22
Mère de la Nouvelle-France Sonia K. Laflamme MARIE ROLLET

Mère de la Nouvelle-France MARIE ROLLET · à Louis de traverser avec lui en Nouvelle-France, Marie se montra encore plus enthousiaste. L’époux posa cependant la main sur le ventre

  • Upload
    others

  • View
    3

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Mère de la Nouvelle-France

Sonia K. Laflamme

de Sonia K. Laflamme illustré par Adeline Lamarre

MA

RIE

RO

LL

ET

1

MA

RIE

RO

LLE

T

Mèr

e de

Nou

velle

-Fra

nce

So

nia

K. L

aflam

me

• A

delin

e La

mar

re

Éditions de l’Isatis4829, avenue Victoria Montréal QC H3W 2M9

www.editionsdelisatis.com2347177829239

ISBN 978-2-923234-71-790000

La vie de Marie Rollet prit son envol un doux matin ensoleillé du printemps, alors qu’elle se

rendait chez l’apothicaire de la rue Saint-Honoré, dans le riche quartier Saint-Germain-des-Prés, à Paris.Derrière le comptoir du Mortier d’or, un homme dans la jeune trentaine l’accueillit d’un sourire. Il s’agissait de Louis Hébert, qui avait repris la bou-tique après le décès de son père. Ce dernier avait été autrefois le fournisseur de la reine Catherine de Médicis, mais cette haute fonction, de son vivant, ne l’avait pas mis à l’abri de la misère et des dettes.

Mère de la Nouvelle-France

MA

RIE

RO

LL

ET

MARIE ROLLETmère de la Nouvelle-France

mère de la Nouvelle-France

Direction éditoriale : Angèle DelaunoisDirection artistique : Pierre HoudeÉdition électronique : Hélène MeunierRévision linguistique : Jocelyne Vézina

© 2011 : Sonia K. Laflamme, Adeline Lamarre et les Éditions de l’Isatis

Collection Bonjour l’histoire no 1Dépôt légal : 2e trimestre 2011Bibliothèque nationale du QuébecBibliothèque nationale du CanadaCatalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada

Laflamme, Sonia K. Marie Rollet : mère de la Nouvelle-France (Bonjour l’histoire ; 1) Comprend des réf. bibliogr. et un index. Pour les jeunes de 8 à 12 ans. Édition imprimée : ISBN 978-2-923234-71-7 Édition électronique : ISBN 978-2-923818-68-9 (PDF) 1. Rollet, Marie, m. 1649 - Ouvrages pour la jeunesse. 2. Canada - Histoire - Jusqu’à 1663 (Nouvelle-France) - Ouvrages pour la jeunesse. 3. Pionniers - Québec (Province) - Biographies - Ouvrages pour la jeunesse. I. Lamarre, Adeline, 1977- . II. Titre.FC332.1.R64L33 2011 j971.01’1092 C2011-940689-6

Aucune édition, impression, adaptation ou reproduction de ce texte par quelque procédé que ce soit, ne peut être faite sans l’autorisation écrite des Éditions de l’Isatis inc.

Nous remercions le gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres Gestion SODEC

Nous remercions le Conseil des Arts du Canada

de l’aide accordée à notre programme de publication.

MARIE ROLLET

4829, avenue Victoria Montréal (Québec) H3W 2M9 www.editionsdelisatis.com

Sonia K. Laflamme

MARIE ROLLETmère de la Nouvelle-France

illustré par Adeline Lamarre

Éditions de l’

* Les mots d’époque suivis d’un astérisque sont expliqués dans le glossaire du dossier Marie Rollet

À toutes ces femmes restées dans l’ombre d’une histoire qu’elles ont pourtant écrite

à l’encre de leur vie.

Ils furent grands ces paysans hardis, Qui, perçant la forêt, l’arquebuse à la main,

Au progrès à venir ouvrirent le chemin; Et ces hommes furent nos pères !

(Louis Fréchette – Légende d’un peuple)

Et leurs épouses, nos mères !

7

UNE hISTOIRE d’AMOUR

Chapitre 1

L a vie de Marie Rollet prit son envol un doux matin du printemps alors qu’elle se rendait chez l’apothicaire* de la rue Saint-Honoré, dans le riche quar tier Saint-Germain-des-Prés à Paris.

Derrière le comptoir du Mortier d’or, un homme dans la jeune trentaine l’accueillit d’un sourire. Il s’agissait de Louis Hébert, qui avait repris la boutique après le décès de son père. Ce dernier avait été autrefois le fournisseur de la reine Catherine de Médicis, mais de son vivant, cette haute fonction ne l’avait pas mis à l’abri de la misère et des dettes.

— Puis-je vous être utile, demoiselle ?

8

— Je viens chercher le médicament de dame Guérineau.

Louis lui sourit encore, si bien que Marie baissa la tête, sentant du coup ses joues s’empourprer. Ses petites mains tremblèrent lorsqu’il lui remit un flacon.

— Faites bien attention de ne pas le casser ! Et mes salutations à dame Guérineau.

Marie acquiesça, poussa une pièce de monnaie sur le comptoir et sortit en vitesse. À quelques pas de la boutique, elle s’arrêta, le flacon contre elle. Elle sentait son cœur se gonfler d’un sentiment nouveau et étrange, d’un sentiment qui, les semaines suivantes lorsqu’elle revint chercher le médicament de sa voisine, s’amplifia davantage.

Armé de son sourire tranquille, Louis s’empressait tou-jours de la servir dès qu’il la voyait franchir la porte. Au bout d’un mois, il osa lui toucher la main.

— Accepteriez-vous de faire une promenade avec moi, demoiselle Marie ?

La jeune fille vacilla un moment avant de prendre une grande inspiration.

— Oui, fit-elle d’une voix menue.

Ainsi commencèrent leurs fréquentations amoureuses. Ils allaient tantôt du côté du Louvre*, tantôt parmi les nombreux étals du marché, ou encore faire des ricochets sur la Seine*. Leur amour grandissait à mesure que le printemps fleurissait. Louis demanda la main de Marie et ils convolèrent en justes noces* en 1602.

Les jeunes mariés s’installèrent dans une humble mai-son de la rue de la Petite-Seine. Marie et Louis nageaient

9

en plein bonheur. L’année suivante, la naissance d’Anne, leur premier enfant, les combla d’une joie indescriptible.

Pourtant, autour d’eux, tout semblait se dégrader. Les tracas financiers de la boutique se multipliaient au point que Louis avait dû vendre la part qu’il avait reçue de son père en héritage. La misère et la famine s’acharnaient sur Paris et le reste de la France. Sans compter les tensions qui régnaient toujours entre catholiques et huguenots*.

— J’aimerais tant éloigner ces soucis de nous, répétait souvent Louis.

— Ces malheurs ne disparaîtront pas de sitôt, hélas ! soupira Marie, l’air songeur. Je crois que le mieux serait de nous en éloigner. Mais comment ? Et pour aller où ?

La réponse ne tarda pas à venir.

11

L’AppEL dE L’AMÉRIqUE

Imaginez : des forêts et des terres à perte de vue et giboyeuses* à souhait ! Des fleuves, des rivières et des lacs immenses comme des océans !

Jean de Biencourt, baron de Poutrincourt, parlait avec de grands gestes. Les invités autour de la table l’écoutaient, les yeux écarquillés d’incrédulité. Parmi eux se trouvaient Louis Hébert, cousin par alliance du baron, et Marie Rollet.

— L’avenir se trouve en Amérique ! continuait l’homme qui venait d’acquérir la concession* de Port- Royal, en Acadie* et qui s’apprêtait à y repartir. Grâce à elle, nous trouverons la route vers l’Asie. Nous ferons le commerce

Chapitre 2

12

des fourrures*. Nous découvrirons des gisements de métaux précieux. Nous apporterons l’amour de Jésus et de notre bon roi Henri IV dans le cœur des Sauvages*…

Tout au long de la soirée, on le pressa de questions, on insista sur les détails de ses récits de voyage. Marie et Louis, surtout, se montrèrent si intéressés que, de retour à la maison, la tête sur l’oreiller, leurs espoirs voguaient déjà vers de nouvelles contrées. Malgré la faible lueur de la chandelle, la jeune femme vit briller l’étincelle de l’aventure dans le regard de son époux.

— La Nouvelle-France… souffla-t-elle. Voilà une chance inouïe de repartir de zéro et de faire table rase du passé. Refuserons-nous cette opportunité d’un monde où tout est à faire, à créer, à bâtir ? N’est-ce point là ce à quoi nous rêvions ?

Louis se redressa sur un coude pour mieux l’observer. Il n’en revenait pas. Sa femme parlait avec la même fougue que de Poutrincourt, comme si elle avait vu l’Acadie de ses yeux !

Quelques semaines plus tard, lorsque le baron proposa à Louis de traverser avec lui en Nouvelle-France, Marie se montra encore plus enthousiaste. L’époux posa cependant la main sur le ventre rebondi de sa femme.

— Et si notre deuxième enfant venait au monde en pleine mer ?

— Ah ! Il n’en est pas question ! répondit-t-elle. Je res-terai ici à prendre soin de nos enfants. Et vous, Louis, vous prendrez la mesure de notre rêve et de cette terre lointaine.

13

Une larme perla au coin de l’œil de l’homme. La quitter lui faisait déjà mal.

— Je sais que vous me reviendrez, ajouta-t-elle. Et je repartirai ensuite avec vous. Nous vous accompagnerons tous…

En mars 1606, l’apo thicaire quitta Paris. Le mois sui-vant, aux côtés de son cousin de Poutrincourt et d’un cer-tain Samuel de Champlain, Louis s’embar qua à La Rochelle à bord du Jonas en direction de l’Acadie.

Pendant près de vingt mois, Marie demeura seule dans la maison de la rue de la Petite-Seine à s’occuper d’Anne et de sa sœur cadette Guillemette, née peu de temps après

14

le départ de son père. La jeune épouse se demandait sans cesse de quelle façon Louis passait ses journées, quelles découvertes il faisait, quelles plantes il étudiait. Le soir venu, elle priait Dieu de le lui ramener bientôt sain et sauf. Elle voulait le bonheur de sa famille. Pour cela, son époux avait dû partir en éclaireur. Elle était prête à consentir quelques sacrifices pour connaître à son tour les promesses de l’Amérique.

À son retour en 1607, Louis Hébert était si convaincu que leur avenir se trouvait en Nouvelle-France qu’il repar-tit quatre ans plus tard. Cette fois encore, son épouse ne fit pas partie du voyage, car elle attendait leur troisième enfant, Guillaume. Marie s’ennuyait beaucoup pendant les absences de son mari. Lorsqu’il revint en 1613, elle se jura bien qu’à la prochaine traversée, elle se tiendrait à son bras.

15

LE gRANd dÉpART

Chapitre 3

En cette journée du 11 mars 1617, une activité effrénée régnait sur les quais du port de Honfleur. Parmi les navi-res, le Saint-Étienne semblait bien impressionnant aux yeux de la famille Rollet-Hébert.

— Au cours des prochaines semaines, ce bâtiment flot-tant deviendra notre maison ! lança gaiement Louis à ses trois enfants.

Du haut de ses cinq ans, Guillaume fronça les sour-cils sans comprendre. Quant à Marie, elle soupira, car la grande aventure commençait mal.

À leur arrivée sur place, la Compagnie des Mar chands qui avait engagé Louis avait décidé de modifier les termes

16

de son contrat. Émery et Guillaume de Caën, les res-ponsables, avaient non seulement diminué son salaire à 300 livres par année, mais ils avaient aussi limité son contrat à deux ans. Ils exigeaient de lui qu’il effectue en tout temps différentes besognes de leur convenance et qu’il soigne gratuitement les malades. Dans ses loisirs, on lui permettait de défricher sa terre et d’en récolter les fruits. Après cet engagement de deux ans, la compagnie ne verse-rait plus aucun salaire et ne lui offrirait plus de logis ni de vivres. Louis et sa famille devraient alors se débrouiller par leurs propres moyens, sans toutefois pouvoir faire aucun commerce avec les Amérindiens ou les autres colons sinon avec la Compagnie… On les réduisait à l’état de servitude !

Samuel de Champlain, qui avait connu Louis en Acadie, cria au scandale. Quant au père récollet* Joseph Le Caron, aussi sur le point de s’embarquer, il protesta haut et fort :

— Ce n’est pas ainsi qu’on incitera les familles à s’installer en Nouvelle-France !

Marie se demandait bien quel sort on leur réserverait là-bas à elle et à sa famille.

— Ne t’inquiète pas, souffla à sa sœur Claude Rollet que l’enthousiasme avait convaincu à les accompagner. Tout ira bien.

17

Louis acquiesça en déposant un baiser sur le front de sa compagne. Comme il avait vendu tout ce qu’il possédait à Paris, l’apothicaire signa le nouveau contrat avec le sen-timent qu’il ne pouvait revenir sur ses pas. Sa famille, la première à quitter l’Ancienne-France pour passer dans la Nouvelle, s’embarqua donc à bord du Saint-Étienne. Marie était la seule femme du voyage.

Une terrible et longue traversée de trois mois les atten-dait. Terrible, car les passagers du navire dor maient et mangeaient ensemble, sans intimité aucune, dans l’entre-pont, par terre ou dans des hamacs. Ils ne se lavaient pas et gardèrent les mêmes habits pendant la durée de la traver-sée. Il leur était impossible de faire des feux pour cuire leurs aliments de peur d’incendier le bateau, et le menu se composait surtout de poisson et de lard salé.

Autour de leur demeure flottante, la mer s’étendait, sombre et mystérieuse. Sans compter le froid humide, les icebergs et les corsaires*. Le soleil disparaissait pendant des jours. Les orages se succédaient, gonflant les vagues qui

18

soulevaient le navire, le balayaient d’écume, menaçaient de l’éventrer et faisaient craquer les mâts et la cale.

Devant le déchaînement de la mer qui lui faisait bon-dir l’estomac, Marie croyait souvent sa dernière heure arrivée. Un jour où la tempête se montra d’une force exceptionnelle, le père Le Caron donna sa bénédiction aux passagers apeurés. Marie attrapa son fils sous les épaules et le souleva bien haut.

— N’oubliez pas mon petit Guillaume ! implora-t-elle.

Le calme finissait toujours pas revenir. Et chaque soir avant de se coucher, les aventuriers du Saint-Étienne récitaient des prières et criaient d’une même voix : « Vive le roi ! »

Quelle épreuve ! L’angoisse tenaillait Marie; elle devait cependant garder la tête froide et montrer l’exemple à ses enfants.

Quand enfin le navire s’engagea dans le golfe du Saint-Laurent puis accosta à Tadoussac, alors considéré comme le port principal de la vallée laurentienne, Marie Rollet joignit ses mains devant elle.

— Alléluia ! s’exclama-t-elle pour remercier le ciel.

— Ne vous réjouissez pas trop vite, madame, lui dit Samuel de Champlain. Il reste encore une quarantaine de lieues* jusqu’à Québec. Et le fleuve n’est pas de tout repos…

Le fondateur de Québec et ses compagnons de voyage transbordèrent le lendemain à une chaloupe pour remonter le Saint-Laurent, car les bateaux de fort tonnage n’osaient s’aventurer parmi les dangereux récifs de l’archipel de l’île d’Orléans.

Mère de la Nouvelle-France

Sonia K. Laflamme

de Sonia K. Laflamme illustré par Adeline Lamarre

MA

RIE

RO

LL

ET

1

MA

RIE

RO

LLE

T

Mèr

e de

Nou

velle

-Fra

nce

So

nia

K. L

aflam

me

• A

delin

e La

mar

re

Éditions de l’Isatis4829, avenue Victoria Montréal QC H3W 2M9

www.editionsdelisatis.com2347177829239

ISBN 978-2-923234-71-790000

La vie de Marie Rollet prit son envol un doux matin ensoleillé du printemps, alors qu’elle se

rendait chez l’apothicaire de la rue Saint-Honoré, dans le riche quartier Saint-Germain-des-Prés, à Paris.Derrière le comptoir du Mortier d’or, un homme dans la jeune trentaine l’accueillit d’un sourire. Il s’agissait de Louis Hébert, qui avait repris la bou-tique après le décès de son père. Ce dernier avait été autrefois le fournisseur de la reine Catherine de Médicis, mais cette haute fonction, de son vivant, ne l’avait pas mis à l’abri de la misère et des dettes.

Mère de la Nouvelle-FranceM

AR

IE R

OL

LE

T