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JAA / PP / JOURNAL, 1211 GENÈVE 13 SUCCESSEUR DE LA «VOIX OUVRIèRE» FONDéE EN 1944 WWW.GAUCHEBDO.CH N° 20-21 19 MAI 2017 CHF 3.- Un portrait intime de Marianne Huguenin dans le cadre de la série Plans-Fixes page 8 Notre grande interview d’Alain Badiou, philosophe de l’«hypothèse communiste» page 5 POUR GUILLERMO ALMEYRA, INTELLECTUEL DE GAUCHE, NICOLAS MADURO FAIT FAUSSE ROUTE AU VENEZUELA PAGE 6 Stratégie énergétique 2050: un petit pas dans le bon sens Nous ne pourrons que glisser un oui cette semaine à la loi sur l’énergie. D’abord parce qu’elle scelle enfin la fin de l’énergie nucléaire, que nous n’avons eu de cesse de dénoncer pour ses dangers potentiels pour la santé. Le récent éboulement d’un tunnel dans le site de stockage de déchets nucléaires de Hanford, aux Etats-Unis, l’un des lieux le plus contaminé du monde, nous rappelle que la question de ces déchets n’est toujours pas résolue. Cette loi donne aussi un signal fort de sou- tien aux énergies renouvelables et à la construction de petites installations décentralisées, en particulier photovol- taïques, un encouragement à l’améliora- tion de l’isolation des bâtiments et une norme plus stricte sur l’émission de l’en- semble des véhicules à moteur. Elle apporte un soutien aux grandes installa- tions hydroélectriques existantes (qui fournissent actuellement environ le 40 % de notre énergie électrique), victimes de la libéralisation du marché de l’électricité et du prix anormalement bas de cette énergie liée notamment au subventionne- ment des centrales à charbon en Europe. Nous devrons cependant rester attentifs à ce que les centrales nucléaires existantes soient débranchées le plus rapidement possible et que le coût de leur démantèle- ment ne soit pas assumé par les contri- buables. Il faudra aussi veiller à faire ces- ser l’anomalie qui permet aux grands consommateurs que sont les industries d’acheter de l’électricité sur un marché soi-disant libre, alors que les consomma- teurs privés se voient imposer un distribu- teur qui fixe les prix, souvent trois fois plus chers. Une régulation du prix de l’énergie par les pouvoirs publics est nécessaire pour assurer l’indépendance énergétique. Il faudra aussi s’assurer que la diminution des «charges» des bâtiments rénovés soit bien répercutée sur les loyers et ne serve pas qu’à augmenter leur rendement pour les propriétaires. Nous devons enfin continuer à combattre l’obsolescence programmée de nos appa- reils et le mythe de la croissance néces- saire au bien de l’humanité. Il faut aussi soutenir la construction de logements proches des lieux de travail et favoriser le «consommer local», pour diminuer les dis- tances de transport des gens et des mar- chandises et favoriser un «mieux vivre». Cette votation est un petit pas dans le bon sens, mais notre combat doit demeurer la lutte contre la notion même de «développement durable», donc pour une écologie sociale. Bernard Borel IL FAUT LE DIRE... « M archons contre toutes les multinationales de l’agrochimie, qui nous empoisonnent. Marchons pour une agriculture moderne et écologique, durable, résiliente et respectueuse de l’homme comme de l’environnement», clame l’appel à manifester de Greenpeace. Le 20 mai, une marche internationale contre Monsanto se tiendra pour la cinquième année consécutive. En Suisse, des manifes- tations auront lieu à Morges et à Bâle, (également contre Syngenta). L’événement a lieu alors que la multinationale de l’agroalimentaire vient d’être jugée à La Haye par un tribunal international citoyen. Du 16 au 18 octobre 2016, cinq magistrats professionnels de renommée internationale, parmi lesquels Françoise Tulkens, juge à la Cour européenne des droits de l’homme pendant 14 ans, ont auditionné une trentaine de témoins, d’experts, de victimes et d’avocats. Invitée à être entendue ou à se prononcer par écrit, Monsanto a décliné la proposition. Des tentatives de manipulation de la science Le tribunal a rendu son verdict à la mi-avril sous la forme d’un «avis juridique consultatif» d’une soixan- taine de pages. Sur la base du droit international des droits de l’homme et humanitaire, les juges y accusent la multinationale d’atteinte au droit à un environne- ment sûr, propre, sain et durable, d’atteinte au droit à l’alimentation, d’atteinte au droit au meilleur état de santé, d’atteinte à la liberté de la recherche scientifique et la jugent coupable de crime d’écocide. Nombre des témoins entendus ont pointé les effets néfastes du gylphosate, contenu dans l’herbi- cide Roundup, sur la santé humaine ainsi que sur les plantes et les sols, provoquant notamment une baisse de leur productivité. La contamination des eaux par l’herbicide a également été critiquée. La substance, déclarée en mars 2015 «probablement cancérogène» par le Centre international de recherche sur le cancer de l’OMS (CIRC) a fait l’ob- jet d’autres études aux conclusions contraires, qui font toutefois l’objet de controverses. Le Tribunal signale ainsi «sa préoccupation quant à l’indépen- dance des études», et relate plusieurs témoignages de pressions subies par des scientifiques de la part de la firme ou la proximité de certains auteurs avec elle. «Des documents internes à Monsanto, rendus publics en mars 2017, montrent que les affirmations de longue date de la part de Monsanto concernant l’innocuité de son produit le plus vendu, le Roun- dup, ne reposent pas sur une base scientifique solide, comme l’assure l’entreprise, mais sur des ten- tatives de manipulation de la science», peut-on encore lire. Forcés à payer des royalties «La baisse de la fertilité et la réduction de la diversité des sols ainsi que la contamination de certaines exploitations agricoles par les OGM», a également été dénoncée par des témoins, tout comme la tenta- tive de Monsanto «d’établir un monopole sur le mar- ché des semences», notamment en Inde. D’autres ont également raconté que les rendements promis grâce à l’utilisation d’OGM n’ont pas été atteints, et critiqué la réduction de la biodiversité et la perte de savoirs traditionnels liée à l’utilisation de semences OGM en monocultures. Le rapport signale également «le cas d’agriculteurs n’ayant ni acheté ni utilisé les semences de Monsanto, mais dont les cultures ont tout de même été contaminées par les semences OGM. Dans un certain nombre de cas, ils se sont vus forcés de payer des royalties à Monsanto et ont également été privés du droit de vendre leurs produits avec la certification bio ou sans OGM». «Les brevets sur les semences sont en contradiction avec le principe du droit à l’alimentation qui garantit l’accès à la nutri- tion, un besoin fondamental pour chaque être humain», juge le Tribunal. Faire évoluer le droit international Si leurs conclusions n’ont aucune valeur contraignante, l’objectif des juges de La Haye est «de contribuer à une évolution progressive du droit international des droits de l’homme, en proposant de nouvelles voies légales concernant la responsabilité des entreprises et de nou- veaux concepts tels que le crime international d’éco- cide, entendu comme le fait de porter gravement pré- judice à l’environnement ou de le détruire». Le tribunal propose d’intégrer ce crime dans le cadre du droit pénal international. Une façon, en somme de tenter de faire avancer les choses plus concrètement, au-delà des manifestations qui se multiplient chaque année. Les juges ajoutent à ce titre qu’«il est intéressant de noter que 15 septembre 2016, la procureure de la Cour pénale internationale a décidé d’inclure les enjeux environnementaux dans le champ de ses investiga- tions». La multinationale rejette sans surprise toutes les accusations, qu’elle estime «orchestrées par un groupe restreint d’opposants à Monsanto et aux technologies agricoles qui se sont érigés en organisateurs, juges et parties», dans des propos recueillis par Le Monde. Avec le récent rachat de Syngenta par Chemchina, trois leaders se partagent dorénavant le marché mon- dial de semences et pesticides. Dow-Dupont, Bayer- Monsanto et ChemChina-Syngenta. n JMr https://marche-contre-monsanto.ch Monsanto sous l’œil de la société civile AGRO-INDUSTRIE • La cinquième marche internationale contre Monsanto aura lieu le 20 mai, alors que la multinationale vient d’être jugée à La Haye par un tribunal international citoyen.

Monsanto sous l’œil de la société civile · JMr Monsanto sous l’œil de la société civile AGRO-INDUSTRIE•La cinquième marche internationale contre Monsanto aura lieu le

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Page 1: Monsanto sous l’œil de la société civile · JMr Monsanto sous l’œil de la société civile AGRO-INDUSTRIE•La cinquième marche internationale contre Monsanto aura lieu le

JAA / PP / JOURNAL, 1211 GENÈVE 13

SucceSSeur de La «Voix ouVrière» fondée en 1944 • www.gaucHebdo.cH n° 20-21 • 19 Mai 2017 • cHf 3.-

Un portrait intime de MarianneHuguenin dans le cadre de lasérie Plans-Fixes page 8

Notre grande interview d’AlainBadiou, philosophe de l’«hypothèse communiste» page 5

POUR GUILLERMO ALMEYRA, INTELLECTUEL DE GAUCHE, NICOLAS MADURO FAIT FAUSSE ROUTE AU VENEZUELA page 6

Stratégie énergétique 2050:un petit pas dans le bon sensNous ne pourrons que glisser un oui cettesemaine à la loi sur l’énergie. D’abordparce qu’elle scelle enfin la fin de l’énergienucléaire, que nous n’avons eu de cesse dedénoncer pour ses dangers potentielspour la santé. Le récent éboulement d’untunnel dans le site de stockage de déchetsnucléaires de Hanford, aux Etats-Unis, l’undes lieux le plus contaminé du monde,nous rappelle que la question de cesdéchets n’est toujours pas résolue.

Cette loi donne aussi un signal fort de sou-tien aux énergies renouvelables et à laconstruction de petites installationsdécentralisées, en particulier photovol-taïques, un encouragement à l’améliora-tion de l’isolation des bâtiments et unenorme plus stricte sur l’émission de l’en-semble des véhicules à moteur. Elleapporte un soutien aux grandes installa-tions hydroélectriques existantes (quifournissent actuellement environ le 40 %de notre énergie électrique), victimes dela libéralisation du marché de l’électricitéet du prix anormalement bas de cetteénergie liée notamment au subventionne-ment des centrales à charbon en Europe.

Nous devrons cependant rester attentifs àce que les centrales nucléaires existantessoient débranchées le plus rapidementpossible et que le coût de leur démantèle-ment ne soit pas assumé par les contri-buables. Il faudra aussi veiller à faire ces-ser l’anomalie qui permet aux grandsconsommateurs que sont les industriesd’acheter de l’électricité sur un marchésoi-disant libre, alors que les consomma-teurs privés se voient imposer un distribu-teur qui fixe les prix, souvent trois fois pluschers. Une régulation du prix de l’énergiepar les pouvoirs publics est nécessairepour assurer l’indépendance énergétique.Il faudra aussi s’assurer que la diminutiondes «charges» des bâtiments rénovés soitbien répercutée sur les loyers et ne servepas qu’à augmenter leur rendement pourles propriétaires.

Nous devons enfin continuer à combattrel’obsolescence programmée de nos appa-reils et le mythe de la croissance néces-saire au bien de l’humanité. Il faut aussisoutenir la construction de logementsproches des lieux de travail et favoriser le«consommer local», pour diminuer les dis-tances de transport des gens et des mar-chandises et favoriser un «mieux vivre».

Cette votation est un petit pas dans lebon sens, mais notre combat doitdemeurer la lutte contre la notion mêmede «développement durable», donc pourune écologie sociale.

Bernard Borel

IL FAUT LE DIRE...

«M archons contre toutes les multinationalesde l’agrochimie, qui nous empoisonnent.Marchons pour une agriculture moderne et

écologique, durable, résiliente et respectueuse del’homme comme de l’environnement», clame l’appel àmanifester de Greenpeace. Le 20 mai, une marcheinternationale contre Monsanto se tiendra pour lacinquième année consécutive. En Suisse, des manifes-tations auront lieu à Morges et à Bâle, (égalementcontre Syngenta).

L’événement a lieu alors que la multinationale del’agroalimentaire vient d’être jugée à La Haye par untribunal international citoyen. Du 16 au 18 octobre2016, cinq magistrats professionnels de renomméeinternationale, parmi lesquels Françoise Tulkens,juge à la Cour européenne des droits de l’hommependant 14 ans, ont auditionné une trentaine detémoins, d’experts, de victimes et d’avocats. Invitée àêtre entendue ou à se prononcer par écrit, Monsantoa décliné la proposition.

Des tentatives de manipulation de la scienceLe tribunal a rendu son verdict à la mi-avril sous laforme d’un «avis juridique consultatif» d’une soixan-taine de pages. Sur la base du droit international desdroits de l’homme et humanitaire, les juges y accusentla multinationale d’atteinte au droit à un environne-ment sûr, propre, sain et durable, d’atteinte au droit àl’alimentation, d’atteinte au droit au meilleur état desanté, d’atteinte à la liberté de la recherche scientifiqueet la jugent coupable de crime d’écocide.

Nombre des témoins entendus ont pointé leseffets néfastes du gylphosate, contenu dans l’herbi-cide Roundup, sur la santé humaine ainsi que sur lesplantes et les sols, provoquant notamment unebaisse de leur productivité. La contamination des

eaux par l’herbicide a également été critiquée. Lasubstance, déclarée en mars 2015 «probablementcancérogène» par le Centre international derecherche sur le cancer de l’OMS (CIRC) a fait l’ob-jet d’autres études aux conclusions contraires, quifont toutefois l’objet de controverses. Le Tribunalsignale ainsi «sa préoccupation quant à l’indépen-dance des études», et relate plusieurs témoignagesde pressions subies par des scientifiques de la partde la firme ou la proximité de certains auteurs avecelle. «Des documents internes à Monsanto, renduspublics en mars 2017, montrent que les affirmationsde longue date de la part de Monsanto concernantl’innocuité de son produit le plus vendu, le Roun-dup, ne reposent pas sur une base scientifiquesolide, comme l’assure l’entreprise, mais sur des ten-tatives de manipulation de la science», peut-onencore lire.

Forcés à payer des royalties«La baisse de la fertilité et la réduction de la diversitédes sols ainsi que la contamination de certainesexploitations agricoles par les OGM», a égalementété dénoncée par des témoins, tout comme la tenta-tive de Monsanto «d’établir un monopole sur le mar-ché des semences», notamment en Inde. D’autres ontégalement raconté que les rendements promis grâceà l’utilisation d’OGM n’ont pas été atteints, et critiquéla réduction de la biodiversité et la perte de savoirstraditionnels liée à l’utilisation de semences OGM enmonocultures. Le rapport signale également «le casd’agriculteurs n’ayant ni acheté ni utilisé les semencesde Monsanto, mais dont les cultures ont tout demême été contaminées par les semences OGM.Dans un certain nombre de cas, ils se sont vus forcésde payer des royalties à Monsanto et ont également

été privés du droit de vendre leurs produits avec lacertification bio ou sans OGM». «Les brevets sur lessemences sont en contradiction avec le principe dudroit à l’alimentation qui garantit l’accès à la nutri-tion, un besoin fondamental pour chaque êtrehumain», juge le Tribunal.

Faire évoluer le droit international Si leurs conclusions n’ont aucune valeur contraignante,l’objectif des juges de La Haye est «de contribuer à uneévolution progressive du droit international des droitsde l’homme, en proposant de nouvelles voies légalesconcernant la responsabilité des entreprises et de nou-veaux concepts tels que le crime international d’éco-cide, entendu comme le fait de porter gravement pré-judice à l’environnement ou de le détruire». Le tribunalpropose d’intégrer ce crime dans le cadre du droitpénal international. Une façon, en somme de tenter defaire avancer les choses plus concrètement, au-delà desmanifestations qui se multiplient chaque année. Lesjuges ajoutent à ce titre qu’«il est intéressant de noterque 15 septembre 2016, la procureure de la Courpénale internationale a décidé d’inclure les enjeuxenvironnementaux dans le champ de ses investiga-tions».

La multinationale rejette sans surprise toutes lesaccusations, qu’elle estime «orchestrées par un grouperestreint d’opposants à Monsanto et aux technologiesagricoles qui se sont érigés en organisateurs, juges etparties», dans des propos recueillis par Le Monde.

Avec le récent rachat de Syngenta par Chemchina,trois leaders se partagent dorénavant le marché mon-dial de semences et pesticides. Dow-Dupont, Bayer-Monsanto et ChemChina-Syngenta. n

JMrhttps://marche-contre-monsanto.ch

Monsanto sous l’œil de la société civileAGRO-INDUSTRIE • La cinquième marche internationale contre Monsanto aura lieu le 20 mai, alors que lamultinationale vient d’être jugée à La Haye par un tribunal international citoyen.

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2 • n at i o n a L n° 20-21 • 19 Mai 2017

D es chercheurs des Universitésde Lausanne et Genève se sontintéressés à l’influence des lob-

bys au parlement suisse, comme lerévélait récemment le MatinDimanche. Premier constat, «lenombre moyen de liens d’intérêt parmembre du parlement a plus quedoublé: de 3,5 en 2000 il est passé de7,6 en 2011», résume l’un des deuxarticles scientifiques récemment parusur le sujet. Une évolution que leschercheurs estiment liée notammentau renforcement de l’importance de laphase parlementaire par rapport àcelle de la phase pré parlementaire,qui prévalait auparavant.

Les intérêts économiques bienreprésentésCe sont en particulier les liens avec desgroupes d’intérêts qui ont augmenté,alors que ceux avec des entreprises oudes organisations liées à l’Etat (les CFFpar exemple) sont restés stables depuis2000. L’influence de ces groupes d’inté-rêts est toutefois inégalement répartie.Ainsi, durant la plupart du temps étu-dié (2000-2011), les liens des membresdu parlement avec des groupes écono-miques (business groups) étaient bienplus nombreux que ceux avec des syn-dicats, peut-on lire.L’augmentation la plus forte est obser-vée avec les «groupes d’intérêtspublics», centrés par exemple sur lesthématiques humanitaires, environne-mentales ou encore animales. «Cetteévolution est liée à la création de ce typede groupes depuis les années 70 et plusprécisément à leur mobilisation poli-tique et accès au parlement croissantsdans les 15 dernières années», analysentles chercheurs. Les groupes d’intérêtsdont la présence est la plus forte au par-lement de part le nombre de liens avec

des parlementaires demeurent toutefoisles groupes économiques (businessgroups). «Ils dominent et sont particu-lièrement bien connectés aux partisgouvernementaux, avec qui ils parta-gent des affinités idéologiques», consta-tent les chercheurs. Ainsi, «4 des 5groupes les plus influents partagent cer-taines caractéristiques: ils représententdes intérêts économiques (businessinterests) et ont des liens avec les troisprincipaux partis bourgeois (PLR,UDC et PDC). Enfin, ils représententdifférents secteurs économiques impor-tants: l’immobilier (Association suissedes propriétaires), les petites etmoyennes entreprises (USAM), l’agri-culture (Union suisse des paysans) laproduction d’énergie (Forum Suisse del’énergie)». Plus loin dans le classement,en 9e position, on trouve Economie-suisse, et en 15e position l’Union patro-nale. Du côté des organisations liées à lagauche, on trouve l’Association Trans-ports et Environnement (ATE) en 7eposition, l’ASLOCA en 8e position ouencore l’USS en 11e position.

Des liens créés après l’entrée dans lescommissionsLes chercheurs constatent égalementqu’il existe une corrélation entre les liensd’intérêts des parlementaires et les com-missions dans lesquelles ils travaillent.Ainsi, un membre de la commission dela santé aura plus facilement des liensavec un groupe d’intérêt lié au domainede la santé. Mais surtout, l’étude révèleque ces liens se sont créés dans la majo-rité des cas après l’accès du parlemen-taire à la commission concernée et indé-pendamment de son profil, révélant uneforme de recrutement stratégique desparlementaires par les groupes d’inté-rêts. Un constat qui contraste quelquepeu avec l’image du parlementaire dis-

posant de connaissances ou d’une spé-cialisation préalable, qu’il utiliseraitensuite au sein des commissions.

Des rémunérations non déclaréesAinsi, «les membres du parlementdoivent être sérieusement considéréscomme des lobbyistes et non seule-

ment des cibles des lobbys», écriventles chercheurs. La question de savoirs’il existe un risque que les commis-sions parlementaires se transformenten groupes défenseurs de certainsintérêts spécifiques «demanderait desrecherches plus approfondies» esti-ment-ils. Ils soulignent toutefois

l’existence d’études montrant que lesgroupes citoyens qui bénéficient depersonnel et de moyens financiersobtiennent un meilleur accès auxcommissions parlementaires. Lesgroupes économiques étant générale-ment mieux dotés en moyens finan-ciers, ils pourraient donc avoir plusd’impact.

Le lien financier est du reste par-fois très direct. Ainsi, Le MatinDimanche évoque le groupe deréflexion santé du Groupe Mutuel,qui verserait quelque 10’000 francsaux élus qui en font partie pour assis-ter à quatre séances de deux à troisheures, suivies d’un repas. Plusieursparlementaires interrogés justifient cetype de lien par l’expertise fournie parles groupes d’intérêt. Interrogé par lequotidien 24 Heures, le conseiller auxEtats socialiste Didier Berberat semontre toutefois plus critique: «Celapeut être utile d’être informé, mais ilne faut pas être sous influence. Nousdevons signaler nos intérêts (depuis1985, ndlr) mais rien n’est dit sur lemontant de la rémunération. Toutesles demandes qui ont été faites en cesens ont été refusées au Parlement. Siune entreprise nous verse 100’000francs par année, on va voter dansson intérêt.» Pour la droite, ce type derémunération relève cependant de la«sphère privée» (!) n

JMr

Roy Gava, Frédéric Varone, André Mach,Steven Eichenberger, Julien Christe,Corinne Chao-Blanco, «Interests groups inParliament: Exploring MPs’ interestaffiliations (2000-2011)», Revue Suisse descience politique, octobre 2016Steven Eichenberger, André Mach, «Formalties between interest groups and members ofparliament: Gaining allies in legislativecommittees», Interests Groups & Advocacy,mai 2017

Des groupes d’intérêt de plus en plus influentsSUISSE • Le nombre de liens des parlementaires suisses avec des lobbys a plus que doublé de 2000 à 2011. Les élus sont également «recrutés» parles groupes d’intérêts en fonction des commissions où ils siègent, ont constaté des chercheurs des universités de Lausanne et genève.

E n présentant un ticket à trois pourle Conseil d’Etat, le même quil’avait conduit à la débâcle en

2013, le Parti socialiste genevois (PSG)ambitionne de reconquérir undeuxième siège au Conseil d’État, où iln’en occupe actuellement qu’un seul.Les candidats désignés sont AnneÉmery-Torracinta (Conseillère d’Étatsortante), Thierry Apothéloz (maire deVernier) et Sandrine Salerno (membrede l’exécutif en Ville de Genève). Par cechoix, le PSG donne l’impression denaviguer en tanguant: un coup de barreà gauche avec sa prise de positioncontre le projet de prévoyance vieillesse2020, un coup de barre à droite, enécartant la Conseillère administrative àOnex Carole-Anne Kast, la seule candi-date dont le socle électoral s’étend ducentre à l’extrême gauche.

Tout s’est joué le matin du samedi 13mai. Le PSG est réuni, sous tension pal-pable, en assemblée générale pour dési-gner ses candidat.es au Grand Conseil etau Conseil d’Etat. Six poids lourds se dis-putaient les places sur le ticket pour l’exé-cutif: outre les trois désignés ainsi queCarole-Anne Kast, Carlo Sommaruga,

Conseiller national et Romain de SainteMarie député au législatif cantonal,étaient également candidats.

Le premier clivage opposait en débatleur nombre: fallait-il y aller avec deuxet assurer à tout prix la récupérationd’un deuxième siège, tenter le coup àtrois et laisser la droite décider lors du1er tour ou se présenter à quatre candi-dats et laisser le peuple choisir? Le débatfut confus, aussi bien dans la forme quedans le fond. En dernière interventionremarquable, Pascal Holenweg,Conseiller municipal en Ville de Genèvelançait une proposition ubuesque etétonnante: présenter les six candidatsdevant le peuple lors du premier tour,comme s’il s’agissait des primaires socia-listes. Ensuite de quoi le PSG choisirait2, 3 ou 4 candidats pour y aller au 2èmetour.

Un agacement non dissimuléL’option retenue finalement provoqueun second clivage: elle ne présenteaucun candidat qui s’était opposé à laRIEIII, pas davantage qu’en défense deslocataires ni en articulation avec lessyndicats.

Derrière une unité de façade,quelques ténors ne cachent d’ailleurspas leur agacement ouvertement dansles pages des journaux locaux. Ainsi ledéputé Alberto Velasco affirme dans laTribune de Genève que «l’aile gauche duparti a été laminée» et dénonce carré-ment des «magouilles au sein du PSG».En cause, un nombre anormal d’adhé-sions de dernière minute au parti. «Unequinzaine de bulletins d’adhésion ontpar exemple été écrits par la même per-sonne. C’est plus que suspect et je vaisexiger qu’une enquête soit menée par leparti pour éclaircir cela. Il y a deschoses que l’on ne peut laisser passer.C’est une méthode très stalinienne quede phagocyter ainsi une assemblée»,déclare-t-il encore au quotidien gene-vois. Pascal Holenweg avait lui aussilancé un vibrant appel pour redonnerdu sens au mot socialisme.

Reste à voir comment la campagneva se dérouler et ce que donneront lesnégociations avec les Verts et avec les 6ou 7 partis (!) de la gauche de gauche.Rendez-vous au 15 avril 2018 pour lepremier tour. n

Danilo Sandino

Le parti socialiste genevois s’est-il tiré une balle dans le pied (gauche)?GENÈVE • Le pS genevois s’est réuni le week-end dernier pour désigner notammentses candidats au conseil d’etat en vue des élections cantonales de 2018. des voixdénoncent l’absence de représentation de l’aile gauche du parti.

Anthropo’Café autour du militantisme non-violentLe 20 mai de 13h30 à 15h30 à l’Université de Neuchâtel, Salle R.O.14,Bâtiment FLSHAvant de se demander ce qu'est la non-violence, questionnons-nous sur la nature de la vio-lence ou plutôt les violences. Quelles formes prennent-elles ? Essayons de réfléchir au-delàdes violences physiques et visibles, mais aussi aux formes de violences non tangibles et infil-trées dans les discours et les pratiques ordinaires. A quel moment la violence devient légitime? Comment considérer les violences policières et institutionnelles ? Puis demandons-nous cequ'est la non-violence. Comment sont reprises les figures illustres du militantisme non-vio-lent et qui est encouragé à être non-violent-e? Comment considérer les formes de violencesdans des contextes sociaux éminemment violents? Peut-on parler de légitime défense ?Org. Association des étudiants en ethnologie Anthr’autres

Marche internationale contre Monsanto Le 20 mai à 14h30 à l’extrémité ouest de la Grand-Rue, MorgesBâtiment FLSHA l’heure de la fusion Bayer-Monsanto, marchons le 20 mai contre toutes les multinationalesde l’agrochimie, qui nous empoisonnent. Marchons pour une agriculture moderne et écolo-gique, durable, résiliente et respectueuse de l’homme comme de l’environnement. Marchonscontre les injustices de nos systèmes alimentaires et les crimes contre l’environnement.Cette année, la marche est sous le thème de la révolte des mauvaises herbes, venez en vert :-).Nous préparons également d’autres surprises, annoncées bientôt.Org. Groupes bénévoles de Greenpeace, avec le soutien de StopOGM Infos, Attac Suisse etToxicFree Suisse.

Conférence-performance artistique féministe Le 23 mai à 20h à La Comédie, Bvd. des Philosophes 6, GenèveÀ travers une conférence performance originale, le collectif Les Indociles s’intéresse spécifi-quement aux discriminations que subissent les femmes en lien avec le territoire. Tant auniveau du territoire entendu comme espace public qu’à celui entendu comme le/les corps desfemmes, ces dernières sont loin d’avoir l’accès qui devrait leur revenir.Org. solidaritéS Jeunes Genève, collectif Les Indociles

AGENDA CULTUREL ET MILITANT

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n at i o n a L • 3n° 20-21 • 19 Mai 2017

C ontrastant avec le premier tourdu scrutin, où le PS et le PLRavaient signé «une paix des

braves» tacite, les candidats au secondtour des élections au gouvernementvaudois ont décidé de muscler leurdiscours et d’ouvrir les hostilités.Figurant sur le ticket de la droite avecl’UDC Jacques Nicolet, la Vert’libé-rale Isabelle Chevalley, qui remplaceson coreligionnaire François Pointetdans la course, a décidé d’attaquerbille en tête la socialiste Cesla Ama-relle, en course sur le ticket rose-vertavec la sortante écologiste BéatriceMétraux, la traitant de «commu-niste», incapable de compromis. Desqualificatifs que l’on n’avait plusentendus depuis l’époque des candi-datures de Josef Zisyadis au Conseild’Etat et une tare irrémédiable enterres vaudoises. Cette stratégie offen-sive d’une conseillère nationale Vert’libérale contre une autre conseillèrenationale rose, considérée commemaillon faible ou, pour le moins,friable de la coalition de gauche, por-tera-t-elle ses fruits et conduira-t-elleà un changement de majorité auConseil d’Etat?

Cesla Amarelle en dangerSur la base des chiffres du premiertour, il est indéniable que Cesla Ama-relle est en danger. Le 30 avril, elle aobtenu 43,5% (72’100 suffrages) der-rière Béatrice Métraux, qui, proche dela majorité absolue, avait obtenu48,08% des voix (79’631 suffrages),ouvrant grand la possibilité à la sor-tante écologiste de retrouver sa placeau gouvernement. Emmené par lescandidats PLR, parti qui a fait passerses trois candidats au premier tour,Jacques Nicolet avait récolté 40,3% dessuffrages (66’700 suffrages), alors queFrançois Pointet, sur une liste Vert’li-bérale, obtenait 8,38% (13’875 suf-

frages), souvent rajouté sur d’autreslistes que la sienne. Sur la base de l’ad-dition des suffrages et une nouvellemobilisation du PLR, la droite estimequ’elle peut battre la prétendantesocialiste, ouvrant la porte à uneconfiguration de 4 élus de droitecontre 3 de gauche au gouvernement,voir de 5 contre 2. Reste à savoir aussiles électeurs de la candidate du centre,Sylvie Villa mettront le nom d’IsabelleChevalley sur leur bulletin.

Pour contrer ce scénario, le PS etles Verts ont fait un appel du pied à lagauche de la gauche, qui présentait 3candidats au premier tour (CélineMisiego, Hadrien Buclin et YvanLucarrini) qui ont obtenu près de 6%(soit environ 10’000 suffrages) desvotes. Si solidaritéS ne donne pas deconsigne, le POP en appelé simple-ment à faire barrage à la droite. «C’estune décision en cohérence avec lacampagne politique d’Ensemble àGauche, où nous avions critiqué legouvernement sortant», expliqueChristophe Grand, secrétaire canto-nal du parti. «En cas d’échec du ticketde la gauche et de Cesla Amarelle, laresponsabilité en incombera surtoutau maintien de la candidature de l’in-dépendant Guillaume ‘’Toto’’Morand, qui va siphonner aussi lesvotes de gauche», estime-il encore. Lecommerçant lausannois avait en effetobtenu 8,5% des voix (14’100 suf-frages).

Un soutien critique de certainspopistesPlusieurs personnalités popistes,comme l’ancienne syndique de RenensMarianne Huguenin, l’ancien munici-pal de Lausanne et nouveau députéMarc Vuilleumier, l’actuel municipalde Renens Didier Divorne ou celui deLausanne David Payot, ainsi que JosefZisyadis ont décidé de soutenir ouver-

tement les deux candidates roses-vertes et d’appeler à voter pour elles.«Nous avons consulté le président et lesecrétariat cantonal  sur notredémarche, qui a été approuvée. Pournous, il est indispensable de voter pourBéatrice Métraux et Cesla Amarelle,même si nous ne nous priverons pasde critiquer leur action à l’avenir. Avoirun Grand Conseil de droite et un gou-

vernement de droite est un grand dan-ger pour les luttes sociales», préciseDavid Payot. «Nous avons eu desdivergences avec les Verts et le PS,notamment sur la RIEIII vaudoise et leprojet d’assurance-vieillesse PV 2020,ou sur l’insistance très forte de Pierre-Yves Maillard, du PS et des Verts àgouverner avec la droite, mais l’enjeudu deuxième tour est très clair: il est

important de conserver une majoritéde progrès au Conseil d’Etat pourdéfendre des politiques environne-mentales ou sociales de gauche. Il nes’agit nullement d’un chèque en blanc.Nous soutiendrons les projets là où il ya des convergences, mais ne cacheronspas nos divergences s’il le faut», sou-ligne enfin Marianne Huguenin. n

Joël Depommier

Batailles rangées pour le second tourVAUD • Le 21 mai, les Vaudois décideront s’ils veulent maintenir une majorité de gauche au gouvernement.

L es citoyennes et citoyens de LaChaux-de-Fonds se prononcerontle 21 mai sur une hausse tempo-

raire de la fiscalité de la métropole hor-logère. Suite à la décision prise par lelégislatif à la fin 2016, la droite a lancé leréférendum et l’a fait aboutir sans sur-prise. Les socialistes, le POP et les Vertsse sont unis pour inciter la population àaccepter cette augmentation et lui faireconnaître pourquoi la ville se trouvedans cette situation.

Moins de 10 francs par moisDans une prise de position, les troisformations soulignent que cette aug-mentation représente moins de 10francs par mois pour les deux tiers descontribuables. Ce n’est pas agréable,mais pas aussi dramatique que la droitele prétend. Cela permettra en revanched’apporter à la caisse de la communeenviron 3 millions de francs et fait par-tie d’une stratégie de redressement desfinances de la ville pour lui permettrede garder la tête hors de l’eau. Afind’éviter de se retrouver dans une tellesituation, il faudrait toutefois unemeilleure répartition des richessesentre les communes et le canton dansl’esprit «un canton un espace».

Les trois partis illustrent égalementl’utilité des impôts grâce à un affichagesur les lieux de la ville qui sont financéspar les impôts et qui pourront conti-nuer à l’être grâce à l’augmentationtemporaire. Il s’agit notamment desbibliothèques, des musées, des écoles,des parcs publics, des places de jeux,des routes et des infrastructures spor-tives.

Les groupes de gauche estiment quela baisse des recettes fiscales subie parla ville est dramatique. En moins de 3ans, les recettes fiscales ont chuté deprès de 15 millions. Selon eux, la moi-tié de cette diminution de recettes estdue à la mauvaise conjoncture actuelle,mais l’autre moitié est structurelle et del’ordre de 10 millions. Cette réalité s’ex-plique par l’inéquitable et insidieuserépartition des richesses au sein de l’es-pace cantonal, qui est très loin d’être unseul et même espace!

Dans l’attente des effets d’une révi-sion en profondeur de la répartitiondes ressources du canton, les partis degauche de la ville horlogère misent surl’assainissement des finances via lesréformes déjà engagées par les autoritésselon 3 axes: une augmentation d’impôtde 3 points pour 4 ans, des mesures

salariales et la réforme de l’organisationet des prestations de l’administrationcommunale.

Un effort financier temporaireL’augmentation temporaire de la fisca-lité communale fait ainsi partie d’unestratégie qui a commencé à porter sesfruits dans les comptes 2016. Le per-sonnel communal contribue déjà forte-ment au redressement de la situationpar des mesures salariales et desréformes organisationnelles. Il s’agitmaintenant que la population participe,elle aussi à l’effort financier temporaire.

Dans leur prise de position, les troispartis soulignent que même avec l’aug-mentation d’impôt soumise au vote, lamajorité des citoyens ne paiera pas plusd’impôts en 2017 qu’en 2012, comptetenu des baisses consenties ces der-nières années sur l’ensemble du terri-toire cantonal. Ils appellent les citoyens,les employés et les autorités de LaChaux-de-Fonds à croire en la ville etaccepter de participer au redressementde ses finances. Un message difficile àtransmettre lorsque les intérêts privéssont largement en tête des préoccupa-tions des gens. n

Alain Bringolf

Un message difficile à faire passerNEUCHÂTEL • La population de La chaux-de-fonds doit se prononcer le 21 mai surune hausse temporaire de la fiscalité. Les partis de gauche tentent d’expliquer lesraisons de cette hausse, nécessaire aux finances communales.

La verte béatrice Métraux et la socialiste cesla amarelle sont candidates sur le ticket de la gauche. PS-VD

Plus de moyens pour les TPG!A lors que les Genevois vont se

prononcer pour défendre le 21mai le statu quo dans les tarifs desTPG, Ensemble à Gauche, le partisocialiste et le MCG ont décidé depasser à l’offensive. Le 11 mai, deconcert, ils ont proposé un projet deloi proposant que toute baisse detarifs soit compensée par une aug-mentation de la subvention permet-tant de maintenir l’offre. Le texte pré-voit aussi que le Canton compensepar une hausse de subvention toutedemande de hausse de tarif réclaméeau niveau Suisse. Tel est bien déjà le

cas puisque Berne considère que lestarifs des billets et abonnementsgenevois sont trop bas par rapportaux autres villes suisses. «Il est tempsque le Grand Conseil compense lemanque à gagner lié à la baisse detarifs par une hausse du subvention-nement du Canton afin que les pres-tations soient maintenues, à minima,au niveau de 2014», estiment les troispartis dans un communiqué, quirécusent le chantage du Conseild’Etat de réduire l’offre en fonctiondes rentrées des ventes. n

Réd.

Zoug maltraite des requérants d’asileUne famille afghane a obtenu gain

de cause devant le Tribunal fédé-ral contre les autorités zougoises. Enmai 2016, le Secrétariat d'Etat auxmigrations avait rejeté la demanded'asile de ce couple afghan avec troisenfants de 3, 6 et 8 ans, dont lafemme était enceinte et décidé leurrenvoi vers la Norvège en vertu desaccords de Dublin. Face au refus de lafamille de retourner dans ce premierpays de passage en Europe, en raisonnotamment de la présence de parentsen Suisse, les autorités zougoisesavaient mis en détention le couple. Lafemme et son bébé de 4 mois avaientété détenus séparément du mari et les

enfants placés. Selon le TF, cettemanière de faire est «à la limite d’untraitement inhumain et dégradant envertu de l’article 3 de la Conventioneuropéenne des droits de l’homme(CEDH)». Les autorités zougoises ontviolé le droit à la vie privée et fami-liale selon les dispositions de laCEDH. La famille ayant finalementété expulsée vers la Norvège par volspécial, la décision servira surtout deprécédent à d’autres familles. Le can-ton de Zoug estime quant à lui que leTribunal fédéral n'a pas tenu suffi-samment compte des risques defuite! n

Réd.

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4 • M o u V e M e n t n° 20-21 • 19 Mai 2017

Je préfère garder le rythmehebdomadaire et payer monabonnement plus cher

Je préfère le passage à un rythme deparution moins élevé

10 francs de plus (soit environ 25 centimesde plus par numéro)

20 francs de plus (soit environ 50 centimesde plus par numéro)

30 francs de plus (soit environ 80 centimesde plus par numéro)

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120.- pour un mensuel (12 numéros de 16pages par an) avec site internetrégulièrement alimenté

150.- pour un bimensuel (22 numéros de12 pages par an)

Autre proposition

Des articles courts d'actualité

Des articles de fond sur un sujet moinsd'actualité

Des dossiers thématiques ou numérosspéciaux sur un sujet

Merci pour votre soutien et votre intérêt!

V ous avez été nombreux à parti-ciper au sondage lancé il y aquelque temps dans ces

colonnes sur l’avenir de notre journal,et nous vous en remercions. Nouspublions aujourd’hui l’essentiel desrésultats de ce sondage. D’ici à l’été,les précieuses informations que vousnous avez fournies seront prises encompte au mieux dans le cadre de laprofonde réflexion que nous menonssur le futur de Gauchebdo et sur lafaçon de dépasser les difficultés

financières qu’il rencontre. Commevous, nous souhaitons faire vivrenotre publication le plus longtempspossible et ferons tout notre possiblepour que cela se réalise.

Dans l’attente, vous trouverez unappel aux dons encarté dans cenuméro. Quelques dizaines de francs,abonner un ami, parler du journal àun voisin... toute forme de soutiennous est utile!

D’ores et déjà un grand merci. nL’équipe de Gauchebdo

M aria Belo accède à la prési-dence du Conseil général(législatif) de la ville de La

Chaux-de-Fonds. Dans son discours,cette Portugaise d’origine et suissessed’adoption a tenu à mettre en évi-dence ses expériences personnellespour transmettre une volonté d’ou-verture et de construction d’unmonde plus humain. Elle est arrivéeen Suisse en 1972 à l’âge de 16 ans,sans passeport, avec sa maman, sonfrère et sa petite sœur pour rejoindreleur père, saisonnier. Maria Belo quit-tait un pays de dictature pour décou-vrir un pays démocratique. Les diffi-cultés dues à une nouvelle langueétaient peu de chose à côté de l’inter-diction fréquenter l’école. Le choc futplus grand encore lorsque sa maman,son frère et sa sœur repartirent auPortugal en subissant les effets dupermis de saisonnier, qui ne permet-tait pas au papa de garder sa familleprès de lui. La jeune portugaise com-pris alors que nous n’étions pas touségaux face à la loi des hommes et qu’ilfallait lutter contre ces inégalités.

Une farouche défenseuse de l’hôpitalLa nouvelle présidente a vécu la plusgrande partie de son existence à LaChaux-de-Fonds. Elle a commencé àtravailler à l’hôpital de la ville et adonné naissance à son deuxièmeenfant dans ce même établissement.Pas étonnant qu’elle figure aujour-d’hui encore parmi les farouchesdéfenseurs de cet hôpital. Elle rap-pelle que c’est dans cette ville de cul-ture qu’elle a écouté un concert à lasalle de musique et fréquenté labibliothèque. La présidente a vécuavec satisfaction dans cette ville oùpour la première fois, les enfants desaisonniers, dénommés «les enfantsdu placard», ont pu fréquenter l’école.Infatigable, Maria Belo a participé à lacréation de l’Association des Tra-vailleurs portugais, à la création del’école portugaise, de la commission

des parents d’élèves, du groupe folklo-rique Rosas du Portugal, du groupede théâtre et de l’équipe de football,qui répondaient aux besoins culturelsde la communauté portugaise.

Dans son discours, la popiste aégalement salué les autorités canto-nales neuchâteloises pour leurs effortsenvers l’immigration, qui était consi-dérée comme une richesse grâce àson apport culturel et humain.Membre de la commission pour l’in-tégration des étrangers, elle a reçu leprix «Salut l’étranger» en 1999. Elle seréjouit particulièrement de l’accepta-tion par le peuple neuchâtelois en2006 de la loi permettant l’éligibilitédes étrangers. Mais il manquaitquelque chose à Maria Belo, un inves-

tissement plus intense en faveur deshabitants de sa ville. Elle a ainsiaccepté de se mettre en liste pour lelégislatif en 2008, sur les listes duPOP, parti politique le plus proche deses idéaux. C’est en 2009 qu’elle aaccédé au parlement local en rempla-cement d’Eva Fernandez, elle aussifille d’immigré.

Cette humaniste à l’activité débor-dante dirigera pour un an le parle-ment chaux-de-fonnier. Une prési-dente qui saura faire partager sonsens du bien commun au-delà desnationalités et des conflits d’intérêts.C’est debout, tous partis confondus,que les Conseillers généraux ontapplaudi leur nouvelle présidente. n

Alain Bringolf

Une active popiste à la tête du législatif chaux-de-fonnierNEUCHÂTEL • Maria belo a accédé à la présidence du législatif de la villehorlogère. arrivée en Suisse comme fille de saisonnier, elle s’est intensémentinvestie notamment pour la communauté portugaise et au sein du pop.

Humaniste à l’activité débordante, Maria belo dirigera pour un an le parlement chaux-de-fonnier. POP-NE

64.7%

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18.6

7

33.3

33.3 33.3

J'aimerais voir plus souvent dans le journal (plusieurs réponses possibles)

en cas de diminution du rythme de parution, quel prix d'abonnement annuel seriez-vous disposésà payer, sachant que l'abonnement standard coûte aujourd'hui 150 francs pour 39 numéros de 8pages? (Les tarifs réduits seraient également adaptés)

en cas de diminution du rythme de parution, préféreriez-vous voir passer gauchebdo à un rythme

en cas d'augmentation du prix de l'abonnement, vous seriez prêts à payer annuellement

afin de stabiliser sa situation financière, gauchebdo doit envisager, en plus de certaines mesuresprises à l'interne,de réduire son rythme de parution, ou d'augmenter le prix de ses abonnements.Quelle est votre opinion sur le sujet?

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e n J e u x • 5n° 20-21 • 19 Mai 2017

P rofesseur émérite à l’Ecole nor-male supérieure, le philosopheAlain Badiou a bâti un système

métaphysique cohérent dans le cadrede ses grands livres, L’être et l’événe-ment et Logiques des mondes. Enparallèle à ses œuvres systématiques,il s’est fait connaître du grand public àtravers ses essais et pamphlets, dont leplus connu, De quoi Sarkozy est-il lenom? a été un succès de librai-rie. Communiste convaincu et mili-tant maoïste en Mai 68, il n’a jamaisrenié ses convictions. «Si sanglanteset si coûteuses qu’aient été les expé-riences se réclamant du commu-nisme, elles ne sauraient être compa-rées aux destructions immenses, auxmassacres irréversibles, aux déses-poirs et aux abaissements auxquels aconduit le capitalisme, non pas mêmeau service d’une idée, mais unique-ment pour pouvoir continuer àétendre sa rapine de gangster huppéet sa mécanique de vaine propositionmarchande», écrivait-il, de façonflamboyante, dans la présentation deson livre L’Hypothèse communiste. Depassage à Genève pour une confé-rence et un séminaire dans le cadrede l’ L’Atelier-Histoire en mouvement,il s’est prêté à une interview.

Vous avez souvent critiqué la démocratie occi-dentale, que vous considérez comme un capi-talo-parlementarisme, où n’existe plus d’al-ternative au-delà de la simple alternanceentre partis. Les derniers soubresauts de lapolitique française avec l’élection d’emma-nuel Macron à la présidence vous confortent-ils dans cette idée?Il y a quand même eu un changementparce que les deux principaux partis degouvernement ont été disloqués dans descrises préalables. Le parti socialiste s’estdivisé, s’est éclaté tout comme la droiteclassique. Il a fallu remplacer l’accordpartiel des deux grands partis parquelque chose de nouveau, nomméEmmanuel Macron, figure sortie dunéant mais très représentative de l’esta-blishment politico-économique, chargé àlui tout seul d’éponger la situation et debarrer la route à Marine Le Pen, quireprésente un archaïsme insupportable,même pour la droite classique. Ce qui estaussi tout à fait particulier, c’est que cetteconfiguration a débouché sur un voteforcé. La propagande pour que Macronobtienne une majorité confortable pourinstaller sa légitimité a pris l’allure d’unforcing, d’abord au premier tour contre lecandidat Mélenchon, qui représentaitune certaine gauche réelle et au secondtour face à la candidate du FN. On nousa dit que si nous ne votions pas, que sinous votions blanc ou que si nous nenous ralliions pas à Macron, nous étionspour Le Pen. C’est un chantage auquel jen’ai pas cédé. S’il y avait eu un risquevéritable qu’elle arrive au pouvoir, j’au-rais pu éventuellement me déplacer, maislà, cette possibilité n’existait pas. L’en-semble de cette manœuvre ne m’a pasréconcilié avec la procédure électorale. Ence qui me concerne, je n’ai pas votédepuis juin 1968. Je suis peut-être un peutrop vieux pour m’y remettre.

Vous ironisiez sur le terme isoloir, qui renvoiesymboliquement à la solitude de l’électeur. parquoi remplace-t-on la démocratie représenta-tive quand elle ne représente plus les gens du

bas? comment en arrive-t-on à un dépérisse-ment de l’etat, comme vous le souhaitez?Le dépérissement de l’Etat figure dansles perspectives stratégiques à longterme. La tâche immédiate est dereconstruire une force politique quipropose réellement une alternative ausystème existant. Des tentatives de cetordre existent comme le mouvement deMélenchon et de la France insoumise,qui essaie de s’installer à la gauche dela social-démocratie traditionnelle.Tout cela fait partie d’une effervescencepolitique intéressante. Stratégique-ment, je suis de ce côté, mais en défini-tive, je demeure attaché à l’idée com-muniste dans son sens primitif, celui del’émancipation de l’humanité, de l’éga-lité comme norme, de la remise enquestion sérieuse de la dictature privéedes moyens de production, etc.

c’est la visée de cette fameuse hypothèse com-muniste, à laquelle vous avez consacré un livreen 2009, en revenant sur les trois exemplesque sont la révolution culturelle chinoise, Mai68 et la commune de paris. pourriez-vous rap-peler le sens de cette hypothèse?Ce que j’entends par hypothèse commu-niste consiste en une chose très générale,à savoir la conscience que le capitalismen’est pas le destin dernier de l’humanité,la fin de l’histoire comme le prétendaitle philosophe étasunien FrancisFukuyama en 1992. Nous devonsmaintenir l’idée qu’il y a une autrehypothèse, qu’on peut appeler le com-munisme. Mais peu importe commenton l’appelle, les noms ne sont jamais quedes noms. Cette hypothèse comporte 4directives ou directions: la premièreenglobe une restriction sévère de l’auto-rité de la propriété privée sur l’ensemblede l’appareil productif. Il faut aussimettre fin aux inégalités monstrueusesqui ne cessent de se creuser aujourd’hui.Les statistiques les plus convenablesdisent qu’actuellement, 364 personnespossèdent un patrimoine comparable àcelui de 3 milliards d’autres. Ce sont lesinégalités les plus grandes qui ontjamais existé dans l’histoire.

Le deuxième point touche à la trans-formation de l’idée même de travail, enparticulier celle de sa spécialisation iné-luctable, l’idée qu’il y a forcément destravailleurs manuels et des travailleursintellectuels, des gens qui dirigent etd’autres qui obéissent, que les tâches degestion sont complètement différentesdes tâches d’exécution, etc. Tout celadoit être revu et réorienté par des pro-cessus éducatifs nouveaux, vers uneconception du travailleur polymorphecomme l’appelait Marx. L’humain estcapable de faire plusieurs choses. Il nedoit pas être nécessairement réduit etcantonné à une seule activité.

a ce propos, quel jugement portez-vous surles nouvelles formes de travail vantées parl’époque, comme l’auto-entreprenariat ou lesystème uber?Uber ne réduit nullement la divisiondu travail, il la réinstalle autrement. Jene crois pas à ce type de nouveauté.C’est une mystification. Aujourd’hui,vous avez d’ailleurs des exécutants quis’organisent syndicalement face à leurexploitation par les vrais propriétairesdu réseau informatique. D’une certainefaçon, les nouvelles technologies créentune nouvelle différence considérable

entre ceux qui possèdent réellementl’appareillage électronique comme lespropriétaires de Google, qui sont desmilliardaires, et ceux, à l’autre bout dela chaîne, dont le travail est organisépar le réseau électronique. Le capita-lisme ne résout rien, il est attaché àcréer constamment de nouvelles diffé-renciations à l’intérieur du travail.

Quels sont finalement les deux derniers pointsde votre hypothèse communiste?Le troisième point tient à l’internatio-nalisme, à savoir que l’espace réel del’émancipation ne peut pas être limitéau cadre national. Je crois à l’énoncéque les prolétaires n’ont pas de patrie.Marx proposait lui-même une Interna-tionale comme forme politique poursurmonter ce problème.

Le dernier point caractérise plus pré-cisément l’Etat. L’existence d’un appareilétatique absolument séparé de la sociétécivile doit être revue et corrigée par ledépassement de l’Etat, mais il faudratrouver des forces pour cela. On ne peutpas décréter simplement qu’il n’y a plusd’Etat. Il faut se demander ce que seraitune gestion des nécessités étatiquesbeaucoup plus collectivisée, beaucoupplus proche de la vie des gens. Le com-munisme, c’est cet ensemble-là.

pour vous, le capitalisme est un sujet social?Ce n’est pas tout à fait comme cela queje le dirais. Le capitalisme est d’abordune structure, ce qui est bien différentd’une révolte populaire ou sociale, oùnous avons justement affaire à l’appa-rition d’un sujet, qui doit décider etagir. La structure capitaliste comptesur des agents qui la font proliférer,selon les normes du profit maximum,moyennant quoi, à la fin des fins, desmasses de gens sont intégrés à cettestructure du fait qu’ils ne peuvent vivreailleurs, tout en la subissant.

Pour le capitalisme, la figure idéale,le bon sujet individuel est un agent quia une double face, celle du salarié et duconsommateur. Il est rattaché à lastructure par le système des besoinsdont il obtient satisfaction par sesachats. Il est financé en tant que sala-rié pour entretenir ses besoins. Et cemouvement est circulaire. Pour le capi-talisme, ce bon sujet fait circuler le

capital. Il reçoit l’argent, il le rend. Il sesitue entre son travail et les produits dela satisfaction de son travail, avec lamonnaie comme intervalle.

Le capitalisme ne va-t-il pas dans le mur parl’exploitation de ressources finies? Le sauve-tage de la planète n’est-il pas le combat prio-ritaire?Je comprends cet argument, mais je meméfie un peu de l’idée que l’on m’a quel-quefois opposée, notamment aux USA,qui est qu’on n’a pas le temps de changerla politique, qu’on doit sauver la pla-nète. On peut raisonner en termesinverses. La dévastation de la planèteest liée à la prédation capitaliste, et lacible véritable reste finalement cette pré-dation. Comme on le voit bien à l’occa-sion des conférences internationales, il ya une écologie qui, en ne désignant pasde façon claire les responsabilités intrin-sèques du capitalisme, y compris dansla dévastation de la planète, lui offre denouvelles portes de sortie: après tout,celui-ci est capable de se remodeler.Beaucoup d’écologistes disent que lesnouvelles figures propres de productionvont créer des emplois, mais à qui ledisent-ils? En réalité, de nouvellesfirmes multinationales vont apparaître,avec pour fonction de mettre en placeces figures propres de production. Lecapitalisme est tout à fait capable d’in-vestir dans ce domaine. Je pense qu’ilfaut maintenir l’idée que l’épuisementdes ressources de la planète est lié à uneétape du capitalisme, même si le capita-lisme n’est pas organiquement lié à cetteétape. Il peut aussi bien s’occuper desmoulins à vent, de l’énergie propre, etc.Il l’a fait dans le passé. Il peut continuerà le faire. Il n’est pas lié de façon néces-saire et définitive au charbon et aupétrole. Il peut y avoir du capitalismedu vent, de l’air, de l’eau…

a l’occasion d’un débat, vous avez eu unepasse d’armes avec Michel onfray, qui défen-dait l’individu libertaire et créateur de sonexistence. comment faites-vous jouer le lienentre individu et collectif? Je ne suis naturellement pas dans lanégation de l’existence d’une vie indivi-duelle.  Mais il s’agit de savoir à quelniveau se situe l’action politique. L’idéequ’on peut atomiser la vie politique, la

ramener aux individus et à leurconscience, est une idée libérale dans sonprincipe, misant sur la confiance dansl’expérience individuelle des personnes. Ilest cependant évident que dans une poli-tique d’émancipation, on doit créer desfigures collectives. Celles-ci sont évidem-ment composées d’individus, mais laforce politique dont ils sont capables estcollective. D’autant plus que, par rapportà nos maîtres capitalistes et leurs figurespolitiques, nous avons de gros handi-caps. Ce n’est pas nous qui avons lescapitaux, la propriété, l’armée, la police.Sur quoi pouvons-nous compter? Nousavons les gens, l’organisation collectivequi compose la force, qu’il s’agisse desoulèvements populaires, d’organisationou d’intervention dans les situations.Notre seule force réside dans la volontécollective des gens, car nous n’avons pra-tiquement rien d’autre sous la main.Dans la politique, le collectif doit primersur l’individu, non pas dans le sens où ileffacerait l’individu, mais c’est l’unitéqui, en fin de compte, est la seule forceraisonnable.

Les luttes collectives telles que celles de pode-mos en espagne, de la france insoumise dansl’Hexagone ou d’occupy wall Street aux uSane restent-elles pas cantonnées aux frontièresnationales. comment trouver un meilleurlevier?Personnellement, je pense que noussommes commandés par la situationmondiale, de façon très importante ettrès frappante. On ne peut plus enfermerla politique dans un cadre national. Onle peut d’autant moins que ce que Marxappelait le prolétariat est aujourd’huimondial. Je l’appelle le prolétariatnomade. Des masses de gens circulentdans le monde, cherchant soit à fuir desguerres civiles meurtrières, soit à cher-cher du travail parce qu’ils n’arrivent pasà survivre là où ils sont. La question ditedes réfugiés est une forme un peu nou-velle d’existence des démunis de la terreentière, qui cherchent un endroit pourvivre. Cela ressemble assez fortement àla manière dont les paysans des arrière-pays nationaux convergeaient au XIXesiècle vers les villes pour travailler dansles usines.

«Le capitalisme n’est pas le destin dernier de l’humanité»

INTERVIEW • Le philosophe alain badiou, mondialement connu pour sa défense d’une «hypothèse communiste», était de passage à genève pour évoquer l’influence de la révolution culturelle chinoise sur la gauche et la question des sans-papiers.

«ce que Marx appelait le prolétariat est aujourd’hui mondial. je l’appelle le prolétariat nomade», affirme alain badiou DR

Suite en page 6

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6 • i n t e r n at i o n a L n° 20-21 • 19 Mai 2017

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Si je prends la situation française, je pense qu’ilfaut réaliser, partout où c’est possible, une figured’unité entre nationaux et personnes d’origineétrangère. La France compte une masse ouvrièreinternationale très établie. Pratiquement 6 ou 7millions d’ouvriers ordinaires sont de provenanceétrangère, venant d’Afrique du Nord ou d’Afriquenoire. Commençons alors par essayer de faire ensorte que les organisations que nous souhaitonsconstruire dans leur dimension d’action ou d’or-ganisation populaire soient multiraciales et mul-tinationales à l’intérieur des frontières nationales.Un internationalisme est possible à l’intérieur deces frontières mêmes. Cependant, toute la sociétéréactive travaille contre cette émergence avec deslois discriminatoires très importantes, comme l’ac-ceptation du fait que des gens peuvent travaillerpendant des années sans qu’on leur accorde despapiers pour qu’ils s’installent dans une situationnormale. On doit combler notre retard par rap-port au capitalisme autant que faire se peut.

est-ce que vous voyez aujourd’hui poindre des alternativesconcrètes?Tant à l’échelon local qu’à une échelle plus impor-tante, il y a eu des tentatives de réalisation d’alter-natives. Certaines ont échoué, mais il faut nousenrichir du bilan de ces échecs, en tirer nous-mêmes les leçons, comme dans le cas de touteentreprise humaine. Il ne faut pas laisser à l’ennemile soin de tirer le bilan de ces expériences ratées. Jepense que nous sommes renvoyés à une époqueencore assez lointaine du point de vue des alterna-tives, mais on en connaît cependant les principesgénéraux. Il ne faut donc pas abandonner le travailtant au niveau de la pensée stratégique ou des prin-cipes que de l’expérimentation, qui consiste, y com-pris localement, à organiser les choses en confor-mité avec les principes. D’autant plus qu’au départ,toute procédure pour réaliser cette nouvelle sociétésera expérimentée dans des conditions locales. Lemoindre mouvement social réel, la moindre grèved’usine, le moindre soulèvement de la jeunesseposent immédiatement les questions qui sont lesnôtres. Il faut donc rester militant.

a genève, vous consacrez une soirée au bilan de la révolu-tion culturelle chinoise. Quel est-il?Le maoïsme lui-même a représenté, à travers laRévolution culturelle, une tentative novatrice pouréviter la catastrophe soviétique, mais cela a échoué.Il faut repartir aussi de l’examen de cet échec. L’en-semble de l’expérience et des tentatives de ce que –selon un paradoxe dans la dénomination – onpourrait appeler un communisme d’Etat – ontéchoué. Nous avons sur les bras un problème àreprendre presque à zéro quant au rapport entrepolitique communiste et politique d’Etat. Ce qu’estune figure politique démocratique dans notre sensà nous reste pour l’instant à l’état de question. Maisla politique est comme la science, elle vit par lesproblèmes. Les solutions, c’est très bien, mais celaprovoque toujours de nouvelles interrogations. Celane me dérange pas que les choses soient probléma-tiques. La pensée humaine a toujours consisté àrésoudre des problèmes, à trouver des solutions, pasforcément formidables, à reprendre la questionpour trouver de meilleures solutions, c’est toute ladialectique du travail humain. n

Propos recueillis par Joël Depommier

L e président vénézuélien Nicolas Maduro,bien mal conseillé comme toujours, a optérécemment et comme à son habitude pour

une mascarade administrativo-buraucratique àun problème politico-social. Face à l’instabilitécroissante de son pays, qui a provoqué desdizaines de morts dans les derniers mois, il aconvoqué début mai une Assemblée consti-tuante populaire.

Le rejet immédiat de cette mesure (et de touteforme de dialogue) de la part de l’opposition dedroite ne doit pas induire en erreur. Petit rappel:sous Chavez, qui avait été élu par une large majo-rité et avait élaboré une Constitution très démo-cratique, la droite avait déjà tenté un coup d’Etat le11 avril 2002, qui s’était soldé par un échec lamen-table en raison de la résistance populaire. Par lasuite, cette droite a continué avec ses tentatives demettre à bas le gouvernement, sans attendre devoir ce que ferait le nouveau président Maduro. Ladroite est putschiste et par ses manifestationscontinues, elle recherche à atteindre un nombre demorts suffisant pour diviser les forces armées, quisont le pilier du gouvernement de Maduro, et pro-voquer une intervention de l’armée américaine.Elle n’acceptera jamais aucune mesure – correcteou incorrecte – de la part du gouvernement qu’ellecherche à justement faire tomber.

Ecouter les chavistes critiquesCe qui en revanche devrait interpeller est laposition d’intellectuels et militants chavistes dela première heure comme Edgardo Lander oules positions des militants de Marea Socialista,qui aujourd’hui sont fortement critiques deMaduro, même s’ils espèrent toujours ressusciterladite «révolution bolivarienne» que la bour-geoisie issue des rangs du chavisme et la bureau-cratie ont mené à l’agonie.

Ils soulignent avec raison que l’initiative deMaduro fait cadeau de l’appui de la moitié dupays aux putschistes, qui brandissent le drapeaude la démocratie. Elle les consacre comme gou-vernement parallèle, accentue la dépendance dugouvernement à cette néo-bourgeoisie et auxforces armées et n’a rien à voir avec le «change-ment de cap» (nouveau cycle de la révolutionbolivarienne proclamé en 2012 pour la période2013-2109) que Hugo Chavez réclamait.

Tant que Maduro créera des «zones spéciales»pour les transnationales, permettra l’extractionminière à ciel ouvert à large échelle, organisée parle Ministère de l’exploitation minière écologique(!), paiera une dette internationale usuraire etsemblera le dernier à apprendre l’enrichissementde hauts fonctionnaires et de chefs militaires autravers du jeu de différence de change entre ledollar officiel et les bons qui se vendent au noir, ilne peut y avoir aucun «changement de cap».

Pas de discussions ni débatsLa parodie de l’Assemblée constituante est pathé-tique: la moitié des constituants serait élue par le«pouvoir populaire» (organismes bureaucratisés

et clientélistes, au service de l’Etat) et par le PSUV(Parti socialiste unifié du Venezuela), le partiunique, sans discussion ni débats. Ce n’est qu’unemachine électorale et une bourse pour obtenirdes postes dans la bureaucratie. Maduro parleencore de Constituante militaire, ce qui permetde supposer qu’il y aurait aussi un vote corpora-tiste des militaires. L’autre moitié serait élue surune base territoriale, pour garantir un quota pourles gouverneurs et le PSUV. Les autres partis révo-lutionnaires ou «bolivariens» restent ainsi exclus.

Pouvoir populaire devrait signifier que lestravailleurs librement auto-organisés en com-munes discutent et décident de plans de déve-loppements locaux et d’un plan de développe-ment national. Ils ne peuvent pas être le pluspetit et le dernier engrenage de l’Etat, mais doi-vent être à la base de la formation d’une nouvelleorganisation étatique. Ce n’est que par plus – etnon pas par moins – de démocratie qu’il serapossible de reconquérir les centaines de milliersd’ex-chavistes qui sont manipulés par les put-schistes. Il est nécessaire de donner la pleineliberté à la formation de partis de différentestendances dans le camp révolutionnaire et dejuger et incarcérer les putschistes, les voleurs debiens publics, les spéculateurs, qu’ils appartien-nent ou non à l’appareil officiel.

Des difficultés quotidiennes qui usent le peupleDurant le gouvernement de Maduro, on estimeà 180’000 millions de dollars les capitaux qui ontfui le pays. Celui-ci continue à dépendre entiè-rement de la rente pétrolière et n’a développéaucune souveraineté alimentaire. Il importe tout,les aliments de base tout comme les liqueurs etvoitures de la grande bourgeoisie, payée avec le

pétrole (qui est offert comme garantie aux prêtset investissements). Il n’est pas possible d’aug-menter la productivité alors que les secteurspopulaires passent leur temps à faire diverseslongues queues pour acheter les biens indispen-sables. La conscience du peuple travailleur et sarésistance sont très élevées, mais les difficultésquotidiennes le démoralisent et l’usent. Il nepeut pas être mobilisé tous les jours dans descontre-manifestations défensives alors que lesputschistes ont l’initiative politique et exploitentles difficultés qu’ils ont eux-mêmes contribué àcréer avec leur sabotage.

Les mesures bureaucratiques prises sont inef-ficaces. Il faut des mesures politiques radicales,de fond, le «changement de cap» que demandaitChavez. Il faut soutenir vigoureusement le gou-vernement vénézuélien contre le coup d’Etat queprépare l’impérialisme. Mais ceux qui ne criti-quent pas les mesures contreproductives deMaduro, en pensant qu’ils défendent ainsi lepeuple vénézuélien, lui rendent un mauvais ser-vice. L’impérialisme connaît les points faibles deses ennemis et les exploite. Les travailleurs, enrevanche, les voient, mais n’ont pas d’alternative.Il est urgent et fondamental de montrer qu’iln’existe pas que la passivité et la résignation ouune rupture de l’ordre constitutionnel en faveurde la droite, mais aussi une option de gauche. n

Guillermo Almeyra

Guillermo Almeyra est Politologue, professeur à laUniversidad Autónoma Metropolitana de México,éditorialiste au journal La Jornada et auteur de plusieurslivres sur les mouvements et conflits sociaux enAmérique latine. Paru dans Rebelion (traduction de l’espagnol par larédaction)

Une fuite bureaucratique vers l’inconnuVENEZUELA • intellectuel de gauche, guillermo almeyra considère que nicolas Maduro a fait fausseroute avec son projet d’assemblée constituante.

Suite de la page 5

comme en 2014, d’importantes manifestations contre le régime chaviste ont eu lieu dernièrement au Venezuela. LDD

COURRIERMélenchon veut la disparition duparti communisterémi néri réagit à l’interview dechristophe Ventura parue dans notredernier numéro.

Dans le Gauchebdo no 19, du 12mai, vous vous entretenez avec

Christophe Ventura sur la Franceinsoumise «et ses alliés». J’aimeraisvous inciter à la prudence et à lanuance s’agissant de la stratégie quis’est révélée dernièrement de la partdu mouvement de Jean-Luc Mélen-chon et qui ne correspond plus toutà fait à l’image que vous avez pu endonner durant la campagne prési-dentielle ni dans cet entretien. Eneffet, l’attitude de FI à l’endroit du

PCF ne peut plus guère être admis-sible dès lors, justement, que FI neveut plus d’ «alliés» (acceptés etutiles durant la campagne, mainte-nant rejetés) mais des ralliementsinconditionnels: programme, sigle,financement. Soit: la disparition duparti communiste (groupe parle-mentaire et militants), sa dissolu-tion dans la France insoumise quine se présente plus comme l’était leFront de gauche comme une coali-tion, un regroupement de diverspartis ou mouvements mais uneseule entité qui se substituerait àtoutes les autres! En Suisse, le Partidu Travail/POP n’accepterait sansdoute pas de disparaître dans unmouvement extérieur sous prétextequ’il «renouvelle» le paysage. Il enva de même en France.

Mélenchon adopte depuisquelques semaines une attitude qu’ilfaut bien appeler «bonapartiste» ets’il proclame haut et fort qu’il veutla mort du PS, on peut entendre ensourdine qu’il nourrit le mêmeobjectif s’agissant du PCF. Cela touten gommant désormais toute réfé-rence à la gauche, au marxisme, auxdrapeaux rouges et à l’Internatio-nale, etc. Bien qu’on ait pu résisterjusqu’ici à accréditer le jugement de«populiste» que lui attribuaient cer-tains analystes, il semble bien quemaintenant il s’agisse de cela – ycompris avec la caution ambiguë dela philosophe Chantal Mouffe qui,tout en «récupérant» Gramsci, s’at-tache à «liquider» le marxisme et luipréfère le théoricien nazi du droitCarl Schmidt!

Pour l’instant, le PC fait passeravant cette contradiction avecMélenchon la nécessité de barrer laroute à la droite et à l’extrême droite(ce qui ne semble pas préoccuperFI qui entend opposer des candi-dats dans des circonscriptions oùun député communiste est sortant– comme à Montreuil – quitte àfaire passer la droite par cette divi-sion «intéressée»), mais cettecontradiction va resurgir après lesélections législatives ou entre lesdeux tours.

L’objectif d’imposer une «coha-bitation» à Macron qu’a récemmentproclamé Mélenchon a tout d’uneparole en l’air, il présuppose un «razde marée» FI qui est non seulementimprobable mais impossible. n

Rémi Néri

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c u Lt u r e • 7n° 20-21 • 19 Mai 2017

La misogynie «en marche» contre Brigitte MacronDécidément, la société a de la peine à entrer dans le 21e siècle! Voilà un homme jeune,beau, surdoué, volontaire, visionnaire qui, contre toute attente, parvient, en une année, àdevenir président de la République française. Cet homme a épousé, en octobre 2007, Bri-gitte Trogneux, qui fut sa professeure de français et de théâtre au Lycée La Providenced’Amiens. Il en tombe amoureux à l’âge de 15 ans, elle a 24 ans de plus que lui, mais il estsûr que c’est la femme de sa vie. Visiblement, c’est un couple uni, qui s’aime, Emmanuel etBrigitte multipliant les gestes de tendresse. Il a adopté la famille de son épouse, ses troisenfants Sébastien, Laurence, Tiphaine, nés de son union avec André Louis Auzière, et sespetits-enfants. On assiste à une belle histoire d’amour.

Mais il y a un certain nombre de machos mesquins qui font des gorges chaudes de cette dif-férence d’âge. On laisse entendre que Macron est homosexuel et que son mariage est unparavent. Il faut ne pas les avoir vus ensemble pour sortir une ânerie pareille. A ce propos,Emmanuel Macron commente: «Il y a deux choses odieuses derrière ce sous-entendu. Lapremière, c’est de dire qu’il n’est pas possible que ce type qui vit une femme âgée de 24 ansde plus ne soit autre chose qu’un homo ou un gigolo. La deuxième, c’est que c’est de l’ho-mophobie. C’est à la fois de la misogynie et de l’homophobie.» D’autres, plus nombreux,ricanent à propos de cette différence d’âge, un média prétend, contre toute logique, qu’ellepourrait être sa grand-mère!

24 ans, c’est exactement la différence d’âge qui sépare Donald Trump de sa dernière épouseMelania. Mais personne, me semble-t-il, n’en a fait un sujet de moqueries. François Hol-lande a 18 ans de plus que Julie Gayet, mais cela ne semble pas déranger. Dans l’espritcommun, un homme, fût-il vieux et moche, qui fréquente ou épouse une femme plus jeuneque lui, cela paraît «normal», pour ne pas dire «naturel», mais si la femme est plus âgée,alors là, les standards sont bousculés, le sexisme et la misogynie s’engouffrent dans l’inha-bituel.

Jean-Marie Le Pen, un homme particulièrement fin, comme on le sait, a qualifié Macronde «mari de Madame Cougar». «Elle a 24 ans de plus! Comment un tel mariage peut-il fonc-tionner?» s’interroge Bild, célèbre quotidien allemand, qui ne s’interroge pas sur le princeAlbert II de Monaco et Charlene Wittstock, 20 ans plus jeune, Johnny Hallyday et Laetitca,32 ans de différence, mariés depuis 1996 (elle avait 21 ans, lui 53), Harrison Ford et CalistaFlockhart, 22 ans d’écart, Michael Douglas et Catherine Zeta-Jones, 25 ans de moins,ensemble depuis 17 ans, George Clooney et Amal Clooney, Bruce Willis et Emma Heming,Richard Gere et Alejandra Silva, qui comptent 34 ans de différence, Arnaud Lagardère etJade Foret, 29 ans d’écart... Le record fut semble-t-il battu par le violoncelliste Pablo Casals,qui épousa Marta Casals Istomin en 1957, de 60 ans sa cadette. Le mariage dura jusqu’à lamort du musicien, en 1975.

Le summum du mauvais goût a été atteint par Charlie Hebdo qui, à sa Une du mercredi 10mai, dessine, sur fond rouge, Brigitte enceinte de 9 mois et Emmanuel, la main sur sonventre rebondi, avec ce commentaire: «Il va faire des miracles». Un seul adjectif me vient:dégueulasse. Cette façon d’utiliser la biologie pour humilier une femme, et à travers elle,toutes les femmes, pour la ravaler à son ventre, comme si elle n’avait pas de cerveau ni decompétences professionnelles! En 2017, c’est affligeant, désespérant.

Ah! la biologie! Une des plus grandes disparités entre les hommes et les femmes. Pendantque l’horloge biologique tourne pour les femmes (les chances de tomber enceinte dimi-nuent à partir de 35 ans et la ménopause survient autour de 50 ans), les hommes, eux, peu-vent procréer jusqu’à leur mort. L’exemple d’Yves Montand est à ce sujet significatif. Aprèsla mort de Simone Signoret (1921-1985), Yves Montand (1921-1991) épouse en1987 Carole Amiel, 30 ans plus jeune que lui, dernière femme de sa vie et mère de sonunique enfant, Valentin, né le 31 décembre 1988. Au moment de la naissance de son fils,Montand est âgé de 67 ans, il meurt 3 ans plus tard, Valentin est ainsi orphelin.

Emmanuel Macron, homme de la modernité, s’est confié à Femme actuelle en avril: «Brigittea plus souffert que moi. Encore aujourd’hui, quand je vois certaines imitations, certainscomiques ou certains magazines… C’est de la misogynie ordinaire: si les rapports d’âgeétaient inversés, cela ne choquerait personne, les gens trouveraient ça super», explique-t-il. Et d’ajouter : «Elle est magnifique, et le fait qu’elle soit plus âgée est terrible car c’est unobjet de railleries, d’incivilités. Cela nous a beaucoup appris: on ne se construit jamais dansle regard des autres.» Brigitte Macron a été insultée, pire, on lui crachait dessus! Misère!...Pour d’autres médias, heureusement, le couple véhicule, notamment à l’étranger, uneimage positive: celle de la modernité, de la famille recomposée qui s’assume.

Macron a décidé de donner un statut officiel à la «Première Dame», qui a des obligations(tenue des lieux, décoration, organisation de réceptions, etc.), un bureau et du personnel,mais pas de statut, ce qui relève de l’hypocrisie ou de la misogynie, au choix. Elle conseilleraaussi son président de mari, comme elle l’a toujours fait, quand il était son élève, à la créa-tion du mouvement En marche! et durant la campagne présidentielle. Cela me réjouit.

Apparemment sans rapport avec ce qui précède, on apprenait, le 10 mai dernier, le décès dela sociologue française Colette Guillaumin, née en 1934. Théoricienne des questionsraciales et féministes, elle est l’auteure de Sexe, Race et Pratique du pouvoir, recueil d’ar-ticles publiés entre 1977 et 1990. Docteure en sociologie en 1969, elle est l’une des pre-mières à avancer que la notion de «race» n’a aucune valeur scientifique. Elle s’essaie àdémonter les discours naturalisants, essentialistes, qui légitiment les discriminations. Dèsla fin des années 1960, elle s’intéresse au féminisme et intègre l’équipe de rédaction de larevue Questions féministes, fondée en 1977 par Simone de Beauvoir. En 1978, elle y faitparaître un important article: «Pratique du pouvoir et idée de nature», qui théorise l’appro-priation des femmes à travers l’idéologie naturaliste et propose une analyse en termes deconstruction sociale du genre. Elle invente le terme «sexage», pour désigner la réductiond’une personne à son sexe.

Ses écrits éclairent on ne peut mieux ce qui précède! Le fait que sa mort soit passée prati-quement inaperçue l’illustre peut être encore plus...

Huguette Junod

LA CHRONIQUE FÉMINISTE

I l n’est plus de station de montagne ou de villégiature quin’annonce son festival de musique, tentant de relancer untourisme en perte de vitesse, de prolonger une saison,

voire simplement d’occuper des artistes pendant l’été, ce quifut du reste l’origine d’une des manifestations les plus presti-gieuses aujourd’hui encore, le Lucerne Festival. En effet,Ernest Ansermet voulait offrir des possibilités de travail à sesmusiciens au chômage l’été. Et puis Toscanini vint à Lucerneet d’autres noms célèbres fuyant le nazisme et le fascisme. Onconnaît la suite: les Semaines internationales de musique aubord du lac des Quatre-Cantons deviennent le festival donton parle, à côté de celui de Salzbourg, les opéras en moins.

Deux festivals en Suisse: Lucerne et MontreuxUn certain Manuel Roth eut l’idée de créer un festival enSuisse romande aussi au bord d’un lac, face à une vue idyl-lique, comme à Lucerne, et en 1946 naît le Septembremusical. Dès lors, on a deux festivals réputés en Suisse:Lucerne et Montreux-Vevey. Ils proposent des orchestres,des chefs, des solistes et des œuvres d’exception qu’on n’en-tend pas à l’abonnement pendant la saison, que ce soit àLausanne ou à Genève, pourtant privilégiées sur le planmusical, et même dans bien des villes étrangères plusgrandes. Donc un public international se joint aux mélo-manes de la région et des cantons avoisinants.

On crée l’événement, d’un indéniable prestige, mais celacoûte et peu à peu, le tourisme ayant changé d’objectif, onne vient plus guère en vacances à Montreux, donc les hôte-liers n’y trouvent finalement pas leur compte. On ne va pasrefaire l’histoire du Septembre musical*, de ses aléas, desannées glorieuses aux difficultés financières, puis au désa-mour du public pour une nouvelle programmation qui necorrespond pas à ses attentes. Le festival peu à peu semeurt. Grâce au chef d’orchestre Karl Anton Rickenbacher,il connaît un courageux rebond en 2002, mais en 2017 on al’impression que la manifestation se cherche encore.

Un Septembre musical scindé en deuxTobias Richter, son actuel directeur, convoquait la presse, àvrai dire peu nombreuse, à la présentation du programmede l’été 2017 dans un hôtel de la région. En fait, le Sep-tembre musical ou Festival de musique classique Montreux–Vevey ne compte que deux concerts en septembre, maissept en août, outre les Hivernales, deux soirées qui sontproposées en février. Scinder le festival en deux parties estune idée surprenante d’autant qu’en hiver, on n’est pas enmanque de musique alentour. A qui donc destine-t-on cesdeux concerts? Les gens de Montreux et environs, pourautant qu’ils ne soient pas partis skier, suffisent-ils à rem-plir l’Auditorium Stravinsky? Quant au programme de l’été,est-il suffisamment attrayant pour garantir le succès, offre-t-il l’exceptionnel?

Après le concert des finalistes du concours Clara Haskilau Théâtre de Vevey, avec l’Orchestre de Chambre de Lau-

sanne (OCL) dirigé par Christian Zacharias, le 25 août, onretrouvera le Royal Philharmonic Orchestra de Londresavec Charles Dutoit dans un programme entièrement Ravelle premier soir, Ravel-Gerschwin le deuxième soir; on aurabien sûr les deux concertos pour piano, celui pour la maingauche avec Bertrand Chamayou, et celui en sol avec Marc-André Hamelin, la Valse, Ma mère l’Oye, le Tombeau deCouperin; on peut regretter que, de Gershwin, on ne donneque la très connue Rhapsody in Blue et une suite sympho-nique tirée de Porgy et Bess, sans doute dans l’arrangementde Russell Benneth.

Plus intéressant et inattendu, en première partie dumoins, le programme de music Aeterna et de son surpre-nant chef Teodor Currentzis alterne Tallis et Purcell avecSchnittke et Ligeti, avant…le Requiem de Mozart. On seréjouit de réentendre l’European Philharmonic of Switzer-land (EPOS), cet orchestre qui regroupe, entre autres, desanciens du Mahler Chamber Orchestra fondé par Abbado.Il sera sous la direction de Lorenzo Viotti, fils du regrettéMarcello Viotti, avec le violoniste Renaud Capuçon, dans leconcerto de Max Bruch, entre Verdi et Tchaikovski, puisjouera, le soir suivant, le K.467 de Mozart avec AndrewTyson, prix Géza Anda, suivi de la 2e de Brahms.

Plus original, le concert au Château de Chillon, en col-laboration avec la Verbier Festival Academy, présente deuxpianistes qui interpréteront, outre des pièces en solo, deuxœuvres à quatre mains de Schubert. Enfin, en septembrecette fois, le festival se terminera avec deux concerts par leRussian National Orchestra, dans Prokofiev, la «Classique»,Mendelssohn, l’«Italienne», Dvporak, la 8e et l’on sera heu-reux de réentendre le pianiste Mikhail Pletnev dont lesinterprétations ne laissent jamais indifférent, en particulier,le dernier soir 2 septembre, dans un concerto de Scriabine.

Oser étonner le publicMais la concurrence est là. Verbier, Gstaad, Sion, Zermatt,pour n’en citer que quelques-uns tout proches et juste sur larive d’en face Evian, etc.,etc. Sans parler du Lucerne Festi-val qui a, pour lui, d’oser présenter la musique d’aujour-d’hui, avec de nombreuses premières et créations, non pasen des séances spéciales mais au programme de tous sesconcerts dont ceux du soir, avec les plus grands chefs,orchestres et solistes. Et le public suit, toutes générationsconfondues. On a tort de trop souvent mésestimer la capa-cité d’écoute, de curiosité et d’émerveillement des auditeurspour peu que l’occasion leur est donnée de découvrir et des’étonner et pour autant qu’on arrive à créer un caractère unpeu festif à l’événement. n

Myriam Tétaz-Gramegna

Renseignements: +41 (0)21 962 80 00, [email protected] billetterie +41 (0)21 962 80 05, du lundi au vendredi de 10h à15h, [email protected]* cf le livre de Jean-Pierre Monnard Septembre musical 70 ans defestival aux éd. Infolio

Festival par-ci, festival par-là, quel avenir?MUSIQUE • a voir Montreux essayer de faire survivre ce que fut le Septembremusical, on est en droit de se demander si, à multiplier les séries de concert nomméesparfois fallacieusement festivals, on ne tue pas ce qui devrait être l’exceptionnel.

Les musiciens de l’european philharmonic orchestra of Switzerland (epoS) en concert à l’auditorium Stravinski à Montreux. DR

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C ’est devant la Ferme des Tilleuls à Renens,bébé dont elle est particulièrement fière etqui vient d’être inauguré, que Marianne

Huguenin apparaît de pied au début du docu-mentaire de Plans-Fixes, pour expliquer lagenèse de cette «maison de la culture» pour tous.La création et le lancement de ce nouvel espacedans un ancien domaine agricole, devenu mai-son de maître au XVIIIe siècle, peuvent être luscomme l’ultime étape, sûrement provisoireconnaissant la personne, du parcours d’une élue,qui, sous son magistère en tant que municipalepuis syndique, a fait fortement évoluer la citéouvrière de l’Ouest lausannois. Cette transfor-mation de la ville en lieu d’intégration progres-siste et multiculturel s’est notamment concréti-sée par l’implantation dans ses murs de l’écolecantonale d’arts et d’un gymnase. Il apparaîtalors d’autant plus intéressant de passer en revuele film de cette existence tournée vers la chosepublique, mais surtout marquée par sa proximitéet son écoute de la population.

La découverte du monde ouvrier Assise à son bureau dans son appartement, enplan fixe et noir et blanc, elle déroule le fil de savie face au journaliste Jérôme Galichet. En sous-titre, le film parle de racines et de convictions. Lesattaches de la représentante de la Fourmi rouge etdu POP vaudois sont multiples. Il y a d’abord LeLocle qui l’a vu naître, où son père était directeurde l’usine de médailles Huguenin et sa mère unefemme de convictions féministes, qui a militépour le droit de vote des femmes. Ces souvenirsneuchâtelois sont particulièrement émouvants,racontant des paysages du Jura neuchâtelois et deshivers rudes et neigeux, mais aussi la découvertedu monde ouvrier dans la fabrique paternelle.Puis il y aura La Chaux-de-Fonds, où elle étudieau gymnase peu après Mai 1968. Dans ces annéesde débats gauchistes intenses, de mise à bas desvieilles idoles et de transformation de la société,elle se forge la conviction qu’il ne peut y avoir demouvement social sans la présence des ouvriers etdu peuple, aux côtés des étudiants. Après desétudes de médecine à Lausanne et une année deformation en Allemagne, elle finira par se fixer àRenens, son deuxième havre sentimental, quideviendra aussi son ancrage politique. Elle ouvreson cabinet de médecine générale ouvert à tous.Dans cette banlieue de Lausanne, elle découvre lamême ambiance laborieuse, populaire et ouvrièreque dans les Montagnes neuchâteloises et la soli-darité. Fidèle à elle-même et à son enracinement,elle habite depuis plus de 40 ans cette commune,où tout le monde la connaît et la reconnaît.

Choisir son campTout à la fois racine et conviction, l’attachementde Marianne Huguenin à son parti, la Fourmirouge à Renens et le POP au niveau cantonal,montre la continuité et la ténacité de son enga-

gement, forçant le respect. Son entrée dans laformation de la gauche de la gauche date d’unpeu après l’invasion de la Tchécoslovaquie parl’URSS, pays où elle n’est jamais allée. Ce sontaussi les années de l’expédition du Che en Boli-vie où il décédera en 1969, mais aussi de laGuerre du Vietnam, des dictatures militaires enEspagne, Grèce et Portugal, puis viendra l’élec-tion de Salvador Allende au Chili en 1970, des-titué par un coup d’Etat militaire avec l’aide de laCIA. «Une époque où il fallait choisir son camp.Le nôtre n’est pas parfait, mais il est en traind’évoluer positivement après la déstalinisation»,rappelle Marianne Huguenin.

En Suisse, où elle considère que le Grand soirest bien hypothétique et que les renversementspolitiques et démocratiques sont le meilleur via-tique, elle fait ses premières armes au temps oùle parti est dirigé par le brillant avocat AndréMuret. Ce qu’elle affectionne particulièrement,c’est que le parti mélange tous les âges et milieux.Conseillère communale dans une ville dominéeà l’époque par la droite, qui ne voulait entendreparler ni de programme de crèches ni de poli-tique d’intégration, elle va rapidement se faireun nom, qui la conduira à devenir municipalede Renens (1996-2006), puis syndique (2006-2016). Soit vingt ans tout ronds d’exécutif au ser-vice de sa commune, tout en étant aussi députée

au grand Conseil vaudois (1990-1999) etconseillère nationale, le temps d’une législature(2003-2007).

«Le monde va mal, mais si on ne fait rien, il iraplus mal encore»Une époque aussi de crise économique dans le can-ton de Vaud, avant les RIE3 ou l’invention du «pôled’excellence lémanique», où la domination duGrand vieux parti radical est mise à mal et où JosefZisyadis, l’autre figure du POP, sera conseiller d’Etat(1996-1998). Tournant son regard vers la caméra,les dernières minutes du film permettent àMarianne Huguenin de réaffirmer ses convictions

et son credo humaniste. «Il y a eu une faillite despays socialistes, mais le capitalisme, tout le mondele sait, va dans le mur. C’est pour cela qu’en fin decompte, je me dis encore communiste. Pour moi, cen’est ni un Etat qui doit être créé, ni un idéal pourasservir la réalité, mais un mouvement pour chan-ger le monde», assure-t-elle. Ce qui la pousseencore à l’action: «Le monde va mal, mais si on nefait rien, il ira plus mal encore», conclut-elle. n

Joël Depommier

Marianne Huguenin, des racines et des convictions, àdécouvrir le 1er juin, à 18h30, à la Cinémathèque suissede Lausanne, en présence de l’ancienne syndique deRenens.

c u Lt u r e • 8n° 20-21 • 19 Mai 2017

S taline, en commandant à Chostakovitchune symphonie qui n’était pas par hasard laneuvième du compositeur russe, voulait

qu’à l’instar de celle de Beethoven, ce soit uneœuvre grandiose à sa gloire et à celle de l’URSSvictorieuse, l’apothéose d’une trilogie après lesdeux symphonies de guerre, la 7e «Leningrad» etla 8e. Mais Chostakovitch livra une partition quidurait moins d’une demi-heure, sans chœur nisolistes, avec seulement 69 musiciens et dont ildisait: «C’est une petite pièce très joyeuse. Lesmusiciens adoreront la jouer, et les critiques sedélecteront à la dénigrer». En fait, à part ledeuxième mouvement d’un intense lyrisme, quipleure les morts et dit la souffrance désespérée dela guerre, la symphonie manie l’ironie et le sar-casme d’une façon délibérément provocatrice; etcela faillit coûter la vie au compositeur. Il eut beauprétendre qu’il voulait exprimer le soulagement etle plaisir des soldats de retour chez eux une fois laguerre terminée, personne ne fut dupe!

Un persiflage aussi amusant que dramatiqueCette 9e symphonie, créée le 3 novembre 1945 àLeningrad, comprend cinq mouvements dontles trois derniers s’enchaînent. Le quatrième,Largo, pourrait émouvoir comme la triste com-

plainte du deuxième, Moderato, mais en un der-nier trait goguenard du basson, il dérape volon-tairement vers un Allegretto qui, comme lesautres parties rapides, joue avec des élémentsparodiques, des allusions ironiques, un humourgrinçant, des motifs disparates qui frisent par-fois le mauvais goût, une pseudo-marche mili-taire. Il n’empêche, on ne s’ennuie pas à écoutercette œuvre; pourtant si on s’amuse et sourit parmoments, on en décèle néanmoins ce qu’il y ade dramatique dans ce persiflage voulu par lecompositeur. Nul doute que les musiciens duSinfonietta «adoreront la jouer». Ils seront sousla direction de Thomas Sanderling. Né en 1942,ce chef d’orchestre a précisément vécu à Lenin-grad et rencontré Chostakovitch.

La soirée commencera par l’ouverture de laKhovantchina de Moussorgski (l’opéra, incom-plet, a été réorchestré par Chostakovitch), avantla Symphonie n° 94 en sol majeur de Haydn,dite «la Surprise» à cause de son accord fortis-simo avec coup de timbale dans l’Andante, justeaprès l’exposition du thème. Ce sera mardi 30mai à 20h au Métropole à Lausanne. n

Myriam Té[email protected] ou par téléphone au 021 616 71 35.

L’ironie provocatrice d’un homme révoltéMUSIQUE • a l’affiche du Sinfonietta de Lausanne, la plusinattendue 9e symphonie, celle de chostakovitch, qui aurait dûcélébrer la gloire de Staline, mais où le sarcasme devient réquisitoire.

Fondation Pierre GianaddaMartigny

3 février – 11 juin 2017Tous les jours de 10 h à 18 h Suisse

UN ÉVÉNEMENT HodlerMonetMunch

Impression Soleil Levant est exposé !

Claude Monet, Impression, soleil levant, 1872, Huile sur toile, 50 x 65 cm, Musée Marmottan Monet, Paris

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en mai 1968, Marianne Huguenin se forge la conviction qu’il ne peut y avoir de mouvement social sans la présence des ouvriers et du peuple, aux côtés des étudiants. Jean Mayerat