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Presses Universitaires du Mirail Maldito amor by Rosario Ferré Review by: Jacques Gilard Cahiers du monde hispanique et luso-brésilien, No. 48, Musiques populaires et identités en Amérique latine (1987), pp. 208-211 Published by: Presses Universitaires du Mirail Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40851462 . Accessed: 16/06/2014 05:30 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires du Mirail is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Cahiers du monde hispanique et luso-brésilien. http://www.jstor.org This content downloaded from 185.44.79.22 on Mon, 16 Jun 2014 05:30:19 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Musiques populaires et identités en Amérique latine || Maldito amorby Rosario Ferré

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Maldito amor by Rosario FerréReview by: Jacques GilardCahiers du monde hispanique et luso-brésilien, No. 48, Musiques populaires et identités enAmérique latine (1987), pp. 208-211Published by: Presses Universitaires du MirailStable URL: http://www.jstor.org/stable/40851462 .

Accessed: 16/06/2014 05:30

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Augusto Monterroso. Le poète, cependant, a su trouver sa voix et ne se livre à aucun pastiche. Méditation sur la mort, sur les libertés, sur l'exil : on retrouve, au service d'une inspiration diverse, au souffle amplifié, les mêmes qualités que dans Poemas del Cariato : conci- sion, densité, métaphores intensément expressives, lyrisme contenu :

ahora no soy más que un puerto tomado a medianoche... mi piel ahora es un mapa donde arden las ciudades...

(Tres sueños durante una noche de guerra, pp. 56 et 57.) José González nous donne ici un exemple des réussites d'une « poé-

sie matérielle » - poésie du matériau - , lorsqu'elle ne sacrifie pas aux excès certains de l'extériorisme ou du style parlé.

Claire Pailler.

Rosario Ferré. - Maldito amor. - México, Joaquín Mortiz Ed., 1985. - 208 p.

Ce livre impose d'emblée une perplexité qui pourrait servir de fil conducteur à sa lecture et à son interprétation. S'agit-il d'un ensem- ble de textes, comportant un roman (assez court) suivi de trois nou- velles dont l'une est presque aussi longue ? Ou s'agit-il d'un ensem- ble de récits reliés entre eux de façon parfois assez lâche, consti- tuant un tout qui serait proprement un roman ? Nous pencherions plutôt pour la seconde interprétation, tout en admettant que la réponse a moins d'importance que les questions. Néanmoins on ne peut non plus passer sous silence les trois « notes finales », sur lesquelles se referme le livre : y sont réunies quelques explications minimales sur des éléments historiques mentionnés dans les récits de fiction. C'est un tout petit guide historique, donc, placé là pour expliciter des données évidentes pour un Porto-Ricain et mystérieu- ses pour un lecteur étranger. Il faut tenir compte de cet élément final qui corrige, autant que faire se peut, les effets de l'isolement dans lequel vit Porto Rico, pays de langue espagnole, pays hispano- américain, par rapport à son monde naturel dont le coupe la situa- tion coloniale. Rosario Ferré a placé là ces explications, sans complexe, parce qu'il faut bien dire ce qui pourrait rester obscur. Ces « notes finales » font aussi partie du livre, et l'on a là une globalité, un texte narratif : un roman, au plein sens du terme, puisque ce texte narratif présente des traits inusités.

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On peut dire aussi que c'est une sorte de saga familiale, qui sert à démystifier l'histoire du pays. Saga différente également de l'idée conventionnelle que l'on a du terme : d'abord par ses modestes dimensions, ensuite parce que le lien est parfois très ténu. Mais, quant à ce dernier point, le fait est que la famille De la Valle figure d'une façon ou d'une autre dans chacun des récits (une seule allu- sion dans « El regalo ») et que le personnage de Don Augusto Arzuaga apporte un autre élément de cohésion à l'ensemble. De plus, avec les De la Valle, c'est tout le devenir de la société porto-ricaine qui est passé en revue, depuis l'invasion de 1898 jusqu'à une hypothétique et future indépendance (à propos de laquelle nous apprenons, p. 171, que « la patria perfecta no existe »). On peut ici, indiscutablement, parler d'un univers faulknérien, même si Rosario Ferré cultive la brièveté : on entrevoit les ramifications, les conflits et les hontes d'une grande famille à travers le temps et l'histoire. Et on les voit se dérou- ler dans le cadre de deux bourgs ou villes mythiques, Guamani et Santa Cruz, qui sont deux pôles pris dans un même cadre géographi- que, mais qui réagissent différemment aux effets du temps qui passe et de l'histoire qui se fait - sous la houlette des investisseurs nord-américains .

Les fils conducteurs ne manquent pas dans le livre. L'un d'eux est la musique, présente depuis le titre (celui d'une « danza » du siècle dernier) jusqu'à l'ultime réplique du dernier récit de fiction. Autour de la musique se cristallisent les nostalgies décadentes, mais aussi les révoltes, les conflits sociaux et culturels. Et derrière la musique, on pourrait aussi mentionner les guerres imposées au peuple porto-ricain par sa situation coloniale : 193945, la Corée, le Vietnam, évoqués dans les trois nouvelles, nous rappellent le pas- sage du temps et des modes. Mais la musique et les guerres nous rappellent surtout que le principal fil conducteur du livre est tout simplement l'histoire, le destin d'un pays - remarquable retour aux sources d'un engagement bien compris de l'œuvre d'art - , un destin vu d'en haut (Rosario Ferré est conséquente avec son origine de classe) mais sans complaisance. C'est l'histoire des groupes pré- tendument dirigeants de Porto Rico, de ces classes qui vivent et meurent et se renouvellent en fonction du bon vouloir des maîtres étrangers. L'aspect le plus fascinant, parce que mêlé d'une nostalgie cruelle, est la décadence des vieilles familles de la saccharocratie porto-ricaine : « Maldito amor » est une féroce mise en pièces de leurs légendes et finit par laisser la place à la constatation prover- biale, que l'on devine, selon laquelle « el que no tiene dinga, tiene mandinga ».

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Et il reste le rôle moteur de la femme - de certaines femmes - qui est définie dans « Isolda en el espejo » comme boîte à surprises. Et on retrouve là en filigrane le souvenir que Rosario Ferré a été d'abord l'auteur du recueil de contes Papeles de Pandora. Gloria, dans « Maldito amor »; Carlota, dans « El regalo »; Adriana, dans « Isolda en el espejo » : toutes sont marquées du signe de l'impureté raciale et, doublement femmes, elles apportent à la fois le scandale et la liberté. Quant à la mystérieuse Bárbara de « La extraña muerte del capitancito Candelario », elle sort d'un faubourg lumpen de San Juan et porte en elle tous les métissages explosifs de la « salsa » contemporaine. La femme qui perturbe Tordre et sape les certitudes, vient d'ailleurs affronter essentiellement d'autres femmes : celles-ci sont liées au pouvoir, elles sont les porteuses et les vestales de ses valeurs, et, prétendant être l'incarnation de la pureté raciale et morale, elles cherchent à figer la société dans la vision qu'elles-mêmes et leur classe veulent en avoir.

Chacun des récits qui constituent le livre illustre une technique narrative particulière ou se réfère à des modèles littéraires ou para- littéraires précis. Si l'on commence par ce qui vient en deuxième lieu (les « nouvelles » qui suivent le « roman »), on voit que « El regalo » renvoie à une littérature féminine latino-américaine encore actuelle, mais que ses propres créatrices tendent à dépasser, litté- rature où l'évocation d'un monde bourgeois n'empêche pas l'expres- sion d'une violente contestation (on pense à la Colombienne Marvel Moreno, mais Rosario Ferré continue aussi sa propre ligne dans ce récit), que « Isolda en el espejo » reprend sarcastiquement, dans sa minutieuse évocation de luxes raffinés, le modèle d'une littérature d'évasion, pseudo-féminine; que « La extraña muerte... » surgit d'abord d'une de ces redoutables bonnes consciences qui se chargent de faire le bonheur des peuples (refus, chez Rosario Ferré, des illu- sions passées et futures), et parodie le style des documents internes des partis politiques et la minutie de tout rapport policier. Dans ces trois cas, on constate aussi une ardeur à raconter, à accumuler les événements, les incidents et les détails, qui s'enchaînent inlassable- ment, ne laissant aucun répit au lecteur : on peut alors penser, en effet, à la place que tient dans la littérature féminine latino-améri- caine la fonction phatique du langage, dont Marta Traba avait souli- gné l'importance dans un article de Quimera.

Le long récit qui ouvre le livre et lui donne son titre, « Maldito amor », présente d'autres caractéristiques : dans cette démystifica- tion des légendes que les grandes familles de la saccharocratie avaient forgées sur elles-mêmes, Rosario Ferré bride son élan narratif. Si elle parodie encore un style (les passages du « roman dans le roman »

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dont nous parlerons plus bas), elle bride surtout son élan narratif et utilise ce que Ton peut considérer comme une technique vieillis- sante, celle qui fit les beaux jours du « boom » : la technique du collage de récits divers et de voix (et de plumes) diverses, celle de la narration fragmentaire, du kaléidoscope contradictoire d'où la vérité finit peut-être par jaillir (le témoignage de Gloria ?), comme la lumière de l'incendie final qui vient, de toute façon, détruire les derniers souvenirs d'un monde factice. Dans « Maldito amor », le roman qu'essaie d'écrire le vieil avocat nostalgique, Hermenegildo Martínez, ne résiste pas à l'épreuve des faits : c'est l'impossible roman.

Et l'on peut penser que c'est là une des clés de ce livre, roman sans l'être, qui se refuse à fermer quoi que ce soit, à tel point que sa der- nière fiction se situe dans un avenir à la fois proche et incertain, et que son dernier fragment de texte est un rappel historique à la fois modeste et implacable. Là où l'histoire est incomplète, là où il fau- dra toujours lutter pour une patrie parfaite et se garder à la fois de toute perfection, il convenait de s'écarter d'une image rassurante du genre littéraire. Rosario Ferré, en écrivant, assume le rôle délégué à ses personnages féminins : son roman, son livre, dit des choses désagréables pour le passé et l'avenir et rappelle la seule vérité qui vaille la peine : tout sera toujours à recommencer. Maldito amor jette par brassées les motifs de désespérer et ne laisse subsister qu'une inconfortable certitude. C'est aussi, à sa façon, une boîte de Pandore. Maldito amor, ou la fiction comme leçon d'histoire...

Jacques Gilard.

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