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The South Carolina Modern Language Review Volume 9, Number 1 103 Mystification et Scandales littéraires en France: de Jean-Baptiste Poquelin à Calixthe Beyala By Vina Tirven-Gadum Athabasca University Le mot mystification, qui vient du grec mystrion () et du latin mysterium, veut dire initier quelqu‟un dans des rites secrets; il apparut pour la première fois dans la littérature française en 1768 dans le conte de Diderot qui s‟intitule Mystification ou Histoire des portraits. Depuis longtemps il se rattache à l ‟idée de fraude et de tromperie. Aussi de nos jours, personne ne met-elle en doute que le but essentiel du mystificateur est de tromper ou de duper les autres en abusant de leur crédulité. Dans cet article, il sera premièrement question de problématiser la notion de mystification littéraire qui nous est familière: nous regrouperons ainsi les divers genres de mystificateurs en les classant par catégorie d‟après le système mis en place par Charles Nodier. Ensuite, nous évoquerons les supercheries et mystifications littéraires les plus courantes. Dans la dernière partie de cette analyse, nous aborderons le sujet du plagiat en nous attardant sur deux auteurs franco-africains, à savoir, Yambo Ouologuem et Calixthe Beyala. Ceci nous permettra de mieux comprendre l‟impact de ces pratiques sur le champ littéraire, et de différencier des concepts souvent confondus tels que la pseudonymie, l‟emprunt, la contrefaçon et le plagiat. De toutes les formes de mystification, la pseudonymiequi selon Jeandillou serait tout nom forgé à plaisir(47) est sans aucun doute celle qui est la plus répandue dans le monde des lettres. Jean-Baptiste Poquelin (Molière) François-Marie Arouet (Voltaire), Frédéric Louis Sauser (Blaise Cendrars), Alexis Saint-Léger Léger (Saint-John Perse), Samuel Langhorne

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The South Carolina Modern Language Review Volume 9, Number 1

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Mystification et Scandales littéraires en France: de Jean-Baptiste Poquelin à

Calixthe Beyala

By Vina Tirven-Gadum

Athabasca University

Le mot mystification, qui vient du grec mystrion () et du latin mysterium,

veut dire initier quelqu‟un dans des rites secrets; il apparut pour la première fois dans la

littérature française en 1768 dans le conte de Diderot qui s‟intitule Mystification ou Histoire

des portraits. Depuis longtemps il se rattache à l‟idée de fraude et de tromperie. Aussi de nos

jours, personne ne met-elle en doute que le but essentiel du mystificateur est de tromper ou de

duper les autres en abusant de leur crédulité.

Dans cet article, il sera premièrement question de problématiser la notion de

mystification littéraire qui nous est familière: nous regrouperons ainsi les divers genres de

mystificateurs en les classant par catégorie d‟après le système mis en place par Charles Nodier.

Ensuite, nous évoquerons les supercheries et mystifications littéraires les plus courantes. Dans

la dernière partie de cette analyse, nous aborderons le sujet du plagiat en nous attardant sur

deux auteurs franco-africains, à savoir, Yambo Ouologuem et Calixthe Beyala. Ceci nous

permettra de mieux comprendre l‟impact de ces pratiques sur le champ littéraire, et de

différencier des concepts souvent confondus tels que la pseudonymie, l‟emprunt, la contrefaçon

et le plagiat.

De toutes les formes de mystification, la „pseudonymie‟ qui selon Jeandillou serait “tout

nom forgé à plaisir” (47) est sans aucun doute celle qui est la plus répandue dans le monde des

lettres. Jean-Baptiste Poquelin (Molière) François-Marie Arouet (Voltaire), Frédéric Louis

Sauser (Blaise Cendrars), Alexis Saint-Léger Léger (Saint-John Perse), Samuel Langhorne

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Clemens (Mark Twain) sont mieux connus par leurs pseudonymes que par leur nom de famille.

Or, ils prirent ces pseudonymes par obligation, car à l‟époque de Molière et de Voltaire, par

exemple, il n‟était pas de bon ton d‟avoir une carrière d‟écrivain et d‟homme de lettres, si on

était quelqu‟un. Poquelin père était tapissier à la cour de Louis XIV, et Arouet père avait, lui

aussi, une situation à la cour. En adoptant des pseudonymes, Molière et Voltaire tâchaient de

protéger leur nom de famille, mais n‟éprouvaient pas le besoin de passer dans un autre corps,

d‟oublier leur patronyme et leurs racines. En effet tous les lecteurs connaissaient leurs

véritables identités.

Les auteurs „apparents‟ constituent une variante des auteurs pseudonymes, mais ici

l‟auteur publie ses écrits sous un pseudonyme, sans faire croire en l‟existence de son double.

Ainsi Molière et Voltaire appartiennent-ils à ce groupe de mystificateurs. Par amusement

Voltaire se créa plusieurs autres pseudonymes amusants tels que le Docteur Akakia, Irénée

Aléthès, Ivan Aléthof et Catherine Vadé. Balzac, pour payer les dettes qu‟il avait contractées

envers son père et sa mère, adopta plusieurs pseudonymes tels que Lord R‟Hoone et Horace de

Saint-Aubin. Quant à Henri Beyle (Stendhal), il se présenta comme Théodore Bernard, Louis-

Alexandre-César Bombet et Salviati entre autres. Il créa même une biographie fictive pour

chaque pseudonyme, leur donnant parfois une qualité, parfois une autre.

En 1829 parut une biographie posthume d‟un certain Joseph Delorme intitulée Vie,

poésies et pensée de Joseph Delorme, dans laquelle l‟auteur raconta la vie du jeune poète

Joseph Delorme mort prématurément, et y présenta les pensées dudit poète. Joseph Delorme

incarna l‟image du poète malheureux, incompris et souffrant intensément dans son siècle. En

fait, le recueil exerça une si grande influence sur la littérature romantique du 19e siècle que

Baudelaire, lui-même, le qualifia des “Fleurs du mal de la veille”. Or, on sait depuis que

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Joseph Delorme est une invention de toutes pièces et que ce recueil de poésie est de la plume

de Sainte-Beuve, qui l‟avait rédigé avant d‟être le critique littéraire le plus redouté de son

temps.

Le mot apocryphe, qui vient du latin apocryphus voulait dire, à l‟origine, des écrits

secrets dont on ne voulait pas livrer le contenu. Aujourd‟hui il désigne un écrit secret, difficile

à comprendre ou même suspect, et se réfère aux livres de la Bible qu‟on ne lit pas dans les

synagogues ou les églises. Selon Jeandillou, c‟est à partir du 13e siècle que le mot apocryphe

commençait à se référer aussi aux écrits laïques qui avaient faussement été attribués à un auteur

(137). Les textes auxquels on fait le plus souvent allusion sont L’Odyssée et L’Iliade d‟Homère

dont la genèse continue toujours de diviser les historiens. La polémique concernant leur

composition débuta au 4e siècle avant notre ère, lorsque Zénodote d‟Éphèse, grammairien et

conservateur de la bibliothèque d‟Alexandrie, soupçonna qu‟Homère n‟aurait composé qu‟une

toute petite partie de L’Iliade et de L’Odyssée et non pas l‟œuvre entière. Le débat fut repris au

17e siècle lorsque l‟Abbé d‟Aubignac postula, lui aussi, que L’Iliade et L’Odyssée étaient des

compositions à multiples voix, élaborées au cours des siècles par plusieurs auteurs. Plus tard,

en 1795, Friedrich Wolf avança dans l‟œuvre qui s‟intitule Prolégomènes à Homère que

L’Iliade et L’Odyssée seraient en fait des compilations de récits populaires traditionnels,

composés par plusieurs auteurs, à différentes époques. En fait, même aujourd‟hui, il existe des

divergences d‟opinions concernant la paternité de ces deux œuvres: pour certains L’Iliade et

L’Odyssée furent composées au cours des siècles par plusieurs auteurs, tandis que pour d‟autres

il s‟agirait plutôt de l‟œuvre condensée d‟un seul poète.

De nos jours, le mot apocryphe s‟emploie aussi pour “tout livre publié par son auteur

sous le nom d‟un homme de lettres connu, qu‟il appartienne à l‟antiquité ou à l‟époque

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moderne” (Quérard 4).Nous basant sur cette définition, nous citerons l‟exemple de l‟apocryphe

littéraire qui est peut-être la plus célèbre, à savoir, La Consolation de Cicéron qui parut pour

la première fois à Milan en 1583. Il s‟agissait d‟une fraude littéraire qui avait été mise en place

par Carolo Sigonius (1520-1584) un grand savant de l‟époque. Ce dernier n‟avait découvert

que quelques fragments de l‟œuvre de Cicéron, à l‟aide desquels il avait fabriqué un ouvrage

entier, et, l‟avait fait passer pour l‟œuvre du grand orateur latin. Il serait pertinent de

mentionner, en même temps, deux autres cas d‟apocryphe qui au 17e et au 19

e siècles firent

sensation en France. Nous mentionnerons, premièrement, un certain Simon Despréaux, qui en

1789, prétendit publier une œuvre posthume de Jean de La Fontaine. Il se présenta comme

l‟éditeur de l‟œuvre en question, tout en sachant que ce volume ne contenait même pas une

seule œuvre de La Fontaine (Quérard 29). On notera ensuite la farce de Molière Le Docteur

amoureux qui fut présentée au Théâtre français à Paris en 1658, mais qui ne fut jamais

imprimée, et resta perdu pendant longtemps. Or, au 19e siècle, quelqu‟un prétendit avoir

retrouvé le manuscrit du Docteur amoureux et fit représenter la pièce au Théâtre français à

Paris. Il a été établi depuis, que cette version de la pièce n‟est pas de la plume de Molière, mais

plutôt qu‟elle avait été composée par un certain Ernest de Calouce (Quérard 30).

Les suppositions d‟artistes et d‟auteurs constituent une autre variante du pseudonyme;

elles abondaient au 16e siècle, lorsque c‟était à la mode de faire passer des œuvres

contemporaines pour des œuvres de l‟antiquité. Quelques écrivains eurent recours à ce

stratagème, lorsqu‟ils publièrent des ouvrages sous le nom d‟un personnage imaginaire et

historique. Le cas auquel on fait le plus souvent allusion est sans doute celui de Clara Gazul. En

1825 parut un livre intitulé Le Théâtre de Clara Gazul comédienne espagnole, un personnage

imaginaire inventé par Prosper Mérimée. Dans ce livre, Mérimée fit de Clara l‟auteure de neuf

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pièces de théâtre; le livre contenait aussi une notice biographique sur Clara Gazul rédigée par un

certain Joseph l‟Estrange. Jean Delescluze (1871–1947) le célèbre peintre et paysagiste de

l‟époque, dessina même le portrait qui servait de couverture à l‟ouvrage. Mérimée avait ainsi

réussi à créer une dramaturge imaginaire en la personne de Clara Gazul. Sa deuxième

supercherie se produisit lorsqu‟il fit paraître en 1827 un ouvrage anonyme intitulé La Guzla,

Choix de poésies illyriques recueillies dans la Dalmatie, la Croatie et l’Herzégovine. Cette fois-

ci, c‟était un prétendu traducteur italien qui fournissait la notice biographique à l‟ouvrage. La

mystification réussit à tel point que La Guzla fut traduite en anglais et en allemand aussi bien

qu‟en polonais par le poète Adam Mickiewicz (1798-1855) et en russe, par Alexandre

Pouchkine (1799-1837).

Mérimée avoua plus tard que Clara Gazul, c‟était lui. Or, à l‟époque où Mérimée écrivait

ces deux pièces, il était en début de carrière, on peut donc conjecturer qu‟il s‟était caché derrière

un pseudonyme par timidité, et qu‟il voulait se réfugier contre le mauvais goût de livrer au grand

public des confidences sur sa personne. Quelques critiques ont même suggéré qu‟étant donné que

Clara Gazul a une allure de pamphlet antireligieux et que cette pièce faisait indirectement l‟éloge

du libéralisme espagnol que la monarchie française venait de combattre, Mérimée voulait sans

doute cacher son identité pour échapper aux persécutions de la Congrégation, qui était puissante à

l‟époque.

Les auteurs hétéronymes constituent un autre aspect des auteurs mystificateurs; il s‟agit

d‟écrivains qui publient des ouvrages sous un autre nom que le leur et qui dissimulent

complètement leur personne. C‟est un concept littéraire qui fut inventé par l‟écrivain portugais

Fernando Pessoa (1888-1935). Ici, l‟auteur invente une personnalité différente de celle de sa

propre personne (l‟écrivain „orthonyme‟ ) et lui crée une vie fictive et une œuvre fictive.

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L‟écrivain orthonyme fait ainsi croire en l‟existence de cet autre écrivain (qui est purement

imaginaire); il ne cache plus sa personnalité sous un pseudonyme facile à découvrir; au

contraire il garde l‟incognito le plus complet et invente cet autre auteur de toutes pièces.

Le cas le plus connu en France d‟auteur hétéronyme est sans doute celui de Romain

Gary, qui après son suicide en 1980, à travers son testament littéraire Vie et Mort d’Émile Ajar,

révéla, à une France incrédule, qu‟il était effectivement l‟auteur de quatre romans signés Ajar.

Il expliqua comment il avait refusé l‟étiquette négative que lui avaient imposée certains

critiques hostiles et haineux à son égard. Il élabora le stratagème qu‟il avait mis en place pour

se venger d‟eux en chargeant son neveu Paul Pavlowitch d‟assurer le rôle d‟Ajar auprès des

médias, des critiques et des lecteurs. Romain Gary devint ainsi le seul écrivain à avoir été

récompensé deux fois par le Prix Goncourt, la première fois en 1956 sous son propre nom pour

Les Racines du ciel, et la seconde fois en 1975 sous le pseudonyme d‟Émile Ajar pour La Vie

devant soi. Oublié par la critique durant la deuxième partie des années soixante-dix, considéré

comme auteur réactionnaire, voire gaulliste, l‟épisode Ajar fut sa façon à lui de faire un pied de

nez aux critiques parisiens qu‟il accusait surtout de mal lire. En fait aujourd‟hui on considère

Romain Gary comme un vrai génie de la langue française.

Il existe aussi une autre catégorie de mystificateurs, à savoir des femmes écrivains qui

se faisaient passer pour des hommes. À part quelques femmes de la noblesse telles qu‟Aliéner

d‟Aquitaine, protectrice des lettres, Marie de France, poétesse, Christine de Pisan, femme de

lettres, qui se distinguaient dans la poésie, jusqu‟à fort récemment les femmes écrivains étaient

assez rares, le monde des sciences et des lettres étant réservé aux hommes. Voilà pourquoi

souvent des auteures telle que Claire Kersaint, la Duchesse de Duras, n‟inscrivaient pas leur

nom à leurs travaux, de peur d‟être prises pour des pédantes. En fait dans un monde où les

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hommes régnaient en maîtres, la meilleure façon de se faire reconnaître était de se travestir en

homme.

Au 17e siècle Madame de la Fayette publia ses deux premiers romans, La Princesse de

Montpensier et Zaïde sous le nom de Segrais. Ce n‟est qu‟en 1678 qu‟elle fit paraître La

Princesse de Clèves sous son propre nom. C‟est sans doute l‟une des raisons que de temps en

temps, l‟on conteste l‟attribution de La Princesse de Clèves à Madame de la Fayette car elle

avait nié elle-même être l‟auteur de ses œuvres. Or, à l‟époque où elle vivait, une dame de son

milieu ne pouvait admettre qu‟elle écrivait des romans. C‟est pour cette même raison qu‟au 19e

siècle, Aurore Dupin se travestit en homme pour devenir George Sand, et que Marie d‟Agoult

prit le nom de plume masculin, Daniel Stern. A cette époque, il pouvait même être très

dangereux de faire valoir ses talents de femme écrivain. En France lorsque Flora Tristan

entreprit la rédaction de son autobiographie et la signa Pérégrinations d’une paria, le 10

septembre 1838, son mari la guetta au sortir de chez elle, et lui déchargea son pistolet en pleine

poitrine.

Nous abordons maintenant l‟aspect le plus important de la mystification, à savoir le

plagiat. Ce mot qui vient du latin plagiarius voulait dire au départ un voleur d‟esclaves, mais

par la suite il fut employé pour designer un voleur de vers. De nos jours le mot évoque surtout

une situation où un auteur donne comme sien l‟œuvre d‟un autre.

Les auteurs plagiaires d‟expression française auxquels on fait le plus souvent allusion

ces derniers temps sont l‟écrivain malien Yambo Ouologuem, et la franco-camerounaise

Calixthe Beyala. Le Devoir de violence d‟Ouologuem sortit en France en 1968, et fut reçu avec

enthousiasme dès sa parution; il fut salué comme l‟une des plus grandes découvertes de

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l‟année. Le 24 août 1968, dans sa rubrique “Vient de paraître”, Le Monde fit mention du roman

et le 12 octobre de cette même année, Matthieu Galey écrivit, lui aussi, dans Le Monde:

Le moins qu‟on puisse dire c‟est que Le Devoir de violence n‟est pas un roman comme ceux

que les Africains écrivent habituellement, et cela pour plusieurs raisons: un style très recherché

et une appréciation de l‟Afrique qui n‟est pas du goût de tous les Africains. (Galey 1)

Le succès du roman fut tel, qu‟en 1969, Ouologuem devint le premier romancier africain à être

couronné par le prix Renaudot, l‟un des fleurons de la littérature française.

Le Devoir de violence fait la chronique de l‟empire fictif des Nakem, et présente le

royaume de la dynastie des Saïfs, dans une région de l‟Afrique occidentale “au sud du

Fezzan” (9). L‟histoire s‟étend de l‟an 1202 de notre ère jusqu‟aux temps modernes. Le roman

décrit une histoire africaine où la violence et la souffrance constituent le thème central du livre

et le leitmotiv de l‟histoire de l‟Afrique. C‟est un royaume sanguinaire où les hommes se

livrent à l‟homosexualité, à l‟inceste et à la bestialité et où les dirigeants ne reculent pas devant

des actes de boucherie pour rester au pouvoir, comme la scène suivante le démontre: “Non loin

des corps de la horde d‟enfants égorgés, on comptait dix-sept fœtus expulsés par les viscères

béants des mères en agonie, violées, sous les regards de tous, “ (10). Les dirigeants de ce

royaume s‟allient tour à tour avec les envahisseurs arabes et les colonisateurs européens pour

mieux opprimer la “négraille” (25), qui, elle, est condamnée à la servilité perpétuelle. Ces rois

esclavagistes vendent leurs sujets aux négriers arabes pour lesquels l‟esclave est “un peu plus

qu‟une chèvre et un peu moins qu‟un bouc, le dixième d‟une vache et le huitième d‟un

chameau”(25).

Parallèlement à l‟histoire des Saïfs, se déroule aussi l‟histoire de Raymond Spartacus

Kassoumi, fils du peuple. Éduqué à la française, il incarne l‟avenir de l‟Afrique, et représente

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la jeune élite africaine de la première partie du 20e siècle. Il fait ses études universitaires à

Paris dans des conditions difficiles, cherche un peu de chaleur humaine chez les prostituées et

finit par coucher avec sa propre sœur. Plus tard, il devient l‟amant d‟un homme blanc (qui le

rémunère pour ses services) dont il tombera quand même amoureux. Or, le Français finit par se

lasser de Kassoumi “cédant brusquement à un obscur besoin […] de blesser son Nègre” (181),

et aussi pour épouser une femme blanche de son milieu.

Après avoir terminé ses études en architecture, Kassoumi épouse une jeune Française, et

mène une vie bourgeoise de “nègre-blanc” (183) à Paris. Lorsque la Première Guerre mondiale

éclate, il défend la France vaillamment. L‟histoire se termine en 1947 lorsque Kassoumi devient

un député du royaume de Nakem, mais ce seront les Saïfs et les Français qui continueront à

manier ses ficelles.

En 1968, un tel roman dérangeait les dirigeants africains, car c‟était l‟époque où l‟Afrique

voulait réinventer son histoire. En même temps, plusieurs pays européens aussi bien que des

intellectuels français, se refaisaient une image de l‟Africain comme étant surtout un “bon

nègre”. Mais, leurs idéologies ne cadraient pas avec l‟image de l‟Afrique telle qu‟Ouologuem la

présentait dans Le Devoir de violence. Au contraire, l‟auteur déconstruisait le déroulement de

l‟histoire africaine que les auteurs de la Négritude tels que Léopold Sédar Senghor, Djibril

Tamsir Niane, Cheikh Amidou Kanae préconisaient. Il démantelait l‟idéologie dominante des

ces auteurs qui parlaient d‟une Afrique comme étant le berceau de toute civilisation et le centre

de la solidarité.

À cette image d‟une Afrique innocente et civilisatrice, le roman opposait, au contraire,

une Afrique cynique et moralement corrompue, où le meurtre, l‟inceste et le cannibalisme

avaient toujours fait partie de la vie politique africaine. Il montrait que ce n‟était pas le

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colonialisme qui avait détruit l‟Afrique, mais que l‟homme africain, lui-même, était responsable

des bassesses commises dans son continent. Il indiquait, aussi, que le mal en Afrique n‟aurait

pas été introduit par l‟Occident, mais qu‟il y existait, depuis la nuit des temps, au sein des élites

africaines. Ainsi, le bourreau des Africains n‟était-il pas l‟esclavagiste blanc, mais plutôt

l‟esclavagiste noir. Or, cette vision de l‟Afrique ne s‟accordait pas avec les besoins

idéologiques du mouvement de l‟indépendance africaine de l‟époque, et comme le note Ulrich

Fleischmann, Le Devoir de violence était une protestation à l‟égard de l‟optimisme des

écrivains de la Négritude (100).

Il faut se rappeler que ce roman parut à une époque où il existait en Afrique une

dégradation des régimes politiques: en janvier 1961, Patrice Lumumba, Premier ministre

congolais après l‟indépendance du Congo, connut une fin atroce;1 Le 13 janvier 1963 le

Président du Togo, Sylvanus Olympio démocratiquement élu, fut assassiné par Etienne

Gnassingbé Eyadéma; en 1967 la guerre entre le Nigeria et le Biafra provoqua plus d‟un million

de morts (Verchaves 23). Le 24 février 1966 Kwamé Nkrumah, père de l‟indépendance du

Ghana, fut renversé et dut s‟exiler en Guinée. À cette même époque plusieurs régions de

l‟Afrique étaient gouvernées par des dictateurs comme Jean Bedel Bokassa, qui en 1966 s‟était

autoproclamé empereur Bokassa Ier, et Idi Amin Dada de l‟Uganda qui devenait l‟un des

maîtres de la corruption et des répressions.

1 L‟assassinat brutal de Patrice Lumumba, Premier ministre congolais, leader de la lutte

pour l‟indépendance du Congo et l‟un des opposants les plus passionnés de l‟oppression

coloniale en Afrique, n‟a pas cessé de hanter les gouvernements d‟Europe aussi bien que

des États-Unis. Consulter à cet effet le livre de Ludo de Witt qui figure dans les Ouvrages

Cités.

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Néanmoins, lorsque le roman sortit dans sa traduction anglaise Bound to Violence en 1971,

plusieurs critiques accusèrent l‟auteur d‟avoir plagié Maupassant entre autres. Eric Sellin,

universitaire, signala même dans le roman la présence de plusieurs passages, empruntés au

roman Le dernier des Justes d‟André Schwarz-Bart (118). Quant à ce dernier, il se dit honoré

que son roman ait pu servir au jeune auteur malien en déclarant ceci:

Je ne m‟inquiète en aucune façon de l‟usage qui a été fait du Dernier des Justes […]. J‟ai

toujours considéré mes livres comme des pommiers, heureux que mes pommes soient mangées

et heureux que l‟un de mes pommiers soit désormais transplanté dans un sol différent. Je suis

donc touché, bouleversé même, qu‟un écrivain noir se soit inspiré du Dernier des Justes pour

écrire un livre tel que Le Devoir de violence. Ce n‟est donc pas M Ouologuem qui m‟est

redevable, mais c‟est moi qui lui suis redevable. (Huannou 65)

Pour se défendre Yambo Ouologuem affirma, qu‟il avait effectivement emprunté des

passages au Coran, à la Bible et aux textes oraux, mais qu‟il les avait mis entre parenthèses et

que la maison d‟édition Le Seuil les aurait enlevés sans rien lui dire. Il rédigea, par la suite,

sans se laisser émouvoir, un essai intitulé Lettre à la France nègre, dans lequel il faisait

l'éloge de l‟art combinatoire et de l‟imitation littéraire. Il recommandait aussi aux jeunes

romanciers africains l‟usage de l‟érotisme, du suspense, de la violence et de la parodie comme

gages de succès littéraire à Paris. Cet essai montre combien le projet littéraire de Yambo

Ouologuem est largement réfléchi et pensé. Or, il condamna, en même temps, les auteurs

africains qui à son sens fabriquaient “nègrement de la littérature de consommation” (169).

Malgré cela il fut accusé de plagiat, suite à laquelle, les éditions du Seuil, aussi bien que la

presse journalistique, se désintéressèrent du roman. Quelque temps après, Ouologuem tourna

le dos à sa carrière d‟écrivain et s‟exila au Mali où il y vit toujours.

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On cite aussi le cas de Calixthe Beyala la Camerounaise, auteure de plusieurs romans à

succès. Beyala fut récompensée par le Grand Prix Littéraire de l‟Afrique Noire pour son

roman Maman a un amant, le Grand Prix du roman de l‟Académie française pour Les

Honneurs perdus et le Grand Prix de l‟Unicef pour La Petite fille du réverbère. En 2001, elle

fut aussi consacrée Chevalier des arts et des lettres.

Or, le 18 janvier 1995 parut un article dans Le Canard Enchainé qui fit référence à ses

tendances plagiaires. En février 1996, Pierre Asseline (rédacteur en chef) du magazine littéraire

Lire, se munissant d‟une liste d‟extraits pris par hasard dans les romans de Beyala et, en les

comparant à de nombreux passages figurant dans des romans de Romain Gary, de Paule

Constant, d‟Alice Walker et de Ben Okri, fournit lui aussi des preuves irréfutables de ses

tendances de plagiaire. Il se dit consterné que l‟Académie française ait pris le risque de

confirmer une auteure dont l‟œuvre était truffée de plagiat. Suite à cette accusation Beyala fut

poursuivie par les Editions du Seuil et le 7 mai 1996, le tribunal de Grande Instance de Paris la

condamna pour ce délit. On déclara que Le Petit Prince de Belleville constituait une

contrefaçon partielle du livre de M. Buten traduit en français par M. Carasso, intitulé: Quand

j’avais cinq ans, je m’ai tué.

Beyala ne fit pas appel, mais dans l‟article intitulé Moi, Calixthe Beyala, la plagiaire!

elle rejeta en bloc l‟accusation de plagiat, et évoqua plutôt, la notion de l‟emprunt; elle rappela

aux lecteurs qu‟il s‟agissait là d‟une pratique vieille comme le monde:

Je reconnais mon ignorance quant à ce qui est le sens du plagiat car j‟ignorais qu‟une phrase ou

dix ou vingt […] constituaient l‟essentiel d‟un livre. Je croyais qu‟un livre était un tout, qu‟une

phrase sortie de son contexte revêtait un autre sens. Car […] elle portait en elle un autre

dynamisme, celui de la nouvelle histoire et du style de l‟auteur. (24)

Elle revendiquait aussi la place de l‟oralité dans ses traditions africaines pour justifier cette

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pratique: “Je viens d‟une civilisation de l‟oralité où la connaissance depuis des siècles se

transmet de bouche à oreille, d‟oreille à bouche, pour à chaque fois s‟enrichir, de développer

d‟idées nouvelles, se régénérer” (23). Elle affirma avoir été mise en ban de la société à cause

de sa race, et que pour certains, comme Asseline, les Africains ne méritent pas le bonheur

d‟être récompensés par des prix littéraires (23). Finalement, elle récusa l‟accusation de plagiat

et déclara avoir toujours cru que la littérature était en perpétuel mouvement, et que tout texte ne

trouvait son intérêt qu‟en s‟enrichissant “de par ses rencontres avec d‟autres textes” (23). Elle

admit avoir emprunté des phrases ça et là à d‟autres œuvres, phrases qui étaient restées gravées

dans sa mémoire au cours de ses nombreuses lectures, et qui s‟étaient reproduites

spontanément lorsqu‟elle avait écrit ses romans.

Il se peut, qu‟ il y ait un élément de vérité dans son affirmation, car la notion du

copiage et du plagiat est vieille comme le monde. Elle existait dans l‟Antiquité, au Moyen-

Âge, à la Renaissance, à l‟âge classique; mais on y était moins sensible à une telle notion : la

littérature était censée être disponible à tous, à être imitée par tous. Aussi l‟originalité chez les

anciens n‟était-elle pas une vertu; au contraire l‟esthétique littéraire s‟attachait plutôt à

l‟imitation. Il est utile de citer, à ce titre, Virgile qui puisait sans vergogne dans l‟œuvre

d‟Ennuis, son prédécesseur. Il y a aussi Cicéron qui observait que l‟existence des œuvres était

un bien commun, et que tout ce qui avait été dit lui appartenait (White 54). En fait, du Moyen-

Âge jusqu‟au 18e siècle, l‟auteur imitait et remaniait sans gêne; au contraire, il croyait qu‟en ce

faisant, il augmentait le trésor légué par ses prédécesseurs. En Angleterre, le fameux

dramaturge William Shakespeare emprunta des scènes, de longues tirades et des personnages

des auteurs des siècles passés ou même de son propre époque, sans aucune hésitation.

Lorsqu‟on l‟accusa d‟avoir pris une scène entière de l‟œuvre d‟un auteur contemporain,

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Shakespeare offrit la réplique suivante: “C‟est une fille que j‟ai tirée de la mauvaise société

pour la faire entrer dans la bonne” (Quérard 72).

Au 17e siècle, en France, Racine, Molière et La Fontaine empruntèrent des thèmes à

des œuvres de l‟antiquité (Plaute, Térence, Euripide, Ésope, Pilpay) et les retravaillaient,

considérant que l‟invention était un fait secondaire. Racine indiqua sa fidélité aux sources, et

prit garde de ne pas se faire un esclave de ces textes. La Fontaine tout en remaniant les fables

de Phèdre, d‟Ésope et de Pilpay, retrancha ou amplifia ses fables. Molière, pour sa part, justifia

la pratique de l‟emprunt en déclarant: “Je prends mon bien où je le trouve” (L’Avare 21).

Corneille, quant à lui reprit le poème de Guillen de Castro pour Le Cid et fut même “exonéré

de plagiat par l‟Académie française” (Vanderdorpe 8-9). Ces auteurs du 17e siècle étaient donc

fiers de leurs plagiats qu‟ils qualifiaient, d‟ailleurs, d‟emprunt et non de plagiat, tel que nous le

concevons aujourd‟hui.

En fait le mot plagiat n‟apparut qu‟en 1697, et au cours des siècles le terme recouvra

des réalités différentes. Il faut se rappeler qu‟avant l‟invention de l‟imprimerie, par Gutenberg,

c‟était les copistes qui fabriquaient des livres dans des monastères en les recopiant à partir d‟un

original sur des manuscrits (livres écrits à la main). Souvent ils ignoraient même le nom de

l‟auteur du texte original. Jusqu‟au 17e siècle c‟était souvent le nom d‟un mécène qui

apparaissait sur la couverture d‟une œuvre tandis que l‟auteur véritable de l‟œuvre n‟y figurait

même pas.

Ce n‟est qu‟au 18e siècle que les auteurs commençaient à réclamer plus de pouvoir sur

leurs œuvres; Beaumarchais et Diderot militèrent pour le droit d‟auteur, pour l‟idée de

propriété individuelle. Beaumarchais créa la Société des auteurs dramatiques et livra un combat

pour que la Comédie-Française rémunère l‟auteur au pourcentage sur la recette. Or en même

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temps Condorcet, mathématicien et homme politique français, maintenait que les idées

appartenaient à l‟humanité entière. La situation changea pour de bon au 19e siècle, lorsqu‟on

commença à reconnaître le génie de l‟écrivain et à valoriser le mythe du poète aussi bien que

son originalité. Les écrivains, philosophes et juristes commencèrent alors à polémiquer sur ce

que l‟auteur avait le droit d‟emprunter au patrimoine littéraire, et sur ce que la société pouvait

abandonner à l‟auteur et lui reconnaître comme une propriété personnelle. C‟est ainsi qu‟en

1992, parut le Code de la propriété intellectuelle, qui discutait de l‟analyse du processus de

création littéraire, qui vise à reconnaître de ce qui est lié à l‟artiste ou l‟écrivain créateur.

La notion du plagiat doit aussi être confrontée à celle de l‟intertextualité, de

l‟influence, et de la citation. Ysabelle Martineau parlant sur la typologie des différentes formes

Du Plagiat reconnaît à juste titre que:

l‟opposition entre imitation et originalité n‟a jamais été tranchée puisque l‟une et l‟autre sont

liées par des procédés littéraires ancrés dans la tradition [...]. Trop souvent ces procédés furent

assimilés au plagiat; il me paraît donc essentiel d‟établir les définitions de quelques notions

littéraires […]. Toutes ces notions, je les ai confrontées les unes aux autres et, en me servant

d‟un autre concept […] celui de l‟intertextualité, j‟en suis arrivée à définir plus clairement

l‟espace esthétique et éthique occupé par le plagiat. (69)

En ce qui concerne nos deux auteurs “plagiaires” même si Calixthe Beyala fut accusée

d‟imposture, d‟escroquerie intellectuelle ou d‟être un maître de la falsification, sa carrière ne

semble pas s‟être ralentie, pour autant, comme ce fut le cas pour Ouologuem. Le scandale ne

semble n‟avoir eu aucune conséquence grave sur sa carrière littéraire. En fait, elle continue de

provoquer et de choquer; c‟est l‟un des écrivains les plus populaires en France, car ces derniers

temps, elle réapparaît sur la scène littéraire française avec son dernier livre, L’homme qui

m’offrait le ciel (2007) publié aux éditions Albin Michel. Dans ce livre, elle choisit d‟explorer

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la relation amoureuse entre un homme blanc et une femme africaine; au fond, elle relate ses

propres amours déçus auprès d‟un animateur de télévision bien connu. Elle s‟est aussi engagée

pour de nombreuses causes telles que le droit des minorités visibles en France, la lutte contre

le sida et la promotion de la francophonie. Comme l‟explique Caya Makhélé:

Elle a bâti sa réputation sur la provocation, avec un discours radical porté par une écriture

travaillée, poétique et efficace. Elle est la réussite littéraire africaine la plus médiatisée de ces

dix dernières années. On l‟invite à parler aussi bien de politique que de cuisine et de dessous

féminins. […]. Elle écrira d‟autres livres, suscitera d‟autres controverses, car elle est prise au

piège d‟un ogre médiatique qui ne la rejettera des plateaux de télévision que lorsqu‟il n‟aura

plus besoin d‟elle. (72)

Mongo Béti affirme, quant à lui, que Beyala se moque du monde quand elle prétend qu‟on lui

en veut parce qu‟elle est femme noire et que la femme écrivain est encore, même en France,

une sorte de bête curieuse: “Si de surcroît cette femme est une négresse, elle devient le merle

blanc si l‟on peut dire” (45-6).

En ce qui concerne Yambo Ouologuem, il faut noter que la critique française et nord-

américaine n‟a jamais cessé de réclamer sa réhabilitation, et en fait son roman fut réédité en

2003 aux éditions Le Serpent à Plumes, sans doute pour faire redécouvrir Yambo Ouologuem

et pour donner à ce roman une seconde vie. Dans la préface de l‟œuvre le critique américain

Christopher Wise affirma que:

La réception critique du Devoir de violence constitue l‟un des chapitres les plus intéressants de

la littérature africaine. D‟aucuns considèrent que Ouologuem a asséné un coup de grâce à la

négritude senghorienne, ouvrant ainsi la voie à une littérature plus authentique, débarrassée de

ce besoin maladif d‟édifier, en Afrique, un passé falsifié. (Devoir 2003- Préface)

Pour d‟autres critiques, à une époque ou l‟Afrique s‟affirmant victime de l‟histoire, les propos

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de Yambo Ouologuem sur la continuité de la violence au sein de la société africaine depuis la

nuit des temps dérangeait, car le roman avait dévoilé des horreurs sur lesquels beaucoup

auraient préféré fermer les yeux.

Ouvrages Cités

Beyala, Calixthe. Amours sauvages. Paris: Albin Michel, 1991.

---. Lettre d’une Africaine à ses sœurs occidentales (Vous avez dit racistes?) Paris:

Spengler, 1995.

---. L’homme qui m’offrait le ciel. Paris: Albin Michel, 2007.

---. Maman a un amant. Paris: Albin Michel,1993.

---. ”Moi Calixthe Beyala, la plagiaire!” Le Figaro 25-26 janvier 1997: 23.

---. Le Petit prince de Belleville. Paris: Albin Michel, 1992.

---. La Petite fille au réverbère. Paris: Albin Michel, 1998.

---. Tu t’appelleras Tanga. Paris: Stock, 1988.

Beti, Mongo.”L‟affaire Calixthe Beyala ou comment sortir du néocolonialisme en

littérature” Palabres 1.3/4 (1997): 39-48.

Buten, Howard. Quand j’avais cinq ans, je m’ai tué. Paris: Le Seuil, 1981.

De Witt, Ludo. L’Assassinat de Lumumba. Paris: Karthola, 2000.

Galey, Matthieu. “Un grand roman africain” Le Monde, Supplément au numéro 7386, 12

octobre (1968): 1.

Gary, Romain. Les Racines du ciel. Paris: Gallimard, 1956.

---. La Vie devant soi. Paris: Mercure de France, 1975.

---. Vie et Mort d’Émile Ajar. Paris: Mercure de France, 1975.

Huannou, Adrien. La critique et l’enseignement de la littérature africaine aux États-Unis

d’Amérique. Paris: L‟Harmattan, 1993.

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Jeandillou, Jean-François. Supercheries Littéraires, La Vie et l’œuvre des auteurs

supposés. Florence: Usher, 1989.

---. Esthétique de la mystification. Paris: Les Éditions de Minuit, 1994.

Kayo, Patrice. “Le devoir de violence: problématique de l‟Afrique actuelle” Présence

francophone 16 (1978): 26.

Makhélé, Caya. “Le cas Beyala” Jeune Afrique 1876-1877 (31 déc 1996): 70-3.

Martineau, Yzabelle. Faux littéraire : Plagiat littéraire, intertextualité et dialogisme.

Québec: Édition Nota bene, 2002.

Molière. L’Avare. Paris: Bordas, 1971.

Nodier, Charles, Questions de littérature légale. Du plagiat, de la supposition d’auteur,

des supercheries qui ont rapport au livre. Paris: Imprimerie de Crapelet, 1828.

Ouologuem, Yambo. Le Devoir de violence. Paris : Seuil, 1968.

---. Le Devoir de violence. Paris: Le Serpent à Plumes, 2003.

---. Lettre à la France nègre. Paris: Nalis, 1969; Paris: Le Serpent à Plumes, 2003.

Quérard, Jean-Marie. Les Supercheries littéraires dévoilées: Galerie des auteurs

apocryphes, supposés, déguisés, plagiaires, et des éditeurs infidèles de la littérature

française 1847-1853. Paris: Maisonneuve et Larose, 1864.

Sainte-Beuve, Charles Augustin. Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme. Paris :

Delangle et frères, 1829.

Sellin, Eric. “Le Devoir de violence” The French Review 43.1 (1967): 164.

---. “Ouologuem‟s Blueprint for Le Devoir de violence” Research in African Literature,

Vol 2, No 2 (1971): 117-12.

Verchaves, François-Xavier. La Françafrique, Paris : Stock, 1998.

Wolf, Friedrich. Prolégomènes à Homère. Paris : Hachette & Cie 1917.