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L 11784 - 856 - F: 4,20 monde &vie N° 856 – mars 2012 - 4,20 Accords d’Évian : Présidentielle : les candidats et la souveraineté Il y a 50 ans, l’abandon de l’Algérie © Keystone-France Entretien exclusif avec Christian Vanneste

Monde & Vie n° 856

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monde & vie n° 856 – mars 2012 - 4,20 €Accords d’Évian : Il y a 50 ans, l’abandon de l’AlgérieEntretien exclusif avec Christian VannestePrésidentielle : les candidats et la souverainetéhttp://monde-vie.com

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Page 1: Monde & Vie n° 856

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20 €

monde&vieN° 856 – mars 2012 - 4,20 €

Accords d’Évian :

Présidentielle : les candidats et la souveraineté

Il y a 50 ans, l’abandon de

l’Algérie

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Entretien exclusif avec Christian Vanneste

Page 2: Monde & Vie n° 856

� Veuf, retraité, alerte, cultivé,catho. Rech. dame veuve, mêmeprofil, avec enfant(s), affectueuse,motivée par jardinage bio, pourpartager grande propriété. Ecrireau journal qui transmettra. Réf. 68.

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Petitesannonces– Aucune annonce ne sera enre-

gistrée par téléphone, exclusi-vement par courrier ou mail*.

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Facture sur deman de.Tarif : La ligne : 4,35 H.T., soit 5,20 T.T.C. + 2 pour domi-ciliation au journal.La ligne: 40 signes environ, espa-ces et ponctuation compris.Pour tout courrier à faire sui-vre à un numéro de référence,prière de joindre un timbrepour la réexpédition.

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Avec Jeanne d’Arc prions, réfléchissons, engageons-nous!

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Courriel : [email protected] Renseignements : 06 75 84 88 63

© Pierre-Alain Dutheil

Centre saint Paul, 12 rue Saint-Joseph 75002

Programme du Carême 2012

Chaque dimanche à 18 h 00,prêche par l’abbé

Guillaume de Tanoüarn,

Dimanche 11 mars Le mal est dans le monde : contre l’illusion progressiste.Mondanité et mondialisation(Jean 15-17 et Apocalypse 13 et 14)Dimanche 18 mars Le Christ, sa justice,sa rédemption, sa croixSeule réponse à la hauteur du problème(Jean 10 et Jean 18)Dimanche 25 marsLes Béatitudes, notre charte contre le MalLes ruses de l’amour comme intelligence du mal(Matthieu 5 et Luc 6)Dimanche 1er avrilLes conditions de la Révolutionchrétienne L’Eglise et le péché, l’Eglise a-t-elle péché ?(I Jean et Matthieu 13)

14, rue Edmond Valentin – 75007 Paris

France, étranger, chèque bancaire, virement ou mandat à lʼordre deMonde & Vie,La Poste SCE 31 557 30 GVirement étranger : CCP

IBAN : FR94 2004 1010 1231 5573 0G03 376BIC : PSSTFRPPSCE

Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Code Postal : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Ville : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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monde et vie

Pour une liberté que l’on netrouve pas ailleurs…

2 . monde & vie . 3 mars 2012 . n° 856

monde et vie

Page 3: Monde & Vie n° 856

monde & vie . 3 mars 2012 . n° 856 . 3

Suivez votre abonnement : Le numéro d’échéance de l’abonnement est indiqué au-dessus de l’adresse sur l’emballage du magazine.

SOMMAIRE

Prochain numéro le samedi 24 mars 2012

Bimensuel publié par la SARLd’Exploitation du Journal Monde & VieDirecteur de la publication :Jean-Marie MolitorDirecteur de la rédaction : Eric LettySecrétaire de rédaction : Dominique Molitor

RÉDACTEURSPolitique :Olivier Figueras, Jacques Cognerais, Daniel Hamiche, Pierre-Jean Rivière.Chroniqueurs :Hervé Bizien, Manuel Calambra, Elise Camerlo,Antoine Couraye, Jean-Pierre Dickès, PaulNielson, Irène Saint-Georges. Elise Canavesio.

Economie : Henri Malfilatre.Religion : Alain Hasso, Christophe Mahieu, Claire Thomas, Daniel Hamiche.Dessin de presse : Miège,Arts, lettres et Histoire :Hubert Champrun, Christophe Mahieu, Henri Malfilatre, Philippe Maxence.Cinéma : Hubert Champrun.Théâtre : Marie Ordinis,Musique : Vincent Mainart,Bande dessinée :Philippe Maxence, Christophe MahieuFemme et famille : Gabrielle CluzelFabrication, publicité ,abonnements : Anne-Cécile Foubert

14, rue Edmond Valentin 75007 Paris – www.monde-vie.comTél. : 0147051042 – Fax : 01 40 56 98 19 – Courriel : [email protected]

S.A.R.L. au capital de 24 320 €. RC Paris B 784591117. Code HAPPE : 221 E Comm. Par. N° 1213 K 83969. ISSN : N° 0335-3788. Imprimé par RPN – 93 – Livry-Gargan. Dépôt légal 1è trimestre 2012. (Photos : Gamma, DR, autres mentionnées,Une : © Keystone).

monde & vie

Pour une France libre et indépendante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4L’UMP . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5Le Front national . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6Le MoDem . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

Algérie, une tache sur l’honneur Français . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Brève histoire d’une conquête . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9Retour sur un abandon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10L’abandon des Français d’Algérie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11La contribution française au massacre des harkis . . . . . . . . . . . . . 12Bilan peu reluisant de 50 ans d’indépendance . . . . . . . . . . . . . . . . 13

La marche du temps, la marque des faits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

Le travail le dimanche et l’obligation dominicale . . . . . . . . . . . . . 15

Dette sans frontières et créanciers des îles . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1640 ans de fuite en avant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

Crise nucléaire : le géant iranien défie Israël . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18Espoir ou réalité : la Syrie en passe de se désagréger . . . . . . . . . . 19

Les catholiques face à l’élection présidentielle . . . . . . . . . . . . . 20/22Les 30 ans du Chœur Fra Angelico . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23/24

Exposition, Livres, Cinéma, BD, Vie de famille, Le vin est une fête, Théâtre, Musique, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25/30

L’invité du numéro : Christian vanneste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

ECONOMIE

INTERNATIONAL

Dossier : ACCORDS D’EVIAN : L’HONNEUR SOUILLÉ

POLITIQUE

Le candidat tricolore

SOCIETE

CULTURE

RELIGION

N ous continuons, dans ce numéro de Monde & Vie, à propo-ser une comparaison entre les programmes des différentscandidats à la présidentielle autour d’un thème qui intéresse

particulièrement la ligne de notre journal – et, nous l’espérons, noslec teurs. Catholique et national, Monde & Vie est évidemment sensi-ble à la question de la souveraineté. Nous ne devrions donc pas bou-der notre plaisir après avoir vu les images du grand rassemblementpublic par lequel Nicolas Sarkozy a ouvert sa campagne, le 19 février,à Marseille.

Accueilli par une foule brandissant une marée de drapeaux trico-lores, il s’est présenté comme le candidat qui « aime la France », devantun panneau géant qui affichait son slogan électoral: « La France forte ».

Le mari de Carla Bruni a même chanté la Marseillaise, son « tube »favori vraisemblablement, qu’il connaît par cœur, contrairement à Fran-çois Hollande.

Ah! Le bon apôtre! Ne venez plus lui parler de l’époque où il a réin-tégré la France dans le commandement de l’Otan, nous replaçant ainsidans l’orbite des Etats-Unis : cela appartient au passé, au temps où ilétait bling-bling.

Ne lui rappelez pas non plus qu’il a réintroduit par la fenêtre du con -grès l’essentiel du projet de Constitution européenne que le peuplefrançais avait rejeté par la grande porte du référendum en 2005. Rap-pelez-vous, la partie s’est jouée en deux temps: d’abord une révisionde la Constitution française par le Congrès, le 4 février 2008; et qua-tre jours plus tard, la ratification du traité de Lisbonne par le Parle-ment. Un coup de maître pour replacer la France dans le sillage euro-cratique et réparer les bêtises de ces Français inconséquents.

Et puis, il y a encore eu, au mois de novembre 2011, cette annonceeffarante: « Avec Mme Merkel, nous allons prochainement faire des pro-positions s’agissant de la modification des traités pour empêcher queles pays puissent diverger dans les domaines budgétaire, économiqueet fiscal. » Qui a parlé de souveraineté?

Je me suis frotté les yeux et j’ai cherché attentivement, désespéré-ment, sur mon écran de télévision, la tache bleu clair d’un drapeaueuropéen dans cette débauche de tricolore. Mais je n’en ai pas vu. Lasalle, les militants, la tribune, le slogan, Nicolas Sarkozy lui-même: toutétait bleu-blanc-rouge. La France seule…

Aurait-il donc changé, comme il l’affirme lui-même – ce qui est en -core le meilleur moyen de tirer un trait sur son bilan? Que le lecteurqui le croit se reporte en page 4 du présent numéro, pour y prendrecon naissance du contenu du traité de stabilité que le président Sarkozynous concocte, en se gardant bien, aussi soudainement convaincu desver tus du référendum soit-il, de consulter les Français à ce sujet.

Le référendum, c’est bon pour les promesses, qui n’engagent commeon sait que ceux qui les reçoivent et qui parviennent encore à y croire,tandis que le traité de stabilité est actuel et bien concret – il fait partieintégrante de la stratégie de Nicolas Sarkozy, qui vend aujourd’hui laFrance à l’Allemagne d’Angela Merkel, avec l’espoir, s’il est réélu,qu’el le lui permettra de s’accrocher à la queue de l’euro. Quitte à fairede la France une vassale de l’Allemagne, pourvu qu’il ne soit pas con -fronté, lui Sarkozy, aux conséquences des politiques auxquelles il aparticipé.

Et si pour être réélu il faut porter un béret basque en chantant la Mar-seillaise devant trois gogos bleu-blanc-rouge, qu’importe? Il en riraencore l’hiver prochain, quand la crise sera venue. �

Eric Letty

Page 4: Monde & Vie n° 856

Entre les têtes d’affiche desgauches et les petits candidats dedroite à la présidentielle, le rapportà la souveraineté nationale est desplus divers. Revue des positions.

C omme les communistes, qui le soutien-nent, Jean-Luc Mélenchon est hostileà l’Europe au nom d’un curieux

mélange de patriotisme jacobin et d’universa-lisme marxiste.

Non moins à gauche, les candidats trotskis-tes Philippe Poutou (NPA) et Nathalie Artaud(Lutte Ouvrière) sont évidemment internationa-listes, mais très hostiles à l’OTAN, et vouent auxgémonies l’atlantisme au nom de la lutte contrel’impérialisme américain.

Ambiguïtés socialistes

Concernant François Hollande, le Parti socia-liste est historiquement très européen, et celadepuis la Libération. S’il souhaite une Europeplus « sociale », les positions de son candidat nediffèrent guère de celles de Nicolas Sarkozy surla question. L’Europe technocratique ne choquepas le député corrézien, lui-même énarque et haut-

fonctionnaire de formation. Il doit néanmoinscomposer avec une aile gauche eurosceptique quia voté « Non » au référendum de 2005. Cette aileest aujourd’hui essentiellement incarnée parArnaud Montebourg et marche plus ou moins surles traces de Jean-Pierre Chevènement et duCERES, l’ancien courant « souverainiste » du PS.

Rappelons aussi que l’actuelle Premièresecrétaire du PS, Martine Aubry, est la fille del’ancien président de la Commission européenne,Jacques Delors, fervent partisan de l’intégrationsupranationale.

Du côté des Verts (souvent d’anciens gau-chistes) et d’Eva Joly, on est très hostile aux na -tions, aux frontières et favorable à l’Europe fédé-rale. Récemment, le compagnon de la dirigeanteverte Cécile Duflot avouait ne pas se sentir plusFrançais que Sénégalais… Il n’a pourtant pasune goutte de sang africain. L’autre candidateécologiste, l’ancienne ministre Corinne Lepage,est député européen et très favorable à la supra-nationalité.

Postures gaullistesFaut-il ranger l’ancien premier ministre Do -

minique de Villepin à « droite »? Il reste en toutcas chaudement partisan de l’Union européenne.Sa défense de l’indépendance nationale face àl’hégémonie américaine, illustrée par son fameuxdiscours à l’ONU, relève de la posture schizo-

phré nique et des réflexes propres à la vieille gardedu quai d’Orsay.

Se présentent aussi, outre Marine Le Pen,deux candidats souverainistes et patriotes, à con -dition qu’ils disposent des 500 signatures fati-diques le 16 mars au soir…

Nicolas Dupont-Aignan, le médiatique dé -puté-maire d’Yerres, est partisan de l’indépendan -ce nationale au nom du gaullisme. Ses positionssur la question se rapprochent fortement de cel-les de la candidate du Front national.

Toujours candidat à l’heure qu’il est, le prési -dent du CNIP, Gilles Bourdouleix, député-mairede Cholet, est quant à lui un eurosceptique, toutcomme son premier vice-président, l’anciendéputé européen villiériste Stéphane Buffetaut.

Si les jeunes du parti les suivent sur ces posi-tions, ils doivent en revanche composer avec unebase d’élus locaux plus fluctuante. Par ailleurs,le CNIP avait pris nettement position contre leretour de la France dans le commandement inté-gré de l’OTAN en février 2009. �

Antoine Ciney

4 . monde & vie . 3 mars 2012 . n° 856

C omme l’écrivait l’historien Fustel deCoulanges à l’occasion du débat surl’appartenance nationale de l’Alsace :

« Ce qui distingue les nations, ce n’est ni la race,ni la langue. Les hommes sentent dans leur cœurqu’ils sont un même peuple lorsqu’ils ont unecommunauté d’idées, d’intérêts, d’affections, desouvenirs et d’espérances. Voilà ce qui fait lapatrie. »

Une communauté politique, ne se décrètepas, elle se constate. Comme disait Maurras, lana tion constitue « le plus vaste des cercles com-munautaires qui soient, au temporel, solides etcomplets ». La remettre en cause revient à se dé -tacher du réel pour poursuivre des utopies dontla construction européenne est le meilleur exem-ple.

Pour Maurras, encore, la nation demeure lavoie d’accès privilégiée à l’universel : « Pourrêver à la monarchie universelle et pour s’éleverjusqu’à la sphère métaphysique de la Cité deDieu, Dante n’en est pas moins l’exact citoyen deFlorence; Sophocle l’Athénien et Sophocle l’u-niversel ne sont pas deux figures contraires quis’excluent mais bien le même personnage. »

Loin d’être un enfermement, l’enracinementna tional est ainsi une condition de l’ouverturede l’homme au monde. Comment apprécier lesautres cultures nationales si l’on ne connaît pasd’abord la sienne? L’appartenance nationale n’estsans doute pas la seule, mais incontestablementune des identités constitutives de la personnehumaine. �

A. C.

Pour une France libre et indépendante

La position de l’Eglise

«L ’amour et le service de la patriere lèvent du devoir de reconnais-sance et de l’ordre de la cha-

rité », proclame le Catéchisme de l’Eglisecatholique (art. 2239).

Dans son livre-testament Mémoire etidentité, Jean Paul II précise que dans le Déca-logue, le patriotisme « se situe dans le cadredu quatrième Commandement, qui nousengage à honorer notre père et notre mère.(…) La patrie est le bien commun de tous lescitoyens et, comme telle, elle est aussi un granddevoir. » Cependant, demande-t-il, « Le XXe

siècle ne témoigne-t-il pas d’une incitation dif-fuse à avancer dans la direction de structuressupranationales, ou même du cosmopolitisme?Et cette incitation n’est-elle pas aussi la preuveque, pour survivre, les petites nations doiventse laisser absorber par des structures politiquesplus grandes? Ce sont des interrogations légi-times. Il semble toutefois que, comme la famille,la nation et la patrie demeurent des réalitésirremplaçables. La doctrine sociale catholiqueparle en ce cas de sociétés “naturelles”, pourindiquer le lien particulier, de la famille ou dela nation, avec la nature de l’homme, qui aune dimension socia le. » �

A. C.

POLITIQUE

L’indépendance nationalede gauche à droite

Page 5: Monde & Vie n° 856

Nicolas Sarkozy, candidat en rupture de bilan

A vec son slogan « La France forte », Ni -colas Sarkozy paraît revendiquer lanotion, sous-jacente, de souveraineté

na tionale. Au regard de son bilan présidentiel,cet te formule, si contraire à la position d’autrescandidats sur la question de la souveraineté fran-çaise, est-elle le signe d’une dichotomie, voired’une schizophrénie entre docteur président etmister candidat?

En réalité, Nicolas Sarkozy veut, certes, affir-mer la volonté d’une France souveraine… maisdans la mesure du possible aujourd’hui. UneFrance forte, oui… mais avec réalisme. Cettedistinction est encore apparue fin février dans

son intention affichée de recourir désormais, s’ilest réélu, au référendum – une procédure qu’il apourtant ignorée tout au long de l’actuel quin-quennat. Se plaçant dans le sillage du généralDe Gaulle, le candidat a promis d’« en appelerau peuple » mais dans certains cas particuliers.« Le référendum est une méthode qui présente unautre avantage qui consiste à dire à cette Francequi souffre du fait de la crise (…) qu’elle aurala parole, qu’elle n’est pas exclue du débat etqu’elle peut trancher un certain nombre de sujetsquand il y a blocage manifeste. »

Sujets dont il a immédiatement exclu le traitéeu ropéen de discipline budgétaire en cours d’a-doption. Trop complexe pour les Français – mer -ci pour eux ! –, un tel référendum ne pourraitpor ter que sur une question claire. Alors qu’« onpeut parfaitement imaginer un référendum surl’Europe, sur la monnaie unique par exemple(…) parce que la question est parfaitementclaire: “Voulez-vous échanger le franc contrel’eu ro?” »

La droite n’a pourtant pas cru bon d’interro-

ger les Français sur des questions aussi claires…et lorsqu’elle a entrepris de le faire elle a faitpasser leur réponse à la trappe.

La souveraineté dans les pas de l’Allemagne

De toute façon, assure le président-candidat,la question ne se pose pas, parce que ce « pactebudgétaire » ne comporte pas d’abandon de sou-veraineté. On est prié de le croire sur parole? Ilest vrai que Nicolas Sarkozy n’a pas d’autre pos-sibilité, dans sa situation, que de suivre cettevoie. En appelant Angela Merkel à la rescoussepour soutenir sa candidature, il a montré les limi-tes de sa conception de la souveraineté.

On peut, certes, comme le président de l’As-semblée nationale Bernard Accoyer, emballer leconcept d’une formule nouvelle : la « démocra-tie commune », qui permet de faire avaler « laconvergence de nos économies » et les « trans-ferts de souveraineté qui n’avaient pas été opé-rés lors de la mise en place de la monnaie com-mune ». Mais force est de constater que, depuisson arrivée à l’Elysée jusqu’à son dernier dis-cours de Toulon, Nicolas Sarkozy n’a eu de cessede mettre ses pas dans ceux de la chancelièreallemande, en abandonnant peu à peu ses affir-mations fracassantes, notamment sur les ques-tions économiques ou sur le rôle de la Banquecentrale européenne.

Ce n’est pas faute d’avertissements, venusde ses partenaires ou d’ailleurs. Même le Vaticana tiqué sur les accords économiques successifsentre Berlin et Paris, estimant que la disciplinebudgétaire évoquée par les deux partenaires ris-quait de réduire la souveraineté des gouverne-ments nationaux et d’entraîner une division del’Europe.

Devant les craintes suscitées jusqu’au seinde sa majorité par ce partage franco-allemand, oùPa ris n’obtient pas la meilleure place, loin s’enfaut, Nicolas Sarkozy a d’ailleurs rétorqué, fin2012, que la souveraineté « ne s’exerce passeul » ! Parce que, estime-t-il, il n’y a pas lechoix, sauf à courir « le risque d’explosion » del’Union européenne. D’où l’idée que ce traitééconomique – il ne cesse de l’affirmer – est leseul moyen de rendre à la France un peu de sou-veraineté. Qui ne consiste plus à être César, maisà s’incorporer davantage à l’Europe, sous peinede disparaître, dit-il… �

Olivier Figueras

POLITIQUE

monde & vie . 3 mars 2012 . n° 856 . 5

Le slogan de campagne cocoricodu candidat Nicolas Sarkozy, « LaFrance forte », paraît contredire lebilan du président, que leditcandidat revendique néanmoins.schizophrénie?

POLITIQUE

Un nouveau pas vers l’Europe fédérale

S ur le site du candidat Sarkozy, ontrouve très peu d’occurrences pourle terme « souveraineté » : la moitié

concerne des missions de défense, l’autredes questions économiques. On expliqueainsi que l’équilibre budgétaire est primordialpour la « conservation de notre souveraineté ».

Mais le site présente la transcription del’entretien à RTL, au cours duquel NicolasSarkozy a refusé de soumettre le « Traité surla Stabilité, la coordination et la gouvernance, ausein de l’Union économique et monétaire » àréférendum, au motif qu’avec 200 ou 250articles, il serait difficile de poser une ques-tion claire.

Et surtout, que ce traité « nous rend notresouveraineté budgétaire ».

Ça commence mal ! Parce que ce traité– dont on ne trouve officiellement que letexte anglais, alors que les Anglais n’y partici-pent même pas… – ne comporte en réalitéque… 16 articles ! Nicolas Sarkozy a doncde sérieux problèmes avec le calcul. Oul’honnêteté?

Qui plus est, le traité considère les poli-tiques économiques des Etats-membrescomme une « matière d’intérêt commun » etintroduit de ce fait une règle d’équilibre bud-gétaire et un mécanisme automatique decorrection.

L’Assemblée nationale a adopté le 21février ce dispositif au motif d’officialiser cequi se fait déjà pour la Grèce.

Mais il faut, tout de même, modifier letraité européen, qui interdit aux Etats-mem-bres de se porter au secours d’un autre – cequi s’est fait pour la Grèce, certes, mais enviolation du traité.

Avec cette correction, ce ne sont plusdes nations souveraines qui viendrontapporter leur aide – elles ne sont d’ailleursqu’invitées à participer au moins une fois paran au sommet de la zone euro qui déciderade l’application du nouveau traité. Un pas estdonc fait vers l’Europe fédérale et Sarkozyprend les électeurs pour des imbéciles.

Certes, l’Allemagne tique, et l’Irlande feraun référendum.

Mais comme il suffira de douze payspour que ce nouveau traité entre envigueur…

O. F.

Page 6: Monde & Vie n° 856

L a souveraineté est au cœur du systèmeet des idées du Front national. C’est donctout naturellement que Marine Le Pen

l’évoque et la revendique, même si le thème n’ap-paraît pas comme l’un des chapitres de son pro-jet pour 2012. Interrogée récemment sur la ques-tion du Québec, elle a répondu: « Je suis pour lasouveraineté des peuples. », avant de préciser :« L’histoire a façonné des peuples et nations quidoivent conserver leur indépendance. Quand jeme bats pour la souveraineté et l’indépendancede la France, je me bats pour la souveraineté etl’indépendance de toutes les nations du monde. »

En France, la candidate Front national metnotamment en avant la République référendaire,point sur lequel elle a eu l’occasion de s’expri-mer dernièrement après le refus du candidat-pré-sident de soumettre à référendum le traité euro-péen de discipline budgétaire actuellement encours d’adoption. En dénonçant un traité qui, s’ilest adopté, « retirera à la France sa souverai-neté budgétaire et condamnera nos nations àl’aus térité permanente », Marine Le Pen a pro-mis, si elle était élue, d’utiliser « systématique-ment le référendum pour trancher les grandesquestions qui engagent notre avenir. Les réfé-rendums seront obligatoires en matière euro-péenne. ».

Cette reconstruction de la souveraineté passe -rait donc par une renégociation des traités euro-péens actuels, comme le principe en est prévupar l’article 50 du traité sur l’Union européenne,qui évoque la possibilité pour un Etat de se reti-rer de l’Union.

Jugeant en effet que la construction euro-péenne souffre d’un « déficit démocratique »,qui s’impose aux Etats-membres du fait notam-ment que 80 % des lois nationales s’avèrent n’ê-tre que des transpositions de directives européen-nes, le projet présidentiel de la candidate FNprévoit, pour coordonner cette renégociation, lacréation d’un ministère des Souverainetés, dontl’objet consistera à « jeter les bases d’une Europerespectueuse des souverainetés populaires », afin

de retrouver notre souveraineté nationale danstous les domaines où elle a été transférée àBruxelles.

Plus précisément, le projet pointe quatrepoints importants pour la reconquérir. Il s’agit :– de la maîtrise de nos frontières, « au sein d’uneassociation libre d’Etats européens partageant lamême vision et les mêmes intérêts sur des sujetstels que l’immigration ou les règles devant régirles échanges extérieurs et la circulation des capi-taux » ; ce qui se fera notamment, affirmaitrécemment Marine Le Pen, en mettant fin àSchengen;– de la maîtrise de notre monnaie et de notrepolitique monétaire ;– de « grands projets européens innovants, auservice des peuples, bâtis à partir de partena-riats volontaires, comme l’ont été Ariane ou Air-bus, décidés, faut-il le rappeler, en dehors desinstitutions communautaires » ;– de faire en sorte que « la contribution nette dela France au budget européen soit nulle », cequi permettra de « dégager des marges » poursou tenir, par exemple, nos industries et notreagriculture.

Ce discours a plu à Paul-Marie Coûteaux,qui, outre son rôle de porte-parole de la campa-gne frontiste, a créé fin janvier un nouveau parti,le Siel – Souveraineté, indépendance et liber-tés – qui devrait présenter un certain nombre decandidats aux législatives, sous une étiquettecommune avec le FN.

Il espère rassembler dans cette optique « lesgaullistes orphelins, les souverainistes disper-sés et les patriotes désorientés », et a lancé desappels en ce sens vers la Droite populaire et Phi-lippe de Villiers. Un discours rassembleur quipourrait toucher aussi Nicolas Dupont-Aignan

ou Jean-Pierre Chevènement – ou du moins leursélecteurs.

Tous, estime-t-on aujourd’hui derrière la can-didate patriote (vocable préféré à « nationaliste »),doivent pouvoir s’entendre sur cette affirmationrécurrente de Marine Le Pen: « C’est le peuplefrançais qui doit être souverain, et personne d’au-tre. » �

Olivier Figueras

POLITIQUE

Marine Le Pen pour la souverainetéfrançaise et l’Europe des nations

Le Front national a toujoursrevendiqué son attachement à lasouveraineté nationale. Leprogramme de Marine Le Pens’inscrit dans la fidélité à ceprincipe.

6 . monde & vie . 3 mars 2012 . n° 856

Primauté du droit national

E n présentant, fin février, son projetpour l’Europe, Marine Le Pen n’a pasinsisté sur la sortie de l’euro (même

si la réintroduction du franc est bien mention-née dans son projet), sans doute parce qu’elleconsidère qu’il aura disparu par « un processusorganisé sur six à huit mois, à condition qu’il n’aitpas explosé avant l’élection ». Elle a préféré évo-quer les « entraves communautaires antidémocra-tiques », à commencer par la Commissioneuropéenne, dont il convient de se défairepour construire une « Europe des nations »respectueuse des diversités qui la composent:« La diversité des nations est la richesse de l’Eu-rope. Je suis pour l’Europe de la paix, je veux quela souveraineté de chaque nation soit reconnue. Jesuis prête à débarrasser la France de ce carcan. »

Estimant que « c’est toute l’architecture del’Europe qui est à revoir », la candidate FN af -firme que son action est guidée par « deuxprincipes : le respect de la liberté des nations etla plus-value que doit représenter l’Europe ».

Une révision architecturale d’impor-tance, puisque Marine Le Pen veut « abrogercette charte européenne des droits fondamen-taux qui exalte les communautés », « abolir cedogme idéologique qui impose une concurrencelibre et non faussée pour tout principe écono-mique », « ren verser » les jurisprudences parlesquelles nos juridictions, telles le Conseilconstitutionnel, le Conseil d’Etat et la Courde cassation, « se sont soumises à des instan-ces juridictionnelles supra-nationales », suppri-mer le Parlement européen qui « n’a aucuneraison de subsister » et qui « n’a rien de démo-cratique parce qu’il n’est pas un lieu de débat ».

Bref, « la primauté du droit national seraposée en principe fondateur intangible », affirme-t-elle. �

O. F.

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monde & vie . 3 mars 2012 . n° 856 . 7

Bayrou, un fédéraliste européen

A lors que l’Europe est un « logiciel »centriste depuis la Libération, alorsque la crise fait trébucher l’euro et rui -

ne la Grèce, François Bayrou, très pragmatique,s’abstient d’en parler tant il sait l’euroscepticis -me persistant des Français, qu’ils soient de droiteou de gauche. Il n’a pas oublié l’échec du réfé-ren dum de 2005, où il avait appelé à voter pourle « Oui ». S’il veut disputer une partie de sonélec torat à Marine Le Pen, il ne doit pas froisserles souverainistes qui pourraient encore adhérerà sa posture d’opposition modérée au sarkozys -me plutôt qu’au Front national.

Pourtant, ce démocrate-chrétien, replié surla première partie de ce nom composé, est bienle descendant des hommes du MRP et du CDS,de Robert Schuman (modèle revendiqué deChristine Boutin) et de Jean Lecanuet, sous lesauspices duquel il a débuté sa carrière politiquedans les années 1970. Héritier sécularisé des dé -fenseurs de l’Europe vaticane, François Bayroun’est pas tant un laudateur des technocratesbruxel lois qu’un tenant du fédéralisme transna-tional européen, qui s’appuie sur une lectureerronée du principe de subsidiarité.

Très réticent à l’entrée de la Turquie en Eu -rope, le candidat centriste a aussi critiqué le re -tour de la France dans le commandement intégréde l’OTAN imposé par Nicolas Sarkozy (en celadisciple de l’autre « père de l’Europe », JeanMon net) en mars 2009. François Bayrou avaitmême parlé, non sans raison, d’« amputation »de la France au sujet de cette réintégration. Pourun peu il se ferait le défenseur d’une Europepuis sance.

Pour l’UE mais pas pour l’OTAN

Nul trace d’Europe, donc, sur le site du can-didat Bayrou, ni dans ses allocutions publiques.Il faut aller sur le site du Modem, le parti poli-tique qu’il préside et qui a succédé à l’UDF, pourvoir s’exprimer ses lieutenants sur la question.Son bras droit, le député européen Marielle deSarnez, vice-présidente du Modem, a critiqué le13 décembre dernier l’action européenne de Ni -colas Sarkozy et Angela Merkel : « On nous ditqu’on va faire l’Europe intergouvernementale, jepense que c’est une erreur. C’est une erreur de

renier l’inspiration communautaire. C’est uneerreur de s’éloigner des institutions communau-taires, de la démocratie et du contrôle démocra-tique de nos institutions. » Dans le camp de Bay-rou, on souhaite par exemple donner plus depou voir au Parlement européen, qui n’en a guèreaujourd’hui. N’oublions pas que ce sont les cen-tristes qui ont mis en place le vote au suffrageuniversel de nos représentants au sein dudit Par-lement européen, en 1979.

La responsable des questions européennesdu Modem, c’est Sylvie Goulard, représentantedu Grand-Ouest au parlement de Strasbourg etan cien présidente du Mouvement européen-France, désormais présidé par Jean-Marie Cava -da. Autrement dit, il s’agit d’une fédéraliste euro-péenne acharnée. Elle aussi s’en est prise à l’au-tomne dernier, dans une tribune publiée parl’Ex press, au fonctionnement actuel de l’Unioneuropéenne : « Au lieu de se replier sur lesnations, nos dirigeants devraient oser miser enfinsur ce qui nous unit ; il faut redonner à la Com-mission un président fort, s’appuyer sur le Par-lement européen, fixer un horizon commun.Depuis 1950, la Commission européenne incarnel’u nité. Malgré le dévouement de plusieurs com-mis saires, elle est aujourd’hui à bout de souffle.Ce n’est toutefois pas une fatalité. Si AngelaMer kel et Nicolas Sarkozy cessaient de fairesemblant d’accorder à M. Barroso une confiance

qu’ils lui ont retirée depuis belle lurette, un nou-veau départ de l’institution serait possible. Il estahurissant que cette option n’ait pas été envi-sagée. » Reconnaissons que ce discours a le mé -rite de la clarté, loin des circonvolutions d’HenriGuaino. Les partisans de l’Europe fédérale sontdes utopistes, mais ils sont cohérents, comme lesont les souverainistes. S’il évite, comme on l’adit, d’aborder la question durant cette campa-gne, on ne saurait avoir de doutes sur la positionde François Bayrou qui est incontestablement leplus européiste des candidats à la magistraturesu prême. �

Jacques Cognerais

Le candidat du Modem évite lesujet de l’Europe, mais son passéparle pour lui.

POLITIQUE

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Page 8: Monde & Vie n° 856

8 . monde & vie . 3 mars 2012 . n° 856

Dossier : Accords d’Evian : l’honneur souillé

L ’Algérie va bientôt célébrer les 50 ansde son indépendance et le calendriertombe assez mal pour certains des can-

didats en lice : comment François Hollande etNicolas Sarkozy se positionneront-ils? Le cham -pion socialiste, surtout, devra faire preuve d’unejolie souplesse s’il veut caresser la fibre antico-lonialiste de l’électorat socialiste sans pour autantse brouiller complètement avec un électorat pied-noir qui, même s’il reste très favorable à MarineLe Pen selon un sondage du Cevipof, vote encoresocialiste à 26 %.

Pour Juppé (photo), Bouteflika,est un « esprit de modération »

Côté algérien, sans surprise, on n’évitera pasla polémique: fin décembre, dans le cadre de laquerelle entre Paris et Ankara sur le génocidearménien, le ministre des Moudjahidine, Moha-med Cherif Abbas, a fait savoir que « criminali-ser le colonialisme » était « une revendicationdu peuple algérien et le restera tant que la Franceofficielle n’assumera pas sa responsabilité ».C’est sans doute ce qu’Alain Juppé (photo), évo-quant ses relations avec le président Bouteflika,appelle un « esprit de modération »

Souhaitons, sans trop y croire, que cet espritde modération éclaire l’ancien ambassadeur enAlgérie Hubert Colin de Verdière, auquel Nico-las Sarkozy a confié début janvier une missiondiplomatique française sur l’anniversaire de l’in-dépendance, avec consigne de « faire des pro-positions pour que les événements qui accom-pagneront cet anniversaire contribuent aurenforcement des relations et de l’amitié franco-algérienne ».

Est-il souhaitable que la France se mêle de cetanniversaire ? Elle peut être fière de l’œuvreimmense accomplie en Algérie en 132 ans, mêmesi tout n’y était pas parfait, si la misère y existaitencore, si le taux de chômage frappait durementune population musulmane à la démographiegalopante et si des réformes étaient nécessaires.Paris ne s’est pas fait en un jour… Si les Françaisôtaient un instant leurs œillères idéologiques, ilss’apercevraient que l’aventure algérienne reste

sans doute l’une de leurs dernières grandes épo-pées collectives. Les colons qui, mettant en pra-tique la devise de Bugeaud, Ense et aratro (parl’épée et par la charrue), assainirent et mirent envaleur les marécages pestilentiels de la Mitidja oùpullulaient les moustiques porteurs de malaria,l’outil d’une main et le fusil de l’autre pour répon-dre à la menace des terribles cavaliers hadjoutesqui brûlaient les fermes et coupaient les têtes, nele cèdent en rien aux héros mythiques de la« conquête de l’Ouest ».

Cette épopée s’est, hélas, terminée en tragé-die, non seulement pour les pied-noirs, qui furentcontraints à l’exode, et pour les Français musul-mans, qui furent massacrés par dizaines demilliers dans des supplices effroyables, mais aussipour le peuple algérien, soumis depuis 50 ans àla dictature vénale des caciques du FLN, et pourle peuple français qui y perdit son honneur, avecdes conséquences considérables.

Mai 68, conséquence de mars 1962

Les responsabilités de cette tragédie sont par-tagées entre l’Algérie et la France, et plus encoreentre le FLN et les gaullistes.

Le premier fut l’acteur principal des épouvan -tables tueries qui précédèrent et qui suivirent lasignature des accords d’Evian, censés avoir misfin à la guerre. Les seconds furent les complices

au moins passifs et parfois même actifs des bou-cheries qui s’ensuivirent.

Il est rare de rencontrer dans l’histoire desparjures de la taille du général De Gaulle. C’estincontestablement un tour de force que d’êtreparvenu au pouvoir en criant (comme à Mosta-ganem, le 6 juin 1958) « Vive l’Algérie fran-çaise » et d’abandonner moins de quatre ans plustard le territoire à la faction la plus hostile à sonpropre pays. Mais les fautes contre l’honneur sepaient toujours cher. En brisant l’armée, et lesdroites (il faut lire à cet égard le beau pamphletde Jacques Laurent, Mauriac sous De Gaulle),le général rendit sans doute, non seulement pos-sible, mais inévitable Mai 68.

Au reste, pourquoi Charles De Gaulle a-t-ilpréféré négocier avec les politiciens de Tunis, ensabotant la paix des braves que demandaient lescombattants du djebel? Pourquoi, alors que l’ar-mée était victorieuse, a-t-il donné cette victoireà l’ennemi au lieu de s’appuyer sur les musul-mans loyalistes, qui furent toujours plus nomb-reux que les rebelles (entre les harkis, les SAS,les mokhaznis, les groupes d’autodéfense, lesgroupes mobiles de sécurité, les militaires d’ac-tive et les appelés, 225000 musulmans se batti-rent du côté français, alors que les effectifs desfellaghas ne dépassèrent jamais 50000 hommesselon le commandant Azzedine, l’un des chefs deguerre FLN)?

Sans doute parce que cet homme du nordétait raciste; aussi parce que les Américains et lesSoviétiques le souhaitaient; enfin et surtout parceque l’Algérie représentait un poids qui risquaitd’empêcher la France de profiter pleinement dela prospérité économique déjà commencée.

Que se serait-il passé si le pouvoir n’était pasrevenu au FLN? On ne refait pas histoire, maisil n’est pas indifférent d’entendre l’ancien chefFLN Aït Ahmed, affirmer aujourd’hui que ledépart des Français d’Algérie fut « plus qu’uncri me, une faute » et qu’« avec les pieds-noirs etleur dynamisme – je dis bien les Pieds-noirs etnon les Français – l’Algérie serait aujourd’huiune grande puissance africaine, méditerra-néenne ».

Peut-être les jeunes Algériens ne demande-raient-ils pas aujourd’hui, pour fuir la misère,des visas pour la France – au point que l’on peutcraindre qu’un jour, Colombey-les-deux-églisesn’en vienne tout de bon à s’appeler Colombey-les-deux-mosquées. �

Eric Letty

Algérie, une tache sur l’honneur Français

Le 18 mars 2012, l’Algérie seraindépendante depuis 50 ans. Et lesconséquences de la guerre se fontencore sentir.

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monde & vie . 3 mars 2012 . n° 856 . 9

Dossier : Accords d’Evian : l’honneur souillé

«N ous sommes fils d’un monde nou-veau, né de l’esprit et de l’effortfrançais. » Cette réflexion de Fer-

hat Abbas, qui présida le Gouvernement provi-soire de la République algérienne (GPRA) de1958 à 1962, puis l’Assemblée nationale cons-tituante aux premiers temps de l’Algérie indépen-dante, exprime une réalité : c’est la France qui acréé l’Algérie. Avant elle, étaient les Turcs, quis’étaient rendus maîtres de la Régence d’Algerà la fin du XVIe siècle.

Outre la menace que faisait peser la pirate-rie barbaresque sur le commerce en Méditerra-née, la querelle qui conduisit les Français àconquérir l’Algérie résulta d’une vente de blépar la Régence au Directoire en 1797. En

avril 1827, le dey Hussein, exigeant le paiementde la créance, insulta le consul de France et lefrap pa de coups d’éventail. Pour laver l’affront,le roi de France, Charles X, envoya une divisionnavale bloquer la ville, mais en 1829, les Turcsca nonnèrent le vaisseau de l’amiral La Breton-nière, venu en parlementaire ; puis, en 1830, ilsmassacrèrent 80 marins de deux vaisseaux fran-çais échoués à l’est d’Alger. (1)

Le 14 juin 1830, un corps expéditionnairefrançais de 30000 hommes, placé sous les ord-res du général de Bourmont, débarque dans labaie de Sidi-Ferruch et le 5 juillet, le dey ayantcapitulé, les troupes françaises entrent dans lavil le. Cependant, à la fin du même mois, la révo-lution contraint Charles X à abdiquer et le 9 aoûtLouis-Philippe devient roi des Français. A Alger,le général Clauzel remplace le légitimiste Bour-mont, tandis que le nouveau gouvernement esttenté d’abandonner cette conquête encombrante– abandon auquel s’opposent l’opinion publiqueet une partie du Parlement. Les territoires del’ancienne Régence seront finalement annexéspar ordonnance royale en juillet 1834 et trois filsde Louis-Philippe, les duc d’Orléans, de Ne -mours et d’Aumale, s’illustreront au cours de laconquête.

Entre 1831 et 1832, les Français occupent ouréoccupent Oran, Bône, Bougie, entrent à Mosta-ganem. Cependant, les chefs des tribus re bellesportent à leur tête un jeune chef qui se signale parson intrépidité: l’émir Abd el-Kader. En juin 1835,celui-ci inflige une cuisante défaite aux troupesfrançaises dans les marais de la Makta. Paris envoiealors le général Bugeaud, avec des renforts, pourdégager le général d’Arlanges bloqué par l’émir àLa Tafna. Bugeaud cherche l’affrontement et batAbd el-Kader le 16 juillet 1836. Par ailleurs, aprèsun premier échec en 1836, les Français enlèventConstantine au bey Ahmed, après de furieux com-bats, le 13 oc tobre 1837.

Un conquérant nommé Bugeaud

Le 19 décembre 1840, le général Bugeaud estnommé gouverneur général de l’Algérie et com-mandant en chef, avec mission de conquérir latotalité du territoire et de vaincre Abd el-Kader.Pour détacher les populations de l’émir, qui leurimpose son joug par la terreur, il empêche lesindigènes de semer et de récolter. Passant à l’of-fensive dès 1841, il forme des colonnes mobileset met à contribution la toute jeune armée d’Afri -que, au sein de laquelle des unités supplétivesse battent aux côtés des Français. Superbe faitd’armes, le 16 mai 1843, 350 spahis et chasseursà cheval emmenés par le jeune duc d’Aumale,âgé de 21 ans, s’emparent de la smala d’Abd el-Kader, une véritable ville nomade de 40000 per-son nes, et font 3000 prisonniers.

L’émir se réfugie au Maroc, dont le sultan mas -se 40000 cavaliers à la frontière. Bugeaud lesécrase avec des effectifs quatre fois inférieurs, à labataille d’Isly, le 14 août 1844. Abd el-Kader serend le 21 décembre 1847, mais la conquête n’enest pas achevée pour autant: la Kabylie ne se sou-met qu’en 1857, après les combats sanglants d’I-cheriden et la capture par Mac Mahon de la mara-boute Lella-Fatma, qui prêchait la guer re sainte.

A partir de cette date, bien que des insurrec-tions se déclarent encore jusqu’à la fin du XIXe

sièc le, comme le soulèvement des Ouled SidiCheikh en 1864, la révolte des Mokrani en 1871,des incidents dans l’Aurès en 1879 et le Sud-Oranais en 1881, l’Algérie est pacifiée, à l’excep-tion du Sahara qui ne le sera qu’au lendemain dela Première Guerre mondiale. �

Jean-Pierre Nomen

1. cf. Monde & Vie n° 834.

Le cinquantenaire del’indépendance algérienne est unebonne occasion de faire un retoursur les 132 ans pendant lesquelsle drapeau français (blancfleurdelysé au tout début, tricolore par la suite) a flotté surcette terre.

Brève histoire d’une conquête

Venant de Mers-el-Kebir,

le paquebot Ville-de-Marseille

arrive au portavec 1341passagers

le 27 mai 1962. Il s'agit d'une

des plusimportantes

arrivées de rapatriés

depuis depuis lamise en service

des liaisonsspéciales entre

la France etl'Algérie depuisla signature del'indépendance

en mars 1962.© Keystone

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10 . monde & vie . 3 mars 2012 . n° 856

L e 1er novembre 1954, dans les Aurès, deshommes en armes arrêtent un car sur laroute de Biskra à Arris, assassinent un

jeu ne instituteur métropolitain, Guy Monnerot,violent son épouse et tuent le vieux caïd deM’Chounèche, Hadj Sadock, qui avait pris leurdéfense. La même nuit, d’autres attentats commisfont six autres victimes. Ainsi commence laguerre d’Algérie. (1)

Ces assassinats sont revendiqués par un Co -mité révolutionnaire d’unité et d’action (CRUA),qui prend vite le nom de Front de LibérationNationale (FLN). Le 20 août 1955, les fellaghasfrappent de nouveau en assassinant des Françaisà Philippeville et dans la petite ville minière d’ElHalia, où les ouvriers européens et leurs famillessont massacrés avec une cruauté inouïe. 71 civilseu ropéens et une centaine de musulmans pro-Fran çais sont tués. La répression, sévère, fait2000 morts, mais le mouvement est lancé, lesattentats et embuscades se multiplient.

Le 2 janvier 1956, le socialiste Guy Mollet,fa vorable à l’indépendance, devient Président duConseil. Accueilli le 6 février à Alger par desjets de tomates, il nomme gouverneur général lesocialiste Robert Lacoste, partisan de l’Algériefrançaise, et décide d’envoyer le contingent enAlgérie.

A partir de septembre 1956 jusqu’en fé -vrier 1957, une série d’attentats à la bombe,meurtriers, ensanglantent Alger. Le 1er décembre1956, le général Raoul Salan est nommé com-mandant en chef en Algérie et en janvier, le géné-ral Massu reçoit tous pouvoirs pour mettre finau terrorisme dans la ville blanche. Il appelle la10è division parachutiste. En deux mois, utilisantdes méthodes efficaces et musclées, les paraséradiquent le terrorisme et laminent l’organisa-tion FLN. La peur change de camp.

Cependant les efforts du FLN pour dresserl’une contre l’autre les communautés européenneet musulmane aboutissent. L’assassinat du mairede Boufarik, Amédée Froget, et de nouveaux at -tentats terroristes (attentats aux réverbères piégésle 3 juin, bombe au casino de la Corniche le

9 juin) provoquent en réaction des « ratonna-des ».

A Paris, le gouvernement Guy Mollet esttom bé le 21 mai 1957. La IVè République paraîtincapable de ramener la paix en Algérie. Le13 mai 1958, à Alger, une manifestation tourneà l’émeute, le Gouvernement général est investiet un comité de salut public présidé par le géné-ral Massu se met en place. Investi par l’Assem-blée nationale le 14 mai, le nouveau Présidentdu Conseil, Pierre Pfimlin, donne au général Sa -lan tous les pouvoirs civils et militaires. A Alger,le général Salan, sous l’influence des gaullistes,fait appel le 15 mai au général De Gaulle devantla foule algéroise. Le 16 mai, les communautéseuropéenne et musulmane fraternisent. (2)

De l’autodétermination au bradage

De Gaulle devient chef du gouvernement le1er juin, Le 4, à Alger, il lance à la foule en liesse:« Je vous ai compris ! », « à partir d’aujourd’-hui, la France considère que, dans toute l’Algé-rie, il n’y a qu’une seule catégorie d’habitants:il n’y a que des Français à part entière. » Enréalité, comme le montrent les souvenirs d’A-lain Peyrefitte, il est déjà décidé à l’abandon.

La Constitution de la Ve République est adop-tée en septembre par référendum avec 79 % deoui, et le 21 décembre De Gaulle devient prési-dent de la République.

Sur le terrain, les combats se poursuivent.Dans le bled, les militaires ouvrent des écoles, desdispensaires, des infirmeries, multiplient les SAS(Sections administratives spécialisées). En dé -cem bre 1958, le général Challe remplace Salanau commandement en chef. L’application du« plan Challe » saigne les wilayas : en 1959,26000 fellaghas sont tués, 10800 faits prison-niers. Le FLN craint d’avoir perdu la partie.

Mais le 16 septembre, le général De Gaulledéclare dans une allocution: « Je désire que lerecours à l’autodétermination soit dès aujour-d’hui proclamé » en laissant envisager trois solu-tions : la francisation, la fédération ou la séces-sion. Les appréhensions qu’en conçoivent lespieds-noirs sont avivées par la mutation en jan-vier 1960 du général Massu. Le 24 janvier, com-mence la semaine des barricades. Une fusilladeen tre les insurgés et les gendarmes mobiles fait20 morts et près de 150 blessés. Pour De Gaulle,l’armée s’est montrée trop indulgente à l’égard

des émeutiers : en avril, Challe est remplacé parle général Crépin.

Les 6 et 8 janvier 1961, le référendum surl’au todétermination de l’Algérie recueille 75 %de « oui ». La marche vers l’indépendance s’ac-célère, provoquant la colère de nombreux offi-ciers : le 22 avril 1961, à Alger, les générauxChal le, Salan, Jouhaud et Zeller tentent un putschqui échoue devant la fermeté de De Gaulle. Legénéral Challe se rend, tandis que Salan et Jou-haud gagnent la clandestinité, où ils prendrontla tête de l’Organisation Armée Secrète (OAS).

Désormais, plus rien n’empêche De Gaulle decéder l’Algérie aux ennemis de la France. Lesac cords d’Evian signés le 18 mars 1962 avec leFLN entérinent l’indépendance et prévoient pourle 19 mars un cessez-le-feu que le FLN ne respec-tera pas. Les pieds-noirs ont le choix entre lavalise ou le cercueil. Pour l’immense majoritédes très nombreux musulmans engagés aux côtésde la France, cette alternative ne se présente mê -me pas. �

Hervé Bizien

1. Le Président du Conseil Mendès-France etson ministre de l’Intérieur, FrançoisMitterrand, informés par les services derenseignement de ce qui se préparait, sontrestés inactifs. Cf. Général Jacquin, La guerre secrète enAlgérie, ed. Olivier Orban, 1977.2. « Je découvrais que l’on pouvait pleurer debonheur », écrit Hélie de Saint-Marc. Les Champs de braise, Perrin, 1995.

Retour sur un abandon

En 1954, Mendès-France déclarait« L’Algérie c’est la France ! ». En1958, De Gaulle s’écriait « Je vousai compris ! ». Et le 19 mars 1962,l’Algérie devenait indépendante…

Dossier : Accords d’Evian : l’honneur souillé

Le 20 avril 1958, au cours de la crisepolitique engendrée par la situation

en Algérie, Pierre Mendès France assaillipar les journalistes sort du Palais

de l'Elysée, à Paris. © Keystone

Page 11: Monde & Vie n° 856

monde & vie . 3 mars 2012 . n° 856 . 11

Dossier : Accords d’Evian : l’honneur souillé

E ntre 1960 et 1962, l’Etat français a chan -gé d’ennemi. L’adversaire n’est plus leFLN, mais l’OAS, plus le fellagha, mais

le pied-noir, suspecté de soutenir, d’héberger etd’ai der les « activistes ». Non sans raison, d’ail -leurs, car l’OAS n’est jamais que l’expressiond’une désespérance ressentie par l’ensemble dela population européenne d’Algérie, une révoltecontre le parjure et la trahison.

Le 23 mars 1962, cinq jours après la signa-ture des accords d’Evian, Charles De Gaulle écrità son premier ministre, Michel Debré : « Toutdoit être fait sur-le-champ pour châtier l’actioncriminelle des bandes terroristes d’Alger et d’O-ran. Pour cela, j’ai, sachez-le, entièrement con -fian ce dans le gouvernement, dans le haut-com-missaire de la République et dans les forces del’or dre. »

Ces consignes présidentielles vont rapide-ment trouver à s’appliquer. Ce même 23 mars,Bab-el-Oued, quartier populaire pied-noir d’Al-ger et bastion de l’OAS, est en proie à une véri-table guerre de rue opposant l’armée à une par-tie des habitants : les automitrailleuses, les charset l’aviation mitraillent le quartier, soumis à unblo cus. Le 26 mars, une manifestation pacifiquedes Algérois contre ce blocus se heurte rue d’Islyà un barrage des tirailleurs algériens, qui ou v rentle feu: on relève 63 morts et 200 blessés.

Un autre drame frappe les esprits à Oran, où,depuis octobre 1961 déjà, l’armée ne protègeplus la population contre le terrorisme FLN. Danscette ville où l’OAS est également bien implan-tée, sévit le général Katz, que les Français d’Al-gérie surnomment le « boucher d’Oran ». Incar-na tion du renversement des valeurs et desal liances, Katz déclare : « Donnez-moi un ba -taillon de l’ALN et je réduirai Oran ». Le 5 juillet1962, alors que les fellaghas de l’ALN défilenten vainqueurs dans Oran, une foule descend desfaubourgs musulmans sur les quartiers européens,abattant ou égorgeant hommes, femmes et en -fants, y compris devant les soldats français qui

montent la garde devant le service social de l’ar-mée et qui, fidèles aux consignes de Katz, restentl’arme au pied. La tuerie se solde par plus de1500 morts et disparus, on retrouve des corpspendus aux crochets des abattoirs ou jetés à la dé -charge municipale.

Contre l’OAS, le FLN et les autorités gaullis -tes se donnent la main. Police parallèle, les « bar-bou zes » enlèvent et torturent sans émouvoir lapresse française qui hier encore s’indignait desméthodes des parachutistes. Selon l’historienJean-Jacques Jordi, qui a étudié 12 000 docu-ments administratifs concernant cette période, laMission C, constituée avec l’aval de De Gaulle,re court elle aussi à la torture – estrapades, élec-tricité, sans parler des sévices sexuels – et travaillemain dans la main avec le FLN. Louis Joxe, dansun télégramme « très secret », s’oppose aux visi-tes de la Croix-Rouge « dans les camps où les Eu -ropéens sont arrêtés pour activités subversives ».

Des milliers d’enlèvements

Surtout, les enlèvements de Français d’Algé -rie se multiplient. Jordi constate qu’« en deuxmois et demi, du 19 mars à la fin mai 1962, il ya eu plus d’enlevés et de disparus qu’entre no -vembre 1954 et le 18 mars 1962 ». Une directiveinterne du FLN stipule même: « désormais lesen lèvements ne seront plus effectués sur des indi-vidus mais sur des familles entières. » Ils secomp tent par milliers.

Que deviennent les victimes, lorsqu’elles ne

sont pas tuées tout de suite? Les archives com-pulsées par Jordi font état de centaines de Fran-çais envoyés en « camp de travail », de femmesdétenues dans les bordels de campagne algériensou réduites en esclavage, d’Européens séques-trés pour servir de « donneurs de sang » au béné-fice des combattants FLN, jusqu’à être vidés detout leur sang « de manière chirurgicale ».

Devant ces exactions, les soldats français ontl’ordre de rester passifs, même lorsque les enlè-vements ont lieu devant eux. On voit même desgendarmes mobiles remettre aux Algériens unmalheureux qui avait cru trouver refuge auprèsd’eux après s’être évadé d’un centre de torture.

Ces informations confirment les nombreuxtémoignages que l’on possédait déjà, comme ce -lui d’un sergent-chef en garnison près d’Alger,qui rapportait que des harkis appartenant au com-mando de chasse qu’il commandait étaient enfer-més au camp de Taourtatsine: « Il y a peut-êtreplusieurs centaines de prisonniers. Parmi eux,des Européens, femmes et enfants. Les rebelles lestorturent peu à peu: on coupe un bras, le nez, onfait des plaies qu’on sale, etc. On s’en sert aussi,comme ils disent, de “filles de joie“, notammentles Européens. Quand leur état est trop lamen-table et qu’ils ne peuvent plus servir à rien, onles tue. Il n’est pas question d’aller les délivrer,ce qui serait pourtant bien simple. Les cadressont dégoûtés d’eux-mêmes et de ce qu’on lesoblige à accepter. (…) Quand je dis qu’on ne faitrien, c’est si vrai qu’on n’intervient même plusaux commissions mixtes du cessez-le-feu pourobtenir des libérations de Français, Européensou musulmans que nous connaissons et dont noussavons où ils sont prisonniers. Si, dans une unité,nous demandons à agir, nous sommes sanction-nés ou mutés. »

Comme le général De Gaulle l’avait dit aumi nistre Louis Jacquinot: « Après l’autodétermi-nation, le maintien de l’ordre public sera l’af-faire du gouvernement algérien, ce ne sera plusla nôtre. Les Français n’auront qu’à sedébrouiller avec lui. »

Dans ce contexte, les Français d’Algérie choi-sissent massivement l’exode. En quatre mois,700000 d’entre eux partent en abandonnant tousleurs biens. �

Hervé Bizien

Jean-Jacques Jordi, Un Silence d’Etat, les disparus civils européens de la guerred’Algérie, Soteca-Belin, 200 p, 25 €.

L’abandon des Français d’Algérie

Le 19 mars 1962 n’a pas seulementsignifié la fin des combats entre leFLN et l’Etat gaulliste, mais ledébut d’une collaboration contreun ennemi commun: les Françaisd’Algérie.

Au centre Michel Debré qui a conduit les accords d'Evian. © Keystone

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«R écemment, une jeune fille scolari-sée dans un collège d’Aix-en-Pro-vence a été maltraitée par des per-

sonnes originaires de l’autre rive de laMé diterranée et qualifiée de “traître “parcequ’elle est fille de harkis. De tels faits sont uneréalité, et il est temps d’y mettre fin. »

Cette information a été rapportée le 8 févrierdernier par Mme Maryse Joissains-Masini,député-maire d’Aix-en-Provence, lors de la dis-cussion à l’Assemblée nationale d’une proposi-tion de loi visant à protéger contre les injures quileur sont trop souvent adressées les anciens sup-plétifs ayant combattu pour la France et leurs fa -milles.

Depuis quelques années, en effet, le sacri-fice des harkis est officiellement mieux consi-déré. Ainsi, la loi du 23 février 2005 a reconnu« les souffrances éprouvées et les sacrifices endu-rés par les rapatriés, les anciens membres desformations supplétives et assimilés, les disparuset les victimes civiles et militaires des événe-ments liés au processus d’indépendance » del’Algérie, et rendu hommage aux « populationsciviles victimes de massacres ou d’exactionscommis durant la guerre d’Algérie et après le19 mars 1962 en violation des accords d’Evian ».

La France est ici pour toujours…

43 ans après les faits, il était temps! Cettelongue indifférence a une raison fondamentale :les harkis gênaient, comme un remords.

Et pour cause! Leur existence rappelle unedouble trahison. En premier lieu, celle de laparole donnée par le général De Gaulle, enjuin 1958 sur le forum d’Alger (voir page 10),mais aussi à Oran: « La France est ici avec savocation. Elle est ici pour toujours… », ou àMostaganem: « Il n’y a plus ici, je le proclameen son nom et je vous en donne ma parole, que

des Français à part entière, des compatriotes,des concitoyens, des frères qui marchent désor-mais dans la vie en se tenant par la main. » Unserment que réitérèrent, au nom de la France,des milliers d’officiers français auprès des popu-lations.

La deuxième trahison est plus grave encore.Lors de la dissolution des harkas, SAS, etc.,décrétée quelques jours après le 19 mars 1962,il fut proposé aux ex-supplétifs, soit de s’enga-ger dans l’armée française sans qu’aucunemesure fût envisagée pour leurs familles, ce quirevenait à les abandonner ; soit de retourner à lavie civile avec une prime de démobilisation; soitd’être employés comme auxiliaires pendant unepériode de réflexion de six mois… sans armes.

« Dans la réalité, écrit le colonel Abd-el-AzizMéliani (1), les harkis, et d’une manière généraletous les supplétifs, sont encouragés avec une forteinsistance par les autorités civiles et militaires àopter pour le retour dans leur village, les assurantqu’ils ne courent aucun risque, puisque les“accords” d’Evian garantissent leur protection. »Pis: les autorités françaises recourent à la ruse pourles désarmer, en leur promettant par exemple desarmes automatiques pour les convaincre de remet-tre leurs vieux fusils; avant de les livrer, on leurretire ainsi leurs moyens de défense.

Des sanctions contre les sauveteurs !

Pourtant, il apparaît vite que les accords d’E-vian ne protègeront pas de la vengeance du FLNces musulmans qui ont servi la France. Les té -moignages des sévices qui leur sont infligés, abon-dent. Ainsi, M. Robert, sous-préfet d’Akbou, citedans un compte-rendu officiel les cas de dizainesde harkis « promenés habillés en femmes, nez,oreilles et lèvres coupés, émasculés, enterrésvivants dans la chaux ou même dans le ciment, oubrûlés vifs à l’essence » en ajoutant toutefois queles supplices, dans son arrondissement, « n’attei-gnirent pas la cruauté de ceux d’un arrondisse-ment voisin à quelque quinze kilomètres de là:harkis morts, crucifiés sur des portes, nus sous lefouet en traînant des charrues, ou la musculaturearrachée avec des tenailles. » Les familles dessupplétifs paient aussi un lourd tribut aux massa-creurs: femmes violées, égorgées, éventrées oulapidées, enfants assassinés…

Les autorités françaises ne font rien pour lesprotéger. « Aucun plan général ne fut organisépour mettre à l’abri les supplétifs les plus mena-cés; les seules directives reçues furent des consi-gnes restrictives », ajoute M. Robert.

Et ces consignes émanent du plus haut niveaude l’Etat. Le 16 mai 1962, Louis Joxe, ministrechargé des Affaires algériennes, adresse ainsiune note au haut-commissaire Christian Fou-chet : « Les nouvelles qui me parviennent sur lesrapatriements prématurés des supplétifs indi-quent l’existence de véritables réseaux tissés surl’Algérie et la métropole et dont la partie algé-rienne a souvent pour origine un chef SAS. (…)Vous voudrez bien faire rechercher tant dansl’armée que dans l’Administration les promo-teurs et les complices de ces entreprises et faireprendre les sanctions appropriées. Les supplétifsdébarqués en métropole en dehors du plan géné-ral de rapatriement seront, en principe, renvoyésen Algérie où ils devront rejoindre avant qu’ilsoit statué sur leur destination définitive le per-sonnel déjà regroupé selon les directives des 7 et11 avril. Je n’ignore pas que ce renvoi peut êtreinterprété par les propagandistes de la séditioncomme un refus d’assurer l’avenir de ceux quinous sont demeurés fidèles, il conviendra doncd’éviter de donner la moindre publicité à cettemesure; mais ce qu’il faut surtout obtenir, c’estque le gouvernement ne soit plus amené à pren-dre une telle décision. »

« Eh bien ! Vous souffrirez ! »

55 harkis et leurs familles, originaires de Pa -lestro, qui étaient parvenus à gagner la métro-pole, sont ainsi renvoyés en Algérie où ils sontmassacrés. Beaucoup sont aussi refoulés à Mar-seille.

Au député Laradji, dont le FLN avait déjàtué dix membres de sa famille et qui disait augénéral De Gaulle: « Mais nous allons souffrir »,celui-ci avait répondu: « Eh bien! Vous souffri-rez! » Parole tenue, pour une fois. Au total, lebilan des massacres de musulmans pro-françaisaprès le 19 mars s’élèvera à environ 150000 tuéset disparus. �

Eric Letty1. Abd-El-Aziz Méliani, Le Drame des harkis,Perrin, 1993.

La contribution française au massacre des harkis

En 1962, le gouvernement gaullistene pouvait pas s’opposer aurapatriement des Françaisd’Algérie… européens. Mais lesmusulmans français furentdélibérément livrés à l’ennemi.

Dossier : Accords d’Evian : l’honneur souillé

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Dossier : Accords d’Evian : l’honneur souillé

P our comprendre la désinformation àl’œuvre sur ce pan de notre histoire, ilconvient d’abord de se souvenir de ce

que fut la présence française en Algérie. Auteurd’un ouvrage majeur, Algérie, l’œuvre française,le Pr. Pierre Goinard constatait qu’en quittant cepays, la France y avait laissé « de grandes bellesvilles, 700 villages, 54000 kilomètres de route,4500 de voies ferrées, 23 ports, 23 aéroports,des barrages irriguant 200 000 hectares, uneagriculture moderne, quatrième productrice viti-cole du monde, première exportatrice de clémen-tines et mandarines, des industries, une produc-tion électrique, un réseau d’équipement sportifset hôteliers de niveau européen. » Sans parler dupétrole ou du gaz qui dormaient dans les sous-solsprospères du Sahara…

Toutes fortunes qui ne profitèrent pas auxseuls colons. Les Européens, note le Pr Goinard,disposaient de 2750000 hectares, dont 600000cultures dites riches, les indigènes de 10 millions,dont 4250000 arables.

Même l’identité algérienne, souligne-t-il en -core, a été « suscitée par les Français qui l’ontconfortée en exhumant, en mettant en valeur, toutun patrimoine oublié ».

Qu’importe! Pas de « rôle positif » de la colo-ni sation, comme une imprudente loi française aosé l’affirmer… On ne veut garder le souvenir,con tre ceux mêmes que nous avons abandonnésà leur triste sort, que d’actions violentes, résul-tats d’une guerre non désirée, mais qui permet-tent de rejeter le reste, tout le reste, dans les ténè-bres d’un colonialisme désormais équiparé auracisme le plus dur. Ainsi l’inauguration, fin jan-vier, d’un centre dédié aux Français d’Algérie,pourtant organisée par le maire pied-noir (etUMP) de Perpignan Jean-Marc Pujol, donne-t-ilde l’urticaire à la gauche, quand la « semaine an -ticoloniale et antiraciste » s’étale – du 23 févrierau 11 mars, s’il vous plaît ! – en Ile-de-France,

pour, notamment, « analyser les discriminationspost-coloniales qui stigmatisent et excluent, à lalumière des méfaits du passé » Reste à savoir ceque vaut le présent, après cinquante ans d’indé-pendance.

Eléments de bilan. En 2011, le Quality of Li -fe Index réalisé par le magazine irlandais Inter-national Living, qui mesure chaque année la qua-lité de vie dans les différents pays en fonctiondu coût de la vie, des libertés, des qualités desinfrastructures, de la culture et des loisirs, de laprise en charge par les établissements de santé etdu climat sécuritaire, classait en 2011 l’Algérie139è sur 192 pays. Nettement dans le bas dutableau…

Deux points faibles, notamment : le coût dela vie, très élevé par rapport aux autres pays ara-bes et africains, et le respect des libertés pu -bliques… Qui en doutait?

Un Etat corrompu et liberticide

En fait de démocratie, l’annulation par le pou-voir des élections qui avaient donné la victoire auFront islamique du salut (FIS) en 1991, et l’ar-restation de milliers de ses adhérents, ont déclen-ché une guerre civile qui ne s’est terminée qu’en2002, après avoir provoqué entre 60 000 et150000 morts.

Une autre étude a été réalisée en 2011, parl’ONG Transparency International, qui luttecontre la corruption. Elle classe l’Algérie 112è

sur 183, en recul de 7 places par rapport à 2010,avec une note de 2,9/10.

L’Association algérienne de lutte contre lacorruption (AACC) observe qu’une note infé-rieure à 3 signifie un haut niveau de corruptionau sein des institution de l’Etat… Selon l’AACC,« Le pouvoir algérien gangréné par la corrup-tion est prêt à tout pour se maintenir en place –pouvoir absolu, corrompant absolument –, mani-pulant à souhait le Code des marchés publics,le vidant de toute sa substance; instrumentalisantla justice, aujourd’hui plus que jamais, dont letraitement judiciaire à plusieurs vitesses desgrands scandales de corruption est un desaspects les plus sombres; réprimant, harcelant,em prisonnant, en toute illégalité, tout citoyenqui ose rendre publique des détournements etau tre gabegie. » Fermez le ban.

Est-ce parce que tout va bien en Algérie qu’en2003 Jacques Chirac y était accueilli aux cris de« Chirac, des Visas! » par une jeunesse algériennefrappée par un taux de chômage record? Que leprésident Bouteflika (ci-dessus) et les caciques durégime, lorsqu’ils ne se sentent pas trop bien, pré -fèrent venir se faire soigner à Paris que dans leshôpitaux d’Alger? Et que nombre d’Algériens pré-fèrent traverser la Méditerranée pour venir tra-vailler (dans le meilleur des cas) en France?

Est-ce pour cette raison aussi que le quoti-dien El Watan dénonçait voilà quelques semainesl’autisme du pouvoir algérien; que la journalisteMalika Boussouf s’écrie : « Si les pieds-noirsn’étaient pas partis en masse, l’Algérie ne seraitpeut-être pas dans l’état désastreux dans lequelelle se trouve… » ; que l’écrivain Boualem San-sal ajoute : « Trente ans après l’indépendance,nous voilà ruinés, avec plus de nostalgiques quele pays comptait d’habitants et plus de rapetouxqu’il n’abritait de colons. Beaucoup d’Algériensregrettent le départ des pieds-noirs, s’ils étaientrestés, nous aurions, peut-être, évité cette tragé-die. »?

A en croire un article publié en 2008 par lequotidien algérien L’Expression, le nombre despersonnes d’origine algérienne résidant aujour-d’hui en France est estimé à 4 millions. Ça valaitbien la peine de se battre huit ans pour en arriverlà! �

Olivier Figueras

Ce bilan m’a donné l’occasion de mereplonger dans certains ouvrages de monpère, André Figueras. Tous ne sont plusdisponibles, tous ne traitent pas del’Algérie française. On peut me demanderune liste ou des renseignements à :[email protected] ou au 0663753224

Bilan peu reluisantde 50 ans d’indépendanceEn ce 50è anniversaire de lasignature des accords d’Evian,force est de dresser un bilan d’uneindépendance dont l’imaged’Epinal rose et officielle estdémentie par ce que constatent lesobservateurs impartiaux.

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19 février. Monsanto et notre santé.Le géant américain de l’agrochimie est jugéresponsable de l’intoxication à l’herbicide en2004 d’un agriculteur français. « Monsanto estresponsable du préjudice de Paul François suiteà l’inhalation du produit Lasso », a jugé lundi leTribunal de grande instance de Lyon. Monsantopourrait être condamné à indemniser entièrementPaul François pour son préjudice. Mais la firmeaméricaine agrochimique n’a pas dit son derniermot et veut faire appel. « Il n’y a pas d’élémentsscientifiques suffisants dans le dossier qui démon-trent le lien de causalité entre une éventuelleintoxication et les problèmes de santé de M.François », a plaidé Yann Fichet, directeur desaffaires institutionnelles de Monsanto France.

20 février. Après Edouard Balladur,Jacques Chirac. Les juges d’instructionRenaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire, char-gés du volet financier de l’affaire de Karachi,lancent une commission rogatoire internationalesur trois versements opérés par la France sur uncompte bancaire suisse entre 1997 et 2000. Lesjuges d’instruction saisissent la justice suissepour enquêter sur un versement d’un peu plusde 85 MF (13 M€) effectué par la Sofresa, unesociété française dépendante du ministère de laDé fense, dans le cadre du contrat d’armementSawari II signé en 1994 avec l’Arabie saoudite.Ces nouvelles investigations confirment l’accé-lération de l’enquête sur des commissions liéesà des ventes d’armes après 1995, soit après l’é-lection de Jacques Chirac à l’Elysée.

20 février. Poules Bleu Blanc Rouge.Alors que quasiment tous les candidats, de Fran-çois Bayrou à Marine Le Pen, en passant parNicolas Sarkozy ou François Hollande, vantentles mérites du « produire français », les profes-sionnels de la filière avicole prennent les devantsen annonçant la création d’un nouveau logo bleu-blanc-rouge : « Œufs pondus en France ». Pourles consommateurs, celui-ci sera visible sur lesboî tes d’œufs à partir de la fin mars. « Depuis

deux ou trois ans, de plus en plus d’œufs venusd’Espagne sont commercialisés dans le sud-ouestde la France. Dans les produits transforméscomme les pizzas, les pâtes, etc., on trouve éga-lement davantage d’œufs polonais ou italiens »,explique Véronique Gonnier, secrétaire généraledu Comité national pour la promotion de l’œuf(CNPO). Résultat : alors que la France était auto-suffisante en œufs il y a quelques années, lesœufs d’importation représentent désormais 5% dela consommation de l’Hexagone.

21 février. Vanneste exclu ? Le bureaupolitique de l’UMP décide d’investir aux légis-latives à Tourcoing (Nord) un autre candidat quele député sortant Christian Vanneste, accusé depropos homophobes et qui, menacé d’exclusion,aurait donné sa « parole d’homme » de quitter leparti, à en croire Jean-François Copé, le patronde l’UMP, et Marc-Philippe Daubresse. Appa-remment pas au courant, Christian Vannestedément avoir eu le moindre contact avec Copé etDaubresse…

M. Vanneste avait provoqué un tollé en affir-mant, le 10 février sur le site www.libertepolitique.com, que les homosexuels français n’avaientpas été déportés en tant que tels pendant laDeuxième Guerre mondiale, hormis dans les dépar-tements annexés par l’Allemagne (voir page 32).

22 février. Hollande salue la France desbanlieues. Le candidat PS à l’Elysée, Fran-çois Hollande – qui vit dans le très chic VIIè

arrondissement de Paris – salue lors d’un mee-ting à Evry la France des banlieues « qui entre-

prend, qui émerge, qui s’engage », accusant ladroite de les avoir « abandonnées, reléguées,stigmatisées ».

24 février. Viande halal. Le parquet de Nan-terre ouvre une enquête préliminaire, après ledépôt la veille d’une plainte contre X par le FrontNational sur les conditions de vente de la viandehalal en France. L’enquête est confiée à la Bri-gade de répression de la délinquance économique(BRDE). La veille, l’avocat Wallerand de SaintJust, porte-parole de la candidate du FN à la pré-sidentielle Marine Le Pen, avait déposé à Nanterreune plainte visant des faits de tromperie et d’ac-tes de cruauté envers les animaux, « à la re quê tede deux associations, l’une de protection desconsommateurs et l’autre de défense des ani-maux ». Dans le texte de la plainte, on peut lire :le dossier produit par l’avocat « démontre qu’enré gion parisienne, tous les abattages sont à100 % halal, que certainement une grande par-tie de la viande consommée en région parisienneest halal alors que cette proportion atteindrait23 % en France. »

26 février. ArcelorMittal. Des salariésd’ArcelorMittal Florange tentent de déloger ladirection du 3e étage du site, après avoir vidé lebureau du responsable de la sécurité. « Nousavons déplacé le bureau du responsable de lasé curité sur le perron. On a refait le bureau àl’identique en plein air », déclare Jean Mangin,délégué syndical CGT au comité d’entreprise deFlorange. « A présent, nous sommes montés au3e, nous essayons de déloger la direction qui neveut pas sortir », ajoute-t-il.

29 Février. Francfort. La Banque centraleeuropéenne (BCE) alloue 529,53 milliards d’eu-ros à 800 banques de la zone euro lors de sadeuxième opération exceptionnelle de prêts à 3ans, soit de nouveaux records pour cette mesuredestinée à stabiliser le système financier euro-péen et relancer le crédit. �

La marche du tempsLa marque des faits par Irène Saint-Georges

14 . monde & vie . 3 mars 2012 . n° 856

Page 15: Monde & Vie n° 856

SOCIETE

U ne raison plus confessionnelle devrait,de prime abord, mobiliser les catholi -ques et les autres chrétiens : travailler

le dimanche, signifie bien souvent sacrifier l’as-sistance à la messe du dimanche. Les catholiques« modernistes » ont encore la possibilité d’assis-ter à une messe « anticipée » le samedi soir avecla liturgie du dimanche, quand il en existe unedans leur paroisse. Ce n’est pas le cas pour les ca -tholiques traditionalistes, ou simplement plustraditionnels et fidèles aux pratiques liturgiquesimmémoriales.

Nous nous trouvons là dans un conflit entreles aspirations libérales de l’économie contem-poraine et la nécessaire défense des libertés reli-gieuses. Dans les faits, il sera difficile à un catho-lique de refuser de travailler le jour du Seigneursi son employeur le presse d’y consentir, voire s’ilen fait une condition d’embauche…

La Liberté au nom des libertés

Il nous faut donc critiquer la Liberté au nomdes libertés selon la vieille distinction maurras-sienne. Le droit d’assister à l’office dominicalest une liberté publique qu’il faut défendre. Ellese rattache évidemment à la liberté de conscienceet à la laïcité traditionnelle ou « positive » (nonagressive envers les religions). Le choix dudimanche comme jour de repos obligatoire estune marque de l’héritage chrétien de la France –que Nicolas Sarkozy a d’ailleurs revendiqué…C’est peut-être aussi pour cela que certains leremettent en cause avec une pareille vigueur.

Verra-t-on demain un jour de repos hebdoma-dai re « mobile » fluctuant selon les habitudes desconsommateurs et la religion des em ployeurs?Cela relèverait d’un communautarisme dangereuxpour l’unité nationale. �

Jacques Cognerais

Le travail le dimanche et l’obligation dominicaleLa remise en cause souhaitée parNicolas Sarkozy et la droiteparlementaire du repos dominicalsuscite des réaction syndicalestrès justifiée : la CFTC, notamment,a raison d’y voir une atteinte à lavie de famille. La volonté decertains de travailler le dimanchene constitue pas un argumentsuffisant : on sait qu’une exceptiondevient vite une règle, surtout enmatière économique, dans notresociété libérale et permissive.

Le financement politique des poissons roses

La Commission nationale des comptes decampagne et des financements politiques vientd’agréer le parti politique des poissons roses.L’objectif de ce nouveau courant est de diffu-ser les valeurs chrétiennes grâce au partisocialiste. Nul doute que le nom choisi, alliéaux ambitions des poissons rouges, aiderontau sérieux de la vie politique française et favo-riseront son renouveau. Et s’ils grossissent,le PS devra composer non seulement avecses éléphants, mais en plus avec ses balei-nes…

TVA réduite pour la propagande électorale

Les livres bénéficient du taux réduit de TVA.L’administration a publié un rescrit précisantque devaient bénéficier de cette faveur lesdo cuments de propagande électorale, tels queles bulletins de vote, les professions foi ou leprogramme électoral. A quand le prix Nobelde littérature pour Jean-Luc Mélenchon?

Il n’y a pas que la grève qui empoisonne à Air France…

Le Tribunal de grande instance de Bobigny acondamné Air France à verser 146000 eurosde dommages et intérêts à un passager vic-time d’empoisonnement après avoir bu uncafé dans l’avion. Certain personnel de la com-pagnie aurait-il la mauvaise habitude de dé -boucher ses canalisations à l’aide de caféineou de désaltérer ses usagers au moyen d’a-cide?

La polygamie reconnue par la Caissenationale d’assurance vieillesse

La CNAV a fait paraître une circulaire régle-mentant les majorations de durée d’assuranceretraite accordées au titre des enfants.Concernant la condition relative à l’éduca-tion par la mère seule, la caisse prévoit qu’« unassuré polygame ne peut être considéré commene participant pas à l’éducation des enfants deses épouses (sic), de même qu’une épouse attes-tant d’une résidence séparée ne peut être consi-dérée comme ayant élevé seule ses enfants ».Autrement dit, pour ne pas avoir à accorderla majoration de retraite à toutes les concu-bines de l’époux polygame, la Caisse natio-nale d’assurance vieillesse est obligée dereconnaître la pratique de la polygamie enFrance. �

Manuel Calambra

LES DERNIÈRES NOUVELLES DU J.O.

monde & vie . 3 mars 2012 . n° 856 . 15

Halal : l’impôt caché

L ’emballement médiatique consécutifà la récente sortie de Marine Le Pensur la viande halal ignore soigneuse-

ment un aspect essentiel de l’affaire : enachetant cette viande, volontairement oumalgré soi, on finance le développement del’Islam et l’implantation des mosquées et aut-res salles de prières. En effet pas de halalsans indemnisation du certificateur. L’argent,versé par l’abattoir, va donc aux associationscultuelles et se retrouve immanquablementdans le prix de la viande. Le consommateurverse donc une sorte de TVA religieuse, sou-vent sans s’en apercevoir.

On peut certes contester le mode d’a-battage, ou s’offusquer de l’irruption d’unetradition étrangère à notre civilisation.

Mais ce qui fonde politiquement la luttepour la traçabilité de la viande halal, c’est le

versement de l’impôt religieux. Acheterhalal, c’est financer l’islamisation de la Franceet de l’Europe.

S’attaquer aujourd’hui politiquement auhalal c’est s’opposer à la puissance desgrands distributeurs, ceux qui contrôlent leschaînes de supermarchés.

C’est aussi se faire rétorquer par lelobby agroalimentaire que des emplois sontmenacés dans les abattoirs qui pratiquent entout ou partie l’abattage rituel musulman.

Ces raisons économiques sont la causepremière du refus des pouvoirs publics demettre en place d’une mention légale identi-fiant les lots de viande halal.

Nos lecteurs sont probablement tousdéjà conscients de l’enjeu du problème. Il s’a-git désormais de convaincre une large partde l’opinion publique que l’affaire est toutsauf anodine. �

A. C.

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Echonomia

L’assassinat du peuple grec

C’est à un véritable assassinat que le mon -de entier assiste médusé. Pour prétendu -ment le sauver, on l’enfonce dans la criseet la police anti-émeutes se déchaîne. Enplus des politiques grecs eux-mêmes, lescoupables sont les personnalités qui seprésentent abusivement comme la « com-munauté internationale ».

Environ 350 milliards vont être déver-sés dans un trou sans fond; c’est de l’ar-gent qui n’existe pas et qui est accordésous forme de prêts à intérêt, ce quiempêchera tout redressement. Il est clairqu‘il ne fallait pas aider la Grèce.

Le tabou du droit de grève

L’année 2012 a mal commencé. Des voya-geurs ont été privés, lors des fêtes, deleurs droits légitimes de se déplacer parla grève des pilotes et du personnel debord du 6 au 9 février. Plusieurs milliersd’enseignants ont défilé le 31 janvier 2012à Paris à l’appel de syndicats qui ont éga-lement lancé un mouvement de grèvepour dénoncer les 14000 suppressionsde postes à la rentrée. Le droit de grèveest inscrit dans la constitution, et il détruitd’autres droits comme celui de consom-mer, celui de travailler, celui de circuler,celui de se soigner, lesquels devraient luiêtre très supérieurs. Il en résulte la ruinepour tous, y compris les grévistes. La grè -ve est immorale car c’est la rupture d’uncontrat, à savoir le contrat de travail entredeux personnes, l’employeur et l’employé.Un pouvoir « Libérateur » devra faire tom-ber le tabou.

Le modèle social moribond

Le modèle français est présenté par lescandidats comme le meilleur. Personnene dit qu’il est moribond.

Depuis 2007, plus de 40 nouvellestaxes ont été introduites en France et letaux de chômage dépasse désormais les10 % de la population active. S’il était rap-porté aux salariés privés, il faudrait le dou-bler. La Sécu rembourse de moins enmoins. Les records risquent d’être bat-tus car de nouvelles taxes sont annon-cées pour le début de l’année 2012,comme une TVA sociale qui est surtoutune augmentation de la TVA. De plus enplus de riches et de jeunes d’avenir quit-tent le territoire. C’est le désastre au filde l’eau. �

[email protected]

16 . monde & vie . 3 mars 2012 . n° 856

Dossier : La pagaille du railECONOMIE

P endant longtemps, l’information étaitquasi nulle. Tout juste savait-on que ladet te était essentiellement détenue par

les marchés financiers domestiques et, à traverseux, des ménages « résidents ».

Depuis, la dette publique s’est considérable-ment internationalisée. En 1997, seulement 15 %de la dette négociable de l’Etat était détenue pardes non-résidents ; aujourd’hui, c’est, selon l’A-gence France Trésor, 65,9 %, c’est-à-dire prèsdu tiers.

Au sein de l’Administration, on se veut rassu -rant et l’on se félicite même de cette diversifica-tion des créanciers… Mais, vu les sommes consi-dérables en jeu, comment ne pas y voir une pertede souveraineté, voire une forme d’aliénation?

Compte tenu de l’hyper complexité des cir-cuits financiers et du fait que les investisseurs endettes souveraines n’ont pas l’obligation dedévoiler leur position, il est difficile de savoirqui sont les créanciers de la dette publique fran-çaise. Toutefois, la base de données financièreeMAXX, qui publie la liste des « 50 plus gros dé -tenteurs de dette souveraine française », révèlequ’il s’agit essentiellement – hormis les banquescentrales – d’assureurs, de mutuelles, de banqueset d’une multitude de fonds d’investissementcom me les fonds de pension. Intéressant, maispas suffisant, car derrière ces institutions clas-siques, il y a des individus qui épargnent. Quisont-ils? Où sont-ils?

Rois du pétrole et paradis fiscaux

Deux hommes ont récemment levé une par-tie du voile…

Le premier, Patrick Artus, directeur de la Re -cherche et des Etudes de Natixis, a révélé dansle journal Le Monde du 23 juin 2011 que « lestrois plus gros détenteurs de la dette françaisesont le Luxembourg, les Iles Caïmans et le

Royau me-Uni ». Avant d’ajouter « qu’un inves-tisseur saoudien, qui détient de la dette françaisecar il a investi dans un fonds d’investissement àLondres, est comptabilisé comme un investisseurbritannique ». Les rois du pétrole et les paradisfis caux tiendraient à bout de bras les financespubliques françaises… A Bercy, on n’a pas finide se taper la tête contre les murs!

Le second, Patrice Ract Madoux, Présidentdu Conseil d’Administration de la Caisse d’A-mortissement de la Dette Sociale (CADES), ain diqué, dans un communiqué du 17 février2012, que la CADES a lancé « avec succès unnouvel emprunt à 3 ans de 3 milliards de dol-lars US ». Voilà comment les fonds de pensionsaméricains (le diable) se lancent au secours dufameux modèle social français (la sainte Provi-dence) que « Tout-le-monde-nous-envie » !

Le plus stupéfiant reste l’aplomb avec lequella direction de la CADES nous fait part de cettenouvelle : « cet emprunt en US dollars confirmela force de frappe de la CADES sur le marché ».Comme si la Sécu était le puissant créancier etque les fonds de pension étaient en perdition…Merci l’intox! �

Pierre Brionne

Dette sans frontières et créanciers des îlesLa dette publique française, avecses 1700 milliards d’euros,représente pas moins de26000 euros par Français. Unepaille ! Dans ces conditions, il estassez légitime pour le contribuablede se demander qui sont lescréanciers…

Bercy, l’Hôtel des Finances parisien

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L orsqu’un fléau s’abat sur nos pauvresexistences, l’instinct primaire nouspousse à désigner un bouc-émissaire :

c’est évidemment à cause de lui que le pire estarrivé, uniquement à cause de lui, et il faut alorsle lui faire payer ! C’est tellement plus facile…

Vu la dette astronomique qui pèse sur nostêtes, les budgétivores de tout poil sont rattra-pés par une réalité crue : à ce train, une vraiedépression risque fort de succéder à la réces-sion… En somme, la fête est finie !

Pour certains, le coupable est tout trouvé :c’est l’Allemand qui, par sa fascination pour larigueur et l’intransigeance héritées du chancelierBismarck, nous forcerait à entreprendre des plansd’austérité « sans précédent ». Pour d’autres, ils’agit du banquier ivre de profit, qui a aliéné l’E-tat pour mieux pressurer les peuples…

Il est certain que la politique de l’euro fort,soutenue par l’Allemagne, met la barre très hautpour notre économie. Il est certain, également,

que les banquiers ne sont pas de purs philan-thropes et que, via les intérêts de la dette pu -blique, ils se sont enrichis et s’enrichissent en -core. Mais, jusqu’à preuve du contraire, le voletdépense de la loi de finances n’est pas écritedans la langue de Goethe et l’on n’a encorejamais vu un banquier braquer l’Etat pour l’obli-ger à s’endetter.

Ne tournons pas autour du pot : la cause prin-cipale de nos déboires est simplement due aufait que, pendant près de 40 ans, l’Administra-

tion a dépensé beaucoup plus qu’elle n’a pré-levé alors même que notre pays détient le tristerecord de la pression fiscale (45 % du PIB !).Les autres causes ne sont qu’accessoires.

De 72 milliards d’euros en 1978, la dettepublique s’élève aujourd’hui à 1 700 milliardsd’euros. En moyenne, elle augmente inlassable-ment de 10 % par an et double tous les 10 ans.A qui veut-on faire croire que l’on peut continuerà se surendetter éternellement ?

Difficile dans ces conditions, de s’en prendreà la chancelière allemande, Angela Merkel, ou denous expliquer que, depuis 2007, une armée despéculateurs s’acharne à nous aliéner. En réalité,comment peut-on espérer que les marchés finan-ciers, exécrés mais toujours plus sollicités, puis-sent continuer à financer à fonds perdus l’amon-cellement gigantesque de nos déficits chro ni ques ?Comment s’étonner aussi que nos voisins alle-mands, dans le cadre de la politique de l’euro,nous prient de ne pas les contraindre à épongerpour nous ?

Le seul remède à la crise reste une réductiondrastique des dépenses publiques pour un retoururgent à l’équilibre budgétaire. En 2011, cesdépenses s’élevaient à 1 120 milliards d’euroscon tre 957 milliards en 2006, ce qui représenteune augmentation de plus de 160 milliards d’eu-ros en cinq ans… Il y a de quoi sabrer ! �

Pierre Brionne

Faut-il faire porter le chapeau del’endettement français auxAllemands, ou aux banquiers ? Lesvraies responsabilités sont plutôt àrechercher du côté des politiqueset de l’Etat.

40 ans de fuite en avant

Evolution de la dette publique

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Le prix à payer. Nous apprenons succes-sivement le ralliement à Sarko de personnali-tés comme Christine Boutin et Borloo, qui sontles plus visibles. La vraie question est: quel estle prix? Pas possible de croire Mme Boutinquand elle dit que ses valeurs sont les mêmesque celles de Sarko. Le prix sera-t-il la possibi-lité d’avoir des élus après les législatives? S’yajoute-t-il la promesse d’un portefeuille? Noussavons qu’en cas de victoire, Sarko se garderade réduire la scandaleuse sarabande des 40ministres ou quasi-ministres. Pour Borloo, pois-son de haute stature, il s’ouvrait la voie royalede la présidence de Veolia Environnement. Letollé fut tel que le mirifique butin va sans doutelui échapper. Attendons la suite: notre propreargent est inépuisable, et insatiable le bon plai-sir des princes qui sont aux affaires.

La taxe Tobin. Elle est dans l’air et va, éven-tuellement, être appliquée. C’est l’effet de ladouble folie: la folie dépensière de l’Etat et lafolie taxatoire qui en est le résultat. Il s’agit detaper sur les transactions financières dans l’en-semble des pays d’Europe. Est-ce réaliste? L’ex-périence a déjà été menée en Suède: une taxesur les transactions financières y a été mise enplace en 1980, mais il a fallu la supprimer huitans plus tard en raison de l’exode massif des ca -pitaux du pays. C’est pour des raisons électo-ralistes que le gouvernement s’en fait le cham -pi on: il frappe les « méchants financiers ». C’estpour cela que l’exode des capitaux s’aggrave.

L’enrichissement personnel indu. Lesprédateurs publics, politiques et bien d’autres,prélèvent pour leur EPI 5 % du PIB. Les « aut-res » sont nombreux: compagnons de route,hauts fonctionnaires, syndicalistes, soit une« cas te » d’environ 10000 personnes.

Un exemple parmi des milliers d’autres :la ca gnotte du sénat s’élève à 1,5 milliard d’eu-ros. Le président, Jean-Pierre Bel, expliquequ’elle sert avant tout à payer les retraitesdes sénateurs et des fonctionnaires du Sénat;ces retraites sont très fastueuses et font jus-tement partie, comme telles, de l’EPI de cettepopulation.

Cet EPI se ramasse dans la discrétion. Mal -gré l’omerta, voici une liste incomplète desmoyens utilisés par les bénéficiaires: cumuls,salaires excessifs, retraites, nourriture gratuite,fêtes en tout genre, droit au reclassement encas de panne, voyages luxueux dans des coinsparadisiaques, droit d’engager des collabora-teurs familiaux, création de postes ou mêmed’administrations inutiles, bu reaux fastueuxparfois dans des palais, notes de frais abusives,voitures somptueuses avec chauffeur, salles àmanger de direction, caves magnifiques, etc.Les 5 % sont vite atteints. �

[email protected]

monde & vie . 3 mars 2012 . n° 856 . 17

ECONOMIE

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18 . monde & vie . 3 mars 2012 . n° 856

INTERNATIONAL

L a situation du Proche-Orient s’aggrave:d’après le New York Times, des experts dela défense américaine ont simulé en

février des scénarios d’attaques menées par Israëlsur les sites nucléaires iraniens. Il en est ressortiqu’une telle opération porterait les Forces arméesisraéliennes aux limites de leur efficacité et entraî-nerait les Etats-Unis dans le conflit. L’anciendirecteur de la CIA, Michael Hayden, a claire-ment établi que les attaques aériennes suscepti-bles d’occasionner de sérieux dommages au pro-gramme nucléaire de l’Iran étaient bien au-dessusdes prétentions militaires israéliennes.

Selon l’Agence internationale de l’énergieatomique, de novembre 2011 à fin février 2012,la capacité de l’Iran à produire de l’uranium enri-chi aurait triplé pour atteindre un total de 14 kgpar mois. Le stock serait de 105 kg. Pour sa part,le gouvernement de Tel-Aviv a maintes fois af -firmé qu’il empêcherait Téhéran de se doter d’unarmement nucléaire. Dans le passé, Israël aconduit avec succès deux attaques contre desprogrammes nucléaires, qui engendrèrent l’a-néantissement du réacteur atomique d’Osirak(Irak) en 1981 et la destruction du site d’al-Kibar(Syrie) en 2007. Ces frappes marquèrent alorsun coup d’arrêt au développement de l’arme-ment nucléaire irakien et syrien. Le contexte ira-nien est bien différent. Une attaque contre le pré-tendu programme nucléaire et militaire de

Téhéran(1) ne serait pas comparable à ces deux in -terventions chirurgicales.

D’après le quotidien américain, Israël auraitchoisi un itinéraire au-dessus de la Jordanie et del’Irak. Ce dernier pays n’est pas doté de batteriesanti-aériennes. Les avions de combat F15 et F16devraient être ravitaillés en vol pour effectuer untrajet de 3200 km, et plus de 1600 km au-des-sus de l’espace aérien iranien. Par ailleurs, bienqu’il ne soit pas tout neuf, les experts américainsont averti que le dispositif antiaérien iraniendevait être mis hors d’état de fonctionnementpour permettre la destruction des sites nucléairesde Natanz, Fordo, Arak et Ispahan. Une opéra-tion qui s’avèrerait aussi risquée pour la super-puissance américaine. D’après les services deren seignement israéliens et américains, les sitesseraient enterrés à une profondeur de 90 mètreset protégés par une épaisse couche de rochers etde béton. C’est pourquoi, le général de l’US Ar -my David Deptula, qui avait planifié les inter-ventions aériennes américaines dans la secondeguerre du Golfe en 1991 et contre l’Afghanis-tan en 2001, expose que « tous les experts ayanten couragé à attaquer l’Iran, reconnaissent quece sera difficile ».

La crainte de l’escalade

Selon Scott Johnson, consultant pour lesquestions de défense, Israël aurait, en outre,besoin de mobiliser la totalité de sa flotte de125 chasseurs et de 8 ravitailleurs pour espérermener à bien un tel raid. L’arsenal bombardierisraélien devrait aussi se munir de 200 bombesde type Bunker Buster contre les cibles forti-fiées, de 3 avions ravitailleurs et d’un armementlourd sophistiqué détenu par les Etats-Unis,comme la dernière Massive Ordnance Penetra-tor. Cette superbombe de 13 600 kg – dont lepremier test a été opéré en 2007 et qui est bienplus puissante que les GBU-31 et 32 de 450 et900 kg –, conçue pour atteindre des bunkers pro-fondément enfouis, serait également inadaptéedans le paysage montagneux de l’Iran.

C’est pourquoi William Fallon, ancien ami-ral de l’US Navy qui était à la tête des opéra-tions militaires américaines au Moyen-Orient eten Asie centrale jusqu’en 2008, rappelle qu’« ilne s’agit ni d’une croix sur une carte, ni d’unecible unique qu’on anéantit avec un bombarde-ment ».

Enfin, l’Occident craint l’escalade d’un con -flit, tandis que les dirigeants israéliens continuentd’afficher avec détermination dans les médiasinternationaux leur volonté de frapper l’Iran.Ronen Bergman, spécialiste israélien du renseigne-ment, a affirmé dans les colonnes du New YorkTimes du 25 janvier 2012 qu’une attaque israé-lienne contre des installations nucléaires iranien-nes aurait lieu cette année. Le ministre de laDéfense israélien Ehoud Barak prétend que dansquelques mois, l’Iran pourra atteindre Israël avecdes missiles à tête nucléaire. Info ou intox? �

Laurent Glauzy1. A l’exception de celle de l’AgenceInternationale de l’Energie Atomique (AIEA)publiée le 8 novembre dernier, toutes lesenquêtes menées sur place ont conclu àl’inexistence d’un programme nucléairemilitaire iranien (cf. M & V n° 851).

Crise nucléaire : le géant iranien défie Israël

La guerre de Téhéran aura-t-ellelieu? Les déclarations desdirigeants israéliens sont de plusen plus belliqueuses, mais ils ontbesoin des Etats-Unis.

Les exemptés de la Thora

F in février, six juges ont demandé unemodification de la constitution israé-lienne pour lever l’exemption de ser-

vice national concernant les Haredim (crai-gnant-Dieu), ultra-orthodoxes Juifs. Ils sontactuellement 70000 à ne pas revêtir l’unifor -me. Lors de la création de l’Etat en 1948, lePremier ministre David Ben Gourion émanci -pa de cette obligation les religieux des éco-les de Thora.

Cette inégalité est aujourd’hui mal res-sent ie par la population, alors qu’un conflitcon tre l’Iran menace. 40 organisations dontJad Labanim, qui représente les intérêts desfamilles des 23000 soldats tombés pour Is -raël, réclament la levée de cette faveur. Sonpré sident, Eli Benschem, explique qu’« il est in -tolérable que tant d’hommes et de femmes soientsystématiquement dispensés de service na tionalpendant que d’autres vont risquer leur vie ».

Cette question embarrasse le gouverne-ment. Le ministre de l’Intérieur, Eli Yishaï, pré-sident du parti religieux sépharade Shass, adéclaré : « Il doit être clair que les étudiants dela Thora doivent en toutes circonstances resterdans leurs écoles ». Le recrutement de milliersde Haredim pourrait faire tomber la coalitionde Benjamin Netanyahou. �

L. G.

Le Président Iranien Mahmoud Ahmadinejad

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monde & vie . 3 mars 2012 . n° 856 . 19

Q ue savons-nous exactement de ce quise passe en Syrie, où la désinformationbat son plein depuis plusieurs semai-

nes? Selon les médias, le conflit, qui était audépart un mouvement civil de manifestants, s’estmué en guerre civile. Secoué par la révolte, honnides populations, le régime serait sur le point des’effondrer. Qu’en est-il vraiment? Nul ne sait cequ’Assad trame. Mais on prétend, sans apporterla moindre preuve, qu’il serait en train de trans-férer du matériel militaire à l’ouest du pays, dansles montagnes qui surplombent la Méditerranée,en zone à majorité alaouite. Bien sûr, il est pos-sible et même probable, que par précaution, lechef de l’Etat syrien organise la défense d’unultime réduit, au cas où… Cela signifie t-il pourautant qu’il est aux abois?

Force est de constater que, pour l’instant, sespartisans rendent pour coup pour coup. Aucunezone insurgée n’a émergée. Même à Homs, la« ville rebelle » par excellence, seuls trois quar-tiers sont en proie à des troubles, le reste de l’ag-glomération vit aussi normalement que possi-ble dans une telle situation. Personne ne semblese demander comment cela est possible depuisplus de trois semaines, alors que le centre villeest prétendument pilonné (à raison de 4 roquet-tes à la minute, paraît-il – ce qui est invraisem-blable). Si l’armée d’Assad faisait donner à fondson artillerie, tout aurait été fini en deux jours eton aurait relevé plusieurs milliers de morts. L’af-faire se serait soldée par un carnage, vu la den-sité de population.

L’armée syrienne, tout porte à le croire, estaux prises avec des djihadistes disposant d’armessophistiquées, des guérilleros bien retranchésqui disposeraient (dit-on…) de postes de tir demissiles Milan – des armes à 100000 euros l’u-nité. Si cela est vrai, elles ne peuvent leur avoirété fournies que par une puissance étrangère.

Malgré cela, les insurgés locaux et les com-

mandos infiltrés en Syrie depuis des mois, (unmélange d’ex-combattants d’Al Qaida en Libyeet de forces spéciales de pays voisins), peinentà déstabiliser le pays de l’intérieur.

Qui soutient le régime ?

L’armée syrienne se révèle une noix diffici -le à croquer. Comptant 500000 hommes, dit-on,elle représente la deuxième puissance militairearabe après l’Egypte et est autrement mieux orga-nisée et plus solide que les armées libyenne ettunisienne. Quoi qu’on en dise, l’opposition nepeut guère tabler sur des désertions massives,car la grande majorité des officiers sont Alaoui-tes (la communauté à laquelle appartient Assad)et ils tiennent bien en main leurs subordonnés.De plus, par précaution, les conscrits non alaoui-tes sont cantonnés dans des missions de soutienou d’intendance. Dans les forces aériennes parexem ple, ils ne sont jamais pilotes, mais le plussouvent mécaniciens. Si ces valets d’armesavaient vraiment accès à l’armement, il est pro-bable que les défections auraient été nombreu-ses. Les quelques désertions « constatées » ontseulement permis la constitution d’une bandearmée, pompeusement appelée « Armée syriennelibre ».

Assad bénéficie non seulement du soutiende l’armée, mais aussi d’une fraction des Syrienscomprise entre le tiers et la moitié de la popula-tion, un chiffre difficile à mesurer et probable-ment fluctuant, mais élevé. Rappelons qu’enSyrie, les diverses communautés ne sont nulle-ment amalgamées. Le régime compte de nom-breuses « sympathies » au sein des minorités,chré tiennes, druzes, kurdes, et même dans lemonde des affaires sunnites. Enfin, il reste fortparce qu’il compte quelques alliés régionaux,parmi lesquels l’Iran, qui lui fournit des con -seillers militaires. Des durs, qui, selon les oppo-sants, mettent volontiers la main à la pâte…

L’enjeu de ce qui se passe est la désintégration de la Syrie

À cet égard, on assiste à une curieuse évolu-tion géostratégique à la faveur de la rivalité entrechiites et sunnites. Les Occidentaux, semble-t-il, malgré leur guerre contre les nervis d’« Alquaïda », se sont rapprochés des sunnites (mo -

narchies pétrolières, Jordanie, Turquie…) ets’opposent au régime chiite d’Iran, lui-mêmeplus ou moins cornaqué par la Chine et la Rus-sie. Si cette hypothèse est exacte, c’est à l’initia-tive de l’Arabie saoudite, du Qatar, des EmiratsArabes Unis, et donc, globalement, des monar-chies pétrolières du Golfe, soutenues activementpar les USA (et aussi par la France) que le pro-cessus révolutionnaire s’alimente. Son but ?Affaiblir l’Iran chiite en éliminant son meilleurallié régional, et installer au manettes, à Damas,un régime sunnite pro-occidental et surtout pro-Golfe.

Selon cette théorie, les événements actuels nesont que la manifestation de ce mouvement d’en-semble qui met au pouvoir, pays après pays, desrégimes islamistes sunnites « orthodoxes » selonles critères du grand frère qui, on a tout lieu dele croire, manipule tout cela dans l’ombre: l’A-rabie saoudite, avec son satellite le Qatar. A ter -me, les généreux parrains du mouvement révo-lutionnaire espéreraient le rattachement d’uneSyrie sunnite fondamentaliste au Nord-Ouest del’Irak, également sunnite, de manière à s’ap-puyer sur un Etat tampon face à l’Iran.

La Syrie va-t-elle se décomposer en cantonsautonomes? Un canton kurde au nord-est, uncan ton alaouite au nord-est, une région druzedans le sud et le reste du pays divisé entre clanssunnites? L’avenir le dira bientôt, car si l’arméesyrienne échoue dans sa reprise en main desgrandes agglomérations, tôt ou tard, Damas serala proie de troubles majeurs. �

Henri Malfilatre

Selon un flot d’informationscontradictoires, relayées etamplifiées par les médias et lesréseaux sociaux, la Syrie serait àfeu et à sang. Est-ce vraiment uneguerre civile ou s’agit-ild’opérations de maintien del’ordre?

Espoir ou réalité : la Syrie en passe de se désagréger

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INTERNATIONAL

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20 . monde & vie . 3 mars 2012 . n° 856

RELIGION

O n sait que l’archevêque de Paris, qui estaussi président de la Conférence épis-copale française et, à Rome, membre

de la Congrégation des évêques, possède sonfranc-parler. Au sein de l’Eglise de France, aprèsavoir été élu par la gauche épiscopale dont l’em-blème est Mgr Hippolyte Simon, évêque de Cler -mont-Ferrand, devenu vice-président de la CEF,Mgr Vingt-Trois, responsable d’un diocèse « dedroite », le diocèse de Paris, est sans doute le dé -cideur le plus lourd, l’autorité morale la plusimportante. Dans la courte introduction qu’il pro-pose à son petit livre, il n’hésite pas à hausser leton pour déplorer que l’élection « au fil des moisdevienne un concours de beauté entre vedettes ».Mais qu’en est-il des vrais enjeux de l’électionprésidentielle? Il n’en est pas question.

Quelques lignes sur l’avortement pour direqu’il aime la vie et que « l’avortement ne peut enaucun cas être présenté comme une solution »,quelques lignes sur la fin de vie pour affirmer lamême chose de l’euthanasie, et pour le reste dessolutions médianes tirées au cordeau pour ne fâ -cher personne, et surtout pour n’exclure aucuncan didat (pas même, c’est une nouveauté, la can-didate du Front national). A un autre endroit duli vre, il est question d’un « recul de civilisation »,si l’on se départit d’une attitude de « respect in -conditionnel de l’être humain » dans la difficilequestion des embryons congelés et des cellulessouches. Mais surtout pas de détails qui fâchent.Le cardinal ne donne aucun nom. De ce fait, onpeut lire ce livre comme renfermant un permis devoter pour François Hollande, malgré les contra-dictions frontales entre les 60 promesses pour laFrance du candidat socialiste et cette « doctrinesociale de l’Eglise » dont il est question une foissous la plume de Mgr Vingt-Trois. La politique

ne doit pas être un enjeu qui divise l’Eglise deFrance encore plus qu’elle ne l’est. Quant auxévêques, ils sont… au service de la Ré publique.

Il y a pourtant, derrière cette absolue correct-ness politique, une matrice qu’il faut identifier. Ilme semble que c’est le concile Vatican II, aveclequel le cardinal se veut comme en symbioseet, dans le concile Vatican II, avec l’idée de « ser-vice de l’homme », idée qui nous représente « leprincipe d’humanité » dans toute sa cohéren ce.

« C’est le service de l’homme qui est le critèreultime et définitif du projet social. Ce n’est pasl’homme qui est au service d’un projet social ».Critère ultime et définitif : le mot est fort.L’homme est la fin de l’action politique.

Cela signifie tout de même deux choses :Premièrement, la fin de la politique française

n’est ni la France ni les Français, mais l’homme.A l’heure où de grandes migrations entre le sudet le nord se dessinent encore, ne serait-ce quedans l’échec retentissant des printemps arabes, untel « principe d’humanité » est instructif. Lanation n’est plus un critère pour l’Eglise depuisla mort de Jean Paul II. Le seul critère, c’estl’homme. On le voit, avec un tel principe, la mon-dialisation, le métissage et le mélange ont debeaux jours devant eux.

Deuxièmement, si l’homme est la fin ultimedu politique, tous les biens et toutes les valeurspour lesquelles se bat l’homme politique appa-raissent comme de simples moyens au servicede l’homme. Mais qu’est-ce qu’un bien, qu’est-ce qu’une valeur au service de laquelle on nepeut pas se dévouer ? Qu’est-ce qu’un projetsocial, s’il est interdit de se mettre à son service?Qu’est-ce que l’homme s’il est pour lui-mêmela seule valeur absolue? – Un consommateur.Rien d’autre. �

Claire Thomas

Cardinal André Vingt-Trois, Quelle sociétévoulons-nous ? éd. Pocket 2012, 6,30 euros

Les catholiques face à l’élection présidentielleLe cardinal archevêque de Parisvient de publier un livre qui seprésente comme le vade mecumdu bon électeur pour laprésidentielle de 2012. Personnene l’attendait là, alors que, depuisplusieurs années, il n’y a pas eu depublications marquantes de la partde la Conférence épiscopale dontil est actuellement le président.Que cherche-t-il ?

Silence sur la chrétienté

M gr Vingt-Trois parle beaucoup dansce livre de laïcité. Il précise qu’elledoit être « ouverte », la plus ouverte

possible. Mais cela implique que l’Eglise, quantà elle, ne considère pas « le prosélytisme confes-sionnel » comme un apport à la vie sociale etqu’elle ambitionne plutôt de contribuer à « unesagesse commune », laïque. Nulle part, dans cetexte de Mgr Vingt-Trois, il n’est question del’ap port du christianisme à la vie sociale. L’idéede chrétienté est moquée; le seul exemple quien soit donné est un exemple théocratique,celui des réductions jésuites au Paraguay, exem-ple magnifique je le reconnais, mais qui restepurement politique et donc, dans l’esprit de

Mgr Vingt-Trois, tout à fait marginal. L’espritchré tien a-t-il cessé de pouvoir agir dans la Cité.Certes, nous ne retrouverons pas de si tôt unesituation objective de chrétienté. Il faut nouspréparer à vivre dans un univers qui est déjàmixte ou hostile.

Mais enfin pourquoi l’Eglise n’apporterait-elle pas sa contribution à la re-socialisation desbanlieues, par exemple à tra vers les œuvres quisont les siennes : patronages, vie paroissiale lar-gement extravertie, processions, scoutisme etc.La grande question aujourd’hui est celle de lavisibilité du christianisme dans notre société.Elle est indiscutablement du ressort direct ducardinal. Il n’en parle pas, comme si elle n’exis-tait pas pour lui. �

C. T.

Mgr Vingt-Trois se demande : quelle société voulons-nous?

Mais ce qu’il veut, c’est à nous de ledeviner. Il ne le dit pas

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Alain Escada, alors que l’on peut direque votre campagne anti-christianophobie a rencontré un échoinespéré, quels sont vos projets pourdemain?

Il est essentiel d’abord de nous réorganiser.Rémi Fontaine parle à ce sujet d’une « dissidenceca tholique ». Il faut effectivement développerdes pistes vers un sain communautarisme pourconserver la foi, il faut créer, encore et encore, desîlots de chrétienté. C’est dans cette perspectiveque d’ores et déjà nous préparons les électionsmunicipales de 2014, non pas en proposant auxfuturs maires une étiquette Civitas, mais en orga-nisant un peu partout des candidatures de catho-liques sur des listes d’intérêt municipal, suscep-tibles de susciter un large consensus.

Apparemment vous n’attendez pas2014. En 2012, vous vous êtes lancésdans une véritable contre-campagne.Pourquoi vous focalisez-vous sur lapersonne de François Hollande? Cethomme est-il dangereux?

Il est clair aujourd’hui qu’il n’y a pas degrands candidats qui correspondent au modèleque nous voudrions voir en lice pour ces élec-tions. Il n’y a pas de candidat catholique au sensplein du terme, mais il y a un candidat anti-catho-lique, un candidat athéiste, François Hollande.Je ne fais pas d’antisocialisme primaire, je dis

simplement que François Hollande n’est pas uncandidat normal.

Oh! Vous êtes en train de nous direqu’il va falloir voter utile !

Nous n’en sommes pas encore au 2e tour,mais je crois en effet que François Hollande poseune question qui est celle des circonstancesexceptionnelles. Il y a une grande différence entrel’échéance de la présidentielle 2012 et les autresscrutins. Le candidat socialiste incarne la résur-gence d’une politique anticléricale qui date dela fin du XIXè siècle. Nous le constatons dansson programme, ses Soixante engagements pourla France, nous le lisons dans ses déclarations. ACivitas, nous relevons dix points qui doivent sus-citer l’alerte rouge.

Pouvez-vous énumérer ces dix points?

Volontiers. Il y a d’abord sa volonté affichéed’introduire dans la Constitution la loi de 1905 surla séparation de l’Eglise et de l’Etat. Il déclare enoutre qu’il fera voter une batterie de lois sur l’eu-thanasie, sur le mariage homosexuel, sur l’adoptiond’enfants par des couples homosexuels. Il voudraitfaire en sorte que le Planning familial soit habilitéà pratiquer des avortements. Il justifie la Procréa-tion Médicalement Assistée par le fait qu’unefemme doit pouvoir avoir des enfants sans aucuncontact avec un homme. Par ailleurs, il veut fairesauter les limites établies par le Comité des sagesquant à la recherche sur les embryons. En outre, ilsupprimera les exemptions fiscales prévues au titrede l’aide aux écoles privées. Enfin il veut organi-ser le droit de vote des étrangers. S’il est élu à la Pré-sidentielle, la Gauche en France aura tous les pou-voirs et cela risque d’aller très loin! Toutes cesdéclarations actuelles permettent de voir qu’il vas’associer à l’extrême gauche athéiste pour don-ner à la France un nouveau visage. Et avec le droitde vote aux étrangers, même en cas de réveil desFrançais de souche, il sera trop tard pour inverserle mouvement.

Voilà donc ce que vous appelez descirconstances exceptionnelles…

Il y a un petit signe supplémentaire du carac-tère exceptionnel de cette élection que je vou-drais porter à la connaissance de vos lecteurs.

Pour la première fois, le Grand Orient fait publi-quement connaître les interventions des candi-dats devant son obédience. Vous pouvez voirMélanchon, Bayroux et Hollande avec un com-mentaire appuyé du Grand Maître en faveur deHollande et de Mélanchon.

En quoi ces considérations électoralesconcernent-elles les catholiques? Ilsvotent Hollande eux aussi?

Tous les Instituts de sondage annoncentqu’environ 25 % des catholiques pratiquants an -noncent leur intention de voter pour lui. C’est larai son de la campagne que nous entreprenons:pas une voix catholique ne doit aller à un tel can-didat. Il faut lui faire barrage. En entreprenantcette campagne dès maintenant, nous montronsen outre que nous restons à l’écart de la politiquepartisane. Nous voulons simplement soulignerce que j’appellerais « la nocivité gravement plusdan gereuse » d’un candidat, par rapport aux aut-res qui ne rencontrent pas notre adhésion.

Quels sont vos moyens?

Nous aurons des affiches, des autocollants,nous avons déjà un clip vidéo, qui, en 9 jours, afait 60000 visites sur Gloria TV. Je dis en 9 joursparce qu’au bout de 9 jours ce clip sur les 10 rai-sons de ne pas voter François Hollande a été sup-primé arbitrairement. Il est maintenant à plu-sieurs exemplaires sur Youtube pour éviter toutecensure. Notre but est d’atteindre et d’avertir au-delà des chapelles le grand public catholique.Nous avons aussi, depuis la campagne sur lachristianophobie des relais dans la grande presse,avec un passage à venir sur France 2, un autre surCanal+. Et d’autres médias comme 20 Minutes,l’Express ou le Monde.

Comment voyez-vous l’avenir?

Je ne suis pas fakir. Mais pour le présent, jetrou ve d’étranges similitudes entre la situationen France et la situation de l’Espagne au momentde la prise de pouvoir du président Zapatero. Quede dégâts en deux législatures! Si l’Eglise espa-gno le avait tiré la sonnette d’alarme à temps,nous n’en serions pas là. �

Propos recueillis par Alain Hasso

Alain Escada : François Hollanden’est pas un candidat normalAlain Escada est l’animateur dumouvement Civitas, qui s’est fait unnom lors des polémiques récentesautour de deux pièces ouvertementchristianophobes et insultantes,Sur le concept du visage du fils deDieu de Romeo Castellucci etGolgota picnic de Rodrigo Garcia.L’animateur s’est fait organisateurde la riposte catholique.Aujourd’hui, alors que l’électionprésidentielle approche, il lanceune grande campagne contreFrançois Hollande. Nous avonsvoulu lui demander pourquoi.

RELIGION

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Q ue choisir? C’est la question du con -sommateur, qui se trouve, avec les dif-férentes écuries présidentielles, devant

une sorte de casting, dont, pour lui-même aumoins et pour son propre vote, il serait l’arbitre.Untel est beau depuis qu’il a perdu des kilos ;une telle est parfaitement dédiabolisée, un autreencore apparaît d’une modération à tout épreuve;un autre a exercé des responsabilités etc. Ces cri-tères subjectifs sont ceux du Café du commerce.Essayons d’aller un peu plus loin.

Tirons les leçons de ce micro-dossier.Une fois de plus l’épiscopat français a choisi

une communication faible. Au lieu d’utiliser lescritères non négociables sur la politique de la vieet sur le soutien à l’enseignement privé énumé-rés par Benoît XVI, il apparaît dans une posi-tion médiane, inconfortable pour le moins. Il s’a-git de ne donner tort à aucune des composantesdu catholicisme « officiel » sans renier pour au -tant les options extrêmement fermes prises par lepape. De quoi se laisser doubler, comme dansl’affaire récente (moins importante) de la chris-tianophobie.

Civitas, le mouvement catholique laïc né dansles eaux de la FSSPX, part en avant. Il fait trèshabilement une campagne qui le met dans la courdes grands. Il va avoir une fois de plus le mono-pole de la dénonciation du candidat pro-euthana-sie, pro-mariage gay, etc. Il a pris la seule placeque peuvent raisonnablement tenir les catholi -ques : celle de la critique. Critique qui n’est pasl’abstention! La politique de la chaise vide estcel le qui donne toujours tort.

D’un autre côté, on ne peut pas vivre seule-ment de critique…

Comment faire une politique affirmative « enamont » de l’élection?

Dans un livre qui vient de paraître chezRenaissance catholique, Rémi Fontaine journa-liste à Présent, n’hésite pas à parler d’une « dis-sidence catholique » dans la société actuelle. Ilin siste sur la nécessité de cultiver « un sain etlé gitime communautarisme », en créant, dans la

dis-société contemporaine, des pôles de résis-tance pour les familles, autour des églises et desécoles. Il appelle cela vivre « sous le signe d’An-tigone », selon le titre qu’il a donné à son recueilde chroniques. Il est important effectivement deregrouper les familles. On peut dire que le sermonde Mgr Lefebvre pour son Jubilé sacerdotal, en1979, prévoyait déjà ce regroupement identitairedes familles en quête de milieux un peu homo-gènes, qui facilitent la transmission de la foi. Cespoints de repère que sont les écoles et les com-munautés chrétienne (ou sur la toile certainForum catholique) peuvent servir à regrouper lesconvaincus et à leur donner les moyens de trans-mettre leur foi.

La force tranquille des catholiques

Mais deux objections apparaissent.D’abord, depuis 1979 et l’aurore compliquée

du pontificat de Jean-Paul II, la situation a large-ment évolué. Le « milieu » s’agrandit, en per-dant un peu de sa spécificité. Aujourd’hui on voitapparaître un nouveau type de résistant spirituel,moins polarisé dans un « lieu social » isolé,moins victimaire, fier de sa foi dont il est prêt àtémoigner; j’appellerais ce nouveau type de chré-tien le tradismatique. Le tradismatique est sou-vent issu de la mouvance charismatique dans sesdifférentes tendances; il a rencontré la Traditioncatholique à tel ou tel moment et il est marqué (unpeu, beaucoup, à la folie) par la liturgie romainetraditionnelle; il considère que l’institution pon-tificale est devenue de fait l’espoir de l’Eglise etla clef de son avenir. A l’école de Benoît XVI ila appris deux choses : la nécessité de rendre unculte au Saint-Sacrement, comme cela s’est passéde manière solennelle aux JMJ de Madrid cetété ; et l’impression très nette qu’à défendre laculture de vie contre le culte de la mort, on estobligé de pratiquer un non-conformisme de plusen plus accusé. Le pape Benoît XVI a parlé de« contre-culture » aux habitants de l’ile de Maltel’année dernière. Il est revenu tout récemmentde vant les prêtres romains sur ce « non-confor-misme » nécessaire.

La vraie politique, la politique de Jeanned’Arc ne serait-elle pas de tout faire pour armerles catholiques là où ils sont, au lieu de vouloirles parquer dans les vieilles redoutes. C’est l’ob-jectif de l’association Avec Jeanne par exemple(et Dieu sait qu’elle n’est pas la seule sur ce cré-neau), c’est l’ambition du journal Monde & Vieque de donner aux catholiques, qui dans la me -sure où ils demeurent catholiques doivent l’être

de plus en plus profondément, les armes d’unevé ritable offensive spirituelle et culturelle. Jeanned’Arc, avec son sens aigu du don de soi et sa vo -lonté permanente d’offensive, même si tout àl’air perdu, nous donne les leçons d’optimismeet d’intelligence qui sont nécessaires aux soldatsdu Christ que nous sommes tous devenus par po -sition, à travers la radicalisation ambiante, nonseu lement pour demeurer catholiques, mais pourcomprendre que dans notre société mondialisée,l’Eglise reste la seule Internationale qui tienne,la seule qui ait à proposer des valeurs supérieu-res et un véritable idéal de vie. Alors que le maté-rialisme de masse semble l’emporter partout dansle monde, les catholiques doivent, selon l’intui-tion du pape, prendre le rôle et la fonction d’op-posants au désordre établi, en proposant, par etdans la foi vécue, une alternative aux idéaux fre-latés que porte la Révolution de Mai 1968. AvecBenoît XVI, un peu partout dans le monde, c’estune véritable contre-révolution culturelle tran-quille qui se met en place. �

Abbé G. de Tanoüarn

Congrès samedi 31 mars de 14 h à 20 h

JEANNE D’ARC UNE FIGURE POLITIQUE POUR AUJOURD’HUI

au Forum de Grenelle, 5 rue de la croix Nivert 75015 Paris.

Entrée 10 €. (8 € pour les Adhérents de Avec Jeanne)

14 h30. Jean de Viguerie : La politique de Jeanne d’Arc est une politique de la foi.

15 h 00. Frédéric Rouvillois : La politique de Jeanne d’Arc est une politique du droit et de la légitimité.

15 h 30. Table ronde : Jeanne d'Arc, quel symbole pour quelle nation ?Avec Rémi Soulié, Philippe Maxenceet Eric Letty.

16 h 00. Gerd Krumeich : A qui appartient Jeanne d'Arc ?

16 h 30 : Pause, Stands, Dédicaces

17 h 30 : Gérard Leclerc : Quelle culture alternative aujourd'hui ?

18 h 00. L’Eglise catholique comme contre-culture aujourd’huiVa-t-on vers l’objection de conscience des catholiques ? (Jeanne Smits)Peut-on résister au libéralisme ?(Christophe Geffroy)Quel témoignage chrétien ? Quel projet ?(Abbé Guillaume de Tanoüarn)

19 h 00 : Apéro Cochonnailles et Vins de France au naturel.

20 h 00 : Fermeture des portes

www.avecjeanne.frrenseignements et contact : [email protected]

La politique de Jeanne d’Arc

Alors que l’élection présidentielleprévue au mois de Mai commenceà polariser l’attention desInformateurs, je crois qu’il est utilede se demander : quelle politiquepeut bien être la nôtre face à cetteéchéance. Je répondsimmédiatement : celle de Jeanned’Arc.

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Eric Doutrebente, vous fêtez les 30 ansdu chœur Fra Angelico, que vousdirigez avec votre sœur Marie-Alix àtravers un concert que vous donnez le10 mars prochain, à 20 heures 30, enl’église Sainte-Clotilde à Paris. Ce seracertainement un très grand moment,mais pourquoi souhaitez-vous donner àcet anniversaire une ampleurparticulière…

Nous avions créé ce chœur, Marie-Alix et moi,nous étions étudiants. Il faut dire que nous avionsune petite expérience. Nous avions déjà participéà cette activité chorale dans la paroisse de Port-Marly sous la houlette du chanoine Gaston Rous-sel, alors que l’un et l’autre, nous étions… toutjeune. D’instinct nous souhaitions communiqueraux autres notre joie de chanter, d’interpréter des

répertoires que l’on n’entendait plus beaucoupdans les églises à ce moment-là. Aujourd’hui, uncertain nombre des premiers choristes de Fra-Angelico sont toujours là, d’autres, plus jeunes,sont venus se joindre au chœur. Certains sont par-tis sans oublier ce qu’ils avaient appris, je pense àun certain Guillaume de Tanoüarn, je pense aussià Bernard Moaurin, dont on suit la plume dans lescolonnes d’Una-voce. Actuellement, nous som-mes une trentaine et le 10 mars prochain à Sainte-Clotilde, nous serons soixante-dix! Les anciensreviendront nombreux pour l’occasion et ilsmêleront leur voix aux plus jeunes ! Je vou-drais aussi dire un mot en particulier de notreorganiste, Jean-Paul Imbert, qui participe à nosactivités chorales depuis 1983. Cette fidélitéde tous est magnifique, elle fait l’esprit de FraAngelico et entretient entre nous une amitié. Ilfaut souligner qu’elle est d’autant plus belle

qu’elle n’est pas attachée à un lieu en particu-lier. Nous avons assuré la messe des étudiantspendant plus de quinze ans à Saint-Nicolas-du-Chardonnet, puis Vianney Quilliard, l’undes choristes, a repris le flambeau. D’autreschoristes comme Mathilde et Anne Parant, EtienneDebaecker, ont créé des chœurs liturgiques. Autreoccasion importante, dès 1983, avec le CentreCharlier puis avec Pèlerinages de Tradition, nouschantons au Pèlerinage de Chartres. Il y a aussiles Universités d’été de Renaissance catholique etpuis Mérigny, l’Ita lie, la Belgique. On fait souventappel à nous: à titre d’exemple, nous avons assuréprès de 400 messes de mariage depuis la fondation.Partout où nous allons chanter (dernièrement àChâtillon-sur-Indre chez le Père Thierry Massé,qui est un ami), nous nous efforçons de rester fidè-les à une certaine conception du chant sacré, enosmose avec la liturgie.

RELIGION

Eric Doutrebente: « Il y a une séduction du Beau qui conduit

au Christ »

30 ans de chant choralau service de l’EgliseLes trente ans du Chœur FraAngelico, voilà l’occasion rêvéed’aller les entendre à l’égliseSainte-Clotilde dans le VIIè

arrondissement à Paris, le 10 marsprochain ! Mais c’est aussi une raison pourparler de cette saga musicale, peucommune dans notre Pays par lestemps qui courent. On peut dire que la persévéranced’Eric et de Marie-Alix Doutrebentepour animer ce chœur, remplacerles partants par des arrivants etdécouvrir toujours de nouveauxhorizons musicaux est à la hauteurde la cause qu’ils défendent : cellede la divine liturgie. Partout où ils se produisent leschoristes de « Fra » nous aident àmettre en pratique la vieilleconsigne du pape Pie X : « Il fautprier sur de la beauté ». Et ils font, sans phrase, ladémonstration de la puissancespirituelle attachée à la liturgietraditionnelle.

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Pouvez-vous nous dire en quelques motsquels sont vos choix en matière demusique sacrée?

Avec le chanoine Roussel, nous avions beau-coup pratiqué la musique française – CésarFranck (1822-1890), parce que c’est un musi-cien vraiment religieux, mais surtout la musiquedu XVIIè et XVIIIè siècle dont le Chanoine avaitété l’un des grands redécouvreurs. L’inconvé-nient de ce répertoire baroque, qui manifeste sibien le génie français, c’est la longueur des piè-ces, écrites souvent plus pour des concerts spiri-tuels que pour la liturgie. Je rappelle à ce proposqu’à partir de 1725, à Paris, le « Concert spiri-tuel » est une institution royale, qui a son siègeaux Tuileries, dans la Salle des Cent Suisses et quioffre de la Musique les jours où l’Opéra est fermé.On ne compte plus les compositions d’auteursfrançais et étrangers qui ont été écrites pour êtreinterprétées dans ce cadre, non liturgique.

Il se trouve par ailleurs que je suis allé à Vien -ne en Autriche et là, j’allais fréquemment cher-cher des partitions chez Döblinger, véritablecaverne d’Ali Baba de la musique. J’y ai décou-vert de la musique sacrée que l’on exécute peu enFrance, en particulier Rheinberger, MichaelHaydn et Zelenka.

Nous interprétons toutes sortes de motets oude pièces chorales, mais l’important pour nous,c’est qu’il s’agisse vraiment de musique sacréeet aussi souvent de la musique liturgique, mêmesi nous donnons, nous aussi, régulièrement desconcerts spirituels… Comme nous le ferons àSainte-Clotilde pour notre anniversaire.

Justement venons-en à votre conception de la liturgie…

Nous n’avons rien inventé en ce domaine. Leschants que nous interprétons ont été écrits pour laforme traditionnelle de la liturgie romaine, ce quel’on appelle ordinairement la messe de Saint-PieV. Il suffit de respecter l’harmonie naturelle entreles textes, les musiques et le culte romain, le cultedans sa solennité simple et naturelle, pour que laréussite soit au rendez-vous. Attention pourtant: iln’y a pas de puristes chez nous! L’important c’estque la liturgie puisse allier, dans une véritable har-monie entre le prêtre et les fidèles, le répertoiregrégorien d’une part, que nous avons toujours voulucultiver, la polyphonie d’autre part, et enfin aussile chant de l’assemblée.

Le but d’une chorale liturgique com me la nôtre,c’est de faire prier et pas de se faire plaisir. On peutêtre très éclectique dans le choix des chants, maisil faut respecter une certaine tonalité au cours d’unecérémonie : on ne chante pas Josquin des Prés(XVIè siècle) avec Olivier Messiaen (XXè siècle);on choisit les morceaux selon le temps liturgique,on s’applique à la comprendre et à prononcer le

latin correctement. Bref, il faut que tous puissent sesentir vraiment au service de l’autel!

Pensez-vous que le sort de la musiquesacrée est en train de s’améliorer en cemoment ou estimez-vous au contraireque vous êtes les « derniers desMohicans » ?

Je crois d’abord – et c’est la première signi-fication de cet anniversaire – que nous avonstransmis quelque chose au cours de ces trenteans. Il est très significatif qu’un certain nombrede nos jeunes choristes aujourd’hui se recrutentparmi les enfants des anciens. Au fond, depuis le« laboratoire liturgique » de Port-Marly, avec lechanoine Roussel, il n’y a pas de rupture! Maisle contexte ecclésial a changé. J’entends encorele Chanoine Roussel tonner contre les innova-tions hasardeuses du Centre National de PastoraleLiturgique, le fameux CNPL, qui avait mis encirculation tous ces cantiques médiocres et quisont aujourd’hui surtout très datés. On assistemaintenant à la création d’un nouveau répertoirede cantiques, sur des paroles qui souvent sontbelles, avec des mélodies bien supérieures. Ren-dons hommage à Gérard de Rosny pour son« Chartres sonne » ou « Alléluia, Marie t’appel -le » et chantons son « cantique à Sainte Jeanned’Arc » Il y a encore du travail bien sûr! Mais jesuis optimiste: je crois qu’il y a une séduction duBeau, qui conduit au Christ. A travers cette séduc-

tion, on comprend que la musique sacrée demeu-rera toujours un prodigieux moyen d’apostolat !

Quelques mots du Concert du 10 mars…

Nous interprétons trois grands motets de Cé sarFranck, le Dextera Domini, le Quae est ista et leDomine non secundum. Et cela aura lieu dans l’é-glise où César Franck a été organiste pendant desannées. C’est une belle coïncidence! Nous béné-ficions du concours de l’Ensemble Ins trumentalde Paris avec Christian Ciucca et de solistes dontcertains sont des anciens Petits Chanteurs du PèreMorandi, bien connus des paroissiens de Notre-Dame-des-Armées. Vous pourrez entendre les Septparoles du Christ en Croix du même César Franck.Dans la deuxième partie du concert, nous interprè-terons le Stabat Mater et deux motets de Joseph-Gabriel Rheinberger (1839-1901), qui est un peule pendant germanique de César Franck… Et nousterminerons par l’Adagio d’Albinoni adapté pourles chœurs sous le titre Les Béatitudes, déjà chantéà l’occasion du mariage de ma fille. Dernier « dé -tail » : selon la tradition des concerts spirituels,qu’avait d’ailleurs rappelée Jean Paul II en per-sonne, l’entrée est libre.

Eh bien ! J’y serai… �

Propos recueillis par l’abbé Guillaume de Tanoüarn

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EXPOSITION

E n entrant dans le musée, bel écrin XIXe,la galerie des donateurs nous accueille :26 portraits dessinés par Floc’h, dans ce

style si année 50 qu’il affectionne. On est déjàdans le pastiche et l’hommage, la création et laduplication. Les deux étages de l’exposition nouspromènent ainsi entre le pur trompe-l’œil et uneapproche plus intellectuelle, scientifique ou artis-tique (selon les cas) de la transposition: matièrequi en imite une autre, objet qui cache sa vraiefonction, décor plaqué, franche illusion d’op-tique, répliques « exactes » d’un original, il s’a-git à chaque fois de jouer avec le regard, y com-pris le regard que l’on peut porter aujourd’huisur les choses d’hier.

Certaines salles sont réussies, d’autres lais-sent perplexes : la section consacrée aux galva-noplasties, « copies conformes », est fascinante.Immenses calices d’Europe centrale, cratèresgallo-romains, reliquaires médiévaux, masquesgrecs, tous les musées d’arts décoratifs se lancentau XIXe dans la course encyclopédique à la copie,la maison Christofle étant sous contrat avec l’ins-titution parisienne. L’objectif est de « vulgari-ser, par tous les procédés de reproduction, lestypes anciens ou modernes pouvant servir à gui-der l’artiste et à former le goût du public ».

Traits d’esprit matériels

« Faux-cul », en revanche, ne convainc pas :consacrée aux perruques, corsets, crinolines etautres accessoires féminins, la salle entassequelques exemples sans véritablement expliquer,allant même jusqu’à affirmer: « Les subterfugesdépassent souvent de loin la réalité et s’atta-chent à parfaire dans les moindres détails l’ap-parence. », ce qui est paradoxal. De même lasalle « optique hypnotique » présente des œuv-res intéressantes, anamorphose et praxinoscope,mais le rapport au thème est quand même forcé.

Toute l’exposition, riche de quelque 400objets, oscille ainsi entre la glose alambiquée etune vraie réflexion sur l’apparence et le plaisirqu’on prend à être trompé plus ou moins visible-ment. A une chaise d’aisance de salon, constituéede fausses reliures empilées, répondent de

curieux tapis en linoleum de Pucci de Rossi,peaux d’ours en carrelage ou en parquet. Dans uncas, on ne se doute de rien (et la révélation n’estpas si plaisante), dans l’autre on sourit franche-ment, tant l’artifice est exhibé. Il est certain qu’undesigner qui lance une collection Imposturesvisuelles, comme Christophe Koziel, annonceclairement son intention, son « projet », son plai-sir, et entend nous le faire partager. Quant aubanc Whippet Bench, de Radi design, au profilde lévrier, il séduit immédiatement et ne fait pasillusion un seul instant : demeure le plaisir pourl’artiste d’avoir reconnu, dans la silhouette duchien, celle d’un canapé confortable et d’en avoirfait la démonstration au spectateur, qui estcomme devant un trait d’esprit matériel.

Le linoleum comme étalon

Le linoleum, d’ailleurs, si décrié, ici traitécom me un objet décoratif au même titre que desœuvres de designers plus sérieux, est un bon éta-lon de l’exposition: le goût n’est pas mobilisécomme catégorie esthétique, et c’est bien plutôtl’exploit technique dans la reproduction qui estprisé, ou la juste distance avec le modèle qui estappréciée, ou encore le fait d’assumer la fausseté.Les catalogues de linoleum (proposant des car-pettes imprimées…), les autocollants géants (par-fois fléau de la décoration contemporaine, iciconçus par de bons designers), et surtout lespapiers peints, qui jalonnent toute l’exposition,nous donnent à lire une histoire du regardludique, où parfois l’industrie veut suppléer à lanature (parce que c’est moins cher, parce quec’est plus pratique, parce que c’est beau), où par-fois l’artiste se prend à risquer la comparaison,à pousser le plus loin possible l’illusion (parceque c’est un exploit) ou à s’arrêter au bord dugrotesque.

Il est bien certain que les « véritables objetsd’art en plâtre », les couverts en « acier massif »

et les magasins de farces et attrapes (d’ailleurs absen-tes de l’exposition) participent de la même logique;les moulages en résine de Pompon sont de mêmenature que les galvanoplasties de Christofle.

Manquent les crânes

C’est peut-être un défaut de l’exposition des’être parfois arrêtée au bord du chemin : nulactuelle reproduction de la RMN n’est présente,et certains objets vendus à la boutique du muséedes arts décoratifs, comme les vases de la BoscoCollection d’Andrea Branzi, auraient pu se retrou -ver dans les vitrines. Certains secteurs, commeles fausses fleurs, sont faiblement représentés.Des thématiques entières sont même absentes :aucune pièce anatomique, aucun crâne.

Il est certain qu’il s’agit d’abord et avant toutd’exploiter le fonds du musée, prodigieux entas-sement de tout ce que l’industrie a pu imagineret produire, et qu’on a plaisir à dériver de salleen salle pour admirer cette ingéniosité (suspen-dons aussi tout jugement de goût). De certainespièces se dégage un vrai charme: une ravissanterobe de Léonard des années cinquante, où le col,les revers, les boutons et les poches ne sontqu’imprimés, une gigantesque pomme en grèsémaillé de Hans Hedberg (1992), le sticker Portetypiquement haussmannienne de L’Atelierd’exercices (2 010), des faïences alimentaires(ravissant plat d’asperges ou curieuse terrinecomme un pâté en croute), et le vase Métro, deFukasawa, en porcelaine de Sèvres, qui reprendle motif des carreaux biseautés du métropolitain.On est troublé. On réfléchit. Les conservateursont gagné leur pari. �

Hubert Champrun

Trompe-l’œil. Imitations, pastiches et autresillusions. Musée des arts décoratifs, jusqu’au 15 novembre 2013.http://www.lesartsdecoratifs.fr

Un art aimableTour de force optique, plaisanterievisuelle, recherche d’effets?L’exposition Trompe-l’œil proposeun voyage amusé et curieux aupays des « objets de seconddegré ».

Trompe-l’œil.

Imitations,pasticheset autresillusions

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26 . monde & vie . 3 mars 2012 . n° 856

E lle n’a que 29 ans et vient de publier unlivre étonnant et surprenant de maturité.Avec Enjoy, Solange Bied-Charreton

nous emmène sur les pas de Charles Valérien,un célibataire comme il en existe tant à Paris. Iltravaille dans une société de consultants à la ges-tion avant-gardiste et américaine et loge dans unpetit appartement branché au décor Ikéa. Sur-tout, Charles Valérien vit par procuration sur leréseau Internet ShowYou, qui ressemble étrange-ment au géant mondial Facebook: « ShowYoume demanda une disponibilité exponentielle. Apeine arrivé chez moi, j’allumais l’ordinateur,je dînais devant, j’y restais jusqu’à tomber desommeil (…) L’existence était un miroir danslequel on se réfléchissait sans réfléchir. »

L’auteur, dans ce livre, dénonce l’emprise duvirtuel sur nos vies, mais aussi et de manière plus

large cette génération « Y » sans repères et sansracines, les enfants d’Internet et des téléphonesmobiles, dont la vie se résume à la consultationdes écrans…

Tout le monde surveille tout le monde

Nos confrères du Choc du mois avaientappelé cela le « Tout à l’ego » : un monde dansle quel tout le monde surveille tout le monde, où

les droits et les devoirs s’affichent publiquementdans des espaces qui n’ont rien de personnel.

Une forme de tyrannie perverse du « je » etdu « nous » tout à la fois. Marc Zuckerger, créa-teur de Facebook, disait que, grâce à Internet, lavie privée allait peu à peu disparaître. Enjoy décritcette dérive… et prédit que notre société devrainventer de nouveaux mots pour désigner ce quia été oublié : vivre intensément.

Or, le jeune homme rencontre une jeunefemme idéaliste qui aime la lecture et refuse des’engager sur les réseaux dits sociaux, autant direun non-être pour lui : « Pourquoi ne pas vouloirexister sur Internet? Comment assumait-elle auquotidien les railleries ou la mise à l’écart dansla vie sociale, à la fac, au sein de son groupe?(…) Mes yeux, qui ne voyaient rien, avaient ren-contré ceux d’une fille qui n’existait pas. »

D’une écriture délicate et soignée, acide etcaustique, Solange Bied-Charreton nous surp-rend par son extrême lucidité sur notre époque.Elle déroule avec une facilité déconcertante lestares de notre société à travers un personnageque seul un lien difficile et reconstruit avec lepè re semble sauver. �

Christophe Mahieu

Solange Bied-Charreton, Enjoy, Editions Stock, 238 pages, 18,50 €.

LIVRES

Le tout à l’ego

Quand le virtuel l’emporte surl’essence et le numérique sur laréalité… Une jeune femmeconsacre un roman à notre belaujourd’hui. L’envers de l’écran.

A la rencontre de Tibère

T ibère fait partie des grandes victimesde la postérité. Condamné par Taciteet Suétone, il a souffert tout au long

de son existence de l’ombre du grand Auguste.L’historien Emmanuel Lyasse lui consacre unebiographie dont l’objet n’est pas tant de jugerou de réhabiliter le personnage que de le com-prendre. Tibère, dans l’histoire du principat, faitfigure d’éternel second. Il semble en avoir cons-cience et ses exils à répétition, son gouverne-ment à distance révèlent une forme d’incapa-cité à accepter la charge du pouvoir. Mais,paradoxalement, il renforce le principat et metfin définitivement à la République qui, dans lessou venirs des contemporains, apparaît commeune période d’anarchie et de guerre civile.Inscrire le régime dans la durée constitue ainsile seul élément positif d’un règne sans con -quête, sans grande construction et qui préfèrel’immobilisme aux risques du changement etde l’initiative. Les seules innovations du règne

sont institutionnelles et visent à « affermir lamonarchie, prendre du recul par rapport aux usa-ges de l’ancien régime. On comprend donc qu’el-les n’aient pas contribué à la popularité de Tibèreauprès d’un public résigné au gouvernement d’unseul, mais attaché aux anciennes traditions. »

Au-delà de ce bilan, l’auteur nous permet derevivre la réalité d’une époque: le rôle des fa -milles dans les alliances, l’importance du mondemilitaire, la place du religieux dans la vie quoti -dienne…

Pour les passionnés d’histoire, cette bio-graphie révélera aussi la difficulté de la recher-che face à la pauvreté des sources.

Emanuel Lyas se revêt les habits de l’enquê-teur et, face à l’interrogation, émet des hypothè -ses pour expliquer les événements. Telle estparfois la frustration du chercheur mais aussi saraison d’être : délier l’écheveau et tenter d’ef-fleurer des certitudes. �

Ch. M.

Emmanuel Lyasse, Tibère, Tallandier, 303 pages, 19,90 €.

Recommandez-vous de Monde et Vie la direction

des Ronchons se fera une joie de vous offrir un apéritif.

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monde & vie . 27 août 2011 . n° 847 . 27

� Trois BD en plein ciel

C ela fait plusieurs années que la bande-dessinée d’aviation est de retour sur les

présentoirs. A cet égard, Le pilote à l’Edelweiss,nouvelle série publiée chez l’éditeur Paquetdans la collection Cockpit, constitue un modèledu genre. L’histoire nous transporte pendantla Grande Guerre. Elle évoque le destin dedeux frères pilotes: l’un estmuté dans les chars tandisque l’autre s’engage dansun duel avec un pilote alle-mand chevronné dont l’a-vion est marqué par la cé -lèbre étoile d’argent. Ledes sin et les couleurs sontd’une perfection rare dansle monde de la bande des-sinée. On regrette néan-moins que les auteurs (Hu -gault et Yann) se sentent obligés d’ajouter uneplanche plus ou moins pornographique… Leséditeurs gagneraient auprès du jeune public àne pas tomber dans ce travers qui freine lesp arents à l’achat.

Dans un tout autre registre, Centaures nousemmène dans la France contemporaine, celle deSarkozy: afin de faire face à une crise sécession-niste des îles Amandines, au sud de la Réunion,le président envoie le porte-avion Charles-De-Gaulle. Tous les ingrédients du polar politique etmilitaire sont réunis et il fau dra attendre ledeuxième tome pour que l’histoire, parfois obs-cure, se dénoue. Pour ac complir leur œuvre, lescénariste, Emmanuel Herzet, et le dessinateur,Eric Loutte, ont passé plusieurs jours à borddu fameux bâtiment et sur la base aérienne deLandiviziau, au nord-est de Brest. Le résultatest époustouflant. Le dessin des Rafales, toutcomme la plupart des engins volants ou flot-tants, est criant de réa lis me. L’histoire rend aussiun bel hommage aux militaires français. L’albumest d’ailleurs dé dié au capitaine de Frégate Fran-çois Duflot, pilote qui s’est crashé au cours d’unexercice en septembre 2009.

Enfin, pour être complet, signalons que leséditions Hachette rééditent l’intégrale de BuckDanny à un prix défiant toute concurrence danstous les kiosques de France et de Navarre. �

Christophe Mahieu

Hugault & Yann, Le Pilote à l’Edelweiss, Tome I : Valentine, Paquet, 13,50 €.E. Loutte & E. Herzet, Centaures, Tome I :Crisis, Le Lombard, 12 €.Retrouvez Buck Danny surhttp://www.hachette-collections.com, 6,99 € chaque tome.

Bandes Dessinées

monde & vie . 3 mars 2012 . n° 856 . 27

duire réellement des héros – un destin qui n’estjamais choisi et ne mène que rarement au bon-heur. Car à quoi sert aujourd’hui d’être unhomme, et plus encore un super-homme? Amerconstat que font les personnages : le véritableennemi, c’est la société d’aujourd’hui, sonégoïsme, son manque de repères, ce sont lesautres, ce sont nos pairs, c’est nous-même.

Indépendamment de l’histoire, bien me -née, avec son lot de bonnes trouvailles (lespremiers essais de vol, les blagues potachesau supermarché, les confidences à la caméra),Chronicle est presque un film moral sur lafail lite du modèle américain, le difficile ap -prentissage du bien, la nécessité d’être guidé,le danger d’une liberté sans frein, la vanité dese croire à soi-même sa propre mesure. Uneclé de lecture qui n’est pas si absurde (ce filmde divertissement entend plus faire réfléchirque divertir), surtout si l’on écoute les per-sonnages : le film commence à peine que l’und’entre eux cite Schopenhauer et sa volontéde puissance avant de reprocher bien plustard à son camarade son hubris (absurdementtraduit par Narcisse dans les sous-titres),audace déréglée, fierté aveuglée, fureurincontrôlée (toutes choses qui adviendront eneffet). On imagine mal un film pour adosfrançais en faire autant.

Chronicle, de Josh Trank. Intéressant, déroutant.

Et aussi quelques films dont on ne connaîtpas les acteurs, ce qui accentue agréablementl’effet de réel, avec à chaque fois des enfan-ces malheureuses :

El Chino, de Sebastián Borensztein.

R oberto est un quincailler argentin grognon.Généreux comme tous les misanthropes,

il prend sous son aile un Chinois égaré à Bue-nos Aires. L’odyssée du samaritain énervé flan-qué de son protégé incompréhensible (il ne parleque chinois, sans sous-titre) est un petit bijoude finesse.

La Désintégration, de Philippe Faucon.

C ’est le Nord, c’est la banlieue, c’est sinis-tre. Les islamistes profitent du malaise

installé par les politiques de tous poils et de tousbords pour recruter des rebelles sans cause. LaDésintégration avance comme un film de Mel-ville, dépouillé, avec de brefs éclats, jusqu’à saconclusion macabre. Une vision impression-nante. �

Chronicle : le difficile apprentissage du bien

C hronicle, de Josh Trank, est déroutant àplus d’un titre. Certes, c’est un film d’a-

dolescents, le passage à l’âge adulte étant icitraité rituellement sous forme de crise, avec uneoriginalité: les trois protagonistes se découvrentdes superpouvoirs. Une façon bien américained’installer une métaphore riche en possibilitésnarratives tout en inscrivant le discours dans unquotidien immédiatement identifiable. Mais au-delà de la mécanique (le scénario est convenable-ment bâti), le film ne sacrifie pas vraiment auxrègles du genre: film d’adolescents, Chronicle neverse pas dans la gaudriole; film de super-héros,il insiste sur les difficultés de l’apprentissage etsur l’échec; film à effets spéciaux, il choisit uneapproche naturaliste, sans grandiloquence. Bref,on est loin des exploits à la X-Men et Transfor-mers. Le réalisateur tire même un effet supplé-mentaire de sa volonté réaliste (l’histoire se pré-sentant comme des extraits vidéos filmés par leshéros eux-mêmes) en présentant les scènes lesplus compliquées via d’autres écrans (caméras desurveillance, téléviseurs…), bonne astuce pourcacher la misère.

L’ennemi, c’est nous-même

La bonne idée du scénario est d’imaginer« ce qui se passerait pour de vrai si on se décou-vrait des superpouvoirs alors qu’on est encore aulycée ». Ce jeu avec les codes n’est pas sans rap-peler Kick-Ass, et son approche très réaliste etburlesque du super-héros à la Batman (le rebellemoral, armé et dangereux). Là, on vise plutôtSuperman : mais l’action se situe à Seattle auXXIe siècle, pas à Smallville, dans le Kansas,dans les années cinquante. Autrement dit, lesparents sont divorcés ou cancéreux, les voyousomniprésents, les jeunes abrutis ou méfiants,l’Amérique est en crise. Chronicle raconte cer-tes l’apprentissage de l’âge adulte, mais il sou-ligne surtout l’incapacité de l’Amérique à pro-

Cinéma

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Les mémoiresd’un rouleau de PQ

Q uels points communs y a-t-il entre Lech a grin de Lionel Duroy et Rien nes’oppose à la nuit de Delphine de Vi -

gan?On les trouve sur les tables de chevet des mé -

nagères de moins de 50 ans, toutes CSP confon-dues, qui s’essuient le coin de l’œil de leur klee-nex en boule, le soir, en lisant avec gourmandiseun chapitre.

Ils procèdent l’un et l’autre de « l’auto fiction »,genre littéraire moderne mélangeant passé et pré-sent, vrais souvenirs et fausses impressions, arrêtsur image et flou artistique, dans une sorte d’au-tobiographie « libre » qui refuserait de se soumet-tre à la rigueur des faits. Les deux auteurs se re -gardent écrire et intercalent périodiquement leursrécits de retours soudains sur la souffrance de laproduction littéraire et leur douleur physique àaccoucher de leur œuvre.

Les deux livres s’étendent sur deux généra-tions de familles françaises nombreuses de droite(de la fin de la dernière guerre à nos jours), aveccette idée en filigrane que les turpitudes doulou-reuses des enfants seraient expliquées et excuséespar celles, insidieuses et hypocrites, de leursparents. Tous les deux débutent comme Treize àla douzaine, dans le charme doux et suranné des

culottes courtes et des socquettes blanches, pourvirer rapidement au psychodrame feutré mau-riacien, puis enfin à la décrépitude façon Houel-lebecq.

On ne niera pas une vraie qualité de plumedes deux auteurs, non plus qu’un certain intérêtà leurs histoires qui ouvrent une vraie interroga-tion: Comment, en 50 ans, peut-on passer de Lafamille aux petits oignons aux Particules élé-mentaires? Si Duroy, (pas journaliste de Libépour rien), fonce tête baissée pour agiter le spec-tre de la collaboration, péché originel dont décou-lent tous les autres, alpha et omega, comme cha-

cun le sait, de la vilénie de ce monde, Vigan nese laisse pas aller à une analyse aussi facile. L’ex-plication d’une telle descente aux enfers est àchercher ailleurs, à l’appréciation du lecteur. (Tié-deur, par exemple, puis disparition d’une reli-gion de façade incapable de résister au tsunamiMai 68?).

Mais au-delà de leur propre contenu, ils sontsurtout emblématiques du virage résolument« trash » pris par la littérature française et peut-être même occidentale (cf. le succès du très noirMillenium), ces dernières années. Comme si lasociété ne pouvait plus être vue que par le troude la serrure des cabinets un jour d’épidémie degastro. Comme si, à s’être convaincu que l’onne faisait pas de littérature avec de bons senti-ments, on finissait par s’embourber dans unetourbe si résolument réaliste – à côté de laquelleGerminal fait figure de Pauvre Blaise – qu’elleen devient à la longue improbable (même s’ilfaut reconnaître à l’œuvre de Delphine de Vigan,moins « militante » que celle de Duroy, quelqueslucarnes d’espérance : amour fraternel, senti-ments maternels, accueil de l’enfant trisomique).

L’appétence des femmes, (Le chagrin a reçule prix Marie-Claire du « roman d’émotion »),mais aussi des adolescents, (Rien ne s’oppose àla nuit a été couronné, lui, par le prix Renaudotdes lycéens) pour un tel catalogue de haine, derancœur, d’adultère, d’inceste, de suicides, dedépressions, d’avortements et autres joyeusetés,en dit-il long sur le moral des unes et des autres?Bonjour tristesse. �

Vie de Famille par Gabrielle Cluzel (http://gabrielle-cluzel.fr) Quand les évêques on

Lecture

Cyprien ne doute de rien,Hugo risque gros

C es deux-là, tous les moins de 20 ans lesconnaissent. Leurs vidéos – trois ouqua tre minutes de sketch filmées arti-

sanalement sur fond de chambre d’ado ou destu dio d’étudiant en désordre – s’arrachent surFacebook et Youtube entre deux révisions dubac ou de partiels de fac. Guère plus âgés queleur fan club, ces Gad Elmaleh du pauvre – la toi -le est leur Zénith à eux –, experts de l’autodé-rision, font hurler de rire toute une générationsans (toujours) tomber dans la facilité de la van -ne salace.

Mais la divine surprise est ailleurs, inespéréepour une classe d’âge qui a tété au biberon lejus du politiquement correct et que d’aucunscroyaient avoir définitivement ficelée. Parce qu’ilssont de vrais humoristes, donc à l’affût de tous

les ridicules du temps, et parce qu’étant toutjeunes, ils ne répugnent pas à un peu de provo-ca tion envers l’ordre établi, « Cyprien » et « Hugotout seuls » ébranlent les dogmes et jouent mê -me dangereusement avec le feu.

Cyprien, dans son sketch « Avant c’étaitmieux », le dit littéralement: « C’était mieux avant,quand on payait en francs », évoquant dans unepetite scénette hilarante la formidable escro-querie de l’euro, symbolisée par l’inflation expo-nentielle du prix de la baguette.

« Hugo tout seul », lui, dans « J’ai toujours vouluêtre noir », ose quelques messages risqués: « Je nesais pas pourquoi, depuis que je suis tout petit, j’ai tou-jours eu le sentiment qu’être blanc, c’était la loose…Enfin, si, je sais pourquoi : c’est d’abord à cause de latélé et du cinéma: tu prends les duos noirs-blancs, le“renoi”, c’est toujours le mec le plus cool (…)» ouencore « Sans déconner, aujourd’hui t’as pas trop,trop le droit d’être fier d’être blanc: par exemple “M6black”, personne n’est choqué, on est d’accord. Mais“ M6 white”, (“du son blanc, fait par des blancs, pourdes blancs! ” euhhh… Je ne sais pas si ça passeraitaussi bien… ». Et plus loin: « La preuve qu’il y a

quand même un problème: Vous voyez ça, “Je suis fierd’être noir!”vous pensez mélange culturel, avenir, Oba -ma, et quand vous voyez ça, “Je suis fier d’être blanc!”vous pensez: cet homme est un gros connard qui voteLe Pen! Raciste! On va te tuer ta mère! ».

Comme disait l’autre, on peut rire de toutmais pas avec n’importe qui. Attention les p’titsenfants, à trop vous amuser avec la ligne rouge,vous risquez la fessée. �

Humoristes

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es ont des courages de femmes, il faut que les femmes aient des courages d’évêques. Jacqueline Pascal

Choisir un prénom

U n prénom peut être un handicap pour lavie. La justice vient d’interdire à desparents d’appeler leur fils Titeuf, au

motif que ce héros de BD pourrait porter préjudiceà l’enfant et lui attirer les moqueries de par sa per-sonnalité de « garnement pas très malin dont lesprincipales préoccupations concernent les rela-tions avec les filles et le sexe ». En toute logique, ildevrait donc être également impossible de prénom-mer son enfant DSK. Qui donc, de toutes façons,pourrait avoir une idée si saugrenue, dites-vous?Ben tiens, certains ont bien baptisé leur enfant Sar-kozy. Mais parfaitement, c’est le petit prénom char-mant choisi le mois dernier pour leur fils par desparents en Arménie, afin de rendre hommage à celuiqui a fait la loi pénalisant d’un an de prison et de4500 euros d’amende la négation du génocide armé-nien de 1915. La grand-mère du petit Sarkozy Ave-tissian souhaite à son petit-fils de devenir « Unhomme aussi courageux et juste » (sic).

Comme quoi, les goûts et les couleurs… C’estce qui ressort d’un reportage intitulé Baby-boom,(diffusé il y a quelques jours sur NT1) sur la mater-nité de Poissy, qui draine, de par sa localisation,aus si bien les populations chics de Saint-Germain-en-Laye que celles des banlieues chaudes des Yve-lines.

Regard croisé sur une famille turque et unefamille catho. Cette dernière livre le choix de ses pré-noms juste avant la naissance de ses jumeaux :« Tancrède et Madeleine ». Cela fleure bon la che-valerie et la Comtesse de Ségur. La sage-femmeprend note et ne dit rien, mais n’en pense pas moins.Sitôt sortie dans le couloir, on la voit s’esbaudir etfaire la grimace: « Tancrède, ça sort d’où ce pré-nom? », et sa copine de pouffer de rire derrière samain: « Et Madeleine, alors!!! ». Sur le palier, mê -me les aides-soignantes y vont de leur couplet: « Ilparaît que les frères et sœur s’appellent Enguer-rand, Marguerite et Théophile! ». Le journalisteprend même le temps d’interroger le grand frèresur les inconvénients de porter un « prénommoche », et notamment celui d’avoir, à l’âge adulte,des difficultés à trouver du travail.

Dans la salle d’à côté, un autre accouchementest imminent. Un maçon turc jovial et terriblementprolixe – il est vrai qu’il parle pour deux car sonépou se, explique-t-il, arrivée en 1998, ne connaîttoujours pas la langue française – épelle obligeam-ment: « Notre fille s’appellera Murvvet, comme sagrand-mère. Avec deux v. » Cette fois, la caméra nefilme aucun commentaire. La sage femme griffonnedocilement son dossier sans faire l’ombre d’uneremarque et, dans le couloir, personne ne s’étonne.

Tout est normal. Comme s’il était entendu dans laFrance de 2012 que le prénom de Madeleine étaitun handicap plus lourd à porter que celui de Murv-vett. C’est la Comtesse de Ségur qui serait bienétonnée. �

Le carême de Carla

P our Carla aussi, le carême a déjà commen -cé. Cette année, il s’appelle campagneélectorale et il va falloir se serrer la cein-

ture, jeûne et abstinence. C’est que la crise est là,madame.

Au gouvernement, Carla n’a plus vraiment uneseule copine avec laquelle rigoler un peu. Son marivient de rappeler fissa Emmanuelle Mignon, quiavait supervisé son programme de candidat en 2007.Emmanuelle 2, donc. Sauf que cette première declasse au physique de grand cheval ne tient pas plusles promesses de son prénom que de son nom.Aucun risque de la retrouver alanguie dans un grandfauteuil en osier, elle est là pour se retrousser lesmanches. Marie-France Garaud devrait d’ailleurslisser son chignon et tirer sur sa jupe en tweed, à cetrain là, elle devrait être rappelée très prochaine-ment à l’Elysée pour faire un peu de figuration.

Même les sémillantes évaporées de début deman dat comme Rachida ont reçu la consigne deprendre leur carte de fidélité Kiabi, depuis queMarie-Claire a révélé que la garde-robe « classemoyenne » de Marine Le Pen contribuait peut êtreà son succès. Certains disent même que Séguéla aprofité des soldes pour s’offrir une Swatch.

Cette boulette, en plus, d’avoir appelé sa filleGuilia, qui vous a des relents berlusconiens! Pour-quoi pas Artémis ou Cassandra, tant qu’on y était,dans le genre porte-poisse.

Quitte à faire le choix d’un prénom exotique,Carla se mord les doigts bien sûr de ne pas avoir optépour Angela, ou mieux encore pour Margareth,comme cette économe fille d’épicier qui éteignaitla lumière en quittant les pièces du 10 Downingstreet et à laquelle son père avait appris à retournerles enveloppes pour qu’elles puissent servir unedeuxième fois.

Alors Carla s’ennuie et, forcément, regarde la té -lé. Il paraît qu’elle ne rate pas un seul épisode dePlus belle la vie, (si ça, ce n’est pas un vrai effortde carême), et Le bonheur est dans le pré… Ne pasoublier que le salon de l’agriculture est là, et queMonsieur Bruni en arpente actuellement les allées.Car il faut reconnaître d’ores et déjà à Nicolas Sar-kozy une grande victoire électorale: cette fois, il aconvaincu son épouse, une prouesse qu’il n’avait pasréussie en 2007. Pas mal, non? Carla va même jus-qu’à confier qu’elle trouve les idées de son mari« fabuleuses » (sic), ce que personne ne contestera.Reste à savoir combien de Français croient encoreaux dites fables. �

Société

Le Vin estune fête

Fiefs Vendéens

Voilà une des bonnes surprises desvacances ! Partis en Loire-Atlantique

nous avions décidé de ne boire que des vinsnaturels des Pays de La Loire : Muscadet,Bourgueil, Anjou, et même la Vendée.

Quelle surprise que cette bouteille FiefsVendéens de Thierry Michon. Souple et fraisen bouche, la finale est ferme, solide. Etour-dissant pour un vin de Vendée!

Les vins de Thierry Michon sont nonseulement bons et cultivés en bio-dynamie,mais ils ont aussi une belle histoire : ledomaine est situé à L’Ile d’Olonne en Ven-dée, proche de l’océan. C’est un ancienvignoble disparu, que la famille Michon arecréé depuis 1960, au moment où beau-coup d’agriculteurs et viticulteurs pariantsur le tourisme de masse bradaient leursterres aux collectivités pour qu’elles en fas-sent des campings et autres centres de loi-sirs. Quel gâchis, quel dommage, quand onregarde la situation géographique exception-nelle de ces terres qui bénéficient d’unmicroclimat mer forêt et marais idéal pourle vin ! �

Elise CanavesioCuvée : Jacques 2005.Cépage : Pinot noir 85 %, âge moyen 15 à25 ans, planté sur sol schisteux. Cabernetfranc 15 %, âge 10 à 15 ans sur sol argileux.Terroir : légers coteaux exposés sud-ouest, culture bio-dynamique depuis 1995,labour, binage mécanique et manuel, traite-ment vigne soufre, bouillie bordelaise, tisa-nes (ortie, prêle…)Contact : Domaine St Nicolas, 11 rue des Vallées – 85470 Brem Sur Mer.Tél : 0251331304.www.domainesaintnicolas.com

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Il faut je ne veux pasTextes d’Alfred de Musset : Il fautqu’une porte soit ouverte ou fermée,et de Jean-Marie Besset : Je ne veuxpas me marier. Mise en scène deJean-Marie Besset, avec BlancheLeleu, Chloé Olivères, Adrien Melin

M usset et sa marquise trentenaire, aima-ble veuve courtisée par un comte cou-

reur de jupons de qualité, qu’elle tance et ser-monne, tant elle est éprise de vérité plus que devertu. Plus d’un siècle et demi plus tard, unejeu ne femme en robe sexy, au verbe jolimentagressif, professeur de maths, enceinte d’unbrillant financier se demande (et lui demande)la veille de leur mariage à quoi il va rimer et dequoi il va véritablement accoucher.

Cette confrontation-duo Musset-Bessetn’est que drôlerie, finesse et élégance. AdrienMelin est successivement le partenaire de Blan-che Leleu marquise fragile, et de Chloé Olivè-res enseignante à la présence et à la voixtoniques. Ce spectacle fignolé et de qualité sedonne dans un théâtre qui n’accueille que devraies œuvres.Théâtre de l’Œuvre, du mardi au samedi à21 heures, matinées samedi à 18h 30 etdimanche à 15h 30. Réservations : 08 92 70 77 05 et www.theatredeloeuvre.fr.

Noces, fantaisies nuptiales pour qua-tre acteurs, un coup de foudre, uneautruche, un tank et une bananeTextes de Laurent Contamin,Benoît Szakow, Carlotta Clerici,Roland Fichet, Dominique Wit-torski, Luc Tartar et Carole Thi-baut. Mise en scène de Gil Bouras-seau et Cécile Tournesol. Avec EricChantelauze, Ludovic Pinette, Annede Rocquigny et Cécile Tournesol

D eux hommes, l’un grand et svelte, unautre qui l’est moins et un brin chauve.

Deux femmes : l’une petite, chouchoute blondetrès véhémente, l’autre plus grande, brune auxcheveux courts et qui se voudrait hiératique.Quatre comédiens sidérants dans un décor-prétexte qui n’en est presque pas un. Méli-mélogaguesque, textes dérangeants, surréalistes,ubuesques, donc réalistes, cruels, attendrissantsou les deux. Bruitages et effets sonores rigolos,perturbants, musiques d’ambiance(s), airsconnus, le grotesque et la caricature (sansméchanceté cependant) sont de la partie. Uneéquipe détonante de noceurs affriolants quifont hurler la salle d’un jeune et joli rire. Unecas cade de sketches irracontables.Théâtre de Belleville, jusqu’au 8 avril, du mardi au samedi à 21 heures, dimanche à 17 heures ; réservations : 01 48 06 72 34.

ThéâtreThéâtre Marie Ordinis

http://marieordinis.blogspot.com

S i les Britanniques sont d’inlassables défen-seurs de la musique française, on ne peut

mal heureusement en dire autant des Français àl’égard de la musique anglaise, méconnue, igno-rée, voire méprisée dans notre pays. Exactcontemporain de Debussy, Frederick Delius est,au même titre qu’un Elgar ou un Vaughan-Wil -liams, victime de ce préjugé. La commémorationdu cent-cinquantième anniversaire de sa naissan -ce sera-t-elle l’occasion de mieux le faire con -naître? On peut en douter, alors même qu’il avaitchoisi la France comme patrie d’adoption dès1888.

En effet, né de parents allemands le 29 jan-vier 1862 à Bradford, dans le Yorkshire, et mortle 10 juin 1934 à Grez-sur-Loing, Delius ne vécutqu’une vingtaine d’années en Angleterre. Sonpère, riche industriel de la laine, l’envoie au dé -but des années 1880 diriger une orangeraie enFloride. Mais le jeune Frederick marque bienpeu d’intérêt pour la culture des agrumes et laisserapidement le soin de la plantation à son compa-gnon de voyage pour se consacrer à la musique.Ayant étudié le violon et la piano en Angleterre,il parfait sa formation auprès d’un organiste quilui enseigne les bases de l’harmonie et du contre-point. En 1886, il reçoit l’agrément paternel pours’inscrire au conservatoire de Leipzig. Il y pas-sera deux années décisives, de par les rencont-res qu’il y fait et les concerts auxquels il assiste.Il se lie d’amitié avec son condisciple, le Norvé-gien Edvard Grieg, qui l’initie à la culture scan-dinave, et découvre les opéras de Wagner. Il ycom pose ses premières œuvres, des mélodiessur des poèmes d’Andersen et de Bjornson, et sapremière œuvre orchestrale, Florida Suite.

Sur les conseils de Grieg, il s’installe à Parisen 1888. Dès lors, hormis de fréquents séjoursestivaux en Norvège, il vivra en France. C’est àParis qu’il rencontre sa future épouse, la peintreallemande impressionniste Jelka Rosen. Aprèsleur mariage en 1897, ils s’installent ensembledans la maison qu’elle possède en Seine-et-Mar -ne, dans le village de Grez-sur-Loing, refuge deplusieurs impressionnistes. Ils y vivront jusqu’àleur mort, Jelka ne survivant que de quel quesmois à son mari. Delius se lie d’amitié avec PaulGauguin (auquel il achètera le tableau Never-more, que des soucis financiers l’obligent àrevendre en 1920), et avec le peintre expression-niste norvégien Edvard Munch. La carrière musi-cale de Delius sera longue à démarrer, et c’estl’Allemagne, non la France et l’Angleterre, quisera terre d’accueil pour sa musique, ses opérasen particulier. Ses deux premières œuvreslyriques (Irmelin et The Magic Fountain) ne se -ront créées que longtemps après sa mort. Koan -ga, composé en 1896/97, sera créé à Elberfelden 1904 ; A Village Romeo and Juliet (1 897/1901), à Berlin en 1907; Fennimore and Gerda

(1911), à Francfort en 1919. Aucune de ces œu-vres n’a, à ce jour, été représentée sur une scènefrançaise, alors qu’elles font l’objet de produc-tions régulières en Allemagne et en Angleterre.

Le catalogue des œuvres de Delius est vaste,embrassant quasiment tous les genres, avec uneprédilection pour les œuvres symphoniques etvocales, qui rassemblent ses meilleures compo-sitions. Sa science orchestrale, qui fit l’admira-tion de nombreux compositeurs et critiques, etl’originalité de son écriture harmonique, le firenthâtivement considérer (tout comme Debussy)comme un compositeur impressionniste. Cettequalification résiste mal à l’analyse, et c’est plu-tôt de symbolisme qu’il faudrait parler au sujetde sa musique. Influencé par Nietzche (dont il fitune adaptation musicale du Zarathoustra dansune de ses œuvres majeures, A Mass of life(1905), par les écrivains symbolistes scandina-ves Ibsen (dont il mit le poème Sur les cimes enmu sique, d’abord sous forme de mélodrame puisde poème symphonique) et Jacobsen (dont leroman La vie de Niels Lyhne lui fournit la matièrede Fennimore and Gerda), c’est bien dans l’uni-vers intellectuel du symbolisme que se trouventles clefs de compréhension de son œuvre dontl’essentiel a été composé avant la fin de la Pre-mière Guerre mondiale, la maladie ayant pro-gressivement raison de ses facultés créatrices àpartir des années vingt.

A l’occasion du 150e anniversaire de sa nais-san ce, EMI publie une excellente édition Deliusen 18 disques, regroupant, dans les meilleuresinterprétations, toutes les œuvres importantesdu compositeur dans les domaines lyrique, vocal,symphonique, concertant ou de musique dechambre. Le public français, qui a peu d’occa-sion d’entendre Delius en concert, trouvera làle meilleur de l’art du compositeur. Une antho-logie plus sélective (en 5 cd) est disponible chezle même éditeur sous la direction de ThomasBeecham (voir Monde & Vie n° 840). �

Delius, l’Anglais de Grez-sur-Loing

MusiqueMusique Vincent Mainart http://lalyredorphee.hautetfort.com

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� Mardi 8 mai : Paris-Tel AvivVoyage en car vers la Jordanie – Pétra

� Mercredi 9 mai : Visite de Pétra200 ans de la découverte de Pétra !

� Jeudi 10 mai : Bethamy, lieu probable du Baptême du Christ, le Mont Nebo, Madaba– Route vers Nazareth

� Vendredi 11 mai : Césarée Maritime – Le Mont Carmel– St Jean d’Acre

� Samedi 12 mai : Nazareth – Le Lac de Tibériade

� Dimanche 13 mai : Cana – Le Mont Thabor – Le Puits de Jacob

� Lundi 14 mai : Ein Karem, lieu de la Visitation – Béthléem

� Mardi 15 mai : Jéricho, Monastère de la Ten-tation – Qumran et les manuscrits de la Bible– Béthanie, tombeau de Lazare – Jérusalem

� Mercredi 16 mai : Jérusalem, la Vieille Ville– Procession des Latins au Saint Sépulcre –Visite de l’Ecole Biblique de Jérusalem

� Jeudi 17 mai : Jérusalem, le Mont Sion et le Mont des Oliviers– Heure d’adoration à Gethsemani

� Vendredi 18 mai : Jérusalem, le Saint Sépulcre– Chemin de Croix médité sur la Via Dolorosa

� Samedi 19 mai : Jérusalem – Emmaus AbuGosh – Vol retour Tel Aviv-Paris

monde & vie . 3 mars 2012 . n° 856 . 31

M&Vie publie gracieusement les annonces des manifestations, aussi bien en province qu’à Paris, qui parviennent àla rédaction, au plus tard, le jeudi de la semaine précédant la date de parution (page 3).

Les infos [email protected]

Les Exercices spirituels de Saint Ignace… à domicile !

Saint Ignace a écrit sesExercices spirituels pour qu’onpuisse les faire chez soi, pasforcément au cours d’uneretraite fermée.Pour la première fois, le CentreSaint-Paul organise des« Exercices spirituels dejour » : cinq soirées de 18 h 15à 21 h 30 au Centre Saint Pauldu lundi 26 mars au vendredi30 mars, suivantscrupuleusement le programmefixé par saint Ignace. Un dîner amical, le 30 mars ausoir clôturera ces Exercices.

Inscription : 50 euros tout compris

à renvoyer au :12 rue Saint-Joseph

75 002 Paris

La seule chose qui estdemandée à ceux qui, baptisésou non, souhaitent suivre cesExercices, c’est de venir lescinq jours et d’être à l’heure !

Prédicateurs : Abbé G. de Tanoüarn

Abbé Vincent Baumann

Partez en Terre Sainte et Jordanie avec M. l’abbé Clément DARMET, de la Fraternité Saint-Pierre !

Du 8 au 19 mai 2012

Demandez le programme détaillé en vous adressant à :l’agence ODEIA :

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Page 32: Monde & Vie n° 856

M&V: Christian Vanneste, pouvez-vous rappeler les faits qui vous ont valu d’être au centre d’une nouvelle polémique?Christian Vanneste : le site Internet catho-

lique Liberté politique a mis en ligne une vidéodans laquelle j’abordais deux sujets : d’une part,ma proposition de loi visant à lutter contre lapornographie sur Internet, à laquelle les mineursont trop facilement accès; et d’autre part, le ma -riage entre personnes de même sexe. J’y expli-quais pourquoi les sondages montrent une évo-lution de l’opinion publique en faveur de ce typed’union et j’en créditais la puissance médiatiquedu lobby « gay », qui désinforme les Français. Jeprenais pour exemple la déportation des homo-sexuels, en précisant qu’elle a existé en Allema-gne, mais pas en France, sauf dans les trois dépar-tements d’Alsace-Lorraine-Moselle alorsrat tachés au Reich. Pourtant, beaucoup de nosconcitoyens sont convaincus du con traire. J’airapporté ces faits pour étayer mes propos, sansporter de jugement de valeur.

Cette vidéo était en ligne depuis plusieursjours lorsqu’elle a été communiquée à Europe 1– comme par hasard, la veille du jour où Nico-las Sarkozy allait présenter sa candidature… Cematin-là, j’étais aux funérailles d’un ami cher.

En sortant de la messe, j’ai trouvé sur montéléphone mobile de nombreux messages de jour-naux, m’informant des sévères condamnationsémises à mon encontre par la presque totalitédes responsables UMP, un grand nombre deministres et même mes amis de la droite popu-laire. Ces condamnations reposaient sur uneinformation inexacte – probablement diffuséepar le lobby homosexuel interne à l’UMP, Gay-lib –, selon laquelle j’aurais nié la déportationdes homosexuels, ce que j’ai rectifié l’après-midimême par un communiqué. Alors que la polé-mique enflait, Serge Klarsfeld a confirmé mesdires, ce qui aurait dû la dégonfler; cependant, lesoir-même, le président de la République enfon-çait le clou en m’accusant d’homophobie. J’avaispourtant adressé à l’Elysée – manifestement sansrésultat – un communiqué dans lequel je condam-

nais évidemment la déportation et rappelais que,si je suis résolument hostile à l’institutionnalisa-tion du comportement homosexuel, je n’éprouveaucune animosité à l’encontre des personnes.

Quelle est votre position à l’égard du mariage homosexuel?Elle est claire et n’a jamais varié. La vie

sexuelle ressort de la sphère privée, pas de lasphère politique. Dans l’intimité, chacun fait cequ’il veut; en revanche, je suis opposé au mariagede personnes de même sexe, à l’adoption par leshomosexuels, au Pacs et même à ce que des avan-tages fiscaux soient octroyés aux pacsés au mêmetitre qu’aux mariés. L’intérêt de l’Etat veut queles gens fondent des familles stables, aient desenfants et les élèvent. Il est donc socialement né -faste de supprimer un avantage fiscal pour lesjeu nes mariés, comme on vient de le faire, pouréquilibrer les avantages fiscaux des pacsés – quisont d’ailleurs à 96 % des hétérosexuels : on acassé le mariage, belle réussite!

Comment définissez-vous le lobbyhomosexuel au sein de l’UMP et quels sont ses contours?Historiquement, Gaylib est issu de la mou-

vance libérale de l’UMP, c’est-à-dire de l’ancienParti Républicain, devenu Démocratie Libérale.Il résulte de la dérive du libéralisme français tra-

ditionnel vers les libertariens américains : parmimétisme avec ce qui se passait Outre-Atlan-tique, Gaylib s’est constitué com me un groupe depression proche de Démocratie Libérale, puiss’est lové au sein de l’UMP pour influencer sesidées et l’évolution de la lé gislature. Lors de lacréation de la Halde, par exem ple, le lobby aexercé une très forte pression pour que la notiond’orientation sexuelle soit introduite parmi lesmotifs d’intervention de la nouvelle institution.

Pour ma part, je trouve incongru qu’il existe,à l’intérieur de l’UMP, une formation en contra-diction manifeste avec les valeurs défendues parce parti. La première contradiction, c’est un com-munautarisme fondé sur une orientation sexuelle,alors que l’UMP est attachée à l’unité de la Répu-blique. La deuxième, c’est l’intolérance de celob by, qui interdit toute réflexion critique le con -cernant. La troisième et la plus contestable, c’estle népotisme et l’entrisme qui lui ont permisd’oc cuper par cooptation de nombreux postesstratégiques au sein du parti et d’acquérir un pou-voir exorbitant.

Comment se manifeste ce pouvoir?En démocratie, on peut avoir des opinions

divergentes et en débattre. Mais le débat est àsens unique si l’on ne peut pas s’exprimer libre-ment; or le lobby homosexuel est parvenu à ins -taller une forme de totalitarisme et d’inquisitiondans notre pays, en monopolisant l’informationsur les sujets qui le concernent et en interdisantà ses adversaires de s’exprimer sans être fou-droyés médiatiquement, voire judiciairement.Ce totalitarisme a pénétré à l’intérieur de l’UMP,en raison sans doute de la pression de Gaylib,qui demande depuis longtemps mon exclusionpour délit d’opinion. Ainsi Benjamin Lancar,président des Jeunes pop et homosexuel mili-tant, prétend que je n’ai pas ma place à l’UMP!A quel titre? Pour ma part, je n’ai jamais de -mandé son exclusion, même si je ne trouve pastrès valorisant, pour le dirigeant des jeunes del’UMP, de me critiquer avec véhémence dans unarticle publié dans le magazine homosexuel Têtu,re pris ensuite sur un site pornographique homo-sexuel…

On veut me mettre un bâillon et un pistoletsur la tempe. Menacer un député de l’exclure etde lui retirer l’investiture parce qu’il dit la vérité,c’est fort! La tentative d’exécution publique dontje suis la cible illustre la puissance de ce groupede pression. C’est précisément ce que je voulaismontrer dans la vidéo de Liberté Politique. �

Propos recueillis par Eric Letty

monde&vie

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Député du Nord, ChristianVanneste s’est retrouvé au cœurd’une nouvelle polémiquedéclenchée par le lobbyhomosexuel autour de ses propos.Il s’explique pour Monde & Vie.

Christian Vanneste : « Le lobby homosexuel a installé

une forme de totalitarisme dans notre pays »