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N'? 44 76. - Les dispositions de la loi du 10 novembre 1953 permettant la modiHeation des droits respectifs des différenfes catégories de titres et Ie groupement des titres. Travaux préparatoires. 1 5 janvier 1948, projet de loi (Doe. pari. Chambre session 141). 31 mars 1949, rapport de la Commission de la justice de la Chambre (Doe. pari. Chambre session 332), le 1 2 mai, la Jdiseussion du projet fut ajournée. 6 déeembre 1949, proposition de loi (Doe. parl. Sénat 25). Proposition de loi déposée le 10 oetobre 1950 (Doe. par l. Séna t session extraordinaire 1 9 5 0, 1 2 8) . 13 déeembre 19 5 0, projet de loi de réforme des lois nées sur les soeiétés eommerciales et de l' arrêté-loi du 6 bre 1944 (Doe. pari. Chambre- session 95). Le 14 mai 1952, rapport fait au nom de la Commission de la justice de la Chambre (Doe. parl. Chambre session 1951 1952, 418). - 14 juillet 1953, rapport de la Commission de la jusdce du Sénat _(Doe. pari. Sénat - session 1953, 458). 17 juillet 19 5 3, Ie projet est adopté par Ie Sénat ( eompte rendu analytique Sénat - session 1952-1953, séance du 17 juillet, pp. _894 et 895). La loi est entrée en vigueur le 8 décembre 1953 (Moniteur beige du 2 8 novembre 19 5 3). Son texte est reproduit dans la Revue, ( 1953, 4326). I. Modification des droits respectifs des différentes catégories de ti tres (art. 7 1 ) . 1 ; La nouvelle disposition a pour but de permettre à 1' assemblée de modifier les droits respectifs des différentes catégories de titres, nonobstant toutes dispositions contraires des statuts mf,lis moyennant les garanties et formalités qu' elle édicte. Il est apparu, en êffet, que l'intérêt des leur expan- sion normale èt l'intérêt. de la grande majorité des aetionnaires mili- taient en faveur de cette réforme (Doe. pari. Sénat, 1952-1953, 458). N• 4476 9

N'? 44 1953 · 14 juillet 1953, rapport de la Commission de la jusdce du Sénat _(Doe. pari. Sénat - session 1952~ 1953, n° 458). 1 7 juillet 19 5 3, Ie projet est adopté par Ie

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Page 1: N'? 44 1953 · 14 juillet 1953, rapport de la Commission de la jusdce du Sénat _(Doe. pari. Sénat - session 1952~ 1953, n° 458). 1 7 juillet 19 5 3, Ie projet est adopté par Ie

N'? 44 76. - Les dispositions de la loi du 10 novembre 1953 permettant la modiHeation des droits respectifs

des différenfes catégories de titres et Ie groupement des titres.

Travaux préparatoires.

1 5 janvier 1948, projet de loi (Doe. pari. Chambre ~ session 1947~1948, n° 141). 31 mars 1949, rapport de la Commission de la justice de la Chambre (Doe. pari. Chambre ~ session 1948~1949, n° 332), le 1 2 mai, la Jdiseussion du projet fut ajournée. 6 déeembre 1949, proposition de loi (Doe. parl. Sénat ~~session 1949~1950, n° 25). Proposition de loi identiqu~ déposée le 10 oetobre 1950 (Doe. par l. Séna t ~ session extraordinaire 1 9 5 0, n° 1 2 8) . 1 3 déeembre 19 5 0, projet de loi de réforme des lois eoordon~ nées sur les soeiétés eommerciales et de l' arrêté-loi du 6 octo~ bre 1944 (Doe. pari. Chambre- session 1950~1951, n° 95). Le 14 mai 1952, rapport fait au nom de la Commission de la justice de la Chambre (Doe. parl. Chambre ~ session 1951 ~ 1952, n° 418). -14 juillet 1953, rapport de la Commission de la jusdce du Sénat _(Doe. pari. Sénat - session 1952~ 1953, n° 458). 1 7 juillet 19 5 3, Ie projet est adopté par Ie Sénat ( eompte rendu analytique Sénat - session 1952-1953, séance du 17 juillet, pp. _894 et 895). La loi est entrée en vigueur le 8 décembre 1953 (Moniteur beige du 2 8 novembre 1 9 5 3). Son texte est reproduit dans la Revue, ( 1953, n° 4326).

I. Modification des droits respectifs des différentes catégories de ti tres (art. 7 1 ) .

1 ; La nouvelle disposition a pour but de permettre à 1' assemblée

général~ de modifier les droits respectifs des différentes catégories

de titres, nonobstant toutes dispositions contraires des statuts mf,lis

moyennant les garanties et formalités qu' elle édicte.

Il est apparu, en êffet, que l'intérêt des ~ntreprises, leur expan­

sion normale èt l'intérêt. de la grande majorité des aetionnaires mili­

taient en faveur de cette réforme (Doe. pari. Sénat, 1952-1953, n° 458).

N• 4476

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L' ancien artiele 71 prévoyait la possibilité de modifier les droits

reconnus à tous les actionnaires d'une même catégorie (voir texte

modifié. par la loi du 2 5 mai 1 913). Cette modiHeation devait être

approuvée dans chacune des catégories par les trois~quarts des voix

des actionnaires présents et, si une première assemblée ne réunissait

pas la moitié des titres existants dans chacune de ces catégories,

une seconde assemblée devait être convoquée.

La jurisprudence avait, par ailleurs, décidé que I' artiele 71 ne

pouvait être invoqué pour modifier les droits attribués à quelques

associés dont les actions ne farment pas une catégorie spéciale. Ainsi, lorsqu'il s'.agit d'un groupe ne constituant pas aux yeux de

la loi une catégorie spéciale, la délibération est subordonnée au consentement unanime des associés.

D' a titre part, il résultait des travaux parlementaires de la loi du

25 mai 191 3 que les statuts pouvaient déroger à I' artiele 71 en

interdisant la modification des droits respectifs des catégories d' ac~

tions ou en la subordonnant à des conditions de présence ou de

majorité plus rigoureuses.

De plus, cette disposition ne fournissait aucune possibilité de

modifier les droits des titres non représentatifs du capital, lorsque

les statuts ne leur conféraient aucun droit de vote (dans ce cas,

I' unanimité était requise : GILSON, Les modifications aux staluts des sociétés anon:ymes, p. 1 1 5 ) .

Parfois également les statuts contieonent des dispositions prohi~

bant l'augmentation du nombre des parts bénéficiaires afin d'inter.­

dire toute réduction des droits collectivement attribués à leurs

titulaires.

Cette situation était de nature à décourager les nouveaux appor­

t~urs et lq volonté d'un seul actionnaire pouvait tenir en échec une ~ugmentation de capita} pourtant indispensable pour la bonne mar.­

che ou I' expansion normale de la société.

· En effet, si ·les statuts prohibaient, par exemp'le, I' augmentation

du nombre des parts bénéficiaires, il n' était pas au pouvoir de l' as.­

semblée générale d'imposer à une minorité récalcitrante un vote de

majorité décidant de les transfarmer en a.ctions d'une autre nature.

Les porteurs de ces parts ayant entendu lors de la constitution de

la soeiété que leurs titres restent en nombre limité, on pouvait

contester la licéité d'une mesure transformant ces titres en actions

d'une autre catégorie dont Ie nombre peut dorénavant être aug ..

N• '44'76

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menté (Commerce Bruxelles, 24 mai 1929, Revue, 1930, p. 12),

n n' est pas douteux que le principe sanctionné par la législatiorr

. nouvelle porte atteinte à des droits acquis : mais cette dérogatiort

·au droit commun se justifie : un intérêt social supérieur doit pou~

voir 1' emporter sur l'intérêt égoïste des actionnaires (FREDERICQ,

Rev. prat. Not., 1954, p. 193).

2. Le nouvel artiele 71 permet, quelles que soient les disposi~

tions des statuts, de modifier les droits respectifs des différentes

catégories d' actions, titres ou parts, représentatifs ou non du capi~

tal exprimé ou de décider Ie remplacement des titres d'une caté~

gorie par ceux d'une autre catégorie.

Cette décision est cependant subordonnée à certaines mesures

de publicité préalables et à certaines conditions de majorité.

Rien n'est changé quant au principe de 'l'intangibilité des droits

acquis à certains actionnaires individuellement par opposition aux

droits collectifs communs à tous les associés d'une même catégorie.

D' autre part, I' artiele 71 ne permet plus, contrairement à I' arrêt

de la Cour de cassation du 5 juin 194 7 (Revue, 194 7, n° 1242),

de priver une catégorie d'actionnaires de leur qualité d'associés;

il faudrait pour cela I' unanimité ou la dissolution de la société.

(Exposé des motifs, Doe. pari., n° 95 ~ session 1950~51). L'inten~

ti on du législateur est elaire; cependant, le texte légal ne nous

paraît pas contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation ..

D' ailleurs, certains auteurs ont estimé que cette limitation des

droits de I' assemblée générale n:' empêche pas I' attribution d' une

·soulte en espèces aux porteurs d'une catégorie de titres si cela per­

met un meilleur ajustement de la proportion d'échange des titres

à unifier; comme c' est en effet à 'la recherche de I' équilibre de cette:

proportion qu'il convient essentieHement de s'attacher, I' on ne:

peut considérer comme une expulsion, même partielle, d' une caté~

gorie cl' actionnaires, Ie fait de corriger, par une attribution d' espè~

ces, une légère inégalité dans les proportions d' échange jugées les

plus heureuses, par exemple, pour éviter la création de titres frac~

tionnaires (H. NEUMAN, ]ournal des Tribunaux, 1954, p. 673).

La loi du 1 0 novembre 195 3 a clone pour objet essentie} de

régler les conditions nécessaires et suffisantes pour que 1' assemblée

générale puisse modifier les droits respectifs des catégories de titres

ou pour remplacer les titres d'une catégorie par ceux d'une autre.

N' ·4476

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Selon M. Ie Professeur· VAN RYN (Principes de droit commercial; t. I,

n° 81 0), elle n' apporte aucune autre modification au droit anté­

rieur; elle n' a changé, notamment, ni la nature, ni Ie régime des

actions non représentatives de capita!; avant comme après la loi

du 10 novembre 1953, il demeure impossible de transfarmer une

part de fondateur en action représentative de capital et de lui attri­

buer, après coup, par ce moyen, le même droit de vote que si elle

avait rémunéré, dès sa création, un apport effectif.

Cette opinion nous paraît cependant excessive. En effet, la nou­

velle disposition donne à I' assemblée générale la faculté de modi­

fier la « nature » des titres; il fa ut clone en déduire que des parts

de jouïssance, clone non représentatives du capita!, pourront être

transformées en actions de capital, à condition que leur droit de

vote soit proportionnel à la quotité du capita1 social nouvellement

exprimé que ces actions représentent ( voyez également Revue, 1952, n° 4272, et 1953, n° 4308).

3. Le conseil d'administration doit exposerdans un rapport !'ob­

jet et la justification détaillée des modifications proposées. Une

large publicité de ce rapport est assurée : il doit être annoncé dans

1' ordre du jour; une copie est annexée à la convocation des action­

naires en nom; une copie est transmise sans délai aux personnes

qui ont accompli les formalités requises par les statuts pour être

admises à 1 'assemblée; tout actionnaire a Ie droit, sur la produc­

tion de son titre, d'obtenir gratuitement, quinze jours avant l'as­

semblée, un exemplaire du rapport.

Cette obligation faite au conseil d' administration d' établir un

rapport est applicable en toute hypothèse.

Les notaires devront clone s' assurer de son existence, de sa men­

tion à l'ordre du jour et de son annexe aux convocations nomina­

tives.

Les actionnaires disposeron.t ainsi d' éléments d'information pré­

cis et d'un certain temps de réflexion qui lef.r permettrant d'appré­

cier Ie bien-fondé et I' opportunité des modifications envisagées. I

. 4. Chacun des titres non représentatifs du capital exprimé donne

droit au vote dans sa catégorie, nonobstant toutes dispositions con­

traires des statuts . . Les limitations édictées par r artiele 7 6 ( 1 I 5 des voix attachées

N° 4476

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à l' ensemble des ti tres; 2/5 des voix attachées aux ti tres représen­tés), ne sont pas applicables.

Tout porteur de coupure est admis à prendre part à la délibéra.;.

tion dans sa catégorie; les voix étant comptées sur base d'une voix à la coupure la plus faible.

Dans chaque catégorie, la moitié du nombre des titres de cette catégorie doit être présente ou représentée; si cette condition n' est

pas remplie, l' assemblée sera convoquée à nouveau et délibérera valablement quel que soit Ie nombre d' actions représentées.

La modification n' est admise que si dans chaque catégorie elle

ré~nit les trois quarts des voix attachées aux titres présents.

11 suffira clone qu'un actionnaire possède dans une catégorie 26 <J'o des voix pour que la modification proposée ne soit possible que s'il ne fait pas opposition et que les droits dont il dispose res­

tent immuables.

Notons qu'il est tenu compte des fractions de titres et que les conditions de majorité prévues ci-dessus sont nécessaires maïs suf .. fisantes nonobstant toutes dispositions' contraires des statuts.

5. Une condition toute nouvelle est imposée pour Ie cas ou la majorité qui emporte la décision ne représente pas dans chaque catégorie un tiers des titres existants. Cette décision ne peut être mise à exécution qu'après avoir été homologuée par la Cour d'appel.

L'homologation est sollicitée par voie de requête à la diligence

de ceux qui ont Ie droit de convoquer 1' assemblée générale des actionnaires ou de tout propriétaire de titres ou coupures.

Les groupes niajoritaires auront à justifier des propositions

votées et les absents ou les dissidents pourront exposer leur point de vue. La Cour pourra d' ailleurs faire procéder aux expertises qui: peuvent se révéler nécessaires pour qu' elle puisse statuer en parfaite connaissance de cause.

Si la requête en homologation n' est pas intraduite dans les trente jours de la décision, celie-ei est sans effet.

6. Diverses questions se posent quant à l'intervention de la Cour d' appel et aux sanctions possibles en cas d' omission des formalités prévues par la loi.

NP 44?6

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Ainsi qu' arrive-t~il si 1' actionnaire n' a pas reçu de convocation ~ Si les modifications proposées ont été approuvées par la majorité requise, il n'y a pas de sanction; l'actionnaire n'a qu'une éventuelle action en responsabilité contre les administrateurs.

Si la majorité requise n' est pas réunie, la décision doit être homo~ loguée par la Cour d'appel; dans ce cas, l'actionnaire qui n'a pas été convo9ué peut intervenir à I' instanee et défendre son point de vue.

Notons qu'en droit commun, le conseil d'administration n'a pas à justifier qu'il a envoyé les convocations à tous les actionnaires.

D' autre part, comment cel ui qui a voté contre la décision ou qui n' a pas assisté à la réunion in terviendra~t~il à I' instanee? La loi est muette sur la procédure à suivre.

La loi dit que l'homologation est sollicitée par ceux qui ont le droit de convoquer 1' assemblée générale ( conseil d' administration - collège des commissaires) ou par tout propriétaire de ti tres ou coupures. Mais, dans ce dernier cas, comment cela se fera~t-il?

Le propriétaire agissant ainsi « proprio motu » doit-il assigner la société ou peut~il se contenter de lui dénoncer la requête en homo~ logation ou même de simplement introduire la requête?

La loi dit encore que la Cour statue « toutes affaires cessantes »;

1es travaux préparatoires précisent toutefois que la Cour pourra faire procéder à des expertises; cela implique~t-il Ie droit de procé~ der à des mesures d'instruction?

Quelle sera d' ailleurs la compétence de la Cour} Son controle sera-t~il de pure forme ou devra~t~il s' étendre au fond et lui per­mettre d' apprécier Ie bien~fondé de la décision et de mettre des conditions à son homologation ou ne pourra-t-elle qu'approuver ou

rejeter?

Selon les travaux prépar~toires, le texte actuel s'inspire du pré­cédent que formule 1' artiele 94 des lois coordonnées .en matière de délibérations d' assemblées d' obligataires. ll semble clone que la compétence de la •Cour ne soit pas limitée aux seu1es questio_ns de formé, mais qu'il s'agit là d'une mission de tutelle à l'égard des absents et des dissidents lui permettant de controler également Ie fond.

Comme le. déclarait M. WA UWERMANS à la Chambre lors de . la

discussion de 1' artiele 94 :

-~ 44'76

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La Cour d'appel statuera d'après les éléments de la cause comme si elle 5c

trouvait amenée à homologoer une · mesure grave prise et dans laquelle un mineur est intéressé.

Elle vérifiera si les conditions de forme oot été respectées, si les garanties de publicité oot été fournies, les majorités acquises, Ie scrutin loyal. Elle pourra refuser l'homologation si la société a été de mauvaise foi, si elle a agi en fraude' des droits des créanciers, si !'arrangement proposé apparaît comme ruineux ou irréalisable. Sans doute, les obligataires sont les meilleurs juges de leurs intérêts et il ne faut repousser leur décision que pour des motifs graves. Mais la disposi­tion organise une tutelle, il faut voir si la délibération est sincère, loyale, si les obligataires n'ont pas' été subornés, s'ils n'ont pas été achetés par des promesses ou des avantages particuliers. La Cour d'appll statoe d'ailleurs avec· une personne qui siège à sa droite et qui est Ie ministère public. S'il se présente une société véreuse ayant voulu réaliser un coup de bourse, ayant présenté un bilan contraire à la vérité, ayant vécu d'expédients, ayant dilapidé l'avoir social, gage des créan­ciers, Ie ministère public pourra se lever et combattre l'homologation.

Notons enfin que rien ne règle la publicité du dépot de la requête en homologation; comment alors dans ces conditions, les actionnai~ res désireux d'intervenir, pourront~ils Ie faire? Quant à la décision elle~même, elle doit être publiée dans les quinze jours; maïs à par~ tir de quand? dans les quinze jours de l'homologation ou dans les quinze jours de la décision? Cette dernière solution aurait 1e mérite de permettre aux absents d'intervenir.

ll. Groupemenl des actions (art. 219).

7. Cet artiele permet, à titre transitoire, aux sociétés anonymes constituées avant Ie ler janvier 1945, de réduire le nombre des

ti tres ou coupures représentatifs de droits sociaux; en effet, il arrive que, par suite des circonstances, la valeur de ceux~ci soit considé­

rablement réduite.

L' opération n' est permise que sous certaines conditions de pré~ sence et de maj orité et moyennant la justification des propositions

formulées.

Cette justification est exposée par le conseil d' administration dans un rapport, qui reçoit la même diffusion que celui prévu à l' artiele 71.

8. Nonobstant toutes dispositions contraires des statuts, seuls les porteurs de titres appartenant à la catégorie faisant I' objet du

groupement sont admis à I' assemblée.

w· 44?6

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Dans chaque :càtégorie de titres dont Ie groupernent est proposé, do·i,ieilt être présents ou ·représentés la inoitié des titres existanté,

sauf en cas de seconde assemblée. La décision doit être prise aux frois qualts des voix dans chaque catégorie.

9. Chaque titre donne droit au vote même s'il .n'est -pas repré· sentatif du capital et les porteurs de coupures sont admis à I' assem­blée, les voix étant comptées sur Ja base d'une voix à la coupure

la plus faible.

Le délai fixé pour I' échange des ti tres ne peut être inférieur à six mois à compter du cammencement des opérations.

Aucun recours contre la décision n' est prévu. On a estimé, en effet, que les risques d' abus étaient en fait très limités et qu' en ce qui concernait les sociétés dont les titres sont cotés en bourse, Ie Comité de la Cote ne manquerait pas de réagir si la d~cision n' était pas inspirée par l'intérêt commun de tous les actionnaires.

1 0. Pour exercer une certaine pression sur les porteurs récalci­trants,. ceux qui se refuseront au groupement seront privés tempo- ·

rairement de leur droit à la perception des dividendes jusqu'au jour de la conversion de leurs coupures ou de leurs titres anciens en inscriptions nomînatives.

11. Que se passera-t-il en pratique si un actionnaire refuse ou néglige d'échanger ses titres, par exemp'le parce qu'il a une action et ne désire pas en acquérir le nombre nécessaire pour faire un

titre nouveau?

La loi prévoit une seule sanction : Ie dividende ne sera pas payé tant que 1' échange n' aura pas été fait ou que les ti tres et coupures non groupés n'auront pas été convertis en inscriptions nominatives.

Il faut donc en déduire que si un actionnaire possède un seul titre ancien et ne désire pas en acquérir d'autres, nul ne peut l'y forcer; il reste actionnaire et il lui suffit, pour percevoir son divi­dende, de convertir son titre, devenu une coupure, en inscription

nominative. Il aura tous les droits normauxl des coupures à 1' exclu­sion, par conséquent, du droit de vote unitfire à 1' assemblée géné­·rale ordinaire (art. 41 des lois coordonnées). On pourrait égale­m·ent. c.on~evoir ··que la société accepte de transfarmer en coupures

les titres anciens, par exemple par estampillage.

N°.:4478

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Si, d'autre part, un actionnaire a plusieurs titres anciens, en nom­

bre . suffisant pour recevoir en échange plusieurs ti tres nouveaux., s'il désire pr.endre part au vote à '!'assemblée ordinaire •. il devra les déposer. ·La société pourra alors faire 1' échange et transfarmera

en inscriptions nóminatives .les ti tres anciens en nombre insuffisant

pour. faire un titre: nouveau.

III. Autres modifications.

12. Les paragraphes 3, 4, 5 de l'article 1 er apportent aux arti­

cles 41, 7 4 et 7 5 des lois coordonnées, des modifications de pure

forme pour les mettre en concordance avec les dispositions conte­

nues dans les artiel es 7 1 et 2 1 9.

13. Les paragraphes 6 et 7 prévoient que les sociétés devront

se conformer aux mesures arrêtées par Ie Roi quant à la forme des actions et des obligations et que la valeur nominale de ces dernières ne pourra être inférieure à 1.000 fr. à moins qu'elles ne soient libel­

·lées en monnaies étrangères.

14. Le paragraphe 8 modifie 1'article 1 09 et dispose que les.

actions des sociétés en commandite par actions sont signées par les gérants et par deux commissaires et que ces signatures peuvent

être remplacées ·par des griffes.

1 5. Quant à 1' artiele 2 de la loi, il répare deux erreurs de rédac­toni commises dans la loi du 7 juin 1949 et complète l'article 3 de la loi du 7 juin 1949 qui reporte d' office sur les titres nouveaux obtenus en exécution de 1' arrêté du Régent du 17 janvier 1949, Ie droit · de gage affectant les ti tres anciens.

R. VAN. RüLLEGHEM,

Avocat pr~s la Cour d'appel de Bruxelles.

N° 4476

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No 4477. - Cour de cassation ( 1 re eh.). - 25 novembre 1954. Siég. : MM. Sohier, prés. f.f. ; Daubresse, cons. rapp.; Hayoit de Termicourt,

proc. gén. - Plaid. : MMes Demeur. et della Faille d'Huysse, avoc. (S. A. Redex cf Etablissements Lacroix et Des plat.)

Concun·ence illicite .. - Action en cessation dirikée contre une société. - Acte commis par l'organe. - Rerevabilité. - A~te conunis par Ie préposé. -Irrecevabilité.

1

L'action en cessatiotz orgmzisée pm· les artie/es p·e et 2 de l'arrêté t·oyal n° 55 du 23 décembt·e I934 ne peut être dirigée que cotztt·e ceux qui ont commis un acte contt·aire aux usages honnêtes en matière commerciale ou indttstrielle ou qui ont pm·ticipé à pareil acte.

Si le fait de l'organe d'ime société jouissmzt de la personnalité jm·idique est Ie fait de !'être moral, Ie fait du pt·éposé n'est pas le fait du commettmzt qui n'a pas participé à l'acte.

ARRET. La Cour, Ouï Monsieur Ie conseiller Daubresse en son rapport et sur les C'onclusions de

Monsieur R. Hayoit de Termicourt, Procureur général; Vu I' arrêt attaqué, rendu Ie 2 juin I953 par la Cour d'appel de Bruxelles; Sur le .moyen unique pris de la violation des articles Ier à 4 de l'arrêté royal du

23 décembre I934, protégeant les producteurs, commerçants et consommateurs contre certains procédés tendant à fausser les conditions normales de la concur~ rence, et de l'article Ier (n° 111, litt. d) de la loi du 3I juillet I934, prorogée et complétée par celle du 7 décemhre I934, attribuant au Roi certains pouvoirs en vue du redressement . économique et financier, et violation des articles I382 à I384 du Code civil;

En ce que l'arrêt entrepris a déclaré irrecevable la citation de la demanderesse tendant à l'application du dit arrêté, pour la raison que celui-ei n'est pas appli­cable lorsque les actes incriminés sont Ie fait, non de la p~rsonne assignée, mais de ses préposés et qu'il n'est pas établi qu'elle les ait connus et tolérés;

Alors que pareille oirconstance ne fait pas obstacle à la procédure visée;

Attendu que }'arrêt attaqué constate : I. que les faits servant de bas à l'action en cassation intentée par la deman­

deresse ont été commis par un préposé des défendeurs, « agissant seul ou aidé par un j eune ouvrier » ;

2. que la demonderesse ne prouve pas « la C'onnaissance et la tolérance par Ie patron du fait répréhensible de son prépos~ »;

3· que « la disposition d·es lieux ou se faisait la vente rend au surplus vraisem­blable la thèse suivant laquelles les intimés (ici défendeurs) auraient ignoré les faits critiqués »;

Attendu qu'il résulte du texte même des articles Ier et 2 de l'arrêté royal no 55 du 23 décembre I934 que l'action en cessation, qu'ils organisent, ne peut être dirigée que contre ceux qui ont commis un acte contraire aux usages hon­nêtes en matière commerciale ou industrielle ou qui ont participé à pareil acte;

Attendu que, si Ie fait de l'organe d'une société jouissant de la personnalité

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juridique est Ie fait de I'_être moral, Ie fait du préposé n'est pas le fait du com­mettant qui n'a pas participé à I'acte;

Que, l'action en cessation n'ayant point pour objet la réparation du préjudice

causé par I'acte illicite, I' artiele 1384, alinéa 3, du Code civil. lui est étranger; Attendu, partant, que les cont~tatations de l'arrêt justifient légalement Ie rej et

.~de I' action de la demanderesse et que Ie moyen manque en droit;

Par ces motifs,

Rejette le pourvoi ...

Observations. - En tant qu'il décide que l'action en cessation

:sur pied de l' arrêté royal du 2 3 décembre 1 9 34 ne peut être diri.:.

gée contre le commerçant à raison du fait commis, en dehors de la

Jaute propre de ce dernier, par un préposé, 1' arrêt consacre l' ensei~

.gnement de M. FREDERICQ ( Traité, t. II, n° 13 7) et du Répertoire _pratique de droit belge, V' Propriété commerciale, n° 1 36 ( voir aussi les

~références) . L' arrêt intéresse le droit des sociétés en ce qu' il souligne la dis~

tinction entre l' organe et le préposé au point de vue de l'imputa~

bilité à la société de l'acte illicite. On verra à ce sujet PASSELECQ,

Novelles, Sociétés commerciales, n° 1 1 7, FREDERICQ, Traité, t. IV, n° 6 7, VAN RYN, Principes, n°8 36 7 à 3 70, et Bruxelles, 13 juillet 195 3 (Revue, 1954, n° 4410, cfr obs. l). A un point de vue spécial on se

-:référera aussi à Cass., 31 mai 1954 (Revue, 1955, n° 4441).

No 4478.- Cour de cassation (]re eh.).·- 19 février 1955.

-:5iég. : MM. Sohier, prés. f.f.; Demoulin, rapp.; Hayoit de Termicourt, proc. gén·.

Plaid. : MMes Van Ryn et Ansiaux, av.

(Delronche cj Marber.)

01·gane de la société. - Président du conseil et administratem· délégué. lmprudence. - Accident du travail. - Action en justice de la victime contre l'organe. - Non recevabilité.

L'acte accompli par l'organe d'zme persotme morale, dans la limite de ses pou­voit·s, est, à l'égard des tiers, l'acte de la personne morale elle-même.

Relevant que /'auteur d'u11 accide11t de travail est le président du conseil d'iid­-mi1zistration et l'administ1·ateur délégué d'une société, partont son organe, et .agissait e11 cette qualité et dans les limites des pouvoirs à lui conférés lorsqu'il .a causé par imprudence des. blessu1·es à une employée au service de la société, Je juge décide à bon droit que l'acte accompli par lui doit être considéré à l'égard de /'employée comme étant l'acte du chef d'entreprise, au sens de ces termes dans l'm·ticle I9, alinéa 3, des lois coordonnées par A. R. dtt z8 septembre I93I,

et que pm·tant l'action di1-igée contt·e lui par /'employée sur pied de l'article I38Z

du Code civil n'était pas recevable.

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ARRET.

La Cour, - Ouï M. Ie conseiller Demoulin en son rapport, et sur les conclu~ sions de M. R. Hayoit de Termicourt, Procureur général;

Vu l'.arrêt attaqué, rendu Ie I2 décembre 1953 par la Cour d'appel de Bruxelles·;

Sur le premier moyen pris de I~ vialation des articles I382 à I384 du Code civil, I et I9, spécialement en son alinéa 3, des lois sur la réparation des dom­mages résultant des accidents du travuil coordonnées par l'arrêté royal du 28 sep­tembre I954, et modifiées par la loi du IO juillet I95I, articles I et Io, 199I, I992 . et 1995 du Code civil, 2, 13 et 62 des lois sur les sociétés commerciales coordon­nées par l'arrêté royal du 30 novembre 1935 et 97 de la Constitution,

en ce que l'arrêt attaqué a refusé à la demanderesse son recours en respon­sabilité sur pied du droit commun contre la défenderesse, qui avait causé, par -,a faute, !'accident de roulage au cours duquel la demanderesse avait encouru Ie dommage dont elle réclamait la réparation, pour Ie motif que Ie dit accident étant un accident de travail et la défenderesse étant Ie chef d'entreprise de la demanderesse, cette dernière ne pouvait obtenir d'autre indemnisation de son dommage que Ie forfait fixé par les lois coordonnées sur la réparation des dom­mages résultant des accidents du travail,

alors que, ainsi que Ie reconnaît d'ailleurs l'arrêt attaqué en contradiction avec Ie motif précité, Ie chef d'entreprise de la demanderesse était la société anonyme «Maison Anna David Marher » et que la oirconstance que l'acte de I'organe ne peut déterminer, dans Ie chef de l'être moral avec qui la victime était liée par un contrat de louage de travail, la responsabilité forfaitaire avec exclusion de la responsabilité de droit commun, n'a pas pour effet de sopprimer la personna­lité et, partant, la responsabilité de !'auteur de l'acte qui, parce qu'il n'est pas Ie chef d'entreprise _ni son ouvrier ou préposé et n'entre dès lors dans aucune des catégories de personnes limitativement énumérées par l'article 19, alinéa 3, des susdites lois coordonnées, reste personnellement tenu de. la réparation entière du dommage causé par sa faute :

En ce qtti concerne la première branche :

Attendu que l'arrêt ne se contredit pas en admettant, d'une part, que Ie chef d'entreprise de la demanderesse était la société anonyme «Maison Anna David­Marber » et en constatant, d'autre part, que la défenderesse, étant l'organe de la dite société, « devait être considérée comme ayant agi en qualité de chef d'entreprise »;

En ce qui concerne la seconde branche :

Attendu que I'arrêt relève que la défender.esse est Ie président du conseil d'administration et !'administrateur délégué de Ia société précitée, partant son organe; qu'elle agissait en cette qualité et dans les limite~ des pouvoirs à elle conférés, lorsqu'elle a causé par improdenee des blessures à la demanderesse, employée au servide de Ia société;

Attendu que l'acte accompli par l'organe d'une personne morale, dàns les limites de ses pouvoirs, est, à l'égard des tiers, l'acte de Ia personne morale elle~même;

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_ Qu'ii s'ensuit qu'en décidant que l'acte accompli par la défenderesse devait être considéré, à l'égard de la demanderesse, comme étant l'acte du chef d'en­treprise, au sens de ces termes dans l'article 19, alinéa 3, des lois coordonnées par ·arrêté royal du 28 septembre 1931, et que, partant, l'action dirigée contre elle par la demanderesse sur pied de l'article 1382 du Code civil n'était pas rece­vable, l'arrêt n'a violé aucune des dispositions visées au moyen;

Que celui-ei manque en fait dans sa première branche et en droit dans sa

seconde branche;

Sur Ie second moyen ...

Par ces motifs, rejette Ie pourvoi ...

Monsieur Ie Procureur général Hayoit de T ermicourt avait conclu

dans les termes suivants sur Ie premier moyen :

La pre·mière branche du premier moyen soutient_ que Ie juge du fond s'est contr'edit en affirmant que le chef d'entreprise de la demanderesse était, tantot, la défenderesse, tantot la S. A. « Maison Anna David Marher ».

Notans d'abord que l'arrêt ne qualifie pas .expressis verbis la S. A. «Maison Anna David Marher » de chef d'entreprise de la demanderesse; il faut toutefois reconnaître que toute l'argumentation d~ l'arrêt suppose que _Ie chef d'entreprise

est bien l'être moral précité. Maïs i1 n'existe aucune contradiction à dire, d'une part, qu'une personne morale

.est Ie chef d'entreprise de la demonderesse et, d'autre part, que la défenderesse étant l'organe de la personne morale précitée et ayant agi en cette qualité, et dans les limites de ses pouvoirs, doit être « considérée cotmne ayant agi en qua· lité de chef d'entreprise ».

Le moyen, en cette branche, manque en fait. La seconde branche du moyen soulève une contestation beaucoup plus sérieuse. Elle peut être résumée comme suit : 11 s'agit d'un accident d1.1 travail, au sens de ces termes dans l'article I des lois

coordonnées par A. R. du 28 septembre 1931. La défenderesse, employée blessée, ne pouvait obtenir à charge du chef d'en­

t1·eprise que les indemnités forfaitaires prévues par les dites lois. En revanche, aux termes de l'article 19 des Iois coordonnées, alinéa 3, elle conserve l'action du droit commun contre les personnes responsables de }'accident autres que Ie chef tl'entt·ept·ise, ses ottvt·iers ou ses préposés.

Or la défenderesse n'a aucune de ces qualités. Elle n'est pas ouvrière de la s: A. Marher; elle n'est pas préposée, car Ie président du conseil d'administration ou }'administrateur délégué d'une société anonyme - double qualité de la défen­deresse - n'est pas un préposé, au sens de l'article 1384, alinéa 3, du Code civil ( Cass., 7 sept. 1950, Bull., 846), ma is un organe, dès lors qu'il a git dans la sphère de ses attributions, et Ie préposé dont parle l'article 19 des 1ois coordonnées sur

les accidents du travaii n'est point autre que ceiui que vise l'article 1384, alinéa 3, du Code civil (Cass., 22 novembre 1915, Bull., 1915·1916-l-430; 16 février 1953, Bul/., 451) ; la défenderesse, enfin, n'est pas, contrairement à ce qu'affirme l'ar­rêt, Ie chef d'entreprise de la demonderesse puisque ce chef ~l'entreprise. est la S. A. Marher et ne peut être que celle-ci.

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Chose singulièr~, cette · question n'a été, à ma connaissance du moins, exami­née par aucun auteur. Elle a dû cependant se soulever maintes fois depuis l'e~trée en vigueur de la loi du 24 décembre 1903.

11 est incontestable que la défenderesse n'est ni un ouvrier, ni un préposé de la S. A." Marber.

Doit-elle être considérée comme Ie chef d'entreprise, alors que la S. A. Marher est incontèstablement èhef d'entreprise?

Le mémoire en réponse fait état de ce qu'il résulte des travaux préparatoires que les tiers responsables sont ceux « qui sont étrangers à l'entreprise ». Or comment soutenir que la défenderesse, administrateur délégué, soit étrangère à l'entreprise?

Cette argumentation ne me paraît pas décisive. 11 est exact que Ie rapporteur du projet de loi à la Chambre a usé de l'expression « tous ceux qui sont étran· gers à I' entreprise » (1 ). Mais cette expression est assurément trop générale. Un actionnaire d'une société anonyme n'est pas « étranger à I' entreprise » et est cependant un tiers au sens de I' artiele 19 des lois coordonnées; un arrêt de la Cour du 3 mars 1943 (2 ) fournit un autre exemple de tiers responsabie qui n'était pas étranger à l'entreprise dont un ouvrier fut victime d'un accident de travail.

Le R é pet·toit·e pratique du droit beige ( 3 ) -est déjà plus restrictif : « ceux qui nefont pas partie de l'entreprise ». DELARUWIERE et NAMECHE (4 ) consi­dèt:ent comme tiers « ceux qui ne sont tiés avec Ie chef d'entreprise par aucut~ Iié:m contractuel ». Mais }'arrêt de la Cour du 3 mars 1943, déjà cité, montre que tout tien C'ontractuel n'exclut pas la qualité de tiers; il convient de vérifier la nature du tien contractnel existant entre Ie chef d'entreprise et l'auteur de l'accident. D'ailleurs, entre un a~ministrateur délégué et la société il peut exister, et il existe souvent, un tien contractnel ayant pour objet la rémunération de l'administrateur délégué.

Ce n'est donc pas, je pense la notion de « tiers >> qui éclairera Ie problème soumis à la Cour. 11 faut en revenir à la notion de chef d'entreprise.

Lorsque Ie chef d'entreprise est une personne morale - une société ayant la personnatité juridique - on se trouve dans une situation assez particulière. L'être moral ne peut agir que par son organe, c'est-à-dire par une ou plusieurs pers~nnes physiques. L'être moral existe, mais est incapable, par lui-même, d'agir. :Mais, comme Ie dit· votre arrêt du 16 décembre 1948 (5), « l'acte accom­pli, dans la sphère de ses attributions (6 ), par l'organe est l'acte de la personne morale elle-rnême ». L'arrêt du '7 septembre 1950 (7 ), rendu cette fois en matière

( 1 ) Doe. pari. Ch., 1901·1902, n° 125. L'expression est utilisée deux fois par Ie rapporteur. Voy. aussi Cass., 17 septembre 1934, Bull., 374·

( 2 ) Bull., 77· (B) V 0 Accidents du travail, no 209. ( 4 ) No 407. ( 5 ) Bull., 724. ( 6 ) Sur la nécessité de cette condition, voy. Cass., 29 mai 1947, Bull., 216, et

la note I; 25 octobre 1951, Bull., 1952, p. 101; 3 avril 1952, Bnll., 496; 3 décem­b,re .1953, Bnll., 1954, p. 276.

(7) Bull., 846. Voy. aussi Cass., 25 novembre 1954, en cause Soc. Redex c/ Et. Lacroix.

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de société anonyme, répète que « les actes des administrateurs, accomplis en cette qualité, sont, à l' égard des tiers, ceux de la société ».

L'organe de la société, personne morale, est, lorsqu'il agit dans la limite de ses pouvoirs, une. sorte de prolongement de la personne morale à l'égard des tiers ou, si l'on préfère, l'élément dynamique de cette personne. A l'égard des tiers, personne morale et organe, agissant comme tel, ne sont qu'un.

Or,- en l'espèce, l'arrêt constate que -la défenderesse agissait comme organe de la société, chef d'entreprise, et. dans la limite de ses pouvoirs, que c'est dans l'exercice des dits pouvoirs, c'est-à-dire de sa mission, qu'elle a causé des blessu­res à hi demanderesse, c'est-à-dire qu'elle a commis une imprudence dans l'exé­cution de sa mission d'organe.

L'acte accompli par elle, quoique accompli avec imprudence - car l'impru­dence n'exclut pas la qualité d'or#ftne - doit clone être considéré, à l'égard de Ia demanderesse, 'comme étant l'acte du chef d'entreprise au sens de ces termes dans l'article 19, alinéa 3, précité.

Ces considérations me paraissent établir que Ie moyen, en sa se~onde branche, manque en droit.

Je voudrais toutefois être autorisé par la Cour à retenir encore quelques instants son attention sur ce moyen.

Si Ia thèse du pourvoi était fondée, l'économie des lois coordonnées sur la réparation des domrnages résultant des accidents du travail serait bouleversée dans toutes les entreprises constituées sous la forme d'une société ayant la per­sonnalité juridique comme dans les entreprises publiques.

Quelle est, en effet, l'économie de ces lois?

L'ouvrier, ou !'employé, victime d'un accident de travail reçoit une indemnité, même s'il n'établit point une faute du chef d'entreprise et même si l'absence de toute faute est constante. En revanche - c'est-à-dire en c~mpensation - il ne reçoit que la même indemnité, fût-elle inférieure à l'indemnité de droit commun, même s'il établit une faute du chef d'entreprise, à la seule exception de la faute intentionnelle. La faute non intentionnelle est, par exemple, l'organisation défec­tueuse du travail, l'insuffisance d'un dispositif de sécurité, une négligence dans Ie remplacement de l'outillage, etc.

Quelle serait la situation, dans la thèse du pourvoi, lorsque Ie chef d'entre­prise est une personne morale?

L'ouvrier, ou !'employé, continuerait à recevoir l'indemnité forfaitaire, en èas d'absence de faute ou d'absence de preuve de faute, Maïs en revanche, il serait toujours reeev-abie à réclamer I'inderrinité de droit commun en établissant une faute non intentionnelle. En effet, qui, lorsque Ie chef d'entreprise est un per­sonne morale, organise Ie travail, doit veiller à une sécurité suffisante et au remplacement, en temps opportun, de I' outillage, etc.? L'organe de la personne morale évidemment. Si, comme l'affirme Ie pourvoi, eet organe est un tiers, ou du moins ne peut être considéré comme Ie chef d'entreprise, ou comme faisant corps avec celui-ci, il doit l'indemnité de droit commun et partant il n'y a plus aucune compensation, à l'égard de l'ouvrier ou de !'employé, entre les disposi­tions de la loi qui lui aceordent une indemnité non-due suivant Ie droit commun et les dispositions qui réduisent l'indemnité de droit commun.

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..,.."... 144 ~

Rupture de I'éconornie de la loi et privilège injustifié accordé au ouvriers, dont Ie chef d'entreprise est une personne rnorale, au regard des ouvriers dont Ie chef d'«.mtreprise est une personne physique.

· 'Je conclus au rejet du moyen.

Observations. - L'arrêt et l'avis du Procureur général repro~

duits ci~dessus sont une illustration nouvelle du système fondé sur

l'identification en matière dé'lictuelle de la société personne morale

et des personnes physiques constituant les organes par lesquels la

société agi t.

On consultera les autorités citées par le Procureur général et se

référera aux arrêts tout récents publiés dans la Revue : Cass., 31 mai

1954 (1955, n° 4441) et 25 novembre 1954 (1955, n° 4477}.

No 4479.- Cour de cassation (Ze eh.).- 27 octobre 1953. Siég. : MM. De Clippele, prés. f.f.; De Bersaques, cons. rapp.; Ganshof van der

Meersch, av. gén.

( Dt·averskoet·setzmaatschappij W m·egem cj Etat beige.)

Association sans but lucratü. - Exclusion die gain matériel. - Impots. -Taxe professionnelle. - Activité accessoire non taxable. - A_ctivité unique à caractère lucratif et commercial. - Taxation.

Les recettes d'tme association sat~s but lucratif tze sotzt, en pritzcipe, pas soumi­ses à la taxe professionnelle, parce qu' elle ue pent pro cm· et· ni à elle-même t1Î à ses membt·es U11 gain matériel.

ll en est de même lorsque pm·eille asso_ciation se livre à rme activité accessoit·e, qui lui procm·e des bénéfices, si cette activité est t~écessaire pow· la réalisation de sou but désintéressé et que ces bétzéfices sont intégralemetzf co_nsacrés à cette fin.

Lo1·sque, présentant tm cm·actère lucratif et commercial, tme organisation de courses tie peut êtt·e considét·ée comme ttne activité accessoire·, mais bietz comme la << seule activité » de l'A.S.B.L., qui pt·ocut·e des bénéfices tmzt à celie-ei qtt'à ses membres, le motif d'exonératiotz de la taxe professiomzelle 11'existe pas. Il en va aitzsi quatzd bietJ même t'activité de l'association n'est pas ét1·mzgère à son objet statutai1·e.

ARRET.

Ouï M. Ie conseiller De Bersaques en son rapport et sur les conclusions de M. Ganshof van der .Meersch, avocat général ;

Vu l'arrêt attaqué rendu Ie 2 juillet 1952 par la Cour d'appel de Gand;

Attendu que les recettes d'une association sans but lucratif ne sont, en principe, pas soumises à la taxe professionnelle parce que, aux termes de l'article Ier de la

loi du 27 juin 1921, elle ne peut procurer ni à elle-même ni à ses membres un gain rnatériel;

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- l4B -

_Qu'il en est de mê~e lorsque pareille association se livr-e à une activité acces~

spire, qui lui ,procure des bénéfices, si cette activité est nécessaire pour la -réali;­s-aÎion de son but désintéressé et qtie. ces bénéfices sont intégralement _ cons~crés, à cette fin ; '

·· Attendu que -l'arrêt attaqué constate souverainement

1° << que l'administration considère à juste titre _l'organisation des courses de

c_hevaux, seule activité de ·la demanderesse, comme une entreprise de. spectacles

publies qui, cönformément aux dispositions du Code de commerce,. constitue un

acte de commerce», et que les activités accessoires de ces courses procurent à Ia demanderesse de grands profits qui « accusent Ie but de lucre qui inspire l'or­

ganisation de ces courses», de sorte que « l'exploitation coinmerciale des courses

de chevaux, telle qu'elle est organisée par la demanderesse, est contraire à l'ali­

néa 2 de l'adiêle 1er de la loi du 27 juin 1921 »; 2° « que tous ses membres ont annuellement touché des jetons de présef!ce»

· et que « ces versements const,ituent également des avantages matériels pour ces

membres,- que cela fait apparaître un but de lucre tant dans Ie chef de la requé­

rante que dans celui de ses membres »;

Atteildu · qu'il suit de ces constations de fait, qui échappent au controle- de ·ta Cour, que, présentant un caractère lucratif et commercial, l'organisation_ de

courses par la demanderesse ne peut être considérée comme une activité acces­

soire, mais bien comme la « seule activité » de -la demanderesse, qui procure des

bénéfices tant à celie-ei qu'à ses membres, de sorte que Ie motif d'exonération

de :Ja taxe professionnelle n'existe pas;

Attendu que si I'activité de la demanderesse n'est pas étrangère à son objet

statutaire, l'arrêt attaqué a I_J-éanmoins pu décider, sans contradiction, que la

manière dont eet objet a été réalisé a conféré à cette activité un .caractère lucra­

tiJ et commercial, qui soumet les profits obtenus à la taxe professionnelle;

Que Ie moyen n'est donc pas.· fondé;

La Cour,

Par ces motifs, rejette Ie pourvoi .•.

Observations. - L' arrêt est reproduit zn extenso dans la Pasicrisie ( 1954, p. 140) et dans Ie ]ournal des Tribunmzx ( 1954, p .. 1 32) ..

On consultera les arrêts cités en note par la Pasicrisie, les obser~

vations dont Ie ]ournal des Tribunaux fait suivre Ie texte de l'arrêt

commenté, l'arrêtre~du Ie 20 décembre 1952 par la Cour d'appel

-de Bru~ell~s (Revue, 1 9 5 5, n° 444 5, avec observatio~s de M. 1 os.

GoEDSEELS) ainsi que les arrêts rendus par la Cour de cassation Ie

30 décembre 1946 (Revue, 1954, n° 4381) et le 25 janvier 1952

(Revue, 1952, n° 4259, avec avis de M. l'avocat général GANSHOF

VAN DER MEERSCH et observations de M. 1. GoEDSEELS).

Si I' on doit admettre qu'une activité, se présenbit~elle comme

objectivement génératrice de gains, ne vicie pas Ie caractère légal

d'une association sans but lucratif lorsqu' elle apparaît comme acces~

smre (à raison soit de son peu cl' importance, soit de sa dépendance

N• 4479

10

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par rapport au but poursuivi), il en faut penser autremeht si cette activité a une valeur pro pre. C' est d' ailleurs être trop exi~eant que de vouloir considérer comme autorisés seulement les actes néces­saires; l'utilité est également cause de justifr'·cation (les au tres condi­tions remplies, bien entendu).

11 convient aussi de remarquer que les activités considérées sont fréquemment de nature à requérir des rémunérations. Les associa­tions sans but lucratif seront bien inspirées en ne faisant appel pour se livrer aux unes et recueillir les au tres qu' à des personnes non membres. En effet, pareilles rémunérations sant normalement ali­mentées par les bénéfices de I' association et il ne suffira pas de les attribtier sous forme de traitements ou jetons de présence pour qu' elles perdent la marque de leur origine. P. D.

No 4480. - Cour de cassation ( 1 re eh.). - 16 septembre 1954. Siég. : MM. Louveaux, prem, prés.; Piret, cons. rapp.; Hayoit de Termicourt,

av. gén.- Plaid. : MMes Veldekens et de Harven, avoc. (Passemiers cf Gillau ei _cts.)

L Titres au pol'teur. - Dépossession. - Opposition. - Possession de bonne foi antérieure à la publicZitlon. - Preuue écrite et date certaine non requi­ses. - 11. Valeurs étrangères. - Déclaration sur pied de 1' A. L. du 14 mai 1940. - Non .application pendant l'occupation 'du territoh-e.

I. Pour que Ie porteur actuel ne se voie point appliquer la nullité prévue par /'art. I6 de la loi du 24 juillet I92I, il suffit qu'il ait été possesseur de bonne foi avant que l'opposition ait été publiée. La possession étant constituée par un fait matériet et u1te intentio1t que la loi présume, la pt·euve 1te doit pas être apportée par ttn écrit auquel s'applique !'art. I328 C. c. L'art. I7 de la loi du 24 juillet I92I ~t'a d'autt·e objet que de préciser le moment ou U1te opératio1t traitée par mi itttet·médiait·e est réputée acco't!"plie; il tend à éviter les conflits qui pourraient sttt"Venit· dans le cas d'une négociation faite à une époque voisitze de l'oppositio·n, ze· do1tneur d'm·dt·e ayant livré les titres avant la publication de l'oppositio~t, maïs l~acquét·eur n'en aymzt reçu lui-même livraison que postérieurement; i! ~te résulte ni du texte, tzi des tmvaux ·préparatoires de la loi qtte Ie législateur ait voulu exclure le recours à tout mode de pt·euve autt·e qtte l'insct'iption dam Ie livre de l'~tztennédiait·e.

U'. Des considérations que l'arrêté-loi du I4 mai I940 relatif à la déclaratiotl des avoit·s en or et en monnaies étra1tgères fut pt"is en vue d'assurer la conserva· tion des avoirs en or ou en mo1tnaies et valeurs étrangères, que non settiement des mesm·es pt·ises par l'etmemi à l'égard des mêm>es avoirs ottt e~ttraîtté la s~tspeusiott de l'application du dit arrêté-loi pettdimt l'occupatiott du territoire, mais que l'application de eet arrêté eût eu pour effet de concout"it· à la mainmise de l'en1te11li sur eux, il a pu être inféré que l'acquisition de valeurs étrangèt·es (au cotit·s de cette occupation) tz'était point illégale.

,·,.

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L;an·êté loi du 6 octobt·e I944, en a.brogeani expresslment l'arrêté-loi du 14 mai I940 quant aux dispositions en cause, n'a point consacré la force obliga­toire de ces dispositions pendant l'occupation ennemie, alors que leur applicatiim: pendant' cette occupation eût été contt·ait·e aux intérêts de la Nation.

Observations •. - Le texte de l' arrêt se trouve reproduit dans le

, Journal des Tribunaux ( 1954, n° 4044) avec une note de M. Jean

Claude DE HARVEN, ainsi que dans la Pasicrisie ( 19 5 5-I-1). Sur Ie II, voir en sens différent (tout au moins de I' arrêt entre­

}nis) Comm. Bruxelles, 19 février 195 3 (Revue, 1954, n° 4404}.

No 4481. - Cour d' appel de Bruxelles ( 5 e eh. ) . 23 avril 1954.

Siég. : MM. Der mine, prés.; Mineur et Saliez, cons.; Sottiaux, av. gén. Plaid. : MMes Baugniet et Jean Lambrette, avoc.

(Wodo11 cj Symaf.)

I. Compétlence ratione matetiae. - Société de commerce coloniale.- Circon­stance déterminante à 1'égard! des tribunaux belges. - n. Loi coloniale. Ordre public beige. - Opposition inconcevable.

Le tt·ibt:tt~al de commerce est compétent à l'égard de la défet~det·esse en raison du caractère de société cominerciale qu' elle a suivant la loi coloniale et que l'ordre pubtic beige n'iuterdit pas de lui t·econt~aître.

Il ue se co11çoit pas que l'ot·dre pubtic internatiotwl beige puisse s'opposer à . ce que la législation de la colot~ie soit appliquée dans la métt·opole.

ARRET.

Attendu que l'appelant était au service de l'intimée à la Colonie; Attendu que l'action mue à la requête de l'appelant tend au payement par

rintimée de diverses indemnités postulées à raison de la décision prise par l'inti· mée de renoneer définitivement aux services de l'appelant;

Attendu que Ie premier juge s'est déclaré d'office incompétent ratione mater riae; qu'il a considéré qu'en vertu de l'ordre. public beige, il ne pouvait recon·· naître à la société intimée, défenderesse originaire, Ie caraetère de société com~ merciale qu'elle a suivant la Ioi colooiale; qu'il se fonde sur ee qu'à raison de son, objet social l'intimée serait, au regard du droit beige, une société civile et non une société commerciale;

Attendu qu'il ne se conçoit pas que l'ordre public international beige puisse s'opposer à ce que la Iégislation de la colonie soit appliquée dans Ia métropole puisque c'est la loi beige qui règle Ie mode d'exercice du pouvoir Iégisiatif dans la colonie (Cassation, 22 octobre 1953, J. Tr., 1953, p. 620);

Attendu que l'engagement litigieux est commercial dans Ie chef de l'intimée pour la raison qu'elle exerce Ie commerce dans la coionie; que c'est-- clone à tort que Ie premier juge s'est déclaré incompétent; · Attendu que les parties n'ont pas conclu au fond devant la Cour et ne deman·

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dent pas qu'il soit fait usage du droit ~'évocation, prévu à l'article 473 du Code de procédure civile; qu' elles demandent au contraire Ie renvoi devant Ie trihunal de C'ommerce;

Par ces motifs, La Cour, entendu M. l'avocat général Sottiaux en son avis conforme ... ; Reçoit I' appel, Ie déclare fondé; met à néant Ie jugement a quo; dit .I'action

reeevabie; renvoie la eau se ...

Observations. - L' arrêt reproduit infirme Ie jugement rendu Ie

14 novembre 1952 par Ie tribunal de commerce de Bruxelles

. (Rèvue, J 954, n° 4351).

1 . Sur Ie plan général, le problème posé est celui de savoir s1

l' ordre public beige peut faire échec à I' application en Belgique

d'une loi congolaise.

Dans l' espèce, il s' agissait de savoir si une société colaniale répu­

tée commerciale selon la loi congolaise, avait été valablement assi­

gnée en: Belgique devant Ie tribunal de commerce, alors que, selon

la. loi beige, cette société avait un objet civil.

On sait, en effet, que Ie critère de comrriercialité est différent

dans les de~ législations. Aux termes de l' artiele 1 er des lois bel­

ges coordonnées, les sociétés cammerciales sont celles qui ont pout

objet des actes de commerce, tandis· qu' aux termes de r artiele 3 du

décret du 2 août 1 91 3 sont com~erciales, toutes les « sociétés à but lucratif », quel que soit leur objet, qui sont constituées dans les

formes du Code de commerce.

Le tribunal s' était déelaré incompétent cl' office en estimant « que

la qualité de société de commerce appartenant à la défenderesse,

d'après la législation de la Colonie, n'est pas déterminante pour

trancher la question de compétence ratione materiae. Celle-ci étant d' ordre public, doit. être examinée · d' office par le tribunal » qui

décide qu' elle se détermine exelusivement par la lex fori. La Cour considère dans l' arrêt annoté que la législation colaniale

doit être appliquée, car il « ne se conçoit pas » qu' elle puisse être

contraire à l' ordre public beige. L'engagement litigieux étant com­

mercial dans le chef de la société « pour la raison qu' elle exerce le

commerce dans la colonie », le premier juge était compétent. La

Cour se conforme ainsi à la jurisprudence récente de la Cour de

cassation (Cass., 22 octobre 1953, ].T.O., 176, et conclusions

conformes de M. Hayoit de T èrmicourt).

2. 1l ne paraît pas inopportun, tan t les confusions en cette ma- ·

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tière sont aisées, de préciser' d'une part la notion d' ordre ptiblic et d' autre part celle de conflits de lois belgo-congolais.

On sait que I' ordre public international se distingue de l' ordre ' public interne. Celui-ei est étranger à· la matière des conflits de

lois. 11 n' a d' autre portée que dé restreindre I' autonomie --des volon .. tés. Une disposition d' ordre public.interne est celle que les parti:.. culiers ne peuvent enfreindre à pei~è de nullité absolue (art. 6 et lJ 33 Code civ; DE PAGE, t. I, n° 90). L' ordre public inter11ational a une tout autre portée : il s' oppose à l'_application en Belgique

d' une loi étrangère normalement compétente.

D' autre part, les conflits de lois belgo-congolais ne sant pas des -conflits. entre lois étrangères relevant de söuverainetés différentes mai$ entre lois belges édictées les unes sur Ie territoire métropolî­·tain, les autres sur Ie territoire ~olonial.

3: Ces notions de base que la Cour de cassation a si opp~rtuné­ment rappelées permettent aussitot de vérifier Ie bien-fondé de l' arrêt annoté.

Quel était I' ordre publiè invoq.ué par Ie jugement infirmé ~ Ce ne pouvait être. J' ordre interne : ce n' est pas pàr sa seule vo­

lonté que la sodété congolaise· assignée devant Ie tribunaJ. de c~m­merce beige avait un caractère commercial. La Cour considère que .Ie jugement vi:se I' ordre public international et elle en déduit a vee raison que cette obj:ection est sans fondement, puisque la loi coJo­niale, étant une loi beige, ne pouvait être tenue en échec par I' ordre public international beige qui ne peut s' opposer qti'à.JBapplication d' une loi étrangère.

4. L' erreur du premier juge avait cependant des répondants.

a) FREDERICQ n'a-t-il pas écrit « que la qualité civile ou commer..­ciale d'une société congolaise constitue une question de campé-­tenee ratione materiae et que · pour résoudre la difficulté il faut se placer exclusivement au point de vue beige » ( Tr. dr. comm., t. VI, 3e partie, 1 9 5 0, n° 8 1 7) comme si une loi et une société coloniales n'étaient pas en même temps et à ce titre, une loi et une société belges et qu'il s'agit de déterminer .quelle est celle des deux lois belges qui doit 1' emporter. 11 ei te à I' appui de sa thèse notamment un arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles (Bruxelles, 9 juin 192j, Pas., 11, 1 5 7) qui est précisément relatif à une société néerlandaise et qui décide, d' ailleurs contrairement à son opinion, que I' état et

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la capacité de cette société doivent être apprec1es d' après son statut personnel. De même, la Cour de cassation, quand elle décida que la compétence ratione materiae du tribunal de commerce ne ren­tre pas dans Ie statut persounel d' une société mais est exclusive- '

ment soumise à l~ loi belge comme portant sur une matière de droit public ou politique, avait statué à, l' égard d' une société étrangère (Cassation, 13 mai 1897, Pas., I, 1185).

b) L . . f' , , . f J . . d e JUgement m urneetalt con orme a une JUrtspru ence assez ahondante du tribunal de commerce ( Com. Bruxelles, 9 mars 19 5 3 et 31 octobre 1952 et réf. citées ].T.O., 1953, 133 et note M. VER;.

STRAETE; Comm. Bruxelles, 2 9 mai et 1 er décembre 1 9 3 6, Revue docti. et jur. col., pp. 59 et 99; voy. aussi App. cons. prud'hommes Brux., 4 janvier 1930, P.P., n° 241, qui assimile le Congo à un pays étranger « parce qu'il est soumis à une législation différente de celle de la métropole »; en sens contraire, Civ. Brux., 31 octo­bre 1928, ]ur. col., 194).

T outes ces décisions se fondent sur la même erreu,r de base dé­noncée par la Cour de cassation, de façon définitive, nous l' espé­rons.

Ajoutons par ailleurs que le problème posé semble étranger à 1' admissibilité de rexception d. ordre pub lic. 11 s' agit de savoir

quelle est la loi compétente pour déterminer en Belgique le carac­tère commercial ou civil d'une société congolaise. Est-ce Ie statt.it personnel, est-ce la lex fori~ La Cour d'appel dans !'arrêt annoté décide implicitement que c' est le statut personnel puisqu' elle n' exa­

mine l' applicabilité de la loi congolaise que sous ,lé seul angle de l'exception d'ordre public. La même solution s'indiquerait d'ail­

leurs, semble-t-il, à 1' égard d'une société étrangère ( voy. Adolf_ F. SCHNITZER, Handbuch des lnternationalen Handels-, Wechsel und Checfr­rcchts, Zürich, 1938, p. 131 sq.). Et une fois cette question tran­chée, on ne voit pas pourquoi 1' ordre public international s' oppose­rai.t à r application du statut personnel, on ne comprend guère com­;inent la· qualification d'une société par son statut personnel pour­

·.r~it aboutir à des résultats inconciliables avec nos conceptions fon­-damentales. Or telle est la seule raison d' être de 1' exception d' ordre

puhlic international. Léon GOFFIN,

Avocat près la Cour d'appel de Bruxelles, Maître de conférences à l'Université de Louvain.

)JO 4481

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No 4482. - Cour d'appel de Bruxelles (se eh.). 30 septembre 1954.

Siég. : MM. Scheyvaerts, prés.; Peeher et Schilling, cons.; Collard,· av. gén. Plaid. : MMes Pierlot, Pierre Ansiaux et Stein, avoc.

(S. N. des Chemins de fet· belges c/ Charbonnages de Mon~eau-Fontaine.)

Flii.SÎon de sociétés par abso:rption. - Transfert du patrimoine. - Contrats synallagmatiques. - Cession des obligations. - Conditiops de validité à l'égard des tiers. - Novation. - Conditions die réalisation. - Preuve.

L01·squ'une fusion s'opère par absorption; la société absorbante qui reprend l'actif et se chm·ge du passif de la société absorbée devie11t propriétaire du patri­moine de celte-ei sous la téserve du respect des droits des tiers et à l'exclresion des droits intt·ansmissibles.

La cession des confrats sy11allagmatiques conclus par Ie cédant dans l'intérêt de I' exploitatio~Z dte fonds n' est o pposable aux ti ers, quant aux obligations qu'ils ont assumées, que moyennant l'obset·vation des formalités prescrifes par l'article I69o dtt Code civil et, quant aux obligations du cédant, que s'il en a été libéré par novation.

ll n'apparaît pas qu'une éonvention synallagmatique puisse se transfarmer en simple droit de créance.

La novation suppose le concours de toutes les parties intéressées à la double opét-atiotJ qu'elle implique : substitution d'tme \obligatio~t à tme autre qu'elle éteint et dont elle pt·end la place. La novation 11e se présume point, i/ faut que la volonté de l'opérer résulte clairement de l'acte; i/ n'est point requis que l'acte soit un éc1'it; l'inlef!tion de nov er peut même être tacite, pourvu qu' elle soit certaine. Dans la novation par changement de débiteur, l' élément principal à établir est que le créancier a bie11 entendu libérer le premier débiteur et accepter, en ses lieu et place, le secottd. Etl m.atière commerciale, celui qui se prévaut de la conveiztio11 de novatiott a le droit de t•ecourir à tous les genres de preuve pour établir sott existence.

ARRET.

Attendu que l'action mue par l'appelante tend~ à obtenir la condamnation de l'intimée au paiement 1° de la différence, du prix qui · lui fut payé par l'intimée depuis la naissance du litige (mise en demeure du 26 mars 1949) du chef de transports sur la base des tarifs dont bénéficiait l'ancienne société des Charbon­nages du Nord de Charleroi et Ie tarif normal applicable aux usagers en vertu des dispositions Iégales et réglementaires, et 2° de la rémunération qui lui est due pour usage du matériel roulant mis à la disposition de l'intimée;

Que la dite action se fonde sur ce que la société des Charbonnages du Nord de Charleroi, qui bénéficiait de tarifs conventionnels, a cessé d'exister par suite de sa fusion avec l'intimée et de ce que Ie 23 décembre 1947 !'assemblée générale de la société des Charbonnages du Nord de Charleroi a prononcé la eloture de la liquidation;

Attendu que l'intimée, ayant acquis l'actif de la société des Charbonnages du Nord de Charleroi à charge d'en supporter Ie passif, soutient qu'elle est .en droit

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de se prév~loii' à:· J'égard · de l'àppel'l!.nte de la co:nvention· du -23 nóvembre 1868 conclue entre cette société et' la société anonyme des Chemins de fer des' bassins houillers du Hainaut, auteur· de I' appelante; .. _ ....

Öuè deva:rit Ie premièr juge elle invoquait-:. 1° .la qtialité de successeur uïiiv'êr­sel ;de la société des Charbonnages du Nord de Charleroi, 2° sa substitution à la di te. soCiété ·par voie de novation; 3° la cession de créance qu'implique I' apport que lui fit la société- des Charbonnages du Nord de son actif, en ce compris les çorttrats en cours ;

Attendu que Ie premierjuge a estimé que la société des Charbonnages du Nord dt• Charleroi avait exécuté toutes Ie~ obligations que Ie contrat de 1868 mettait à sa' charge; qu'il en résultait que lors de la fusion, la di te société n'avait plus qu'.un· droit de créance_ contre l'appelante; qu'elle a pu en faire valablement apport à: l'intimée qui est en droit' de l'invoquer contre l'appleante;

Attendu que la convention conclue Ie 23 novembre 1868 entre la société des Charbonna'ges du Nord de Charleroi et ia söciété des Chemins de fer des bassins hÖ"uillers du · Hainaut comporte entre autres les dispositions ei-après : ........... .. ' Attendu que la Société des Chemins de fer des bassins houillers du Hainaut

a cêdé ses drolts et ses obligations à d'autres sociétés qui les ont cédés à l'Etat, lequel les a cédés à I' appelante;

Que, par avenant du 23 janvier 1923-, les taxes de transports ont été transac­tionnellement rajustées proportionnellement aux majorations et réductions des taxes de transport en vigueur sur Ie réseau de l'Etat au 1er août. 1914;

Attendu qu'aux moyens opposés par 1'-intimée l'appelante fait valoir des consi~ dérations. gui peuvent être résumées comme suit

1°· Les dispositions du Code civil relatives· aux successions concernent les per~ sonnes physiques et ne peuvent' être étendues aux sociétés commerciales, l'analo­gie-entre les deux-· situations n'existe pàs, l'appórt faitpar la société absorbée à la so.ciété absoröaiife cónstitue un iransfërt. entre vifs, stins c'ontinuation de' per~ so'nna:lité; Jorsqu'il ·. s'agiF.de sociétés minières, Ie tran·sfert doit d'ailleurs êtrè àutorisé par Ie· gouvern'ement, ce qui ne se concevrait pas 1orsque ia transmission s'opère par hérédité;

2° L'appelante n'_a jamais manifesté expressément la volonté de maintenir en vigueur Ie contrat du 23 novembre 1868; les agents de la Société nationale des Çhemins de fer belges qui ont continué d'exécuter Ie contrat, après la fusion, n'étaient point qualifiés pour engager l'appelante, l'article 1165 du Code civil fait obstacle à ce que Ie contrat puisse lui être opposé; Ie réseau litigieux fait partie d:e la grande voirie et l'article 15 de la loi du 25 août 1891 prohibe la conclusion c:!'~ccords particulier& dérogeant aux prix et conditions des tarifs ;

3° Si la Cession de créance peut, en principe, êt~e réalisée sans l'intervention du débiteur, rien n'empêche les parties de convenir qu'il en soit autrement, en l'esp~ce, la Société des Chemins de fer des bassin~ houillers, auteur de l'appe­lante, s'engageait pour elle-même et ses ayant cai.se alors que rien de pareil n'était prévu pour la Société des Charbonnages du Nord;

Les dispositions légales relatives à la cession de créance sont inapplicables nux conventions synallagmatiques . qui comportent des .créances corrélatives à des obligations,· i1 est inexact d'affirmer que toutes les obligations que Ie contrat

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dé r868 niet à charge de la société des Charbonnages du Nord aient définitiv~­ment pr:ls fin;

· Attendu · que I' appelante relève en outre que depuis la réunion des concessions des Charbonnages de Monceau-Fontaine èt du~ Nord de Charleroi, les relations ferroviaires entre elles se sont intensifiêes alors. que, dans 1~. conventio'n. d~ r868 les avantages tarifaires étaient limités aux besoins propres des· Charbonna· ges du Nord, que l'aggravation des charges qui résulte de ce fait, ainsi que faug­mentation du chomage des wagons dits dommerciaux, procède fatalement ·d~ hi

. J

prétention de l'intimée aux avantages de la convention de r868;

Attendu qu'il est sans intérêt en la cause de reehereher si une société, qui en absorbe une autre ou qui fusionne avec une autre, doit être considérée comme successeur universel, ou à titre universel, ou à titre particulier de la société diss~ute ou de celle à laquelle elle s'est substituée;

Attendu que lorsque la fusion s'opère par absorption, la société absorbante qui reprend l'actif et se charge du passif de la société absorbée devient ptopriétaire du patrimoine de celle-ci scos la réserve du respect des droits des tiers et· à l'exclusion des droits intransmissibles;

Que, tout comme en cas de cession de fonds de commerce, les contrats synal­lagniatiq\ies condus par Ie cédant dans l'intérêt de l'exploitation du fonds· sont généralement englobés expressément ou tacitement dans la cession de ce fonds1 que cette cession n'est toutefois opposable aux tiers, quant aux obligations qu'ils ont assumées, que moyennant l'observation des formalités prescrites par l'article r6go du Code civil et, quant aux obligations du <iédant, que s'il en a été libéré par novation (Rép. prat., VO Fonds de commer~e; n° 6o);

Attendu que, contrairement à l'opinion du premier juge, il n'apparaît pas qu'une convention synallagmatique puisse se transformer en simple droit de créance, et de d'autant plus qu'ainsi q:ue le fait observer l'appelante; il n'est point douteux que la société des Charbonnages du Nord restait tenue de certaines obligations notiunment du respect de la clause de préférence, de la fourniture et de l'entre· tien d'une partie du matériel, ainsi que de certaines avances de fonds ;

Attendu qu'il échet, dans ces conditions, de reehereher s'il y a eu novation, les effets juridiques d'un telle novation deva~t être, dans l'espèce actuelle, de don. ner simultanément à I' appelante un nouveau créancier et un nouveau débiteur;

Attendu que la novation suppose le concours de toutes les parties intéressées à la double op~ration qu'elle imp.lique : substitution d'une obligation à une autre qu'elle éteint et dont elle prend la place;

Attendu qu'aux termes de l'article 1273 du Code civil, la novation n~ se ·pré­sume point, il fa ut que la volonté de l'opérer résulte clairement de l'acte i

Attendu que la doctrine et la jorisprudenee admettent qu'il n'est point requis que ·racte dont résulte la volonté d'opérer la novation soit un écrit; que la nova• tion est une conventiof:!. entièrement soumise aux · règles du droit commun, que l'intention de nover peut même être tacite, pourvu qu'elle soit certaine (DE PAGE, Traité élém. de droit ei vil, t. 111, n° 586) ;

Attendu que dans la novation par, changement de débiteur, l'élément principal à établir est que Ie créancier a bien entendu libérer Ie premier débiteur et accep· ter, en ses lieu et place, le Sècond (id,, 110 589) j

w•'44sa

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Attendu que I~ litige étant de nature commerciale, l'intimée a Ie droit de recourir à tous les genres de preuve pour établir l'existence de Ia convention de novation dont elle se prévaut ( voir BELT JENS, Encyclop. du droit ei vil beige, art. 1273, notaroment n°8 3 et 4, portant référence à un arrêt de la Cour de cassa­tion de Belgique du 29 juillet 1841, Pas., 1842-I-rs) ;

Attendu qu'après la fusion de la société des Charbonnages du Nord avec l'in­timée, l'appelante a, pendant plus d'un an, exécuté, sans protestation ni réserve, Ie~ obligations mises à sa charge par la convention du 23 novembre r868;

Qu'il faut en déduire qu'elle a accepté la cession au profit de l'intimée du bénéfice de la dite convention et partant, qu'il y a eu novation, les trois parties intéressées ayant manifesté leur accord à ce transfert;

Attendu que la volonté d'opérer novation est d'autant plus certaine ... Attendu qu'il suit de ces diverses considérations que l'appel est dénué dè

fondement; Par ces motifs, la Cour ...

Entendu M. · Collard, substitut du Procureur général, en son avis conforme donné en audienoe publique ...

Dit l'appelante sans griefs, la déboute de son appel...

Observations. - L' arrêt reproduit fait I' ob jet d' un pourvoi en

cassation.

No 4483. - Tribunal de commerce de Verviers. 22 juillet 1954.

Siég. : MM. Rulh, Jussy, Ortmans, juges; Frédérick, réf. Plaid. : MMes Mairlot, Baivier et Thomas, av,

( Faillite Tannet·ies de Stavelot cf Maertens.)

Louage de services.- Administrateur.- Cumul avec un emploi.- Légalité . ..:._ Préavis nécessah·e.

, Jl tz' est pas intet·dit par la loi à rm administrateur de société de cumuier eet te fonctiotz avec un simpte emploi dans cette société.

S'il peut êtt·e mis fin ad nuturn à son mandat d'administrateur, un préavis doil être donné pottr. Ie contral d'emploi.

JUGEMENT. Attendu que sous la date du 6 février 1954, Ie défendeur a produit à la faillite

de la S. A. Tanneries de Stavelot dans les termes suivants : 1° à titre hypothécaire et privilégié au même rang hypothécaire et privilégié

que Ie créancier cédant, une somme de 325.000 fr., payée pour compte de la S. A. Tanneries de Stavelot à la S.N.C.I. pour laquelle Ie soussigné est subro~ dans les droits hypothécaires de la dite S.N.C.I. sur les immenbles de Stavelot et de Houffalize;

2° à titre privilégié : a) appointements du mois de janvier 195_4, soit rs.ooo ft-., b) préavis de six mois : 6 x rs.ooo = go.ooo fr. j

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· 3° à titre chirographaire :, la somme reprise au concordat pour jetons de présence, soit 7.000 fr.; ·

Attendu que par lettre recommandée du 26 février 1954, les curateurs à la faillite oot contesté cette déclaration qui fait l'objet · du présent litige;

I. Quant à la créance de 325.000 fr. : Attendu qu'à l'audience, les curateurs, qui avaient pris aprè~ Ie 26 février 1954

-connaissance des documents à eux communiqués par Iè défendeur, ont teconnu, à juste titre, l'existence de cette créance hypothécaire;

2. Quant aux appointements : Attendu qu'en exécution d'une décision du conseil d'administration du 27 juil­

let 1952, Ie défendeur, outre sa qualité d'administrateur; remplissait auprès de la. société faillie les fonctions de directeur et qu'il avait spécialement été chargé par Ie conseil d'administration des achats de cuir en poil (voir procès-verbal du 7 octobre 1952); que pour toutes ces p~;estations il percevait un appointement fixe de 15.000 fr. le mois et bénéficiait des avantages de l'O.N.S.S.;

Attendu qu'en prêtant de la sorte d'une façon régulière à la société f~illie,

tout son temps, le défendeur était indéniablement engagé dans les Hens d'un contrat d'emploi et partant doit être considéré comme un commis au sens de l'article 19, 4°, de la loi hypothécaire;

Attendu que. c'est à tort que les curateurs invoquent, pour lui refuser cette qualité, l'article 4 de la loi organique sur les conseils de prud'hommes du 9 juil. let 1926; qu'en effet, c'est uniquement au point de vue de la compétence des juridictions que celie-ei ne considère pas comme employés les directeurs d'une entreprise (v. J.C.B., 1952, p. 351);

Attendu que, par ailleurs, la circonstance que Je défendeur avait qualité pour agir au nom de la société n'est' pas un obstacle à ce qu'il effectue en même temps pour compte de cette dernière des prestations ressortissant du contrat de louage de !iervices; qu'aucune raison d'ordre légal, en effet, n'empêche un administrateur de cumul er cette qualité et celle d'un employé ( voir FREDERICQ, tome V, p. 648, et R .C .1 .B ., 1949, p. 159, et 1952 p. 138; J.C.B ., 1952, pp, 293 et 351, et .1954, p. 44) ;

Attendu que dans ces conditions, s'il est permis à la société de retirer ad nutum à_ son directeur son mandat d'administrateur, _elle ne peut, par contre·, mettre fin au contrat d'emploi qui la lie avec son préposé sans un préavis ou, comme en l'espèce, sans une indemnité en réparation du dommage résultant de l'inexécu: tion de ses obligations d'employeur (voir J.C.B., 1950, p. 200) ;

Attendu que c'est à bon, droit que Ie défendeur revenclique une indemnité correspondant à six inois d'appointements puisqu''aussi bien elle répare juste· · ment Ie préjudice qu'il a subi en étant mis par la fau_te de la société faillie dans l'impossibilité de lui fournir ses prestations;

Attendu qu'en prétendant au bénéfice du privilège consenti par l'article 19, 4o,

de la loi hypothécaire pour la somme de 15.000 fr. correspondant à ses appointe­ments de janvier 1954 et pour celle de 9o.ooo fr. correspondant à l'indemnité de ropture précitée, Ie défendeur dont Ie droit à privilège pour ces montants est né avant la loi du 11 mars 1954 ( artiele 13), dépasse Ie plafond prévu par l'arrêté

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du 28 février 1947, qui fixe un maximum de 72.000 fr., tout à la fois pour les. rémunérations et l'indemnité (R.C.J.B., 1954, p. 152) ;

3; Qua~tt aux jetons de présence :

Attendu que Ie déclarant n'apporte pas la preuve suffisante de cette créance;

Ouï M. Ie juge-commissaire;

Vu la loi sur Ie$ faillites;

Par ces motifs,

Le Tribunal ad met Ie. déclarant Maertens Léon au· passif de la S. A. Tanneries de Stavelot : a) à titre 1hypothécaire et privilégié au même rang hypothécaire et privilégié que la S.N.C.I. pour une som me de 325.000 fr.; b) à titre privilégié conformément à I'art. 19, 4°, de la loi hypothécaire pour une somme de 72.000 fr.; c) à titre chirographaire pour une somme de 33.000 fr.;

Et statuant sur les dépens, les met à charge de la masse faillie.

Observations. - La décision ci~dessus ·est absolument conforme à la jurisprudence de notre Cour de cassation.

L'arrêt de notre Cour suprême du 31 octobre 1946 (Re'Vue, 1951, n° 4205, p. 1 04) consacre implicitement mais formel1ement que la fonction d' administrateur de société peut être cumulée avec celle de directeur-gérant.

En ce qui concerne les conflits qui pourraient résulter des deux responsabilités différentes attachées à ces fonctions, on consultera utilement les motifs de I' arrêt précité de même que les observations. du commentateur.

Le Tribunal de commerce de Liège s'était déjà prononcé sur la question, de manière non équivoque, dans son jugement du 3 no­vembre 1948 (Re'Vue, 1949, n° 4079, p. 69).

V oir également la décision du T ribunal de commerce de Bruxel­les du 29 octobre 194 7 (R~'Vue, 1948, n° 4011, p. 134) tranchant Ia question du mode de preuve de la convention de louage de ser­vices alléguée par I' administrateur.

Jacques HENRY,

Avocat à la Cour d'appel de Liège, Assistant à l'Université

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- r--- --____,.,.,..--~ ---------- -.

~-157 --:

No 4484. ------' -.- Tribunal-de -.commerce de Bruxelles· ( Ch; ·sp.) ·20 janvier 1955·.

Siég. : .MM. R. ~aeymaeker~, prés.; .R. Scheyvaerts, réf. Plaid. : MMes J. Fonteyne et R. Logelain, avoc.

(Editions du Cercle d'Art c-1 G.)

l; Représentation de société : a) Action en justice. - Exploit ne mentionn.ah!t pas les noms et dornicHes des administratem·s, mais seulement ceux du

-président du conseil. - Habilitation statutah-te de ce dernier à représenter la- société; - Validité. - Justifiication de la quallté par ex,'h·ait de procès­verbal signé par le délégué lui-:rrtême. ~ Validité.- Publication postérieu:re à l'exploit. - Indifférence. - b) Contestation de la régularité de la com­position du co~eil d'administration. - Exception à soulever in « liinin.e litis ,;, - Droit du tie1·s de s'en tenir aux publications_ et aux actes ®nt il établirait l'existence. - Force probante des publications jusqu'à preuve contraire . ......:. c) Administrateurs. - Mandat expiré. - Persistance des fonctions jusqu'à remplaoement. - d) Excepltion tirée du défaut de pouvoir. -Art. 173 C. pr. civ. non applicable. - II. Dénomination sociaLe et appel­lation de l'activité originales. - Emploi d'expressions similaires par un

-tiers. - Concurrence déloyale.

I. a) Lorsqu'aux tm·mes des statuts d'une société ~nonyme, les actions judiciaires tant en demandant qu' en défendmzt, so11t suivies, au nom de la société, par Je cotzseil d'administt·atiotz-, poursuites et diligences soit de sotz président, soit de deux admitzistrateut·s, est appm·emment t•égulier ['exploit ftztt·oductif d'ilzstance itldiquant que la dematzde est -mue à la t·equête de la soeiété agissatzt par soJJ

eonseil d'admitzistt·atiotz (satzs metzti01z _des noms et adresses des administmteurs}, poursuites et diligetzee du présidetzt de ee conseil, dont les 11om, profession et

domieile sont in.diqués. Lorsque la qualité de eette dertzière personne est justifiée par la produetiotJ

tl'ttn extrait du proeès-verbal du eonseil d'administration, i/ impode peu que eet extt·ait soit sig1zé et eertifié par cette mêm~ personne, qui avait statutairl!ment qualité poter ee fait·e, en vet·tu même de ses titres. 11 importe égalemettt peu que eet extrait n'ait été publié qtt'après la sigtti/ieatiot~ de la eitatiotz.

b)- Doit être soulevé avant toute eonelusiot~ au fottd le moyetz fondé sur mze eontestation de la régularité de la composition du eonseil d'administratiott qui aurait fait le dit ehoix et particulièt·ement la qualité d'administrateur de la per· sontte ·ainsi .ekoisie, dont le mandat ett cette qualité était expiré et don·t aucutte publieation de la soeiété n'a mentionné la rééleetion, attcune publieation anté- -rieut·e à la citation introductive dtt moins.

Le dé/ettdeur à l'aetion, eomme tiet·s, tte peut que s'en tenir aux publieations faites ou aux aetes dont il établirait l' existenee et Ie contente.

Si la dernière publication faite avant la eitation du bilan et de sonc approbation porte la liste des administrateurs et du eommissaire en fonetion, ainsi que la mention de leur signature et que le dé/endeur n'y oppose aueun aete, il doit admettre que Ie c_onseil d'administratiott était composé effeetivemet~t des person­nes désignées.

•• 4484:

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c~ A défaut de remplacement, les anciens administrateurs restent en fonction et ont l'obligation de rester en fonction pour assut·et· la continuation de la vie sociale. .

d) La fin de ttOtz·recevoir doit dotzc êtt·e é~artée. Elle 11e poutTait d'ailleurs l' êtt·e sm· le pied de l' artiele I73 du Code de pt·océdure civile, eet artiele n' étant pas d'application au grief de défaut de pouvoit·.

11. Lorsqu'ttne société a notoirement et depuis de nombt·euses années repris d'utt tiers et tttilisé comme dénomination sociale, indicatiotz de so11· activité et appellatiott de ses pt·oductiotzs une expt·ession donnée dont la combitzaison à des fins cammerciales est ot·igittale, un concm-rent .fte peut, sans créer ou tenter de ct·éer la confusiot~, utiliser attx mêmes fins des expt·essions similaires.

JUGEMENT. I

Attendu que la demande tend à voir cesser l~emploi par Ie défendeur des

cxpressions «Cercle d'Art de Bel~ique _. « Agence des Editions internationales

Cercle d'Art » et << Editions du Cercle d' Art de Belgique » pour se désigner ou

désigner son établissement, dénommer son aétivité ou indiquer la provenanee

des productions qu'il diffuse, ces appellations créant ou tentant de créer la

confusion avec celles dont use la demanderesse;

Attendu que Ie défendeur oppose, à titre de fin de non-recevoir, que la cita·

tion introductive ne mentionne pas les noms et adresses des personnes physiques

ayant Ie pouvoir de représenter la société requérante en justice, la qualité qui y

est donnée à la personne dont Ie nom et l'adresse y sont indiqués n'étant pas

justifiée, cette justification ne résultant en tout cas pas des publications légales

( conclusions), et Ie conseil d'administration qui pourrait la lui avoir conférée

n'ayant pas pu être régulièrement composé (plaidoirie);

Attendu que !'exploit indique que la demande est mue à la requête de «la·

société anonyme « Editions du Cercle d' Art»... agissant par son conseil d'admi­

nistration, poursuites et diligences du président de ce conseil, M. Hector Goffart,

industrie!, domicilié à Sohaerbeek, 183, avenue Milcamps »;

Attendu qu'aux termes des statuts de la société requérante, artiele 22, les

actions judiciaires, tant en demandant qu'en défendant, sont suivies, au nom de

la· société, par Ie conseil d'administration, poursuites èt diligences, soit de son

président, soit de deux administrateurs;

Attendu que I' exploit est clone apparemment ·régulier;

Qu'il a en effet été décidé déjà que des termes tels que ceux de la disposition

statutaire ci-dessus reproduite, ne réservaient pas au conseil d'administration,

mais conféraient également au délégué désig_!lé pour diligenter les poursuites, Ie

pouvoir de représenter la société en justice (Bruxelles, 29 octobre 1949, Revue prat. des soc., 1950, 4124; Bruxelles, 4 déc. 1948, J. T., 1949, 43, et Rev. prat. des soc., ,1949, 4091 et obs.);

Qu'il y a d'autant plus lieu d'en décider de même en l'espèce que les statuts

prévoient I'intervention, soit du président du conseil d'administration, soit de

deux administrateurs, et qu'il est peu probable qu'on eût stipulé l'intervention

de deux délégués, si ceux-ci ne devaient interveoir que comme de simples agents

d'exécution du conseil d'admiriistration, sans pouvoir de représentation de la

scciété, alors qu'aux termes de l'article 21 des n:têmes statuts, ils auraient un tel

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pouvoir de représentation pour une série d'aetes aussi graves que eelui d'ester ell justiee;

Attendu que la qualité de président du eonseil d'administration, comme aussi eelle d'administrateur-délégué, de M. Goffart est justifiée par la production d'un extrait du proeès-verbal du eonseil d'administration, du 20 oetobre 1953;

Qu'il importe peu que eet extrait ·soit signé et certifié par M. Goffart, dont Ie défendeur n'a aueune raison de suspecter l'affirmation, et qui avait statl,ltaire­ment qualité pour ce faire, en vertu même de ses titres;

Qu'il importe également peu que eet extrait n'ait été publié qu'après la sigrii­fie~tion de la citation, la loi n'obligeant pas à la publication du ehoix d'un admi­nistrateur en qualité de président du conseil, non plus d'ailleurs qu'en qualité d'administrateur-délégué (FREDERICQ, Traité de droit commet·cial, t. IV, n41 159 en fin de n° p. 270, et t. V, n° 458) ;

Attendu qu'en termes de plaidoirie Ie défendeur a toutefois contesté également la régularité de la eomposition du conseil d'administration qui aurait fait Ie dit ehoix et particulièrement la qualité d'administrateur de M. Goffart, dont, aux termes des statuts, Ie mandat en cette qualité expirait après !'assemblée géné­rale de 1950, et dont aucune pubHeation de la soeiété n'a mentionné la réélec­tion, aucune publicatión antérieure à la citation introductive du moins;

Attendu que Ie moyen, pour être reçu, eût dû être soulevé avant toute condu­sion au fond mais que de toute façon il n'appartient pàs au défendeur de Ie soulever;

Qu'en admettant avec Ie défendeur que celui-ei _n'ait pas à tenir compte de la publication, faite postérieurement à la citation introductive, de la délibération df.: l'assem.blée générale du 20 oetobre 1953, qui, aux termes de cette publication, réélit M. Goffart en qualité d'administrateur, il ne peut, eomme tiers, que s'en tenir aux publieations faites ou aux aetes dont il établirait l'existence et Ie eonten u ( artiele i2 des lois sur les sociétés ~om merciales) ;

Que la dernière pubHeation faite avant la eitation, Ie 29 novembre 1953, du bilan au 31 décembre 1952, et de son approbation par {'assemblée générale du 2 oetobre 1953, porte la liste des administrateurs et du commissai~e en fonction, ainsi que la mention de leur si.gnature;

Que Ie défendeur n'y oppose aucun acte; Attendu qu'il en· résulte que Ie défendeur doit admettre qu'au .moment de la

citation Ie conseil d'administration était composé effectivement de MM. Goffart et D'Hoedt, et de Mlle Puissant, dont la nomination avait d'ailleurs été publiée aux annexes du Moniteur beige des 2·3·4 novembre 1952;

Que, si les statuts, en ieur artiele 17, et l'application qui en a été faite lors du tirage au sort du 2 mars 1944, comportaient que M. Goffart « sortirait de charge» et « cesserait ses fonctions » après I' assemblée générale de 1950 (M. D'Hoedt . qui avait succédé à M. Masson, après I' assemblée générale de 1948, déjà), c'était à la condition qu'il ne fût pas réélu, puisque Ie même artiele des statuts prévoyait la possibi]ité d'une réélection; ·

Que, d'autre part, -les statuts ne portent pas que cette sortie de charge et cette cessation des fonctions auraient ·lieu de plein droit, et que Ie défendeur ne pré­tend pas, et ne justifie en tout cas pas, qu'elle ait effectivement eu lieu;

Qu'en ce qui cortcerne M. Goffart, la publication faite · postérieurement à la

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citation indique_ au contraire qu'il avait été réélu administrateur .par !'assemblée générale du 20 octobre 1953, et que la publication du 29 novembre 1953 était donc correcte;

Attendu qu'enfin, à défaut de remplacement, les anciens administrateurs restent en fonction et ont l'obligation de rester en fonction pour assurer la continuation

de la vie sociale (Bruxelles, 17 février 1953, R ev. p1·at. des soc., n° 4314 et obs.; Tournai, 20 novembre 1952, ibidem, n<> 4313; Trib. Gand, 13 mai 1936, ibidem, 1938, 3749; Comm. Liège, 14 août 1890, ibidem, 1891, 23; FREDERICQ, ouvr. cit., t. V, n° 454 en fin de n<>, p. 644, et décisions citées; VAN RYN, Principes de. droit commercial, n° 584 fin de n°, p. 386; WAUWERMANS, Man. prat. des

~ I

Soc. att., n° 326, pp, 189 et suiv.). , , Attendu que la fin de non-re.cevoir · proposée doit clone être écartée;

Qu'elle ne pourrait d'ailleurs l'être sur. Ie pied de l'article 173 du Code de, p~océdure civile, invoqué par la demanderesse, eet artiele n'étant pas d'applica­tion au grief de défaut de pouvoir (Rapport au Roi ayant précédé l'arrêté royal

n<> ~oo, du 30 mars 1936; Bruxelles, 16 décembre 1950, J.P.A ., 1941, 344; Comrn. Liège, 13 mars 1951, Rev. prat. des soc., 1951, 18o);

. Attendu que la demande est manifestement fondée; Que la demanderesse a notoirement (Pierre Huart, L'Edition Beige depuis

1940, pp. 6 et 8,- produit par la demanderesse) et depuis de nombreuses années repris d'un tiers et utilisé comme dénomination sociale, indication de son acti- · vité et appellation de s.es productions l'expression « Editions du Cercle d' Art», en ajoutant parfois l'indicatiori du lieu «Bruxelles»;

Que, si les mots << édition », « cercle» et « art», pris isolément ou dans leur application à un groupement se consacrant à des fins artistiques, sont banals,

leur combinaison à, des fins cammerciales peut être originale 'et l'était en effet dans le chef de la derminderesse; .

Qu'elle serait d'ailleurs particulièrement fantaisiste dans Ie chef du défend.eur ainsi qu'il se. verra ei-après; , Attendu que, cela étant, Ie défendeur 1~e pouvait, sans créer ou tenter de

créer la corifusion, utiliser aux mêmes fins. les expressions dont la demanderesse tui fait grief;

Que Ia demanderesse établit d'aillt!urs qu~ de nombreuses confu~ions ont été cammises; ......

Par .ces motifs, Nous, Romain Raym_aekers, vice-président du Tribunal de commerce de

Bruxelles, siégeant en la salle des référés, en remplacement du président, empê­ché, et statuant en application de l'arrêté royal numéro cinquante-cinq, du vingt­trois décembre mil neuf cent trente-quatre, assisté de René Scheyvaerts, réfé­rendaire adjoint, ordonnans au défendeur de cesser d'utiliser les expressions «Cercle d' Art de Belgique », « Editions du Cercle d' Art de Belgique » et « Agence des Editions Internationales Cercle d' Art » pour désigner soit son acti­vité, soit la provenanee des ouvrages qu'il diffuse, soit son établissement ou sa personne, expressions qui peuvent prêter à confusion avec l'expression « Editions du Cercle d' Art» utilisée depuis longtemps et notoirement par Ia demanderesse aux mêmes fins ...

. ; Observation. - Ce jugement n' est pas définitif.

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- 1"61

No 4485. --- Tribtinal de commèrce de Bruxelles ( 6e eh'.)~ 5 février 1955.

Siég. MM. Gautier, prés. f.f.; Symann et Lontie, juges; Scheyvaerts, réf~ Plaid. : MMes A. Lejeune et L. Baillon, avoc.

(Van den Berghe cl Etablissements Ernest Lenders.)

Société de personnes à responsabilité .limitée. - Délégation des pouvoirs du gérant. - Délégation générale subordonnée à tUle autorisation statutaire. - Nullité d'une délégatio:n en dehors de cette autorisatiom - Louage de services accolé à la délégation nolle. - Vali.dité.

Le gérant d'une S.P.R .L. ne peut se décharger sur un tiers de la totaUté de ses pouvoirs et ainsi pratiquement abandonner ses fonctions.

Utte délégatiotz de pouvoir à l'effet de gestion jounwlière d'tttze S.P.R.L. et de rept·ésentatiotz pour cette gestion est au tnoins 'tme délégation de pouvoir gé~térale et n'est pas valable e11 l'abse11te d'u11e disposWon statutaire l'autori· sa11t.

En principe, la nullité d'ttne clause de la convention n'entraine pas la nullité de la conve11tiot1 datzs so11 ensemble. Etz matière de société, la révocation, la démission, le rett·ait et par conséquetzt la tzullité du pottvoir de gérer et d'admi· nistt·et· laissetzf subsister intact Ie louage de services qu'il accompagne.

JUGEMENT. Demande pritzcipale : Attendu que la demande a pour objets :

I) Ie payement de la somroe de 594·408,90 fr. du chef d'u~ compte de commis­sions;

2) le payemen:t de la somroe de 2~ooo.ooo de francs, tant à titre d'indemnité conventionnelle forfaitaire qu'à titre de dommages-intérêts;

Attendu que la demande est fondée en son premier chef sur la convention de louage de services ayant lié les parties, soit principalement celle du Ier mars 1949, soit subsidiairement celle qui lui était antérieure, et en soil seC'ond chef, en ordre principal, sur la convention du Ier mars I949, et en ordre subsidiaire sur b rupture intempestive, avec préavis insuffisant, de la convention de louage de services antérieure;

Ou' à -titre de défense, la défenderesse demande à voir déclarer nulle, avec condamnation à restitution de I.ooo.ooo de francs, la convention du Ier mars I949r

et de dire que Ie demandeur ne justifie pas la demande de payement du montant de commissions qu'il indique, et subsidiairement à titre de demande reconven­tionnelle, demande à voir déclarer la dite convention résiliée avec condamnation au payement de I.ooo.oooo de francs de dommages-intérêts aux torts et griefs du demandeur, le tout sous réserve de majoration et compte tenu de l'évaluation par la défenderesse d'une rémunération de un million de franc·s due au demandeur, pour prestations utiles fournies depuis 1949;

Attendu qu'il a été reconnu à l'audience pour la défenderesse, qu'elle ne con~ testait plus Ie montant des conimissions réclamées par Ie demandeur, et d'autre part, poUr Ie demandeur, qu'il renonçait à une inajoration de ce montaot en

w• 44.85 H

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raison de ,l'éta_plissement du chiffre d'affaires du mois de juin 1953, postérieur à l'estimation qu'il en avait faite; I. Quant à la validité de la çonventiotl du Ie1~ mars I949 :

Attendu que, s'il est exact, comme argumente plus fermement la défenderesse, que «Ie gérant d'une S.P.R.L. ne peut sè décharger sur un tiers de la totalité de ses pouvoirs et ainsi pratiquement abandonoer ses fonctions », tel n'est Ie cas, ni en' droit, ~i en fait; '

Attendu que la convention du xer mars 1949 après avoir en ses articles xer et 3

constaté que la défenderesse confiait au demandeur et que- celui-ei acceptait les fonctions de directeur général, sans limitation de durée, mais avec possibilité de dénonciation de part .. et. d'a.utre; à des conditions pr.écisées, · dispose en son arti­ele 3 : «Ie second soussigné est chargé de la direction générale . de la société, à cette fin Ie gérant lui délèg11e tous les pouvoirs qui lui ont été confiés par l'acte

de constitution de la .société >>; .· Attendu que les statuts de Ia défenderesse, en leur artiele 14, énumèrent abon­

damment et non limitativement les pouvoirs de son ou de ses gérants qu'elle

décl~re vollloir êtr~ « les plus étendus » mais en leur artiele 15 disposant que : ·. « Ie ou les gérants penvent. délé~uer, même à des tiers, certains pouvoirs à c~ndi­

tion. de le,s .dé~erminer »; Attendu qu'une tel~e d~sposition .ne permet pas une délégation de pouvoir géné­

rale ou indéterminée; Qu'une délégation de pouvoir a' l'effet de gestion journalière et de représen­

tation pour cette ges ti on est au moins une délégation de · pouvoir générale, et n'est pas valable en !'absence d'une disposition statutaire l'autorisant (C. civ.,

art. 1987 et 1988; FREDERICQ, Traité, t. VI, n° 654, p. 928; J. VAN HOUTTE, dans Algeme11e Pmctische Rechtsverzameling, map 3 Vennootschappen P.V.B.A., o08 201, 202 et 204) 1 qu'il n'est du reste pas fait mention de la gestion journa­

lière dans l'énumération de I' artiele 14; Attendu qu'en admettant donc avec Ie demandeur qu'en Ie chargeant de la

direction générale de la société défenderesse et en ne lui faisant déléguer qu'à cette fin les pouvoirs du gérant, la convention querellée ne lui acc·ordait que des pouvoirs de gestion. journalière et de représentation aux fins de cette gestion

(voy. VAN RYN, Pri11cipes, n° 643, p. 408), encore cette clause est-elle nolle au n;gard de la loi ou en tout èas des dispositions statutaires ;

.. A,ttendu que ce serait néanmoins à tort que la défenderesse conclurait de la nullité de cette clause conventionnelle, queUe que soit sa portée, à delle de la convention tout entière;

Attendu qu'en principe la nullité d'une clause de la donvention n'.entraîne pas la nullité de la convention dans son ensemble; qr'eHe ne doit l'entraîner que si elle forme a vee les au tres dispositions de la conhotion un tout· indivisible ou

• .. I . .

que si elle est la seule raison de la convention (Dij: PAGE, Traité, t. 11, n° 786, p. 713; P. B., V 0 Nullités, pp. 266 et s.);

Attendu que la clause arguée de nullité peut parfaitement être supprimée de la convention du Ier mars 1949, sans rien lui entever de sa cohérence mais en lui donnant. au contraire plus d'unité, qu'il n'y a aucun lien nécessaire entre Ie mandat qu'elle entend voir conférer au demandeur et Ie louage de services dont

N• 4485

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163 -

elle a pour objet essentiet de régler les conditions et qu'elle règle en effet en' toutes ses autres dispositions; qu'elle réunit dans la même personne deux quali­

. tés et deux contrats distincts mais un seul instrument pour les C'onstater; Qu'aussi bien est-iJ unanimement admis qu'en matière de société, la révocation,

Ia démission, Ie retrait et par conséquent la nullité du pouvoir de gérer et d'ad-. ministrer laissent subsister intact Ie louage de services qu'il accompal1,ne (VAN

RYN, Principes, no 652, p. 4I3; FREDERICQ, Traité, t. V, n° 458, p. 648;

Beginselen, t. 11, n° 829, p. 4I3; Principes, t. 11, n° 942, p. 370; Rép. prat., S. A., IIISi Novelles, S. A., I776 ss. et 227I; WAUWERMANS, Manuel, 3e édit., n° 4I6, p. 247 et, en outre, les décisions citées par ces auteurs et en particulier

Bruxelles, IS mars I909, Rev. prat. Soc., I9IO, n° 2092, p. 302; Comm. Bruxelles,

6 juillet I95I, J.C.B., I952, p. 293); Attendu qu'en fait il n'est pas prouvé que Ie demandeur en ait jamais usé; Attendu · qu'au surplus, si l'on pr.end garde que Ie gérant n'a signé la conven­

tion qu'au nom. de la société et que c'était lui qui, aux termes de la c'lause, délé­guait des pouvoirs apparemment excessifs, on peut, conformément à l'article II57 du Code civil, interpréter la clause en ce sens que la société ·s'engageait à faire donner au demandeur par son gérant tous les pouvoirs qui se révèleraient néces­saires au bon exercice des fonctions de directeur g,énéral ;

Que cette interprétation est d'autant plus plausible, que, sauf en ce qui con­ceroe une clause de dédit, la C'onvention ne paraît avoir fait autre chose que consacrer une situation antérieurement existante (assemblée g,énérale du 23 dé­cembre I952, p. 2 notamment), que la délégation n'a jamais été publiée;

Attendu qu'au surplus encore la défenderesse n'a aucun intérêt à invoquer cette nullité, puisqu'à supposer la convention du Ier mars I949 défaillie, la convention antérieure à laquelle elle devait être substituée reprendrait toute sa vigueur, ainsi que la défenderesse l'a toujours admis et Ie demandeur égale­mènt (ass. g,én. 3 juillet I952, suite 6; lettre de la déf. I8 octobre I952, p. 3, et lettre du dem. IO janvier I953) et qu'il faudrait en cas de continuation de la convention antérieure constater que Ie préavis auquel Ie demandeur eût eu · droit se serait élevé non pas à six mois, comme ii·Iui a été octroyé, .. mais à deux ans et demi, étant donné l'importance de ses fonctions, la stabilité qu'il pouvait leur attribuer, la longueur de ses servie'es auprès de la défenderesse (25 ans) et la difficulté certaine de remplacement; que, de plus, Ie gérant demeurait en tous cas responsabie des actes du demandeur (R ép. prat., S. A., 1II7 et II40; Comm. Gand, 7 octobre 1950, R. W., S0·5I, col. 758);

2. R ésiliati011 de la convention dtt .rer ma1's I949 : Attendu que la défenderesse n'est plus reeevabie à demander reconventionnel­

lement la résiliation de la convention de louage de services Ia liant au deman­deur aux torts et griefs de celui-ci, en raison de fautes et de négligences graves qu'il aurait oommises dans l'exercice de ses fonctions de diree'teur général c en omettant de surveiller ou de controler Ie comptable, d'accomplir des formalités fiscales essentielles, de suivre les affaires avec un minimum de soin »;

Que, quels que soient les motifs qui l'ont inspirée et quelles que soient les réserves doilt elle a entouré Ie congé donné au demandeur, Ie 27 décembre I952. er: dénonçant « tous contrats de louage de services existant ou pouvant exister » entre elle et Ie demandeur, pour Ie 30 juin 1952, c'est-à-dire avec un préavis de

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164 "'"--

IÎX mois, et très exactement dans Ie délai à elle imparti pour ce faire par la

convention du Ier mars 1949, et en coilservant Ie demandeur à son service jusqu'à

l'expiration de ce délai elle a épuisé Ie droit d'encore demander la résiliation

de l'un quelconque des contrats de louage de services aux torts et griefs du

demandeur;

Que cette demande n'a plus d'objet, Ie contrat ayant pris fin par la seule

volonté de la défenderesse, ne laissant plus qu'à elle-même des obligations nées,

soit de son exécution antérieure, soit de la dénonciation;

Attendu que Ie demandeur a donc incontestablement droit aux deux millions

de dédit convenu suivant contrat du Ier mars I949, aussi bien qu'au montant de

commissions qu'il réclame;

Que la défenderesse doit être déboutée de !'ensemble de ses demandes recon­

ventionnelles; non fondées en tant que basées sur la nullité de la prédite conven­

tion, et non reeevables en tant que basée sur la résiliation;

Par ces motifs,

Le Tribunal condamne la défenderesse à payer au demandeur du ohef de soo

compte de commissions la somme de cinq cent nonante-quatee mille quatre cent

buit francs nonante centimes; la condamne à payer au demandeur à titre d'in­

demnité conventionnelle forfaitaire la somme de deux millions de francs; la

condamne aux intérêts judiciaires et au'Ç dépens de la demande originaire, ceux-ci

taxés à ce jour à sept cents franés;

Déclare la demande reconventionnelle non reeevabie en tant que tendant à la résiliation de la convention ou basée sur cette résiliation ; non fondée pour

Ie surplus, en déboute la demanderesse en reconvention, dépens à sa charge; ..•

Observations. - Le jugement reptoduit est frappé d'appel.

No 4486.- Tribunal de première instanee de Bruxelles ( J2e eh.). 24 novembre 1948.

Siég. :. MM. Van Hal, prés. f.f.; Goossens et Acheroy, juges.

Plaid. : MMes Abrahams et Rogival, av.

{ Hi1'Sch cj Fottds twtiottal de Reti'aite des Ouvriet·s Mineurs.)

Obligations. - Intérêts. - Acquis au possesseur de bonne foi (art. 549 C. c.). - Fruits civils acquis au jom· le jom· (art. 586 C. c.).- Coupons échus.-- Assimilés aux titres au pOl'te'ur (loi du 24 j~illet 1921, art. 13 à 15). -

I

Application de ces règles au cas dé' dépoSsiession par l'ennemi (arr. des 10 janvier 1941, 18 et 19 mai 1945).

I. Les it1térêts d' obligatio1zs qui eorrespondet~t à la pét·iode pendant laquelle une persomze est possessem· de bonne foi lui t·estetzt acquis au prescrit de l'article .549 du Code civil.

A ucune dispositio11 légale, même celle relative aux biens saisis illégalement par les autorités allemmzdes, ne déroge à eet artiele en ce qui concerne les titres régulièrement achetés e11 bom·se lors d'une vente publique.

])l• 4486

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.~ Hifi -

11 .. L.es ~ntérêts d'obligations. constitu.ent des fruits civils. Le posse'sseur de bomze foi, tout comme un usufruitier, acquie1·t les fruits att jour le.jour.

Les intét·êts échus lors de l'achat constituetzt un capita/ acqttis Par Ie pos.Ses· seur de bonne foi, qui devra le restituer contre paiemetzt au véritable proprié· taire au prescrit de l'article_ 2280 du Code civil.

JUGEMENT.

Attendu que l'appel est régulier en la forme et a été interjeté dans le dé- · légal; que d'ailleurs sa recevabilité n'est pas C'ontestée;

Attendu que l'action originaire avait pour objet de faire condamoer l'intimé au paiement à l'appelant d'une somme de 3.215 francs, étant la contre-valeur des coupons perçus par lui et qui étaient attachés aux quatre obligations de Fem· prunt extérieur beige 5,50 o/o 1934 portant les numéros 175·377, 233.189, 233.190 et 320.599, que l'intimé avait acquises Ie 25 août 1942 à la vente publique offi· cielle organisée par la Commission de la Bourse de Bruxelles et dont l'appelant avait été dépossédé par l'ennemi;

Attendu que Ie premier juge déclara l'action non fondée, estimant que l'intimé, possesseur de bonne foi, pouvait se prévaloir des dispositions de l'article 549 du Code civil et dès lors conserver les intérêts litigieux qui constituent des fruits civils;

Attendu que l'appelant formule les griefs suivants contre Ie jugement :

1° l'arrêté-loi du 10 janvier 1941 sur les actes de disposition de biens meubles ayant fait de la .part de l'ennemi l'objet de confise'ation, saisie ou autres mesures portant atteinte à la propriété privée, reste applicable aux titres au porteur, en tant qu'il prévoit la nullité absolue des mesures d'expropriation et dès lors il convient de mettre l'ancien propriétaire de titres volés par l'ennemi dans la situation antérieure à la spolintion;

2° à supposer que Ie tribunal n'admette pas la revendication pure et simple, i1 y a lieu de considérer que Ie coupon étant !'accessoire du titre, ii doit suivre Ie sort de celui-ci, c'est-à-dire qu'il doit être restitué moyennant remboursement du prix d'acquisition;

3° en tout cas l'intimé a perçu indûment les fruits civils de la période anté. rieure à l'achat des titres puisque les fruits civils ne sont attribués au détenteur que prorata temporis;

Attendu qu'il échet tout d'abord de préciser qu'il n'est pas C'ontesté que l'inti­mé acquit les titres munis des coupons litigieux Ie 25 août 1942 en vente publique à la Bourse de Bruxelles;

Que non seulement les coupons qui n'étaient pas encore venus à l'échéance étaient attachés aux titres mais également les coupons échus les xer juillet 1940, Ier janvier et Ier juillet 1941, 1er janvier et xer juillet 1942; ces coupons repré •. sentant la valeur 53,75 fr. par coupon et par échéance; qu'il fut tenu compte de ce fait pour la fi~ation des prix d'achat; que, de même ii n'est pas C'ontesté que_ l'appelant fut victime d'un acte de spoliation pratiqué par l'ennemi, qui remit les titres sur Ie marché public;

Qu'enfin ii appert des .éléments de la cause que l'intimé restitua les titre! à l'appelant et que ce dernier lui remboursa Ie prix auquel il avait acheté les ti tres qui comprenaient également les coupons - Ie 25 août 1942;

N•4486

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I. Attendu qu'à bon droit Ie' premier juge estima que les ·Ïntérêts qui corres­pondaient à la période pendant laquelle l'intimé a été possesseur de bonne foi restaient définitivement acquis à celui-ei conformément au prescrit de l'articlc

549 du Code civil ; Qu'en effet, ni l'arrêté-loi du 18 mai 1945 ni la loi du 24 juillet 1921 à laquelle

eet arrêté-loi se réfère dans le cas ou, comme en l' espèce, Ie titre au porteur a été acquis dans une vente publique en bourse, ne contieonent une disposition

dérogative à I' artiele précité; 1

I

Que, d'autre part, l'arrêté du 10 janvier 1941 n1 s'applique pas au cas liti-gieux; I

Que, s'il est exact que les mesures d'expropriation demeurent nulles confor­

mément à l'arrêté-loi du 10 janvier 1941, il n'en est pas moins vrai que cette nullité n'a plus pour conséquence de priver celui qui de bonne foi a acquis un titre au portèur dans une vente publique en bourse avant la pubHeation de l'opposition prévue par la loi du 24 juillet 1921, du bénéfice des dispositions des art~cles 2280 et 549 du Code civil;

Qu'en éffet, l'arrêté-loi du 18 mai 1945 apporte en faveur de ces acquéreurs une dérog~tion à l'arrêté-loi du 10 janvier 1941, dérogation consistant à suppri- · mer l'action en revendiention prévue à l'article 3 et à remettre en vigueur les dispositions de la loi du 24 juillet 1921 relative à la dépossession involontaire des ti tres au p·orteur;

Qu'ainsi notarument l'arrêté-loi dü 18 mai 1945 dispose en son · artiele 3, que Ie porteur dépossédé sera tenu de rembours er au possesseur actuel Ie prix des· titres acquis par lui;

Attendu que l'appelant invoque vainement l'adage «!'accessoire suit Ie prin­cipal » pour faire obstacle à .I'application de l'article 549 du Code civil, disposi­tion légale formelle, qui, est applicable en l'espèce; que Ie législateur n'a pas exprimé I' intention d'y déroger;

II. Quant aux intérêts échus avant h: 25 août 1942, date d'acquisition des titres et des coupons par l'intimé :

Attendu que, en vertu de l'article 586 du Code civil, l'usufruitier n'a droit aux frui.ts que dans la mesure ou ils sont produits pendant la période ou l'usu­fruit est exercé;

Qu'il en est de même en ce qui concerne les intérêts, lesquels constituent de~ fruits .ciyils (DE PAGE, t. VI, p. 235, n° 305 B et C; Etude de J. ~ NEMERY dans Revue p1·at. Not., 1946, p. 324);

Attendu qu'il n'existe pas de raison pour ne pas appliquer l'article 586 du

Code ei vil au possesseur de bonne foi (DE PAGE,, t. VI, p. 144, n° 176 ;- Cass. I] juin 1852, Pas., 1853-I-435); qu'il s'ensuit que les intérêts échus. lors de l.'achat et non encore perçus à cette date ne constituent pas des fruits que Ie possesseur de bonne foi fait siens, mais oot le .caractère de capita:ux acquis par lui (Bruxelles, 28 mars 1898, Pas., 1898-II-254), qu'il échet dès lors · de reeher­eher la législation applicable à ces coupons;

Attendu que l'arrêté•loi · du -18 mai 1945 se réfère à la loi du 24 juillet 1921 sur le's ti tres au porteur; que C'ette loi, bien que dans son intitulé et dans ses' artiel es à carae'tère · gé~éral elle nè contiennè que les termes «ti tres au portèur »,

N°·448s

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s'applique également aux c~upons ainsi qu'il résulte des termes des articles 13;

14 et IS qui règlent les effets de l'opposition i Qu'il n'existe pas de raison pour interpréte~ l'arrêté-loi du 18 mai 1945 et

la loi du 24 juillet 1921 d'une manière différente i Qu'il res~ort. de I' exposé des motifs précédant l'arrêté-loi précité et de son

esprit qu'il échet d'appliquer aux coupons lorsqu'ils sont considérés non comme fruits civils mais comme capitaux, Ie régime adopté pour les titres;

Attendu dès lors, et pour les · motifs invoqués plus ha ut, que l'intimé est tenti de restituer à l'appelant, conformément aux articles 3 de l'arrêté-löi du 18 mai I94S ·et 4 de l'arrêté du Régent de la même date, Ie montant des intérêts perçus à l'aide de ces c·oupons, puisque l'appelant lui a reStitué Ie prix auquel . il les

avait acquis Ie 25 août 1942, comme il a été précisé dans I' exposé des faits; Que Ie montant des intérêts ainsi perçus s'élève à I.07S fr. d'après l'évaluation

d.:l l'appelant; que la demande est clone fondée à concurrence de cette somroe i

Par ces motifs, Ie Tribunal, Vu la loi du IS juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire; Statuant contradictoirement et en degré d'appel et rejetant comme non fondée

toutes autres conclusions i Reçoit l'appel, Ie déclàre partiellement fondé, met à néant Ie jugement a quo,

émendant et faisant ce qu'eût dû faire Ie premier juge, dit l'action partiellement fondée, condamne l'intimé à restituer à l'appelant la somroe de I.07S fr. représen­tant Ie montant des intérêts échus avant Ie 2S août 1942 et qui n'avaient pas encore été perçus à cette date, mais que l'intimé perçut régulièl'ernent Ie 21 avril

I943i Condamne l'intimé aux intérêts judiciaires; Déboute l'appelant du surplus de sa demande ...

Observations.- La 12e chamhre du tribunal de première instan~

ce de Bruxelles a statué conformément au droit et à la logique.

Des obligations avaient été volées en 1940 par les autorités

allemandes et régulièrement vendues en une vente publique orga~

nisée par la Commission de la Bourse de Bruxelles en 1942. Après la libération, le légitime propriétaire réclama ces titres à

l'acquéreur. Ce dernier les lui restitua contre paiement tel que

prescrit à l' artiele 2 2 80 du Code ei vil. Le propriétaire réclama en

outre les/ intérêts échus et perçus par r acquéreur.

Certains de ces intérêts étaient échus entre 1 940 et 194 2, mais

les coupons étaient restés attachés aux titres jusqu' à la vente publi~

que. L' acquéreur les avait touchés ainsi que ceux échus entre 194 2 et 1946.

Le tribunal de première instance, réformant partiellement la

décision du juge de paix, a fait une distinction parmi ces intérêts.

Ceux perçus après la . ven te publique mais échus au moment de

celie-ei constituaient un véritable ca pi tal, qui, comme les titres · eux~

•• '4486

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mêmes; devaient être restitués au légitime propriétaire au vreu de 1' artiele 2 2 80 C. c. Cette décision reprenait ainsi les termes de l'arrêt de la Cour de cassation qui avait décidé que les fruits accor~ dés au possesseur de bonne foi ne peuvent s' entendre que de ceux échus pendant qu'il possède et nulierneut de ceux échus antérieu~ rement. (Cass., 1 7 juin 1852, Pas., 1853~1~435; - Cour d'appel Bruxelles, 28 mars 1898, Pas., 1898~H~255.)

Au contr~ire, les intérêts échus et perçus pendant la possession de bonne foi devaient être considérés comme des fruits civils et devaient dès lors rester acquis au possesseur de bonne foi qt,1.Ï les faisait siens pro rata temporis, au jour Ie jour.

S'il existe encore une discussion pour savoir si les dividendes d'action constituent des fruits civils ou non (cfr Revue, 1954, n°8 4366 à 4368), par contre, les intérêts d' obligations sont unani~ mement reconnus comme tels ( v. NEMERY DE BELLEVAUX, Re'V. prat. Not., 1946, p. 324, et DE PAGE, Suppl., t. VI, n° 303, C.).

Et c'est normaL Ne constituent~ils pas en effet les intérêts d'un prêt çonsenti par un certain nombre de persounes à une société (REsTEAU, Sociétés anon:ymes, n° 1540)?

Dès lors, tout comme pour un usufruitier, il était normal de considérer que les intérêts échus pendant la période de la passes~ sion de bonne foi restent acquis au possesseur, puisque ce dernier les a acquis au jour Ie jour.

Vainement Ie propriétaire avait invoqué les dispositions de l'arrêtê~loi du 18 mai 1945 et de la loi du 24 juin 1921 relatives aux spoliations de titres par les autorités allemandes. Ces disposi~ tions légales n' étaient pas dérogatoires en effet en 1' espèce ni à l'article 549 ni aux articles 586 et 2280 du Code civil.

Jacques CAMPION, Avocat à Bruxelles.

N° 4487.- Justicede paix de Louveigné.- 16 décembre 1954. Siég. : .M. Kaisin, juge de paix. - Plaid. : MIMes Herbiet et Materne, av.

(Caisse Mtttuelle Liégeoise d'Allocations Familiale$ cj Doutrelepont.)

A. R. 0. du 22 décembre 1938 (allocations familiales pour non salariés). Administrateur de société anonyme. - Durée de l'activité. - Présomption. - Preuve contraire admise.

11 suffit d'être investi d'tm mat1dat d'administt·ateur de société pour être assimilé à un travailleur indépendant. Pour échapper à l'assujettissement, l'ad·

•• 4487.

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mi~i~tmteur est admis à prouver que son. activité. effective s,'étená sur moins de z8 jottrs par att.

La loi n'exige pas de faire, en plus, la preuve de circonstances exceptio~elles.

Attendu que l'action a pour objet de faire condamoer la défenderesse au paiement de cotisations augmentées de majorations et d'intérêts, dont elle serait débitrice en tant qu'administrateur de société anonyme, et de ce fait, assimilée à un travailleur indépendant ;·

En fait : Attendu qu'il résulte des documents produits par les parties que la défen­

deresse fait partje d'une société constituée le 5 mai 1948, entre les membres d'une certaine fa mille, comprenant les époux. Doutrelepont-Lahaye, leurs enfants et 11roches parents ou alliés; que cette soeiété a pour objet principal Ia fabrication, l'achat et la vente de vinaigre; que son capita! est fixé à 400.000 francs i que les apports des fondateurs sont, pour les époux Doutrelepont-Lahaye, un fonds de commerce comprenant leur entreprise industrielle d~ fabrication de vinaigre, aveo tous les accessoires, notaroment les machines, !'outillage, Ie matériel, la marque, Ie numéro d'inscription au registre du commerce, les marchandises, la dientèle, etc. i que eet apport est évalué à 390.000 francs; pour les autres une somme globale de 10.000 francs; que la défenderesse a vu rémunérer son apport par deux actions (sur 400,-) entièrement libérées;

Attendu que, aussitot après la constitution de la société, celie-ei s'est réunie ~n assemblée générale extraordinaire pour fixer Ie nombre des administrateurs à trois i et conférer les trois mandats à la défenderesse, et à Louis-Jean et à Maurice Doutrelepont, ses frères i que Maurice Doutrelepont et son frère André­Léon, étant mineurs d'àge, avaient été émancipés deux jours plus tot;

Attendu que Ie conseil d'administration se réunit également Ie 5. mai pour nommer la défenderesse présidente du dit conseil, Louis et Maurice Doutrele­pont, administrateurs-délégués, et Louis-Mathieu Doutrelepo~t, père des pre· miers, directeur général, chargé de toutes les opérations de direction de Ia société;

Attendu que la défenderesse ne s'est pas vue autorisée, comme Ie directeur général et les deux administrateurs-délégués, à disposer de la signature sociale;

Attendu qu'il résulte des procès-verbaux des réunions du conseil d'administra­tion, que la défenderesse a pris part. à celles-ci, les 5 mai 1948, IS juin 1948, 15 octobre 1948, IS septembre 1949, 31 mai 1950, 12 septembre 1950, 12 septembre 1951 et 9 septembre 1952 et a présidé les séances des 15 octobre 1948, 15 sep­tembre 1949, 12 septembre 1950, les suivantes ayant été présidées par Ie direc­teur général, nommé administrateur et président du conseil d'administration par l'assemblée générale du 17 octobre 1950;

Attendu qu'il résulte des procès-ver.baux des assemblées générales que Ia défenderesse a été désignée pour remplir les fonctions de secrétaire des assem· blées générales tenues les 19 septembre 1948, 18 octobre 1949, 17 octobre 1950 et 16 octobre 1952; et a assisté en outre à. I' assemblée générale · du 21 octobre

1952i Attendu qu'il est ainsi établi que la défenderesse a pris part à quatre réunions.

en 1948, à deux réunions en 1949, trois réunions en 1950, deux en 1951 et deux

•• 4487

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en 1952 i que rien dans les procès-verbaux de ces diverses réuniöns ne donnè à croire que la défenderesse ait jamais joué un role effectif dans la· gestion de. I à

sociétéi

En droit : Attendu que la demanderesse söutient en ordre principal que Ie seul fait d'être

investi de la qualité d'administrateur suffit pour rendre exigibles les cotisations de travuilleur indépendant, pour autant que la durée du mandat ait été de 18 jours au moins; . qu'en ordre subsidiaire, la demanderesse soutient que s'il est admis que c'est l'exercice effectif d'une activité d'administrateur qui est présumée durer 18 jours au moins par an, la preuve contraire ne peut résulter que de circonstances exceptionnelles qui n'existent pas en l'espèce i

Attendu que les textes, règlant la matière, sont les articles 3, 19, 20 et 23 de l'arrêté royal du 22 décembre 1938;

Attendu que l'examen des articles 3 et suivants de eet arrêté amène à consta­ter que, après avoir défini (art. 3) Ie travuilleur indépendant celui qui exerce à titre exclusif, principal ou accessoire, une profession, en travaillant pour son propre compte lorsqu'il n'occupe personne au travail en vertu d'un contrat de louage de services, Ie Iégislateur a spécifié diverses catégories de personnes qu'il déclare présumées exercer une profession (art. 4, 5, 6, 7, 9) ; qu'ensuite à l'arti-. cle 19, Ie législateur édicte une autre présomption, à savoir que l'exercice de l'activité de certains travailleurs indépendants, qu'il détermine, est présumé s'étendre normalement sur Ie minimum de temps requis par Ie 2e alinéa de l'article 3, c'èst-à-dire sur 18 jours par an au moins;

Attendu que les articles 22 et suivants ont pour objet de déterminer les per~ sonnes assimilées aux travailleurs indépendants; qu'à I' artiele 23, il est dit que· sont également assimilées aux travailleurs indépendants les personnes investies sous une dénomiriation quelconque d'un mandat d'administrateur ou d'adminis­trateur-délégué d'une société · anonyme;

Attendu que l'article 19 applique notaroment à ces administrateurs la pré­somption selon laquelle l'exercice de l'activité professionnelle èst présumé s'éten­dre normalement sur 18 jours au moins par an;

Attendu que l'article 20 refuse la preuve contraire des présomptions Iégales contenûes dans les articles 3 (al. 3 à 6), 4, 5 (dernier alinéa), 10 et 12; qu'il est de principe que la preuve contraire des présomptions contenues dans les autres artiel es et notaroment dans I' artiele 19, est autorisée i

Attendu qu'il résulte .de ces textes qu'il suffit d'être investi du mandat d'ad~

ministrateur pour être assimilé à un travailleur îndépendant, c'est-à-dire pour. être considéré comme exerçant une profession pour son propre compte; que pour être assujetti !'administrateur doit donc, comme travuilleur indépendant, exercer son activité d'administrateur pendant dix-huit jours au moins par an; que la loi présume qu'il èn est ainsi, mais autori~e la preuve contraire;

Attendu que, comme Ie dit Ie tribunal de Lièg~ en son jugement du ·xer juillet

1954 (J. L., 54·55, p. 4) (en cause Braconnier qontre Mutaf), Ie législateur a distingué la capacité d'administrateur (art. 23) de' l'activité de celui-ei (art. 19) ;

qu'il a identifié la qualité d'administrateur à celle de travuilleur indépend~nt, tandis qu'il identifiait de même, mais quant à la· durée ·ptésumée de leur activité effective, les administrateUl's et certàins·· travailleurs indépendants tels que méde-'

-N•'448'7

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-eins, architectes, experts, etc.; que, par conséquent, c'est l'activité effeetive de !'administrateur qui doit s'être étendue sur moins de 18 jours pour qu'il échappe -à l'assujettissement i

Attendu d'ailleurs qu'on ne voit pas pourquoi Ie Iégislateur -aurait rangé les . .administrateurs sous l'article 19, parmi les travailleurs indépendants qui ne subis­"sent la présomption que quand ils exercent effectivement leur profession, alors .qu'il aurait suffi de dire, si la durée du mandat était seule prise en considération,_ .<-Que tout administrateur dont Ie mandat a duré 18 jours par an au moins, seraif -assuj etti i

Attendu eneare que la durée d'un mandat d'administrateur se prouve par les registres sociaux et, à l'égard des tiers, par les publications légales et ne requiert ,donc l'établissement d'aucune présomption;

Attendu qu'il résulte de · ces considérations que la défenderesse doit être ,admise, en principe, à renverser la présomption de l'article 19 et à prouver .qu'elle n'a pas effectivement exercé l'activité d'un administrateur pendant 18 jours _au moins par ani

Attendu que la demanderesse soutient que la preuve à faire est celle de circon­:stances exceptionnelles, teiles que maladie, accident, voyage à l'étranger, etc.;

Attendu que, dès qu'il est admis que la présomption légale est susceptible de ~preuve contraire, on ne peut ajouter à la loi en exigeant la preuve de circon· :stances exceptionnelles i il suffit que la preuve soit convaincante, quels que csoient les faits invoqués i qu~en l'espèce, il apparaît que la défenderesse est investie d'un mandat purement honorifique, dans une société familiale ou Ie père ,de familie est resté Ie vrai maître de l'affaire tandis que la défenderesse ne 'dispose d'aucun pouvoir réel; qu'on ne voit pas en quels au tres termes la défen_.. ,deresse pourrait Iibelier Ie seul fait négatif qu'elle doit établir, à savoir : qu'elle· .ne consacre pas à ces fon~tions une activité s'étendant sur dix-huit jours au .moins par an;

Attendu que c'est à tort que la défenderesse invoque qu'elle est réputée démis­_sionnaire pour n'avoir pas déposé deux actions de capita} en garantie de sa ges­tion; qu'en effet, la démission qui est la conséquence de cette omission n'a été sanctionnée par aucune assemblée générale, ni publiée conformément à la loi; .qu'elle n'est clone pas opposable aux tiers;

Pa~ ces motifs, Le Tribunal, statuant contradictoirement et en premier ressort, dit l'action

reeevabie et, avant de faire droit au fond, autorise la défenderesse à prouver par toutes les voies de droit, témoins compris, que depuis 1948 en tous ~as, elle n'a pas consacré et ne consacre pas à l'exercice de ses fonctions dans la société .anonyme Doutrelepont et fils, une activité s'étendant sur dix-huit jours au moins par an;

Fixe jour et heure au mardi 18 janvier 1955, à 9 heures, pour procéder aux .enquêtes, tant directe que contraire;

Réserve à statuer sur Ie surplus et sur leli dépens.

Observations. - Le jugernent est frappé d'appel.

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1.72:

. : ~ . .

A propos des fnvestinent Trusts.

Depuis quelque temps déjà, l' attention des spécialistes et, dans une certaine inesure, du public, s' est portée sur une forme d'épar~ gne. mobilière dont les pays anglo~saxons et la Hollande s' étaient

réservés jusqu'à présent l'apanage à peu pr~s exclusif : l'lnvestment Trust. I .

Divers groupes poursuivent activement l' étude des problèrnes que soulève l'introduction de cette institution dans notre pays, et

une expérience importante a été réalisée par la constitution, après la guerre, de trois dépots de titres gérés par une société anonyme.

Nous n'entendons évidemment point examiner ici les mérites de ce mode d' épargne ni I' opportunité d'introduire dans nolre pays

de nouveaux types d'institutions finanCières. Ces problèrnes ne. rentrent, en effet, ni dans les limites de notre compétence, ni dans Ie champ des préoccupations babituelies de cette Revue.

Néanmoins, puisque Ie problème de la création d'lnvestment Trusts en Belgique est posé, nous croyons utile d'indiquer, en quel~ ques pages, ce qu'est cette institution, quelles formes elle revêt dans les pays qui nous entourent et les principaux problèrnes juri­

diques que poserait son adaptation à notre droit. L' occasion nous en est donnée par la journée d' études que

vient de consacrer à ces questions Ie Centre d'Etudes de Droit

FiscaL Cette jo~rnée a réuni des délégations française, néerlan­daise, luxembourgeoise et beige. Des rapports ont été déposés par des congressistes de ces différents pays. : pour la F rance, M. Maurice

CAILLIEZ, Docteur en Droit; pour les Pays~Bas, M. E. A. BROUWER, Directeur~Adjoint du «Rotterdams Beleggingsconsortium »; pour Ie Grand~Duché de Luxembourg, M,, J oseph KAUFFMAN, Chef du

Contentieux de I' A.R.B.E.D.; et pour la Belgique, M. Ch. CARDYN, Avocat à la Cour d'appel de Bruxelles. La discussion a permis de confronter les points de vue et établir d'utiles comparaisons. Peut­être regrettera~t~on cependa.nt I' absence de juristes anglais et amé~

ricains qui auraient pu apporter la contribution d'une longue expé­rience en matière d' épargne institutionnelle.

C' est en Ecosse, semble~t~il, au XIXe siècle que les premiers trusts.

de placement ont vu le jour. lis étaient fondés par des particuliers,.

généralement cohéritiers de grosses fortunes, qui confiaient à un

x• 4488

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173-

homme de loi, choisi comme Trustee, l' administration de leurs

fonds communs. M. c. LAZARD, à q"ui nous empruntons ce détail,

ajoute que les résultats obtenus par ce procédé furent si satisfai~ sants que l'idée se répandit en Angleterre ou, en 1863, fut fondé

Ie premier trust de placeme~t qui fît appel au grand public ( 1 ).

L' institution se développa ensuite rapidement et servit, notamment,

à de vastes opérations de financement international ( voy. MoLIÉ~

RAC, Les Trusts de placement en Angleterre et aux Etats~Unis, Revue des Sociétés, 1932, pp. 267 et suiv.;- A. DRUART, Le Trust de placement, Librairie du Recueil Sirey, 1930). '

D'une manière générale, l'lnvestment Trust se caractérise par sa technique et sa finalité.

La technique de I' Investment Trust repose sur Ie procédé .de la substitution de titres, opération qui se réalise lorsqu'une personne

juridique, qui, en principe, peut être une personne physique ou une

persanne morale, émet des titres représentatifs d'autres titres. Nous

verrons dans un instant que ce procédé technique est susceptible

d' applications diverses correspondant à des types fort différents d'lnvestment Trust.

L'lnvestment Trust remplit une fonction bien définie : la ges~ tion d'un portefeuille dans lïntérêt des épargnants qui, d'une ma~

nière ou I' autre, ont participé à sa constitution. Il joue, dans Ie

domaine de 1' épargne, Ie role que la coopérative remplit dans Ie cadre d' activités commercial es et industrielles.

L' lnvèstment Trust se distingue clone de la Holding, en ce qu'il .

n' a point pour fonction de créer des entreprises nouvelles ou d' exer~

eer un controle et une impulsion définie sur la gestion d' entreprises existantes. Il doit tendre uniquement ·à assurer la sécurité et Ie ren­

dement des placements par une répartition prudente des risques et

une gestion éclairée des fonds dont il dispose ou qui lui ont été

confiés.

Dans Ie cadre des principes que nous venons d' énumérer, il est

possible d' édifier des structures juridiques fort div~rses. Aussi existe-t-il différents types d'lnvestment Trusts que 1'on peut répartir

en deux grandes catégories, celle des lnvestment Trust!=} conven­tionnels et celle des In vestment Trusts statutaires;

( 1 ) Voy. C. LAZARD, Un puissant moyen de financement anglo-saxon: 1'/n­vestment Trust. Librairie du Recueil Sirey, Paris, 1929.

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1,.; lnvestment .Trust statutaire est Ie plus facile à. définir et n' offre­

guère de problèrnes juridiques particuliers.

11 se réalise par la création d'une société, en pratique d'une

société anonyme, qui a pour objet social d' acquérir des valeurs

mobilières en vue de constituer un portefeuil'le qu' elle gère dans

I:intérêt de ses actionnaires.

· .Pareil lnvestment Trust est en réalité une société d'investisse~

meQt. La sauvegarde de son caractère . propre est assurée par les

dispositions légales ou réglementaires qui la régissent.

On rencontre des sociétés de ce type en F rance. Eli es ont été

dotées d' un régime spécifique par diverses dispositions légales :

~~donn~nce du 2 novembre 1945, décret du 30 juin 1952 et loi

du 6 février 1953. L'ordonnance du 2 novembre 1945 distingue

l~s « Sociétés Nationales d'lnvestisseinent » et les « Sociétés Privées

d'lnvestissement », selon qu'elles sont constituées avec ou sans

intervention de l'Etat (1). Ën fait, une seule « Société nationale. d'lnvestissement » a vu

le jour, ses statuts ont été app.rouvés par décret du 24 février 1949. 11 existe huit sociétés privées d'investissement. Toutes les sociétés

d'investissement doivent avoir tin capita! minimum. La loi limite

leur activité à la gestion du portefeuille qui constitue leur actif et

leur interdit toutes opérations qui 'leur feraient perdre leur caractère

essentiel.

Elles doivent également respecter des règles relativement strictes

quant à la composition de leur portefeuille, à la dispersion des ris~

ques et à la répartition de leurs bénéfices.

Enfin des dispositions spéciales régissent la responsabilité des

comm1ssaues. Aux Pays~Bas, également, existent des lnvestment Trusts de type

statutaire. La structure de l'Investment Trust de type conventionnel est

beaucoup plus complexe.

Trois éléments doivent être pris en considération

a) Ie groupement des épargnants,

b) Ie « Trustee », personne morale ou privée qui assume la gar~

de et la gestion du portefeuille~titres,

c) la masse des titres qui constituent ce portefeuille.

() N . I . . . 'd' 1 ous empruntons ces rense1gnements et ceux ·qm smvent 1mme mtement à l'excellent rapport de M. CAILLIEZ, dont quest!ion Ci-dessu's,

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- 1,75 -

· 11. peut arr1ver d' ailleurs, que la garde et la ges ti on des ti tres

~oient disjointes, Ja première étant confiée à un institut bancaire et

la seconde à une société de gestion.

Il est malaisé de définir exactement les liens juridiques qui se

nouent entre les djfférentes parties intéressées à la constitution d'un

lnvestment Trust conventionneL

En droit anglais, la convention de Trust a des effets réels en ce

sens qu' elle modifie Ie régime de la propriété des biens qui en sont

I' objet. ·

On considère généralement, en effet, que, pendant Ie temps de son administration, 'le Trustee n' est pas seulement Ie représentant

du bénéficiaire, mais aussi Ie « legal ow~er », le propriétaire en

vertu du Common Law, des biens constituant Ie Trust, Ie bénéficiaire

conservant un droit d' équité sur le Trust et sur son exécution

( CURTI, M anuel de droit civil et commercial anglazs, t. I, p. 1 7 8; -MoTULSKY, Revue critique du droit international, 1948, pp. 460 et 461 ;

- HALSBURY's, Laws of England, 1939, V. Trust, n°5 140 et 142).

Il semble difficile,. voire impossible de réaliser en droit beige

r équivalent exact du Trust anglais ( cfr MoTULSKY, étude citée).

Est~il possible, à tout le moins, d' édifier un lnvestment Trust

conventionnel en utilisant les types de contrat que notre régime

juridique met à la disposition des- particuliers?

On estime parfois, et telle fut la thèse défendue par les rappor~ teurs beige et néerlandais lors de la réunion organisée par Ie Centre

d'Etudes de Droit Fiscal, qu'un lnvestment Trust conventionnel

pourrait être réalisé au moyen de deux contrats, un contrat d'indi~

vision entre les différents épargnants qui participent à la constitu­

tion du portefeuille collectif et un contrat complexe - mandat,

dépot et louage de services - conclu entre eux et la personne char­

gée de la gestion et de la garde des titres mis en commun.

Les titres composant Ie portefèuille collectif resteraient clone la

copropriété des épargnants intéressés, 'Ie dépositaire~gérant n' ayant

d'qutres droits à leur égard qu'un droit de garde et un droit d'admi­

nistration au sens Ie plus large du terme.

Précisons certains aspects de cette solution.

1° Un lnvestment Trust constitué sur les bases que nous venons

dïndiquer ne peut être considéré comme une association en parti­

cipation. Dans celle-ci, en effet, Ie gérant agit en nom propre à I' égard des tiers et est réputé, à leur égard, propriétaire des fonds

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- 176 _::__

et valeurs qui lui ant été remis par les participants. Dans la solu~

tian que nous examinons, au contraire, Ie dépositaire~administrateur

agit au nom des épargnants et comme leur mandataire.

zo Le groupement des épargnants ne peut être considéré comme

une société.

Sans nul doute, tous les participants mettent-ils quelque chose

en commun en vue de réaliser un gain à partager entre eux ( 1 ).

Ce gain n'est cependant point Ie fruit d'une véritable exploita­

tian, maïs uniquement d'une gestion avisée du patrimoine collectif.

Au surplus, les bénéficiaires duTrust n' ont point l'intention de par­

ticiper effectivement à sa ges ti on puisqu' ils se déchargent expressé­

ment de ce soin sur le dépasitaire gérant ( 2). I1s ne peuvent donc

former qu'un groupement dïndivisaires sans personnalité juri-

di9ue.

Jo Il découle de ce qui précède que les fonds m1s en commun

sont la copropriété des épargnants. 11 s'agit là d'une indivision

volontaire et organisée à laquelle convient parfaitement I' expres­

sion, utilisée par DE PAGE, de propriété callective.

L' examen détaillé des rnérites et des faib'lesses de la salution

que nous venons d'indiquer nous entraînerait trop loin. Signalans

seulement quels en sont les principaux avantages. Ou point de vue

fiscal, son intérêt réside en ceci que les plus-values réalisées à la

suite de cessions de titres échappent à la taxe professiannelle, même

si les conditions prévues à l' artic1e 2 7 des lois caardonnées d' impot

ne sant point réunies. Les titres constituant Ie patrimoine collectif

ne sont point, en effet, dans ce système, la propriété de la société

de gestion mais des épargnants et ceux-ci ne sont point soumis,

camme tels, à la taxe prafessionnelle ( 3 ) •

En autre, elle permet aux épargnants d' obtenir plus facilement

remboursement de leur mise. En effet, les règlements des lnvest­

ment Trusts conçus sur cette base prévoient généralement que,

(l) Les épargnants qui constituent un lnvestment Trust ont, en effet, en vue, non . seulement la dispersion des risques, ma is aussi une gestion plus rationnelle et plus avisée de leur épargne. Ce dernier avantage se traduira normalement par un gain positif.

(2) 11 convient, cependant, de souligner qu'aux Pays-Bas certains lnvestment Trusts ont adopté des « règlements d'administration » qui approchent de très près les formes juridiques de la société anonyme et donneut des pouvoirs étendus à l'assemblée générale des indivisaires.

(8) Une difficulté peut surgir cependant lorsque certains des participants au trust sont soumis à la taxe professionnelle sur tout accroissement de leur avoir ( entreprises personnifiées, p. e.x.).

N• 4488

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sauf circonstances exceptionnelles qu'ils déterminent, les co-indivi­

saires peuvent obtenir, à tout moment, remboursement de leur part. 11 n'en est point ainsi lorsque l'lnvestment Trust est constitué

sous forme d' une . société arionyme.

Peut-être pourrait-on se demander, cependant, si le mandat per­

met d'atteindre dans notre droit les résultats que I' on obtient en droit anglo-saxon a1,1 moyen du cantrat de Trust. Le mandataire

agit, en effet, au nom de celui ou de ceux qu'il représente. 11 doit

faire connaître cette circonstance aux tiers avec qui il traite, et indi­quer, s'il en est requis, ,Ie nom de ses mandants. Le respect de cette

Qb}igation paraît difficile lorsqu'il agit au nom d'une collectivité

qui peut grouper des· milliers d' épargnants dont l'identité est incon­

nue, leur qualité découlant de la possession d' un titre au porteur

cessible par simple tradition. Cette difficulté est atténuée en droit

anglo-sàxon car le Trust, sans être pour cela une personne morale,

est cependant doté d'une certaine autonomie en considération des

fins qu'il poursuit. Dans notre droit cependant, la difficulté est

réelle. En effet, si une personne peut se porter fort pour un tiers

à déterminer, ou stipuier en sa faveur, elle ne peut agir comme représentant d'un mandant anonyme, hormis l'hypothèse d'un can­

trat de commission, mais alors elle est considérée comme titulaire,

?. I' égard des tiers, des droits et obligations découlant de î' acte

accompli par elle, résultat que veulent éviter, précisément, les

partisans de 1' In vestment Trust conventionneL 11 y a là un problème dont l'importance ne doit point être souli­

gnée. Nous ne doutons point cependant qu'une réflexion plus pous­

sée ne perroette de lui trouver une solution.

* * * Les quelques considérations qui précèdent n'avaient point d'autre

but que de préciser certains aspects de la question que nous venons

d' examiner. Elles n' auront point été inutiles si elles peuvent contri­

boer à éclaircir quelque peu les problèrnes que pose l'introduction

dans notre droit d'une institution fort différente de celles que nous

connaissons actuellement.

1. G. RENAULD.

JfO 4488

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No 4489.- Cour de cassation (ze eh.). - 8 février 1955.

(DEUX ESPECES)

Siég. : MM. Giroul, prés. f.f.; De Bersaques, cons. rapp.; Delange, av. gén.

I. Sociétés commerciales. · - Transformation d'une société anonyme en une ~ciété de persounes à responsabilité limi!tée, ou d'une société en nom oollectif en une société anonyme. - Création d'un être jm·idiique nouveau ( deux espèces).

n. Impots sur les revenus. - Transformation d'une société anonyme en une société de person'nes à responsabilité limitée. - Déclaration par la société nouvelle des bénéfices réalisés par la société ancienne. - Déclaration nulle. - Arrêt · ayant admis que ootte décla:t;atio:ri nuU'e peut servir d~indice à l'administration pour établir d'office l'impöt ~û pal' la sodété ancienne. -Pas de contradicti.on (tr• espèce).

m. lmpots sur les revenus. - Transformation d'une société en nom collectif en société anonyme. - Entraîne partage de l'avoir social (2" espèoo).

I. La transformation d'une société anonyme en tme société de persottnes à t·es­ponsabilité limitée ou d'une société en nom collectif en tme société anonyme entmine nécessait·ement ct·éation d'un être juridiqtte nouveatt ( dettx espèces}.

11. Lorsqu'une société anonyme s'est transfot·mée en une sociéte de pet·sonnes à responsabilité limitée, la déclaration faite par la société nouvelle des bétzéfices réalisés par la société ancienne est sans valeut· et ne peut faire obstacle à ce que l'administration taxe d'office la société attcienne .. N'est poittt contmdictoit·e l'at·rêt qui, tout en affit·mant niille cette déclaration, admet cependattt que l'administra· tion puisse l'utiliset· comme ittdice ett vue d'établir d'office les béttéfices de la société attcientte (première espèce).

UI. La trattsfot·matiott d'tme société im nom collectif en tme société anonyme entt·aîne parlage de l'avoir social. L'article IS, al. 2, des loi$ coordonnées d'impot est donc applicable à i' occasion de pm·eille opémtion ( deuxième espèce).

Première espèce,

S.P.R.L. « Anciens Etablissements C. Miravet » cj l'Etat beige (Ministre des Finances.)

La Cour, Ouï M. Ie Conseiller De Bersaques en son rapport et sur les conclusions de

M. Delange, Avocat général; Vu I' arrêt attaqué, rendu Ie 30 ju.in I952 par la Cour d'appel de Bruxelles;

' Sur Ie fwemier moyett, pris de la violation des articles 97 et 112 de la Consti­tution, des articles J4I, I42 et 470 du Code de procédure civile, des articles I3I9,

I320 et I322 du Code civil,. des articles I, 2, 3, 25, 26, 27, 3I, 32, 53, 54, 55 et s6 des lois relatives aux impots sur les revenus, coordonnées par arrêté royal du 3I juillet I943 et par arrêté du Régent du IS janvier I948, et de l'article 116 de l'arrêté royal n° 64 du 30 novembre I939, contenant Ie code des droits d'enre­gistrement,

en ce que l'arrêt attaqué, après avoir constaté souverainement qu'« il n'est pas

:N~ ·448·9

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•contesté que la requérante, qui continuait l'exploitation .de la s~ciété anónyme,. sous une nouvelle forrne juridique, prise Ie I9. déèeriibre I94I, a fait une décla-· ration irrégulière pour Ie même exercice », ajoutant que « la requérante n'a ·modi-· fié que sa forme juridique·», 'et après avoir proclamé que 1'<< impot est établi sur Jes bénéfices des exp}oitations commerciales, industrielies OU agrico}es et non des sociétés », décide néanmoins que la déclaration intraduite par la requérante, societé ·de personnes à responsabilité limitée, dans les conditions ainsi ,précisées, -est sans valeur, et que, en conséquence, la taxation d'office mise à charge de la société anonyme, est Iégale, celie-ei ayant négligé de déclarer ses revenus, ce faisant }'arrêt attaqué, première branche, a violé la foi due 'à l'acte authentique prémentionné du I9 septembre I941, sur lequel cependant l'arrêt appuie · son dispositif et que Ie défendeur invoque pour justifier sa thèse de non-validité de la déclaration, déposée par la demanderesse, ainsi que de la taxation d'office qui s'en·. est suivie; seconde bni1tche;· a versé dans une · contradiction, en déclarant d'une part, la déclaration litigieuse inexistante au regard des bénéfices. afférents à la p,ériode de l'année I94I,. durant laquelle l'exploitation était sous la forme de société anonyme, et en considérant, d'autre part, comme légale, la cotisation d'office, alors ~ependant qpe celie-ei avait été établie sur base de bénéfices rela­tifs à la dite période, et qui étaient compris dans la déclaration :

Sm· la première bt·anche :

Attendu que ·J'acte authentique · du I9 décembre I94I mentionne que les cinq comparants, en leur·s qualités de seuls actionnaires de la société anonyme beige Anciens • Etablissements C. Miravet, dont ils possèdent ensemble tous les titres, ainsi qu'il en est justifié devant Ie notaire instrumentant, ont déclaré constituer, par transformation de la société anonyme existant entre eux, une société de per­sonnes à responsabilité limitée ayant la même dénomination et poursuivant la même activité;

Attendu que pareil acte implique la dissolution de la société anonyme et la creation d'un être juridique nouveau, distinct de la société anonyme à laquelle il succède; ~ Attendu que si eet acte semble attribuer à la société de personnes à responsa"'

bilité limitée, les bénéfices réalisés à partir du Ier janvier I94I, pareille stipu}a.;. tion n'est pas opposable à l'administration qui doit cotiser les sociétés intéres.r sées suivant les modalités et les bases différentes prévues pour chacune d'elles par les lois d'ordre public, relatives à I'établissement de I'impot;

Attendu que les bénéfices afférents à la période du Ier janvier au I9 décembre I941 avaient été réalisés par la société anonyme, pers01ine morale distincte de Ia sóciété de personnes à responsabilité limitée, et devaient être déclarés par la société anonyme elle-même, conformément aux artides 32, paragraphe 2, et 54, paragraphe Ier, dernier alinéa, des lois coordonnées par l'arrêté royal du I2 sep­tembre I936; qu'en décidant qu'à défaut de pareille déclaration, I'adminis.tration était légalement fondée à recourir à la taxation d'office à cha~ge de la société anonyme et en considérant que la déclaration globale faite. par la société de persaniles à responsabilité limitée pour les revenus de toute l'année I94I était, à eet égard, inopérante, I'arrêt attaqué n'a pas violé la foi due à l'acte authen­tique. du I9 décembré I94I;

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Sur la seconde bt·anche : Que l'ar~êt attaqué n'a versé dans aucune contradiction en prociamant nulle

la déclaration faite par la société de personnes à responsabilité limitée pour la période du 1er janvier au 19. décembre 1941 et en donnant à cette déclaration la valeur d'un indice pour établir la cotisation d'offife à charge de la sociétét ano· nyme;

Attendu que Ie premier moyen n'est clone pas I fondé en aucune de ses deux branches;

Par ces motifs, Rejette Ie pourvoi; ......

Deuxième espèce.

( L'Etat belge (Min. des Finances) contre Anûaux Léonie, Vve Laurent Georges.)

La Cour, Ouï M. Ie Conseiller Belpaire en son rapport et sur les co.nclusions de M. De­

lange, Avocat général;

Vu les arrêts attaqués, rendus les 12 juillet 1951 et IS février 1953 par la Cour d'appel de Liège;

I. (Sans intérêL) 11. En tant que Ie pourvoi est. dirigé contre I' arrêt du 18 février · 1953;

Sttr Ie Pt·emier moyen, pris de la violation de l'article 97 de la Constitution pour motivation contradictoire des arrêts des 12 juillet 1951. et 18 février 195~, ce qui équivaut à absence de motifs,

en ce que l'arrêt définitif du IS février 1953 affirme qu'aucun élément du dossier ne relève un partage de l'avoir social de la société en nom collectif « Laurent et Stévenart >>,

alors que l'arrêt interlocutoire du 12 juillet 1951 déclare que la société en nom c·ollectif « Laurent et Stévenart » fut mise en liquidation en 1937 et transformée en société anonyme et qu'à cette occasion Ie requérant reçut, pour ses apports, ~-444 actions de capita} entièrement libérées, lesquelles sont réellement entrées dans son patrimoine; que cette déclaration implique indubitablement Ie partage de l'avoir social de la société en nom collectif « Laurent et Stévenart », résultant de l'acte constitutif de la société anonyme. Brasseries de Dinant;

Sur Ie second moye11, pris de la violation des articles 97 et II2 de la Constitu­tion, 15, paragraphe 2, 25, paragraphe Ier, 1°, 27, 35, paragraphe 2, 2e alinéa, 37,

39 et 42 des lois relatives aux impots sur les revenus coordonnées par arrêté royal du 12 septembre I936; I, 2. et 8 de la loi du 17 juin I938 rétablissant la contribution nationale de crise; 1319 et 1320 du Code civil; 2, IS, 17, 26 et 41

des lois relatives aux sociétés oommerciales coordonnées par l'arrêté royal du

30 novembre I935, en ce que, première bt·anche, la Cour d'appel ad met avec la . requérante que

l'acte authentique du 22 septembre 1937 constitutif de la société anonyme «Bras­series de Dinant » ne consacre qu'une simp~e transformation directe de la société en nom collectif « Laurent et Stévei:tart » et que Jes statuts de la société anonyme

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nouvelle ont été purement et simptement mis en concordance avec les disposi· tio~s Iégales qui régissent Ie nouveau type de société adopté;

deuxième branche, l'arrêt attaqué du 18 février 1953 reproche à l'administra· tion des contributions directes de s'être écartée de la thèse de la transformation pure et simple admise par l'administration de l'enregistrement;

tt·oisième branche, Ie même arrêt déduit des pièces du dossier que l'adjonction de cinq nouveaux associés ,..- dont un créàn,cier faisant apport partiel de sa créance sur Ia société en nom collectif « Laurent et Stévenart » - de même que l'apport immobilier nouveau de M. Stévenart ainsi qu'une nouvelle. répar· tition des droits de MM. Laurent .et Stévenart sur la contre-partie de leur parti· cipation respective apportée ne sont pas de nature à énerver la thèse de la simple hansformation ;

quatrième branche, la Cour d'appel décide que rien ne révélant dans Ie- dossier, soit une liquidation, dans Ie sens exact de ce terme, soit un partage de l'avoir social de l'ancienne société, répute non taxabie l'attribution au requérant, auteur de Ia défenderesse en cassation, des 1.444 actions de capital de la société anonyme « Brasseries de Dinant >> à laquelle il avait apporté sa participation par la société en no~ collectif « Laurent et Stévenart » ;

alors, première branche, qu'il résulte de stipulations de I'acte authentique du 22 septembre 1937, que MM. Laurent et Stévenart, les deux seuls associés de la société en oom collectif prétendument transformée, oot comparu à l'acte susdit én leur oom personnet en même temps. que cinq autres fondateurs - totalement étrangers à la susdite société de persounes; qu'en libération de leur souscription dans Ie capital de la société anonyme « Brasseries de Dinant, ils oot notaroment apporté Ia totalité de leur participation respective dans la société en nom collec~ tH « Laurent et Stévenart » et que des actions de la société anonyme nouvelle furent attribuées aux sept fondateurs , en rémunération de leurs apports ou de leurs espèces; que, partant, on doit condure que la société en nom collectif « Laurent et Stévenart » a- été ·liquidée par cession totale de son fonds social à un êtrè juridique nóuveau, différant de Ia première société tant par la forme juridique adoptée que par Ia qualité, Ie nombre et les droits des associés;

-dettxième branche, que l'articie 12 de Ia: loi du 22 juillet 1931 est relatif à la seule petception des droits d'enregistrement; que Ia matière des impots directs~­

dominée par Ie souci de la réalité des situations productrices de revenus, n'est pas régie par ce texte Iégal;

troisième branche, qu'à Ia Iecture des doeurneuts reposant au dossier, il appert que les droits respectifs de MM. Laurent et Stévenart et Lannoye dans la société en nom collectif · ne se retrouvent que considérablement modifiés dans Ia société anonyme;

quatrième branche, que, vu l'interpréûttion à donoer aux renseignements foornis par l'administrati~n, i1 faut conclure que I'opération litigieuse, objet de l'acte authentique du 22 septembre 1937, entraîne incontestablement une li-quidation de la société èn nom collectif « Laurent et Stévenart » et que, 'dès "lors, chacun des associés de cette société, en particulier Ie sieur Laurent, auteur de la d-éfen~ deresse en cassation, doit être imposé sur les sommes qui lui oot été allouées ou attribuées, en espèces, en titres ou autrement - donc, notaminent e~ titres de la sodiété anonyme « Brasseries de Dinant » -, dans la mesure ou elles excè-

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dent sa part de capita] évalué_e suivant Ie presc·rit de l'article 15, paragraphe 2.,

des lois coordonnées :

Attendu que, à l'acte constitutif de la société anonyme « Brasseries de Dinant », Anciens Etablissements « Laurent et Stévenart », du 22 .septembre 1937 ont com­paru les sieurs Laurent et Stévenart avec cinq autres personnes, dont Ie sieur Lannoye;

Attendu que, dans l'exposé préliminaire de l'acte, il est déclaré notamment que les prénommés Laurent et Stévenart sont les seuls associés de la société en nom collectif connue sous la raison sociale « Laurent et Stévenart » et qu'ils ont décidé de transformer, avec Ie concours des autres comparants à l'acte, la dite société en nom collectif en une société anonyme, ayant Ie même objet et pour­suivant son activit~é;

Que, « à la suite de eet exposé, les comparants ont requis Ie notaire soussigné de constater authentiquement la transformation de la société en nom collectif Laurent et Stévenart en une société anonyme dont ils arrêtent les statuts comme suit »;

Attendu que, quelles que soient ses modalités, la transformation d'une sociéte en une société différente donne naissance à un être juridique nouveau, distinct dé la société originaire;

Attendu que, en décidant d'abord qu'à juste titre la requérante, ici défende­resse, qui est aux droits du sieur Laurent, soutient qu'il y a eu simple transfor­mation directe de l'ancienne société en nom colleetil et que les statuts de I~ société anonyme ont été purement et simptement mis en concordance avec le.s dispositions Iégales qui régissent Ie nouveau type de société adopté par Laurent

et ses associés, l'arrêt admet qu'il n'y a pas eu, contrairement au principe ei-des: sus énoncé, naissance d'une personnalité juridique nouvelle;

Attendu qu'en vain l'arrêt s'appuie principalement sur c·e que, en percevant sur l'acte du 22 septembre 1937 le droit d'enregistrement réduit par application de l'article 12 de la loi du 22 juillet 1931, l'administration des finances, direction de l'enregistrement, a adopté formellement la thèse de la transformation pure et simple et qu'il serait étrange et même contradictoire de voir la même adminis­tration des finances, direction des contributions directes, adopter une thèse diamé­tralement opposée;

Que la disposition légale précitée est étrangère à la matière des impots sur les revenus ;

Qu'au surp'lus cette disposition n'implique point que la transformation laisse subsister la société ancienne et ne crée pas une société nouvelle i

Attendu de même que ne peuvent justifier la décision critiquée les considéra· tions de !'arrêt concernant l'identité d'objet et d'activité, de locaux et de person· nel des deux sociétés i

Attendu que l'arrêt décide en outre que rien ne révèle, da~s Ie dossier, soit une liquidation dans Ie sens exact de ce terme, soit un partage de l'avoir social de l'ancienne société;

Mais attendu que l'article 5 des statuts de la société anonyme fixe Ie capital à 4 millions de francs chacune et 2.386 actions privilégiées de 1.000 franC's cha­_cune;

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Qu'après avoir constaté que « par suite de la présente transformation, tous les éléments actifs et passifs composant Ie fonds de commerce de la société Laurent et Stévenart deviennent la propriété de la société anonyme », et avoi~ attribué « en rémunération de eet apport» au sieur Laurent 1.444 actions de capita] entièrement libérées et au sieur Stévenart 70 actions de capital entière­ment Iibérées, l'article 6 des dits statuts dispose que la société anonyme reprend la situation active et passive de la société en nom collectif, arrêtée au 30 juin 1937, toutes les opérations, faites par cette société depuis cette date, étant pour Ie compte, aux profits et risques de la société anonyme;

Attendu qu'il résulte de ces stipu]ations que les seuls associés de la société en nom collectif, en faisant apport à la société anonyme de leur participation entière dans la société en nom collectif, ont mis fin à cette dernière par extinc­tion de la chose, conformément à l'article 1865 du Code civil, et que, eet apport portant sur tout l'actif net de la société en nom collectif, les dits associés ont terminé, non sans doute à l'égard des tiers mais entre eux, la Iiquidation de cette société par la répartition des actioris de la société anonyme, titres représentatifs du dit apport, entrés directement dans Ie patrimoine de chacun d'eux, dont l'auteur de la défenderesse;

Attendu que les mobiles qui, d'après i'arrêt, ont amené soit les associés Laurent et Stévenart et Ie créancier Lannoye à consentir à la transformation de la société ancienne, soit ces associés à déterminer leurs parts respectives dans cette société au moyen « d'une évaluation transactionnelle qui a obéi à des impératifs psychologiques plutot que mathématiques » sont impuissants à enlever à I'attribution litigieuse Ie caractère d'un piutage de l'avoir social par suite de liquidation;

Attendu que, en décidant que l'acte du 22 septembre 1937 n'a pas donné lieu, d'une part, à la naissance d'un être juridique distinct de la société en nom collec­tif, et d'autre· part, à la liquidation de cette dernière, l'arrêt a violé les disposi­tions indiquées au moyen;

Par ces motifs, Casse l'arr_êt attaqué. du 18 février 1953; ......

Observations. - I. L'arrêt de la Cour d'appel de Liège du 18 février 1953 a été publié dans la Revue sous Ie n° 4329 de 1953.

11. Les deux arrêts qui préeèdent ne nous paraissent pas devoir appeler de longs eommentaires. La Cour eonfirme sa jurisprudenee antérieure (voy. jur. eitée dans notre étude, Revue, 1953, p. 67), Nous avons indiqué antérieurement les dangers et les ineonvénients de la solution adoptée par notre Cour de eassation (id.).

Signalans à eet égard qu'une proposition de loi a été déposée devant la Chambre (Doe. Pari. 1954~55, n° 162).

Elle tend à faire eompléter I' artiele 15, § 2, al. 1 er, des lois et arrêtés relatifs aux impots sur les revenus par >la disposition sui""

vante :

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« N' est pas considérée comme un cas de partage ·d-e l' avoir social la transformation d'une société possédant la personnà.lité juridique ~n une autre société possédant la personnalité juridique, à condi­tion que les éléments de l' actif et du passif de la société existante soient transférés tels quels dans les écritures de la société nou­velle. »

J. G. R.

No 4490. - Cour de cassation (ze eh.). - 29 juin 1954. Siég. : MM. de Clippele, cons. f.f. prés.; Bareel, rapp.; Ganshof van der Meersch,

av. gén. - Plaid. : Me Van Leynseele.

( Etat belge, Ministre des Finances, cj Société anonyme « Werkhuizen Armand Peeters ».)

Impot exn·aordinah1e. - Société anonyme. - Mode de calcul du bénéfice exceptionnel. - PéJ.iode de référence. - Rénumération des administnteurs.

Pour l'établissemeut de l'impfit extt·aordinaire à chm·ge d'une société anottyme, Ie cat·actère exceptiotttzel des bénéfices taxables se détermine par la comparaisou de /'ensemble des t·evemts obteuus pettdatzt la pét·iode imposable avec l'ensem,ble de ceux qui ont été déclarés ott imposés pe~tdattt la période de référence en y

compre~tant, de part et d'autre, l'iutégmlité des rému1tératio11s allouées aux admittistrateurs, smts appli~ation de l'ï.m.mtmisation de 6o.ooo frat~cs prévue à l'm·ticle 35, pm-. 3bis, des lois coot·données.

ARRET. La Cour; Vu l'arrêt attaqué, rendu par la Cour d'appel de Bruxelles le 14 jutn 1952; Sur le moyen unique pris de la violation des artic'les 97 et II2 de la Constitu-

tion et de l'article 4, § 5, de la loi du 16 octobre 1945 établissant un impot extra­ordinaire sur les revenus, •bénéfices et profits exceptionnels réalisés en période de guerre, en ce que }'arrêt attaqué annule la cotisation litigieuse à l'impot extra­ordinaire, en n'admettant les rémunérations des administrateurs dans la base imposable à l'impot extraordinaire qu'à concurrence de la partie qui excède 6o.ooo francs par an et par administrateur, alors que l'article 4, §5, de la loi du r6 octobre 1945 prévoit en termes exprès que, pour les sociétés anonymes, les éléments à comparer sont les bénéfices, dividendes compris, ainsi que les rému­nérations allouées aux personnes énumérées à l'article 25, § Ier, 2°, litt. b, des lois relatives aux impots sur les revenus, même si ces personnes ont, pendant la période imposable, perdu c·ette qualité, mais sont restées au service de la société;

Attendu que Ie caràctère exceptionnel des bénéfices imposables à l'impot extra· ordinaire créé par la loi du . 16 octobre 1945 est déterminé, notamment par la comparaison entre, d'une part, !'ensemble des revenus imposables obtenus pen­dant la période imposable et, d'autre part, l'ensemble de ceux qui ont été décla­rés ou imposés pendant une période antérieure, di te période de référence;

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Attendu que, lorsque Ie redevabie de l'impot extraordinaire est ( comme en l'espèée) une société anonyme, Ie caractère exceptionnel des bénéfices et Ie montant de ceux-~i s'étabiissent aux termes de l'article 4, § 5, de la loi du 16 octobre 1945, par comparaison des bénéfices, dividendes compris, ainsi que des rémunérations allouées, aux persounes énumérées à l'article 25, § 1er, litt. B, des lois coordonnées relatives aux impots sur les revenus - c'est-à-dire notaro­ment aux administrateurs - même si les administrateurs 'ont, pendant la période imposable, perdu cette qualité, maïs sont restés au service .de la société;

Attendu que, suivant la thèse de la défenderesse et de l'arrêt attaqué, les rému­nérations allouées, pendant la période imposable, aux administrateurs de la société défenderesse ne devraient, par application des §§ 3 et 3bis de l'article 35 des lois relatives aux impots sur les revenus, coordonnées par arrêté du 31 juillet 1943, être comprises dans !'ensemble des bénéfices de la société qu'à concur­rence_ du montant dépassant 6o.ooo francs par administrateur et par an;

Attendu que les dispositions des dites Iois coordonnées ne sont, aux termes de l'article 19 de la loi du 16 octobre 1945; applicables à l'impot extraordinaire créé par la di te loi que pour autant qu'il n'y soit pas dérogé par cette Ioi;

Attendu qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi du 16 octobre 1945 que, en ce qui concerne les. sociétés anonymes, il doit, pour la cpmparaison entre les bénéfices de la période imposable et ceux de la période de référence, être tenu compte, de part et d'autre, de la totalité des rémunérations allouées aux administrateurs;

Qu'il s'ensuit que l'article 4 de Ia loi du 16 octobre 1945, spécialement en son § 5, dérote aux dispositions de l'article 35, §§ 3 et 3 bis, des dites Iois coordon­nées, qui ne peuvent dès lors recevoir application en l'espèce;

Par ces motifs, casse l'arrêt attaqué, mais en tant seulement qu'il décide que les rémunérations des administrateurs dans l'actif à justifier de la défenderesse ne doivent être admises comme bénéfices qu'à concurrence de la part qui exC'ède 6o.ooo francs par an et par administrateur, en tant que l'arrêt annule, quant à ce, la cotisation litigieuse, et en tant que I' arrêt statue sur les frais; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision partiellement annulée; condamne la défenderesse aux frais; renvoie la cause a in si limitée à la Cour d'appel de Gand.

Observations. - Sous 1' empire de 1' artiele 3 5, § 3, des lois coordonnées, telles que celles-ei avaient été coordonnées par 1' ar­rêté des Secrétaires Généraux du 31 juillet 1943, les rémunérations àllouées, entre autres, aux ad~inistrateurs de sociétés anonymes étaient considérées comme faisant partie du bénéfice social au même titre que les revenus attribués aux actions. A cette règle, Ie § 3bis du même artiele 35 apportait une atténuation en ce qui con­cerne les. rémunérations allouées aux administrateurs exerçant au sein ·de la société des fonctions réelles et permanentes. Elle les immunisait à concurrence d'une somroe de soixante mille francs.

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L'article 4, § 5, de la loi du 16 octobre 1945 instituant un impot extraordinaire a, en ce qui concerne les bénéfices des sociétés, repris Ie régime consacré par l'article 35, § 3, des lois coordonnées.

La question qui s' est posée devant la Cour suprême est celle de savoir s'il est entré dans les intentions du législateur de 1945 d~ consacrer, en matière d'impêt extraordinaire, la même exonération

que celle prévue à I' artiele 3 5, § 3 bis.

L' arrêt que nous rapportons résout cette question négativement. Ainsi que 1' observe la Cour de cassation, les lois coordonnées d'im­pêts sur les revenus ne sont applicables à la matière de l'impot extraordinaire que pour autant qu'il n'y ait pas été dérogé par la

loi instituant Ie dit impot. Or, souligue 1' arrêt, en incorporant au · bénéfice social, tant pour la période de référence que pour la pério­de imposable, la totalité des rémunérations allouées aux administra~ teurs, sans aucune distinction, r artiele 4, § 5' de la loi du 16 octo­bre 1945 consacre une dérogation à l'artiel~ 35, § 3bis, des lois coordonnées, c' est dire que I' atténuation prévue par cette der'­nière disposition n' est pas susceptible d' être transposée dans lè

cadre de l'impot extraordinaire.

Observons que, déjà dans un arrêt du 9 février 195 0 {].P.D.F., p. 2 2 7) la Cour de cassation avait spécifié que les rémunérations à ajouter aux bénéfices à comparer doivent s' entendre des rému­nérations de toute nature quelle qu' en soit I' origine ( v. aussi Bruxel­les, 12 mars 1953, R. F., 1953, p. 693, et Bruxelles, 12 février 1955, S. A. «Etablissement Devroe »).

L. SEULEN,

Avocat à la Cour d'appel de Bruxelles.

No 4491. - Tribunal de commerce de Gand ( 1 re eh.) . 7 octobre 1950.

Siég. : MM. Claeys, prés.; Tavernier et Toegiers, juges; Cloquet, référ.

Plaid. : Me Maillet, avoc.

(Huys cj Vande Casteele q.q.)

Société anonyme. - L Délégation pal' Ie conseil d'administration de ses pou­voirs à un administt·ateur délégué. - IITégularité. - Responsabilité de tous les administrateurs. - n. Cautionnement des administrateurs. - Défaut. -Réputés démissionnaires. - Restent en fonction jusqu'au moment ou il a été pourvu à leur remplacement.

•• 4491

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I. Le conseil d'administration 11e peut déléguer ses pouvoirs à u11 de ses mem­

-ht·es que da11s les limites de la gestion jout·t~alière ou pour des actes détermi11és

( m·t. 63 des lois coordot~t~ées sur les sociétés com,nz-erciales). S'il délègue· la tota­

.Jité de ses potwoirs, les admit~istt·ateurs seront personnellement .responsables dtt

.flommage causé pm· les agissements dtt délégué. 11 en est d'autant plus ainsi s'ils

tJotzt pas exercé Ie moi11dre cotztt·ole sttr la façon do~t celui-ei a usé de ses pou­

voirs.

II. Si les admi11istrateurs qui n'ont pas déposé datts Ie délai légal les titt·es en

gm·mttie de leur gestion sont réputés démissionnaires, ils t·estent néanmoius

. administrateurs aztssi lottgtemps qu'il n'a pas été pourvtt à leur remplacemetzt.

Observations.- Ce jugement est reproduit, en néerlandais, dans

Je Rechtskundig Weekblad, 1950~51, col. 758.

11 a été confirmé par un arrêt. de la Cour d'appel de Gand du

·.12 avril 1954, reproduit d'autre part sub numero 4443.

Sur Ie premier point, consultez notamment : VAN RYN, Principes .. de droit commercial, t. I, n°8 5 83 et 649; - FREDERICQ, Traité de droit --commercial beige, t. V, n° 4 5 9; P ASSELECQ, Sociétés commerciales, _ n° 2 2 63 ; W AUWERMANS, M anuel pratique des sociétés anon:ymes, n° 4 1 3; .RESTEAU, Sociétés anon:ymes, t. Il, n°8 1104 et 1123; R.P.D.B., V

0

.. Sociétés anon:ymes, n°8 1116, 1117 et 1140; Cass., 6 février 1953, Revue, 1953, n° 4310; Civ. Bruxelles, 10 juillet 195'1, Revue, 1952,

. n° 4249; Liège, 21 mars 1944, Revue, 195 3, n° 4311 ; Civ. Namur,

5 mars 1945, Revue, 194 7, n° 3921; Civ. Gand, 13 mars 1936, et

··Gand, 19 juin 1936, Revue, 1938, n°8 3749 et 3750.

Sur les conséquences du défaut de cautionnement des adminis~

trateurs, voyez : VAN RYN, Principes de droit commercial, t. I, n° 642; .FREDERICQ, T raité qe droit c-ommercial beige, t. V, n° 4 5 2 ; PASSELECQ,

--Sociétés commerciales, n°8 1 849 et suiv.; W AUWERMANS, M anuei pratique ..des sociétés · anon:ymes, n°8 346 et 34 7; RESTEAU, Sociétés anon:ymes, t. Il, n°5 866 et suiv.; R.P.D.B., Vo Sociétés anon:ymes, n°8 7 42 à 7 46; Comm., Brux., 30 septembre 193 7, Revue, 1940, n° 3904; Civ.

Namur, 11 juillet 1938, Revue, 1939, n° 3818; Civ. Bruges, 1 0 juil~ Jet 1934 etGand, 12 déc. 1936, Revue, 193 7, n° 3624.

F. V.D. M.

N• 4691

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No 4.492. - Cour d'appel de Gand ( 1 re eh. civ.). - 19 juin 1952.,

Siég. : MM. Hans, xer prés.; Maraite et Axters, cons.; Vermeulen, 1er av. gén.

Plaid. : MMes Roosen, Lercangée et Cooreman, av.

(Ets. Caessens cj O.N.S.S.)

Société commerciale en liquidation. - I. Subsistance de l'individualité juri­dique. - Action en justice. - Assignation au siège social valable. - Mise en cause du liquidateur non requise. - 11. Subsistance du caractère com­mercial. - Til. Créancier, même civil, quaUfié pour demander la faillite. -Caractère civil OU commei·cial de la dette indrféren:t.

I. A tort une société e1z liquidatiou iuvoque la tzon-recevabilité d'une demande­etz déclaratiou de faillite parce qtte ne mettant pas en cause le liquidateur. La société commerciale, qui a contitzué à exister après sa dissolution. en vue de sa liquidatiotz et possède une pet·sontzalité distincte de celle de ses associés, est dûme11t assig11ée en son siège social confot·méme~tt aux dispositions de l'art. 69,. ·6°, al. 2, du Code de procédut·e civile.

II. U11e société 11e perd jamais son camctère commercial tant que sa liquida-· tion 11'est pas cl6turée.

111. Le créaucier d'ttne créance civile et le créa11cier d'une créauce cammerciale sont totts deux fo~tdés à poursuivre la faillite de leur débiteur. Une dette civile d'u11 commerçant peut entraîner sa faillite lorsque Ie non-payeme11t de cette dette· est de nature à ébranler son crédit commercial.

Observations. - L' arrêt est reproduit m extenso dans la Revue des Faillites (1952-53, p. 17).

Sur Ie I et Ie 11, voir Cassation, 10 décembre 1954 (Revue, 1955, n° 4463), 10 novembre 1950 (Revue, 1951, n° 4240), 8 janvier J 948 (Revtze, 1948, n° 4003), 8 mai 1930 (Revue, 1932, n° 3204) et. 5 mai 1911 (Revue, 1911, n° 2172), ainsi que ]. VAN RYN,

Examen de jurisprudence 1948-1953 (Revue critique de jurisprudence belge, 1954, p. 203).

Sur Ie lil, cfr Gand, 22 février 1952 (Revue critique de jurispru­dence belge, 1952, p. 268, avec note Cyr. DE SWAEF) ainsi qu'étude Paui PoLLET dans ].T. (1952, c. 264).

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- 189-

N<> 4493. -· Cour d'appel de Bruxelles (2 6 eh.). 7 -j~illet_1952.

Siég. : lYIM. Marcoux, prés., Baron Verhaegen, a;v. !l,én.

Plaid. : MMes H. François et Danhier, av.

(Van Wilder cf Wouters.)

'fitres au pm1:eur. - Obligations.- Meubles pm·. nature.- Compris tlans le legs de meubles et ob jets mobUiers se trouvant dans un. inuneuble.

Lorsqu'ut~ legs compt·end une villa que Ie défunt occupait et aussi tous {es meubles meublat1ts et objets mobUiers généralement quelconques - r.ien excepté "; t·éservé - se trouvant dat1s la propriété et parmi lesquels Ie testateur a pris soitl d' e11 énumét·et· ttn cet·tain nombre, marquant a.insi sa volonté que soit donné attx mots employés Ie sens Ie pltts étendu possible, font partie de ce legs les obligations trouvées à la mortuaire et qui. sont des ti tres au porleur - et, comme tels, des mettb/es pat· leur nature.

ARRET.

La Cour ...

Attendu qu'en des considérants que la Cour adopte, Ie premi~r juge a exacte­

ment déterminé la portée de la disposition testamentaire par laquelle Ie de cujus

a défini la consistance de son legs à l'intimée;

Attendu qu'aux termes de cette disposition, ce legs comprend « la villa Welcome

que Ie défurit occupait à Strombeek-Bever et aussi tous les meubles meublants

et objets mobiliers généralement quelconques - rien excepté ni réservé - se

trouvant dans la propriété » et parmi lesquels Ie testateur a pris soin d'en énu­

mérer un certain nombre, marquant ainsi sa volonte que soit .donné aux mots

employés Ie sens Ie plus étendu possible, puisque, dans cette énumération, il a

expressément ioclus des biens, tels que I'<< argent liquide» qui, suivant les arti­

cles 533, 534 et 535 du Code civil, ne sont normalement ni couverts par ces mots

ni compris dans « Ie don d'une maison avec tout ce qui s'y trouve »;

Attendu que font donc partie du Iegs à l'intimée, les obligations trouvées à la

mortuaire, reprises à l'inventaire et qui sont des « titres au porteur >> - et, comme

tels, « des meubles par leur nature » ( cf. DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil belg,e, t. V, n°5 702, 1038 et 1039; GALOPIN, n° 42; Liège, II juin 1919,

Pas., 1920-II-182; Rép. prat. dr. beige, v<> Possession, n° 35.5 et jurispr. y citée);

Par ces motifs, ... confirme Ie jugement dont appel.

Observations. - Cet arrêt, dont le texte est reproduit intégrale­

ment dans la Pasicrisie ( 195 3-II-35). consacre, en considération de

circonstances de fait, la conception de la situation au lieu ou se

trouvent les titres au porteur, des créances représentées par ces

ti tres. On Ie ra pprochera des arrêts rendus par la Cour d' appel de Liège le 3 mars 1 <149 (Revue, 1954, n° 4412) et la Cour d'appel de Bruxelles Ie 13 juillet-1953 (Revue, 1954, n° 4410).

Page 62: N'? 44 1953 · 14 juillet 1953, rapport de la Commission de la jusdce du Sénat _(Doe. pari. Sénat - session 1952~ 1953, n° 458). 1 7 juillet 19 5 3, Ie projet est adopté par Ie

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No 4494. -· - Tribultal de commerce de Gand (Je ~h.). 5 mars· 1953.

Siég. : MM. de 'smet, • prés. i V~m i-Ioorebeke et Achterma,ns, jug.; Clocquet, réf. Plaid. : MMes Fredericq, Goffin et Schöller, av.

(Sorhaus c/ Moens et cts.)

Action en justice. - Socit~té étrangère. - Pas die mention du nom des gél"allts. - Nullité.

Un exploit d'ajournemen·t sign-ifié à la requ~te d'une société étt:attgèt·e est nulle lot·sque le nom de ses gérants n'esl: pas mentionné .

. . Observations~ - Le jugerrie.nt est reproduit dans R~chtskundig

Weekblad ( 1954~55, p._ 390).

Il contient référence à : Bruxelles, 26 mars 1938 (BJ., 1938, 39 7), Comm. Bruxelles, 9 mars 1 949 (Re'Vue, 1 9 5 0, n° 4116), Comm. Liège, 13 mars 1951 (Re'Vue, 1951, n° 4226).

Adde Bruxelles, 1 7 novemhre 195 r (Revue, 1954, n° 4385).

·No 4495: - Tribunal de }re instanee de Marche-en-Famenne.

31 octobre 1952.

Siég. : MM. Rezette, Leboutte et Warnotte. et Rossignon, avoc.

(Michel cj Closset.)

Plaid. : MMes Petit

Actes de commerce. - Gérant <le société. - Non commerçant. - Participa­tion aux bénéfices. - Inopérance.

Le. gérattt d'une société (en l'espèce anonyme) n'a pas la qualité de commer­çant.

La circonstance qu'il perçoit à titre de t·émunémtion une pat"tie des bénéfices réalisés par la succursale qu'il dirige tte peut avoir comme conséquettce de lui fah·e acquérit· la qualité de commerçattt,· il s'agit là d'un mode de calcut de la t·émtmération satts influettce sur le camctèt·e des fonctions exm·cées.

Observations. - Le texte du jugement est reproduit dans la jurisprudence de la Cour d' appel de Liège ( 19 5 2~5 3, p. 68).

La solution adoptée par Ie tribunal ne fait pas doute, en tant quïl s'agit de rejeter la qualité de commerçant dans le chef d'un gérant, prétendument fondée sur Ie seul fait qu'il participe à eer~

tains bénéfices (cfr, óutrè les décisions citées par Ie jugement, Comm. Bruxelles, 21 mars 1939, Revue, 1948, n° 3986).

:N0-'4495

Page 63: N'? 44 1953 · 14 juillet 1953, rapport de la Commission de la jusdce du Sénat _(Doe. pari. Sénat - session 1952~ 1953, n° 458). 1 7 juillet 19 5 3, Ie projet est adopté par Ie

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Autre chose est de savoir si le fait pour une personne de vou

son activité au profit d'une société rémunérée à titre principal par

une participation dans les b~néfices ne lui confère pas la qualité

d'un associé ( ce qui, dans certains cas, lui conférerait aussi la qua­

lité de commerçant).

Elle n'en serait séparée, semble-t-il, que la par la subordination,

tenue dans I' opinion courante pour exclusive de I' animus socii ( cfr

Cass., 25 septembre 1947, Revue, 1953, n° 4323 et obs. sous Cass.,

9 octobre 1952, Revue, 1954, n° 4340 in fine). P.D.

N{) 4496. - Tribunal de commerce de Bruxelles (Se eh.) .

13 novembre 1954. Siég. : MM. Bernaerts, prés.; Ca~ette et Meersmans, jug.; Berten, réf.

Plaid. : MMes De Vis et André Thomas, av.

(Van Beekhoudt cf Faillite Etablissl!'f11.ents Liko.)

Faillite, privilège des n•ais de justice. - Etendue. - Acte constitutif d'une s. p. r. 1. - Pas de privilè~1e pom· les honorah·es et avances du n&tail'e.

Quelque étendue que puisse êtt·e la ttotion de ft·ais de justice, il faut en totts cas pout• que les /mis exposés soient p1'ivilégiés qu'ils aient été faits dans l'inté­rêt commun .des créanciers, qu'ils aient ett pour objet la conservation, la liqui­dation et la t·épm·tition de leur gage commun.

Les hottomi1·es du notait·e devatzt lequel l'acte constitutif d'une société de pet·sonnes à responsabilité limitée est passé, les dt·oits d' em·egistrement dottt il fait l'avattce et les frais de publication de l'acte n'ont ttormalement pas un tel elf et.

Les frais exposés au pt·ofit des associés ne sont pas les frais faits dans l'inté;­t'êt commun des ct·éattciet·s.

L'acte authentique et sa publication so11t des formalités qui profitent avant tout aux /ottdateurs et associés. Les associés comme tels tte sant pas des créau­ciers.

Ces formalités sont imposées aussi dans l'intérêt des tiers. La publication te7td .i sauvegarder non les droits et Ie gage des créanciers, mais les intérêts des tiers, de ceux qui poun·aient co11tmctet· avec la société.

Pour appt·éciet· si les frais ont été exposés dans l'intét·êt commun des créan· ciet·s, il faut en voir les cottséquences dans leur ensemble.

Observations. - Le jugement est reproduit intégralement dans

la Revue des Faillites (1954,-55, p. 25).

Page 64: N'? 44 1953 · 14 juillet 1953, rapport de la Commission de la jusdce du Sénat _(Doe. pari. Sénat - session 1952~ 1953, n° 458). 1 7 juillet 19 5 3, Ie projet est adopté par Ie

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BIBLIOGRAPHIE

No 4497. - F onnulaire annoté de Procédure commerciale, par

Charles Van Reepinghen, avocat à la Cour d'appel de Bruxel­les, et Pierre Reyntens, juge au Tribunal de 1 re instanee de

Bruxelles. - T ome li : Commerçants - Gage commercial -

Contrat de transport, par M. L. J eanmart, avocat à la Cour d'appel de Bruxelles -·- Faillites et concordats, par W. Bour­

geaux, avocat à la même Cour d' appel. - 610 pages. Bruxel­

:les, Maison F erdinand Larcier, 19 5 5.

11 y a trois ans, nous avions Ie plaisir d'annoncer aux lecteurs de la Revue pratiqtte des sociétés l'édition du premier volume du Formttlait·e de Procédttre commerciale, consacré aux sociétés, et qui était l'reuvre du notaire Albert Raucq.

Le second volume est consacré à des matières intéressant à un moindre degré les spécialistes de la matière des sociétés. Rares pourtant sont les praticiens du droit des sociétés qui n'ont à faire fréquemment dans les autres matières com­merciales. Rares aussi par conséquent ceux qui n'accueilleront pas avec satisfac­tion ce nouveau fruit, dû à la collaboration de deux avocates du barreau de Bruxel­les, dont Ie mérite est connu, et se fait ici reconnaître.

Important ouvrage, ou la précision des formules repose sur une riche informa­tion jurisprudentielle et doctrinale.

Qu'il s'agisse des .actes relatifs à la capacité ou l'habilitation des personnes au regard des rapports commerciaux, aux contrats de gage ou de transport, qu'il s'agisse de la faillite ou de ses substituts, les auteurs oót su être intéressants et utiles.

La matière de la faillite, du sursis et du concordat dit jpdiciaire, a été parti­culièrement étudiée. Juges commissaires et ·curateurs, débiteurs ou créanciers, et leurs conseils, trouveront ici des ressources abondantes ou ils pourront puiser à pleines mains.

P.D.'