N O U V A U

BANDES

DESSINEES

Le treizièmeSalon internationalde la bandedessinéed'Angoulêmea été marquépar l'émergenced'une criseéconomiquequi a frappéde plein fouetcertains groséditeurset balayénombre de petits.L'heure est àla concentration,à larestructuration...Vous trouverezci-dessousla températurede ce secteur.

D Albin Michel, spécialisé dans laproduction pour adultes, édite parailleurs des recueils des meilleureshistoires de la revue américaine« Mad ». Ces parodies vieilles detrente ans, qui ont influencé desauteurs tels que Gotlib ou Petillon,

n'ont pas pris une ride et sont trèsrecommandâmes pour les adoles-cents.

part le fac-similé du dernier album,tel que l'a laissé l'auteur mort enmars 1983.

CE SERA FORTLONG.' . , . ENFÎN:PUiSQUE VOUSLE VOULEZ ?

La cathédrale (Jhen),Casterman

D Les éditions Bayard-Presse ontaccentué la publication de bandesdessinées au sein de leurs revues.En attendant leurs parutions enalbums, on lira ayec profit la sériede Marion Duval qu'écrit et dessinePommaux pour cet éditeur (derniertitre : Attaque à Ithaque). Le« ton » Pommaux est plaisammentdécalé par rapport aux BD tradi-tionnelles, et se joue avec subtilitédes stéréotypes adultes/enfants, bon/méchant trop courants en bandedessinée. A partir de 7 ans.

Q Chez Casterman, on annonce la

parution d'albums posthumes de

Hergé, rassemblant d'une part ses

tout premiers travaux, et d'autre

Attaque à Ithaque, Bayard.

Dans le droit fil de la traditionhergéenne Martin et Pleyers ontpublié deux albums de la série JhenRoque dont le véritable héros estl'inquiétant Gilles de Rais. La re-constitution est, comme toujoursavec Martin, irréprochable. Cepen-dant l'emploi abusif d'un parlerfaussement archaïque peut lasser, etle caractère équivoque de certainesscènes a de quoi rebuter.Pratt a comblé une lacune importan-te dans la biographie du légendaireCorto Maltese en dessinant La jeu-nesse de Corto, où le marin pasencore taciturne rencontre pour lapremière fois Raspoutine et un jeu-ne correspondant de guerre nomméJack London.

D Chez Dargaud, on fuiera Laballade des Dalton, recueil de

14 /LA REVUE DES LIVRES POUR ENFANTS

N O U V U

courtes histoires du cow-boy solitai-re. Les scénarios sont anémiques etles dessins indignes de l'immensetalent de Morris.

Chez le même éditeur, la Jungle enfolie continue sa folle saga (Ca-nard à l'orange) qui incline deplus en plus vers une vulgaritéaffligeante, sans que son succès sedémente.

Turk et De Groot sont les stakhano-vistes du gag tout public, et lestomes de Léonard finissent par êtreinterchangeables (Léonard génieen herbe).

comparable à celui de Forest, avecqui il a d'ailleurs déjà travaillé.

D Chez Dupuis, une politique sou-tenue de rééditions va de pairavec le lancement d'une nouvellegénération d'auteurs prometteurs.Pour les rééditions signalons entreautres Les vengeurs du Sonorade Jijé, l'intégrale de Gil Jourdandu regretté Tillieux, et les premiersVieux Nick, tous chaudement re-commandés.

Dans la nouvelle génération, on feraune place de choix à Makyo etDodier, auteurs de deux séries :Jérôme K. Jérôme Bloche (Lesêtres de papier) qui conte leshistoires farfelues d'un jeune détec-tive courageux et un peu ballot, etGully, histoire féerique très amusan-te. Le dessin de Dodier est plusefficace dans l'humour de Gully,mais nous tenons là un tandemd'avenir !

Le vieux routier Cauvin s'est associéau jeune Hardy pour concocterles histoires grinçantes de PierreTombal, fossoyeur de son métier.Le même Cauvin commet égalementles Femmes en blanc illustrées parle très talentueux Bercovici. Ces

Plus audacieux est le pari de deuxnouveaux venus, Vanderhaeghe etZanon, qui ont entrepris l'adapta-tion dessinée des histoires d'HarryDickson de Jean Ray (La bandede l'araignée). La rencontre desscénarios échevelés de Ray et d'unstyle jacobsien tout de rigueur etde précision est curieuse, et cetteminutieuse traduction visuellepourra être ressentie comme unetrahison par les fans du courageuxHarry.

Pleinement satisfaisant en revancheest le plus récent tome de la sérieDans les villages Le rêveur deréalité. Cabanes est le détenteurd'un univers puissamment poétique,

En haut: Cabanes.nu centre : Harry Dickson,La bande de l'Araignée,Dargaud.En bas : Couleur café, Dupuis.

deux séries qui montrent l'évolutiondu magazine « Spirou » devraientréjouir les lecteurs à partir de12 ans.

16 /LA REVUE DES LIVRES POUR ENFANTS

N O U

Dans un genre plus réaliste, Berthetest une des révélations de ces der-nières années. Dupuis lui consacreune collection à part, dans laquellevient de reparaître Couleur café,son premier album. Le scénario estun peu foisonnant, mais le traitélégant et efficace de Berthet vautle déplacement, comme on dit...421 (Suicides) est une série d'es-pionnage pour adolescents qui trai-te de sujets somme toute graves surun ton qui rappelle Tif et Tondu.Cela n'est pas surprenant puisqueDesberg est le scénariste de Will,et Eric Maltaite est son fils.Parmi les valeurs sûres du fondsDupuis, il est agréable de remar-quer la bonne évolution de deuxséries plus anciennes : Spirou d'a-bord, que Tome et Janry ont vérita-blement revitalisé. L'horloger dela comète est une réussite. Nata-cha ensuite qui, après un passageà vide, revient dans des scénariosde plus en plus débridés. Quant àGermain et nous de Jannin (Maisqu'est-ce qu'il lui faut ?), c'estun must pour les amateurs d'hu-mour à partir de 13 ans. Concluonspar le Gaston n°0 qui rassembleles tout premiers gags de Lagaffe,histoire de faire patienter les foulesde fanatiques du héros sans emploi.

• Fleums continue la rééditiondes histoires de René Bonnet, dontl'humour bonhomme a bien traverséle temps. Pour tous publics.

• Aux dires de certains, la collec-tion Copyright de Futuropolis estla Pléiade des petits miquets. Lacomparaison peut paraître auda-cieuse, mais il est vrai que l'on ytrouve la plupart des classiquesdu fameux âge d'or américain et,depuis quelques mois, quelques té-nors méconnus de la bande dessinéefrançaise des années cinquante. Si-gnalons en vrac le Dick Tracy

V E A

de Chester Gould, P r i n c eVaillant de Foster, Milton Canniff,Raymond Poivet, Calvo, le fabuleuxPopeye de Segar et bien d'autresdans une luxueuse présentation àl'italienne.

D Un tout jeune éditeur, Gilou,s'intéresse également aux ténors del'âge d'or. Il a réédité les œuvrestardives de Canniff, CIA, et lesmeilleures pages de Frank Robbins,Ciel d'enfer, qui allient unescience consommée du noir et blancet un goût réjouissant pour lesscénarios délirants.

U

ciellement certaines scènes qu'ondira osées ou violentes. Après tout,les temps étaient convulsifs, et lebon Roi Henri n'est pas le VertGalant pour rien... Le talent conju-gué du scénariste et du dessinateurest énorme.

L'autre série de Juillard est Arno(L'œil de Kéops) sur scénariode Jacques Martin. Nous sommesen Italie au temps des conquêtesnapoléoniennes, et Arno est un jeu-ne compositeur fasciné par la per-sonnalité de l'empereur que le des-tin lui fait rencontrer (à partir de12 ans).

Steve Canyon aux éditions Gilou(9 av. R. Salengro, 92370 Cha-ville).

D Depuis l'arrêt du mensuel« Gomme », les éditions Glénat sesont orientées résolument vers uneproduction plus adulte. On peutquand même recommander l'inamo-vible Mafalda de Quino (sept tomesparus, le dernier Les vacancesde Mafalda) et attirer l'attentionsur le grand talent d'André Juillard,que Glénat propose dans trois sé-ries, ou plutôt deux et demie. Eneffet Masquerouge est la premièremouture d'une série historique surscénario de Cothias parue voiciquelques années dans «Pif». Lesauteurs ont repris la trame de Mas-querouge, amplifiée pour devenirLes sept vies de l'épervier, qui sedéroule au temps de Henri IV. Leton est bien sûr plus abrupt, maisil serait dommage de juger superfi-

D Le Lombard s'est lui aussi lancédans un programme de réédition.L'Indien Oumpah pah le Peau-rouge de Goscinny et Uderzo aété la victime indirecte du succèsd'Astérix, et on peut le regretter,car les trois tomes réédités ont biendu charme.

Réédités également, les six tomesde Corentin permettent de mesurerl'originalité de Paul Cuvelier. Si-tuées dans une Arabie proche desMille et une nuits, les aventures dujeune adolescent blond sont uneformidable leçon de narration et dedessin. Cuvelier est réputé pour lasensualité de son dessin. Elle éclateà toutes les pages, qu'il dessine unfélin, une jeune fille ou la trognerubiconde d'urt bandit (derniertome paru: Le royaume deseaux noires).

N ° 1 1 0 - AUTOMNE 1986 / 17

N O U

Buddy Longway continue sa sagadomestique dans un Ouest que De-rib restitue de façon quasimentdocumentaire. Cette très bonne sé-rie est lisible à partir de sept ans.Ancien assistant de Derib, Coseyavait jusqu'à présent situé les aven-tures de son héros Jonathan dans lesmontagnes du Tibet. GreyshoreIs land le fait émigrer aux Etats-Unis, et l'histoire vire sensiblementau polar. Un renouvellement trèsintéressant (pour adolescents).Dans la collection Histoires et légen-des, Le 9e jour du diable deConvard propose de courtes varia-tions sur le thème du Diable, quivont de la Genèse à un avenirmoyenâgeux dominé par les chats.Le dessin est solide, et le ton devraitséduire les enfants à partir de 8-10 ans.

Le rondouillard Cubitus en est à son14e opus : Cubitus, chien fidèle.Cette bonne série est lisible dès leplus jeune âge.

En revanche, Thorgal intéresserales adolescents. Les scénarios deVan Hamme sont solidement char-pentés, et Rosinski sait être puissantet évocateur au fil des pages dece récit fantastique qui mélangeréminiscences Scandinaves etmoyenâgeuses (dernier tome paru :Le pays Qâ).On est hélas moins convaincu parLe code Zimmerman de Carin,Rivière et Borile. Le dessin estconfus et les péripéties de cettehistoire d'espionnage sont laborieu-ses.

On entre plus facilement dansL'eau Carnivore de Magda etLamquet. Le dessin est plus efficaceet plus beau. Dommage que lescénario manque à ce point deressort dramatique.Ancien assistant de Jacques Martin,Chaillet vole désormais de ses pro-pres ailes dans la série Vasco, dontl'action se situe à la fin du Moyen-Âge. Fils de banquier Vasco voyage

V E A U

dans toute l'Europe et ses aventuresont le charme des histoires del'école hergéenne : lisibilité, suspen-se, narration sans temps mort. Unetrès bonne approche d'une périodepeu traitée dans la bande dessinée(à partir de 10 ans).

J.-P.M.Le 9e jour du diable,Le Lombard.

CONTES

D Aux Deux Coqs d'or, dans lacollection Contes histoires, deuxcontes de Hans Christian Andersen,Le vilain petit canard illustrépar Tiziana Gironi et Le rossi-gnol illustré par François Crozat.Les textes français, très fidèles, sontde Marie-Hélène Moullahem. Si lesillustrations du premier titre sont,à l'exception des personnages hu-

mains, acceptables, celles du secondsont d'une grande médiocrité.

D Chez Gallimard, dans la collec-tion Folio Cadet, réédition du conted'Isaac B. Singer Le lait de lalionne, illustré par Philippe Fix,précédemment publié dans la collec-tion Enfantimages. A quelques dé-tails près, même texte. Quelquesillustrations en plus. La tonalitéjaune de la première édition adisparu, ce qui donne une autreambiance. Jolie histoire où s'affron-tent Mazel et Shlimazel, les espritsde la chance et de la malchance,en prenant comme enjeu l'infortunéTam.

• Chez Gautier-Languereau, Cen-drillon de Charles Perrault, illus-tré par Susan Jeffers. Médiocreadaptation traduite de l'anglais.Grandes illustrations en couleursdans un style merveilleux de paco-tille.

Dans la collection Fontanille, Lesmois de l'année, conte populaireadapté par Yvette Toubeau et illus-tré par Lucile Butel. Adaptationpour les petits d'un beau contetraditionnel. Les illustrations con-cernant les mois de l'année nousont paru peu réussies.

Dans la même collection, DameSouris, texte d'Yvette Toubeau,illustrations de Lucile Butel : petitehistoire traditionnelle en deux par-ties qui tient de la randonnée et dela comptine. Le début rappelle, enplus sage, la « Dame Scarabée »racontée si souvent par MohamedBelhalfaoui : une petite souris veutse marier et fait chanter ses soupir-ants pour mieux choisir. Le côté« bien élevé » de cette version estcompensé par la pirouette de la fin.Joli texte bien rythmé, illustrationsun peu conventionnelles mais char-mantes.

18 /LA REVUE DES LIVRES POUR ENFANTS