8
MOINES ET MONASTERES DES ILES D'HYERES':- Introducti on Les îles d'Hyères forment un véritabl e petit archipel face au mass if cri stallin des Maures, dont elles sont le prolongement. Les principales sont, d 'oues t en es t, la presqu'île de Giens, racco rdée au continent par un double cordon de sabl e, les îl es de Porquerolles, Bagaud, Port Cros et du Leva nt. Les îles délimitent et protègent la vaste rade d'Hyères (fig. 1). Les citations dont cll es o nt fait "obj et de la part des géographes antiques l, leur description dans des documents tels que les instructions nautiques du marin tuf C Piri Reis du siècle l, les grands travaux de fortification d ont ell es furent l'objet du siècle jusqu'à une époque tr ès récente, montrent la réa li ct la permanence de leur le dans la navigation et la protecti on de la côte. (*) Cette étude doit beaucoup à Paul Albert Février avec qui j'avais visité les gisements archéologiques de l'île du Levant. C'est lui qui, alors, m'avait fourni les éléments nécessaires àceu eréflexion. Je remercie: le Parc National de Port Cros qui a finanles recherches sur les îl es d'Hyères; MM. M. Borréani etJ.-M. Michel avec qui j'ai réalisé les prospections; les autorilés mi litaires qui par l'intermédi aire de M. P. Saliceti m'ont permis d'accéder aux principaux gisements archéo- logiq ues qui se trou ve dans l'enceinte de la base marine du Leva nt. Toute ma gratitude à R. Boyer, P. Turc ct M. Fixot qui m'ont beaucoup aidé dans la rédac- [jon de cet article. 1. M. BATS, .. Les îles d ' H yè res chez les aut eu rs antiques ", Travaux ScientIfiques du Parc national de Porl Cros, 1985, p. 83-87 2. R. MANTRAN, .. La description des côtes méditerranéennes de la France dans le kilab- i-bahrieye de Pi ri Reis ,. , Revue de l'Occident musulman et méditerranéen, 1985, p. 69-78.

MOINES ET MONASTERES DES ILES D'HYERES':-provence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1992-42-167-168_15.pdf · MOINES ET MONASTERE DES ILES D'HYERES 183 Des moines au V' siècle et

  • Upload
    others

  • View
    19

  • Download
    2

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: MOINES ET MONASTERES DES ILES D'HYERES':-provence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1992-42-167-168_15.pdf · MOINES ET MONASTERE DES ILES D'HYERES 183 Des moines au V' siècle et

MOINES ET MONASTERES DES ILES D'HYERES':-

Introducti on

Les îles d'Hyères forment un véritable petit archipel face au massif cristallin des Maures, dont elles sont le prolongement. Les principales sont, d 'ouest en es t, la presqu'île de Giens, raccordée au continent par un double cordon de sable, les îl es de Porquerolles, Bagaud, Port C ros et du Levant. Les îles délimitent et protègent la vaste rade d'Hyè res (fig. 1). Les citations dont cll es ont fait " objet de la part des géographes antiques l, leur description dans des documents tels que les instructions nautiques du marin tufC Piri Reis du XVI~ siècle l , les grands travaux de fortific at ion dont elles furent l'objet du XVII~ siècle jusqu'à une époque très récente, montrent la réa li té ct la permanence de leur rôle dans la navigation et la protection de la côte.

(*) Cette étude doit beaucoup à Paul Albert Février avec qui j'avais visité les gisements archéo logiques de l'île du Levant. C'est lui qui, alors, m'avait fourn i les éléments nécessaires àceu eréflexion.

Je remercie: le Parc National de Port Cros qui a financé les recherches sur les îles d'Hyères; MM. M. Borréani etJ.-M. Michel avec qu i j'ai réalisé les prospections; les autori lés mi litaires qui par l'intermédiaire de M. P. Saliceti m'ont permis d'accéder aux principaux gisements archéo­logiques qui se trou ve dans l'enceinte de la base marine du Leva nt.

Toute ma gratitude à R. Boyer, P. Turc ct M. Fixot qui m'ont beaucoup aidé dans la rédac­[jon de cet article.

1. M. BATS, .. Les îles d ' H yè res chez les auteu rs antiques ", Travaux ScientIfiques du Parc national de Porl Cros, 1985, p. 83 -87

2. R. MANTRAN, .. La description des côtes méditerranéennes de la France dans le kilab­i-bahrieye de Pi ri Reis ,. , Revue de l'Occident musulman et méditerranéen, 1985, p. 69-78.

Page 2: MOINES ET MONASTERES DES ILES D'HYERES':-provence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1992-42-167-168_15.pdf · MOINES ET MONASTERE DES ILES D'HYERES 183 Des moines au V' siècle et

/82 MICHE L PASQUALINI

1

r?"""" II, • ,;,,,",1 LfVANl 1

"GAUV~" 1 POITCIOS 1

Le peuplement des îles

U ne ét ud e me née récemment su r la presqu' îl e de Giens. les îles de Porquerolles, Porr-C ros ct du Levant, a révélé une grande quant ité de t ran.'s de fréquentation humaine de la période Chalcolithique à la période moderne. Il n'est pas question de rentrer ici dans le détail de ce peuplement. On en retiendra que les l '·' et II' sièdcs de notre ère para issent être la période pendant laquelle les (err<;'s fu relH le plus systémati qu ement mises e n valeur. Ce ph énomène, qui n'éton­nera personne pui sq u ' il trouve sa correspondance sur le continent, est marqué sur les îles par l'apparition de grandes fermes ou viflae, à la Tour Fondue à Giens, J Notn.,-Damc il Po rquerolles. Sur cette dernière un habitat groupé semble avoir existé à l'emplacement du vill age ac tuel. CC' pourrait être le Pomponiana por­tus de l'ltinéraire maritime d'Antonin .' . A Port-Cros et au Levant, des gisemcnb.

mais assez no mbreux, attestent le mêm e mo uvement de mise en valc UJ Nombre d'entre eux se prolongent aux moins jusqu'aux IV' et V" siècles

C 'est le cas pratiquement de tous ceux de qu elqu e im portance sur Giens, Porquerolles et Port Cros.

Page 3: MOINES ET MONASTERES DES ILES D'HYERES':-provence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1992-42-167-168_15.pdf · MOINES ET MONASTERE DES ILES D'HYERES 183 Des moines au V' siècle et

MOINES ET MONASTERE DES ILES D'HYERES 183

Des moines au V' siècle et un monastère aux XII' et XIII' siècles

Parmi les implantations humaines attestées par certains témoignages écrits on relève la présence de moines au V, siècle et d'un monastère au XII' siècle.

Nul n'ignore ces textes qui sont d'une part, deux mentions des moines des îles Stoechades, identifiées aux îles d'Hyères, dans la préface aux deuxième ct troisième recueils des Conférences de Jean Cassien 4

, écrits vers la fin du premier quart du V, siècle, et, d'autre part, deux bulles du pape Innocent III datées de 1198 ct 1199 5 auxquelles on peut ajouter d'autres documents, dont le principal intérêt est de fournir des repères chronologiques attestant l'existence d'une ins­tallation religieuse sur les îles au XIII' siècle.

A aucun moment ces documents n'identifient précisément l'île sur laquelle auraient pu s'installer les religieux au début du V" siècle et au Moyen Age. Rien n'atteste la continuité entre les deux établissements.

Inventaire des gisements archéologiques de l'Antiquité tardive et du Moyen Age

Une partic des gisements des périodes qui nous intéressent -l'Antiquité Tardive et le Moyen Age - étaient déjà connus (fig. 1). Sur l'île du Levant, le Castelas et le « couvent des moines noirs ;>, mentionné sur la carte de Cassini, ont attiré l'attention des chercheurs depuis longtemps. Malheureusement leur fouille, notamment celle du Castelas, n'a pas donné lieu à des études très approfondies, si bien qu'aujourd'hui on ne peut compter que sur le plan du site et les quelques tessons qui subsistent des anciennes fouilles, pour tenter une inter­prétation 7. A Porquerolles un habitat fortifié de l'Antiquité tardive situé aux Mèdes a été en partie fouillé et publié s.

CASSIEN, Conférences Il, VIII-XVI', éd. Dom E. Pichcry, Sources chré-1958. p. 99.

Jean CASSIEN, Conférences Ill, XVIII-XXIV, éd. Dom E. Pichery, Sources chrétiennes, Paris, 1959, p.8-9.

5. J.H. ALBANES, U. CHEVALIER, Callia Christiana Novissima, Arles, IlL, Valence, 1901, col. 276, n° 715.

J.H. ALBANES, U. CHEVALIER, Gailia Chrisciana Novissima, Toulon, V, Valence, 191 t, col. 68, nO 112.

Patrologie Latine, 214, Paris, 1890, col. 230, n° 274.

Page 4: MOINES ET MONASTERES DES ILES D'HYERES':-provence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1992-42-167-168_15.pdf · MOINES ET MONASTERE DES ILES D'HYERES 183 Des moines au V' siècle et

184 MICHEL PASQUALINI

Le Caste/as Cc gisement est sirué dans un cadre grandiose, sur un éperon rocheux qui domine

la mer de 50 mètres, sur la côte nord de l'île (fig. 2). Des constructions ct divers amé­

nagements dans le rocher sont encore visibles. Côté sud, l 'éperon légèrement en

contrebas de la hauteur du Courcousson, est barré par un fossé taillé de main d'homme dans le schiste. Les constructions occupent au sommet une surface assez réduite

d'environ 850 m'. Côté est, les vestiges donnent sur un abrupt qui ne possède pas de défense particulière. Les extrémités nord et sud sont occupées par deux bâti ­

ments rectangulaires. Le bâtiment nord est très arasé, le bâtiment sud est encore conservé sur deux niveaux. Entre eux, un long mur nord-sud défendait le site à l'ouest. Une entrée était ménagée dans ce mur. A l' intérieur se voient encore di vers aménagements difficilement compréhensibles car trop ruinés ou pas assez déga­gés. Contre le mur nord-sud, est appuyée au moins une construction rectangulaire. Dans cette zone, l'épais remblai amené pour niveler le terrain laisse espérer qu'i l ex iste encore un minimum de couches archéologiques et de structures en place à fou iller. A l'est, des marches sont taillées dans le rocher, et des traces de béton de tuileau évoquent la présence d'une citerne. Le bâtiment rectangulaire sud, mesure 20 m sur 8 m. Au niveau inférieur, se trouve une salle voûtée qui communique à l'ouest avec un réduit aménagé dans le rocher. Au niveau supérieu r, deux petites pièces occupent l'extrémité orientale. L'une d 'el les deva it être une citerne, comme

un témoigne son sol de béton de tuileau. Le reste de l'espace es t occupé par une chapelle dont une partie de l'abside s'est malheureusement effondrée. Le sol est en béton de tuileau. Le chœ ur, où se voient encore les fondations de l'autel, est séparé de la petite nef par un léger emmarchement. Derrière l'autel, l'ouverture parementée d'un petit caveau ou d'un passage dérobé donnant dans le fossé, se vo it encore en part ie. L'ensemble des constructions encore visibles es t monté avec des moellons

de schistes liés à la chaux mêlée de terre. Certaines parties, comme la corniche et la voûte de la sa lle sous l'église, ainsi que les pied-droits de porte, sont en grès. Quelques réemplois très occasionnels de marbre ou de calcaire s'observent aussi.

Dans le matériel encore conservé aujourd'hui se remarque une grand e quantité de tessons de pâte grise, appartenant pour l'essentiel à d es marmites à anses horizo ntal es décorées à la molette, proches du type B d éfini par G. Démians d'Archimbaud\ et pour d'autres à des pégaus. Associée à ces pâtes gri ses sc trouve aussi une assez grande quantité de fragments de céramiques modelées, des marmites pou r la plupart, et de p lus rares fragments d e céramiqu es vern is­sées dans lesquels on peut identifier des productions d'Albisola et d'Uzège. Quelques dessins joints à un rapport de fouille permettent de dire qu 'outre cc type de maté­riel, des fragments d e majolique à d écor vert et bru n o nt été d éco uverts.

En marge de ce matériel qui paraît couvrir une période allant du XIJ" au XIV '· siècle sc rema rqu e une peti te qu antité de tessons d e l'A nt iqu ité tard ive ct quelques mon nai es des XV<-XVI< siècles.

Var, ContributÎonà 1980.

Page 5: MOINES ET MONASTERES DES ILES D'HYERES':-provence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1992-42-167-168_15.pdf · MOINES ET MONASTERE DES ILES D'HYERES 183 Des moines au V' siècle et
Page 6: MOINES ET MONASTERES DES ILES D'HYERES':-provence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1992-42-167-168_15.pdf · MOINES ET MONASTERE DES ILES D'HYERES 183 Des moines au V' siècle et

186 MICHEL PASQUALINI

Le matériel médiéval est certainement associable aux constructions. Les indices plus tardifs pourraient bien s'apparenter à une occupation ponctuelle. Les tessons de l'Antiquité tardive, fragment de lampe en sigillée claire D ct fragments d'amphores, s'ils n'ont pas été apportés avec les matériaux de construction mon­trent peut-être que le site était fréquenté à cette époque.

Sur un replat, situé immédiatement à l'ouest du Castel as, deux tombes en coffrage rectangulaire ont été découvertes lO, Il est à noter que la carte de Cassini nomme la crique qui se trouve en contrebas, « calanque du cime­tière ». Ces inhumations sont certainement à mettre en rapport avec le Caste/as.

« Le couvent des moines noirs»

Ces vestiges, situés sur une hauteur qui se détache du Courcousson doi­vent leur nom à une mention portée sur la carte de Cassini. Il s'agit de huit petites pièces qui s'appuient à une enceinte de plan ovalaire adossée à un rocher (fig. 3). L'ensemble presque totalement dégagé, est aujourd'hui bien visible. Les murs sont apparemment montés sans liant. Mis à part des fragments de tegulae, qu'on ne trouve qu'en réemploi dans les murs, ct quelques rares fragments de céramiques vernissées atypiques, rien ne permet de situer cette construction dans le temps. Tout au plus peut on penser qu'elle remonte au Moyen Age.

Les Mèdes

Les vestiges se trouvent sur une crête rocheuse, culminant à 130 m, qui s'avance dans la mer à la pointe nord-est de l'île de Porquerolles. Côté est, d'impres­sionnantes falaises empêchent tout accès. A l'ouest, les constructions s'accro­chent aux flancs rocheux de la crête dans un endroit à peine moins pentu qu'ailleurs. De ce côté, l'accès est barré par des murs de défense dans les­quels on croit distinguer une entrée en chicane. Sur tout le pourtour du site, les failles dans le rocher sont obstruées par des murs de pierres sèches, empêchant tout autre accès. A l'intérieur se voient encore quelques constructions de petite superficie qui sont pour la plupart des cabanes, dont on distingue encore les seuils. Tous les murs sont bâtis en pierres sèches. L'ensemble est daté par des tessons de sigillée claire D et de la D.S.P. L'association des deux types de céramiques et les formes situent le contexte au Yc siècle de notre ère.

Autres gisements

Les recherches récentes ont montré que sous le village actuel de Porquerolles se trouve un habitat dont l'occupation se prolonge au moins jusqu'au Yc siècle. C'est aussi le cas de la villa située dans la plaine Notre-Dame et d'un autre site mineur situé à peu de distance. A Port-Cros le gisement de Port-Man a aussi livré

10. HUBSCH 1973, op. cit., p. St.

Page 7: MOINES ET MONASTERES DES ILES D'HYERES':-provence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1992-42-167-168_15.pdf · MOINES ET MONASTERE DES ILES D'HYERES 183 Des moines au V' siècle et

MOINES ET MONASTERE DES ILES D'HYERES 187

des tessons de céramiques allant du J" siècle avant notre ère aux V'IVJ' siècles. Les tessons de céramique ne permettent pas de dater très précisément le gisement de La Palud. Il est cependant probable qu'il est occupé durant l'Antiquité tar­dive, mais que ses origines sont plus anciennes. Il en va de même pour le site de La Sardinière, et pour le vallon de Notre-Dame qui rdie cctte petite plaine à La Palud. Tous ces gisements paraissent relativement mineurs par rapport à un site tel que celui des Mèdes. Sur l'île du Levant, à peu de distance du Castel as, sc trou­vent quelques traces de fréquentation tardive qu'aucun matériel ne permet de dater avec précision. Sur un seul de ces sites se voient dans un chemin des arases de murs

en pierres sèches montrant la présence d'au moins une construction.

Essai de localisation des implantations religieuses

Les textes ne laissent pas de doute sur la présence de moines au V<siècle et d'un monastère au Moyen Age. Il faut donc imaginer que les traces de cette occu­pation peuvent se trouver dans les quelques sites archéologiques de l'Antiquité tardive et du Moyen Age que nous connaissons. rI est bien entendu que, les pros­pections ayant leurs propres limites, il n'est pas dit que nous ayons tout vu ni tout correctement interprété. Ceci étant, les quelques renseignements que nous avons rassemblés, nous paraissent suffisants pour formuler des hypothèses, qui ont quelques chances de se rapprocher de la vérité.

Des gisements dont nous venons de faire l'inventaire, le Castelas, site for­tifié médiéval, est le seul qui, par la présence d'une chapelle, a un caractère reli­gieux. Mais ccl a ne suffit pas à en faire à coup sûr un établissement monastique, le toponyme lui-même n'y engage pas. L'identification des autres gisements qu'on ne connaît qu'à travers des ramassages de surface ou de vestiges difficiles à inter­préter est encore plus aléatoire.

Mais les textes nous donnent indirectement plusieurs indices pouvant permettre d'imaginer la nature et l'emplacement de ces vestiges. Jean Cassien dédie ses conférences à des anachorètes. Cela implique l'installation dans un lieu isolé et des structures probablement très légères i l, La description que nous fait Rutilius Namatianus des conditions de vic de "un de ces moines retiré sur l'île d'Urgo (Gorgona, au large de Livorno), même si l'on peut penser qu'elle est empreinte d'un certain parti pris, confirme en tout cas ce point de vue Il .

Aussi pouvons-nous, presqu'à coup sûr, écarter les gisements de Porquerolles, trop importants. Qui plus est, cette île est la plus accessible et dont la moins pro­pice à l'isolement recherché. Les sites des Îles de Port-Cros et du Levant sont,

chrétiens en Lyon, 1986, p. 25-26.

P.A. FEVRIER (dir.), La Provence des origines à L'an Mil, Ouest-France, 1989, p. 408-411.

12. RUTILIUS NAMATIANUS, Sur son retour, éd.]. Vesseran, F. Préchac, Paris, 1961 ; 1,514-528.

Page 8: MOINES ET MONASTERES DES ILES D'HYERES':-provence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1992-42-167-168_15.pdf · MOINES ET MONASTERE DES ILES D'HYERES 183 Des moines au V' siècle et

188 MICHEL PASQUALINI

en revanche, suffisamment modestes pour correspondre à ce que nous cherchons. De plus, ces deux îles sont les plus éloignées du continent et donc les plus iso­lées. Il est difficile d'affirmer lesquels de ces gisements pourraient avoir été le ou les lieux de séjour des moines. Il faut toutefois remarquer que ceux de Port-Cros sont dans la continuité d'une occupation plus ancienne due à la mise en valeur systématique du sol dont nous avons déjà parlé. Cet argument, et le fait que l'île du Levant, par sa topographie, est la plus difficilement abor­dable, font que, pour nous, l'installation la plus probable devrait se trouver sur cette dernière. Comme nous \' avons dit plus haut, les vestiges sont sûrement très modestes. C'est le cas de ceux de l'île du Levant. Les moines n'étant peut-être pas rassemblés dans un même lieu, cela pourrait expliquer qu'il existe plusieurs sites de cette période. Le « centre érémitique» que J. Barruol voyait dans les grottes aménagées dans les falaises à Buoux, en l'identifiant au monastère dont parle Jean Cassien dans la préface des Institutions cénobitiques, même si ce n'est pas sur une île, évoque assez bien le type d'installations dispersées, peu importantes et modestes, qui pouvait abriter les moines IJ Le monastère médiéval devait for­cément être une construction de quelque importance. Pour nous, les vestiges du Castelas paraissent être une des possibilités. C'est le seul gisement médiéval attesté sur les îles, et le site tel qu'on le devine à travers le texte de 1199 qui décrit le siège du monastère, correspond tout à fait à ce que l'on peut voir aujourd'hui I~ . Le « monastère des moines noirs» s'il est vraiment médiéval pourrait en être une dépendance. La localisation d'un monastère sur l'île de Porquerolles par la carte de Cassini, est étonnante et nous paraît peu probable.

Saint Martin, sur le modèle des Pères du désert, fut le premier que nous connaissions en Occident à se retirer ainsi en compagnie d'un autre prêtre sur l'île Gallinara, au large d' Albenga I~. Plus tard, Saint Honorat se retira dans un autre « désert '~, celui de Lérins. A la même époque, ou peu s'en faut, une communauté de moines s'installait sur les îles d'Hyères. Cette dernière n'eut pas une destinée aussi prestigieuse que celle de Lérins, mais n'en demeure pas moins un témoin important de l'érémitisme insulaire.

Faut-il voir une continuité entre les moines de l'Antiquité tardive et ceux du Moyen Age? L'archéologie montre que les îles sont désertées après l'Antiquité tardive, durant tout le Haut Moyen Age. Mais la fondation du monastère peut très bien s'expliquer par la volonté de rétablir dans ces îles peu accueillantes, exposées à la piraterie mais propices à l'isolement, une présence religieuse dont on avait gardé le souvenir, ne serait-ce qu'à la lecture des Conférences.

Michel PASQUALINI

13. J. BARRUOL, « Un centre érémitique au temps de Cassien dans l'ancien Diocèse d' Apt ", Hommage à Fernand Benoît, V, Revue d'Elude Ligures, 1971, p. 155- 171.

14. P. TURC,« Le monastère des îles d'Hyères aux XI1 '-XIlI< siècles », Bulletin de la Société des Amis du Vieux Toulon et de sa région, 1991, p. 97-103.

15. SULPICE SEVERE, Vie de Saint Martin, éd. J. Fontaine, Sources chrétiennes, Paris, 1969,111,2,6,5.