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MUSÉES EXPÉRIENCE MUSÉALE CAHIER THÉMATIQUE H LE DEVOIR, LES SAMEDI 24 ET DIMANCHE 25 OCTOBRE 2015 La technologie au service du message au CCA Page H 3 Une nouvelle présidente pour la Société des musées Page H 2 GIUSEPPE CACACE AGENCE FRANCE-PRESSE « Le musée est à la croisée du cognitif, du culturel, du divertissement et du commerce. Mais il ne doit pas oublier que sa première mission, c’est de servir le public », selon le muséologue Raymond Montpetit. Ici, une femme malentendante porte des lunettes intelligentes qui traduisent en langue des signes les informations complémentaires à l’exposition qu’elle visite. ANDRÉ LAVOIE L e visiteur de musée fut longtemps, à une époque lointaine, perçu comme encombrant, surtout s’il n’était pas un chercheur, un initié ou un riche collec- tionneur. Cette position élitiste ferait maintenant figure d’hérésie dans le milieu de la muséologie, qui a pris depuis un bon moment le virage « visiteur », pour ne pas dire « client ». Le virage est perceptible un peu partout à tra- vers le monde, et la muséologie québécoise a contribué de façon exceptionnelle à cette ap- proche, car il ne suffit plus de collectionner, mais de communiquer. Raymond Montpetit, muséologue, historien d’art et professeur asso- cié à l’École de muséologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), réfléchit depuis un bon moment à « l’expérience du visiteur ». C’était le thème principal du congrès organisé par la Société des musées du Québec (SMQ) qui s’est tenu à Lévis du 28 septembre au 1 er oc- tobre, ainsi que le sujet de la conférence d’ou- verture de celui qui fut également consultant pour de nombreux musées québécois au cours des trente dernières années. Si ce fameux visiteur a énormément changé depuis les dernières décennies, c’est aussi parce que les musées se sont passablement transformés, constate le spécialiste sans au- cune nostalgie. « Avant, quand on allait dans un musée, on y allait une fois pour la vie, car peu de choses changeaient. Avec la multiplication des expositions temporaires, les musées sont devenus des producteurs culturels à part entière. » Pour attirer un public nombreux et diversifié, le bat- tage publicitaire devient essentiel, forçant ainsi la direction des musées à explorer les rouages du marketing, ce qu’ils ne faisaient pas du tout avant le début des années 1980. Or, il ne suffit pas de créer l’événement sur la scène médiatique, encore faut-il savoir livrer la marchandise, la rendre accessible, compréhen- sible, attrayante, voire ludique. Raymond Mont- petit souligne que l’histoire de la muséologie est parsemée de moments déterminants qui ont dépoussiéré les mentalités et ouvert les portes de ces institutions attirant aux quatre coins de la province en 2013, selon l’Institut de la statistique du Québec, 14,2 millions de visi- teurs. Une impulsion importante fut donnée, et ce, dès les années 1930, par le National Park Service des États-Unis, soucieux de la préserva- tion et du développement, mais aussi de l’inter- prétation : il ne s’agissait pas pour eux d’objec- tifs, mais d’obligations. « Il y avait des guides-in- terprètes partout, précise le muséologue. On se devait de répondre aux questions des visiteurs. Dans les bonnes années de Parcs Canada, on avait la même approche, ce fut une grande école de muséologie pour beaucoup de Québécois, mais les choses ont bien changé… » Autre tournant majeur dans l’histoire de la mu- séologie québécoise, et qui par la suite fera école un peu partout : la tenue de l’Exposition univer- selle à Montréal en 1967. Pour le professeur de l’UQAM, il s’agit d’un électrochoc. « Les gens dé- couvraient des pavillons qui présentaient l’histoire de civilisations, de pays et de cultures du monde dans un design et avec des technologies de l’époque. Une vraie révolution pour les visiteurs, surtout ceux du Québec. Ça jouait avec tous les sens : il y avait du son, de la musique, de la lumière, du spectaculaire, et bien sûr des œuvres d’art ! Quand on comparait ça avec nos salles de musées… » Centré sur les visiteurs Terre des hommes fut donc un formidable ter- ritoire d’expérimentations pour de jeunes des- igners qui réinventeront plus tard la manière de concevoir des expositions, comme au Mu- sée de la civilisation de Québec, ouvert en 1988. « Quand il est né, on disait avec un peu d’ironie que l’objet le plus étudié dans ce musée- là, c’est le visiteur ! Mais je trouve qu’ils avaient raison. Ce musée a été fondé dans cette nouvelle logique centrée sur les visiteurs. On cherchait à connaître ses habitudes, ses intérêts, sa prove- nance. » Aujourd’hui, ces questions sont mon- naie courante pour permettre aux musées de répondre aux attentes de ceux et celles voulant « trouver du sens et du plaisir », comme le rap- pelle Raymond Montpetit. La partie est toutefois loin d’être gagnée pour assurer une réelle fidélisation des visiteurs, sol- licités de toutes parts et très exigeants. Pour les institutions, grandes et petites, voilà un défi permanent. « Dans ce contexte, la tâche des mu- sées augmente. Car il ne faut pas seulement s’oc- cuper du visiteur dans la salle d’exposition, mais tenir compte aussi de l’accueil, du restaurant, de la boutique. De plus, la présence sur le Web est essentielle pour prolonger l’expérience du visiteur et rejoindre les internautes, eux aussi visiteurs de musées. D’ailleurs, plusieurs grands musées dis- tinguent maintenant l’équipe en salle et celle sur Internet : ça ne se fait pas en criant ciseau, mais en investissant de l’argent. » Cette accélération de la numérisation des acti- vités muséales, dont la mise en ligne des collec- tions (« Une chose importante que le public ne voit pas », souligne Raymond Montpetit), ne fait pas perdre de vue les missions principales du musée. Mais avec la prolifération des tablettes et des gadgets, le musée est-il passé du temple de la contemplation à celui de l’interaction ? «Ce n’est pas faux, admet le spécialiste. Avant, on ne faisait que deux choses dans les musées : contem- pler et lire. Aujourd’hui, on donne encore beau- coup de choses à regarder, mais on nous permet aussi d’interagir. Car il ne faut pas négliger l’im- portance sociétale de la visite. D’ailleurs, la plu- part des spectateurs viennent en petits groupes, et c’est un aspect important que les musées doivent considérer pour comprendre ce que chacun retire. Plus de savoir ? Plus de sensibilité ? » Raymond Montpetit reconnaît toutefois que la tâche des musées s’effectue à une époque « où les frontières sont un peu brouillées ». Selon lui, « le musée est à la croisée du cognitif, du cul- turel, du divertissement et du commerce. Mais il ne doit pas oublier que sa première mission, c’est de servir le public. » Collaborateur Le Devoir Collectionner, mais aussi communiquer Ça jouait avec tous les sens : il y avait du son, de la musique, de la lumière, du spectaculaire, et bien sûr des œuvres d’art ! Quand on comparait ça avec nos salles de musées… Raymond Montpetit, au sujet de l’«électrochoc» de l’Exposition universelle présentée à Montréal en 1967 et de ses pavillons design « » SOURCE SMQ

MUSÉES - Le Devoir · 2015-10-23 · MUSÉES H 2 LE DEVOIR, LES SAMEDI 24 ET DIMANCHE 25 OCTOBRE 2015 50 ANS DE VIE URBAINE ET DE CRÉATION GRAPHIQUE rendez-vous pour les habitués

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MUSÉESEXPÉRIENCE MUSÉALE

C A H I E R T H É M A T I Q U E H › L E D E V O I R , L E S S A M E D I 2 4 E T D I M A N C H E 2 5 O C T O B R E 2 0 1 5

La technologie au service du message au CCAPage H 3

Une nouvelleprésidente pour la Société des musées Page H 2

GIUSEPPE CACACE AGENCE FRANCE-PRESSE

«Le musée est à la croisée du cognitif, du culturel, du divertissement et du commerce. Mais il ne doit pas oublier que sa première mission, c’est de servir le public », selon le muséologue RaymondMontpetit. Ici, une femme malentendante porte des lunettes intelligentes qui traduisent en langue des signes les informations complémentaires à l’exposition qu’elle visite.

A N D R É L A V O I E

L e visiteur de musée fut longtemps, àune époque lointaine, perçu commeencombrant, surtout s’il n’était pas unchercheur, un initié ou un riche collec-tionneur. Cette position élitiste ferait

maintenant figure d’hérésie dans le milieu de lamuséologie, qui a pris depuis un bon moment levirage «visiteur», pour ne pas dire «client».

Le virage est perceptible un peu partout à tra-vers le monde, et la muséologie québécoise acontribué de façon exceptionnelle à cette ap-proche, car il ne suf fit plus de collectionner,mais de communiquer. Raymond Montpetit,muséologue, historien d’art et professeur asso-cié à l’École de muséologie de l’Université duQuébec à Montréal (UQAM), réfléchit depuisun bon moment à « l’expérience du visiteur ».C’était le thème principal du congrès organisépar la Société des musées du Québec (SMQ)qui s’est tenu à Lévis du 28 septembre au 1er oc-tobre, ainsi que le sujet de la conférence d’ou-verture de celui qui fut également consultantpour de nombreux musées québécois au coursdes trente dernières années.

Si ce fameux visiteur a énormément changédepuis les dernières décennies, c’est aussiparce que les musées se sont passablementtransformés, constate le spécialiste sans au-cune nostalgie. «Avant, quand on allait dans unmusée, on y allait une fois pour la vie, car peu dechoses changeaient. Avec la multiplication desexpositions temporaires, les musées sont devenusdes producteurs culturels à part entière. » Pourattirer un public nombreux et diversifié, le bat-tage publicitaire devient essentiel, forçant ainsila direction des musées à explorer les rouagesdu marketing, ce qu’ils ne faisaient pas du toutavant le début des années 1980.

Or, il ne suffit pas de créer l’événement sur lascène médiatique, encore faut-il savoir livrer lamarchandise, la rendre accessible, compréhen-sible, attrayante, voire ludique. Raymond Mont-petit souligne que l’histoire de la muséologie

est parsemée de moments déterminants quiont dépoussiéré les mentalités et ouvert lesportes de ces institutions attirant aux quatrecoins de la province en 2013, selon l’Institut dela statistique du Québec, 14,2 millions de visi-teurs. Une impulsion importante fut donnée, etce, dès les années 1930, par le National ParkService des États-Unis, soucieux de la préserva-tion et du développement, mais aussi de l’inter-prétation : il ne s’agissait pas pour eux d’objec-tifs, mais d’obligations. « Il y avait des guides-in-terprètes partout, précise le muséologue. On sedevait de répondre aux questions des visiteurs.Dans les bonnes années de Parcs Canada, onavait la même approche, ce fut une grande écolede muséologie pour beaucoup de Québécois, maisles choses ont bien changé…»

Autre tournant majeur dans l’histoire de la mu-séologie québécoise, et qui par la suite fera écoleun peu partout : la tenue de l’Exposition univer-selle à Montréal en 1967. Pour le professeur del’UQAM, il s’agit d’un électrochoc. «Les gens dé-couvraient des pavillons qui présentaient l’histoire

de civilisations, de pays et de cultures du mondedans un design et avec des technologies de l’époque.Une vraie révolution pour les visiteurs, surtoutceux du Québec. Ça jouait avec tous les sens : il yavait du son, de la musique, de la lumière, duspectaculaire, et bien sûr des œuvres d’art! Quandon comparait ça avec nos salles de musées…»

Centré sur les visiteursTerre des hommes fut donc un formidable ter-

ritoire d’expérimentations pour de jeunes des-igners qui réinventeront plus tard la manièrede concevoir des expositions, comme au Mu-sée de la civilisation de Québec, ouver t en1988. « Quand il est né, on disait avec un peud’ironie que l’objet le plus étudié dans ce musée-là, c’est le visiteur ! Mais je trouve qu’ils avaientraison. Ce musée a été fondé dans cette nouvellelogique centrée sur les visiteurs. On cherchait àconnaître ses habitudes, ses intérêts, sa prove-nance. » Aujourd’hui, ces questions sont mon-naie courante pour permettre aux musées derépondre aux attentes de ceux et celles voulant

« trouver du sens et du plaisir », comme le rap-pelle Raymond Montpetit.

La partie est toutefois loin d’être gagnée pourassurer une réelle fidélisation des visiteurs, sol-licités de toutes parts et très exigeants. Pourles institutions, grandes et petites, voilà un défipermanent. «Dans ce contexte, la tâche des mu-sées augmente. Car il ne faut pas seulement s’oc-cuper du visiteur dans la salle d’exposition, maistenir compte aussi de l’accueil, du restaurant, dela boutique. De plus, la présence sur le Web estessentielle pour prolonger l’expérience du visiteuret rejoindre les internautes, eux aussi visiteurs demusées. D’ailleurs, plusieurs grands musées dis-tinguent maintenant l’équipe en salle et celle surInternet : ça ne se fait pas en criant ciseau, maisen investissant de l’argent. »

Cette accélération de la numérisation des acti-vités muséales, dont la mise en ligne des collec-tions (« Une chose importante que le public nevoit pas», souligne Raymond Montpetit), ne faitpas perdre de vue les missions principales dumusée. Mais avec la prolifération des tabletteset des gadgets, le musée est-il passé du templede la contemplation à celui de l’interaction? «Cen’est pas faux, admet le spécialiste. Avant, on nefaisait que deux choses dans les musées : contem-pler et lire. Aujourd’hui, on donne encore beau-coup de choses à regarder, mais on nous permetaussi d’interagir. Car il ne faut pas négliger l’im-portance sociétale de la visite. D’ailleurs, la plu-part des spectateurs viennent en petits groupes, etc’est un aspect important que les musées doiventconsidérer pour comprendre ce que chacun retire.Plus de savoir? Plus de sensibilité?»

Raymond Montpetit reconnaît toutefois quela tâche des musées s’ef fectue à une époque«où les frontières sont un peu brouillées ». Selonlui, « le musée est à la croisée du cognitif, du cul-turel, du divertissement et du commerce. Mais ilne doit pas oublier que sa première mission, c’estde servir le public. »

CollaborateurLe Devoir

Collectionner, mais aussi communiquerÇa jouait avec tous

les sens : il y avait du son, de la musique, de la lumière,du spectaculaire, et bien sûrdes œuvres d’art ! Quand oncomparait ça avec nos sallesde musées…Raymond Montpetit, au sujet de l’«électrochoc»de l’Exposition universelle présentée à Montréalen 1967 et de ses pavillons design

«

»SOURCE SMQ

Page 2: MUSÉES - Le Devoir · 2015-10-23 · MUSÉES H 2 LE DEVOIR, LES SAMEDI 24 ET DIMANCHE 25 OCTOBRE 2015 50 ANS DE VIE URBAINE ET DE CRÉATION GRAPHIQUE rendez-vous pour les habitués

MUSÉESL E D E V O I R , L E S S A M E D I 2 4 E T D I M A N C H E 2 5 O C T O B R E 2 0 1 5H 2

50 ANS DE VIE URBAINE ET DE CRÉATION GRAPHIQUE DU 25 SEPTEMBRE 2015 AU 10 AVRIL 2016

Rapprocher l’art et le public. Rendre la création accessible, la mettre en relation directe avecles visiteurs. Ce sont des missions du Musée d’ar t contemporain de Baie-Saint-Paul(MACBSP), qui of fre chaque été une rencontre entre artistes et spectateurs lors de son Sympo-sium international. Son exposition permanente, Zone de libres échanges, raconte les dif férenteshistoires de cet événement annuel, où douze artistes œuvrent en direct dans l’aréna municipal.De véritables ateliers vivants, au cours desquels le public fait partie intégrante de la création.

MUSÉE D’ART CONTEMPORAIN DE BAIE-SAINT-PAUL

Rapprocher l’art et le public

A L I C E M A R I E T T E

D epuis trente-trois ans, le seul musée d’artcontemporain de l’est du Québec veut

changer l’expérience muséale de ses visiteurs.En proposant une rencontre entre l’artiste et lepublic lors de son Symposium, le MACBSPmodifie le rapport à l’art. « Ce n’est pas une ex-position, c’est un lieu de création », indiqueJacques Saint-Gelais Tremblay, directeur géné-ral du musée. Depuis 1982, cet événement estdevenu l’une des forces de Baie-Saint-Paul, unrendez-vous pour les habitués et un premierpas vers l’ar t moderne pour les néophytes.Une rencontre inusitée, unique en son genre,qui veut faire disparaître les frontières avec lemonde artistique.

Le public est invité à déambuler dans toutl’espace et à participer au processus de créa-tion. La relation est bilatérale : si la populationdécouvre les artistes, les artistes découvrenteux aussi la population et, pour plusieurs, laréaction des gens modifie le résultat final. LeSymposium se renouvelle, innove constam-

ment, cherche toujours à se redéfinir, changede thème. Chaque année, douze nouveaux ar-tistes, sélectionnés par un comité de profes-sionnels, habitent pendant un mois l’aréna mu-nicipal pour peindre, sculpter, photographierou encore filmer devant et avec les visiteurs.

Zone de libres échangesPour poursuivre le partage, mais aussi la ré-

flexion, l’exposition permanente Zone de libreséchanges offre tout au long de l’année une im-mersion dans l’aréna de Baie-Saint-Paul au mo-ment du Symposium. Une exposition interac-tive, à la fois historique et ar tistique. On re-trouve dans la salle la plus basse du musée unmélange de technologies, permettant de tra-duire l’ambiance et le caractère particulier de larencontre annuelle. «On a pensé cette zone avecdes technologies de pointe. Comme le Symposiumn’est pas qu’une simple exposition, il fallait quecette exposition permanente n’en soit pas une nonplus», témoigne Martin Labrie, commissaire de

RENÉ BOUCHARD

Lors du Symposium du Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul, le public est invité à déambulerdans tout l’espace et à participer au processus de création.

VOIR PAGE H 4 : AR T

Lors du dernier congrès de la Société desmusées du Québec (SMQ), tenu à Lévis enseptembre, Katy Tari est devenue la nouvelleprésidente de cette association essentielle àla cohésion du milieu muséal. Celle qui rem-place René Binette, directeur de l’Écomuséedu fier monde, à Montréal, n’a rien d’unenouvelle venue, et exprime avec convictionses ambitions.

A N D R É L A V O I E

Elle ne manque pas non plus d’humourlorsque vient le moment d’énumérer ses ex-

périences professionnelles des 20 dernières an-nées, soulignant qu’entre ses contrats de conser-vatrice invitée et de conceptrice d’exposition,elle a réalisé quelques sites Web… ainsi que descédéroms! Ce souvenir la fait sourire, montrant

à quel point les technologiesont beaucoup évolué, parfoisà grande vitesse, bousculantles musées dans leur façonde concevoir des expositions.

Au cours de sa carrière,elle a compilé plusieursétudes sur les attentes dupublic des musées, une ex-pertise qui n’a pas échappéau Musée de la civilisationde Québec (MCQ). Direc-trice des collections et desrelations avec les muséesquébécois depuis fé-vrier 2014, Katy Tari entend

bien poursuivre le dialogue maintenant qu’elleest à la tête de la SMQ.

Elle entend aussi défaire quelques préjugéstenaces. «Les musées ne sont pas que des espacespour intellectuels, mais conçus pour tout lemonde», précise Katy Tari. Ceci allait d’ailleursen droite ligne avec les discussions du derniercongrès de la SMQ sur la notion de visiteur, carcelui-ci est loin d’avoir un seul et même profil.

Si les musées ont bien compris qu’ils doivents’adresser à plusieurs publics à la fois, le défiapparaît souvent difficile dans un contexte derareté de ressources et d’infrastructures vieil-lissantes. « Les musées se préoccupent depuislongtemps des personnes à mobilité réduite, maisils se questionnent également sur l’accueil des

analphabètes, des personnes aveugles ou souf-frant de maladies mentales. Comment entrerdans leur univers et comprendre leurs besoins,leurs préoccupations? Ces questions viennent en-richir les propositions des musées. »

De plus en plus de visiteursLa communication ne doit pas être si mau-

vaise, puisque le milieu muséal québécoispeut se réjouir d’une augmentation fort appré-ciable du nombre de visiteurs depuis quelquesannées, évalué à plus de 14 millions en 2013selon les derniers chif fres de l’Institut de lastatistique du Québec. Avec les succès combi-nés de l’exposition Rodin au Musée des beaux-ar ts de Montréal (MBAM), la rétrospectiveDavid Altmejd au Musée d’art contemporainet Inspiration Japon au Musée national desbeaux-arts du Québec (MNBAQ), la présenteannée devrait faire sourire les directeurs demusées… même si plusieurs remercient le

ciel maussade de l’été 2015 !Ce constat météorologique amuse Katy Tari.

« Dans le milieu muséal, quand il fait beau, ondit : malheur ! Et quand il pleut, l’espoir re-vient ! » Plus sérieusement, elle observe avecsatisfaction cette indéniable progression. «Pen-dant plusieurs années, nous avions atteint unplafond de 12 millions de visiteurs, et nous avonsmême cru, malgré tous nos efforts, à une incapa-cité de le dépasser. L’augmentation des 2-3 der-nières années nous prouve que nos ef for ts ontporté fruit, même si c’est dif ficile de déterminerun seul élément pour l’expliquer. »

Tout comme d’autres observateurs, elle si-gnale que ce chif fre mirobolant camouflequelques écueils. «Ce qui nous préoccupe, c’estla clientèle scolaire. Depuis le boycottage des acti-vités culturelles en 2005, on assiste à une baisse,et c’est très dif ficile de rattraper ce que l’on aperdu. Cette situation a poussé les musées à diver-sifier leurs publics, à être créatifs dans la concep-

tion des programmes de médiation culturelle. »Dans ce contexte, le salut passerait-il par le

numérique? Katy Tari souligne la contributionessentielle du Plan culturel numérique du Qué-bec, dont plus de 10 millions sont dévolus à troismusées importants, soit le MCQ, le MBAM et leMNBAQ. «Le virage sera plus prononcé dans cesinstitutions, mais tous les musées, grands et petits,savent que le numérique est là pour rester, qu’ilpermet de faire une différence, et de rejoindre unpublic que l’on ne rejoindrait pas autrement.» Enfait, les nouvelles technologies peuvent autantséduire le visiteur de passage que ce que cer-tains surnomment… le non-public.

«Les musées sont des espaces physiques, le visi-teur doit se déplacer, et les outils numériquespeuvent non seulement revaloriser les collections,mais créer de nouveaux lieux de découvertes »,déclare avec enthousiasme la présidente de laSMQ. On n’a qu’à penser aux nombreuses ap-plications pour téléphones intelligents permet-tant la découverte de l’art public ou de l’archi-tecture sous toutes ses formes et à travers lesâges. Voilà pourquoi elle décrit toutes les insti-tutions muséales comment autant de « pour-voyeurs de sens et de contenus».

Les nouvelles technologies favorisent aussiun dialogue fécond entre les citoyens et les mu-sées, et Katy Tari entend bien convaincre tousses partenaires de l’enrichir. Car le numériquefavorise l’échange d’informations et l’interacti-vité pendant la visite des expositions, mais ellevoit poindre un phénomène intéressant. « Lesgens ont besoin de partager leurs expériences,leur vécu, et de commenter le contenu d’une ex-position qui les touche. Les musées doivent être àl’écoute, et se questionner sur la manière d’utili-ser ce par tage, qui ne fera qu’enrichir nosconnaissances. »

Pour elle et ses collègues, la perception dumusée comme un silo relève du folklore, sa-chant que les nombreux défis qui attendent cesinstitutions à l’heure de l’austérité et du boule-versement des habitudes culturelles des Qué-bécois les poussent plus que jamais à l’audace,et au dialogue. « La SMQ le faisait déjà trèsbien, mais pendant mon mandat, je veux mainte-nir la force du réseau, partager les expériencesentre les institutions, peu importe leur taille.Bref, faire preuve à la fois de créativité et d’origi-nalité », conclut Katy Tari.

CollaborateurLe Devoir

CONGRÈS DE LA SOCIÉTÉ DES MUSÉES DU QUÉBEC

Faire éclater les quatre murs des musées

ÈVE LECLERC PERSPECTIVE PHOTO

La nouvelle présidente de la Société des musées du Québec, Katy Tari

«Les muséesne sont pas conçusque pour desintellectuels,mais pour tout lemonde»

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MUSÉESL E D E V O I R , L E S S A M E D I 2 4 E T D I M A N C H E 2 5 O C T O B R E 2 0 1 5 H 3

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A R N A U D S T O P A

A vec son programme d’ex-positions et de publica-

tions visibles en ligne, le Cen-tre canadien d’architecture(CCA) aspire à l’ouverture deson public au monde entier.

« Nous voulons fournir au-tant que faire se peut les conte-nus et la pensée critique à no-tre public, que nous espéronsatteindre même s’il ne peut passe déplacer physiquement àMontréal. C’est pourquoi nousmettons nos ef forts dans la pré-sence en ligne », se positionneMirko Zardini, directeur duCCA, en entrevuepour le Devoir.

Le musée de lamaison Shaughnessyest d’abord un centrede recherche plusqu’un musée. La miseà disposition des tra-vaux sur Inter netsemble donc toutenaturelle, à l ’heuredu tout numérique.« Nous sommes une institu-tion internationale, rappellele conservateur d’origine ita-lienne. La plus grande partiede notre public interagit déjàavec nous à travers des publi-cations que nous mettons enligne. Nos investissements sepor tent donc sur cette straté-gie de publication. »

Pour son 25e anniversaire,l’an passé, le CCA avait com-mencé un programme de créa-tion d’une banque mondiale del’architecture numérique, en sefondant sur les archives de 25projets expérimentaux. «Nousavions décidé d’aller dans la di-rection de la publication numé-rique, car nous pouvions présen-ter à travers ce médium non seu-lement des diapositives ou des vi-déos, mais aussi des animations

de fichiers numérisés qui peu-vent donner aux gens l’accès di-rect à certains matériaux.»

Ces réflexions que mène ladirection du centre ne sontpas uniques : elle se fait à tra-vers le monde. Chacun va deson expérience avec les inter-actions entre l’humain et levir tuel, entre l ’œuvre et lapensée. Mais un point rejointtous les musées : l’ouvertureaux intéressés aux méca-nismes de construction d’uneexposition. « Nous essayonsvraiment de montrer le travailen amont d’une exposition.Nous allons mettre l’accent sur

cet aspect dans notrenouveau site Internet »,qu’il espère mettre enligne en novembre.« L’idée de montrer lesdémarches à travers detrès cour tes entrevuesavec les personnes res-sources est par exempleune voie que nous sou-haitons suivre. » Cesidées ne serviront pas

que le public. Les profession-nels des métiers muséauxaussi. « Lors de séminaires oude vernissages d’expositions, ily a une demande pour que lesconservateurs expliquent com-ment les matériaux ont étépréparés, pour que les respon-sables des installations expli-quent leurs travaux avec lesarchitectes lors du développe-ment du projet » , décri tMirko Zardini.

Transmission du savoirC’est ainsi qu’il ne perd pas

de vue le cœur du rôle de sonétablissement : la transmissiondu savoir. « Nous allons tou-jours considérer l’exposition etles installations comme unechose cruciale, car c’est le meil-leur moyen pour amplifier le

message que nous souhaitonspasser dans nos expositions. »

La philosophie de Mirko Zar-dini est donc d’utiliser la techno-logie pour mettre en valeur lepropos de ses thèmes. «Tout lemonde pense qu’il faut mettre sys-tématiquement du numériquedans les galeries. C’est une straté-gie qui vise l’augmentation dunombre de visiteurs avec unenouvelle offre de l’expérience mu-séale. Je ne suis pas contre cela,opine le conservateur, mais cen’est pas mon objectif. Je veuxque les gens viennent pour obte-nir du contenu et de l’informa-tion sur une problématique don-née. Donc, quel que soit le moyenpour transmettre le message,nous l’utiliserons. Si cela passepar les nouvelles technologies,alors nous le ferons. Mais faireun parcours interactif juste pourêtre interactif, c’est inutile.»

Nouvelles technologiesIl faut remonter à 2011 pour

que le directeur du CCA sesouvienne d’une expositionqui l’a étonné. Architecture enuniforme : projeter et construirepour la Seconde Guerre mon-diale a été l’une des premièresà tester une interactivité entrele visiteur et l’œuvre. « Noussommes un musée orienté versla recherche, nous visons doncun public de niche. Alors quandle grand public s’empare d’uneexposition aux problématiquesaussi graves que celle de la Se-conde Guerre mondiale, c’estréjouissant. »

Mais c’est la deuxième partiede l’exposition Archéologie dunumérique : Environnementsvir tuels, objets interactifs, en2014, qui a d’une certaine façonété la mise en bouche de l’utili-sation importante des nouvellestechnologies à la sauce CCA.

« Nous voulons les intégrer

lorsque le contenu de l’exposi-tion le permet. Dans Archéolo-gie du numérique, nous avonsvraiment essayé d’évoquer et dereprésenter la technologie tellequ’elle était voilà 15 ans. Nousavons mis nos ef for ts dans laprésentation et la façon dont lepublic doit comprendre ce pointde l’espace-temps. Des fois avecdes vidéos, des fois avec des ar-chives numériques, des fois avecl’interaction avec des pièces demachines qui ont été perdues.»

Défi financierLe principal obstacle à l’in-

troduction des nouvelles tech-nologies au CCA, selon Mirko

Zardini, ce n’est pas la volonté,mais l’aspect pécuniaire. « Latechnologie demande énormé-ment de ressources. Rien quel’investissement dans des écransnous coûterait dix millions dedollars. Au Métropolitain deNew York, ils ont mis environ30 millions sur la table et ilsont embauché 70 personnes. AuBrooklyn Museum, ils ont déve-loppé une application qui per-met de poser une question surson téléphone intelligent à pro-pos d’une œuvre exposée etd’avoir une réponse instanta-née. C’est 78 personnes dansune pièce qui ne font que répon-dre à ces questions. »

L’autre aspect probléma-tique est l’identité même ducentre d’architecture, qui nepropose pas d’exposition per-manente. «Nous faisons affairemajoritairement avec du maté-riel fragile, comme le papier,qui ne peut pas être exposé à lalumière sur une longue durée.Alors si on souhaite investirdans les nouvelles technologies,il faut penser que l’immense in-vestissement qu’on y fait va êtremis à la poubelle, car nous re-nouvelons nos expositions tousles trois à quatre mois. »

CollaborateurLe Devoir

CENTRE CANADIEN D’ARCHITECTURE

La technologie au service du message

SOURCE CCA

«Quel que soit le moyen pour transmettre le message, nous l’utiliserons. Si cela passe par lesnouvelles technologies, alors nous le ferons. Mais faire un parcours interactif juste pour être interactif,c’est inutile », estime le directeur du CCA, Mirko Zardini.

Mirko Zardini

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MUSÉESL E D E V O I R , L E S S A M E D I 2 4 E T D I M A N C H E 2 5 O C T O B R E 2 0 1 5H 4

L’ART MODERNE DU QUÉBEC DE LA COLLECTION PIERRE LASSONDE

29 OCTOBRE 2015 - 27 MARS 2016

PASSIONPRIVEE

JEAN PAUL LEMIEUX, JULIE ET L’UNIVERS (DÉTAIL), 1965. HUILE SUR TOILE, 104,1 X 142,2 CM. COLLECTION PIERRE LASSONDE. © SUCCESSION JEAN PAUL LEMIEUX. PHOTO : MNBAQ, DENIS LEGENDRE. / PAUL-ÉMILE BORDUAS, SANS TITRE (N° 22), 1959. HUILE SUR TOILE, 60,3 X 72,4 CM. COLLECTION PRIVÉE, PHOTO : HEFFEL FINE ART AUCTION HOUSE, A05F-E02969-001. © SUCCESSION PAUL-ÉMILE BORDUAS/SODRAC (2015)

MNBAQ.ORG

ART CONTEMPORAINDES AUTOCHTONESD’AUSTRALIE

Nouvelle exposition

Une première canadienne!

Une exposition réalisée par le Musée de la civilisation en collaboration avec la Kluge-Ruhe Aboriginal Art Collection de l’Université de Virginie

Gardez un souvenir impérissable de votre visite avec la publication éponyme en vente à la Boutique du Musée.

Les Musées de la civilisation sont subventionnés par le ministère de la Culture et des Communications.

LES AUTOCHTONES D’AUSTRALIE DIALOGUENT AVEC LE MONDE ET LEUR ENVIRONNEMENT. ILS RÉALISENT DES ŒUVRES AUX DIMENSIONS POLITIQUES ET IDEN-TITAIRES, LESQUELLES TÉMOIGNENT DE LA VITALITÉ DE LEUR CULTURE ET DE LEUR HISTOIRE.

Achetez vos billets en ligne au mcq.org

LIGNES DE VIE

Lig

Art contemporain des Autochtones d’Australie

l’exposition. Il explique par ail-leurs que le mot « zone » a étéchoisi car il s’agit davantaged’un lieu de partage qu’une ex-position au sens classique duterme. Pas de protocole maisdes couleurs vives et de la mu-sique en fond sonore. Toutl’endroit est pensé pour que lavisite ne soit pas convention-nelle, avec une mise en scèneludique et interactive. Chaqueannée, la zone est repensée,notamment pour intégrer lesnouvelles œuvres.

« Puisque le Symposium c’estdes artistes qui réalisent leursœuvres devant le public, dansla Zone de libres échanges, ilest important de mettre en va-leur leur processus de créa-tion », explique M. Labrie. Laprojection immersive, surtrois murs, presque une salleentière, plonge immédiate-ment dans l’ambiance et rap-pelle l’effervescence de l’évé-nement. En une vingtaine deminutes, les images permet-tent de comprendre commentles ar tistes créent en direct.La contemplation du résultatfinal ne vient qu’en deuxièmelieu. « Plutôt que de simple-ment consulter des photos d’ar-chive, le but est vraiment deréaliser comment l’œuvre est entrain de se faire », commenteM. Labrie.

L’échange possible lors duSymposium se traduit dansle musée par une borne in-teract ive, qui per met deconsulter les centaines d’œu-vres créées en trois décen-nies et de découvrir tous lesartistes. Ces bornes permet-tent au vis i teur de ne pasêtre passif et de sélectionnerl’information qu’il veut rece-voir pour qu’il devienne ac-teur de son expérience.Quelques œuvres originalessont aussi offertes au public,accompagnées de docu-ments d’archives de la col-lection du musée, de photo-graphies et d’une car te dumonde réper toriant les ar-tistes passés au Symposium.« On s’attend aussi à ce queles visi teurs parlent entreeux », dit M. Labrie. Commelors du Symposium, la dis-

cussion est privilégiée, voireprovoquée.

Accompagner le public Lors des Symposiums, des

médiateurs guident le public.« L’idée de la médiation est dene pas se substituer à la rencon-tre, mais de la préparer », pré-cise le directeur du musée.Pour lui, les néophytes,comme les habitués ont be-soin d’un accompagnement etd’explications. Les premierspour bien comprendre cequ’est l’art moderne et les se-conds pour avoir davantaged’informations sur la dé-marche créative de l’artiste.

Dans la Zone de libreséchanges, les médiateurs ontété remplacés par des texteset de la vidéo, les protago-nistes des vidéoclips diffuséssemblent parler directementaux visiteurs. « L’exposition estfaite avec plusieurs degrés d’in-formations pour que tous les vi-siteurs la trouvent intéres-sante », estime le commissairede l’exposition. De nom-breuses pistes de lectures sontoffertes, pour plaire aux ama-teurs d’ar t, aux novices etmême aux enfants.

Que ce soit lors du Sympo-sium ou dans la Zone de libreséchanges, la démocratisationde l’ar t contemporain est aucœur même du projet. Dés ledébut, la fondatrice duMACBSP, Françoise Labbé,souhaitait faire de son établis-sement un ambassadeur del’ar t contemporain. Accessi-ble, ouvert à tous. Le mélangeentre ar tistes connus (AndyWarhol, Marc Séguin, Rio-pelle) et artistes émergents of-fre un florilège de l’ar tcontemporain.

Une exposition permanentedure généralement cinq ans, laZone de libres échanges accessi-ble depuis 2011 devrait doncêtre remplacée l’année pro-chaine. Toutefois, M. Labrieprécise qu’elle sera prolongéeau moins une année supplé-mentaire et que le muséecherche actuellement d'autressolutions. Par la suite, l’exposi-tion pourrait être itinérante,sur le web, ou encore dansune autre salle en cas d’agran-dissement du MACBSP.

CollaboratriceLe Devoir

SUITE DE LA PAGE H 2

ART

SOURCE MUSÉE D’ART CONTEMPORAIN DE BAIE-SAINT-PAUL

L’exposition permanente Zone de libres échanges

SOURCE MAC

Le Musée d’art contemporain de Montréal accueillera en novembre l’événement international Museomix, qui réunit, en trois jours etpartout dans le monde, des férus de nouvelles technologies.

J É R Ô M E D E L G A D O

I l n’est pas rare, dans un mu-sée d’art contemporain, de

s’arrêter devant des modulesinteractifs, de vivre des expé-riences immersives, de décou-vrir des œuvres immatérielles.Pour les artistes d’aujourd’hui,le dispositif technologique estun outil de création parmi tantd’autres. Or, là et peut-êtreplus qu’ailleurs, plus que danstout autre musée, faire appel àla technologie pour guider lesvisiteurs pose un problème.

Un problème ou un « beaudéfi », selon Louise Simard,responsable des créationsmultimédias au Musée d’ar tcontemporain de Montréal(MACM).

« L’exploration de nouveauxoutils numériques, de nouveauxtypes de médiation dans uncontexte encyclopédique, çapeut se comprendre. [On veut]aller vers la nouveauté, vers lesoutils en émergence, pour créerdes liens avec le public,constate-t-elle. Mais chez nous,les nouvelles technologies sontdéjà présentes dans les œuvresd’ar t, dans la création. Pournous, l’outil [de médiation] nedoit pas être en compétitionavec l’œuvre. »

Un musée, quel qu’il soit, nepeut cependant forcer les visi-teurs à éteindre leurs ma-chines. Dirigé désormais parJohn Zeppetelli, jadis à la fon-dation DHC du Vieux-Mont-réal, un des premiers lieux enville à avoir exploité les appa-reils mobiles pour diffuser desinformations sur les ar tistesexposés, le MACM en estconscient.

Un outil de médiation est« toujours une plus-value », re-connaît Louise Simard. Etc’est pour ne rater aucune oc-casion de mieux s’approcherde son public que le MACMvit une for te « phase d’ouver-ture, de curiosité ». « Le ventdans les voiles », dit-elle, verstoutes sortes d’aventures, lemusée accueillera au débutnovembre, pour la premièrefois, l’événement internationalMuseomix.

Un labo entretechnophiles

Laboratoire de création,charrette en multimédia, ma-rathon entre passionnés. Toutça et un peu plus, Museomixréunit en trois jours, partoutdans le monde, des férus denouvelles technologies. L’an-tenne québécoise prendraplace à Québec, au Musée na-tional des beaux-arts du Qué-bec, et à Montréal, au MACM.Les par ticipants, triés sur levolet, se regroupent paréquipes et doivent au bout delongues heures de travail àhuis clos, souvent jusqu’à mi-nuit, pondre un prototype d’unoutil de médiation culturelle.

« Museomix est un labora-toire ouvert, de recherche et dedéveloppement autour des nou-velles pratiques dans le musée,axé sur la médiation muséalepour la simple et bonne raisonqu’on ne fait pas de l’ar t, ditJustine Chapleau, de Museo-mix Québec. On fait des proto-types qui servent à la média-tion, à donner de l’info supplé-mentaire, à explorer de nou-velles formes d’interaction, àchanger la posture de public.

C’est un marathon créatif ettechnologique de trois jours, aucœur d’un musée. »

Né en France en 2011, leconcept de Museomix reposesur un principe tout simple :donner au visiteur de muséeun rôle plus actif. Il trouve sonorigine dans la réaction à l’in-terdit de photographier lesœuvres imposé par cer tainsétablissements.

« L’idée est d’arriver à unmusée participatif, décrit Jus-tine Chapleau. Il faut sortir dumusée traditionnel tel qu’on leconnaît, sortir le public de cettezone de contemplation et le ren-dre actif. On veut un musée quipermette un espace de liberté,un espace d’action, à l’opposéde la salle blanche, en silence,sans meubles. »

Pour la jeune muséologue, iln’est pas question de tout re-commencer à zéro. Le muséecontemplatif doit rester, es-time-t-elle, il s’agit cependantd’of frir une plus grande va-riété d’expériences, et de pren-dre conscience que le visiteurest n’est plus juste un visiteur.«Le musée gagne à ne pas êtremonolithique et doit s’interro-ger sur le rôle du public », croitJustine Chapleau.

Louise Simard ne considèrepas qu’il faut condamner lesoutils de médiation tradition-nels. « On est encore très atta-chés aux visites avec guide [enchair et en os], assure-t-elle. Ilfaut seulement chercher de nou-velles manières de faire. »

Les trois jours de Museomixsont imprévisibles. Personnene sait vers où iront leséquipes, qui seront formées lepremier matin. Des bidules in-

teractifs, des audioguides, desprojets futiles ou futuristes, lesrésultats pourront prendretoutes sortes de dimensions.

Les créateurs seront invitéscependant à suivre un desthèmes suggérés, un « terrainde jeu», parmi lesquels « le mu-sée dans la ville », « quand lemusée est fermé », ou encorel’inévitable question de laconcurrence entre l’outil tech-nologique et l’œuvre média-tique. « Comment donner ducontenu supplémentaire, de-mande Justine Chapleau, sansajouter un écran entre l’œuvreet le visiteur?»

En 2014, le Musée de la ci-vilisation, à Québec, avait ac-cueilli Museomix. Plusieursdes prototypes sont devenusdes réalités au cours l’année,notamment un laboratoired’animation pour l ’exposi-tion Image x Image issu d’undispositi f intitulé « cour t-court métrage ».

Sans promettre quoi quece soit pour les prototypesqui seront concoctés auMACM, Louise Simard as-sure que ce type de projetsest indispensable pour le rap-prochement entre un muséeet son public.

«On est toujours prêt à trou-ver de nouvelles manières detendre la main aux visiteurs.Museomix [nous donne rai-son], estime-t-elle. Il faut resterà l’af fût du profil du visiteur.Selon son âge, sa culture, sonprofil, son éducation. Il fautavoir une panoplie d’outils demédiation à lui offrir. »

CollaborateurLe Devoir

MUSÉE D’ART CONTEMPORAIN DE MONTRÉAL

La main tendue aux visiteurs

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MUSÉESL E D E V O I R , L E S S A M E D I 2 4 E T D I M A N C H E 2 5 O C T O B R E 2 0 1 5 H 5

MUSÉE D’ART CONTEMPORAIN DE MONTRÉAL

C A T H E R I N E G I R O U A R D

L es musées ont bien changéau cours des 30 dernières

années. La visite guidée pré-sentée de façon magistrale estmême en voie de disparition,alors que les musées rivalisentde créativité pour offrir des ex-périences uniques aux visi-teurs. L’objectif : transformerune journée au musée en uneexpérience cognitive com-plète. On ne veut plus fairesimplement visiter un musée :on veut le faire vivre.

«Haida. Anishinaabe. Déné.Inuit. Naskapi. Eeyou.» En péné-trant dans la salle d’exposition dePorter son identité – la collectionPremiers Peuples duMusée McCord — lesnoms des 11 premièresnations sont récités enboucle dans leurlangue maternelle. Sacde L’aventure au mu-sée sur le dos, papierset crayons en main, dejeunes visiteurs déam-bulent à travers des vê-tements traditionnelset des œuvres contem-poraines autochtones àla recherche d’indicespour compléter leur jeude piste. Au rythme duhochet et du tambour,ils sont ensuite initiés àla musique et à la danse autoch-tones, tandis que d’autres fabri-quent un pendentif inspiré del’art inuit.

Dans la salle suivante, c’estun iPad en main et des écou-teurs aux oreilles que les visi-teurs découvrent l’expositionMontréal – Point de vue. Àl’aide de pièces musicales, detextes poétiques et théâtraux,ils doivent résoudre desénigmes et découvrir le puzzlefinal à assembler.

Ces deux exemples illus-trent les multiples formes dy-

namiques et par ticipativesqu’empruntent de plus en plusde musées pour mieux trans-mettre leur savoir. « Aupara-vant, un musée était un céna-cle d’experts et de scientifiquesqui transmettaient leur savoirpar des guides qu’on appellemaintenant des médiateurs, re-late Dominique Trudeau, chefde l’action éducative au Mu-sée McCord, qui a présentéun atelier sur l ’expériencecognitive des visiteurs lors durécent congrès de la Sociétédes musées du Québec. Ons’est par ailleurs aperçu il y aune trentaine d’années que cen’est pas que la science et lesobjets qui doivent être au cen-

tre de la mission desmusées, mais aussiles visiteurs. »

L’expérience cogni-tive prônée au-jourd’hui tient donccompte de toutes lesfaçons d’appréhenderle savoir, expliqueMme Trudeau. « Onparle entre autres de lamémoire, du langage,du raisonnement, del’apprentissage, de larésolution de problème,de la prise de décisionet de l’attention. On sé-parait autrefois lesémotions de tout ça,

mais plus maintenant, car ons’est rendu compte que ce qu’onapprend n’est jamais détaché dece qu’on ressent.»

Les musées cherchent aussià présenter l’information desorte que le visiteur ait à la ré-organiser. Que ce soit en re-constituant une ligne du tempsà la fin de la visite, en partici-pant à un atelier de création ouen ayant été suffisamment in-terpellé pour avoir envie de re-parler de ce qu’il a vu, la réor-ganisation de l’informationainsi engendrée favorise l’ap-

propriation des contenus, af-firme la muséologue.

La mission des musées n’apour sa part pas changé à tra-vers le temps. Grand diffuseurde savoir, ils cherchent encoreet toujours à préserver et trans-mettre des connaissances. Cesont les méthodes de transmis-sion qui ont évolué. «On s’estaperçu que les visiteurs ont desbesoins émotifs et sensitifs, etqu’on améliorait la transmissionde la connaissance si ces besoinssont comblés», explique Domi-nique Trudeau.

Mettre la théorie en pratique

Tout cela, Dominique Tru-deau le met en pratique auquotidien au musée de la rue

Sherbrooke, qui se consacre àl’histoire sociale de Montréal,de ses gens, de ses artisans etdes communautés qui la com-posent. Découverte des expo-sitions permanentes du muséedu point de vue d’un enfant,chasse au trésor dans une ex-position temporaire qui débu-tera en novembre avec Mon-sieur Lapin, cette vedette auxgrandes oreilles d’une série delivres jeunesse publiée aux édi-tions Les 400 coups, ateliers decréation, heure de contes, acti-vités spéciales parents-pou-pons : le programme annuelL’aventure au musée, qui pro-pose plusieurs activités fami-liales variées, a été pensé etconçu selon ces principes. Etselon la chef de l’action éduca-

tive du Musée, cette approcherépond bien aux attentes desvisiteurs. « Nos expositions seveulent aussi des déclencheursd’activités familiales, souligneMme Trudeau. On s’est renducompte des bienfaits de laisserune place à la relation parents-enfants durant les activités. »

Mme Trudeau mise d’ailleursparticulièrement sur son pro-gramme d’activités familialespour rejoindre les jeunes cetteannée, les coupes en éducationayant un impact direct sur lenombre de visites scolaires.Alors que le Musée McCord agénéralement déjà accueilli5000 élèves à ce temps-ci del’année, ils ne sont qu’environ1500 à avoir visité le muséejusqu’à présent, se désole-t-elle.

Mm e Tr udeau est par ail -leurs convaincue qu’une visiteau musée est un complémentimportant à la formation sco-laire traditionnelle. Le contactavec de vrais objets, entre au-tres, permet d’absorber autre-ment des informations trans-mises en classe. « Je me sou-viendrai toujours de ce que j’airessenti dans ma jeunesse enfouillant dans de vieilles boîtesd’objets dans le grenier de magrand-mère. Les traces de l’uti-lisation de l’objet interpellent »,dit-elle, évoquant le phéno-mène de l ’empathie histo-rique, cette faculté de s’imagi-ner la vie à une autre époque.

Et ce qui fonctionne bienavec les plus petits fonctionnegénéralement bien avec lesplus grands aussi. « La straté-gie de questionnement qu’onutilise avec les écoliers, parexemple, est une manière d’in-tégrer le visiteur dans la dé-marche et de dynamiser la pré-sentation. En étant bien dosée,cette stratégie est aussi intéres-sante pour les adultes, leurpermettant de s’exprimer et deleur faire sentir que le muséeest un endroit pour eux. »

Si certains préfèrent toutefoisles visites plus traditionnelles,rien ne les empêche de le faire àleur manière. Les médiateursrestent à proximité pour répon-dre à leurs questions au besoin.

«Quand un visiteur quitte lemusée, je veux qu’il ait eu duplaisir, qu’il ait appris quelquechose et qu’il ait développé sa cu-riosité d’en savoir plus, conclutMme Trudeau. Et si une exposi-tion a donné envie à quelqu’und’approfondir ses recherches enrevenant chez lui, je me dis quec’est mission accomplie.»

Programmation : musee-mccord.qc.ca

CollaboratriceLe Devoir

MUSÉE MCCORD

Des initiatives dynamiques pour faire vivre le musée

SOURCE MUSÉE MCCORD

«Quand un visiteur quitte le musée, je veux qu’il ait eu du plaisir, qu’il ait appris quelque chose etqu’il ait développé sa curiosité d’en savoir plus», af firme la chef de l’action éducative au MuséeMcCord, Dominique Trudeau.

Pour chaque exposition, les musées doiventse réinventer pour of frir une expérience richeà leurs visiteurs. On doit arriver à les séduire,puis à toucher à leurs fibres émotive et ration-nelle. Chaque fois, le défi est grand et il fauttenter de nouvelles avenues. Entrevue mixtesur l’expérience muséale avec le tout nouveaudirecteur général des Musées de la civilisa-tion, Stéphan La Roche, et Dany Brown, direc-teur des expositions.

M A R T I N E L E T A R T E

C oloré, contemporain, même urbain, l’art au-tochtone en provenance d’Australie est à

l’honneur au Musée de la civilisation, à Qué-bec, avec l’exposition Lignes de vie dévoiléecette semaine. À travers les œuvres présentées,le visiteur est rapidement amené à réfléchir surla question des revendications politiques et ter-ritoriales des aborigènes et insulaires du dé-troit de Torrès qu’il découvre — ou redécouvre— avec cette exposition.

«Le Musée de la civilisation a comme prioritéde présenter les arts autochtones et diverses réali-tés de ces peuples qui sont présents au Québec etau Canada, mais aussi ailleurs dans le monde,af firme Stéphan La Roche. Présenter cet ar tcontemporain autochtone australien vient com-pléter le regard que l’on porte sur la culture au-tochtone. Il y a des liens évidents entre les réalitésquébécoises, canadiennes et australiennes, maiselles sont vécues différemment. »

Le visiteur acquiert également de nouvellesconnaissances et découvre des êtres mythiquesdans cet art bien singulier, dont les traditionssont perpétuées depuis plus de 60 000 ans.

«Les œuvres sont tout à fait fascinantes, alorsl’aspect enchantement est aussi présent pour levisiteur, affirme Dany Brown. Elles sont présen-tées d’une façon originale, en aplat, alors on lesvoit du dessus. Elles présentent des itinéraires devie et sont associées à des territoires. C’est trèstouchant. »

Les œuvres se déploient dans un espace ou-vert évoquant le vaste territoire australien. L’ex-position comprend aussi trois montages vidéoqui posent un regard documentaire etar tistique sur cette présence hu-maine. On a aussi pensé aux enfants :11 stations éducatives ont été crééespour stimuler leur curiosité.

Lignes de vie a été réalisée par leMusée de la civilisation en collabora-tion avec le Kluge-Ruhe Aboriginal ArtCollection de l’Université de Virginie.

Une expérience à bâtir chaque fois

On pourrait penser qu’il existe desrecettes pour créer des expositions àsuccès dans les musées, mais auxyeux de Dany Brown, le processus decréation est à recommencer chaque fois. Commebase, on retrouve toujours tout de même trois in-grédients: l’émotion, le cognitif et la séduction.

« Ces trois aspects doivent être présents, maisleur dosage varie d’un projet d’exposition à unautre, explique M. Brown. Chaque fois, il fautregarder comment le sujet ou le thème abordépourra aller chercher le visiteur dans les dif fé-rents aspects de sa personne. Généralement, unaspect prend le dessus sur les deux autres. Le site,l’approche, l’angle de traitement dif fèrent tou-jours. La créativité n’a pas de limite. »

Par exemple, pour l’exposition Corps rebelles,présentée jusqu’au 14 février, où on décode le

langage du corps en mouvement et l’écriturechorégraphique de la danse contemporaine,l’approche est très technologique. L’expositionse situe même à la limite de l’installation et del’œuvre, avec très peu de documents. Grâce à lacollaboration de Moment Factory, les visiteurssont même invités à se mettre sous les feux dela rampe en participant à Danser Joe, une pro-jection immersive.

Dans Tirées par les chevaux, présentéejusqu’au 17 janvier, on exploite plutôtla trame historique. On y découvre lesavoir-faire de voituriers québécois àl’époque où les chevaux étaient es-sentiels au transport terrestre.

« On joue beaucoup sur la nostalgie,sur l’émotion, indique Dany Brown.Cela favorise les échanges. Puis, nousinvitons les gens à laisser leur trace.Nous avons créé une activité de “twit-térature” où les visiteurs peuvent ra-conter une très courte histoire à par-tir des voitures présentées. »

Les visiteurs peuvent rédiger cesminuscules textes sur des bornes ins-tallées dans l’exposition et elles sont

publiées sur Twitter.

Des musées actuelsLes Musées de la civilisation multiplient

les efforts pour s’inscrire concrètement dansle monde actuel. Chargée de projet pendant30 ans, Lise Ber trand, reconnue pour laplace qu’elle accordait aux ar tistes contem-porains dans son travail, vient d’ailleurs d’ob-tenir le prix Carrière de la Société des mu-sées du Québec.

Entré en poste à la mi-octobre, Stéphan LaRoche a l’intention de poursuivre le travail pourque les Musées de la civilisation soient toujours

plus en phase avec les réalités d’aujourd’hui.« Nous voulons répondre aux attentes des ci-

toyens québécois, puis des visiteurs de l’étranger,toujours rester à l’affût des nouvelles tendances etpoursuivre les développements dans le domainedu numérique, qui touche maintenant tout lemonde», affirme-t-il.

Dans ses anciennes fonctions à la tête duConseil des ar ts et des lettres du Québec(CALQ), Stéphan La Roche s’est démarquépour avoir mené une réorganisation majeureafin de faciliter l’accès au financement des ar-tistes. S’il a toujours l’âme du développeur, il n’apas l’intention toutefois d’adopter la même ap-proche aux Musées. « Le CALQ et les Muséessont évidemment des institutions extrêmementdifférentes », précise-t-il.

Le nouveau directeur général connaissaitdéjà le Musée de la civilisation de l’intérieur,puisqu’il y a travaillé comme guide à l’ouver-ture de l’établissement de Québec, en 1988. Ac-tuellement, il se dit dans la phase où il s’im-prègne de son nouveau milieu de travail avantd’annoncer d’éventuels projets.

« Après quelques jours en poste, je peux diretout de même que je suis extrêmement privilégiéet conforté de me retrouver entouré d’une équipeextraordinaire, passionnée de la chose muséale etinvestie de sa mission de faire découvrir au plusgrand public possible des éléments du passé, duprésent, et de lui permettre de se projeter dansl’avenir. Mais, il est encore tôt pour annoncerquoi que ce soit. Donnez-moi quelques mois. »

Les Musées de la civilisation comprennent leMusée de la civilisation, bien sûr, mais aussi leMusée de l’Amérique francophone, le Musée dela place Royale et la Maison historique Chevalier.

CollaboratriceLe Devoir

MUSÉES DE LA CIVILISATION

Séduire, émouvoir, faire réfléchir

«On ne veutpas que notremusée soit vucomme uneéglise où onvient une foispar année,mais commeun endroit oùon peut vivre»

Les Musées dela civilisationmultiplient les ef fortspour s’inscrireconcrètementdans le mondeactuel

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MUSÉESL E D E V O I R , L E S S A M E D I 2 4 E T D I M A N C H E 2 5 O C T O B R E 2 0 1 5H 6

Le CCA tient à remercier de leur appui généreux le ministère de la Culture et des Communications, le Conseil des Arts du Canada, le Conseil des arts de Montréal et Hydro-Québec. The CCA gratefully acknowledges the generous support of the Ministère de la Culture et des Communications, the Canada Council for the Arts, the Conseil des arts de Montréal and Hydro-Québec.

cca.qc.ca/autrement

L’ architecte, 28 octobre 2015 – autrement 10 avril 2016

Centre Canadien d’ArchitectureCanadian Centre for Architecture1920, rue Baile, Montréal, Québec, Canada H3H 2S6

23 études de cas qui soulignent le potentiel de l’architecture afin de

répondre aux problématiques pressantes de notre époque:

AD/AA/Polyark, AMO, Anyone Corporation, Architects Revolutionary

Council, Architectural Detective Agency, Architecture Machine Group,

Art Net, Atelier de Recherche et d’Action Urbaines, Center for Urban

Pedagogy, CIRCO, Corridart, Delos Symposion, Design-A-Thon, Forensic

Architecture, Global Tools, Institute for Architecture and Urban Studies, International

Laboratory of Architecture and Urban Design, Lightweight Enclosures Unit, Multiplicity,

Kommunen in der Neuen Welt, Pidgeon Audio Visual, Take Part and Urban Innovations Group.

ernational

Multiplicity,

ons Group.

MUSÉE NATIONAL DES BEAUX-ARTS DU QUÉBEC

Du forum du savoir au lieu de rencontre

L A U R I E V A N H O O R N E

«O n oublie souvent la fatigue muséale,remarque Mme Eschapasse. Il s’agitde l’épuisement que l’on ressent, sou-

vent au bout de deux heures, quand on se pro-mène dans un musée. On n’a alors pas la capa-cité d’en absorber plus. » Plusieurs moyens trèssimples permettent cependant de contournerce phénomène comportemental : la présence delumière naturelle, de toilettes accessibles, maisaussi l’aménagement d’espaces pour prendreun café, qui permettent de reprendre desforces… pour mieux repartir à la découverted’œuvres d’art. «La principale critique que l’onreçoit, c’est que les car tels — les textes didac-tiques qui accompagnent les œuvres — sont troppetits. On est donc beaucoup plus vigilants aveccette composante des expositions. On s’assure queles caractères soient assez larges. »

Pour un musée qui se distingue par son offredestinée à la famille et en particulier aux tout-pe-tits, les stratégies en matière d’expérience du visi-teur ne s’arrêtent pas là. L’exposition Derrière laporte, qui sera gratuite et ouverte au public du3 décembre au 31 janvier prochains, incarne lesouhait du MNBAQ de faire vivre à sa clientèledes expériences immersives, sensorielles. «Der-rière la porte est inspirée de la tapisserie d’AlfredPellan Chambre d’enfant, explique Marie-HélèneAudet, responsable des ateliers pour le grand pu-blic du musée de Québec. En entrant, il y auraun passage obligé par lequel les familles devrontpasser et où elles pourront admirer l’œuvre enquestion. Le public pourra franchir des petitesportes qui rappellent l’univers d’Alice au pays desmerveilles et découvrir celui de Pellan en manipu-lant des objets, en touchant toutes sortes de textures— peluches, plumes —, en dessinant et même enfaisant le tour de l’exposition en tricycle!»

Le MNBAQ réfléchit par ailleurs en ce mo-ment à la possibilité de se doter d’une chartedes droits des visiteurs, qui consoliderait l’une

de ses cibles principales qu’est l’expérience dupublic. Celle-ci établirait de façon officielle lesobjectifs qui guident ses activités, notammentle souci du confort, d’une orientation plus pré-cise et le respect du public, qui doit se sentirécouté. De telles chartes existent déjà dans cer-tains musées américains.

« Avant, on était plus centrés sur les collec-tions ; aujourd’hui, on se concentre sur le lieu.On essaie d’avoir une of fre qui répond aux at-tentes du public, précise Anne Eschapasse. Lemonde des musées peut être assez tendu et com-plexe, mais les musées restent remarquables, carils sont des lieux de ressourcement, de rassemble-ment, souvent dans des cadres magnifiques ; deslieux de plus en plus recherchés pour vivre une ex-périence collective, plus multipolaires que cequ’ils étaient auparavant. » Le musée s’efforceégalement de pallier l’appauvrissement des pro-grammes scolaires dans l’enseignement desarts plastiques. « On sait à quel point l’art estune source de stimulation de l’imagination, d’ou-verture sur le monde. »

L’apport du numériqueEt quelle est la place du numérique, en 2015,

dans un musée qui souhaite maximiser l’expé-rience de ses visiteurs ? «On pense que le numé-rique est un atout, mais on ne le privilégie pasau détriment d’autres moyens de communica-tion, indique Mme Eschapasse. Nous avons uncomité numérique qui réfléchit au type d’actionsque l’on peut poser, mais ce n’est pas au cœur denotre développement. »

De février à mai 2015, le musée présentaitune exposition des photos prises par Lida Mo-ser au Québec en 1950. À cette occasion, desiPad mini se sont faufilés entre les murs du mu-sée et ont permis au public de jeter un œil auxclichés qui n’avaient pas pu être développés.

Mais pour le MNBAQ, c’est surtout dans lecadre de la prévisite et de la postvisite que lesoutils numériques s’avèrent intéressants, no-

tamment à travers des applications, des micro-sites consacrés aux expositions et les réseauxsociaux, sur lesquels il publie parfois des cap-sules vidéo dans lesquelles un conservateur etune personne du grand public discutent à pro-pos d’une pièce d’une collection en salle. « Çadoit rester des outils et non une fin en soi, insisteMarie-Hélène Raymond, édimestre et gestion-naire de communauté de l’institution. Ce qu’onprésente, ce sont d’abord des œuvres d’art. »

MuseomixLe MNBAQ accordera une place de choix aux

technologies numériques du 6 au 8 novembre,alors qu’il accueillera pour la première fois Museo-mix, sorte de laboratoire vivant qui se déroule si-multanément dans plusieurs musées du monde etdont les participants développeront des proto-types d’outils de médiation, de réalité augmentée.Le dimanche midi, le public sera invité à les tester.

Autre nouveauté imminente, l’inaugurationau printemps prochain d’un nouveau pavillon,qui permettra de presque doubler la surface ac-tuelle du MNBAQ et dont la conception s’ins-crit dans la volonté du musée d’améliorer l’ex-périence de ses visiteurs.

La famille sera le pilier de ce nouveau com-plexe et demeure au cœur du développementdu musée, qui reste à l’affût des tendances etpoursuit le dialogue avec le public et la commu-nauté muséale, précise Anne Eschapasse. «Lesmusées se sont décloisonnés et sont plus à l’af fûtde leur sens du service. Ils sont devenus moins untemple du savoir qu’un forum de rencontre, de so-cialisation. On doit en multiplier les portes d’en-trée, les connecter à la communauté, qu’elle soitscolaire, familiale ou encore senior. »

CollaboratriceLe Devoir

Si la question de l’expérience du visiteur n’est pas nouvelle, elle ne trouvait cependant pas,jusqu’à tout récemment, d’application concrète. Elle était au cœur du dernier colloque de laSociété des musées du Québec, qui se tenait à Lévis du 28 septembre au 1er octobre. AnneEschapasse, directrice des expositions et de la médiation au Musée national des beaux-artsdu Québec (MNBAQ), y comptait parmi les panélistes d’une table ronde consacrée à l’attracti-vité des institutions muséales, aux défis qui les attendent et aux tendances qui se dessinenten la matière.

SOURCE MNBAQ

Le Musée national des beaux-arts du Québec accueillera l’événement Museomix, auquel le Muséede la civilisation de Québec a été le premier établissement nord-américain à participer, en 2013.