprimes. L’économie française a détruit plus d’emplois qu’elle n’en a créé pendant deux années consécutives, mais les pertes nettes d’emplois sont restées faibles. En 2008 et 2009, elles ont représenté 0,5% et 0,8% de l’emploi total. En 2010, la tendance s’est inversée et la création nette d’emplois s’est de nouveau élevée à 0,5%. Elle est restée proche de zéro en moyenne les trois années suivantes.

Source : P.Cahuc et A.Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p. 15-16

Document 25 : distinguer flux nets et flux totaux du solde de l’emploi

Document 26 : plus de 2,6 millions d’emplois créés en 2012

Source : Conseil d’orientation pour l’emploi « Emplois durablement vacants et difficultés de recrutement »,

septembre 2013

Total des flux (créations + destructions)/2 = 15% total des emplois

Création emplois : embauches

Destruction emplois : fin cdd, licenciements, démissions

Flux total de création Flux total de destruction

Solde des flux de création et de destruction

Moins de 1 % total des emplois

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1.3 Le chômage : définition, mesure et évolution

1.3.1 L’apparition de la catégorie « chômeur » dans la population active au début du 20ième siècle

Document 27 : l’apparition du « chômage »

Le chômage n’a pas toujours existé. C’est au 19ième siècle que le vocable prend son sens moderne, amenant progressivement une reconnaissance du chômage comme problème économique appelant une réponse des pouvoirs publics. Depuis, l’appareil statistique et administratif permet une mesure précise, même si elle reste entourée d’un « halo » de situations intermédiaires. (…) Le chômage signifie jusqu’au 19ième siècle toute situation de non travail, sans précision quant à ses causes. Au 19ième, le chômeur prend son sens moderne de personne sans emploi en recherchant un. Ce chômage n’a de sens que dans la société salariale qui se développe (…). Dans une société où un individu doit trouver un employeur pour subvenir à ses besoins, ne pas trouver d’emploi met en péril cet individu et sa famille. Le chômage est donc dès l’origine un problème à la fois économique, social et politique. D’un point de vue administratif, jusqu’au recensement de 1896, il n’existe pas de catégorie « chômeur » en France. Les individus qui sont dans cette situation sont comptabilisés soit comme « sans profession », soit dans « population non classée ». (…) Dans le recensement de 1896, pour être comptabilisé comme chômeur, la période sans emploi ne doit être ni trop courte, ni trop longue. Trop courte, il ne s’agit pas de chômage, mais du délai nécessaire pour passer d’un emploi à un autre (…). Trop longue, le chômeur n’en est plus un et devient un « inactif ». On trouve ici toute la particularité du chômeur : comme d’autres pauvres, il est sans ressource, amenant à mobiliser des politiques publiques pour le soutenir et l’assister. Mais lui est valide et il est couramment soupçonné de profiter de cette assistance, amenant à distinguer « le bon pauvre » et le « mauvais pauvre ». Ainsi au 19ième siècle, en Angleterre, les workhouses accueillent les personnes sans ressources mais les contraint à y vivre enfermées et à travailler pour y bénéficier de l’aide sociale. Robert Castel cite également un exemple hollandais extrême dans lesquels les pauvres sont enfermés dans des caves inondées où ils doivent écoper pour mériter leur pain … sous des formes moins brutales, les sociétés contemporaines restent confrontées à cette particularité du chômage : le définir et le mesurer soulève des problèmes techniques (comment mesurer objectivement une recherche d’emploi ?) mais aussi politiques et moraux sur la considération et le traitement à apporter aux chômeurs.

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 122

1.3.2 Comptabiliser le nombre de chômeurs : Insee ou Pôle emploi

Document 28 : les mesures du chômage par l’INSEE et le Pôle emploi

Il y a en France deux sources statistiques principales sur le chômage : - « l'enquête emploi » de l'Insee, qui mesure le chômage au sens du Bureau international du travail (BIT). - les statistiques mensuelles du Ministère du travail, élaborées à partir des fichiers de demandeurs d'emploi enregistrés par Pôle emploi ;

Du fait des conventions retenues, les chiffres du chômage diffèrent selon les organismes et certaines personnes sans emploi n’apparaissent pas dans les statistiques dont on dispose. Les critères du BIT utilisés par l’INSEE La définition du chômage du BIT est fondée sur trois critères. Sont chômeurs les individus qui, au cours de la période de référence (une semaine) sont :

- sans travail ; - disponible pour travailler - à la recherche d’un travail, c’est-à-dire qui ont pris des dispositions spécifiques au cours d’une période récente spécifiée pour rechercher un emploi,

L’Insee recense le chômage conformément aux critères du BIT, à l’occasion de l’Enquête emploi. Celle-ci est trimestrielle. Les chiffres de Pôle Emploi Pôle emploi fournit un indicateur de suivi conjoncturel du chômage, à partir des demandes d’emploi enregistrées dans les fichiers de l’ANPE. Les DEFM (demandeurs d’emploi en fin de mois) recensent ainsi les personnes inscrites à la fin d’un mois donné. Ces DEFM sont classés en 5 catégories. Ces 5 catégories permettent un suivi précis des personnes inscrites à Pôle emploi mais contrairement à des données d’enquêtes

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comme celle de l’Insee, il s’agit de données administratives, sur la base de critères d’inscription (et de radiation) élaborées par une administration. Ces données sont donc très sensibles à la politique de lutte contre le chômage, qui en ciblant telle ou telle catégorie contribue à « modifier » les contours des demandeurs d’emploi (on peut par exemple penser que lorsque l’application du critère de recherche d’emploi effective se renforce cela conduit à radier certains « chômeurs » des listes de l’ANPE – ceux dont l’administration juge les efforts de recherche insuffisants).

Document 29 : Les catégories de DEFM de Pôle emploi

Catégorie A : demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, sans emploi ; Catégorie B : demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, ayant exercé une activité réduite courte (i.e. de 78 heures ou moins au cours du mois) ; Catégorie C : demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, ayant exercé une activité réduite longue (i.e. de plus de 78 heures au cours du mois) ; Catégorie D : demandeurs d’emploi non tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi (en raison d’un stage, d’une formation, d’une maladie...), sans emploi ; Catégorie E : demandeurs d’emploi non tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, en emploi (par exemple : bénéficiaires de contrats aidés).

Source : http://travail-emploi.gouv.fr

Document 30 : la mesure du chômage est conventionnelle, illustration Les critères de classement restent conventionnels : la définition des démarches correspond à une recherche d’emploi à évolué en 2007 dans le cadre d’une harmonisation européenne. Désormais le fait d’être inscrit (…) dans une agence de placement ne suffit plus à être déclarée en recherche active d’emploi. Ce changement de définition à fait sortir à l’époque plus de 200 000 personnes du chômage au sens du BIT en France. Au total, l’adoption de la définition européenne du chômage en 2007 a fait baisser de 0,7 point le taux de chômage français.

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 123

1.3.3 La multiplication des emplois atypiques produit un halo autour du noyau dur des

chômeurs

Document 31 : le halo du Chômage En principe, on peut classer facilement un individu comme « actif » ou « inactif » et parmi les actifs, la distinction entre détenteurs d’un emploi et chômeurs répond à des critères apparemment simples. Mais les transformations du marché du travail depuis une vingtaine d’années ont conduit à l’apparition de situations individuelles nouvelles proches des frontières entre les situations d’inactivité, d’emploi et de chômage. A la suite de J. Freyssinet, il est courant aujourd’hui d’évoquer le « halo du chômage » pour désigner les individus en situation de sous-emploi ou se déclarant chômeurs et « gravitant » autour du noyau dur des chômeurs au sens du BIT.

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Document 32

1.3.4 Caractéristiques du chômage en France

Document 33 : évolution du taux de chômage en France depuis 2003

Document 34 : évolution du taux de chômage sur une longue période, comparaison France / Etats-Unis

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Document 35 : caractéristiques des chômeurs

Document 36 Sexe PCS Diplôme Age Taux de chômage Egalisation Ecart

cadres/ouvriers augmente

Augmente avec absence de diplôme

Jeunes

14

Document 37

Document 38 : en résumé Ancienneté Chômeurs > 1 an Circonstance de

recherche emploi Ensemble 14 mois + de 50 ans Fin contrat (licenciement

= une minorité)

1.3.5 De l’utilité de distinguer taux de chômage, taux d’emploi et taux d’activité

Document 39 : définitions Le taux d’activité mesure le pourcentage de la population d’âge actif (population de 15 à 64 ans). Le taux de chômage mesure le pourcentage de la population d’âge actif sans emploi et à la recherche d’un emploi. Le taux d’emploi mesure le pourcentage de la population d’âge actif (population de 15 à 64 ans) ayant un emploi (de quelque nature et de quelque durée qu’il soit).

Document 40: évolution du taux de chômage et du taux d’emploi dans la zone euro depuis 2008 Les évolutions du taux de chômage et celles du taux d’emploi sont concomitantes ; mais pas toujours, et les divergences entre ces deux séries sont révélatrices de problèmes structurels. Les évolutions observées en Europe depuis la grande récession de 2008-2009 permettent d’illustrer les lacunes du taux de chômage et les apports de la prise en compte du taux d’emploi. (…) L’écart entre taux de chômage et taux d’emploi dans les pays européens met surtout en lumière la marginalisation et l’exclusion de certaines

Population de 15 à 64 ans

Taux d’activité

Active Non active Taux

d’emploi Au

chômage Ayant un emploi

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catégories de personnes, chômeurs découragés ou femmes renonçant à chercher un emploi en raison de la mauvaise situation du marché du travail de l’emploi par exemple, travail non déclaré pour une part aussi. Le cas américain est encore plus éclairant : alors que le taux de chômage a retrouvé son niveau d’avant crise autour de 5,5%, le taux d’emploi s’est effondré de près de 10 points. Les indicateurs du marché du travail nous fournissent donc un renseignement précieux sur la qualité de la sortie de crise : on peut en effet sortir d’une période de crise pour entrer dans un régime de basse intensité sociale, où les emplois sont durablement moins nombreux et le niveau de vie structurellement plus bas, ce que le taux de chômage ne peut traduire.

Source : Eloi Laurent et Jacques Le Cacheux « Un nouveau monde économique. Mesurer le bien-être et la

soutenabilité au 21ième siècle », O.Jacob, 2015, p. 40-42

Document 41

Source : http://www.ofce.sciences-po.fr/blog/le-taux-de-chomage-americain-baisse-et-alors/

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Document 42

Evolution taux de chômage depuis 2008

Cas Allemagne Cas France Cas Etats-Unis Cas Grèce

Baisse du taux de chômage

Hausse du taux d’emploi

Légère hausse du taux de chômage Légère baisse du

taux d’emploi

Forte hausse du taux de chômage Forte baisse du taux d’emploi

Forte baisse du taux de chômage

Forte baisse du taux d’emploi

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2. Comment expliquer le chômage ?

2.1 Les explications du chômage à partir de l’étude du fonctionnement du marché du travail

2.1.1 Le fonctionnement du marché du travail en CPP : il n’existe pas de chômage involontaire !

Document 43: la fonction d’offre de travail

Dans les sociétés modernes, consommer requiert un revenu ; et un revenu impose le plus souvent de travailler, c’est-à-dire de fournir contre salaire des heures de travail à l’entreprise. Mais le travail a aussi un coût, le sacrifice d’heures de loisir. Comme les ménages valorisent à la fois la consommation et les loisirs, ils tentent de les combiner au mieux. (…) C’est l’arbitrage consommation-loisirs. (…) Une question importante est l’impact d’une hausse de salaire sur le comportement du ménage. (…) Il en résulte deux effets. Tout d’abord, les loisirs deviennent relativement moins attrayants puisque leur prix relatif à augmenté (le coût d’opportunité du travail augmente = une heure de loisirs prive l’AE d’un revenu qui est plus élevé qu’avant) : l’AE choisit alors de consacrer plus de temps au travail qu’au loisirs, c’est l’effet substitution. Mais en même temps, l’agent économique, mieux payé, est en mesure d’augmenter sa satisfaction en augmentant ses loisirs (…) : c’est l’effet revenu, qui le pousse à travailler moins. En définitive, l’AE va-t-il travailler plus ou moins ? pour le savoir il faudrait connaître parfaitement ses préférences. Si l’effet substitution l’emporte, l’effet net sera positif : la hausse du salaire réel entraîne une hausse de l’offre de travail. si l’effet revenu l’emporte, l’effet net sera négatif. (…) En fait, la réaction précise de l’offre de travail varie selon les goûts, les conditions familiales, l’âge … des personnes concernées. Elle dépend aussi de l’horizon temporel envisagé. A court terme, les gens ne semblent pas réagir beaucoup à des modifications de leur salaire réel. A long terme, l’effet de revenu prend le dessus et l’offre de travail diminue. Au cours des 100 dernières années, les salaires réels ont été multipliés par un facteur de 7 (Etats-Unis) à 15 (France), alors que le temps de travail était réduit à peu près de moitié. (…) La courbe d’offre de travail agrégée est le résultat de multiples décisions individuelles. Alors que l’offre individuelle de travail se mesure en nombre d’heures de travail par période (un an par exemple), l’offre agrégée se calcule en hommes-heures : soit le nombre total d’heures offertes part tous les actifs pour un niveau de salaire. (…) Suite à une hausse de salaire, (…) d’autres AE qui préféraient jusqu’ici ne pas travailler peuvent décider de rejoindre la population active.

Source : M.Burda et C.Wyplosz « Macroéconomie à l’échelle européenne », De Boeck, 2006, p.88

Document 44 : la fonction de demande de travail Les entreprises utilisent à la fois du travail et du capital pour produire. (…) Pour l’entreprise, le critère de décision est la recherche du profit maximal compte tenu du salaire horaire réel. (…) L’entreprise embauche tant qu’une heure de travail supplémentaire lui rapporte plus que le coût marginal de cette heure de travail. Dit autrement, tant que la productivité marginale du travail rapporte plus que le coût marginal du travail (le salaire réel). Ce qui veut dire que plus le salaire réel diminue, plus la demande de travail augmente. (…) Penchons-nous maintenant sur les raisons qui peuvent entraîner un déplacement de la courbe de demande de travail. Examinons tout d’abord les effets d’un accroissement du stock de capital. normalement, la hausse du stock de capital doit permettre l’accroissement de la quantité produite par heure de travail. Comme la productivité marginale du travail augmente, cela fait augmenter la demande de travail pour chaque niveau de salaire réel. La courbe de demande de travail se déplace vers la droite. Cela permet de rendre compte de l’augmentation séculaire des salaires.

Source : M.Burda et C.Wyplosz « Macroéconomie à l’échelle européenne », De Boeck, 2006, p.90

Document 45: le marché du travail et le point d’équilibre Le marché du travail permet la rencontre de tous les offreurs et demandeurs de travail. Sous réserve que les conditions de la concurrence parfaite soient réunies, les variations du salaire réel doivent théoriquement permettre l’apurement du marché du travail, c’est-à-dire l’égalisation de l’offre et de la demande. Le chômage semble donc théoriquement impossible dans ce modèle microéconomique.

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 129-134

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Document 46

Si la mécanique de l’offre et de la demande de travail nous permet d’étudier les effets de diverse perturbations sur l’emploi et le salaire réel d’équilibre, elle est frustrante sur un point essentiel. Au point d’équilibre, la quantité de travail demandée est égale à la quantité de travail offerte. Le travail non employé reflète les décisions volontaires des entreprises et des ménages. Si l’offre de travail potentielle totale est de l (à droite de L), le chômage mesuré en heures de travail non employées est représenté par la distance l-L. (…) L’interprétation classique de la figure est la suivante : le salaire d’équilibre w est trop bas pour convaincre tous les travailleurs de renoncer à leur temps libre, certains ne voulant travailler qu’à temps partiel, d’autres pas du tout. Sur la figure, il n’y a aucune heure de travail involontairement chômée au salaire w.

Source : M.Burda et C.Wyplosz « Macroéconomie à l’échelle européenne », De Boeck, 2006, p.90

2.1.2 Le chômage volontaire : l’impact des revenus de substitution sur la demande de travail

Document 47 : les facteurs du chômage volontaire

Il peut paraître choquant de parler de chômage volontaire et pourtant le chômage volontaire est un phénomène important. Les personnes très riches ne sont pas les seules à se permettre de ne pas travailler. Les personnes qui disposent d’autres sources de revenu (le conjoint ou l’Etat par exemple) peuvent considérer que le salaire net qui leur serait accessible n’est pas suffisant pour compenser le temps soustrait aux loisirs ou aux activités non-marchandes, y compris les activités domestiques et l’éducation des enfants. L’incidence du chômage volontaire est sans doute la plus forte parmi les personnes peu qualifiées qui ne peuvent pas prétendre à des salaires élevés, ou encore dans les pays où une pression fiscale élevée ampute fortement le revenu tiré du travail. Travailler implique des coûts, dont les plus évidents sont encourus par les familles qui ont des enfants. Les frais de garde, l’absence de crèche, expliquent pourquoi l’on retrouve moins de ménages à deux revenus dans certains pays que dans d’autres. (…) Ce qui suggère que les institutions du marché du travail peuvent jouer un rôle (…) important dans l’explication des différences internationales (de taux de chômage).

Source : M.Burda et C.Wyplosz « Macroéconomie à l’échelle européenne », De Boeck, 2006, p.90

Document 48 : le chômage « volontaire » et le salaire de réservation Le terme de chômeur volontaire est ambigu : un chômeur n’est jamais volontaire puisque par définition il cherche à quitter cet état. Mais l’existence d’indemnisation du chômage peut modifier le calcul économique de l’offreur de travail. En effet, l’existence d’un revenu de remplacement influence l’arbitrage travail-loisirs. (…) Le niveau de salaire demandé pour accepter un emploi est appelé le salaire de réservation. L’économiste J.Rueff (1931) est l’un des premiers à avoir souligné l’effet pervers possible d’un système d’indemnisation du chômage.

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 129-134

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Document 49

2.1.3 Le chômage involontaire apparaît lorsque le marché n’est pas à l’équilibre : expliquer les rigidités du marché du travail

2.1.3.1 L’existence d’un salaire minimum : une rigidité légale

Document 50 : salaire minimum et rationnement de la demande de travail

Document 51 : quel est l’impact du salaire minimum sur l’emploi, la métaphore du cycliste sur la

montagne Le salaire minimum peut être bénéfique ou néfaste à l’emploi. (…) Tout dépend du point de départ. Si le salaire minimum est faible, proche des minima sociaux une hausse du salaire minimum attire de nouveaux travailleurs que les entreprises ont intérêt à embaucher. En revanche, si le salaire minimum est élevé, toute hausse incite les entreprises à se séparer de leurs employés dont la production vient d’être dépassée par la nouvelle valeur du salaire minimum. Le salaire minimum peut donc être bénéfique ou néfaste à l’emploi. (…) ainsi, les augmentations du salaire minimum survenues aux Etats-Unis à la fin des années 1980 et au début des années 1990 n’ont pas eu d’impact négatif sur l’emploi. C’est tout à fait possible s’il l’offre de travail des ménages

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réagi favorablement à la hausse des rémunérations.(…) Une métaphore cycliste résume assez bien ce débat. Un marché du travail où existe un salaire minimum ressemble au franchissement d’un col à vélo. Dans la montée, chaque coup de pédale supplémentaire vous rapproche du sommet, dans la descente, chaque coup de pédale supplémentaire vous en éloigne. Il s’agit avant tout de savoir si le peloton des travailleurs est dans la montée ou s’il a entamé la descente.

Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.83

2.1.3.2 Fiscalité et financement de la protection sociale : le coin socio-fiscal

Document 52 : Financement de la protection sociale et offre de travail

La protection sociale peut ajouter un facteur de rigidité lorsqu’elle est financée par un prélèvement sur les salaires. Apparaît alors un écart entre le salaire net perçu par le salarié et le coût du travail ou salaire super-brut (salaire net + cotisations sociales salariales). Cet écart est appelé le coin salarial. D’un point de vue microéconomique, le coin salarial accroît le coût du travail et réduit donc le volume d’emploi acheté par les employeurs.

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 129-134

2.1.3.3 Analyse microéconomique des rigidités : les conséquences des asymétries d’information sur la fixation des salaires

Document 53 : théorie du salaire d’efficience et théorie du salaire implicite

La théorie du salaire d’efficience (Yelen et Akerlof 1984) inverse la causalité habituelle entre salaire et productivité. C’est le salaire qui influence la productivité. L’entreprise a intérêt à proposer un salaire supérieur au prix d’équilibre, notamment pour éviter le turn-over des salariés qui représente un coût pour l’entreprise. Le niveau de productivité serait ainsi supérieur. Un salaire élevé peut également être une solution en présence d’asymétrie d’information : en amont, des prétentions salariales élevées peuvent constituer un signal de qualité positif envoyé par le salarié ; en aval, un salaire supérieur au salaire d’équilibre est pour l’employeur un moyen de réduire l’aléa moral et d’éviter les comportements de tire-au-flanc des salariés. La théorie des contrats implicites suppose quant à elle que le contrat de travail contient une clause implicite d’assurance des travailleurs. Ceux-ci sont supposés avec une aversion pour le risque et chercher à s’assurer contre les fluctuations du revenu et de l’emploi. Le salaire est rigide parce qu’il remplit un rôle d’assurance.

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 143

2.1.3.4 Analyse microéconomique des rigidités : le rôle des syndicats et la défense des insiders

Document 54 : syndicats et défense des insiders

La rigidité persistante des salaires n’est possible que parce que les chômeurs involontaires ne sont pas en mesure d’offrir leur travail à des salaires inférieurs au salaire réel, parce que les entreprises ne sont pas prêtes à accepter de telles offres, ou parce qu’elles sont incapables de formuler de telles offres. (…) Les syndicats sont l’une des institutions les plus fondamentales et universelles des économies modernes. Ces organisations d’employés défendent les intérêts des travailleurs dans différents domaines. Elles font en général face à des associations d’employeurs tout aussi puissantes, comme le Medef en France. (…) La réalité du marché du travail est celle d’une négociation entre organisations représentatives des travailleurs et des employeurs. (… Au risque de simplifier,les deux objectifs économiques primaires des syndicats sont l’accroissement du salaire réel et la création d’emplois. (…) Pourquoi les syndicats imposent-ils une rigidité des salaires contre la volonté apparente des chômeurs ? L’une des raisons en est que les délégués syndicaux sont élus par les travailleurs employés, communément appelés « insiders ». Les chômeurs sont le plus souvent minoritaires au sein des syndicats. En outre, les travailleurs au chômage n’adhèrent souvent plus aux syndicats ou s’éloignent de leur gestion courante et deviennent des « outsiders ». Les syndicats finissent par ne représenter que ceux qui ont un emploi, négligeant les chômeurs. L’emploi potentiel de ces derniers est en quelque sorte sacrifié au bénéfice du relèvement des salaires réels des travailleurs employés.

Source : M.Burda et C.Wyplosz « Macroéconomie à l’échelle européenne », De Boeck, 2006, p.100

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Document 55 : rigidités et pouvoir de négociation des salariés coalisés La théorie insiders-outsiders répond à une question simple qui reste une énigme pour la microéconomie standard : pourquoi les chômeurs, offreurs de travail insatisfaits, ne parviennent-ils pas à se faire embaucher en lieu et place des travailleurs en se proposant aux employeurs à un salaire inférieur ? Une des explications possibles est que les travailleurs en place (les insiders) disposent d’un avantage sur les chômeurs (les outsiders) du fait de leur position dans l’entreprise. Cet avantage peut avoir diverses sources : organisations en syndicat, contrôle des embauches (closed shop), coût d’embauche et de recrutement (recrutement, formation), maîtrise des caractéristiques des postes de travail … Cet avantage permet alors aux insiders de maintenir les salaires à un niveau supérieur au salaire d’équilibre et de ne pas subir la concurrence directe des demandeurs d’emploi.

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 143

2.1.3.5 Analyse microéconomique des rigidités : la protection du travail accentue la

segmentation du marché

Document 56 : la segmentation du marché du travail Cette vision d’un marché du travail divisé en différents compartiments qui ne communiquent qu’imparfaitement est également celle des théories de la segmentation (Piore et Doeringer, 1971). Il n’existe non pas un, mais des marchés du travail ; certains sont régis non par les lois de l’offre et de la demande mais des règles et des procédures. On les appelle marchés internes par opposition aux marchés externes plus concurrentiels. Les marchés internes sont des marchés fermés dans lesquels les conditions d’emploi, de salaire, de carrière sont largement institutionnalisées.

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 143

Document 57 : la protection de l’emploi segmente le marché du travail

Une législation rendant plus difficile les licenciements a un effet ambigu sur le volume de l’emploi. Elle réduit certes les destructions d’emplois, mais elle diminue aussi les créations, car les entreprises craignent de ne pouvoir à l’avenir, détruire les emplois non rentables protégés par cette législation. La protection de l’emploi est donc favorable à l’emploi si elle diminue plus les destructions que les créations d’emplois. Evaluer l’impact de la protection de l’emploi demeure donc une question principalement empirique. (…) En règle générale, les travaux empiriques mettent en évidence une corrélation, positive ou négative, entre « la rigueur » de la protection de l’emploi et le taux de chômage (…). Les principales conclusions auxquelles ces travaux aboutissent sont les suivantes :

- la rigueur de la protection de l’emploi n’a aucun effet significatif sur le taux de chômage ; ainsi, une protection de l’emploi plus rigoureuse ne contribue pas à diminuer le taux de chômage ;

- une protection de l’emploi plus rigoureuse accroît la durée du chômage. Ce résultat provient de l’impact négatif de la protection sur les créations d’emploi. La protection de l’emploi ayant pour effet de réduire les créations et les destructions d’emplois sans avoir d’impact significatif sur le taux de chômage, il en résulte que les chômeurs ont moins de chance de retrouver un emploi, ce qui augmente la durée moyenne du chômage ;

- une protection de l’emploi plus rigoureuse diminue le taux d’emploi (c’est-à-dire la proportion des personnes occupant un emploi parmi les personnes en âge de travailler) ;

Ce sont surtout les taux d’emploi des jeunes et des plus de 50 ans qui sont plus faibles dans les pays où la protection de l’emploi est plus rigoureuse. En définitive, une législation contraignante en matière de séparation apparaît plutôt défavorable à l’emploi, en particulier à l’emploi des personnes dont l’insertion dans le marché du travail est la plus difficile, comme les jeunes, les femmes et les plus âgés. (…) Toutes les informations empiriques dont nous disposons indiquent que la législation actuelle évite temporairement certaines destructions d’emplois, mais grâce à un coût exorbitant qui dégrade les conditions financières des entreprises et réduit l’emploi total. Cela ne veut pas dire que la protection de l’emploi est inutile. Au contraire, mais elle est indispensable, mais elle doit prendre une forme radicalement différente.

Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.84

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Document 58 La protection de l’emploi stabilise le revenu de certains salariés, mais au détriment d’un accroissement de l’incertitude pour les autres. Les licenciements économiques ne représentent qu’une très faible part des sorties de l’emploi. L’écrasante majorité des sorties de l’emploi sont dues à des fins de contrats à durée déterminée et des démissions. Les licenciements économiques ne comptent que pour environ 1% des sorties de l’emploi, même dans les années marquées par une conjoncture défavorable. La réglementation du licenciement économique ne concerne donc directement qu’une très faible proportion des départs de l’emploi. Les entreprises gèrent l’essentiel de leurs mouvements de personnel en jouant sur les CDD et les départs spontanés, liés aux démissions et retraites. (…) La législation actuelle protége les emplois des salariés dotés d’une certaine ancienneté, mais pousse les entreprises à utiliser abondamment les contrats à durée limitée. Elle accentue ainsi la segmentation du marché du travail, entre, d’une part des salariés protégés, ayant accès à des emplois stables, et d’autre part, des salariés contraints d’accepter des contrats à durée limitée et des chômeurs ayant, en moyenne, peu de chances de retrouver du travail rapidement. La protection de l’emploi améliore le bien-être des travailleurs protégés, mais dégrade celui des autres. Elle contribue à creuser les inégalités.

Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.84

2.1.4 Frictions et difficultés d’appariement sur le marché du travail

Document 59 : les flux du marché du travail

Source : M.Burda et C.Wyplosz « Macroéconomie à l’échelle européenne », De Boeck, 2006, p.100

Document 60: la rencontre entre demandeur et offreur de travail prend du temps

A tout moment, il y a simultanément un très grand nombre de chômeurs à la recherche d’un travail et des employeurs ayant des postes vacants qui recherchent du personnel pour les occuper. Ainsi, en mars 2014, il y avait 3,35 millions de demandes d’emplois enregistrées auprès de Pôle Emploi. En 2002, le chiffre de demandeurs d’emploi était de 2,6 millions. Par ailleurs, les services du ministère du Travail publient chaque trimestre un « indicateur de tension », égal au ratio du flux d’offres d’emplois collectées par Pôle Emploi sur la même période. Entre 1998 et 2013, la valeur moyenne de cet indicateur a été de 0,64. Cela signifie que depuis 15 ans, chaque trimestre il y a approximativement 64 offres d’emploi enregistrées pour 100 demandes enregistrées. Devant ces chiffres, on pourrait penser qu’offres et demandes ne concernant pas les mêmes métiers, et la présence simultanée, en si grand nombre, de chômeurs et d’emplois vacants n’aurait rien d’étonnant. Mais tel n’est pas le cas. Il y a dans chaque famille professionnelle, même à un niveau de nomenclature détaillé, un nombre important de chômeurs qui cohabitent avec un nombre important d’emplois vacants. Prenons l’exemple des « techniciens et agents de maîtrise de l’électricité et de l’électronique ». selon les calculs du Centre d’orientation de l’emploi, l’indicateur de tension de cette catégorie s’élevait à 1,3 au 4ième trimestre 2012. Autrement dit, à cette date, il y avait chaque trimestre 13 offres d’emplois enregistrées pour 10 demandes dans la même catégorie. En revanche, dans la catégorie « ouvriers non qualifiés travaillant par enlèvement ou formage de métal », l’indicateur de tension atteignait 0,6. L’indicateur de tension est donc un

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bon indicateur des difficultés de retour vers l’emploi. Plus il est faible, plus le demande d’emploi risque de rester longtemps au chômage. (…) Cette présence simultanée d’un nombre impressionnant d’emplois vacants et de chômeurs dans la plupart des métiers signifie qu’un appariement (c’est-à-dire la rencontre d’un employeur et d’un chômeur se concluant par une embauche) ne se réalise pas aussi simplement qu’on aurait pu l’imaginer. La raison en est que, aujourd’hui encore plus qu’hier, un appariement demeure très spécifique. Un technicien de l’électronique n’accepte pas n’importe quelle offre d’emploi entrant dans son domaine de compétence. De nombreux éléments guident son choix. La localisation de l’emploi bien sûr, mais aussi le salaire proposé, les conditions de travail, les horaires, la réputation générale de l’entreprise, les perspectives de carrières … réciproquement, un employeur recherchant un technicien de l’électronique n’embauche pas nécessairement la première personne se présentant à lui. Il peut tenir compte de l’expérience professionnelle, de l’adéquation entre les tâches qu’il voudrait voir accomplies et de ce qu’il croît être dans les possibilités du postulant, de sa plus ou moins grande disponibilité pour des opérations imprévues, de l’intégration dans le fonctionnement et les règles propres à l’entreprise, voire la sympathie ou l’antipathie qu’il ressent lors de ce premier contact. Toutes ces informations ne sont évidemment pas connues au moment où le chômeur et l’employeur débutent leurs recherches respectives. Ces dernières visent précisément à révéler ces informations a priori cachée ou connues d’un seul des protagonistes. L’activité principale d’un chômeur est la quête d’informations et cette quête prend du temps, parfois même beaucoup de temps, vraisemblablement trop de temps. Ainsi, au mois de mars 2014, un demandeur d’emploi sort des fichiers de Pôle emploi en moyenne 277 jours après son inscription et cette durée s’élève à 462 jours s’il y a plus de 50 ans. (…) La longueur de ce délai traduit les nombreuses difficultés rencontrées par les chômeurs dans la recherche d’emploi. Il est frappant de constater que de nombreux employeurs déclarent aussi rencontrer des difficultés à recruter les personnels dont ils ont besoin. (…) Il est également intéressant de noter que 4% du total des offres déposées en 2012 ont été retirées faute de candidat. Il n’y a donc pas, en général, de pénurie d’emplois, mais il y a toujours des difficultés d’appariement. Ce qui n’est pas la même chose.

Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.84

Document 61: coût de la recherche et de la découverte d’information

La théorie économique a commencé assez récemment à s’intéresser à la recherche d’emploi et aux conditions de la réussite de l’appariement (le matching) entre offreurs et demandeurs de travail, condition du bon fonctionnement du marché du travail. (…) La théorie du job search modélise le comportement de l’offreur de travail confronté à une information imparfaite sur les emplois disponibles et supportant des coûts de recherche (en temps, en argent …), coûts qui croissent avec la durée de recherche. La stratégie théorique du chômeur consiste alors à optimiser sa recherche d’emploi afin de trouver le meilleur emploi disponible pour lui. Stigler (1961) considère qu’il détermine un nombre maximal de recherches. Mortensen (1986) considère qu’il arbitre à chaque nouvelle offre d’emploi entre poursuivre sa recherche d’emploi ou accepter l’emploi qui ne correspond pas forcément à son objectif initial. (…) La théorie du signal développée par Mickael Spence (1973) met l’accent sur le risque d’anti-sélection du fait de la méconnaissance par l’employeur potentiel de l’efficacité réelle des candidats à l’embauche. L’offreur de travail cherche alors à envoyer des signaux positifs sur sa productivité tandis que le demandeur cherche les indices lui permettant de distinguer les « bons » et les « mauvais » candidats. Le diplôme est un de ces signaux.

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 145

Document 62: coût de la mobilité géographique

L’information n’est pas gratuite contrairement à l’hypothèse de CPP. Trouver un emploi prend du temps et suppose des coûts de recherche. Ces délais et ces coûts peuvent être encore plus élevés en cas de problème d’appariement entre offre et demande. Il s’agit de chômeurs qui pourraient trouver un emploi mais au prix d’un changement de région, de secteur ou de profession. Rappelons qu’à peu près 10000 emplois disparaissent chaque jour en France et que 10000 autres sont crées, mais dans d’autres entreprises, secteurs ou régions. (…) Il s’agit d’un chômage d’ajustement qui disparaît lorsque les offreurs se sont adaptés aux demandes de travail des employeurs. Mais plus problématique car trouver un emploi peut prendre beaucoup plus de temps et représenter des coûts importants.

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 129-134

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Document 63 : les indemnités chômage peuvent améliorer l’appariement Ces théories qui analysent les conditions de l’appariement entre offreurs et demandeurs de travail changent radicalement le regard sur les systèmes d’indemnisations du chômage. En l’absence d’indemnisation du chômage, les offreurs seront amenés à interrompre plus rapidement leur recherche et à accepter un emploi ne correspondant pas forcément à leurs qualifications et compétences. Cette situation de mismatch est sous-optimale pour le travailleur comme pour la société puisque le capital humain est sous ou mal employé. L’existence d’un système d’indemnisation garantissant un revenu de remplacement pendant la recherche d’emploi contribue à améliorer l’efficacité du marché du travail dans sa fonction d’appariement des offres et des demandes de travail (Diamond, Mortensen et Pissarides en 1994). La question qui se pose est alors celle de la durée optimale d’indemnisation. Trop courte, elle conduit à un équilibre bas sur le marché du travail, trop longue elle augmente le coût de son financement pour la collectivité et peut favoriser un chômage volontaire au sens classique. (…) Les travaux sur la recherche d’emploi et l’appariement entre offreurs et demandeurs ont également amené à se pencher sur l’efficacité du système de prise en charge des chômeurs et d’accompagnement vers l’emploi. La politique du guichet unique (fusion ANPE et Unedic en 2008), le profilage du chômeur à travers une évaluation rapide de ses chances de retrouver un emploi et l’orientation vers un programme spécifique d’accompagnement vers l’emploi en sont des exemples.

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 145

2.1.5 Le chômage structurel (ou naturel)

Document 64: en conclusion

Les théories contemporaines du chômage ont permis d’aller plus loin que Friedman dans la recherche des causes du chômage naturel. Elles permettent d’expliquer les différences de taux de chômage entre différents pays et la persistance du chômage à un niveau élevé … En fonction, des caractéristiques et des imperfections du marché du travail, de son hétérogénéité, de la forme et des caractéristiques des institutions qui l’encadrent, des objectifs et des stratégies des différents acteurs … Chaque économie connaît un taux de chômage d’équilibre plus ou moins important et qui « bouge » pour reprendre l’expression d’Edmund Phelps.

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 143

Document 65

Chômage structurel

Frictions / Appariement - Recherche d’information - Compétences demandées sur le marché du travail - Mobilité géographique

Règles de fonctionnement du marché du travail : rôle des « institutions » qui jouent sur les incitations des AE = - Droit du travail et condition de licenciement (cas des CDI) - Niveau du salaire minimum - financement de la protection sociale et importance du coin socio-fiscal - revenus de transferts et protection sociale et salaire de réservation

Autres rigidités : - Situation d’asymétrie d’information qui pousse le salaire réel au-dessus du salaire d’équilibre - Pouvoir de négociation des syndicats

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2.2 L’explication macroéconomique du chômage 2.2.1 L’existence d’un sous-emploi au sens keynésien provenant de l’insuffisance de la

demande

Document 66 : chômage et sous-emploi dans le contexte de la crise des années 1930 Dans sa Théorie Générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie (1936), Keynes propose une théorie du chômage involontaire qu’il distingue du « chômage classique ». du côté de l’offre de travail, le raisonnement classique est selon lui erroné car les travailleurs sont victimes d’illusion monétaire : ils réagissent aux variations de leur salaire nominal mais pas de leur salaire réel. (…) Au final, les ajustements de l’offre de travail à son prix sont freinés par ce mécanisme. Du côté de la demande, l’ajustement offre/demande de travail ne se fait pas automatiquement en situation de crise. Comme il l’écrit lui-même « il n’est pas très plausible d’affirmer que le chômage aux Etats-Unis en 1932 ait été dû soit à une résistance opiniâtre de la main d’œuvre à la baisse des salaires nominaux, soit à sa volonté irréductible d’obtenir un salaire réel supérieur à celui que le rendement de la machine économique pouvait lui procurer. Le volume de l’emploi connaît d’amples variations, sans qu’il y ait de changements apparents ni dans les salaires réels minima exigés par la main d’œuvre, ni dans sa productivité. L’ouvrier n’est pas plus intransigeant en période de dépression qu’en période d’essor, bien au contraire». (…) Bref, en période de récession, la demande de travail diminue et devient insuffisante pour employer des travailleurs dont l’offre est rigide à court terme. Le chômage keynésien est donc un chômage conjoncturel, un chômage de crise. (…) Le problème est que, si le chômage keynésien permet d’expliquer le chômage conjoncturel, il ne dit pas pourquoi certains pays, dont la France, connaissent depuis plusieurs décennies un chômage durablement élevé.

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 135-136

Document 67 : la loi d’Okun et l’output gap

La récession qu’ont connue les pays développés à la suite de la crise financière de 207-2008 a fait nettement augmenter le chômage dans ces pays. Cette augmentation correspond bien à un chômage keynésien. La réaction des Etats de ces pays a d’ailleurs été typiquement keynésienne, utilisant des politiques de relance de la demande et de soutien à l’activité économique (on notera que cela ne sera plus le cas dans la zone euro après 2012). L’objectif est alors de faire remonter le PIB à son niveau tendanciel (la croissance potentielle peut se calculer comme la croissance moyenne) et de réduire ainsi l’output gap ; si elle est suffisante, la reprise d’activité fait repartir l’emploi et normalement baisser le chômage, selon la loi d’Okun, parle d’ailleurs également d’Okun gap.

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 136

Document 68 : écart de production et variation du taux de chômage, l’exemple des Etats-Unis

Dans les années 1960, A. Okun avait établi une relation stable entre l’évolution du chômage et celle de l’écart de production : c’est la loi d’Okun. Il existe un lien entre à court - moyen terme entre les variations du chômage et le taux de croissance de l’économie : le niveau d’emploi s’éloigne du niveau de plein emploi si la croissance effective est inférieure à la croissance potentielle.

Source : J.Stiglitz « Principes d’économie moderne », 3ième édition, De Boeck 2008

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2.2.2 Distinguer chômage conjoncturel et chômage structurel

Document 69 : distinguer chômage conjoncturel et chômage structurel Le problème est que, si le chômage keynésien permet d’expliquer le chômage conjoncturel, il ne dit pas pourquoi certains pays, dont la France, connaissent depuis plusieurs décennies un chômage durablement élevé.

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 135-136

Document 70 : le taux de chômage structurel peut évoluer au cours du temps

La notion de chômage naturel (Phelps, 1968 ; Friedman, 1968) va entraîner un changement de perspective. (…) Selon Friedman, le chômage naturel englobe et fait la synthèse de plusieurs types de chômage : chômage frictionnel (coût de collecte d’information), chômage d’inadéquation (coût de mobilité), chômage classique et volontaire … C’est le taux de chômage de long terme. Le changement de perspective est considérable : un chômage naturel de 6,8 ou 10% de la population active devient compatible avec une situation de « plein-emploi ». On peut vérifier cette conclusion en observant les courbes de Beveridge française et américaine depuis les années 1970. Ces courbes comparent les offres et les demandes de travail insatisfaites. On estime les premières par le taux de chômage et les secondes par un indicateur de difficulté de recrutement des entreprises. A court terme, il existe bien sûr une corrélation négative entre les deux variables : quand le chômage est élevé, les entreprises rencontrent moins de difficultés à recruter. Néanmoins, quand on observe les courbes de Beveridge sur le long terme en France, on constate qu’elles se déplacent vers la droite au cours des années 1970 et 1980 : les entreprises déclarent le même niveau de difficultés de recrutement alors que le taux de chômage sont bien plus élevés. A plus court terme, on retrouve la corrélation inverse entre chômage et pénurie de main d’œuvre, mais ces variations se font autour d’un taux de chômage structurel bien supérieur à ce qu’il était dans les années 1960. La diminution du chômage naturel observée aux Etats-Unis dans les années 1980 montre que celui-ci n’est pas une fatalité. Il peut être combattu mais pas par des politiques conjoncturelles de relance keynésienne.

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p.

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2.2.3 Pourquoi le chômage structurel peut-il augmenter au cours du temps ?

Document 71 : du chômage conjoncturel au chômage structurel Suite aux travaux de Blanchard et Summers (1987) un premier type d’explication va s’intéresser aux phénomènes d’hystérèse. (…) En cas d’hystérèse, suite au choc qui fait augmenter le chômage effectif (donc conjoncturel), le taux de chômage naturel augmente, entraînant une hausse durable du chômage … qui se maintient alors que la cause initiale a disparu. C’est le cas si le seul fait de tomber dans le chômage réduit l’employabilité d’une personne et partant ses chances de sortir du chômage. Si le chômage détériore le capital humain de la personne, les chocs conjoncturels peuvent créer un chômage qui se transforme en chômage structurel, durable.

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 143

Document 72 : hausse de la durée individuelle de chômage et baisse de l’employabilité

Ceci souligne combien il peut être dangereux de laisser augmenter le chômage, celui-ci risquant alors de « s’enkyster » dans la société par tout un ensemble de cercles vicieux : perte d’employabilité, découragement, relégation des chômeurs dans des quartiers éloignés de l’emploi, où se cumulent les difficultés économiques et sociales. La politique économique doit donc être réactive, et ne pas laisser la situation de l’emploi se dégrader lors d’un retournement de conjoncture.

Source : Jérôme Gautié « Le chômage », La découverte, 2009

Document 73 : d’autres facteurs peuvent modifier le chômage structurel (le cas français) 2.2.4 Le NAIRU et la frontière de l’arbitrage inflation-chômage

Document 74 : le Nairu délimite les deux types de chômage Le chômage naturel est lié à la réinterprétation de la courbe de Phillips par Milton Friedman. (…) L’apparition de la stagflation dans les années 1970 contredit la lecture en terme d’arbitrage inflation-chômage puisque le chômage et l’inflation augmentent simultanément. L’interprétation de Friedman est alors qu’il n’existe pas une mais des courbes de Phillips. L’inflation s’auto-entretient, d’autant plus qu’elle dépend essentiellement des anticipations d’inflation future : il est possible d’avoir le même niveau de chômage avec des niveaux d’inflation différents. A long terme, le taux de chômage dépend du chômage naturel, la courbe de Phillips de long terme, « augmentée » des anticipations est donc verticale. Selon Friedman, la stagflation des années 1970 a deux causes : d’une part, une augmentation du chômage naturel qui déplace la courbe de Phillips de long terme vers la droite ; d’autre part, des réponses keynésiennes inadaptées à cette situation qui font augmenter l’inflation sans réduire le chômage de long terme. Dans ce contexte, le chômage naturel est interprété comme le niveau de chômage qui est compatible avec une inflation stabilisée. Toute tentative pour faire baisser le chômage en dessous de ce niveau naturel entraîne une accélération de l’inflation. C’est le NAIRU.

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 140

Chômage structurel

Frictions / Appariement - faiblesse de la mobilité géographique renforcée par l’accès croissant à la propriété - faiblesse de la formation initiale (manque de jeunes diplômés) - faiblesse de la formation continue

Règles de fonctionnement du marché du travail : rôle des « institutions » qui jouent sur les incitations des AE = - création des CDD et segmentation du marché du travail - hausse du salaire minimum qui produit un effet de substitution - hausse des cotisations sociales - hausse salaire de réservation - CDI et conditions de licenciement

Autres rigidités : - les insiders sont en CDI = l’évolution de leur rémunération ne dépend pas de l’évolution de la productivité du travail

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Document 75 : au-dessous du Nairu, la lutte contre le chômage est inefficace et fait augmenter l’inflation En effet, l’expérience américaine de la décennie 1960 avait montré que les politiques n’avaient pas réussi durablement à diminuer le taux de chômage en dessous d’un certain seuil, semblant relativement incompressible à moyen terme, de l’ordre de 4% à 5%. En revanche, elles semblaient responsables d’une augmentation continue du taux d’inflation au cours de la même période. Les politiques de plein emploi semblaient donc buter sur un taux de chômage « naturel ». Le qualificatif peut sembler étonnant, il s’oppose simplement à « monétaire » : c’est le taux de chômage insensible, à moyen terme, à une politique monétaire expansionniste. Conformément à la courbe de Phillips, cette dernière peut faire baisser le chômage à court terme en augmentant l’inflation, à condition que les salaires nominaux s’ajustent avec retard sur les prix : dans ce cas, les salaires réels vont baisser dans un premier temps, et les entreprises vont augmenter leur niveau d’emploi (leur demande de travail étant supposée d’autant plus importante que le salaire réel est faible). Cependant, dès que les salariés auront obtenu un rattrapage de leur salaire sur l’inflation, le salaire réel et donc l’emploi vont revenir à leur niveau initial. Le chômage retrouvera donc son niveau « naturel ». La seule façon d’essayer de maintenir le chômage à un niveau plus bas est d’accroître de nouveau l’inflation, mais l’effet ne peut être que de court terme, le temps que s’ajustent les salaires réels. En d’autres termes, le chômage ne peut être maintenu à un niveau inférieur à son niveau « naturel » qu’au prix d’une inflation non seulement plus élevée (comme l’indiquait Phillips) mais constamment croissante.

Source : Jérôme Gautié « Le chômage », La découverte, 2009, p. 42

Document 76 : le chômage conjoncturel = la part du chômage qui se situe au-dessus du Nairu En réalité, les politiques keynésiennes restent compatibles avec cette nouvelle représentation de la courbe de Phillips, mais doivent être réservées aux cas où le chômage dépasse son niveau naturel. Connaître le niveau du Nairu est donc primordial : c’est lui qui permet de savoir si le risque inflationniste existe ou non ; si le chômage est à son niveau d’équilibre ou s’il comporte une composante conjoncturelle qui peut être combattue par des politiques de relance. Selon E.Phelps « le taux de chômage moyen sur le long terme – disons une douzaine d’années environ – est rarement éloigné du taux naturel moyen sur la période ». Le taux de chômage naturel s’établirait en France autour de 9% de la population active, niveau très élevé, qui signifierait que le « plein emploi » des facteurs serait compatible avec la mise à l’écart de près de 10% des offreurs déclarés. Il est donc central de connaître les déterminants de ce taux de chômage naturel, et de comprendre pourquoi « il bouge », spécifiquement en Europe et en France depuis les années 1970.

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 136-141

Document 77 : le Nairu, un concept introduit par James Tobin pour réhabiliter les politiques de lutte contre le chômage en stimulant l’activité

On peut en déduire de l’analyse friedmanienne qu’il existe un taux de chômage compatible avec une inflation stable, soit un taux de chômage qui n’accélère pas l’inflation, le non accelerating inflation rate of unemployement, le NAIRU. Dans l’esprit de James Tobin, qui introduit cette notion dans les années 1970, loin de rendre caduques les politiques keynésiennes (comme le voulait Friedman), le NAIRU va au contraire leur fournir un instrument précieux, en permettant de distinguer la part conjoncturelle du chômage de sa part structurelle. Le taux de chômage conjoncturel est simplement la différence entre le taux de chômage effectivement constaté et le NAIRU. Si cette différence est positive, les politiques conjoncturelles doivent intervenir jusqu’à ce que le chômage rejoigne le NAIRU, d’autant plus que, selon les économistes keynésiens, et contrairement à la conception friedmanienne du « chômage naturel » rien n’assure que l’économie revienne automatiquement au niveau du NAIRU.

Source : Jérôme Gautié « Le chômage », La découverte, 2009, p. 43

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3. La lutte contre le chômage et les politiques de l’emploi

3.1 La diversité des politiques de l’emploi

Document 78 : les politiques de l’emploi sont présentes en France depuis les années 1950

Les politiques de l’emploi constituent un objet complexe. Leur définition n’est pas claire, et leur légitimité même est souvent mise en cause. En effet, elles ne constituent pas une priorité dans une perspective keynésienne, où l’objectif de plein emploi est principalement du ressort des politiques macroéconomiques (…). Ce défaut de légitimité peut en partie expliquer les critiques permanentes dont elles font l’objet, et qui ont un caractère paradoxal, puisque ces interventions sont largement installées dans les outils des politiques publiques : indemnisation chômage, agences pour l’emploi, dispositifs de formation et de reconversion depuis les années 1950, préretraites, aides à l’emploi pour les publics en difficultés depuis la fin des années 1970 … (allègement des cotisations sociales depuis les années 1990). (…) Les politiques de l’emploi en France se sont principalement développées après le premier choc pétrolier face à la montée du chômage et à l’échec de la tentative de relance keynésienne de 1975.

Source : Christine Erhel « Les politiques de l’emploi », Que sais-je ?, 2014, p.9-10

Document 79 : une définition « large » des politiques de l’emploi En première analyse (selon la définition proposée par Jérôme Gautié, 1998) on peut considérer que les politiques de l’emploi comprennent l’ensemble des interventions publiques sur le marché du travail, visant à corriger les éventuels déséquilibres et/ou limiter les effets néfastes de ces derniers. Cette définition, bien qu’elle soit large, marque la frontière avec les politiques macroéconomiques de lutte contre le chômage conjoncturel, qui ne concerne qu’indirectement le marché du travail : les politiques de l’emploi désignent plutôt des politiques structurelles. Elles incluent des mesures très diverses : interventions sur le coût du travail ; incitations fiscales à l’activité ; indemnisation du chômage ; préretraites ; mesures ciblées sur les chômeurs (formation, aide à la recherche d’emploi, stages ou emplois publics temporaires). Dans une perspective plus large, on peut également y introduire des dispositifs de réglementation du marché du travail (salaire minimum, règles de licenciement, temps de travail).

Source : Christine Erhel « Les politiques de l’emploi », Que sais-je ?, 2014, p.9-10

Document 80 : le besoin d’harmoniser la définition des politiques de l’emploi pour faciliter les comparaisons internationales, vers une définition plus « restreinte »

Afin de mener à bien des comparaisons internationales en matière de politique publique de l’emploi, il est nécessaire de disposer d’une définition conventionnelle et harmonisée. La plus utilisée est celle que propose l’OCDE (…). Cette définition repose sur deux grands principes. Tout d’abord, elle ne retient que les politiques dites ciblées, c’est-à-dire celles qui bénéficient à des groupes en difficulté sur le marché du travail, en particulier les trois catégories de bénéficiaires suivants : chômeurs, personnes en emploi mais menacées dans leur emploi, inactifs souhaitant entrer sur le marché du travail et désavantagés. Lorsque les dispositifs visent à accroître l’emploi global, sans distinction d’un type de bénéficiaires précis, ils sont qualifiés de mesures générales, et ne sont pas pris en compte. C’est le cas par exemple des mesures d’exonération de charges sociales en France qui visent à augmenter la demande de travail des entreprises, et bénéficient à tous les emplois. (…) De la même manière, les mesures d’incitation au travail par le biais de mécanismes d’impôt négatif (qui augmentent le revenu après impôt des ménages ayant de faibles revenus du travail, afin d’éviter les phénomènes d’enfermement dans l’inactivité) ne sont pas intégrées. En effet, là encore, ces dispositifs bénéficient à toutes les personnes ayant un emploi selon un critère de revenu. De plus, ils sont à la frontière entre politique de l’emploi et politiques sociales, leur fonction étant à la fois de lutter contre la pauvreté et d’inciter au travail. Enfin, certaines politiques sociales telles que le RMI (RSA) remplissent également une fonction de soutien du revenu en cas de chômage (pour les personnes n’ayant plus ou pas les droits à l’assurance chômage), mais elles ne sont pas intégrées à la dépense pour l’emploi puisqu’elles ne sont pas explicitement ciblées sur les chômeurs et concernent un public de bénéficiaires plus large. La définition de l’OCDE est donc restrictive : elle exclut des modes d’intervention pourtant fréquents dans la plupart des pays de l’OCDE. (…) Au sein des politiques de l’emploi prises en compte par l’OCDE, il est courant de distinguer entre deux grandes catégories de mesures : celles visant au maintien du revenu des chômeurs ou de certaines catégories de personnes inactives sont qualifiées de mesures passives ; celles ayant pour objectif d’augmenter l’emploi des

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bénéficiaires, leur niveau de formation, ou encore d’améliorer le fonctionnement global du marché du travail, sont considérées comme des mesures actives.

Source : Christine Erhel « Les politiques de l’emploi », Que sais-je ?, 2014, p.9-10

Document 81: distinguer plusieurs « niveaux » et plusieurs types de politiques de l’emploi Compte tenu de la difficulté à établir une définition simple des politiques de l’emploi, nous proposons de retenir une notion composite, comportant trois niveaux d’analyse. Dans un premier cercle, on fait figurer la définition stricte des politiques de l’emploi au sens de l’OCDE. Dans le deuxième cercle, on prend également en compte des mesures générales dont un objectif explicite est d’augmenter l’emploi en intervenant pour corriger un certain nombre de dysfonctionnement sur le marché du travail. dans le troisième cercle, on inclut les politiques n’ayant pas pour objectif central l’accroissement du niveau de l’emploi mais affectant néanmoins celui-ci (politiques macroéconomiques et droit du travail ou régulation de l’emploi).

Source : Christine Erhel « Les politiques de l’emploi », Que sais-je ?, 2014, p.9-10

3.2 Les politiques qui consistent à protéger les actifs et partager le stock de travail entre

actifs

3.2.1 Indemniser les chômeurs (une politique dite « passive » selon l’OCDE) pour lutter contre « l’insécurité sociale » (selon l’expression de Robert Castel)

Document 82 : Aider les chômeurs

Face à l’augmentation du chômage, la première réponse est une réponse sociale. Elle vise à rendre le chômage supportable par des mesures dites de traitement social : indemnisation des chômeurs, politiques de réduction de la population active (préretraites, …). Elles représentent une part non négligeable – près de 60% - des dépenses de la politique de l’emploi en France. L’indemnisation du chômage remplit un rôle central, tant d’un point de vue social que d’un point de vue économique. En effet, elle permet d’une part d’éviter une chute trop brutale des revenus (et donc de la demande) en cas de récession et d’augmentation du chômage. D’autre part, elle est indispensable pour permettre d’obtenir le meilleur (ou le moins mauvais) appariement possible des offreurs et des demandeurs de travail.

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 147

Document 83 : la place des indemnités chômage dans les politiques de l’emploi en France en 2009

En millions d’euros 2009 Services du marché du travail 4 873 Mesures actives 13 766 Formation professionnelle 6 855 Incitations à l’emploi 1 823 Emploi protégé 1 428 Création directe d’emploi 2 921

31

Aide à la création d’entreprise 738 Soutiens 27 085 Maintien et soutien du revenu en cas de perte d’emploi

26 789

Pré-retraites 296 Total 45 724 Dépendes totales en % du PIB 2,42%

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 149

3.2.2 La protection de l’emploi : protéger les salariés en contrôlant les licenciements

Document 84 : la protection de l’emploi limite les licenciements

La protection de l’emploi regroupe les mesures (législatives, conventionnelles ou jurisprudentielles) qui visent à encadrer la rupture du contrat de travail. Depuis la fin des années 1990, l’OCDE a construit un indicateur de protection de l’emploi qui sert aujourd’hui de référence en la matière. Il s’agit d’un indicateur synthétique qui résume la protection dont bénéficient les salariés dans trois domaines : celui du licenciement individuel (règles définissant le caractère « abusif » ou non d’un licenciement), du licenciement collectif et enfin de la protection des travailleurs temporaires. (…) L’OCDE donne une valeur comprise entre 0 et 6, croissante avec la rigueur de la protection de l’emploi. La protection de l’emploi vise à protéger le travailleur dans une relation contractuelle potentiellement asymétrique donnant l’avantage à l’employeur. C’est ce qu’exprime la fameuse citation d’Henri Lacordaire « entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit » (1848). L’objet de la protection de l’emploi est donc de limiter le risque d’arbitraire dans une situation, la rupture du contrat de travail, qui peut entraîner un préjudice important pour le travailleur se retrouvant sans emploi.

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 143

3.2.3 Partager le stock de travail : la logique « malthusienne » de lutte contre le chômage

Document 85 : il faut « faire de la place » pour faire baisser le nombre de chômeurs

En période de chômage, limiter la croissance de la population active peut apparaître comme une solution de bon sens pour le combattre. Il suffirait d’agir soit directement sur la population active, par exemple en contrôlant les flux migratoires, soit sur les comportements d’activité de la population en réduisant les taux d’activité. On peut inclure dans cette perspective les politiques visant à réduire l’activité des seniors (les pré-retraites par exemple), des jeunes (en retardant l’entrée dans l’activité) ou des femmes (en favorisant leur retrait d’activité lorsqu’elles ont des enfants). Parmi ces exemples, seules les pré-retraites relèvent explicitement des politiques de l’emploi, qu’on appelle alors politiques passives, par opposition aux politiques actives de l’emploi qui cherchent à transformer les capacités des personnes, leur capital humain, et non pas à agir sur le volume de la population active. Le principe de ces politiques passives est simple : faire sortir de l’activité certaines personnes pour « faire de la place » à d’autres et notamment aux nouvelles générations entrant sur le marché du travail déjà saturé. Ces politiques visent à combattre le chômage en réduisant la population active sont dites malthusiennes. (…) Dans cette approche, la population active doit s’adapter à l’activité économique. Autrement dit, l’optique malthusienne considère que la demande de travail (le volume de l’emploi) est exogène ou du moins indépendante de l’offre de travail (la population active). Si l’on accepte ce postulat, il est clair que toute augmentation de la population active ne peut qu’accroître le chômage. Pour reprendre la métaphore de Malthus « Au grand banquet de la nature, il n’y a pas de couvert mis pour lui. La nature lui commande de s’en aller, et ne tardera pas à mettre elle-même cet ordre à exécution ». (…) Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 34

Document 86: résumé, les politiques passives selon l’OCDE

Indemnisation des chômeurs Pré-retraites (politique passive au sens de l’OCDE)

32

Document 87 : L’évolution de la place des politiques « passives » de l’emploi en France depuis 1975, le poids déclinant des incitations au retrait d’activité

Source : Christine Erhel « Les politiques de l’emploi », Que sais-je ?, 2014, p.33

Document 88: une autre solution pour « faire de la place » , le partage du temps de travail

Le raisonnement malthusien a une autre traduction en matière de politique publique. Ce sont les politiques dites de partage du travail. L’idée est attrayante, notamment en période de chômage : il s’agit, en réduisant la durée du travail, de travailler moins pour travailler tous. Cette diminution peut prendre plusieurs formes : abaissement de la durée légale, développement du temps partiel, baisse de l’âge effectif de départ à la retraite … L’objectif est d’enrichir le contenu de la croissance en emploi, c’est-à-dire de faire qu’un même montant d’activité génère plus d’emploi. Si l’on raisonne toutes choses égales par ailleurs, la baisse de la durée du travail doit entraîner mécaniquement une augmentation de l’emploi. L’arithmétique est simple et repose sur une règle de trois : (…) on vérifie que si l’activité et le niveau de productivité horaire sont donnés, une baisse de la durée du travail de 10% augmente l’emploi de 10% et enrichit donc le contenu en emploi de l’activité économique. (…) Son point commun avec les politiques passives comme les pré-retraites est de chercher à partager la pénurie ; la différence est qu’il vise néanmoins à créer des emplois, même s’il s’agit d’emplois à temps partiel ou réduit. Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 36

Document 89: les enjeux de la réduction du temps de travail depuis la révolution industrielle Avant la Révolution française, les corporations ouvrières imposaient des règles aménageant de longues périodes durant lesquelles le travail salarié était proscrit : absence le dimanche et le lundi suivant la paie, nombreuses pauses quotidiennes, travail à temps partiel durant les récoltes, restriction du travail des enfants … il y avait ainsi 164 jours chômés en France au 17ième siècle. Les lois d’Allarde et le Chapelier (1791) ont supprimé les corporations et permis aux employeurs de fixer la durée du travail. le temps de présence des ouvriers sur leur lieu de travail a alors augmenté considérablement pour atteindre 4500 heures par an au début du 19ième siècle alors que les agriculteurs travaillaient encore entre 1800 et 2000 heures par an deux siècles avant. Dans un tel contexte, la réduction du temps de travail est devenue l’enjeu de luttes sociales récurrentes. Les progrès furent lents, parfois même freinés par des retours en arrière. Ainsi, la journée de repos hebdomadaire qui avait été instituée en 1814 fut supprimée par voie légale en 1880. Elle avait de nombreux adversaires, inquiets des conséquences néfastes de l’oisiveté des ouvriers, de la baisse de la production et de la fermeture des pâtisseries le dimanche. La journée de repos n’a été définitivement acquise qu’en 1906. La journée de 8h et la semaine de 48h sont imposées en 1919, tandis que les 40h et les deux semaines de congès payés datent de 1936. Les troisième, quatrième et cinquième semaines de congés payés sont instaurés en 1956, 1963 et 1982. La durée hebdomadaire légale du travail passe à 39h en 1982 et enfin 35h en 2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés (en 2002 pour les entreprises de moins de 20 salariés). Historiquement la volonté de réduire le temps de travail avait pour principal objectif de rendre plus acceptable la condition ouvrière. Il se doublait parfois d’un combat militant pour une autre organisation de la société dans laquelle le travail n’occuperait plus une place prépondérante. Mais à la fin des années 1970, face à la montée du chômage

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de masse, la motivation essentielle de la réduction du temps de travail devint le partage des emplois pour faire baisser le chômage. Les gouvernements Mauroy et Jospin utilisèrent explicitement cet argument lorsqu’ils réduirent la durée du travail par voie légale en 1982 et 2000. En présentant son plan pour l’emploi en 1981, pierre Mauroy n’hésitait pas à déclarer que « la réduction du temps de travail constitue de loin la mesure la plus efficace contre le chômage ».

Source : Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.48-62

Document 90 : résumé, les politiques de l’emploi qui visent à protéger les salariés et à « partager le stock

d’emplois existants » Protéger les salariés

Partager le stock de travail Protection de l’emploi Assurance chômage Protéger les salariés contre la perte de l’emploi car relation salariale est asymétrique (nature du contrat de travail)

Protéger les salariés contre l’insécurité sociale (Castel) : indemnités chômages

Soit en retirant certains actifs du marché du travail : pré-retraites

Soit en partageant le temps de travail = gérer la pénurie du travail (RTT)

Politiques dites « passives » au sens de l’OCDE

3.3 Quel bilan pour ces politiques de l’emploi ?

3.3.1 Les indemnités chômage peuvent produire des trappes à chômage : salaire de réservation et chômage volontaire

Document 91 : qui est concerné par les indemnités chômage ?

Les droits des chômeurs français sont communément dépeints par les paramètres extrêmes du régime : accès dès 4 mois de travail, 24 mois d’indemnisation, allocation maximale dépassant 6000€. Cette description est impressionnante, mais elle donne une vue très biaisée de la réalité, ce qui conduit à préconiser des réformes inappropriées : en vérité seulement 43% des chômeurs sont indemnisés par l’assurance, (…) et 7 chômeurs sur 10 sont finalement indemnisés moins de 12 mois. 90% des chômeurs indemnisés touchent une allocation inférieure à 2000€ bruts. La réalité des taux de remplacement effectifs dont bénéficient les chômeurs est bien différente de la caricature très théorique que forment les paramètres extrêmes mis bout à bout : le taux de remplacement des chômeurs français est dans la moyenne européenne et comparable à celui de l’Allemagne (cf. graphique ci-après). La vraie différence c’est qu’en France l’assurance chômage fournit environ 80% de leurs revenus aux chômeurs, car l’Etat les aide très peu. En Allemagne, les pouvoirs publics assurent 50% des ressources des chômeurs, et 70% au Royaume-Uni.

Source : http://www.atlantico.fr/decryptage/et-ailleurs-se-passe-comment-systeme-indemnisation-chomeurs-francais-est-vraiment-trop-genereux-bruno-coquet-2551035.html#VJiZbCDb1bhgPxOE.99

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Document 92 : les indemnités chômage s’articulent avec d’autres instruments pour limiter la perte de revenus des chômeurs

Source : http://www.atlantico.fr/decryptage/et-ailleurs-se-passe-comment-systeme-indemnisation-chomeurs-

francais-est-vraiment-trop-genereux-bruno-coquet-2551035.html#VJiZbCDb1bhgPxOE.99

Document 93: les indemnités chômage assurent un coussin contra-cyclique Lorsque le chômage augmente, une partie de la réaction des politiques de l’emploi est automatique, notamment sous l’effet de l’augmentation du montant des allocations chômage versées. Toutefois, lors de la crise de 2007-2008, un certain nombre de pays sont allés au-delà de ces ajustements automatiques et ont pris des mesures temporaires visant à améliorer la couverture par l’indemnisation du chômage dans une optique de soutien au revenu et de lutte contre la pauvreté (assouplissement des critères d’accès à l’assurance chômage, augmentation de la durée d’indemnisation). Ce type d’intervention est surtout important dans les pays où la générosité des allocations chômage est faible, comme les Etats-Unis (…). En France, la durée d’indemnisation a été maintenue, mais des mesures temporaires ont été adoptées afin d’améliorer la prise en charge des chômeurs en fin de droits en 2010.

Source : Christine Ehler « Les politiques de l’emploi », Que sais-je ?, 2014, p.88

Document 94: au niveau microéconomique, les AE au chômage réalisent un arbitrage

Document 95 : deux questions

Calcul de l’actif au chômage

Percevoir salaire ? Percevoir allocation chômage ?

Il existe un « salaire de réservation » = il faut que le salaire obtenu compense au moins les pertes de revenus lié à la suppression de l’indemnité chômage et aux coûts d’exercice de

l’activité professionnelle lorsque l’on choisit de travailler

Plus le coût d’opportunité à reprendre une activité professionnelle est élevée, plus la probabilité de rester au chômage augmente

« L’allocation chômage, cause du chômage permanent » (Jacques Rueff durant la grande crise des années 1930)

Le montant des indemnités (ratio de remplacment) est-il désincitatif ?

La durée des indemnités est-elle désincitative ?

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Document 96 : que disent les travaux empiriques sur cette question ? En moyenne lorsque le ratio de remplacement augmente de 1%, la durée du chômage augmente dans une fourchette comprise entre 0,3% à 1,6%. De même, une hausse d’une semaine de la durée maximale d’indemnisation induit une augmentation de la durée moyenne de chômage comprise entre 0,1 et 0,4 semaine. L’observation du comportement des chômeurs au moment où ils perdent le droit à l’assurance chômage livre aussi des renseignements complémentaires. (…) Le retour à l’emploi s’accélère à l’approche de la fin des droits à l’allocation chômage. Plus généralement, il est possible de dégager trois enseignements principaux : 1) une forte diminution de l’allocation chômage pousse une partie des chômeurs à retrouver rapidement un emploi. Une partie des chômeurs ne cherche donc pas véritablement un emploi ou n’accepte les offres qu’à la fin de la période donnant droit au versement de cette allocation ; 2) l’impact positif de la perte de l’allocation chômage sur le retour vers l’emploi est plus marqué pour les individus les plus qualifiés, qui perçoivent les rémunérations les plus élevées ; (…) 3) une partie des chômeurs ne retrouve pas d’emploi après le 14ième mois, alors que l’allocation chômage a été considérablement diminuée. (…) Il existe donc une proportion importante de chômeurs ayant peu de chances de retrouver un emploi, indépendamment du niveau de l’allocation chômage.

Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.134

Document 97 : fin de la période d’indemnisation et retour à l’emploi

Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? »,

Flammarion, 2015, p.134

Document 98: la durée de l’indemnisation peut jouer sur la qualité des emplois trouvés (améliore l’appariement O/D)

Si l’allongement de la période d’indemnisation augmente la durée du chômage, il est possible que la contrepartie soit une amélioration de la qualité des emplois trouvés. C’est effet positif a été identifié aux Etats-

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Unis. Dans ce pays, les différents Etats ont des réglementations prévoyant des durées maximales d’indemnisation spécifiques à chacun d’entre eux, ce qui permet de comparer les conséquences de la longueur de la durée d’indemnisation sur les emplois trouvés. Mario Centeno a ainsi montré qu’une augmentation de la durée d’indemnisation de 10% des prestations versées aux chômeurs augmentait la durée de présence dans l’emploi trouvé d’environ 2 semaines. Cet effet positif semble particulier aux Etats-Unis. En règle générale, les recherches sur ce thème concluent plutôt à une absence d’impact de la durée potentielle d’indemnisation sur la qualité des emplois trouvés. (…) Ces enseignements soulignent la grande hétérogénéité de la population des chômeurs. Il y a sans doute des chômeurs qui profitent du système et d’autres qui le subissent. Or les personnes qui ne cherchent pas activement un emploi le font au détriment des autres. Si elles sortaient plus vite du chômage, il serait possible de mieux indemniser les personnes les plus démunies pour une même dépense totale. Plutôt que d’affamer les chômeurs, il faut chercher à élaborer un système juste et efficace.

Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.134

Document 99 : les indemnités chômage, quelles conséquences sur l’emploi ? Conséquences positives Conséquences négatives

Prise en charge des nouveaux chômeurs après choc négatif = maintien de la demande globale = effet stabilisateur automatique ; Objectif social de l’indemnité chômage : éloigner le chômeur de la pauvreté

Augmente le temps de recherche d’emploi = permet une meilleure recherche d’information = appariement de meilleure qualité (niveau de satisfaction dans l’emploi plus important)

La hausse du ratio de remplacement et de la durée d’indemnisation fait augmenter le temps au chômage = augmente le coût des indemnités versées

L’effet est d’autant plus important que le salaire de réservation est élevé = plutôt un comportement d’actifs qualifiés ; peu d’impact sur les actifs peu qualifiés

Analyse macro Analyse micro Analyse micro du chômage volontaire

3.3.2 La protection de l’emploi freine la dynamique de destruction créatrice des emplois

Document 100: les effets de la protection de l’emploi sur le chômage Son effet sur le chômage est (…) ambigu. La protection de l’emploi limite les licenciements et réduit donc a priori le chômage. Mais elle peut également freiner l’embauche en désincitant l’employeur à embaucher aujourd’hui une personne qu’elle aura des difficultés à licencier demain si l’activité se réduisait. L’effet positif domine a priori chez les seniors qui ont un emploi : les travailleurs âgés, représentant un coût élevé en cas de licenciement et étant proches de la retraite, bénéficient de la protection de l’emploi. Le volume de l’emploi peu qualifié étant sensible à la conjoncture, les travailleurs à faible qualification sont également protégés. L’effet négatif serait surtout perceptible pour les nouveaux entrants sur le marché du travail (les jeunes) et les ré-entrants (notamment les femmes). Un deuxième effet possible de la protection de l’emploi est une préférence supérieure des employeurs envers les contrats de travail temporaires plutôt que pour les emplois durables, plus coûteux pour eux. Les travailleurs non qualifiés, plus aisément substituables, risquent également d’être plus fréquemment embauchés en contrat précaire, revers de la médaille de la protection dont bénéficient ces travailleurs lorsqu’ils disposent d’un contrat durable. (…) Le graphique suivant le confirme partiellement : le taux d’emplois précaires est corrélé faiblement mais positivement avec la rigueur de la protection de l’emploi.

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Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p.

151 Document 101 : le sentiment d’insécurité est plus élevé dans les pays où la protection des emplois est plus

élevée Cet état de fait peut par ailleurs expliquer l’apparent paradoxe qui montre que le sentiment d’insécurité dans l’emploi est globalement inférieur dans les pays où la protection de l’emploi est la plus faible : le sentiment d’insécurité s’appuyant sur le dualisme du marché du travail et la crainte de tomber dans le segment périphérique où l’emploi est moins protégé. Ce paradoxe de la protection de l’emploi qui protège certains salariés mais accroît l’insécurité pour d’autres explique l’historique des politiques publiques en la matière.

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 151

Document 102: les freins à la dynamique de destruction-créatrice des emplois Pierre Cahuc et Francis Kramarz considèrent que la protection de l’emploi en France a les mêmes conséquences que la limitation à certains marchés (par le diplôme, la licence …) et réduit le niveau d’emploi global. La protection de l’emploi gène le processus dynamique de destruction créatrice des emplois.

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 151

Document 103: la protection de l’emploi, quelles conséquences sur l’emploi ? Conséquence positive Effet négatif

Le CDI protège les individus de la perte de leur emploi = réduit la destruction d’emplois

Le coût du licenciement avec les CDI est donc élevé : conséquence, les employeurs privilégient les

contrats « moins coûteux » en terme de rupture/fin : ils vont rechercher les contrats qui leur assurent au moindre coût la flexibilité numérique dont ils ont besoin (ajuster le volume de l’emploi au carnet de

commande) Le CDI protège d’autant plus que l’ancienneté ou la qualification (les salaires) des salariés sont élevés =

le coût du licenciement est plus important

Les nouveaux entrants et les moins qualifiés sont les plus susceptibles d’obtenir ce type de contrat

(puisque par définition, ces contrats ne concernent pas les CDI)

Le CDI protège également les salariés les moins qualifiés dont l’emploi est très sensible à la

conjoncture

Le marché du travail se segmente (Piore & Doringer) et se dualise : entre des actifs protégés

(CDI) et des actifs peu protégés (qui cumulent emplois précaires et inactivité/chômage + salaires

précaires) ; En résumé, plus la partie dominante des emplois est

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protégée (les insiders), plus la partie minoritaire des emplois devient précaire et sert de variable

d’ajustement (les outsiders) ; Cette dualisation produit un sentiment d’insécurité car

le coût de la perte d’un emploi est élevé puisque la perte du CDI peut faire basculer dans le groupe des

« outsiders »

Document 100: certaines institutions du marché du travail freinent le processus de destruction créatrice

Protection de l’emploi (CDI) Professions dont l’accès est réglementé (taxis …) Limiter les destructions d’emplois Limiter les créations d’emplois

Conséquence : limiter le processus de destruction créatrice qui est le reflet de l’adaptation continue des entreprises aux exigences de la compétition sur le marché

3.3.3 Les politiques malthusiennes : une analyse en termes de « stock fini » des emplois qui ne correspond pas à la dynamique permanente de création-destruction des emplois

Document 104 : les pré-retraites et l’abaissement de l’âge de départ à la retraite ne font pas baisser le

taux de chômage Comme l’on montré de nombreux travaux, un accroissement même brutal de l’offre de travail est en grande partie absorbé par le marché du travail et se traduit par une augmentation de l’emploi sans hausse proportionnelle du chômage. Les interactions entre offre et demande de travail sont plus complexes qu’une simple addition entre termes indépendants ou Population active = Emploi + Chômage. Si le raisonnement malthusien était valide, les politiques visant à réduire l’activité, notamment des seniors devraient permettre d’observer une décrue du chômage, notamment des plus jeunes, dans les pays qui les ont mises en place. Or, c’est plutôt l’inverse que l’on observe : les pays où les taux d’activité des seniors sont importants connaissent en moyenne des taux d’emploi des jeunes et des femmes supérieurs aux pays dans lesquels l’activité des plus de 50 ans est réduite. Pour reprendre l’image du « banquet de la nature » (T.Malthus), l’erreur du raisonnement malthusien est d’oublier que la quantité de nourriture disponible dépend largement du nombre de convives présents car ceux-ci sont également cuisiniers du banquet. Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 34 Document 105: l’augmentation soudaine du nombre d’actifs ne fait pas augmenter le chômage, l’exemple

des rapatriés d’Algérie (1962) La seconde moitié du 20ième siècle a connu de nombreuses vagues migratoires provoquées par des évènements politiques brutaux. Ces mouvements de grande ampleur, difficilement prévisibles, offrent l’occasion d’observer précisément les conséquences d’un apport massif et soudain de main d’œuvre. (…) Ces diverses expériences dégagent un enseignement important : dans une économie suffisamment réactive, les variations de la taille de la population, si soudaines et importantes soient-elles, ont un impact faible sur le chômage et les salaires. (…) En réalité, le capital ne s’adapte pas instantanément lors de la venue d’un nouvel immigrant. Il faut un certain temps pour que les moyens de production et les infrastructures puisse s’adapter à un flux important et inattendu de main d’œuvre. Une augmentation de la population active, qui entraîne une raréfaction du capital par tête, peut alors se traduire par une diminution de la productivité des résidents. Cette réduction de productivité entraîne elle-même des baisses de salaire, ou du chômage si les salaires ne peuvent pas diminuer. La faculté qu’ont certains pays à pouvoir adapter rapidement leurs moyens de production et leurs infrastructures est donc la clef de l’intégration économique . Les accords d’Evian, proclamant l’indépendance de l’Algérie furent signés en mars 1962 (…). Près de 900 000 rapatriés affluèrent alors en France durant la seule année 1962 et choisirent de s’installer pour une écrasante majorité d’entre eux, dans les départements du Sud. (…) Environ 400 000 français en âge de travailler furent rapatriés d’Algérie. Alfred Sauvy raconte l’angoisse qui saisit alors certains membres de la Commission des comptes de la nation. L’un d’eux avait en effet noté que le nombre d’emplois vacants enregistrés atteignait péniblement les 35 000. Il en avait conclu que le nombre de chômeurs s’accroîtrait inexorablement de la différence, soit 365 000. Dans les mois et les années qui suivirent, rien ne vint confirmer ces sinistres présages.

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(…) Jennifer Hunt (Université de Montréal) a évalué l’impact de l’immigration de 1962 sur les personnes résidents en métropole. Pour cela, elle a comparé l’évolution du chômage et des salaires dans les 86 départements français métropolitains entre 1962 et 1967. (…) Elle a pu montrer que les départements ayant accueilli le plus de rapatriés ont des taux de chômage très peu différents des autres. Elle a calculé que l’arrivé de 10 travailleurs rapatriés en 1962 s’est traduite en 1967 par 2 chômeurs de plus parmi les résidents. Elle a aussi calculé que le salaire moyen est au maximum 1,3% plus faible en 1967 par rapport à ce qu’il aurait été à cette même date si les rapatriés étaient restés en Algérie. (…)

Source : Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.48-62

Document 106 : l’exemple des migrations en Allemagne durant les années 1990

Les conflits en Bosnie et du Kosovo du début des années 1990 déclenchèrent aussi une importante vague d’immigration en direction de nombreux pays d’Europe. (…) Par exemple, l’Autriche a accueilli 100 000 réfugiés bosniaques entre 1992 et 1995. J.Angrist et A.Kugler (MIT et Université de Barcelone) (…) trouvent qu’en moyenne un accroissement de 10% de la part de la population étrangère dans la population active induit une baisse de l’emploi des résidents comprise entre 0,2 et 0,7 point de %. L’impact de l’immigration sur l’emploi des résidents est globalement limité. Mais cette étude n’en reste pas à cette estimation moyenne. Elle a aussi pu montrer que l’impact de l’immigration n’est pas le même dans tous les pays d’accueil et qu’il dépend, en particulier, de la législation régissant les modalités de licenciement et les barrières à l’entrée sur les marchés des produits. L’impact de l’immigration sur l’emploi des résidents est d’autant plus négatifs que les coûts de licenciements et les barrières à l’entrée sur les marchés des produits sont élevés. (…) La chute du mur de Berlin a provoqué de vastes mouvements de population. Au cours de la seule année 1990, 397 000 personnes en provenance principalement de pays de l’ex-URSS, de Pologne et de Roumanie arrivèrent en Allemagne. En l’espace de 15 ans, près de 3 millions de personnes ont émigré vers ce pays. Le plus souvent, les immigrants ont été répartis aléatoirement à travers les régions allemandes par l’administration afin d’assurer une répartition harmonieuse de la population. (…) A.Glitz a analysé l’impact de cette vague migratoire : il a trouvé qu’elle avait augmenté le chômage de manière très marginale mais qu’elle n’avait eu aucun effet sur la distribution des salaires. L’analyse de l’impact des migrations sur le marché du travail contredit formellement l’idée selon laquelle le nombre des emplois serait donnée, indépendante de la taille de la population en âge de travailler. C’est plutôt l’idée contraire qui se rapproche le mieux de la réalité : le nombre des emplois rejoint plus ou moins vite le nombre de personnes désirant travailler. Ce constat n’est pas étonnant au regard de la description du fonctionnement du marché du travail où il apparaît que l’emploi est le fruit d’une recomposition permanente et massive de l’appareil productif. Dans un contexte où des millions d’emplois sont créés et détruits chaque année, il serait surprenant que le nombre d’emplois soit une donnée intangible, indépendante des mouvements de population.

Source : Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.48-62

Document 107: une analyse erronée du fonctionnement du marché du travail dont l’application peut

servir des causes dangereuses L’idée selon laquelle l’économie d’un pays, et a fortiori l’économie mondiale, contient un nombre fixe d’emplois ou d’heures de travail, devant être partagés d’une manière ou d’une autre est fausse. Elle peut conduire à des conséquences (…) nocives quand elle sert à justifier le retraite des mères ou des pères de famille de la population active (grâce par exemple en France à l’allocation parentale d’éducation). Elle devient même dangereuse lorsqu’elle conduit à penser que chasser les bras superflus (les juifs dans l’Allemagne nazie par exemple) redonnera du travail aux résidents autochtones.

Source : Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.48-62

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Document 108 : la critique des politiques « malthusiennes » Objectif ? Gérer la pénurie de travail car le stock de travail est donné : toute

hausse de l’offre de travail doit se traduire par un « débordement » = des chômeurs

Validations empiriques ? La hausse soudaine de la population active ne fait pas augmenter le chômage ! France 1962 (cf A.Sauvy) Allemagne 1993 et 2015 Le nombre d’emplois rejoint rapidement le nombre de personnes qui désirent travailler

La baisse d’une partie de la population active ne fait pas baisser le chômage : Développement des pré-retraites en France et montée du chômage durant les années 1980/1990

Mais une remarque : plus les institutions sont « rigides » moins la capacité à intégrer la hausse de la population active est forte (cas français)

Document 109 : RTT et compétitivité des entreprises, les créations d’emplois sous condition

A première vue, l’idée selon laquelle la baisse de la durée du travail est un moyen de partager les emplois aller de soi : dans un monde où la production des entreprises serait une donnée intangible, il faudrait un nombre fixe d’heures de travail pour atteindre ce niveau de production. Il suffirait alors que chacun travaille moins longtemps pour que les entreprises embauchent des personnes supplémentaires. (…) Mais nous ne vivons pas dans un tel monde. L’environnement est incertain et une proportion massive des emplois se redéploie sans cesse entre les entreprises. (…) L’impact de la réduction du temps de travail sur l’emploi dépend de la manière dont elle affecte leur compétitivité. Les pouvoirs publics en sont conscients, ainsi les lois Aubry ont accordé aux entreprises réduisant leur temps de travail de généreuses baisses de charges. Elles comptent actuellement pour moitié dans le total des allègements de cotisations sociales. (…) Reste à savoir si la réduction du temps de travail favorise la compétitivité. Ce peut être le cas si elle incite les entreprises à adopter une organisation plus performante et si elle pousse les salariés à travailler plus efficacement, sans trop accroître le coût de la main d’œuvre.

Source : Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.48-62

Document 110: impact théorique de la RTT sur l’emploi, un effet positif sous certaines conditions

Impact réduction du temps de travail avec compensation pleine des salaires Si la RTT ne s’accompagne pas d’une hausse

de la productivité ou des allègements de cotisations sociales

Si la RTT s’accompagne d’une hausse de la productivité ou des allègements de cotisations

sociales Pourquoi ? La hausse du coût horaire (35h payées 37h)

n’est pas compensée par des subventions ni par davantage de productivité du travail ; les

entreprises se retrouvent à payer 35h au tarif de 37h = le coût unitaire salarial augmente = l’emploi n’augmente pas car choc d’offre

négatif

La hausse du coût horaire (35h payées 37h) est compensée par des allègements de

cotisations sociales Les accords de RTT sont négociés avec une flexibilité organisationnelle accrue = + de

productivité du travail Conséquence : le coût salarial unitaire

n’augmente pas et peut même diminuer = l’emploi augmente car choc d’offre positif

Document 111 : comment expliquer les créations d’emplois après la mise en œuvre des lois sur les 35h ?

Les évaluations réalisées après la mise en place des lois Aubry convergent sur un chiffre de 300 000 à 350 000 emplois créés grâce aux lois Aubry (entre 1998 et 2002), le débat portent ensuite sur les explications de cet effet : logique de baisse du coût du travail du fait des allègements des charges sociales et de la flexibilité obtenue ou logique du partage du travail ? On pourrait même ajouter : amélioration du contexte macroéconomique et reflux du chômage.

Source : Christine Ehler « Les politiques de l’emploi », Que sais-je ?, 2014, p.114

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Document 112 : les effets de la RTT, les cas allemands et français Seules les études empiriques sont susceptibles de nous indiquer si la réalité s’est confirmée à ce scénario. (…) En Allemagne, des réductions de la durée conventionnelles du travail ont été négociées au niveau des branches dans les années 1980 et 1990. La durée hebdomadaire conventionnelle moyenne dans l’industrie est passée de 40h en 1984, à 38,8h en 1988 et 37,7h en 1994. (…) Les diminutions de durée conventionnelle du travail négociées entre les partenaires sociaux se sont réalisées avec une compensation salariale mensuelle à peu près totale et sans effet positif sur l’emploi, alors que l’objet initial était pourtant le partage du travail et donc la création d’emplois. (…) En France, le passage aux 35h a été encadré par les lois Robien (1996) et Aubry (1998-2000). De nombreux observateurs créditent ces lois d’un succès appréciable sur le front de l’emploi : elles auraient créé 350 000 emplois entre 1998 et 2002. Mais la vraie question est de connaître ce qui revient à la réduction du temps de travail et ce qui revient aux autres éléments (aides et subventions, modération salariale, réorganisation du processus de production) dans cette hausse de l’emploi. Raphael De Coninck aboutit à la conclusion que la réduction de la durée légale n’est pas responsable de ces créations d’emplois. Il exploite le fait qu’en 2000 la durée légale est passée de 39h à 35h pour les entreprises de plus de 20 salariés. Il compare alors l’évolution de l’emploi entre 2000 et 2001 des entreprises ayant juste au dessus de 20 salariés (obligées de réduire leur durée légale) et celles ayant moins de 20 salariés (pas encore concernées par la loi). (…) Il trouve que l’emploi dans les entreprises obligées de passer aux 35h a crû moins vite que dans les autres restées aux 39h. il attribue ce résultat au maintien du salaire hebdomadaire dans les firmes passées au 35h. La hausse du coût du travail aurait ainsi réduit la profitabilité de ces dernières.

Source : Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.48-62

Document 113 : les conséquences sur l’emploi des politiques de RTT, résultats des études empiriques

En Allemagne (années 1980-1990)

En France : lois Aubry

Conséquences quantitatives sur l’emploi et la baisse du chômage

Aucune (effet neutre)

+ 350 000 emplois

Débat ? Mais débat : étude de De Coninck « l’emploi dans les entreprises obligées de passer aux 35h (+ de 20 salariés) a crû moins vite que dans les autres restées aux 39h (moins de 20 salariés) ». Il impute la hausse des emplois à la conjoncture et estime même que la RTT a conduit à créer moins d’emplois là où elle s’appliquait

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Document 114 : résumé, conséquences positives et négatives des politiques de soutien aux revenus des chômeurs, de protection des salariés face aux licenciements et de partage du travail

Indemnisation chômage (montant et durée)

Protection emploi Politique de partage du travail

Impact positif Impact négatif Impact positif Impact négatif Impact positif

Impact négatif

Baisse de l’insécurité sociale ; Effet macroéconomique stabilisateur ; Amélioration de l’appariement O/D

Trappe à chômage (chômage volontaire) notamment pour les salariés les plus qualifiés

Limite les licenciements

Segmente et dualise le marché du travail

Davantage de temps libre ; Recherche flexibilité organisationnelle (donc productivité)

La demande de travail n’est pas indépendante de l’évolution de l’offre de travail ; Débat autour des 35h

Les salariés peuvent avoir tendance à refuser certains emplois = impact négatif sur l’offre de travail / poids sur les comptes de l’assurance chômage

Les entreprises ne sont pas incitées à créer des emplois et/ou multiplient les embauches à durée déterminée = impact négatif sur la demande de travail et le niveau de vie d’une partie de la population active

3.4 Les politiques qui cherchent à stimuler la demande et l’offre de travail et leur

appariement

Document 115 : stimuler demande et l’offre de travail et faciliter l’appariement Pour qu’un chômeur reprenne un emploi, il faut un emploi vacant, il faut aussi un chômeur qui accepte cet emploi et il faut qu’ils se rencontrent. Les politiques de l’emploi doivent donc jouer sur les deux côtés du marché du travail (offre et demande) et sur leur appariement. On appelle ces politiques des politiques actives de l’emploi.

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 148

Document 116 : en cas de chômage keynésien, la création d’emplois dépend davantage des politiques de

relance que des politiques structurelles Pour qu’un chômeur retrouve un emploi, encore faut-il que cet emploi existe. En période de ralentissement économique, l’insuffisance de la demande de biens restreint la production et donc la demande de travail et les possibilités d’embauche. Un chômage keynésien involontaire apparaît alors. Même si les systèmes d’indemnisation ont leur utilité face à ce type de chômage en permettant d’éviter la spirale baisse de l’activité /hausse du chômage/baisse de l’activité … La réponse à ces chocs conjoncturels dépend davantage de politiques keynésiennes de relance sur les marchés des biens (consommation et investissement) que de politiques spécifiques de l’emploi.

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 153

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3.4.1 Stimuler la demande de travail : favoriser la création d’emplois

3.4.1.1 Une politique ciblée vers des populations « en difficulté » sur le marché du travail : les contrats aidés (une politique « active » au sens de l’OCDE)

Document 113 : les contrats aidés

Les emplois aidés correspondent à un premier type de ces politiques actives. Il s’agit d’emplois s’appuyant sur des contrats spécifiques, dérogatoires au droit du travail, offrant aux employeurs des avantages et des incitations particulières. Il peut s’agir de subventions, d’exonérations de certaines cotisations sociales, d’aides à la formation …. Ces emplois sont en général ciblés sur des publics particuliers comme les jeunes ou les chômeurs de longue durée, les bénéficiaires de minima sociaux …. Certains emplois aidés sont réservés au secteur non marchand, d’autres aux entreprises du secteur marchand.

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 153

Document 117 : évolution du nombre de contrats aidés entre 1990 et 2012 (attention ce document n’intègre pas la politique des contrats d’avenir menée à partir de 2012 par F.Hollande = 500 000

contrats)

Source : Christine Ehler « Les politiques de l’emploi », Que sais-je ?, 2014, p.114

Document 118 : l’évolution des dispositifs de contrats aidés en France

En France, près d’une centaine de dispositifs se sont succédé depuis la fin des années 1970. Ils ont (ou avaient) pour objectif d’améliorer l’employabilité des personnes sans travail. Cette expression peut élégante mais assez évocatrice fait référence à tous les facteurs susceptibles d’influer sur les perspectives de retour à l’emploi des chômeurs. Ainsi, tous ces programmes cherchent principalement à accroître la formation théorique ou pratique, donner ou redonner des habitudes de travail et accumuler de l’expérience professionnelle. Dans le maquis des dispositifs (…) on distingue les aides à l’emploi dans le secteur non marchand et les aides à l’emploi dans le secteur privé marchand. (…) Dans le secteur non marchand, qui regroupe principalement les collectivités territoriales, le secteur public et les associations 1901, les dispositifs les plus courants consistent à créer des emplois d’une durée limitée accessibles à des publics en difficultés. (…) Les « emplois jeunes » fut une des mesures emblématiques du gouvernement Jospin. Les employeurs potentiels étaient les établissements publics, les associations, la police nationale et le ministère de la Justice. (…) Pendant 5 ans, l’employeur recevait une aide équivalente à 80% du SMIC, charges comprises. Le dispositif fut supprimé en 2002 par J.P.Raffarin. Les « emplois d’avenir » créés par F.Hollande en 2012 se situent dans la même logique que celles des « emplois jeunes ». Ils sont cependant mieux ciblés puisqu’ils sont en principe destinés aux jeunes sans emplois ou peu qualifiés. L’employeur, s’il appartient au secteur non marchand reçoit une aide équivalent à 75% du Smic brut pendant une durée ne pouvant excéder 3 ans.

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On regroupe sous la rubrique « Aides à l’emploi dans le secteur marchand » toutes les subventions versées aux entreprises privées pour la formation et l’embauche de publics particuliers. Entre dans cette catégorie les abattements généraux de charges sur les bas salaires. (…) En dehors de ces abattements généraux, le dispositif qui couvre le plus grand nombre de bénéficiaire est le contrat unique d’insertion dans le secteur marchand (CUI-CIE). (…) Il a succédé au contrat d’initiative emploi (CIE) qui existait depuis 1995 en gardant à peu près les mêmes caractéristiques. Le secteur marchand perçoit aussi des subventions par le biais de l’apprentissage. Ces contrats d’apprentissage sont destinés principalement aux jeunes de 16 ans à 25 ans et durent de 1 an à 3 ans. Ils associent une activité professionnelle à un enseignement dispensé dans l’entreprise et dans un centre de formation.

Source : Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.202

3.4.1.2 Une politique « générale » qui vise à modifier le fonctionnement du marché du

travail : la baisse du coût du travail (salaire minimum/ cotisations sociales)

Document 119 : évolution de l’écart SMIC/Salaire médian en France

Document 120 : SMIC en % du salaire médian, comparaisons internationales

Document 121 : salaire minimum et chômage, la métaphore du cycliste

Le salaire minimum peut donc être bénéfique ou néfaste à l’emploi. (…) Ainsi, les augmentations du salaire minimum survenues aux Etats-Unis à la fin des années 1980 et au début des années 1990 n’ont pas eu d’impact négatif sur l’emploi. c’est tout à fait possible s’il l’offre de travail des ménages réagi favorablement à la hausse des rémunérations.(…) Une métaphore cycliste résume assez bien ce débat. Un marché du travail où existe un salaire minimum ressemble au franchissement d’un col à vélo. Dans la montée, chaque coup de pédale supplémentaire vous rapproche du sommet, dans la descente, chaque coup de pédale supplémentaire vous en

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éloigne. Il s’agit avant tout de savoir si le peloton des travailleurs est dans la montée ou s’il a entamé la descente. Depuis plus de 40 ans, l’évolution du salaire minimum est très différente en France et aux Etats-Unis.

En France, le salaire minimum n’a cessé d’augmenter depuis le début des années 1970, tandis qu’aux Etats-Unis sa valeur est plus faible en 2012 qu’en 1970 ! au cours de cette période, le pouvoir d’achat d’une heure payée au SMIG ou au SMIC a été multiplié par deux et demi, tandis qu’aux Etats-Unis, le pouvoir d’achat d’une heure payée au salaire minimum fédéral a diminué. Ces évolutions divergentes amplifiées par l’augmentation des cotisations sociales en France, aboutissent aujourd’hui à des coûts du travail de la main d’œuvre peu qualifiée très différents. En France en 2012, le coût moyen du travail au niveau du salaire minimum atteint 14 dollars contre 8 dollars aux Etats-Unis. L’écart est si considérable que l’on est en droit de se demander si les Etats-Unis et la France sont du même côté de la montagne. Les premiers se trouvant du côté du col où les hausses du salaire minimum peuvent créer des emplois, tandis que la seconde se trouve dans la descente où ces mêmes hausses ont cessé depuis longtemps d’avoir un effet bénéfique. (…) Les augmentations du coût du travail au niveau du salaire minimum se traduisent en France par une diminution de l’emploi peu qualifié (pas aux Etats-Unis).

Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.84

Document 122: quand l’objectif social du SMIC devient un frein à l’embauche des moins qualifiés

Pour que le SMIC soit un instrument de redistribution des ressources au bénéfice des travailleurs les moins favorisés, il faut maîtriser son impact sur le coût du travail. Sinon, le SMIC peut avoir des conséquences opposées à celles recherchées : il peut accroître les inégalités en empêchant les personnes les moins qualifiées d’accéder à un emploi.

Source : Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.90

Document 123 : mais la baisse du SMIC peut entraîner une hausse du chômage volontaire !

L’Horty et Anne ont recensé toutes les aides sociales que les individus peuvent avoir compte tenu de leur situation familiale ; ils comparent alors ces aides au montant d’un emploi payé au SMIC ; on en déduit graphiquement que si le SMIC, la désincitation à la reprise d’activité augmente.

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Source : Dennis Anne et Yannick L’Horty, étude Insee 2009

Document 124: la baisse du SMIC, des résultats ambigus

Conséquences positives Conséquences négatives Création emplois pour salariés les moins qualifiés (atteindre un objectif emploi)

Augmenter les incitations à ne pas travailler (création d’emplois mais les actifs ne sont pas prêts à les accepter)

Amélioration de la compétitivité prix des entreprises françaises (atteindre un objectif compétitivité)

Baisse de la protection des salariés, hausse de la pauvreté chez les travailleurs, notamment ceux à temps partiels subis (working poors) ; l’objectif social du SMIC n’est plus atteint

Document 125: baisser le coût du travail sans toucher au SMIC ? les réductions de cotisations sociales

La feuille de paie n’est pas toujours une ennemie de l’emploi. Elle peut lui être favorable. Aujourd’hui, en France, le coût du travail au niveau du salaire minimum est un frein à l’emploi des travailleurs les moins qualifiés. Les allègements de charges sociales permettent de maîtriser ce coût tout en préservant le pouvoir d’achat du Smic.

Source : Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.90

Document 126: la baisse des cotisations sociales, mesurer l’impact sur le marché du travail

Cas général (à gauche) ; En présence d’un salaire minimum qui produit du chômage involontaire (à droite)

Source : Christine Erhel « Les politiques de l’emploi », Que sais-je ? 2014 p.13 et 14

Document 127 : les politiques d’exonérations de charge sociale (patronales)

Constater que le coût du travail exerce un impact négatif sur l’emploi ne signifie pas qu’il faut nécessairement baisser le salaire. La différence entre le coût du travail supporté par l’entreprise et le salaire net perçu par un employé provient des « charges sociales », c’est-à-dire des cotisations salariales et patronales qui servent à

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financer les dépenses de santé, les retraites et les allocations chômage. Il est donc possible de réduire le coût du travail sans diminuer le salaire en réduisant les cotisations sociales. Une politique de ce type, ciblée sur les bas salaires, a débuté en 1993 sous le gouvernement d’Edouard Balladur. Elle s’est poursuivie avec Alain Juppé entre 1995 et 1996. Le point de sortie du dispositif se situait alors entre 1,1 et 1,3 fois le SMIC. Puis de 1998 à 2002, les allègements « Aubry » ont fixé le point de sortie à 1,7 fois le SMIC pour les entreprises ayant réduit leur temps de travail. Enfin, les allégements « Fillon » instaurés progressivement de 2003 à 2006 ont fixé un point de sortie à 1,6 SMIC en 2006 (…). Le 4 décembre 2008, N.Sarkozy annonçait la mise en place du dispositif « zéro charges » qui permettait aux entreprises de moins de 10 salariés de bénéficier d’exonérations de cotisations patronales pour toute embauche d’un salarié rémunéré en dessous de 1,6 SMIC réalisée avant le 31 décembre 2009.

Source : Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.88

Document 128 : les politiques d’allègements de cotisations sociales (ciblées)

Depuis les années 1990, les politiques d’allègements de cotisations sociales ciblées sur les bas salaires absorbent une part croissante de la dépense pour l’emploi, pour un budget global de plus de 20 milliards d’euros par an. Depuis 1993, les réformes ont pour l’essentiel conduit à élargir le nombre de bénéficiaires ainsi que le montant des exonérations. Ces allègements cherchent à augmenter l’offre d’emploi pour des travailleurs payés au voisinage du SMIC en réduisant le coin salarial. A ce niveau de salaire, la demande de travail est réputée plus élastique au coût du travail. Les allègements sont ciblés sur les bas et moyens salaires et prennent la forme de réductions de cotisations patronales. (…) Cela conduit à réduire le salaire super-brut (le coût du travail) sans augmenter le salaire net perçu par le travailleur. Le nombre d’emplois créés par ce type de mesure est difficile à évaluer : il doit prendre en compte cet effet sur les salaires, l’existence d’éventuels effets de substitution (entre emplois bénéficiant de ces allègements et les autres), effet d’aubaine (embauche qui aurait été effectuée dans tous les cas), impact sur le financement de la protection sociale … globalement, l’effet est positif. La plupart des évaluations ont mesuré l’impact du dispositif mis en place par A.Juppé en 1995 et trouvent autour de 300 000 emplois créés ou sauvegardés pour 5 milliards d’euros d’exonération. (…) Comme le dispositif actuel est moins ciblé sur les bas salaires (que celui de Juppé), on peut estimer qu’une suppression pure et simple des allègements héritées de la réforme Fillon de 2003 pourrait détruire entre 450 000 et 600 000 emplois.

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 143

3.4.1.3 Stimuler la création d’entreprise et les auto-entrepreneurs (une politique « active »

au sens de l’OCDE)

Document 129 Le soutien à la création d’emploi par les ménages eux-mêmes constitue également une piste. En tant qu’employeurs d’abord : les services à la personne constituent un réservoir d’emplois potentiels. Deux secteurs sont essentiellement concernés : l’aide aux personnes âgées et l’aide aux couples bi-actifs. (…) Les politiques publiques cherchent à encourager ces emplois et notamment à réduire l’activité informelle. (…) Les individus peuvent également créer leur propre emploi. Le soutien à la création d’entreprise pour les chômeurs est une politique déjà ancienne. La France a plus récemment créé un nouveau statut d’entreprise : l’auto-entreprise. (…) Ce statut a connu un succès important : le seuil du million d’autoentreprises créées depuis janvier 2009 a été atteint en janvier 2012. Elles représentent plus de la moitié des créations d’entreprise.

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 143

3.4.2 Stimuler l’offre d’emplois : dans certains cas, les incitations à refuser un emploi sont

importantes (une politique « active » au sens de l’OCDE)

Document 130: dans quelle mesure les aides sociales sont-elles désincitatives ? En France, des allocataires de minima sociaux se trouvent dans la situation où ils sont incités à travailler moins, voire pas du tout. Ils vivent des transferts sociaux attribués par le régime de solidarité et ne peuvent espérer que des salaires peu élevés s’ils parviennent à trouver du travail. Pour eux, le retour vers l’emploi n’apporte pas ou peu d’avantages financiers par rapport à ce qu’ils reçoivent dans leur situation d’assisté. Ce phénomène est

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amplifié par les frais occasionné par l’exercice d’un métier. Ces personnes se trouvent ainsi enfermées dans une trappe à l’inactivité. (…) Dennis Anne et Yannick L’Horty on répertorié plusieurs centaines de dispositifs d’aides sociales locales. Ils ont ensuite calculé pour sept configurations de ménages ce que chaque ménage est susceptible de recevoir en cumulant lorsque c’est possible les aides locales et nationales. (…) Ils ont ensuite calculé pour chaque configuration familiale, combien d’heures payées au Smic il faut travailler pour gagner autant qu’en ne travaillant pas et en bénéficiant des aides sociales nationales et locales.

Le constat d’ensemble est préoccupant. Ce sont les couples avec deux ou trois enfants qui doivent travailler le plus longtemps pour espérer dépasser ce que leur offrent les aides sociales. Partant d’une situation où aucun des conjoints n’exerce une activité salariée, il faudrait que la somme des heures de travail au sein d’un couple avec deux enfants, payés au niveau du SMIC, atteigne 42 heures pour que ce couple obtienne un revenu tout juste égal à celui qui lui procure le cumul des aides. Ce chiffre atteint 50 heures pour un couple avec trois enfants. En d’autres termes, un couple inactif avec deux ou trois enfants qui parviendrait à cumuler les aides nationales et local auxquelles il peut légalement prétendre perdrait de l’argent à voir un de ses membres occuper un emploi à plein temps payés au SMIC. (…) On voit aussi, que hormis la famille monoparentale avec un enfant et bénéficiant de l’API, personne ne trouve d’avantage financier à accepter un emploi à mi-temps rémunéré au SMIC.

Source : Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.97

Document 131: la réforme de l’allocation parentale d’éducation impacte négativement la présence des

femmes sur le marché du travail Après 1994, l’allocation parentale d’éducation a été étendue aux mères de deux enfants. L’avantage financier à exercer une activité n’est donc plus le même pour les mères de deux enfants avant et après 1994. On a constaté que la proportion de femmes de cette catégorie ayant un emploi est passé de 58% en 1994 à 47% en 1997, soit une chute de plus de 11 points. (…) Thomas Piketty a analysé toutes les causes possibles de cette chute ; il en conclut sans ambiguité qu’elle est entièrement imputable à l’extension de l’allocation parentale d’éducation. Cet exemple nous enseigne simplement que si travailler devient moins avantageux, en moyenne, moins de gens iront travailler. (…) En France, des allocataires de minima sociaux se trouvent dans cette situation. Ils vivent des transferts sociaux attribués par le régime de solidarité et ne peuvent espérer que des salaires peu élevés, s’ils parviennent à trouver du travail. Pour eux, le retour vers l’emploi rapporte pas ou peu d’avantages financiers par rapport à ce qu’ils reçoivent dans leur situation d’assisté. Ce phénomène est amplifié par les frais occasionnés par l’exercice d’une métier (transport, garde d’enfants, impôts éventuels sur les revenus du travail). ces personnes se trouvent ainsi enfermées dans une « trappe à l’inactivité ».

Source : Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.100

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Document 132: comment réduire les trappes à l’inactivité ? On soutient parfois que l’absence ou la faiblesse des gains financiers à travailler ne créé pas de trappes à inactivités, car de nombreuses personnes travaillent alors qu’elles pourraient gagner des revenus plus élevés en restant inactives. L’exemple du RMI (1988-2008) est instructif. (…) Il y a une proportion importante de personnes qui déclarent occuper un emploi sans y trouver le moindre intérêt financier. (…) Néanmoins ce n’est pas parce que près d’un tiers des personnes sorties du RMI déclarent travailler sans avantage financier que l’ensemble de la population se comporte de cette manière et qu’il n’existe pas de trappe à inactivité. En fait, sur 100 allocataires du RMI en 1996, il y en avait 84 toujours sans emploi en janvier 1998. Les trappes à inactivité ne concernaient pas les 16 qui ont trouvé un emploi, y compris ceux qui l’ont fait en y perdant financièrement ; elles concernaient potentiellement les 84 autres. Comment peut-on réduire les trappes à inactivité ? Pour « pousser » au travail, on pourrait envisager de restreindre les prestations versées par le régime de solidarité ou par l’assurance chômage. Pour la plupart de ceux qui vivent de ces prestations, cela signifierait avant tout plus de pauvreté. On aboutirait ainsi à une situation plus inégalitaire, ce qui n’est sans doute pas souhaitable. On pourrait envisager d’augmenter les salaires. Concrètement, étant donné les caractéristiques des personnes enfermées dans ces trappes à inactivité, il faudrait alors relever le SMIC. Or, la valeur actuelle du SMIC est probablement un obstacle à l’emploi (…). Il existe une autre possibilité, simple dans son principe : l’Etat verse un supplément de salaire à toute personne bénéficiant du régime de solidarité si, et seulement si, elle trouve un emploi. En France, les mesures allant dans ce sens portent le nom de « politiques de valorisation du travail ». Les anglais et les américains disent qu’il faut rendre le travail payant. (…) Ces politiques visent deux objectifs. D’une part, elles cherchent à agir sur les comportements des personnes qui choisissent l’inactivité plutôt que l’emploi. Elles permettent ainsi de lutter contre les trappes à l’inactivité. D’autre part, elles cherchent à améliorer la situation des personnes qui trouvent un emploi. Elles contribuent ainsi à lutter contre les trappes à la pauvreté.

Source : Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.100

Document 133: les limites du RMI

Pour contrecarrer les effets désincitatifs du RMI, deux dispositions ont été mis en place pour rendre plus attractifs les emplois à bas salaires. Le premier est un crédit d’impôt (la prime pour l’emploi). Le second octroie des avantages financiers à ceux qui acceptent des emplois à bas salaires, c’est le revenu de solidarité active (RSA).

Source : Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.100

Document 134: le système de l’impôt négatif pour lutter contre la trappe à l’inactivité

Pour lutter contre les trappes à inactivité, de nombreux pays ont mis en place des politiques consistant à accroître les gains financiers retirés des emplois à faible salaire. Ces politiques peuvent prendre plusieurs formes. La mesure la plus répandue est celle du crédit d’impôt, encore appelée « impôt négatif ». dans son principe, elle consiste à accorder des réductions d’impôt à ceux qui acceptent de prendre un travail faiblement rémunéré. Le barème peut être conçu de manière à ce que la réduction dépasse le montant de l’impôt qui aurait du être acquitté. L’administration fiscale verse alors directement la différence à la personne concernée, d’où l’expression d’impôt négatif. Les Etats-Unis ont mis en place depuis 1975 un impôt de ce type (Earned income tax credit – EITC). Il apporte des suppléments de revenus très substantiels pour certains types de ménages. Ainsi, il est susceptible d’accroître de près de 40% le revenu des ménages ayant au moins deux enfants et dont un seul membre travaille à temps plein au niveau du salaire minimum. (…) Le Royaume-Uni a expérimenté l’impôt négatif depuis la fin des années 1970, la mouture de 2003 porte le nom de Working tax credit (WTC).

Source : Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.100

Document 135 : PPE et RSA, les réformes en France pour que le « travail paie »

Depuis le 01 mai 2001 (Gvt Jospin), la France possède aussi son impôt négatif. Il porte donc le nom de PPE. (…) Dans son programme présidentiel de 2007, N.Sarkozy annonçait une réforme pour que « les revenus du travail soient toujours supérieurs aux aides sociales » afin d’inciter à la reprise d’emploi. Il s’agissait en l’occurrence du Revenu de Solidarité Active. (…) Le RSA promulgué en 2008, entra en vigueur en 2009. Avec cette loi, le RMI et l’allocation parent isolé (API) disparaissent et étaient regroupés au sein du RSA. En revanche, l’allocation de solidarité active (ASS) était conservée, de même que la PPE. La mise en place du

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RSA aurait du être l’occasion d’une simplification de la carte des minima sociaux, elle n’a pas été saisie. Le RSA comporte deux volets : le RSA-socle et le RSA-activité. Le RSA-socle représente un minimum de revenu pour les bénéficiaires sans ressources (c’est donc l’équivalent de l’ancien RMI). Son montant dépend de la situation familiale. Le RSA-activité est lié aux revenus du travail, il dépend lui aussi de la situation familiale et il peut être perçu par toute personne qui travaille et dont des revenus se situent sous un certain seuil. (…) Il est possible de percevoir le RSA-activité sans percevoir le RSA-socle ; il est possible de percevoir à la fois le RSA-socle et le RSA-activité. Le point crucial est que contrairement au RMI, le cumul du RSA avec les revenus du travail n’implique plus une réduction intégrale des allocations. Avec le RSA, les ressources totales du foyer augmentent toujours avec les revenus tirés de l’activité : pour une hausse du revenu d’activité de 100 euros, le bénéficiaire du RSA ne perd « que » 38 euros de ses allocations, ce qui se traduit par une hausse de 62 euros du revenu disponible. Dans le dispositif RMI, il perdait l’intégralité de la hausse de son revenu d’activité, soit 100 euros/ Initialement le RSA concernait uniquement les personnes âgées d’au moins 25 ans, ou les personnes ayant à charge un ou plusieurs enfants. En septembre 2010, le gouvernement Fillon a étendu le RSA aux jeunes actifs de 18 à 25 ans totalisant deux ans en emploi dans les trois dernières années (des conditions difficiles à satisfaire). Le dispositif a été élargi aux régions d’outre-mer en 2011. En décembre 2013, près de 2,3 millions d de personnes perçoivent le RSA. En tenant compte des conjoints, des enfants et des autres personnes à charge, cela correspond à 7,3% de la population française.

Source : Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.100

3.4.3 Favoriser l’appariement de l’offre et de la demande de travail (politique « active » au sens de l’OCDE)

Document 136

Pour qu’un chômeur prenne un emploi et qu’un employeur trouve un salarié, il faut qu’ils se rencontrent et se correspondent. Cette rencontre suppose des coûts de recherche, aussi bien pour le travailleur qui recherche un emploi et pour l’employeur qui prospecte. Un premier axe de politique de l’emploi est de réduire le coût, grâce à la mise en place d’un service public de l’emploi par exemple. La création de l’Agence nationale pour l’emploi en 1967, devenue Pôle Emploi en 2008 répond à cette logique. (…) L’éloignement géographique entre les emplois et les travailleurs peut être à l’origine d’un « spatial mismatch » coûteux en termes d’accès à l’emploi. Celui-ci s’explique notamment par la pression sur les prix des loyers et du foncier dans certaines zones d’emploi dynamiques, pression qui les rend moins accessibles à certaines catégories de population, souvent les plus éloignées de l’emploi. Ces personnes supportent des coûts supérieurs de prospection mais aussi de déplacement s’ils obtiennent l’emploi. Deux types de politiques sont possibles dans ce cas : réduire les coûts de transport ou rapprocher emplois et travailleurs. Le premier type passe par exemple par le développement de transports urbains, l’aide à la mobilité ou l’obtention du permis de conduire, le soutien au télétravail…. Dans le second, on trouve notamment les politiques incitant les entreprises à s’implanter dans certains quartiers (zones franches urbaines) ou les « clauses d’insertion » permettent aux pouvoirs publics d’imposer un certain nombre d’embauches locales lors de la passation de marchés publics. L’éloignement entre travailleurs et emplois n’est pas uniquement géographique. Au spatial mismatch peut s’ajouter un skill mismatch lorsque les qualifications offertes et demandées ne correspondent pas. Les flux sur le marché du travail sont nombreux, des milliers d’emplois sont détruits et des milliers d’autres sont créés chaque jour. Un des enjeux importants de la politique de l’emploi est donc de fournir une formation initiale adaptée mais également l’accès à une formation professionnelle continue permettant de faire évoluer les qualifications initiales. Un des enjeux importants de la politique de l’emploi est donc de fournir une formation initiale adaptée mais également l’accès à une formation professionnelle continue permettant de faire évoluer les qualifications initiales. Chaque année, 140 000 jeunes sortent du système scolaire sans diplôme. (…) Pour ce qui est de la formation professionnelle continue, divers dispositifs existent en France. Les employeurs ont ainsi l’obligation de participer à son financement par un prélèvement sur la masse salariale variable selon la taille de l’entreprise. La loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la qualification professionnelle toute au long de la vie confirme l’existence pour le travailleur d’un droit à l’information, à l’orientation et à la qualification professionnelle. Cette politique se décline à travers diverses organismes ((les GRETA mais aussi des organismes privés), et dispositifs (plan de formation dans l’entreprise, droit individuel à la formation, congé

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individuel de formation …). En 2010, la dépense globale de la formation continue et d’apprentissage représente 31,5 milliards d’euros, soit 1,6% du PIB dont 41% financé par les entreprises

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 157

Document 137 : éducation et emploi En France, l’éducation fait office de potion magique sociale. Quel que soit le problème, la solution se trouve dans l’éducation. Qu’elle soit primaire, secondaire, supérieure, professionnelle ou continue, tout le monde communie sur ses vertus et voudrait que l’on en fasse toujours plus. Un consensus national s’est établi autour de la formule « éducation tout au long de la vie ». Cette forme de pensée unique s’appuie sur des prémisses en apparence incontestables. En substance, le système éducatif permet d’acquérir des connaissances utiles dans la vie professionnelle, développe des capacités d’abstraction et de synthèse, favorise l’épanouissement intellectuel et « produit » finalement des personnes parées pour accomplir des tâches de plus en plus complexes. (…) Une formation professionnelle efficace, donnant une seconde chance aux personnes dont les compétences ont été dévalorisées par le progrès technique ou la concurrence internationale, constitue, dans cette optique, une des composantes essentielles du système de formation. (…) L’investissement éducatif est donc indispensable. (…)

Source : Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.194-196

Document 138 : trois sources de difficultés d’appariement entre l’offre et la demande de travail

Coût de prospection Spatial mismatch Skill mismatch Solution : création ANPE (Pôle emploi)

Solution : faciliter la mobilier géographique et les déplacements professionnels

Solution : faciliter la formation des adultes et améliorer la formation initiale

3.5 Quel bilan pour les politiques qui visent à réduire les déséquilibres sur le marché du

travail ?

3.5.1 Bilan des politiques visant à augmenter la demande de travail 3.5.1.1 Les contrats aidés : des aides efficaces mais qui sont concentrées sur les situations les

moins nombreuses (aides au secteur marchand)

Document 139 : les aides à l’emploi dans le secteur marchand sont les plus efficaces Face à l’ampleur des dépenses et au nombre impressionnant de bénéficiaires, il est essentiel de savoir à quoi servent les aides à l’emploi. (…) Une grande partie de l’administration et des élus (…) considèrent que toute personne placée dans un dispositif d’aide à l’emploi doit être comptée comme une victoire dans la lutte contre le chômage ou la pauvreté. (…) Cette façon de présenter le bilan d’une mesure de politique de l’emploi en affichant simplement le nombre de bénéficiaires devrait être bannie, car elle fait croire que l’efficacité de la mesure se confond précisément avec le nombre de gens qui en bénéficient. L’information pertinente est celle qui donnerait une indication sur ce que deviennent plus tard les bénéficaires. (…) La question à laquelle il faudrait pouvoir répondre pour juger de l’utilité d’un dispositif est la suivante : que seraient devenues les personnes concernées si elles n’avaient pas bénéficié du dispositif ? (…) Barbara Sianesi s’intéresse à l’efficacité des 6 principaux programmes existant en 1994. Pour cela, elle a constitué un échantillon de 30 800 individus entrés pour la première fois au chômage en 1994 dont elle a reconstitué le parcours professionnel pendant 5 ans, jusqu’à novembre 1999. Elle compare le parcours moyen d’une personne ayant bénéficié d’un programme en 1994 avec le parcours moyen qu’aurait eu cette personne si elle n’avait pas participé à ce programme. Elle trouve que, comparées à la moyenne des parcours des simples chômeurs n’ayant participé à aucun programme, les chances de retour vers un « emploi régulier » sont sensiblement plus faibles pour les personnes ayant bénéficié d’un emploi temporaire dans le secteur public et pour celles ayant bénéficié d’une formation en dehors d’une entreprise. Ce résultat peut sembler étonnant puisqu’il signifie que bénéficier d’une emploi dans le secteur public ou bénéficier d’une formation en dehors de l’entreprise diminue en moyenne les chances de retour vers l’emploi régulier. La raison est vraisemblablement que ces programmes n’augmentent pas les capacités de ceux qui les suivent et qu’ils envoient en conséquence un mauvais signal aux employeurs potentiels. Une étude particulièrement détaillée sur les programmes en vigueur en Allemagne au début des années 2000 aboutit à la même conclusion. (…) Les bénéficiaires sont en fait stigmatisés par leur passage dans ce type de dispositif qui n’accroît pas leurs capacités. Les programmes de formation en entreprise et de remplacement temporaire d’un employé dans le secteur public s’en sortent mieux : ils offrent à peu près les mêmes chances de retour à l’emploi que le chômage simple !

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En revanche, les subventions à l’emploi dans le secteur privé donnent des résultats spectaculaires. Comparé au chômage simple, ce dispositif augmente de 40 points de pourcentage les chances de retrouver un emploi pratiquement dès la sortie du dispositif. Dans l’ensemble, les subventions à l’emploi privé dominent nettement toutes les autres mesures. Elles sont suivies par les remplacements temporaires.

Source : Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.210

Document 140 : une étude plus récente de la DARES confirme ces résultats

Depuis 2002, la DARES suit en parallèle, un groupe de bénéficiaires des principaux dispositifs de la politique de l’emploi et un groupe témoin constitué de personnes éligibles à ces dispositifs, présentant les mêmes caractéristiques observables que le groupe des bénéficiaires en termes d’âge, de sexe, de niveau de formation et d’ancienneté au chômage, mais qui n’ont pas participé au programme. Les résultats de ces trois dispositifs sont les suivants :

Le CIE est l’ancêtre de l’actuel contrat unique d’insertion dans le secteur marchand. Le CES était un CDD de 3 à 12 mois dans le secteur non marchand. Le SIFE est un stage (de 100 à 700 heures) dans une entreprise ou un organisme du secteur marchand. On constate que les deux dispositifs d’aide à l’emploi dans le secteur marchand, le stage d’insertion et de formation à l’emploi (SIFE) et le contrat initiative emploi (CIE) améliorent la situation des bénéficiaires.

Source : Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.210

Document 141: un dispositif coûteux

Les aides à l’emploi, qu’elles soient publiques ou privées, coûtent cher et touchent beaucoup de monde. Chaque dispositif important compte des centaines de milliers de bénéficiaires et coûte des milliards d’euros. ainsi, dans le projet de loi de finances pour 2014, le budget prévu pour les contrats uniques d’insertion dans le secteur non-marchand est de 2,2 milliards d’euros pour un effectif de 340 000 personnes. Le budget pour les emplois d’avenir devrait s’élever à 1,2 milliard pour environ 150 000 bénéficiaires. Les emplois aidés non marchands concernés par ces deux seuls dispositifs coûteraient donc 3,4 milliards d’euros et toucheraient 490 000 personnes. A titre d’illustration, ces deux dispositifs représentent près de la moitié du budget prévu en 2014 pour le ministère de l’Ecologie, du développement durable et de l’énergie et près de 5 fois celui des sports. Pour ce qui concerne les emplois aidés dans le secteur marchand, la dotation prévue pour les contrats uniques d’insertion est beaucoup plus modeste puisqu’elle s’élève à 165 millions d’euros et ne devrait profiter qu’à 40 000 bénéficiaires. Le déséquilibre entre les aides au secteur marchand et non marchand est flagrant.

Source : Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.203

Document 142: les contrats aidés, des instruments contra-cycliques

Au niveau macroéconomique, ces contrats aidés dans le secteur non marchand peuvent exercer une fonction contra-cyclique et éviter de trop fortes hausses du chômage en période de ralentissement de la croissance. Cette fonction était précisément celle des emplois publics temporaires dans le modèle suédois traditionnel.

Source : Christine Ehler « Les politiques de l’emploi », Que sais-je ?, 2014, p.114

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Document 143: les contrats aidés et les effets d’aubaine dans le secteur marchand

Les subventions à l’emploi privé sont les mesures qui supportent les effets de déperdition les plus importants, alors qu’ils sont nettement moindre dans le sectur public ou non marchand. Sur la base des enquêtes menées auprès des entreprises dans les années 1980, la DARES estimait que, pour 100 entrées dans une mesure de subvention, 10 seulement correspondaient à des emplois qui n’auraient pas été créés en l’absence du dispositif.

Source : Christine Ehler « Les politiques de l’emploi », Que sais-je ?, 2014, p.114

Document 144: les contrats aidés, des résultats globalement décevants Contrats aidés Objectif s’attaquer au chômage des actifs les moins « employables » Exemples « Emplois jeunes » Gvt Jospin 1997-2002

« Emploi d’avenir » Pdt Hollande depuis 2012 Conséquences Conséquences positives Conséquences négatives Réduit le coût du travail des moins

« employables » ; change les places des chômeurs dans la file d’attente

Politiques coûteuses ; Très peu efficaces sur les contrats dans le secteur non-marchand qui sont les plus nombreux : effet de stigmatisation / absence d’amélioration du capital humain ; Des effets d’aubaines important dans le secteur privé (10% des emplois créés seulement) ;

3.5.1.2 La baisse du coût du travail par l’allègement des cotisations sociales : un dispositif efficace mais associé à un risque de trappe à bas salaires

Document 145 : l’efficacité des politiques d’exonération de charges sociales

L’efficacité de ces politiques en matière d’emploi ne fait guère de doute. L’étude la plus complète et la mieux documentée a été réalisée par Brunon Crépon et Rozenn Desplatz en 2001. (…) Ils estiment que les exonérations de cotisations patronales introduites en 1995 et 1996 ont sauvegardé environ 460 000 emplois à la fin 1997. Ces exonérations ont créé principalement des emplois non qualifiés, mais aussi des emplois qualifiés, tant dans le secteur de l’industrie que dans celui des services. la hausse de l’emploi non qualifié était attendue ; en revanche, celle de l’emploi qualifié peut surprendre. Deux phénomènes se conjuguent pour expliquer la hausse de l’emploi qualifié. D’une part, l’embauche de travailleurs peu qualifiés contribue à améliorer l’efficacité des travailleurs qualifiés qui peuvent déléguer une partie de leurs tâches. D’autre part, la réduction du coût du travail peu qualifié améliore la rentabilité globale des entreprises en bénéficiant des allégements de charges. Leur compétitivité s’améliore, elles gagnent des parts de marché et recrutent donc à la fois des travailleurs qualifiés et non qualifiés. (…) Les évaluations de Bruno Crépon et Rozenne Desplatz ne tiennent pas compte du financement des exonérations de charges. Or, on ne peut a priori exclure que les prélèvements supplémentaires nécessaires à ce financement finissent par peser sur les créations d’emplois et annulent les bénéfices des allègements de charges. Ce risque est faible car les allégements de charges créent beaucoup d’emplois. Il en résulte de nouvelles rentrées fiscales et des économies au titres des allocations chômage et des minima sociaux. A terme, les gains réalisés grâce à ces créations d’emplois peuvent ainsi compenser les prélèvements requis par la mise en œuvre des allègements de charges. Selon les évaluations disponibles, le coût budgétaire de ces mesures (égal à la différence entre les gains réalisés et les prélèvements requis) serait faible.

Source : Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.88

Document 146: l’efficacité du dispositif « zéro charges »

Pour juger de l’efficacité du dispositif « zéro charges », il faut aussi avoir une évaluation de son coût. Pour cela, on doit d’abord noter qu’une grande partie des embauches auraient eu lieu en l’absence de ce dispositif, (…) Pour cette raison le coût par emploi créé est nettement supérieur à la subvention perçue qui est de 861 euros par

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mois. (…) Le coût par emploi créé est évalué à 11 800 euros, soit environ 60% du coût du travail annuel pour un emploi au niveau du salaire minimum. Ce coût est brut. Il ne prend pas en compte les économies réalisées grâce à la création d’emplois. Or, ces économies sont importantes : la somme des réductions des transferts sociaux et des cotisations perçues est du même ordre de grandeur que le coût brut, soit 12 000 euros pour un salarié rémunéré au SMIC. Le coût net de création d’emploi par « zéro charges » se situe donc aux alentours de zéro.

Source : Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.89

Document 147: distinguer coût brut et coût net de la baisse des cotisations sociales

L’évaluation des baisses de cotisations sociales sur les bas salaires demeure très controversée. Même si les effets mesurés sont toujours positifs, l’impact de l’ampleur est très variable d’une étude à l’autre. (…) Dans une étude de 2013, le ministère du Travail retient une fourchette de nombre d’emplois créés ou sauvegardés de 200 000 à 400 000, soit un coût brut par emploi entre 20 000 et 40 000 euros et un coût net (incluant les gains en cotisations sociales et les moindres dépenses d’indemnisation chômage et de minima sociaux) de 8000 à 28000 euros.

Source : Christine Ehler « Les politiques de l’emploi », Que sais-je ?, 2014, p.115

Document 148 : la baisse des cotisations étant plafonnée, elle fabrique une « trappe à bas salaires » Parmi les effets défavorables, ce dispositif pourrait avoir contribué à accroître la « trappe à bas salaires » puisqu’il induit une incitation pour l’employeur à ne pas augmenter les salaires au-dessus du seuil de l’exonération, compte tenu du caractère dégressif de l’exonération. (…) Si l’on prend en compte non seulement l’emploi, mais également la qualité de l’emploi (qualification, salaire) il existe donc des doutes importants sur l’efficacité globale du dispositif d’exonérations de cotisations sociales. Toutefois, les baisses de charges apparaissent aujourd’hui comme une composante d’une politique de soutien à la compétitivité des entreprises tout autant que comme une politique de l’emploi : c’est à ce titre qu’elles sont en voie d’extension et constituent un élément clé du Pacte de Responsabilité présenté en 2014.

Source : Christine Ehler « Les politiques de l’emploi », Que sais-je ?, 2014, p.116

Document 149 : la baisse des cotisations sociales, des résultats ambigus Conséquences positives Conséquences négatives

Création emplois pour salariés les moins qualifiés (atteindre objectif emploi) – c’est l’argument essentiel défendu par Cahuc et Zylberberg

Coût pour la collectivité : les cotisations sociales sont prises en charge par l’Etat (entre 20 et 30 milliards par an) ; le coût net est cependant nettement inférieur au coût brut (entre 8000 et 28000 euros par emploi)

Amélioration de la compétitivité prix des entreprises françaises (atteindre objectif compétitivité)

Les employeurs ont tendance à bloquer les salaires pour ne pas dépasser le palier à partir duquel l’exonération disparaît : ce qui crée une « trappe aux bas salaires » ; conséquence : le plafond d’exonération joue donc un rôle important dans la réalisation de cette trappe.

Document 150 : une autre solution possible, le crédit d’impôt calculé à partir de la masse salariale –

l’exemple du CICE Le CICE est un avantage fiscal accordé aux entreprises qui consiste à baisser l’impôt du à l’administration en proportion de la masse salariale brute jusqu’à un plafond de 2,5 fois le SMIC. Le taux du crédit d’impôt représente 6% des rémunérations versées en 2014. Un article dans les Echos du 21 janvier 2016 par F.Schaeffer « Le CICE tourne à plein régime » Plus de 27 milliards d’euros de créances fiscales ont été accordées depuis la mise en place du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dont 17,5 milliards l’an dernier. Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) est entré dans les moeurs. Après un lent démarrage en 2013 et 2014, ce dispositif a fini par monter en charge et trouver sa vitesse de croisière. Pour la seule année 2015, un peu plus de 1 million d’entreprises ont déclaré une créance fiscale totalisant 17,5 milliards d’euros, selon un bilan que doit dévoiler vendredi matin le ministre des Finances, Michel Sapin. Ce chiffre est en nette croissance par rapport à 2014 (9,9 milliards) et porte le montant cumulé des droits ouverts au titre du Cice depuis sa mise en place à plus de 27 milliards d’euros.

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Le Cice est un crédit d’impôt en faveur des entreprises redevables de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur le revenu, qui porte sur la masse salariale des employés dont les rémunérations brutes ne dépassent pas 2,5 fois le SMIC. La créance fiscale de 2015 a donc été déclarée au titre des salaires versés en 2014. La montée en charge du Cice s’explique notamment par le fait que son taux est passé de 4 % à 6 % de la masse salariale l’an dernier. Un dispositif mieux connu Mais « les entreprises ont aussi été plus nombreuses à le déclarer », explique-t-on dans l’entourage de Michel Sapin. Un phénomène que le comité de suivi du Cice, présidé par l’économiste Jean Pisani-Ferry, avait déjà constaté : « la connaissance du Cice paraît mieux établie dans les entreprises qui y ont davantage recours », notait-il dans son rapport publié à l’automne. Désormais, le taux de non recours par les entreprises serait « marginal ». Les créances accordées n’ont toutefois pas toutes été consommées. Une entreprise peut parfaitement décider d’attendre et de reporter tout ou partie de sa créance sur l’année suivante. De ce fait, sur les 27,4 milliards des créances cumulées au titre des salaires versés en 2013 et 2014, 18,6 milliards ont effectivement été consommés par les entreprises. «  Si l’on ajoute à cela le dispositif de préfinancement mis en place notamment par la BPI, 85 % des droits ouverts ont déjà à été effectivement perçus par les entreprises », souligne-t-on à Bercy. En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/021638478320-le-cice-tourne-a-plein-regime-1194197.php?0PfS1yFyiI2BWxhC.99

Document 151: rapport d’évaluation du CICE publié par France Stratégie (septembre 2016) Le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (Cice) a-t-il eu l'impact espéré par le gouvernement ? Le rapport de France Stratégie publié ce jeudi indique que la mesure a conduit à « une amélioration sensible des marges des entreprises » et probablement permis de créer ou sauvegarder entre 50.000 et 100.000 emplois en 2013 et 2014. (…) Sur les deux laboratoires de recherche ayant étudié pour France Stratégie les effets du CICE sur l'emploi, seule une équipe d'économistes trouve pourtant un impact. Le laboratoire interdisciplinaire d'évaluation des politiques publiques (LIEPP) n'en met en évidence aucun tandis que l'équipe de Yannick L'Horty, professeur à l'Université Paris-Est et directeur de l'équipe Travail, emploi et politique publique (TEPP) trouve « un impact positif du Cice sur l'emploi dès l'année 2013, limité aux entreprises les plus fortement bénéficiaires ». (…) Le Cice a eu un effet positif sur l'emploi des ouvriers et des employés mais « il a revanche exercé un impact négatif sur l'emploi des cadres » en raison « de la forme du barème qui introduit un effet de seuil puissant dans la distribution des rémunérations ", note l'étude de TEPP. Une entreprise a en effet désormais intérêt à embaucher des personnes payés en dessous de 2,5 SMIC pour lesquelles elle touche de le Cice. Un impact « positif mais est de faible ampleur » Dans son commentaire, Alain Trannoy, professeur à l'école d'économie d'Aix-Marseille et rapporteur des travaux de TEPP, reconnaît que l'impact est « positif mais est de faible ampleur ». Ce que confirme Yannick L'Horty. « Les estimations réalisées à priori sur les effets du Cice tablaient sur plus de 200.000 emplois créés chaque année. Nous sommes très en dessous de ces chiffres. C'est décevant au regard de la masse budgétaire en jeu même si nos estimations sont probablement minorées », indique-t-il. En effet, le coût budgétaire du Cice représente environ 27 milliards d'euros sur 2013 et 2014. « Le Cice produit moins d'effet que les exonération de charges sur les bas salaires ", souligne Yannick L'Horty. Source : http://www.lesechos.fr/29/09/2016/lesechos.fr/0211342510673_les-economistes-divergent-sur-l-effet-

emploi-du-cice.htm#WAHXEXIXQ3G2dQhV.99

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Document 152 : un bilan des politiques qui visent à stimuler la demande de travail Politiques « actives » (au sens de l’OCDE) qui visent un public

spécifique

Politiques « générales » qui visent à baisser le coût du travail

Développer le travail indépendant

Contrats aidés = emplois subventionnés dans le secteur marchand et le secteur non-marchand

Baisse du SMIC (pas en France)

Cotisations sociales (ou crédit d’impôt type CICE)

Création du statut d’auto-entrepreneurs

Conséquences positives Orienter les créations d’emplois vers les moins employables ; modifier l’ordre dans la file d’attente pour l’emploi

Conséquences positives : ramener le coût du travail à la productivité des moins qualifiés Amélioration compétitivité prix des entreprises françaises

Conséquences positives Baisser le coût du travail sans toucher le SMIC net ; Concernant le CICE l’impact sur l’emploi est très faible

Conséquence positive : réduire nombre demandeurs d’emplois

Conséquences négatives Coût important et résultat décevant en terme d’insertion pour les emplois dans le secteur non marchand ; résultats plus positifs dans le secteur marchand mais plus d’effet d’aubaine (9 emplois sur 10 auraient quand même été créés)

Conséquences négatives : Hausse pauvreté et incitation à la trappe à l’inactivité

Conséquences négatives : les plafonds d’exonération créent des trappes aux bas salaires ;

Limite : chiffres d’affaire globalement modestes

3.5.2 Bilan des politiques qui visent à augmenter l’offre de travail

Document 153 : l’impôt négatif est-il incitatif ? un impact sur les mères célibataires lorsque le

montant est suffisant Aux Etats-Unis, l’impôt négatif a joué un rôle non négligeable (environ pour un tiers) dans la hausse de l’emploi des femmes célibataires les plus défavorisées qui a augmenté de 20 points de % entre 1990 et 2000. (…) Le système anglais avait également fait augmenté l’offre de travail des mères célibataires de 5 points de % et celles des hommes mariés de 0,8 points de %. La PPE mise en place par le Gvt Jospin part d’une intention louable, mais sa mise en œuvre laisse à désirer et annihile vraisemblablement l’essentiel de son impact sur l’emploi. La loi et le barème sont effroyablement complexe. Le montant moyen perçu était de l’ordre de 436 euros en 2012, ce qui sur une année entière est évidemment très faible. Les montants maxima sont aussi modestes, en tout cas nettement plus faibles que ceux des Etats-Unis et d’Angleterre. Ils atteignent moins de 8% du revenu déclaré. (…) La PPE distribue peu d’argent mais à beaucoup de personnes, et en définitive son coût s’avère très élevé (2,6 milliards en 2012). (…) Les expériences étrangères nous enseignent qu’il faut rendre le travail (très) payent pour que les incitations financières aient un impact significatif sur la participation au marché du travail et au retour vers l’emploi. (…) Les études montrent qu’il n’apparaît pas d’effet de la PPE sur l’emploi, y compris en se focalisant sur l’emploi des femmes mariées. (…) L’arrivée en 2010 du RSA dans les dispositifs d’incitation au travail a réduit considérablement l’intérêt de maintenir la PPE.

Source : Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.100

Document 154 : le RSA incite-t-il à la reprise d’activité ? des incitations efficaces pour les mères

célibataires avec un enfant Véronique Simonnet et Elisabeth Anzin ont évalué les effets du passage du RMI au RSA sur le retour vers l’emploi. (…) L’incitation financière la plus forte portait sur les personnes isolées ayant des enfants. Avec la mise en place du RSA, une personne isolée sans enfant obtenait 144 euros de plus par mois qu’à l’époque du RMI en acceptant un emploi à mi-temps. Mais ce chiffre atteignait 264 euros pour une personne isolée avec un enfant. Le passage du RMI au RSA a donc été nettement plus intéressant financièrement pour une personne

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isolée vivant avec 1 enfant. Ces incitations ne sont pas neutres. Après la mise en place du RSA, le taux de retour vers l’emploi des mères célibataires ayant un enfant de moins de 3 ans est en moyenne supérieur de 2 points de % à celui des mères célibataires sans enfant. La hausse est approximativement de 1 point de % pour les mères célibataires ayant au moins 2 enfants. En revanche, l’effet est quasi-nul lorsqu’il s’agit de pères célibataires. Ces résultats confirment ceux des études portant sur les systèmes d’impôt négatif aux Etats-Unis et en Angleterre, à savoir que ce sont surtout les mères célibataires avec un ou plusieurs enfants qui réagissent à ce type d’incitation financière. (…) Ce tour d’horizon montre que les dispositifs existant à l’heure actuelle en France pour rendre le travail payant sont loin d’être satisfaisants. La juxtaposition des dispositifs (PPE, RSA, droits connexes de toutes sortes) rend l’ensemble du système peu transparent et crée des avantages temporaires qui favorisent la précarité.

Source : Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.100

Document 155: les incitations à l’emploi peuvent renforcer les trappes à bas salaires

L’impact des mesures d’incitations à l’activité semble limité. Les résultats des évaluations portant sur les dispositifs américains et britanniques d’impôt négatif soulignent en général leur intérêt en termes de lutte contre la pauvreté, mais obtiennent de faibles effets sur le taux d’emplois. Des effets favorables sont obtenus pour les femmes célibataires avec un enfant, mais dans le cas des couples l’impôt négatif conduirait à une baisse du nombre d’heures travaillées des femmes. Cet effet négatif serait également présent dans le cas de la Prime pour l’Emploi (PPE) française. Les résultants portant sur les taux de retour à l’emploi sont très faibles. (…) Plus généralement, les enquêtes auprès des bénéficiaires de minima sociaux laissent penser que la part de la dimension financière dans le retour à l’emploi est assez limitée dans cette population : selon des travaux antérieurs, une part non négligeable d’entre eux seraient prêts à reprendre une activité, sans que celle-ci leur apporte de gains. (...) L’aide financière est bienvenue mais pas suffisante, l’accompagnement social et professionnel étant jugé indispensable. Enfin, de manière plus globale, l’ensemble de ces mesures d’incitation à l’offre de travail conduit à soutenir le développement d’emplois à bas salaires et/ou temps partiels, rendus « acceptables » pour les travailleurs par le biais de ces dispositifs. on peut donc craindre que ces mesures ne renforcent le risque de « trappe à bas salaires » existant du côté des employeurs.

Source : Christine Erhel « Les politiques de l’emploi », Que sais-je ? 2015, p. 116

Document 156 : conséquences des politiques visant à stimuler l’offre Conséquences positives Conséquences négatives

Stimule le retour vers l’emploi des mères célibataires avec un enfant = sortir de la trappe à l’inactivité / chômage

Ne stimule pas le retour vers l’emploi des autres catégories d’actifs au chômage ou inactifs, notamment les hommes ; Les emplois obtenus alimentent la trappe à bas salaires ; Dans les populations qui retournent vers l’emploi, l’incitation financière ne joue qu’un rôle mineur ;

3.5.3 Bilan des politiques de formation : les limites de la formation pour adultes et

l’importance de la formation dans l’enfance

Document 157 : l’investissement éducatif pour les adultes, une fausse bonne idée Le renouvellement récent des méthodes d’évaluation aboutissent à des résultats qui heurtent le sens commun : de nombreux investissements dans le système d’éducation et de formation ne sont rentables ni pour la collectivité ni même pour les personnes censées en bénéficier. Ce constat va à l’encontre du credo selon lequel le meilleur moyen d’améliorer l’insertion économique et sociale consiste à accroître systématiquement les dépenses pour l’école et pour la formation professionnelle.

Source : Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.194-196

Document 158

Pour savoir si un dispositif de formation améliore les perspectives d’emploi des personnes qui en bénéficient, il suffit de répondre à la question suivante : quel aurait été le parcours de ces mêmes personnes si elles n’avaient pas bénéficié de ce dispositif ?

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Seule la comparaison de ces deux parcours (avec et sans « traitement ») peut donner un indicateur objectif de l’efficacité de la mesure. (….) Les évaluations des programmes de formation proviennent essentiellement des Etats-Unis. De tous ces travaux, il ressort que seuls les programmes de formation destinés aux femmes de plus de 25 ans, issus de milieux défavorisés, jouissent d’une certaine efficacité. En revanche, les programmes sont nettement moins bénéfiques pour les hommes adultes et même franchement décevant pour les jeunes, surtout pour ceux de sexe masculin. Il apparaît aussi que ce sont les individus les moins qualifiés qui tirent le moins d’avantage à ces programmes de formation. (…) Dans le même registre, en France, les bienfaits si souvent proclamés de la « formation continue » ne sont pas tous établis. En exploitant les renseignements d’une vaste enquête de l’Insee sur ce sujet, Dominique Goux et Eric Maurin ont constaté que le gain salarial d’un employé ayant suivi une formation continue semble être de prime abord considérable. (…) Malheureusement, les auteurs de l’enquête montrent qu’il n’y a pas de miracle : le supplément de salaire des travailleurs qui bénéficient de la formation professionnelle provient uniquement de leurs caractéristiques personnelles. En d’autres termes, ce sont les salariés jugés les plus productifs pour l’entreprise qui bénéficient des stages de formation et des plus fortes hausses de salaires. Les salariés qui auraient le plus besoin de formation n’y accèdent pratiquement pas, car les entreprises ont intérêt à cibler leur effort de formation sur les employés ayant le plus fort rendement pour elles. Elles ont aussi intérêt à cibler leur effort de formation sur des métiers et des compétences très spécialisés qui, dans la majorité des cas, ne pourront pas être valorisés à l’extérieur.

Source : Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.194-196

Document 159 : comment expliquer les limites de l’efficacité de l’éducation sur l’accès à l’emploi ?

L’insertion économique et sociale est certes favorisée par les connaissances transmises par le système éducatif, mais elle l’est aussi, et peut-être surtout, par la qualité des compétences relationnelles et la capacité à élaborer des projets de vie cohérents. Or ces atouts ne s’acquièrent pas uniquement dans les institutions scolaires. Ils sont en grande partie transmis très tôt par le milieu familial. Les enfants qui ne les possèdent pas sont vite confrontés à l’échec scolaire. (…) La reconnaissance de l’importance du milieu familial et du rôle déterminant de la prime enfance remet en cause la conception traditionnelle de l’intervention publique en matière de formation et de d’éducation. (…) Trois lignes directrices se dégagent : les aides publiques doivent être ciblées ; elles doivent être prioritairement dirigées vers les jeunes, voire les très jeunes enfants ; elles doivent être déployées pour partie en dehors de l’école. (…) La formation continue pour tous, et plus encore, la « formation tout au long de la vie » font partie des fausses bonnes idées. (…) Il n’en va pas de même pour les programmes destinés aux jeunes enfants issus des milieux défavorisés. Les aides ciblées sur ces jeunes enfants sont nettement plus efficaces que celles portant sur les adultes. (…) On constate qu les gains en termes de revenus sont importants. Mais ce sont les économies réalisées sur la baisse de la criminalité qui sont les plus spectaculaires. (…)

Source : Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.194-196

Document 160 : cibler le public bénéficiaire de l’effort de formation

Les évaluations des interventions publiques en matière de formation et d’éducation aboutissent à des résultats convergents. Les « rendements » de l’éducation diminue avec l’âge pour toutes les catégories de la population. en d’autres termes, plus on se rapproche de la fin de la vie active, moins la formation devient rentable. (…) Il convient de concentrer les aides à la formation sur les jeunes enfants issus de milieux socialement défavorisées et/ou dont les capacités d’assimilation sont faibles. (…) Cela ne veut pas dire qu’il n’y a aucune action à mener en faveur des adultes les plus défavorisés. (…) A choisir il vaut mieux subventionner l’embauche de cette catégorie de travailleurs, grâce par exemple, à des abaissements de charges sociales ou des réductions d’impôts. Apprendre coûte cher et ne rapporte pas toujours beaucoup. Accroître systématiquement l’intervention publique en matière d’éducation, de formation permanente et de reconversion professionnelle n’est donc pas toujours la meilleure politique possible.

Source : Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg « Les ennemis de l’emploi. Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2015, p.194-196

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Document 161 : portée et limite des politiques de formation destinées aux actifs Portée (intérêt) Limites

Impact sur femmes célibataires avec 1 enfant Pas d’impact sur les moins qualifiés adultes hommes et femmes avec plusieurs enfants = c’est-à-dire les populations les touchées par le chômage Une sélection des bénéficiaires de la formation qui renforcent le capital humain de ceux qui en ont le plus ;

Conclusion : peu d’impact sur l’employabilité des actifs les plus touchés par le chômage ; importance de la formation précoce chez les plus jeunes

3.6 Les politiques de l’emploi en France : a-t-on tout essayé ?

3.6.1 Analyse comparative des politiques de l’emploi

Document 162 : les politiques nationales de l’emploi s’articulent avec le modèle de protection sociale

adopté Les données de l’OCDE font apparaître trois groupes de pays selon leur niveau de dépenses et la structure des interventions de politique de l’emploi. Un premier groupe se caractérise par un faible niveau de dépense totale. Il comprend les pays libéraux mais aussi le Japon, la Corée et la plupart des nouveaux membres de l’UE. Ces pays consacrent en général la majorité de leurs dépenses aux politiques passives et à l’indemnisation du chômage. (…) Parmi les dépenses actives, leurs efforts se concentrent sur les services d’aide à l’emploi et à la recherche d’emploi. (…) le rôle de la politique de l’emploi se limite à une indemnisation peu généreuse et à l’amélioration du fonctionnement du marché du travail (information, mobilité, adéquation des formations = pour améliorer l’appariement offre/demande). En marge des politiques ciblées, les pays libéraux ont pour la plupart développé des outils centrés sur l’offre de travail et visant à inciter à l’activité tout en soutenant les revenus des familles les plus pauvres (prime à la reprise d’activité, impôts négatifs). A l’opposée, parmi les pays dont le niveau d’intervention est supérieur à la moyenne de l’OCDE on trouver les pays nordiques et des pays d’Europe continentale. (…) Ces pays disposent de systèmes d’indemnisation du chômage généreux et une durée d’indemnisation longue. (…) Les pays du Nord ont des dépenses actives plus élevés (60% du total des dépenses). Les pays d’Europe continentale ont en commun d’avoir un financement de la protection sociale fondé sur des cotisations sociales : afin de réduire le coût du travail ou d’inciter à l’embauche de certaines catégories de population, ils se sont fortement appuyés sur des mesures de baisse du coût du travail (ciblées ou générales). (…) Les points d’intersection entre la politique de l’emploi et la protection sociale sont nombreux, notamment sur la question du financement des dépenses sociales et de leur couverture. En effet, dans les pays continentaux, la protection sociale est en grande partie financée par des cotisations sociales qui tendent à alourdir le coût du travail, et notamment le coût relatif du travail des moins qualifiés. C’est l’un des aspects que les politiques de l’emploi cherche à corriger. dans les pays où la couverture sociale est universelle et financée par l’impôt (pays nordiques ou libéraux), le problème central est plutôt celui de l’incitation au travail, surtout lorsque le salaire minimum est faible ou inexistant. (…) Il est donc difficile de dissocier l’analyse comparative des politiques de l’emploi de celle des modèles de protection sociale, ou du fonctionnement comparé des institutions du marché du travail. Les politiques de l’emploi même ciblées, font partie d’un ensemble plus larges de politiques et d’institutions : c’est pourquoi, d’une part, il est impossible de copier directement une mesure d’un pays vers un autre, même si elle fonctionne très bien ; d’autre part, l’appréciation de l’efficacité d’une politique ne peut être menée indépendamment de son contexte.

Source : Christine Erhel « Les politiques de l’emploi », Que sais-je ? 2015, p. 116

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Document 163 : les politiques de l’emploi aux Etats-Unis et en France (comparaison) Politiques de l’emploi dans le modèle d’Etat providence

Modèle libéral Modèle continental

Caractéristiques Faible indemnité chômage Favoriser l’information, la formation et la mobilité des actifs

Forte indemnité chômage Forte protection de l’emploi (CDI en France, ajustement du temps de travail en Allemagne) Smic élevé (France) Minima sociaux élevés (France)

Financement Impôt Cotisations sociales Objectifs Réduire le coût du travail ;

améliorer la flexibilité numérique des entreprises Améliorer l’appariement O/D

Maintenir le stock d’emplois Protéger les salariés dans l’emploi et en termes de pouvoir d’achat

Inconvénients Pauvreté de certains actifs qui se retirent du marché du travail = nécessité d’une politique sociale de minima sociaux vis-à-vis des plus pauvres + politique de l’emploi incitative pour éviter trappe à l’inactivité (crédit d’impôt)

Poids des cotisations sociales dans le coût du travail notamment pour les moins qualifiés Segmentation du marché du travail Trappe au chômage et à l’inactivité (France) = le travail ne paie pas

Document 164 : l’évolution des politiques de l’emploi à partir des années 1990

L’analyse des rapports de l’OCDE consacrés à l’emploi permet de repérer deux changements majeurs par rapport au référentiel keynésien qui s’était maintenu jusqu’alors. A la fin des années 1980, le modèle de référence pour l’analyse des effets des politiques de l’emploi, mais également l’impact des politiques sociales sur l’emploi et le chômage, devient le modèle WS-PS. Celui-ci conduit à considérer que le chômage s’explique principalement par les effets des politiques sociales et des institutions du marché du travail sur le coût du travail. Ces effets peuvent être soit directs par le biais des cotisations sociales, soit indirects via les effets de pression salariale induits par une générosité excessive des revenus de remplacement (indemnisation chômage, minima sociaux …). Dans cette perspective, les politiques de l’emploi doivent prioritairement viser à la baisse du coût du travail et à l’accroissement de la concurrence sur le marché du travail (affaiblissement de la protection des insiders et politiques visant à accroître l’employabilité des outsiders). Le recours aux politiques passives doit être limité et celles-ci doivent inciter au retour à l’emploi. C’est ce que l’on appelle la logique « d’activation » des politiques de l’emploi. (…) Un deuxième tournant est observable à la fin des années 1990 : la préoccupation centrale se déplace vers les problèmes d’incitation à l’activité, qui se situent à la frontière entre politiques sociales, politiques de l’emploi et politiques fiscales. L’OCDE publie en 1997 un rapport intitulé « Making Work Pay ». (…) Ces analyses en termes d’incitation au travail et de « trappe à l’inactivité » marquent le retour de la théorie néoclassique du chômage dans sa version traditionnelle.

Source : Christine Erhel « Les politiques de l’emploi », Que sais-je ? 2015, p. 50-51

Document 165 : les politiques de l’emploi en France Depuis le 19ième siècle et jusqu’aux années 1960, les interventions de l’Etat sur l’emploi se limitent quasiment à ce qu’il est convenu d’appeler des politiques de main d’œuvre. Celles-ci on un caractère conjoncturel et sont appliquées dans des circonstances politiques ou économiques exceptionnelles. La première tentative d’intervention peut être située en 1848 : la création des ateliers nationaux répond alors aux revendications des ouvriers qui réclament à la République le droit d’accéder à un emploi leur garantissant un revenu décent. (…) L’apparition du chômage frictionnel dans le contexte des restructurations des années 1950 et surtout 1960 va néanmoins conduire à la création des principales institutions en charge de ces politiques : (…) l’ANPE est créée en 1967. Le système national d’assurance chômage (UNEDIC) apparaît en 1958 sur la base d’une gestion entre les partenaires sociaux. (…) C’est le tournant des années 1960, les politiques de l’emploi en France se sont principalement développées après le premier choc pétrolier face à la montée du chômage et à l’échec de la tentative de relance keynésienne de 1975. Depuis cette date, on relève une croissance continue des dépenses consacrées à l’ensemble de ces dispositifs. De manière plus fine, on peut distinguer trois grandes périodes dans ces trente années de politiques de l’emploi (…). Dans les années 1970, la montée en puissance des politiques de l’emploi concerne tout d’abord les dépenses passives et en particulier l’indemnisation du chômage : leur

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développement a un caractère mécanique résultant de la montée du chômage. Par ailleurs, on voit également apparaître trois logiques principales d’intervention volontariste des pouvoirs publics : l’accompagnement des restructurations industrielles, la réduction de la population active (développement des pré-retraites et blocage de l’immigration) et l’insertion des jeunes. Ce dernier axe est alors le plus novateur (…) avec un mode d’intervention fondés sur la réduction du coût du travail par le biais d’exonérations de charges. Dans les années 1980 et jusqu’en 1992, ces priorités sont maintenues, même si leur place respective et les outils mobilisés changent. L’intervention en faveur des jeunes s’appuie désormais sur la formation en alternance et elle recourt également aux mesures d’aide directe à l’emploi. (…) En termes quantitatifs, les années 1980 sont surtout marquées par l’explosion du recours aux pré-retraites. Les politiques de l’emploi françaises semblent ainsi correspondre d’une part à une logique conjoncturelle privilégiant le retrait d’activité face à la montée du chômage, et d’autre part à une logique contre-sélective : le chômage étant inégalitaire et sa durée induisant l’exclusion, il s’agit de redonner une chance aux plus fragiles. A partir de 1992-1993, les politiques de l’emploi connaissent un tournant. Certes, les mesures développées précédemment persistent dans leurs principes ; cependant, on voit s’affirmer une logique d’intervention générale et non plus ciblée : l’introduction des exonérations de charges (…) marque le passage d’une logique d’intervention centrée sur des publics prioritaires à une logique d’intervention structurelle via la baisse du coût du travail. Cette logique est confirmée par le Pacte de responsabilité de 2014 qui comprend 10 milliards d’exonérations de charges pour les salaires compris entre 1 Smic et 3,5 Smic, qui viendront s’ajouter aux 20 milliards d’euros d’exonérations dites « bas salaires ». du côté de l’offre de travail, l’objectif des mesures générales est d’inciter au travail (PPE en 2001 et RSA en 2008).

Source : Christine Erhel « Les politiques de l’emploi », Que sais-je ? 2015, p. 116

Document 166 : les politiques de l’emploi en France Années 1960 Années 1980 A partir années 1990

Indemnités chômage ANPE

Politique ciblée sur les actifs âgés : Pré-retraites Politiques ciblées sur les jeunes : apprentissage, contrats aidés, exonérations de charges

Politiques ciblées sur les jeunes : alternance, contrats aidés, exonérations de charges Politique générale : baisse du coût du travail (exonérations de charges, crédit impôt) + incitation au travail (PPE et RSA)

3.6.2 Quelles réformes pour la France ? La piste de la flexicurité ?

Document 167 La flexicurité fait partie des orientations de réforme du marché du travail promues par les organisations internationales, OCDE et Commission européenne. elle est intégrée aux lignes directrices de la Stratégie européenne pour l’emploi et a fait l’objet d’une communication de la Commission en 2007 qui l’a définit à partir de 4 piliers : « des arrangements contractuels flexibles, un système de formation tout au long de la vie, des politiques actives de l’emploi efficaces et des systèmes de sécurité sociale modernes ». De manière générale, cette notion renvoie à l’idée selon laquelle il est possible et souhaitable en termes de performances économiques et de soutenabilité du modèle social européen de concilier la sécurité des travailleurs (du point de vue de l’emploi et de la protection sociale) avec la flexibilité du marché du travail. (…) Dans ce cadre, il s’agit bien de concilier la flexibilité des transitions/mobilités sur le marché du travail avec une sécurisation des trajectoires individuelles grâce à la protection sociale et aux politiques de l’emploi. (…) L’exemple emblématique de cette combinaison vertueuse est donné par le Danemark, qui reprend à son compte cette notion et développe ses composantes à partir du triangle d’or de la flexicurité. Le modèle danois s’appuie sur trois piliers complémentaires et qui font système : une protection de l’emploi modérée (des règles de licenciement souples), une indemnisation chômage généreuse, et des politiques actives de l’emploi très développées visant à éviter le chômage de longue durée et à contrôle la disponibilité et la motivation des chômeurs. Ce modèle a été mis en place à partir de 1993. (…) Ces politiques sont apparues comme un succès, le Danemark ayant réussi à diminuer de moitié son taux de chômage en une dizaine d’années (stabilisé autour de 5% entre 2000 et 2008), tout en affichant de très bonnes performances macroéconomiques et un degré de satisfaction élevé des travailleurs à l’égard de leur emploi.

Source : Christine Erhel « Les politiques de l’emploi », Que sais-je ? 2015, p. 83-84

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Document 168 : le triangle d’or selon Robert Boyer

Document 169 Cette notion de flexicurité a orienté plusieurs réformes menées en Europe depuis le début des années 2000. (…) En France, les débats sur la réforme du contrat de travail se sont largement inscrits dans cette perspective. Le rapport Cahuc et Kramarz de 2004 proposait de fusionner le CDI et le CDD en libéralisation le licenciement, et d’instaurer une taxe sur les licenciements destinées à financer une meilleure indemnisation des chômeurs et un accompagnement renforcé. (…) L’accord de 2008 sur la modernisation du marché du travail est présenté comme l’amorce d’une flexicurité à la française. Ce texte introduit trois innovations principales en matières de flexibilité : il rend possible la « rupture conventionnelle » du contrat de travail, il crée pour les ingénieurs et les cadres un contrat de mission (max 36 mois). Enfin, la période d’essai est allongée. En contrepartie, la loi prévoit une portabilité des droits pour le salarié licencié (possibilité de conserver sa couverture prévoyance santé et conserver 100% de son droit individuel à la formation). Cette logique de donnant/donnant se retrouve dans l’Accord interprofessionnel du 11 janvier 2013.

Source : Christine Erhel « Les politiques de l’emploi », Que sais-je ? 2015, p. 85-86

Document 170 : la flexicurité en France ? Situation actuelle Réformes en cours Reste à faire Indemnités chômages généreuses

Oui pour une partie seulement des chômeurs

Politique active de l’emploi

Oui pour le contrôle ou le suivi Non pour la formation

Réforme ANPE / ASSEDIC = Pôle emploi Plan de formation 2015 (Hollande) Création du compte personnel de formation en 2015

Une formation pour tous les adultes + éducation enfants

Flexibilité des embauches et des licenciements

Non : distinction CDI et CDD

Loi de modernisation du marché du travail de 2008 : Rupture conventionnelle du contrat de travail + Contrat de mission pour les cadres ou ingénieurs

Développer la portabilité des droits (en France et en Europe) Redéfinir la nature du contrat de travail : avenir du CDI ?

Document 171 : les conséquences de la mise en place de ce modèle sur les politiques de l’emploi

La politique de l’emploi qui vise à installer la flexicurité devrait donc conduire à : 1) Réformer le « statut du contrat de travail » : le CDI est un frein à la flexibilité numérique des entreprises ; 2) Développer la « générosité des indemnités chômage » : en France, ces indemnités sont généreuses pour ceux … qui les perçoivent. Or, plus de la moitié des chômeurs ne les perçoivent pas faute de cotisations

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suivantes ou parce qu’ils sont en fin de droits. La question de la générosité des indemnités portent donc essentiellement sur les chômeurs non bénéficiaires. 3) Assurer « le suivi de chaque chômeur » afin d’améliorer ses chances de retrouver un emploi : cet objectif conduit à s’interroger sur les moyens accordés à Pôle Emploi. La montée en flèche du chômage depuis 7 ans a montré à quel point les moyens humains de cet organisme n’étaient pas suffisant au regard des besoins ; 4) Permettre une « formation efficace » des actifs : c’est un point faible de la France ; il existe un véritable déficit de formation des actifs salariés. Cela peut s’expliquer par le fonctionnement de la formation professionnelle. Pendant longtemps, seuls les salariés d’une entreprise pouvaient bénéficiaient d’une formation – les chômeurs en étaient donc exclus ; Cette situation a conduit à une réforme de la formation professionnelle (texte voté en février 2014 - entrée en vigueur en janvier 2015). Dans cette réforme a été créé le compte personnel de formation. Ce compte permet à un salarié d’accumuler des droits à la formation dans les différentes entreprises où il travaille et à en bénéficier, le cas échéant, durant une période de chômage (les droits de formation ne sont donc plus reliés à l’entreprise dans laquelle l’individu travaille mais à son parcours professionnel). En conclusion : la flexicurité présente donc un modèle qui doit permettre de relier l’exigence de protection sociale du modèle de l’Etat providence « corporatiste » (Esping-Andersen) et l’exigence de flexibilité et de compétitivité des entreprises dans le cadre d’une économie globalisée. Cependant, la mise en place de la flexicurité soulève un certain nombre de problèmes, que la France devrait être amenée à résoudre pour que ce système fonctionne pleinement. On sait en effet qu’il existe une dimension institutionnelle importante en ce qui concerne le fonctionnement du marché du travail, et qu’il est nécessaire d’avoir une approche « globale » des institutions. Ce n’est pas une modification institutionnelle qui peut porter ses fruits, si les autres institutions avec lesquelles elle s’articule sont absentes : par exemple, davantage de flexibilité du marché du travail ne donnera pas les effets escomptés par le modèle scandinave si la formation professionnelle est défaillante.

Document 172 : la question du contrat unique La difficulté des politiques publiques est donc d’éviter les effets pervers de la protection de l’emploi tout en conservant l’objectif de sécuriser les actifs. C’est l’ambition des politiques dites de « flexi-sécurité » qui visent à combiner flexibilité du marché du travail et sécurité des travailleurs. (…) L’idée générale est de passer d’une protection de l’emploi à une sécurisation des parcours, y compris dans le chômage. La flexibilité se traduit par une diminution de le protection de l’emploi ; en contrepartie, l’indemnisation du chômage doit être généreuse et des politiques actives de retour à l’emploi proposées aux chômeurs. De manière plus radicale, le rapport de P.Cahuc et F.Kramarz (2004) proposait la fusion du contrat de travail à durée indéterminée et déterminée dans un contrat unique, dont la rupture entraînerait le paiement d’une prime croissante avec la durée du contrat destinée en partie au salarié et en partie à l’Etat pour financer l’accompagnement des chômeurs. Ce contrat unique deviendrait donc progressivement plus coûteux à rompre tout en permettant les périodes d’essai nécessaires à un appariement efficace entre travailleurs et entreprises. Le risque de comportements opportunistes de la part d’employeur abusant des contrats courts peut être limité par différents systèmes : majoration des indemnités, système de « bonus-malus » où le montant des cotisations chômage versées par l’employeur est indexé sur l’historique des licenciements antérieurs …

Source : Denis Anne et Yannick L’Horty « Economie de l’emploi et du chômage », Cursus A.Colin, 2013, p. 143

Document 173 Voici la liste des mesures qui n’ont jamais été essayées que l’on trouve dans le magazine Challenges du 14 janvier 2016 :

- favoriser comme en Allemagne l’apprentissage (contre le chômage des jeunes) ; - rendre obligatoire une formation pour les jeunes décrocheurs ; - instaurer un contrat unique – Pierre Cahuc ; - réduire ou rendre dégressive l’indemnisation chômage ; - créer une taxe sur les licenciements – Jean Tirole ; - lever les freins à la mobilité pour changer de job (un compte unique pour regrouper tous les droits

sociaux) ; - alléger le droit du licenciement pour limiter les freins à l’embauche – Pierre Cahuc ; - régionaliser le temps de travail, les politiques de l’emploi et du logement (régionaliser le droit du

travail) – Etienne Wasmer ; - créer un Smic en fonction de l’âge et des régions – Gilbert Cette ; - utiliser le big data pour améliorer l’accès à l’information des demandeurs d’emplois – Paul Duan.

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