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236 Juillet – août 2012 [ Dossier ] L’ESPRIT MILITAIRE

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N° 2

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[ Dossier ]

l’esprit militaire

DOSSIER

l’esprit militaire

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p. 02 à 12

[ L’environnement opérationnel ]la culture au service du militaire

[ L’esprit militaire ]uNe maNière d’être, de peNser et d’agir

l’esprit militaire c’est…l’appreNtissage et le partage de valeurs humaiNesCelui qui s’engage, comme tout homme d’ailleurs, a déjà ses propres valeurs. L’institution va lui en inculquer d’autres qui ne sont pas naturelles, comme la fraternité d’armes ou l’esprit de sacrifice. Il devra les accepter. Faisant partie de lui, il ne les remettra pas en cause pour servir son pays en tout lieu et tout temps. » Colonel Jean-Marc Bacquet, chef de la division logistique au CFT.

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Q u’est-ce qui caractérise tant notre institution et la distingue d’une collectivité civile ? Beaucoup répondent avec la même convic-tion : « dépassement de soi »,

« dévouement », « camaraderie », « solidarité », « exigence » ou encore « cohésion ». L’esprit mili-taire regroupe tout cela à la fois, comme le sti-pule l’article 1 du statut général des militaires : « L’état militaire exige en toute circonstance esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu’au sa-crifice suprême, discipline, disponibilité, loya-lisme et neutralité. » En s’engageant pour son pays, le militaire choisit ainsi d’embrasser

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Janvier 2010. Le président de la République adresse ses vœux aux armées, à Vannes. Devant les marsouins du 3e RIMa, il rappelle que l’engagement des militaires se traduit par des « valeurs les plus profondes : l’honneur, le patriotisme, la discipline, la fraternité ». Avec les changements intervenus au cours des dernières années et à l’heure de la finalisation de sa transformation profonde, l’armée de Terre se recentre autour de ces valeurs, véritable guide pour tous les soldats qui la composent. Comment se définit l’esprit militaire et comment se cultive-t-il ? TIM a donné la parole à ceux qui ont choisi de servir la France.

uNe maNière d’être, de peNser et d’agir

[ L’esprit militaire ]

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Texte : CNE Céline BRUNETAUD • Photos : ADC DRAHI, ADC GEsquIèRE / sIRPAT, ADJ DHE / sTI de Lyon, ADJ KARAGHEzIAn / ECPAD, sCH LELIèvRE, CCH DumouTIER / sIRPAT, CCH mARIETTE / ECPAD, CCH TABonE / sTI de Rennes, BCH vInCEnT / sTI de metz

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sens du devoir, de l’esprit du sacrifice, de l’amour de la Patrie, de l’appel de la discipline. Il exige du dévouement, il re-commande du courage car il comporte l’acceptation du risque […] »1

« On ne naît pas militaire, on le devient. » même pour le caporal-chef Benjamin Itrac, bercé par un idéal né de sa passion

pour l’histoire de France, la transition ne fut pas simple. À 20 ans, le jeune civil a intégré la communauté si particulière de la Défense. Au 3e régiment d’infanterie de marine, il a appris à être militaire. « S’engager est une lourde responsabilité. C’est être convaincu que l’on porte les ar mes de la France. » Aujourd’hui blessé de guerre2, il est affecté à l’état-major de

l’armée de Terre, mais cet esprit acquis en régiment reste toujours ancré en lui. Porter les armes de la France, c’est servir sous les couleurs de notre pays. Force est

de constater que le drapeau tricolore3, celui-là même qui flotte sur tous les bâtiments publics, n’a pas la même importance pour le militaire que pour ses concitoyens. Emblème national de la République française, garant de ses valeurs, il légitime l’action de nos soldats et leur confère des obligations hautement dif férentes – qu’il s’agisse de faire usage de leurs armes ou de payer leur engagement au prix de leur vie. Les soldats Bollengier et Benejam, du 1er régiment d’infanterie, le confirment : « S’engager, c’est avant tout se mettre au service de la France et de ses citoyens. »

apparteNir à QuelQue chose de plus graNd« Les militaires sont dévoués, solidaires et se dépassent pour un être et un bien collectif : l’ar-mée de Terre », soutient le général Dominique Lefeuvre, commandant l’école des transmis-sions. Et le sens du service s’acquiert très tôt. « Dans les lycées de la Défense, le quotidien des élèves est rythmé par des rassemblements, le salut4 ou la levée des couleurs », indique le capitaine Cyrille Crisnaire, commandant une compagnie de classes préparatoires au Prytanée national militaire de La Flèche. « Sans oublier les grands rendez-vous comme la présentation au drapeau ou le baptême de promotion qui les inscrivent déjà dans les tradi-

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Prise d’armes aux Invalides le 5 décembre 2011.

En tant qu’enfant de troupe, j’ai voulu retrouver en m’engageant cet esprit de camaraderie. » Colonel Frédéric Sabia, du bureau logistique du CFT.

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un métier exigeant, qui lui demandera un sens profond des valeurs humaines, certai-nes innées, d’autres acquises, et peut-être le sacrifice de sa vie. « Le métier des armes n’est pas un métier comme les autres. Il est fait du

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le sigNe de paixDu temps des Grecs et des Romains, le salut militaire était un signe de paix. Lever la main droite, paume ouverte, signifiait pour deux guerriers qui se rencontraient qu’ils ne possédaient pas d’arme. À ce geste pacifique s’ajouta celui de la courtoisie apparue au Moyen-âge. Avant de se mesurer en joute, les chevaliers levaient la visière de leur heaume de la main droite et montraient leur visage à l’adversaire. À partir du XVIIIe siècle et de la Révolution, le salut prit une autre valeur, celui de la fidélité. Par la suite, lorsque deux militaires se croisaient, ils levaient la main droite vers le ciel en écartant trois doigts (pouce, index, majeur) faisant allusion à la Sainte-Trinité (Dieu, Jésus-Christ et le Saint-Esprit). On coupait les trois doigts de la même main droite aux déserteurs et aux traîtres. Plus tard, le geste s’arrêtait à la hauteur de la coiffe. Lorsque deux militaires échangent un salut, quel que soit leur grade, ils expriment le serment qui lie tous les militaires au drapeau sous lequel ils servent et rappellent leur fidélité à un idéal commun. Il n’a jamais été et ne doit pas être considéré comme une marque de soumission, ainsi que le mentionne l’ancien règlement français d’avant 1914 : « L’officier et le soldat échangent le salut. Le soldat prévient seulement le geste de l’officier. »

le saviez-vous ?

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tions militaires. » Cet apprentissage se retrouve dans toutes les écoles de formation5, mais aussi en centre de formation initiale (CFIm). Il s’agit notamment d’éduquer les jeunes à la vie en communauté, à l’esprit d’équipe, mais aussi leur faire comprendre qu’ils appartiennent désormais à quelque chose de plus grand. Au 68e régiment d’artillerie d’Afrique (68e RAA), avant de recevoir leurs fourragères6 pour deve-nir artilleurs d’Afrique, les jeunes nouvellement af fectés veillent l’étendard toute une nuit. « C’est très symbolique. Cela permet de pren-dre conscience de ce pourquoi on s’engage et d’évaluer tout ce que cela implique », témoigne l’artilleur d’Afrique de 1re classe Florian Robin.

pas de folkloreLe livret Esprit de corps, traditions et identités de l’armée de Terre souligne que « l’héritage de l’Histoire a donné à l’armée de Terre le sens de la mémoire collective. Le combat pour la

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Militariser un jeune, c’est surtout l’éduquer. Beaucoup font preuve d’individualisme en arrivant ici. L’apprentissage des règles collectives et de partage est parfois une nouveauté pour certains. »

Capitaine Jacques-Antoine Hogard, commandant la 11e compagnie du CFIM de Dieuze.

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1 Adresse du président de la République, François Hollande, lors de l’hommage national rendu aux Invalides le 14 juin dernier.

2 Le caporal-chef Benjamin Itrac était chef d’équipe au 3e régiment d’infanterie de marine (3e RIma). Il est à présent affecté au service d’information et de relations publiques de l’armée de Terre (sIRPAT).

3 voir encadré : Bleu, blanc, rouge.4 voir encadré : Le signe de paix.5 Écoles de saint-Cyr Coëtquidan (EsCC) et l’École nationale des sous-officiers d’active (EnsoA).6 voir encadré : Action d’éclat des régiments. 7 Journaliste au journal L’intransigeant, Gabriel Boissy se préoccupait de ce qui allait être fait pour commémorer dignement le 11 novembre. En 1923, il eut l’idée d’une flamme qui rappellait en permanence le souvenir des Poilus.

Levée des couleurs par deux élèves de classe préparatoire du lycée militaire du Prytanée.

le ravivage de la flammeEn 1923, l’écrivain Gabriel Boissy7 a l’idée de placer une flamme sous l’Arc de Triomphe qui abrite la tombe du soldat inconnu, mort pour la France durant la première guerre mondiale. Brûlant en permanence, elle symbolise le souvenir du sacrifice des combattants français et alliés tombés depuis au champ d’honneur. Chaque jour à 18 h 30 depuis 1923, le président du comité de la Flamme ou son représentant invite un groupe, civil ou militaire, voire parfois des enfants, à procéder au ravivage de la flamme.

le saviez-vous ?

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France a forgé ses valeurs. Les drapeaux et les étendards des régiments portent dans leurs plis le témoignage du […] dévouement des soldats qui ont servi la France et son ar-mée unis dans la fraternité des compagnons d’armes [...]. » Ces valeurs se vivent et se per-pétuent au travers du cérémonial militaire et des traditions. C’est dans cet objectif que le parrainage des CFIm a été instauré par le général d’armée Elrick Irastorza, ancien CEmAT. Dans sa lettre du 16 mai 2011, il précise qu’il contribue à for-ger un esprit de corps et à donner un symbole fort aux promotions annuelles des militaires du rang, tout comme à celles des sous-officiers pour l’école nationale des sous-officiers d’active (EnsoA) et des officiers pour les écoles de saint-Cyr Coëtquidan (EssC). « Nos jeunes ont besoin de repères dans une société qui en manque cruellement. Le drapeau en est un. Le parrain et à travers lui l’engagement de nos anciens en est un autre. Nous leur inculquons que la liberté a un prix et que pour elle, nos anciens ont payé en leur temps », explique le lieutenant-colonel Pascal muller, chef de corps du CFIm de Dieuze, lors du baptême de promotion des jeunes re-crues en présence de Jean Tranapé8.

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qu’ils soient cavaliers célébrant la saint-Georges dans le désert émirien ou tringlots, réunis le 26 mars au quartier Kléber du Com-mandement des forces terrestres (CFT) pour fêter l’anniversaire de la création de leur arme, les militaires

le baptême d’armes au 1er rtirLe baptême est une étape incontournable pour être pleinement intégré dans un régiment. On le retrouve notamment chez les chasseurs, les marsouins ou les tirailleurs. L’esprit tirailleur est constitué de cinq piliers : la caïda (la coutume), la chraa (la justice), la baraka (la chance), le baroud (l’allant guerrier) et le mektoub (le destin). Il unit tous les turcos (surnom donné aux tirailleurs), jeunes (les boujadis) et moins jeunes (les chibanis). Lors de sa première affectation au régiment, chaque turco effectue son baptême qui marque son intronisation dans la famille des tirailleurs. Devant la commission “traditions” du régiment, présidée par le caïd (chef de corps chez les tirailleurs) ou le commandant d’unité, sont évaluées les connaissances de « l’impétrant » sur son régiment, ainsi que son aptitude à servir le thé à l’orientale et à interpréter un chant tiré du répertoire nord-africain. Chaque nouvel arrivant se voit attribuer un parrain pour le préparer à cette épreuve. Celle-ci se termine par le toucher de Messaoud, le bélier, mascotte du régiment, qui apporte la baraka (ci-contre). Sanctionné par la remise d’un diplôme tirailleur et du calot de tradition, le baptême est garant de l’adhésion à l’esprit tirailleur.

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8 Jean Tranapé est l’un des compagnons de la Libération encore en vie.

l’esprit militaire c’est…le seNs de l’éQuipeJe me souviens particulièrement d’OPEX très dures telles DAGUET (Golfe) où j’étais chef d’escouade ou ORYX (Somalie), où j’étais sous-officier logisticien au sein du bataillon de soutien logistique. La fraternité d’armes est une valeur à laquelle il faut croire. Sans cela, impossible d’avancer lorsqu’on est militaire. » Adjudant-chef Dominique Le Borgne, 31 ans de service, actuellement au CFT.

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la fraterNité d’armesOn entend dire “j’étais militaire”, “j’étais parachutiste”, “j’étais sapeur”, cette conjugaison au passé ne s’applique pas à l’Issoirien, il dira toujours “je suis Issoirien”. Dans toutes les unités ou en OPEX, tous se connaissent et se reconnais-sent, les jeunes comme les anciens. Ma promotion s’est rassemblée pour son 25e anniversaire, puis pour le 30e. Le 35e anniversaire approche et l’on parle déjà du 40e. L’esprit de corps, de cœur, de confiance mutuelle s’étend à toutes les promotions coulées dans ce même creuset. “Je ne sers que pour l’honneur de bien servir.” C’est tout cela l’esprit militaire, plus encore l’esprit issoirien. »

Commandant Louis-Pierre Kretz, de la 17e promotion de l’école d’Issoire.

Selon l’article 2 du code d’honneur du légionnaire, « chaque légionnaire est ton frère d’armes, quelle que soit sa nationalité, sa race ou sa religion. Tu lui manifestes toujours la solidarité étroite qui doit unir les membres d’une même famille ». Ce qui caractérise le plus la Légion et en fait sa force, c’est sa cohésion. Plus de 140 nationalités y sont représentées. La Légion devient une famille pour celui qui s’y engage. « C’est la raison pour laquelle la tradition d’accueil est très forte. Autre exemple : nous sommes tous réunis la nuit de Noël pour célébrer cette fête ensemble »,

étrangers, n’avons qu’une seule façon de prouver à la France notre gratitude pour l’accueil qu’elle nous a réservé : nous faire tuer pour elle. » La Légion étrangère est une troupe spécifique et unique. Elle est bien une exception française puisqu’elle est constituée d’étrangers au service du drapeau tricolore. Le légionnaire a le culte de la mission. Pour lui, elle est sacrée. « C’est en cela qu’il prouve son dévouement à la France », conclut le LCL Maffeis.

l’âme légioNNaire

Hommage national aux soldats tués en Afghanistan.

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affirme le lieutenant-colonel (TA) Tony Maffeis, chef de corps de la 13e demi-brigade de Légion étrangère. L’esprit de corps vit à travers ces valeurs militaires traditionnelles. Il s’exprime également sur les plis des emblèmes « Honneur et Fidélité ». « Fidélité, c’est le contrat que signe le légionnaire en entrant dans la maison Légion. C’est ce qui le lie à son chef, plus encore à la France. Toutes ces valeurs, tous ces repères communs font des régiments étrangers des unités combattantes efficaces », ajoute-t-il. Le lieutenant-colonel Amilakvari9 avait déclaré : « Nous,

9 Premier chef de corps de la 13, décédé en 1942 à la bataille d’El Alamein.

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la marseillaise« La chanter dans un stade n’a pas la même symbolique. Pour nous, la Marseillaise concrétise notre engagement à servir la France », assure le 1re CL Florian Robin. La Marseillaise est, à l’origine, un chant de guerre révolutionnaire et un hymne à la liberté, écrit par Rouget de Lisle en 1792 pour l’armée du Rhin, à la suite de la déclaration de guerre de la France à l’Autriche. « C’est le cri de ralliement qui fédère autour d’une seule et même cause, celle de défendre la Nation », confesse le CCH Itrac. Elle a été adoptée comme hymne national français une première fois le 14 juillet 1795, puis définitivement le 14 février 1879, hormis sous le régime de Vichy, qui lui substitue Maréchal, nous voilà !

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ont besoin de faire perdurer les traditions et d’affirmer leur sentiment d’appartenance. « Au 68e RAA, nous avons une identité spéci-fique et un esprit de corps qui nous a permis de traverser la période de transformations de 2008-2010. Celui-ci est dû en partie aux tra-ditions, à ne pas confondre avec le folklore. Tout ce qui n’a pas de sens historique relève du folklore », estime le chef de corps, le colonel Éric Lendroit. L’esprit militaire est donc tout ensemble, un mé-lange de valeurs, de sacrifice et de traditions. nombreux sont ceux qui ont tenté d’en donner

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les lieNs du chaNtMars 2012. C’est la fin de la journée sur le camp de Warehouse à Kaboul. Les Roussettes10, réunis devant des VAB, ne prennent pas les ordres pour le lendemain, mais sont bien en train de chanter. « Le chant est un moyen d’expression essentiel à la cohésion. Une troupe qui chante est une troupe qui avance. Je veux que mes soldats soient fiers d’être ce qu’ils sont, des soldats professionnels, et surtout qu’ils le montrent », assure le capitaine Claude Pierre-Joseph, commandant la 2e compagnie du 1er régiment d’infanterie. Le TTA 107 définit le chant comme la première manifestation de la cohésion d’un groupe. Il faut savoir que seul le chant militaire a survécu au fil des siècles, contrairement aux autres chants de métiers (paysans, artisans et ouvriers) qui s’affirmaient comme le signe fort d’une identité.

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10 nom donné aux fantassins de la 2e compagnie du 1er RI.

11 Il a fini sa carrière comme directeur de la Fondation pour les études de la Défense nationale.

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s’eNgager pour sa patrieLe monde militaire est une société à part entière reposant sur la cohésion, la hiérarchie et le respect mutuel. Le monde militaire “sur-classe” le monde civil quant à son engagement pour une seule et même cause, la Patrie. » EVAT du 132e bataillon cynophile de l’armée de Terre.

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« Sincère hommage aux troupes alpines pour leur service et leurs valeurs de dépassement. » C’est l’un des nombreux témoignages que l’on peut lire sur le livre d’or du musée des Troupes de montagne. Perché sur les hauteurs de Grenoble, ce musée retrace l’histoire des soldats alpins. « Il n’a pas pour unique vocation de faire parler les objets. Il raconte une histoire collective et donne des clefs qui serviront à se reconnaître comme membre d’un même groupe, ce qui suppose d’avoir des références communes », explique le lieutenant Ariane Pinauldt, conservateur du musée des troupes de montagne. Les

musées militaires prolongent l’éducation dispensée aux jeunes engagés. Ils sont des lieux de rencontre entre l’esprit militaire d’hier, et sa réalité aujourd’hui. « Pour être vraiment formateur, le musée ne doit pas seulement se faire le porte-parole du passé. Il faut rendre les modèles accessibles, montrer que les exemples présentés peuvent être suivis : que chacun puisse se reconnaître et se sentir prêt à faire aussi bien, ou mieux que ses anciens, poursuit le lieutenant Pinauldt. Vecteurs de notre histoire militaire, ils représentent plus que jamais des outils pédagogiques à la disposition

du soldat et des civils. Ils expliquent les missions des armées et les sacrifices consentis pour la Nation, afin que celle-ci se souvienne de ceux qui sont tombés pour elle. » S’il existe un esprit militaire, il n’est certainement pas figé et connaît des déclinaisons dans chaque arme, comme en témoigne la diversité des 16 musées de tradition de l’armée de Terre12.

les musées militaires

Musée de la Grande Guerre à Meaux.

une définition précise. En 1975, interrogé sur le plateau de l’émission Apostrophe, le général Georges Buis11, écrivain et militaire français, donna cette réponse : « C’est avoir le goût de l’action et de l’af frontement. Cela implique d’avoir doctrine et discipline. Mais alors on peut rapidement se fixer, et avoir le sentiment que dans ce quotidien bien réglé, on remplit notre mission. Or cette discipline, on ne doit l’avoir que pour faire autre chose. L’esprit mili-taire, c’est donc de contester perpétuellement la routine. »

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12 musées de l’ALAT et de l’hélicoptère, des anciens enfants de troupe, de l’arme blindée cavalerie, de l’artillerie, des blindés, du génie, de l’infanterie, de la Légion étrangère, du matériel, des parachutistes, du sous-officier, du souvenir (EssC), du train et des équipages militaires, des transmissions, des troupes de marine et des troupes de montagne.

l’esprit militaire c’est…

être prêt à se sacrifier pour soN paysLa question du sacrifice ultime a été abordée très tôt et à plusieurs reprises durant la formation initiale. C’est une éventualité acceptée pour défendre les intérêts du pays. »

Transmetteur Cornic, de la 1re compagnie de commandement et de transmissions.

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13 La citation est la mise à l’ordre du jour, pour une action d’éclat, d’une personne, d’une unité.

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« C’est lors de la remise de fourragère que j’ai pris conscience que j’étais militaire. Auparavant, j’étais dans l’apprentissage, je suis à présent dans l’action. C’est la concrétisation après la formation initiale », avoue non sans émotion le 1re CL Florian Robin. Les fourragères sont des distinctions honorifiques accordées de façon définitive à une unité et remises lors de cérémonies à tous les militaires y servant. Elles rappellent les actions d’éclat de certains organismes cités13 plusieurs fois à l’ordre de l’armée au cours d’une même campagne. Napoléon Ier en fit un

les actioNs d’éclat des régimeNts

effet vestimentaire auquel il donna des couleurs différentes : jaune pour les hussards et rouge pour les artilleurs. Cet attribut disparut à la fin de la guerre de 1870 pour renaître en février 1916, afin de renforcer l’esprit de corps et de favoriser la combativité des soldats quelque peu altérée par l’éprou-vante bataille de Verdun. Les fourra- gères sont officiel-lement instaurées le 21 avril 1916. La couleur de la fourragère dépend du nombre de citations obtenues.

l’historiQue du drapeauCe symbole tricolore (bleu et rouge pour les couleurs de Paris, le blanc étant le symbole de la royauté) devient officiel par un décret promulgué le 15 février 1794. En 1879, le gouvernement de Freycinet décide de remplacer les drapeaux de laine par de nouveaux emblèmes puisqu’il estimait que la refondation de l’armée française était en bonne voie. La remise solennelle des drapeaux aux armées a lieu le 14 juillet 1880, jour de la fête nationale. « Napoléon Ier disait qu’un soldat qui a perdu son drapeau a tout perdu. Pour moi, c’est l’honneur d’un régiment, ce qu’il évoque du passé. On défend tous la même histoire, mais avec des parcelles de gloire différentes inscrites dans les plis des drapeaux de chaque régiment », déclare le CCH Itrac. Le drapeau a été inscrit pour la première fois comme emblème national dans la constitution de 1946.

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l’esprit militaire c’est…

être uNis, sous les mêmes symbolesPour moi, être militaire, c’est avant tout porter le treillis pour servir la France. Avec la remise du képi, du calot de tradition et des passants à notre arrivée, nous appartenons à l’armée et plus encore au régiment. »

L’artilleur d’Afrique Fateh Mammeri.

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la culture au service du militaireL’esprit militaire peut se cultiver ailleurs que sur les places d’armes, notamment dans les ouvrages. La culture générale et plus particulièrement militaire aide le soldat à maîtriser son métier et à comprendre l’environnement opérationnel dans lequel il évolue.

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depuis deux ans maintenant se déroule aux écoles de saint-Cyr Coëtquidan le festival interna-tional du livre militaire, le FILm. Ce rendez-vous organisé durant

le Triomphe14 est l’idée du général de division Eric Bonnemaison, commandant les Écoles, pour « montrer que de nombreux livres trai-tant de sujets militaires sortent chaque année et donner la parole à tous ces auteurs civils comme militaires qui écrivent sur la Défense ». Le FILm est une façon d’accéder à cette culture de Défense et de nourrir en quelque sorte la réflexion du militaire.

En pleine lecture lors de la pause déjeuner à la FOB de Nijrab.

[ Environnement opérationnel ]

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14 Fête traditionnelle des écoles de saint-Cyr Coëtquidan qui clôture le cycle annuel de formation des élèves officiers.

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compreNdre avaNt d’agirLe futur officier doit être capable de connaître l’histoire de son pays, son rôle au sein de la nation, ou bien encore « de savoir comment utiliser la force, de comprendre le sens de son action et comment participer au rétablissement des enjeux de la cité, comme l’affirme le GDI Bonnemaison. Le chef doit réfléchir et s’expri-mer correctement pour bien faire exécuter les ordres. » C’est à ce titre que la formation initiale des officiers et des sous-officiers inclut dans son instruction une bibliographie15 afin de dévelop-per une hauteur de vue et une intelligence de situation. Le général De Gaulle estimait que « la véritable école du commandement est donc la culture générale »16, qui permet d’agir en homme de réflexion et de réfléchir en homme d’action. Au travers de son raisonnement, le militaire peut porter un jugement éthique dans un engagement opérationnel. Il peut compren-dre ce que signifie sa responsabilité en tant que citoyen, militaire, compagnon d’armes. l

15 voir le site intraterre http://culture-militaire.ecoles-coetquidan.terre.defense.gouv.fr/

16 Devise inscrite à l’entrée du lycée militaire de saint-Cyr.

17 À voir ou revoir, le Mag Terre sur le code du soldat.

n Le règlement de discipline générale est un document portant sur les valeurs purement règlementaires.

n Le Livre vert, L’exercice du métier des armes dans l’armée de Terre, s’adresse à tous ceux qui sont en situation de responsabilité et de formation. Cet ouvrage va aider à donner du sens à l’action du militaire et à forger des convictions.

n Le code du soldat17, rédigé à partir du Livre vert, vise à donner des codes de comportement individuel et collectif.

n La vie quotidienne du soldat de l’armée de Terre, réalisé par la DRHAT, le compagnon des premiers jours de l’EVAT sous l’uniforme.

des documeNts de référeNce

le film eN QuelQues motsPour la troisième édition, les 20 et 21 juillet 2012, 90 auteurs vont échanger avec le public et plus de 7 000 références (histoire, essais, témoignages, romans) seront présentées. D’autres formes d’art seront aussi exposées cette année : la peinture et la photographie. Un jury, composé d’une cinquantaine d’élèves-officiers, remet un prix littéraire, « le prix des Cadets », qui récompense l’auteur contemporain qui les aura le plus marqués dans leur scolarité.

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Vos autres grands rendez-vous :n Le Salon du Livre à Paris

L’armée de Terre y participe chaque année. Cinquante ouvrages sont présentés, montrant la diversité et l’étendue de la pensée militaire.

n Le Prix Erwan Bergot Fondé en 1995, le prix littéraire de l’armée de Terre Erwan Bergot récompense une œuvre grand public célébrant un exemple d’engagement au service de la France ou mettant en avant les valeurs essentielles de l’Institution.

n Le salon du livre militaire à Tours Depuis 2009, ce salon littéraire récompense du prix La Plume et L’épée deux écrivains (militaire et civil) pour leur travail visant à développer la culture militaire et à réfléchir sur le métier des armes.

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Plus de 7 000 références répertoriées au FILM.

l’esprit militaire c’est…

traNsmettre uNe ideNtité2 500 ans d’histoire et 70 d’engagement opérationnel. Cette année, l’esprit transmetteur est mis à l’honneur avec le 70e anniversaire de la création de l’arme des transmissions. En phase de transformation profonde de notre armée, il est essentiel de pouvoir se raccrocher à un mât solide de valeurs et d’identités. Mais toutes nos identités s’emboîtent. Celle de l’armée de Terre se prolonge à travers chaque arme. » Général Dominique Lefeuvre, commandant l’école des transmissions et père de l’arme.