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N°121 SPÉCIAL MAISONS INDIVIDUELLES MODERNE MODERNE

N°121 SPÉCIAL MAISONS INDIVIDUELLES · Depuis la rue,un grand mur dessine une frontière bâtie qui dissimule l’habitation. Le garage se situe naturellement le long de la voie,au

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N ° 1 2 1 S P É C I A L M A I S O N S I N D I V I D U E L L E S MODERNEMODERNE

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DIRECTEUR DE LA PUBLICATION :Anne Bernard-Gély • DIRECTEUR DE LA RÉDACTION :Roland Dallemagne • CONSEILLERS TECHNIQUES : Patrick Guiraud, Serge Horvath • CONCEPTION, RÉDACTION

ET RÉALISATION : L’AGENCE PARUTION 41, rue Greneta – 75002 Paris • RÉDACTEUR EN CHEF :Norbert Laurent • RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE : Maryse Mondain • SECRÉTAIRE DE RÉDACTION :PhilippeFrançois • MAQUETTISTE :Sylvie Conchon • DESSINS TECHNIQUES ET PLANS :Xano • Pour tout renseignement concernant la rédaction, tél. : 0153007413 • La revue Construction moderne est consultable surwww.infociments.fr • Pour les abonnements : envoyer un fax au 01 55 23 01 10 ou un e-mail à [email protected]

éditorialL a maison conçue par un architecte est longtempsrestée l’apanage d’un cercle restreint désirant unehabitation originale, voire exceptionnelle. Les tempschangent : que ce soit pour une modeste extensionde pavillon ou pour une villa d’importance,on fait de plus en plus appel au talent du concepteur.Dansces projets uniques,où ils sont en rapport directavec le futur utilisateur, les architectes s’investissentavec passion, conscients qu’il s’agit de donner vie au rêve et à l’envie d’architecture d’une famille.Les concepteurs contemporains en profitent pourtémoigner de leur intérêt toujours renouvelé pour le matériau béton.Tout l’éventail de ses parements et de ses formes y est convoqué pour façonner le cocon familial. S’exprime aussi une dimension“familière” du béton,qui s’invite dans l’espaceintérieur de la maison.Composant avec la lumière,naturelle ou artificielle, avec le mobilier, avec d’autresmatériaux, son grain, ses surfaces, ses couleursagrémentent tous les lieux de la vie domestique.

ROLAND DALLEMAGNE,directeur de la rédaction

7, place de la Défense • 92974 Paris-la-Défense CedexTé l . : 01 55 23 01 00 • Fax : 01 55 23 01 10

• E-mail : [email protected] •• internet : www.infociments.fr •

>> CouvertureJeu de matières et de volumes dans le salon toute

hauteur de la maison invisible à Trévise, en Italie.

Architecte : Tadao Ando. Photo: Marco Zanta.

Sommaire n°121

>> PAGE 04Saint-Brice-sur-Courcelles(51), Ailleville (10),Frolois (54), Bétheny (51)Architecte : Jean-Marc Metzger

>> PAGE 08Paris (75) Architecte : Platane Bérès

>> PAGE 11Fontenay-le-Fleury (78)Architecte : Patrice Vallée

>> PAGE 14Ussy-sur-Marne (77) Architecte : Jean-Claude Sémon

>> PAGE 17Nantes (44), Fontenay-sous-Bois (94),Romainville (94) Architectes : Bernard Valeroet Frédéric Gadan

>> PAGE 21Vaucluse (84) Architecte : Nathalie Merveille

>> PAGE 24Paris (75) Architecte : GKP Architecture(Pablo Katz)

>> PAGE 27Tulle (19) Architectes : Anne Sevestre et Hervé David

>> PAGE 30Kobe (Japon),Trévise (Italie) Architecte : Tadao Ando

>> PAGE 33PérouArchitectes : Sandra Barclay et Jean-Pierre Crousse

>> PAGE 37SuisseArchitecte : Philippe Meier

>> PAGE 01Marseille (13) Architectes : Xavier Luvison et Jean-Christophe Sabarthès

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r é a l i s a t i o n MARSEILLE (13)

Bâtir et habiter● ● ● Construire sa propre maison est toujours

un exercice difficile pour un architecte. Celle

de Jean-Christophe Sabarthès, de l’agence Luvison

et Sabarthès, se situe entre le laboratoire

d’expérimentation de l’habiter et le manifeste

d’une architecture résolument moderne.

Moderne, et tout ensemble hors du temps.

eux années de rechercheont été nécessaires pour

trouver un terrain à construire.Situé dans un quartier plutôtrésidentiel, ce terrain d’un demi-hectare, issu de la divisiond’une parcelle plus importante,est caractérisé par une géométrie quecertains qualifieraient de difficile :13mètres dans sa plus grande largeur,pour une longueur totale d’une quaran-taine de mètres. Marqué par une penteassez importante, il est bordé au sudpar la rue et s’appuie en amont, aunord, sur un mur de soutènement.Boudé des promoteurs, rebutés par ladifficulté, ce terrain sera finalementacquis par le couple en raison mêmede cette topographie particulière. Carc’est de cette contrainte que Jean-Christophe Sabarthès va tirer son parti

architectural, qui consistera à ménagerl’ensemble de la parcelle en densifiantla maison au maximum, au nord, pourpouvoir à l’inverse la dématérialiser versle sud, afin de mettre en scène la tran-sition entre la rue et le cœur de la mai-son, et d’étendre la surface limitée des115 m2 de l’habitation, imposée par lesrèglements d’urbanisme, à l’ensemblede l’espace extérieur.

● Séquence d’entrée

Depuis la rue, un grand mur dessine unefrontière bâtie qui dissimule l’habitation.Le garage se situe naturellement le longde la voie, au sud, en aval du terrain. Sadalle de couverture forme un balcon au-dessus de la rue, sur lequel vient buter lereste de la parcelle. Il profite d’une jolievue sur la végétation lointaine.

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Maître d’œuvre : Jean-Christophe SabarthèsBET :SianeEntreprise générale :Michel HuguetCoût :1,35 M€TTC

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>>> Le portique d’entrée marque le passage du jardin à l’habitation.

La rugosité du béton à la planche du portique s’oppose à l’aspect plus lisse

des blocs-béton enduits. À l’étage, la terrasse formée par la toiture plate

du séjour. Tendu entre l’habitation et le portique, un agréable plenum.

L’entrée profite d’une belle lumière zénithale. Cuisine et espace salle

à manger ont leur sortie vers l’extérieur. Depuis l’entrée, la paroi courbe

“invite” le visiteur. Libérée des contraintes structurelles, la façade sud est

largement ouverte. Indépendante, la cuisine reste en contact avec le séjour.

La double poutre efface les volets roulants et leur coffre en position ouverte.10

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ment de l’escalier et du cheminementprécédents. Ensemble, ils forment unaxe qui structure et magnifie le parcoursd’entrée en créant une succession deséquences: monter l’escalier, traverser lejardin, passer sous le portique, longerl’habitation sur la plate-forme aména-gée de la terrasse et enfin pénétrer dansla maison. Cette succession adoucit lepassage entre un extérieur parfois âpreet un intérieur protégé.

● Flexibilité

La maison offre, par ailleurs, de véri-tables et multiples lieux de vie. Au rez-de-chaussée, chacune des pièces béné-ficie d’un prolongement extérieur, quibien que naturellement indépendant desautres par la différence de niveau du ter-rain naturel, leur est systématiquementrelié grâce aux quelques marches quel’architecte a mises en place tout le longde la maison.Contrairement au parcours très architec-turé de l’entrée, ces cheminements exté-rieurs sont plus intimes. Ce sont des

“parcours d’usage” réservés aux habi-tants de la maison.Ces dispositifs renfor-cent la relation entre un intérieur et unextérieur éminemment praticable dansune ville comme Marseille, et agrandis-sent l’espace habité des 115 m2 de lamaison aux 500 m2 de la parcelle.Ici, la flexibilité d’usage et le rapportintime de la maison avec son site consti-tuent sans doute le “plus” que l’archi-tecte a su apporter à l’organisation clas-sique d’un logement. La maison estgénéreuse, à l’image de son maîtred’œuvre. Contrairement à un objet posésur son site, elle tisse d’étroits et mul-tiples liens avec sa parcelle, pour la struc-turer et se structurer de façon globale.

● Muralité

Le béton joue ici de sa “muralité”,mariant harmonieusement le rôle por-teur et la partition de l’espace. Dessi-nant les différentes pièces, ces murs ontsu également cadrer les vues. À l’étage,sur la terrasse des parents, ils se prolon-gent pour former des joues latérales qui

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Jouxtant le garage à l’ouest, une portedonne accès à un escalier qui rejoint leniveau du balcon évoqué ci-dessus etainsi l’ensemble du terrain. En haut del’escalier, un cheminement traverse l’es-pace naturel du jardin et conduit vers unlarge portique de béton qui marque lepassage vers l’espace aménagé de la ter-rasse, en léger surplomb par rapport auterrain naturel.Au-dessus de la terrasse,un velum tendu entre la maison et leportique forme une zone extérieure pro-tégée du soleil, un premier abri.Au-delà,un volume en simple rez-de-chausséeaccueille les pièces de jour. Pratiquementopaque à l’est et à l’ouest, il s’ouvre lar-gement au sud, sous l’abri.

En limite nord, l’architecte a construit unsecond volume sur deux niveaux. Il ras-semble les chambres, avec un rez-de-chaussée réservé aux enfants, alors queles parents ont la possibilité de s’isoler àl’étage et de profiter de la terrasse for-mée par la dalle de toiture du volumeprécédent. Calées sur un mur nordaveugle, les chambres s’ouvrent à l’estou à l’ouest, limitant au maximum lesvis-à-vis avec les voisins.

● Aménager la transition

La faille ménagée par le glissement dece volume par rapport au premier abritela porte d’entrée, située dans l’aligne-

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protègent des curieux tout en dessinantun cadre au tableau de verdure visibleau loin. Cette propriété permet unearchitecture juste et sans ostentation,qui parvient à marier fonctionnalité etmise en valeur de la parcelle. L’usage etle site, la topographie mais aussi lalumière, sont devenus les supports detravail du jeune architecte.

● Entre ombre et lumière,du béton à la planche

Si la muralité des blocs-béton enduitsa permis de mettre en scène le jeu“savant” des volumes sous le soleil, parune succession de zones d’ombre et de

lumière, d’espaces couverts qui en révè-lent d’autres qui ne le sont pas, l’archi-tecte a su placer, aux endroits précis quimarquent le passage de l’ombre à lalumière, des éléments en béton à laplanche bruts de décoffrage.Alors que le portique matérialise le seuilentre l’espace naturel du jardin et l’es-pace aménagé de la terrasse, le béton àla planche accroche une lumière quivient mettre en valeur sa propre peau.Les veines des planches de sapin bros-sées qui habillaient l’intérieur des cof-frages y ont déposé leur empreinte, oùse lisent l’âge et la “cordialité” du bois,pour créer une surface chaleureuse etvibrante qui prouve que le béton brut

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n’est ni dur ni froid. Teinté par l’ajoutd’oxyde de fer, il change de couleur enfonction de la course du soleil.

● Genius loci

Un peu plus loin, une succession depoutres couvre la faille qui abrite la ported’entrée. Légèrement biaises pour facili-ter leur décoffrage, elles compensent leurfinesse par une hauteur assez impor-tante. Comme des réflecteurs diffusant lalumière, elles atténuent le passage entrele monde extérieur et l’intérieur protégédu cœur de la maison. La double poutrequi soutient la dalle de toiture du séjourpermet de libérer la façade sud des

contraintes structurelles ; elle s’ouvreainsi largement sur le paysage lointainet lui permet de s’inviter à l’intérieur.D’une architecture moderne et épurée,cette habitation conçue comme un mani-feste tend à prouver qu’il est heureuse-ment possible de créer une architecturecontemporaine à même de s’intégrer à laperfection dans son environnement, touten créant des lieux de vie généreux et“habités”. “Pour les politiques, l’intégra-tion dans le site veut souvent dire dispa-rition. Ici j’ai voulu montrer qu’intégrervoulait dire former un tout homogèneavec le site et qu’une architecture pré-sente pouvait au contraire révéler lesqualités des terrains et en gommer lescontraintes”, confie l’architecte.Au-delàdu respect de la topographie du site,cette intégration repose sur deux autreséléments : le travail du matériau et lagénérosité. C’est grâce à ces trois fonde-ments que Jean-Christophe Sabarthès asu non seulement s’intégrer mais mêmerévéler un site difficile. ❚

TEXTE : SOLVEIG ORTH

PHOTOS : HERVÉ ABBADIE

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❙❙❙ Rez-de-chaussée

❙❙❙ Étage

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Envies d’architecture● ● ● Pour Jean-Marc Metzger, une maison

est avant tout l’expression du mode de vie d’une

famille. On l’aura compris, la qualité de la

relation et du dialogue établis avec les futurs

habitants est donc la clé d’un projet réussi.

Résultat, des maisons contemporaines où la vie

familiale s’épanouit harmonieusement…

omme la plupart desarchitectes de sa géné-

ration, Jean-Marc Metzger sesent concerné par le sujet de lamaison individuelle et s’y inves-tit avec passion. “Depuis quelquesannées ce type de projet est revenu demanière récurrente dans ma production.C’est pourtant l’un des exercices les plusdifficiles qui soit. En même temps, ce tra-vail est passionnant, car il consiste àconcevoir un lieu unique qui correspond àune famille. C’est un plaisir d’être celui quiconcrétise leur volonté, lui donne forme,espace et matière. On apprend énormé-ment, souligne Jean-Marc Metzger. Laqualité de la relation – dialogue,confiance, écoute réciproque, respect descontraintes, etc. – entre l’architecte et sesclients est primordiale. La conceptiond’une maison sort de la norme et des

schémas établis. Une part importante durôle de l’architecte consiste à inciter leshabitants à réfléchir sur leur mode de vie,à chercher leur fonctionnement. De moncôté, je fais des propositions qui question-nent les usages, suscitent d’autres façonsde les concevoir, ou même les remettenten cause. Par exemple, la propositiond’un espace double hauteur provoquedes interrogations. Mais cela ouvre aussides perspectives nouvelles sur la façond’imaginer l’espace domestique. Cetterecherche à chaque fois différente, quiaboutit à un agencement des lieux et àune spatialité spécifiques, est passion-nante. Mais si je conçois une maison avecune esthétique et des espaces contempo-rains, c’est avant tout un lieu de vie, où ilfaut que cela sente aussi le pot-au-feu.Pour moi, modernité et vie quotidienne nesont pas incompatibles.“ ❚

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ituée sur la communed’Ailleville, à quelques

kilomètres de Bar-sur-Aube,la maison Jacquot-Clivio estconstruite pour un couple et sestrois enfants.Tout en longueur, leterrain à flanc de coteau descend enpente douce. Il s’ouvre dans sa partiehaute sur le paysage de la vallée del’Aube, tandis qu’en partie basse il longe,sur toute sa largeur, une route nationaletrès passante. La maison est installée surtoute la largeur de la parcelle et au maxi-mum du recul autorisé par le règlement

d’urbanisme par rapport à la route.“Pour ce projet, Olivier Clivio s’est trouvéconfronté à une situation qui n’est passimple pour un architecte: faire une mai-son pour sa propre famille. Comme nousnous connaissons bien depuis nosétudes à l’école d’architecture de Nancy,il m’a proposé de concevoir ce projetavec lui. Le temps de l’esquisse et de lamise au point du projet fut une bellepériode d’échange, de dialogue et deproduction. Ensuite Olivier Clivio a prisen charge la mise en œuvre. Cettemaison est conçue depuis la ‘boîtedu dessus’ dans laquelle les quatrechambres s’alignent comme quatrewagons le long de la façade sud, profi-tant à la fois de l’ensoleillement et desvues lointaines sur le paysage”, préciseJean-Marc Metzger. Désireux que le pro-jet se lise comme un prisme simple etblanc, les architectes ont regroupé les

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chambres dans un parallélépipède rec-tangle blanc percé au sud d’une fenêtreen longueur et soulevé du sol.

● Enchaînement logique

Dans la logique générale du projet, s’ali-gnent au rez-de-chaussée la cuisine et leséjour. Placées en retrait de l’aplomb duvolume supérieur, les baies du séjoursont protègées de l’incidence des rayonsdu soleil. S’y ajoutent trois murs derefend en béton qui ponctuent la façadeet font également fonction de brise-soleil.Un passage couvert y est aménagésous le volume de l’étage, afin de ne pascouper les parties avant des partiesarrière du terrain. Rez-de-chaussée et

étage communiquent par une faille crééedans le plafond du séjour. Le mouvementvertical ainsi généré est souligné par lemur-bibliothèque au dos duquel sedéploie l’escalier. Ce dernier aboutit àl’étage sur un espace salle de jeux-bureau commun aux trois chambres desenfants. Tous les éléments structurels etarchitectoniques sont en béton coulé enplace. La trame de la structure poteaux-poutres en béton de l’étage se cale surle rythme des chambres. On la retrouveau rez-de-chaussée où des voiles derefend de tailles différentes et quelquespoteaux reprennent les charges et vien-nent partitionner l’espace dans lequelsont aménagés les différents lieux de lavie commune. ❚

Maître d’œuvre :Olivier Clivio & J.-M. Metzger, architectes associésBureau d’études structure :Pinguat TyiesEntreprise gros œuvre : JacqueminSurface : 214 m2 SHONCoût :168 000 € HT

>>> Maison à Ailleville (10) Le rez-de-chaussée et l’étage

communiquent par une faille créée dans le plafond du séjour. Le mouvement

vertical généré par cette faille est souligné par le mur-bibliothèque. Vue sur

le séjour, d’où il est possible d’appréhender la mesure du projet dans ses trois

dimensions. La structure en béton est calée à l’étage sur le rythme des

chambres. Le projet se lit comme un prisme blanc. Les chambres et le séjour

profitent d’une vue exceptionnelle sur la vallée de l’Aube, tandis que l’orientation

au sud de la façade permet à l’ensemble des pièces de profiter du soleil.

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�Ailleville (10)L’Aube en pente douce

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❙❙❙ Rez-de-chaussée

❙❙❙ Étage

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de l’espace et de la lumière, ainsi qu’unséjour plus lumineux et plus ouvert surle jardin. Le projet de Jean-Marc Metz-ger répond en tous points à nosattentes. Si sa forme et son esthétiquesortent des clichés établis et des imagessur catalogue, cette maison n’est enaucun cas une œuvre esthétisante.C’est un lieu agréable où il fait bonvivre“, explique madame T.

● Une extension en profondeur

L’extension prend place sur une bandede terrain libre située entre le pignon sudde la maison et le mur de l’habitationmitoyenne. Le jardin d’agrément quioccupe l’intérieur de la parcelle est ainsipréservé. En léger contrebas par rapportà la rue, comme dans la maison exis-tante, le rez-de-chaussée abrite le garage

du véhicule familial – un emplacementextérieur non clos en accès direct depuisla chaussée, conformément au POS. Lepremier étage accueille le nouveau séjourtraversant,ouvert sur la rue et le jardin.Lachambre des parents ainsi qu’une nou-velle pièce de vie avec cheminée sontcréées en lieu et place de l’ancien séjour.L’extension, qui accompagne la maisonexistante sur toute sa profondeur, s’ouvregénéreusement à l’ensoleillement dumatin et du soir. Sur rue comme sur cour,un cadre en béton peint en blanc formantbrise-soleil est créé dans la continuité desfaçades existantes. Le brise-soleil sur rue

vant d’arriver ici, nousétions installés dans la

région de Nancy où nous habi-tions une grande maison deplain-pied entourée d’un vasteterrain. Rien de tout cela dans cettemaison de la banlieue ouest de Reims.Compte tenu de l’exiguïté du séjour, dunombre insuffisant de chambres et del’impossibilité de stationner notre véhi-cule de grandes dimensions, nous avonsdécidé de restructurer et d’agrandir lamaison existante, afin d’avoir les pièceset la surface nécessaires à notre famillede trois enfants. Nous voulions de l’air,

r é a l i s a t i o n QUATRE MAISONS

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Maître d’œuvre : Jean-Marc MetzgerBureau d’études structure :SesbaEntreprise gros œuvre :ThouraudSurface :101 m2 (SHOB) dont 42 m2

de terrasse ;30 m2 (SHON)Coût :61 500 € HT

�Saint-Brice-sur-Courcelles (51)De l’air et de la lumière

❙❙❙ Rez-de-chaussée

❙❙❙ Étage

abrite une petite loggia protégeant l’inti-mité du séjour tout en offrant une ouver-ture sur l’espace urbain. Plus profond, lebrise-soleil sur jardin crée une petite ter-rasse permettant aux beaux jours deprendre les repas en profitant du jardin.La majeure partie du projet est en bétoncoulé en place, peint en blanc ou recou-vert avec un enduit plâtre. “Il existe aussiune dimension symbolique et unevolonté de mise en scène dans le dessinet le mouvement des plans de béton quise plient. Ils sont imaginés comme deuxmains qui viennent à la fois tenir etoffrir”, précise l’architecte. ❚

>>> Maison à Saint-Brice-sur-Courcelles (51) et Sur le jardin

comme sur la rue, un cadre en béton peint en blanc formant brise-soleil

s’inscrit dans la continuité des façades existantes. Le séjour baigné de

lumière s’ouvre généreusement sur le jardin. Maison à Frolois (54) et

Une habitation contemporaine inscrite dans le volume conservé de

l’ancienne grange. La maison s’organise autour du volume double hauteur

de la pièce de repas, installée comme un atrium au centre de la maison.

Maison à Reims (51) et Le projet affirme sa géométrie et sa plastique

moderne au cœur du lotissement. L’espace double hauteur du séjour, situé

au centre de l’équerre, distribue horizontalement les pièces du rez-de-chaussée

et permet une communication visuelle avec l’étage.

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�Frolois (54),Bétheny (51)Quand la modernité rencontre l’humanisme

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n des premiers projets demaison individuelle sur

lequel a travaillé Jean-MarcMetzger lui a été confié par unjeune couple.Ayant fait l’acqui-sition d’une ancienne grange aucentre du village de Frolois, aux environsde Nancy, ils décident de confier le projetde transformation de ladite grange àJean-Marc Metzger, qui relève le défi etconçoit une maison contemporaine ins-crite dans le volume de la constructionexistante. Le projet s’organise autour duvolume double hauteur de la pièce derepas, installée comme un atrium au

centre de la maison, et à laquelle onaccède en longeant le mur en pierre del’ancienne grange. Ce foyer spatial est enrelation horizontale et verticale avec tousles autres espaces de l’habitation. Lecouple disposant de moyens modestes,le projet s’est réalisé en partie en auto-construction, mais toujours dans un res-pect scrupuleux des dessins de l’archi-tecte. L’aventure a duré trois ans. Elle futformidable, au dire même de l’architecte,à tel point que lui et ses clients sontdevenus amis.

● Dialogue de la boîte et de l’équerre

Jean-Marc Metzger a aussi dessiné lamaison C. dans la proche banlieuerémoise. Conçue pour un couple et sestrois enfants, la maison C. affirme sagéométrie et sa plastique modernes,

dans un lotissement du nord de Reimscomposé de maisons déclinant l’éven-tail des formalismes et des écritures pit-toresques et néo-régionalistes.

● Jeu de construction

Cette maison s’organise autour d’une“équerre” bâtie formant le rez-de-chaussée et encadrant un jardin. L’en-semble de l’étage est conçu comme leregroupement de quatre chambres enune “boîte” posée sur l’aile nord-sud del’équerre.Avec son volume double hau-teur, l’espace du repas et du séjour estsitué au centre de l’équerre. Il distribuehorizontalement les pièces du rez-de-chaussée et permet un communica-tion physique et visuelle avec l’étage. Celieu privilégié propose des vues sur lespectacle quotidien de la vie domes-tique et sur la richesse spatiale de la mai-

son. À l’étage, l’espace en mezzaninedomine le séjour et offre aux enfants unesalle de jeux, qui peut devenir salle detravail pour les devoirs, voire, dans l’ave-nir, une bibliothèque-salon de lecture.La volonté de Jean-Marc Metzger d’ins-crire chaque maison dans son époquequalifie l’esthétique, la géométrie, laspatialité et l’ambiance intérieurepropres au travail de cet architecte sen-sible aux arguments de la modernité…mais pas seulement. Car au-delà de cesambitions, chaque projet est aussi – sur-tout – une rencontre, un dialogue, uneaventure commune entre un architected’une part et des gens qui portent uneenvie d’architecture d’autre part. Decette parcelle d’humanité partagée naîtune maison. ❚

TEXTE : NORBERT LAURENT

PHOTOS : OUVERTURE, 1, 2, 3

ET 4 DIDIER BOY DE LA TOUR; AUTRES, DR

U

Maître d’œuvre : Jean-Marc MetzgerEntreprise gros œuvre : Moret(Frolois) ;Thouraud (Bétheny)SHON :170 m2 (Fr.);250 m2 (Beth.)Coût :91 469 € (Fr.)et 230 000 € (Beth.)

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Objets de liberté● ● ● Matières, lumière, séquences inédites,

volumes aux contours indéfinis, juste tenus par

des pièces dessinées comme des “meubles”…

Tout cela peut-il générer une maison, un lieu

à habiter qui laisserait une belle place au rêve

sans jamais abdiquer fonctionnalité ni confort?

Réponse selon Platane Bérès.

Maître d’œuvre :P. Bérès ;collaborateurs:P.Laigle et A.DeletangEntreprise générale :DT ConstructionSHON :160 m2

Coût : 180 000 € HT

t si l’on ne dessinait plusl’architecture ? Si l’ou-

vrage n’était que le résultatd’un espace qui se raconte,d’unterritoire que l’on investit etdont les frontières sont floues?Utopie, ou recherche élargie qui ose frô-ler les limites d’un habitat qui s’est figé,formaté pour se défendre d’un environ-nement de plus en plus hostile… Alors,que faire de ce besoin de protection ?Le détourner et penser l’espace diffé-remment? La réponse de PlataneBérèsconsiste à concevoir des objets qui ser-vent à répartir l’espace, des objets posésdans un environnement où il n’y a plusde limite franche entre l’intérieur et l’ex-térieur. La recherche d’une opposition.Pour ce projet, il était nécessaire des’inscrire dans la ville et à la fois de s’enextraire, de s’offrir un lieu urbain de pro-

menade tout en restant chez soi. Quelleréponse donner à une telle dualité ?Avant travaux, le lieu est un entrepôtsur deux niveaux, situé face au canalSaint-Martin, dont les façades ne peu-vent être modifiées. Il est aujourd’huidevenu maison. Le travail a commencépar un retrait des façades, par la créa-tion de doubles peaux de manière àgénérer une distanciation entre ledehors et le dedans, tout en conservantdes vues choisies, protégées. Le pro-cédé avait également l’avantage d’ap-porter le plus de lumière possible, côtérue et en fond de parcelle.

● Objets précieux

La promenade, elle, s’enroule autour deces objets, de ces pièces uniques audesign parfois sophistiqué qui répon-

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dent à des besoins précis et que l’ondécouvre en franchissant leur limite. Cesboîtes structurent réellement l’espace,donnent envie de découvrir ce qu’ellescachent en leur intérieur, même si cer-taines le dévoilent partiellement ou parintuition, offrant ainsi des formes singu-lières, des matières et des surfaces diffé-rentes auxquelles on se frotte, on sefrôle. Des pièces précieuses en contrasteavec la rugosité de la surface des murs,avec l’aspect brut des sols en béton,même si ces derniers sont polis.

● Une aspiration calculée

On glisse d’un étage à l’autre, de sur-prise spatiale en surprise spatiale. Lesjeux de séquence sont forts. Ils témoi-gnent de la volonté de P. Bérès de créerune maison qui soit une halte où lecorps se situerait entre des choses pré-cieuses et brutes, dans un décor sem-blable à celui que composeraient desmeubles posés dans un jardin. Retrou-ver un sentiment de liberté dans notrefaçon d’habiter – une sensation qui a

disparu avec les modèles classiquesd’appartements où notre comportementse fige, à l’image de la partition qui défi-nit ces logements. En déambulant dansla maison dessinée par P.Bérès, le corpsse laisse emporter. Il est aspiré vers despièces aux contours flous… Et il fauttourner un peu pour trouver l’endroitidéal où se poser. Car le temps de seresituer est nécessaire. Où suis-je danscette maison dont les espaces ont peude choses en commun avec la perpendi-cularité ? Seule peut-être la pièce deséjour du rez-de-chaussée semble – aupremier abord – sans réelle surprise, etpourtant très vite on sent qu’il se passedes choses insolites autour du meublevert pâle, volume atypique qui intègre lacheminée. Derrière-lui se cache la cui-sine conçue comme un espace entredeux temps. Peut-être celui de prendreles repas et puis de passer à autre chose– par exemple se rendre dans un desautres espaces de la maison.De la cuisine, l’aspiration vers l’étages’impose… Vers un nouvel objet, cettefois scintillant, recouvert d’une peau

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>>> Sur rue, les fenêtres du 1er étage dévoilent le principe de double peau

et mettent en scène la seconde façade en retrait. Au rez-de-chaussée, un bel

espace de vie, convivial et lumineux. Au 1er étage, la voûte inversée en béton

semble traversée par une large colonne orange… L’objet cache une salle

de bains ! Au 1er étage, côté rue, une paroi de métal et de verre a été placée

en retrait, protégée par la façade d’origine. Au rez-de-chaussée, le séjour

bénéficie d’une belle lumière zénithale provenant de la verrière. Au 1er étage,

la voûte inversée en béton accompagne les mouvements du corps.

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orange qui épouse le profil tout en ron-deur de cette pièce abritant la salle debains du premier étage. Il faut lecontourner pour découvrir un très belespace ouvert sur le canal et protégé parune voûte en béton très étonnante.Inversée, elle forme une vague qui sur-vole vos pas et incite à s’arrêter pourapprécier pleinement l’espace, les sensa-tions offertes, soit en s’installant aubureau, soit en s’asseyant dans un dessièges qui occupent un espace dévoué àl’avenir à une salle de jeux. Ce premierétage a réellement l’avantage de sonévolutivité. Des cloisons peuvent êtremontées pour diviser l’espace en fonc-tion des besoins. Elles rayonnent depuisle meuble orange. Une année après la findu chantier, une chambre est née pourabriter les nuits d’un premier enfant.Le bureau aujourd’hui ouvert pourra se transformer à terme en secondechambre et le petit salon de l’étage ensalle de jeux commune. L’idée de PlataneBérès serait de laisser aux occupants lacharge de créer leur propre entre-deux.Reste le dernier étage, disons entre ciel

et mer… La vague finit son parcours etvient créer une paroi courbe. On se sent,à son sommet et en son creux, dans unecabine de bateau spacieuse et luxueuse,à laquelle est associée une salle de bainsinscrite dans une boîte en bois. Mais cequi confère à l’espace sa force demeurecette voûte inversée en béton surlaquelle on marche, cette fois. Sa rugo-sité et son mouvement… Dans cettemaison, les objets précieux marquentpar leur présence, mais l’atmosphère estbien donnée par les ouvrages en béton.Ils créent un contexte brut, sensible. Ilsoffrent le contraste rêvé par l’architecte.Dans un jardin, l’écorce des arbres, lapuissance de la terre, tiennent ce rôle. Ici,ce sont les dalles en béton et les enduitsà la chaux qui assument cette brutalité.

● Un chantier déterminé par l’exiguïté de l’espace

Ces travaux en béton ont été réalisés parun petit entrepreneur, mais selon le prin-cipe du travail d’équipe. Les coffrages,conçus sur mesure, respectaient les sou-

haits formels de Platane Bérès tout entenant compte des problèmes d’accessi-bilité propres à un tel chantier (les diffé-rents éléments coffrants, qui ne pou-vaient être manipulés par une grue,devaient être de petite taille). L’exi-guïté du site a déterminé en partie lesdécoupes, qui relevaient d’une réflexioncommune, notamment pour la fameusevoûte inversée. La courbe inversée ademandé un coffrage et un contre-cof-frage qui a pris appui sur le plancher droitdéjà coulé en place. Il était constitué desix tables en forme de piano posées à laverticale pour créer la forme de la courbe.L’ensemble des ouvrages a été réalisé àpartir de ciment blanc et de granulats

standard. Pour des raisons d’économiegénérale du projet, le chauffage par lesol a été noyé directement dans lesdalles des étages, d’une épaisseur de14 cm. Ces dalles ont été polies puiscirées. Un tel procédé coûtait bien moinscher que le coulage supplémentaired’une chape, suivi de la pose d’un autrerevêtement. Seul le plancher du rez-de-chaussée dispose d’un lit d’isolant. Toutest donc question de choix pour parve-nir à ses fins… Reste que Platane Bérèssigne là une halte dans notre paysagearchitectural. Il offre un nouveau regardsur l’habiter. Joli présent. ❚

TEXTE : BÉATRICE HOUZELLE

PHOTOS : HERVÉ ABBADIE

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>>> Au rez-de-chaussée, un premier objet placé face à l’entrée crée une

épaisseur entre le séjour et la cuisine. Il intègre la cheminée. Vu côté cuisine,

ce meuble vert supporte les éléments de cuisine. Mais qu’abrite-t-il à l’intérieur?

Lingerie, débarras, cellier : aux occupants de choisir… La continuité

spatiale du rez-de-chaussée, appuyée par un sol en béton satiné qui accroche

la lumière. et Au 2d étage, la chambre des parents occupe le volume

au-dessus de la voûte inversée en béton, sur laquelle elle est posée. Un fond

de cale très lumineux ! La salle de bains des parents et toujours la voûte

inversée qui imprime un mouvement de vague dans cette pièce d’eau.

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Derrière le mur…● ● ● Avec une superficie de près de 300m

2, cette

belle maison fait le bonheur de ses propriétaires.

Signée Patrice Vallée, auteur de ses lignes

contemporaines, elle est tout en béton hormis

le mur de la façade sur rue, traité en pierre. Les

matériaux laissés bruts suggèrent l’ambiance

“industrielle” voulue par les maîtres d’ouvrage.

a maison, située en pleincentre ancien de Fonte-

nay-le-Fleury, est ancrée dans letissu urbain par l’intermédiaired’un mur de façade donnantsur la rue, dans l’alignement desautres murs et habitations – despavillons plus ou moins récents, desvieilles maisons,des clôtures.

● Conserver,ou détruire?

À l’origine, il y avait là une grange enpierre datant du XVIIIe siècle, disposéeégalement dans l’alignement de la rue.Lors de l’achat, la question qui se posaitaux propriétaires était la suivante :“Faut-il réaménager et agrandir ce vieuxbâtiment, ou bien le détruire pourreconstruire autre chose ?” La rencontreavec l’architecte Patrice Vallée fut déci-

sive. Le choix fut fait d’abattre le bâti-ment ancien, en conservant toutefois lespierres, et de créer une maison neuve,aux lignes contemporaines, en préser-vant l’orientation initiale.La deuxième étape fut l’obtention dupermis de construire, épreuve délicate,en France, pour toute construction sor-tant des normes du POS. Ici, la toiture àdeux pentes entre 30 et 45° est obliga-toire, et la toiture-terrasse interdite. Unechance, pas de clause sur les toiturescourbes ! Pourtant, le maire n’arrivantpas à prendre de décision, la directiondépartementale de l’Équipement se pro-tégeant derrière le strict respect durèglement, il fallut le concours de l’archi-tecte-conseil et de l’architecte des Bâti-ments de France pour venir à bout decette épineuse décision. Ce qui duraenviron une année…

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Maître d’œuvre :Patrice ValléeEntreprise gros œuvre :IcareSurface :300 m2 SHONCoût :610 000 € HT

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Heureusement pour le maître d’œuvre,ses clients n’ont pas battu en retraite –ce qui arrive parfois, hélas, et fait la for-tune des “pavillonneurs”. Patients mal-gré les atermoiements, ils se félicitentaujourd’hui de leur persévérance.

● En façade,un mur percé de fines baies verticales

D’une superficie totale de 270 m2, lebâtiment qui s’élève sur deux niveauxet demi est relativement imposant encomparaison de ce qui existe autour.Construit en pierres de récupération,presque aveugle, un “mur-façade” longde 13,5 mètres referme la propriétésur elle-même. Quelques baies verti-cales traitées comme des meurtrièresrythment l’ensemble avec régularité.Tout en offrant un apport de lumièrenaturelle, ces ouvertures empêchent uncontact trop direct avec la rue.La porte d’entrée vitrée, dotée d’uneimposte, est recouverte d’une plaque detôle rouillée. Au sol, une série de soupi-raux permettent l’éclairage et l’aération

du sous-sol. À l’extrémité de la façade,des volets orientables en bois abritentune petite terrasse du regard des pas-sants. Cette façade haute, située aunord, est coiffée d’une verrière en anglequi crée un apport de lumière zénithaledans le séjour et sur le palier. Le vitrageforme une transition élégante avec latoiture courbe qui démarre juste der-rière. À l’étage, ce même vitrage ouvre lecoin bibliothèque sur le ciel.

● Aspect brut mais sophistiqué

À l’intérieur, l’accès au séjour se fait parquelques marches qui rattrapent lapente du terrain (sur un demi-niveau,environ 1,20 mètre). Dans l’entrée, uneboîte habillée d’un carrelage de sol grismat abrite un sanitaire. Les parois sonttraitées de manière originale : le maté-riau de doublage est laissé apparent,mais recouvert de plaques de verreprises dans des rails métalliques, pro-cédé qui apporte un aspect un peubrut, en un mot “industriel”, et pourtanttrès sophistiqué, avec des rampes lumi-

neuses glissées dans les rails et des sil-houettes blanches réalisées par lepeintre Ménager. Au rez-de-chausséese trouvent le séjour-salle à manger, lacuisine et un bureau. Ces espaces,ouverts par de larges passages, restenttoutefois indépendants, séparés par desmurs de refend en béton laissé brut dedécoffrage. Entre le salon et le bureau,une cheminée traversante, à doubleorientation, est prise dans le mur, quicrée un lien entre ces deux pièces.Le bâtiment est conçu selon une struc-ture poteaux-planchers en béton, ce quia permis une grande liberté dans larépartition des volumes.Un jeu sur les différences de niveaudes plafonds empêche l’uniformité devolume que risquait d’engendrer unetelle surface ; il permet également decaractériser chaque espace selon safonction. La cuisine, par exemple, est à2,70 mètres, valeur qui contribue à ladéfinition d’une échelle conviviale etchaleureuse, alors que le reste du rez-de-chaussée est beaucoup plus vaste.Au nord, une partie du séjour est en

double niveau, provoquant une belleéchappée visuelle sur l’étage. Le bétonest partout présent et apparent, en cloi-son, mais également au plafond. Quatrepiliers au centre de la salle de séjours’imposent comme une affirmation dela structure du bâtiment. Il s’agissaitd’un souhait des maîtres d’ouvrage decréer une ambiance “manufacture”. Lesautres matériaux utilisés ont aussi étélaissés bruts : les poutrelles en aciermaintenant l’escalier, les passerelles del’étage et les garde-corps, ainsi que lesplaques de tôle encadrant la cheminée.Seuls les murs ayant un lien avec l’exté-rieur ont été doublés et sont blancs.

● Des imperfections très étudiées

L’architecte a réellement contrôlé l’en-semble de la construction, qui nécessitaitd’autant plus de soin et d’attention auxdétails que les éléments de décordevaient conserver leurs imperfectionsnaturelles. Mais il ne s’agissait pas deconcevoir une ambiance “chantier”!

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De ce fait, l’encastrement de l’électricitédans les murs de béton fut une opérationdélicate pour l’entreprise… Mais aufinal, et grâce à un calepinage préalable,les interrupteurs et les prises de couranten inox s’insèrent harmonieusementdans les cloisons de béton brut.

● Chambres avec vue… et terrasse

À l’étage, deux grandes chambres – quel’on pourrait presque nommer des suites– se répartissent sur deux demi-niveaux.À l’ouest, la bibliothèque installée sur lepalier, ouverte sur une petite terrasse, etla chambre des parents à l’est, sontreliées par une passerelle en métal etverre qui donne sur le séjour. La chambrede la jeune fille, au sud, est accessiblepar quelques marches en béton, dont onaperçoit la sous-face, traitée comme undécor,depuis le séjour.La voûte tendue de la toiture en bétonbrut – dont la trace des banches de boisest apparente – est visible de toute partà l’étage, et même mise en scène par des

impostes vitrées posées en haut descloisons suivant la courbe du toit. Leschambres sont équipées de grandesbaies donnant sur le jardin et sur une ter-rasse centrale entre les deux chambres.Ce jeu de transparences permet égale-ment de créer un lien entre les pièces.Les façades sud et ouest, largementouvertes sur le jardin, témoignent de lacomplexité volumétrique de la maison.Celles-ci sont traitées en béton brut, lesjoints de coffrage et de coulage faisantl’objet d’une étude soignée, tout commele calepinage des traces d’entretoise-ment des coffrages. Les percements, quis’inscrivent dans la trame de la construc-tion, ont été dimensionnés selon lerythme des joints de coffrage, à savoirdes multiples de 50centimètres. Ils for-ment une composition graphique rigou-reuse, complétée par les jeux d’avancéeet de retrait des volumes intérieurs et desterrasses. Les matériaux – béton, acier,verre et bois – font partie intégrante dela conception. ❚

TEXTE : CLOTILDE FOUSSARD

PHOTOS : GUILLAUME MAUCUIT-LECOMTE

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>>> et Façade sud : séjour et cuisine sont largement ouverts sur le

jardin. Les volumes découpés ménagent des terrasses. Quelques

marches vers le séjour rattrapent le niveau du jardin. Les différences de

hauteur entre plafonds font la variété de l’espace. La courbe de toiture

en béton brut est mise en valeur par des décrochements, des transparences.

Les espaces intérieurs sont le plus ouverts possible. Quelques marches

en béton sont prétexte à un décor travaillé. Dans une chambre, un petit

volume courbe abrite des toilettes. Partout l’architecte a joué avec

la transparence. À l’intérieur, le béton est le plus souvent demeuré brut.11

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Terrain de rencontre● ● ● Au cœur de la Seine-et-Marne, la maison

Delaitre illustre la rencontre parfaite entre

un site exceptionnel, un architecte de qualité

et des clients demandeurs d’architecture

contemporaine. Dessinée par Jean-Claude Sémon,

cette maison de plain-pied en béton brut et à toit

plat s’offre au paysage avec bonheur…

e terrain était depuis bienlongtemps la propriété de

la famille Delaitre, sans pourautant avoir suscité l’envie debâtir. Il avait même vu une par-tie de ses arbres dévastés lorsde la tempête de 1999. L’archi-tecte, quant à lui, avait participé auxJournées de la maison contemporaineorganisées par Architectures à vivre –Renov durant l’année 2000 et y faisaitvisiter sa propre maison. Jean-ClaudeSémon n’en réalise pourtant que peuavec des particuliers, du fait de la diffi-culté pour un professionnel de rentrerdans ses fonds eu égard au temps passépour ce type de projet privé. Mais desclients qui n’avaient pu visiter les créa-tions parisiennes, surchargées de vis-teurs, avaient finalement jeté leur dévolusur cette maison de Seine-et-Marne…

Françoise et Jacques Delaitre sont desagriculteurs en retraite depuis peu. Ilshabitaient auparavant une belle fermefamiliale du XVIIe siècle possédant undélicieux pigeonnier. Plutôt que dedemeurer parmi de vieilles pierres tropconnues et pour mieux marquer leurchangement de vie, ils choisissent de setourner vers l’architecture contempo-raine, plus à même de correspondre àleurs attentes. Ils visitent les maisons deJean-Claude Sémon et Daniel Rapaport,son associé, et y apprécient les grandesqualités spatiales.

● Une demande séduisante

Jean-Claude Sémon est dès le débutséduit par la qualité de ces clients à ladémarche peu commune, à la foisdemandeurs d’architecture et confiants

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Maître d’ouvrage: Françoise et Jacques DelaitreMaître d’œuvre :Jean-Claude SémonProgramme :178 m2 + 46 m2

Coût :370 000 € HT

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>>> La maison est tout entière tournée vers le sud. Ses façades

sont de pur béton brut. En position dominante sur le terrain en pente,

l’habitation ouvre sur le paysage – la vallée de la Marne – à 180°.

À l’intérieur du séjour, les surfaces de béton sont couvertes de blanc.

Au nord, le coin de la cheminée – en béton brut – est le lieu de l’intimité

et de la méditation. Sur les surfaces de béton, brutes ou peintes, vient jouer

une astucieuse lumière naturelle indirecte.

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dans le métier de l’architecte. Puis il estémerveillé par le terrain lui-même,8000m2 en pente fortement boisée quidominent face au sud et à 180° la valléede la Marne. Il y est possible d’admirerles changements de saison sur tout unpaysage. Enfin, le futur projet se trouvederrière l’ancienne résidence secondairede Samuel Becket…

● Un contexte porteur de création : client et entreprise

“Pour l’architecte, la difficulté des mai-sons individuelles est qu’il ne peut absolu-ment pas demander 20% du coût de laconstruction comme honoraires, ce quiest pourtant nécessaire à sa survie profes-sionnelle, rappelle Jean-Claude Sémon. Ilfaut donc, pour se lancer dans cetteaventure privée, que les rapports entreles partenaires se passent au mieux.”Après avoir expliqué sa démarche etl’investissement qu’elle demandait,l’architecte propose aux clients d’établirdes croquis qui leur permettront soit desuivre la voie dessinée soit de se retirer.

S’ensuit une longue discussion sur lesenvies et futurs modes de vie de cesjeunes retraités, puis il se lance dans demultiples croquis où il laisse sa créativités’illustrer sans restriction.“Les dessins étaient de toutes les cou-leurs comme ceux des enfants, avec dujaune, du rouge, du vert”, racontentFrançoise et Jacques Delaitre, qui y ontimmédiatement retrouvé tous leursdésirs d’ouvertures, de lumière, dematériaux nouveaux. À partir de là, laconfiance fut totale et l’architecte s’estretrouvé en charge de l’ensemble duprojet, du gros œuvre aux luminaires.L’investissement est alors entier de lapart de ces deux partenaires, maîtred’ouvrage et maître d’œuvre. Il reste àchoisir des entreprises de qualité, sanslesquelles rien n’est possible. Pour cettemaison minimaliste en béton apparentet bois, il faut un bon maçon et de bonsmenuisiers. Loin de chercher le moins-disant, les clients proposent alors uneentreprise locale déjà connue d’eux, l’en-treprise Lucas à Ussy-sur-Marne. Aprèsavoir vérifié les constructions réalisées

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par cette dernière sur d’autres chantiers,l’architecte retient l’entreprise et uneexcellente collaboration s’installe.

● Un projet atypique,conçusans contrainte

Le voisinage est dispersé,hétéroclite,maistoujours composé d’architectures ordi-naires. À l’heureuse surprise de l’archi-tecte, cependant, la réglementationlocale ne comporte aucune restriction enmatière de pentes de toiture minimales,de matériaux à employer, de palette decouleurs à utiliser.La maison est en béton apparent car elleest conçue comme une sculpture enmilieu forestier. L’emploi associé du verreet de l’aluminium est un clin d’œil à

Claude Parent qui fut l’architecte pharedes “vingt ans” de Jean-Claude Sémon.Elle est orientée vers le sud et ouverte aupaysage, avec une terrasse et un balconsur lesquels donnent le séjour et les deuxchambres des clients. Le séjour est unvaste volume courbe au toit d’une seulepente. La cuisine se trouve à l’articula-tion de la zone de jour et de celle de nuit.Plus hermétique au nord, la maison yoffre une entrée, un office, deux dres-sings et une salle d’eau. Le reste de l’ha-bitat possède une toiture-terrasse. Lapente naturelle du terrain génère sous lapartie nuit de la maison un secondniveau où se placent salle d’eau etchambres pour les visiteurs. Elle est tra-vaillée en transparence avec des circula-tions qui ouvrent systématiquement sur

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des vues extérieures. Par souci de per-fection, l’architecte, avant même laconstruction de la maison, s’était mis enquête d’un menuisier capable de fabri-quer des mannequins pour les ouver-tures, et finalement rencontré à Orléans.Un choix judicieux, grâce auquel lamaçonnerie des ouvertures se montretout simplement parfaite.

● Bétons et béton

Le béton prêt à l’emploi arrivait sur lechantier en toupie et était coulé dans descoffrages huilés. La réalisation de cettemaison a donc fait appel à un matériellourd. Les murs extérieurs sont en béton

brut coffré avec effet de planches. Ils rap-pellent ainsi la forêt environnante. Àl’intérieur, le seul élément en béton demême aspect est la cheminée suspen-due. Placée dans le coin des songes – unespace plus clos et plus intime bien quecontigu au séjour –, cette dernière estliée au bois que cette fois l’on brûle.Les côtés intérieurs en béton brut desmurs de façade “façon Tadao Ando” nepeuvent exister en France pour cause deconfort thermique et d’isolation à placer.Mais plusieurs murs situés pleinement àl’intérieur sont en béton brut. Parfoisles plafonds sont eux aussi laissésbruts, comme dans le coin des songes.Leurs surfaces sont alors lisses, simple-

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ment démoulées des banches acier. Lesespaces naissent ici des rencontres entreplans de béton brut et plans carrelés oublancs. L’auvent extérieur est fait d’unprolongement de béton à la sous-faced’aspect brut, qui souligne l’horizontalitéde la maison et protège de la pluie sur laterrasse.Aucun mur de béton brut n’estimperméabilisé.

● Détails en vrac pour un plus d’architecture

De la maison qui fut une fois pensée enbois restent les marques sur les façadesde part et d’autre des ouvertures. Cesdernières possèdent une menuiseriemétallique qui s’efface dans une contre-cloison épaisse. Elles bénéficient devastes volets en bois coulissants dont lapartie centrale est constituée de lamesinclinables, et qui eux aussi s’effacentdans la même contre-cloison.Autres composantes de cet esprit mini-maliste, les portes intérieures sont faitesde cloisons coulissantes. Choisies enacajou comme le parquet, elles appor-

tent confort et chaleur à l’espace. La cui-sine, dans le même ensemble, a été des-sinée en s’efforçant d’épouser le plusfidèlement la pratique de la propriétaire.Des étagères en béton poli à l’aspectpresque marbrier soulignent les ouver-tures, le mur courbe. Et plus encore, car ilreste la lumière à découvrir… ❚

TEXTE : SYLVIE CHIRAT

PHOTOS : ISABELLE TABELLION

>>> La salle de bain est disposée derrière de véritables murs

coulissants dont le bois réchauffe l’espace. Dès l’entrée, la vue s’échappe

en direction du paysage. Toutes les circulations, d’ailleurs, sont conçues pour

offrir des vues extérieures. Dans le prolongement du séjour, un couloir

dessert les chambres – au sud – et les espaces fonctionnels – au nord.

Une architecture tout en jeux de plans et de lumières sur un béton qui

se plaît à multiplier les aspects. Les menuiseries extérieures coulissent

dans les murs, et la présence du bois en façade est la marque de ce que

la maison fut un temps pensée dans ce matériau.

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r é a l i s a t i o n TROIS MAISONS

Histoires de maisons● ● ● Habitués de la commande publique,

Bernard Valero et Frédéric Gadan trouvent dans

la conception de maisons individuelles un terrain

d’expression pour aborder la micro-échelle.

Il en ressort des objets souvent atypiques tant

l’architecture contemporaine est, en France,

étrangère au monde de l’habitat individuel.

es maisons ont une his-toire. C’est ce qui séduit

Bernard Valero et c’est pourcette raison qu’avec son com-père Frédéric Gadan, il se plaît àen concevoir dès que l’opportu-nité se présente. Ce n’est certes pasce type de micro-projets, gourmands entemps et en énergie, qui fait “tourner”leur agence mais, parallèlement auxbâtiments publics qu’ils projettent pourles collectivités, les deux compèresaiment à se frotter à la commande pri-vée, aussi ténue soit-elle. C’est pour euxl’occasion d’engager une relation deréelle proximité avec des maîtres d’ou-vrage occasionnels et de partager aveceux leur envie d’architecture. Les projetsainsi produits, spécifiques à chaquemaître d’ouvrage, leur permettentd’aborder une échelle domestique, sur

des parcelles souvent complexes, pourrésoudre des questions de vie quoti-dienne: le passage d’une chambre à uneautre, l’éclairage d’un couloir, la distri-bution d’un ou deux étages. Ainsi, lacréation d’un coin feu, l’ouverture pleincadre sur un carré de jardin, la doublehauteur dans un séjour, sont autant deluxes qu’ils peuvent offrir à leurs clientssans déborder des budgets serrés.

● Projets exigeants

Ce type d’affaire arrive à l’agence par lebouche-à-oreille, via des amis qui ontdéjà eu l’opportunité de travailler avecles architectes. Les projets demandentbeaucoup de temps pour des honorairesque les deux compères entendent reva-loriser tant leurs interventions apportentune plus-value aux ouvrages de départ.

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Souvent contraints, en effet, par desenveloppes financières limitées, lesconcepteurs ont adopté une écriture ins-pirée des maisons californiennes deCraig Elwood dans les années 50 : deshabitations plates, de plain-pied, où le“luxe” naît de l’espace et de la surfacedisponible. Les volumes épurés organi-sent une architecture fluide, ouverte surles espaces extérieurs. Ce sont dans laplupart des cas des parallélépipèdes debéton, agencés de manière à créer delarges entrées de lumière.

● Charmants détails

Quelques détails font le charme de cesmaisons : le décollement des volumespar des vides, des vitrages ou des bandesde pavés de verre, la recherche de lalumière via des systèmes d’éclairagezénithaux, un percement, une vue sur lejardin. Et, dans tous les cas, des espacesintermédiaires (terrasse, pergola, patio,balcon) qui prolongent la maison surl’extérieur avec des surfaces complé-mentaires à la cellule d’habitation. ❚

r é a l i s a t i o n TROIS MAISONS

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�Nantes (44)Quand l’originalité se fait luxe

Maître d’œuvre :Bernard Valero & Frédéric GadanArchitecte de chantier :J.-J.Cordelier (Nantes)Entreprise gros œuvre : BGEM.GuiheneufSurface :150 m2 SHONCoût :200 000 €TTC (2002)

Nantes, l’aventure a com-mencé par un morceau de

cadastre qui, un jour, a aboutisur le bureau des architectes. Leplan, envoyé par fax, est celui d’unterrain à vendre, de 10 x 30 m et situédans un quartier de faubourgs. La ques-tion est posée par un ami des concep-teurs qui souhaite connaître l’intérêt dela parcelle pour y construire une rési-dence principale. La prise en compte del’orientation, quelques traits sur le plan,et la future maison apparaît avec évi-dence: un volume en équerre ouvert sur

un patio. L’ami devenu client achète leterrain et la maison sera finalementconstruite. Une seule façade donne surla ville, et à cause de la faible largeur duterrain, l’habitation est fermée sur rue.“On n’avait pas le droit de s’élever, nide dépasser 150 m2, avec en plus ungarage obligatoire”, regrettent lesconcepteurs. Qu’importe, le logementsera ouvert sur le jardin.

● Ces quelques détails qui changent tout

L’entrée, située à côté du garage, ouvresur le séjour-cuisine au travers duquel sedécouvre une grande terrasse en bois.Dans le prolongement, un volume enbande qui abrite les chambres s’enfoncedans la profondeur du jardin. L’espaceet les matériaux sont simples, maisquelques détails échappent au banal. La

A terrasse est couverte par une pergolacomposée de poutres en béton quireprennent la hauteur du couronnementet créent une véritable pièce extérieure.Le revêtement des façades, en plaquettesde pierre, rentre à l’intérieur de la maisonet matérialise le lien avec l’extérieur.Enfin, l’acrotère permet le rangement desrails des volets et des fenêtres, qui coulis-sent à l’intérieur des chambres et permet-tent des ouvertures plein cadre.

● Une leçon de conception

L’ensemble enduit et peint en blancest construit pour un budget de quelque1 000 euros par mètre carré. Et finale-ment cet ouvrage, dans sa modestie,propose une belle leçon de conception,démontrant ainsi avec brio que la diffé-rence et le luxe de l’architecture résidentdans la forme et l’espace proposé. ❚

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images de l’habitat – traditionnelle etcontemporaine. Mis en œuvre avec l’aided’un ingénieur béton, ce projet a été réa-lisé par une entreprise artisanale. Il estvrai que passé la découverte de la forme,ces artisans se prennent facilement aujeu de l’architecture et construisent par-faitement ce type de bâtiment qui faitappel aux mêmes technicités. Celui-cirecèle pourtant de nombreuses astuceset solutions techniques. Ainsi, le grandmur mitoyen de la maison des parents,totalement décollé du mur de clôture,agit comme une gigantesque poutre-voile qui ne repose que sur un corbeau etsur un poteau d’angle. ❚

tionné à l’alignement sur rue. Réalisélégèrement en contrebas de la rue, cetespace se compose d’un séjour prolongé,côté jardin, par un “entre-deux” qui metla cuisine en relation avec l’extérieur. Àl’étage, la chambre des parents aména-gée dans l’ancienne habitation ouvre surune terrasse.Au rez-de-chaussée, l’entréede garage a été reprise comme entrée dela maison, et le mur d’enceinte bas,démoli pour prolonger le soubassementde meulière sur la totalité de la maison.De l’autre côté, un volume bas, construiten béton brut, s’ouvre sur le jardin: c’estla maison des enfants – chambre, salle dejeux, sanitaires,etc.

● Images accolées

Le décollement des volumes les uns parrapport aux autres par de longues ouver-tures horizontales permet d’accoler deux

a commande consistait àagrandir une petite mai-

son de banlieue, posée sur unsoubassement en meulière etcouverte par un toit à deuxpentes. Pour préserver cette imagecaractéristique de l’habitat périphé-rique, l’extension est réalisée de part etd’autre du volume existant en deuxphases consécutives.

● À chacun son côté

D’un côté est créée la maison desparents. Il s’agit en fait d’un volumeparallélepipédique double hauteur posi-

>>> Nantes – Fermée côté ville, la maison est largement ouverte sur

le jardin. Le revêtement des murs extérieurs rentre à l’intérieur de la maison

et réalise le lien avec l’extérieur. La terrasse, couverte par une pergola

composée de poutres en béton, est conçue comme une véritable pièce

extérieure. Romainville – et Le nouveau séjour se prolonge par un

“entre-deux” qui met la cuisine en relation avec le jardin. Le décollement

des volumes par de longues ouvertures horizontales permet d’accoler deux

images de l’habitat. Un volume bas, en béton brut, s’ouvre sur le jardin :

c’est “la maison des enfants”.

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�Romainville (94)Revue et augmentée

Maître d’œuvre :Bernard Valero & Frédéric GadanEntreprises en corps d’état séparésSurface :170 m2 SHONCoût :250 000 €TTC (1999)

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éduits par la maison deRomainville lors des pre-

mières sessions de la maisoncontemporaine organisées parArchitectures à vivre, des clientsproposent un jour aux deuxarchitectes un terrain sur lequel setrouve un petit immeuble vertical enbriques de trois niveaux.Mais alors que lecouple souhaite détruire le bâtiment exis-tant, les concepteurs, séduits par sonesprit “new-yorkais”, proposent de legarder. Ils y accolent un escalier accom-pagné de salles de bain qui dessert lesdeux pièces de chaque niveau.Au rez-de-

chaussée, un volume cuisine-séjour estréalisé jusqu’en limite séparative, tandisqu’une chambre est projetée sur le jardin,pour une phase ultérieure. Côté rue, unesuccession de murs gèrent le stationne-ment en créant de l’intimité au cœur d’unquartier pas toujours tranquille.

● Cachet préservé

Les extensions, traitées en béton brut etbéton enduit blanc, se différencient clai-rement de l’existant dont le cachet origi-nal a été préservé. Si le travail réalisé surle gros œuvre de l’existant a impliqué denombreux calculs de ferraillage, le chan-tier de gros œuvre de l’ensemble de lamaison a été mené de façon totalementartisanale par un compagnon aidé deson unique commis. ❚

TEXTE : HERVÉ CIVIDINO

PHOTOS : DR

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�Fontenay-sous-Bois (94)Esprit “new-yorkais”

Maître d’œuvre :Bernard Valero & Frédéric GadanEntreprise gros œuvre : M.RivièreBatissimoSurface :225 m2 SHONCoût :180 000 €TTC (2003)

>>>Fontenay-sous-Bois – Une extension de plain-pied complète

un petit immeuble vertical en briques de trois niveaux, auquel elle se rattache par le volume de l’escalier. Traitées en béton brut et béton enduit

blanc, ces extensions se différencient clairement de l’existant dont le cachet

original a été préservé. Côté rue, une succession de murs en béton

banché créent l’indispensable intimité vis-à-vis du quartier. Situé au rez-

de-chaussée, le nouveau séjour apporte lumière et espace à l’existant.

Une chambre pourrait venir s’ajouter, à l’avenir, en projection sur le jardin.

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Le béton dans sa simplicitéLe respect des prix est assuré par l’emploi de systèmes constructifs

courants – béton armé, blocs-béton, hourdis et poutrelles préfabri-

quées – et par le recours à des entreprises de taille artisanale habi-

tuées à manier ces techniques. Car pour Bernard Valero il ne peut être

question, sur de tels projets, de prendre des risques ou d’opérer des

expérimentations. “C’est le patrimoine de nos clients qui est en jeu.

Les budgets étant inextensibles, nous recourons à des procédés que

nous maîtrisons. Nous utilisons le béton parce qu’il est durable et

sans surprise à partir du moment où il est mis en œuvre correcte-

ment”. À la clé, une belle leçon de conception qui démontre, non sans

brio, qu’une architecture contemporaine peut parfaitement s’envisa-

ger dans les limites d’un coût classique.

TECHNIQUE

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Où habiter en poète ● ● ● Créer tout un monde derrière un mur en

béton, telle était la mission confiée à l’architecte

Nathalie Merveille, en charge de concevoir

l’extension de ce mas retiré au cœur d’un vallon

du Luberon. Mission accomplie : de la maîtrise

de la lumière et des matériaux est né un espace

littéralement transcendant.

‘est pour retrouver lesgrandes masses miné-

rales des bâtiments de l’archi-tecte Tadao Ando, découvertsau cours d’un de leurs nom-breux voyages au Japon, que lecouple propriétaire de ce masdécide d’en confier l’extension àNathalie Merveille, avec comme inten-tion de la réaliser en béton.

● L’utile et l’indispensable

Le programme est simple et séduisant. Ils’agit d’augmenter une habitation ini-tiale – qui pourvoit déjà à l’ensembledes besoins matériels – d’une pièce sup-plémentaire : un séjour qui, à l’inverse,répondrait aux “fonctions inutiles”, auxbesoins spirituels, tels qu’écouter de lamusique, contempler, partager. À ce

séjour, la commande ajoute la créationd’un patio et d’une grande terrasse. Icil’inutile est devenu l’indispensable.La construction est calée au nord del’existant, structurée par deux voilesprincipaux : le premier, orienté est-ouest, s’implante dans la continuité du refend intérieur du mas. Le second,nord-sud, se place perpendiculai-rement de façon à former une frontièreconstruite entre le monde naturel envi-ronnant et le monde aménagé de lamaison. Le nouveau séjour est calé lelong du premier voile est-ouest, en liai-son avec la salle à manger initiale. Les40m2 du volume, imposés par les règlesd’occupation du sol, sont compenséspar les 3,60 m de hauteur sous dalle.L’espace est refermé à l’ouest par uneparoi épaisse, formée côté intérieur parune double baie à galandage, et à l’ex-

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Maître d’œuvre :Nathalie MerveilleBET structure :BeccamelÉconomiste :G.MorèreEntreprise gros œuvre :M.Moretti

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séjourpatio

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térieur par une succession d’écrans enbois, orientables et escamotables, quipermettent d’isoler le volume intérieurdes rayons du soleil du ponant.Au nord de cet espace, le patio s’appuiesur l’angle formé par les deux voiles pré-cédents, séparé du séjour par un voileintermédiaire qui abrite une cheminéetraversante. Cette zone extérieure de

forme carrée dessinée par les murs s’ins-crit en contrepoint de la nature environ-nante. La composition est complétée ausol par la réalisation d’une dalle debéton industriel lissée à l’hélicoptère.Elle garantit une parfaite continuitéentre l’intérieur du séjour, le patio et laterrasse extérieure. Au sol, le jeu desjoints de fractionnement trace un véri-

table tatami qui s’étend depuis l’angleformé par les deux voiles précédents jus-qu’à la piscine placée au sud pour profi-ter au mieux du soleil méditerranéen.Cette plate-forme unifie l’ensemble,formé d’extensions successives.

● Une épaisseur de silencedans la matière du béton

Le résultat est à la fois aussi simple etaussi complexe que possible. Sur cetatami en surplomb au-dessus du vallon,des murs immuables se dressent et fontface au paysage, comme si le béton enprenant corps avait enfermé une épais-seur de silence. La sérénité règne sur cetensemble pétrifié par le temps et le soleil,où seuls dialoguent encore l’ombre et lalumière filtrée par d’étroites coupureshorizontales et verticales.Sur le voile est, à l’intérieur du séjour, lebéton est mis en scène par la fenêtred’angle et le bandeau horizontal quidétachent la dalle des différents voiles.La lumière qui pénètre le matin par cesfentes souligne le désir de moduler la

présence de l’espace extérieur dans cequ’il a de plus éphémère : l’ombre d’unfrémissement de feuilles ou le vent quivient chasser un nuage.Le jeu se complexifie à l’ouest. La doubleparoi constituée par les écrans de bois etla baie à galandage forme ce qui pour-rait être appelé un ”espace tampon” quifragmente, ou au contraire rassemble les différents pôles de l’extension. Laséquence séjour-espace tampon-terrassepeut effacer, alternativement ou simulta-nément, l’un ou l’autre de ces termessuivant les positions respectives desécrans et de la baie. Les panneaux debois ont la faculté de séparer tout enréunissant. Fermés, ils établissent lalimite nécessaire au recueil et à lacontemplation. Ouverts, ils étendent les40 m2 du séjour à l’ensemble de la plate-forme et permettent d’accueillir le pay-sage et les nombreux convives éven-tuels. Entrouverts, ils offrent l’écart et laliaison, et mettent en scène le rapportentre l’intérieur et l’extérieur dans l’éva-nouissement des limites. Ils forment, parailleurs, le terrain de jeu favori des petits

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visiteurs qui zigzaguent entre le dedanset le dehors. Leur positionnement infinicrée des jeux d’ombre et de lumière sanscesse renouvelés.

● Ombres mouvantes…

Cette impermanence s’oppose à l’aspectdéfinitif des murs de béton que lesbanches métalliques ont su lisser, pourrecevoir ces ombres mouvantes dont lacouleur varie en fonction des saisons etdu moment de la journée. “L’essentiel decette architecture ne peut être saisi quedans ces instants fugitifs, quand la natureest présente par les ombres qu’elle des-sine sur la peau lisse du béton”, avancentles propriétaires, comme si l’architecteNathalie Merveille avait su faire entrerdes éléments tels que la lumière et le ventà l’intérieur de sa réalisation, mais sousune forme détachée du monde extérieurde par la présence protectrice de cesmurs de béton architectonique. À l’inté-rieur, le dessin géométrique des bancheset le rythme des cabochons refermant lestrous de ces dernières font perdre la

conscience du monde extérieur. Le bâti-ment fait preuve d’une présence liée àl’épaisseur même de ses murs, constituésd’une triple enveloppe (voile extérieur de16 cm, isolant de 8cm, voile intérieur de12 cm) de façon à laisser apparaître lebéton à l’intérieur et à l’extérieur de lapièce. Cette épaisseur donne un confortthermique particulier de par l’inertie del’ensemble, confort renforcé par la dallequi répartit uniformément la chaleur duchauffage par le sol en hiver.

● Un entrepreneur motivé

“Au-delà du projet, l’enjeu principalétait bien évidemment la qualité desbétons, confie l’architecte Nathalie Mer-veille. La première difficulté a été detrouver un entrepreneur de maçonnerieéquipé de banches métalliques et quipouvait cependant être intéressé par uneréalisation de taille limitée. Heureuse-ment, j’avais déjà travaillé avec MarioMoretti sur deux chantiers précédents.Une fois le marché attribué, j’ai calepinél’ensemble du projet en fonction de la

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>>> En position ouverte, les écrans en bois étendent l’espace intérieur

à l’ensemble de la plate-forme en béton lissé. Caillebotis métalliques

et écrans de bois créent des ombres changeantes qui animent les surfaces.

Présence protectrice des murs de béton lissés sur lesquels, selon la saison

et le moment de la journée, joue la lumière. Le banc en béton coulé et la

toile tendue composent un espace extérieur ombragé très agréable. La dalle

en béton coulée du séjour assure une parfaite continuité avec l’existant et

l’espace extérieur. , et La géométrie très épurée de l’architecture de

l’extension est présente dans l’aménagement des espaces intérieurs du mas.

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taille de ses banches, dont nous avonsvérifié l’état de surface avant de com-mencer le chantier. La réalisation duvoile intérieur de 12cm a été particuliè-rement délicate à cause de cette faibleépaisseur. J’ai même été obligée de fairerefaire le premier voile car on apercevaitle spectre des ferraillages à la surface duparement. Cette exigence était indispen-sable pour laisser le béton apparent.”Le résultat est sans appel. La premièreimpression suscitée par cette architec-ture est la matérialité. Les murs puissantsétablissent une limite qui répond à laforce de la nature environnante. Ladeuxième impression est la tactilité.Autoucher, les murs rigides sont doux, ils

excluent puis embrassent, laissent entrerla lumière, le vent, le visiteur qui aban-donne son quotidien pour se réfugierdans un havre de tranquillité. La troi-sième impression n’est autre que l’es-pace. À l’intérieur, seules la lumière et lamusique nous entourent.Par sa réalisation dans les Ocres, Natha-lie Merveille a su dépasser le corps etla matière pour atteindre l’âme et sa“substantifique moelle”. La maîtrise dela lumière et des matériaux a créé unespace transcendant où, pour reprendreles termes du poète allemand Hölderlin,“l’homme peut habiter en poète”. ❚

TEXTE : SOLVEIG ORTH

PHOTOS : ÉRIC D’HÉROUVILLE

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Droit à l’essentiel● ● ● Deux contextes urbains, deux volumes

très différents: une maison de ville et un loft…

Et pourtant une même écriture qui parle d’un

habitat ouvert, baigné de lumière mais structuré

par des éléments protecteurs et puissants,

tous réalisés en béton, matière épaisse

ici appréciée pour son caractère “rassurant”.

Maître d’œuvre :GKP Architecture (Pablo Katz)

Maison passage BourgoinSurface :171 m2 habitables + 67 m2 de cave + 88 m2 extérieurs (jardins,terrasses et balcons)Coût :230 000 €TTCLoft de Belleville Surface :350 m2

Coût :350 000 €TTC

ntervenir au cœur de laville… Qu’ils soient ou

bien niché, pour l’un, au fondd’une seconde cour, totalementà l’abri de la rue et de ses bruits,ou bien inséré, pour l’autre, dans uneruelle très étroite aux airs de campagne,ces deux logements ont une âme quioscille entre l’appartement aux multiplesétages et l’entité libre. À Belleville oupassage Bourgoin, tous deux ont trouvéleur place architecturale, et surtout uneidentité propre, malgré un tissu urbainpour le moins dense, capitale oblige. Leurforce? Ces réalisations relèvent toutesdeux d’une seule écriture, sans pourautant offrir le même type d’espace ni lamême façon d’habiter. Pour Pablo Katz, ilest primordial d’intégrer fortement leprogramme du client, de comprendre sesattentes et de les devancer. Mais de ces

données intangibles doit pouvoir naîtreune mise en forme inattendue quiintègre l’interprétation de l’architectesous la forme d’une partition inédite, lebut étant de dépasser les attentes deceux qui vont y vivre, et peut-êtremême de répondre à des besoins queces derniers n’ont pas su exprimer. Car laconception d’une maison ne suit pas for-cément,pour le client, le même chemine-ment que pour l’architecte.

● Un juste équilibre

Pablo Katz revendique comme credo lalumière, l’espace, l’ouverture, la transpa-rence, la création d’un lien étroit entrel’intérieur et l’extérieur, le travail de lamatière, etc. Parallèlement, la maisonrelève de l’abri, du cocon – un lieu d’in-timité au même titre que la grotte de

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nos ancêtres… À la croisée de ces che-mins se trouve une solution qui consisteà apporter une sensation de protectionet d’ancrage en utilisant des matériauxlourds qui rassurent et posent l’espace.Ces éléments puissants forment despoints de repère suffisamment fortspour oser laisser entrer beaucoup delumière, par la mise en œuvre de maté-riaux légers offrant de la transparence.En situation urbaine, l’équilibre à trou-ver s’avère bien plus délicat, car il fauttenir compte du contexte et a priori offrirun cocon plus protecteur encore… Lasolution? Créer des patios, des espacesvides vers lesquels tourner l’espace inté-rieur et offrir des vues protégées maisouvertes sur l’extérieur.Que ce soit pour la maison du passageBourgoin ou le loft de Belleville, cettesensation d’ouverture est pleine etréussie. Pour la première, construite surquatre niveaux, l’effet vient de la multi-plication des passages intérieurs, desdécalages entre niveaux, des balcons etdes terrasses, accidents offerts qui ren-dent le parcours riche en vues et en sur-

prises tout en préservant un réel niveaud’intimité à chaque étage. Pour lesecond, le volume à occuper était tel –cette ancienne imprimerie disposaitd’une hauteur sous faîtage impression-nante: 7 mètres ! – que le travail engagépar l’architecte s’est attaché à préserverla qualité de ce volume inédit tout enoffrant une ouverture sur l’extérieur. Unpatio de belle taille focalise tous lesregards et fait converger vers lui lesespaces de vie. Il devient le point demire, le lieu de toutes les transparences,en confrontation avec les matériauxemployés pour structurer le reste de l’es-pace,pour leur part denses et épais.

● Le béton,matériau protecteur

Pour imprimer cette sensation de pré-sence rassurante, la réponse de PabloKatz est celle du béton – un matériau quil’inspire parce qu’il exprime ce qu’il esten tant que matériau mais aussi ce quele concepteur souhaite en dire. Lorsqu’ille met en œuvre, il cherche à dessiner les

éléments matérialisés par cette matièreductile qui a également en elle la forcede sa pérennité. Elle offre un vieillisse-ment possible, un enrichissement avec letemps, à condition d’avoir su l’exploiteren la respectant. Dans ces deux projets,le béton tient un rôle majeur, porteur aupremier sens du terme, par la création devoiles et de planchers qui composentune structure, mais aussi par sa présenceen tant que masse rassurante, voire entant qu’éléments de mobilier fixes, poséscomme les premiers habitants du lieu.Du béton brut, il faut accepter une esthé-tique qui n’a pas pour vocation d’êtreparfaite mais au contraire de laisser voirce qui la fait – et pourquoi pas sesdéfauts. Dans une certaine mesure. Il

semble important pour Pablo Katz d’ac-cepter ces imperfections, à conditiond’être explicite sur le niveau d’exigenceque l’on impose à une entreprise. L’exé-cution doit correspondre au mieux auxmoyens mis en œuvre et au budgetengagé. Il n’est pas seulement questionde savoir-faire. Bullage ou léger défautde planéité peuvent donner du carac-tère. Mais de là à accepter le ragréage, ilexiste cette limite que les amoureux dubéton ne sauraient franchir…

● Des ouvrages maîtrisés

En posant les problèmes, en tentantd’anticiper, de les résoudre par le dia-logue et la résolution des difficultés

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>>> Belleville – Cet appartement investit le volume d’une ancienne

imprimerie caractérisée par une impressionnante hauteur sous plafond. Le sol,

en béton noir sur toute la surface du rez-de-chaussée, est mis en valeur par les

flots de lumière provenant de la grande façade vitrée. La cheminée en béton

noir devient l'élément majeur du vaste séjour largement ouvert sur le patio créé

en fond de parcelle. L’espace de la cuisine est dissimulé derrière un écran

en béton blanc, servant également de bar. Discret, cet élément répond ou

accompagne la boîte de l’étage qui semble suspendue. Passé l’entrée, un

mur en béton noir retarde la découverte complète du volume.

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avant qu’il ne soit trop tard, il arrive àglisser dans ses réalisations des élé-ments en béton très divers : de lapaillasse en béton teinté dans la masseau devant de baignoire, en passant parla cheminée qui semble avoir été réali-sée en lave alors qu’il s’agit de bétonnoir! Des éléments filants formant bancou rangement, des bouts de cloisons àfonctions multiples, des dalles – clas-siques! – ou encore un voile porteur de150 m2 mesurant 10 m de haut. Laisséapparent sur toute sa hauteur, il sembletenir l’ensemble de la maison du pas-sage Bourgoin. Immuable et fédérateur,il a pourtant posé quelques problèmesde mise en œuvre compte tenu de l’exi-guïté du site.

● Façon de penser

Pour rendre sa réalisation possible, il ad’abord fallu installer une pompe pouracheminer le béton depuis la rue Natio-nale. À écouter l’architecte, d’ailleurs, onsaisit plus que jamais que travailler lebéton correspond à une certaine façon

de penser l’architecture, que le contactavec cette matière se fait petit à petit,que cette connivence s’acquiert aurythme des chantiers, des savoirs mis encommun avec les entreprises, d’unéchange progressif des compétences quipeut permettre à l’architecte de poussertoujours plus loin les expérimentations etla qualité des réalisations… Un travail d’accumulation “technique”qui va finalement à l’inverse, paradoxale-ment, de ce que recherche Pablo Katzdans la conception “esthétique” d’unprojet. Car à chaque fois, le vrai travailconsiste à se défaire de ce qui est anec-dotique, à épurer suffisamment tous leséléments jusqu’à ce que chaque chosesoit nécessaire et à sa place – ce pointculminant où rien ne peut être déplacésans rompre l’équilibre. Éviter la dimen-sion décorative, celle de l’enveloppe rap-portée juste pour un effet, et privilégierle béton comme créateur d’épaisseursvraies,utiles et sensibles. ❚

TEXTE : BÉATRICE HOUZELLE

PHOTOS : ARNAUD SAINT-GERMAIN

ET HERVÉ ABBADIE

r é a l i s a t i o n PARIS (75)

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>>> Passage Bourgoin – Une vue aérienne qui permet de

comprendre le volume général de la maison. Côté passage, les pièces sur

rue sont protégées par des balcons envahis de végétation. Le patio du

premier étage prolonge l’espace de la chambre, offrant une vue protégée sur

l’extérieur. Le béton est présent dans la salle de bains… Plan vasque,

crédence, devant de baignoire… L'espace de la cuisine, très ouvert

sur le reste du séjour. La cheminée aux lignes sobres aurait pu être en lave.

Elle est en béton noir… Au rez-de-chaussée, le séjour double hauteur

est inondé de lumière par la façade entièrement vitrée.

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Maison sur la colline● ● ● Ancrée à mi-pente d’une colline dominant

la ville de Tulle, en Corrèze, la maison des

architectes Anne Sevestre et Hervé David installe

un trait d’union entre une zone pavillonnaire

et la nature environnante. Sa façade principale

vitrée, cernée d’un portique en béton brut, laisse

deviner une volumétrie simple et agréable à vivre.

’histoire débute autourd’un terrain. Son empla-

cement – ni trop loin ni tropprès du centre de Tulle –, saconfiguration, et surtout sa vue,devaient répondre aux exigences desfuturs habitants. Les architectes AnneSevestre et Hervé David ont donc mis uncertain temps à trouver le lieu idéal poury bâtir leur nid.Et quel nid !

● Suivez la flèche

À quelques encablures de la flèche de lacathédrale de Tulle – l’intention était dene pas perdre de vue ce repère urbain –,au flanc d’une colline qui domine labourgade encaissée dans une petitevallée montagneuse, la maison présenteau magnifique panorama sa longuefaçade vitrée de 26 mètres.

Le bâtiment, conçu sur un seul niveau(un sous-sol partiel abrite un garage etune chaufferie), suggère, par sa forme,un trait d’union assez subtil, au milieudes arbres, avec le paysage environnant.Rappelant le gabarit allongé des serreshorticoles voisines, il rompt discrètementavec la zone pavillonnaire traditionnellesituée en contrebas.L’idée était d’implanter la maison surune parcelle en forme de triangle pointévers le bas sans en changer la configura-tion originelle ni la topographie. Elle estdonc venue se nicher dans la pente, surune plate-forme creusée à ses mesures.Il n’était pas question de remblayer.Une mise en scène de l’accès à la mai-son, de la découverte progressive dupaysage et de l’intégration de celui-ci àla conception globale comme un “élé-ment de l’architecture”, est à l’origine

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Maître d’œuvre :Hervé David & Anne SevestreEntreprise gros œuvre :HautefageSurface :205 m2 SHONCoût : 295000 €TTC

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de l’orientation unilatérale du bâtiment:on remonte l’allée avec la vision du cielreflété dans les vitrages, tournant le dosau paysage. On longe le pignon aveugleà l’ouest, juste animé d’un renfonce-ment (où est insérée la porte du garage)pour atteindre la façade d’entrée aunord. De ce côté, le regard est arrêté parune avancée en zinc qui marque l’accèset donne un relief à cette paroi plus fer-mée, plus intime.Une fois poussée, une large porte enverre dépoli révèle d’un coup la vue

panoramique, comme un immensedécor. La partie habitation s’élève sur unseul niveau d’une hauteur moyenne(environ 2,70 mètres), ce qui accentuel’horizontalité de l’ensemble.L’organisation des espaces intérieurs estrigoureuse et parfaitement fonction-nelle: un axe longitudinal dessert les dif-férentes pièces de vie, toutes traitées dela même façon et ouvertes côté sud parune paroi de verre, chacune dotée d’uneporte pleine en bois sombre. Au nordsont installés les espaces de service :

salles de bain, sanitaires, lingerie. Aufond, la chambre des parents forme uneseule et même pièce avec la salle de bainouverte attenante. Une baie en meur-trière orientée à l’est, légèrement déca-lée par rapport à l‘axe du couloir, permetun éclairage naturel de la pièce, sansinciter le regard à l’indiscrétion. Le sol del’ensemble de la maison (salles de baincomprises) est en béton ciré gris clair.

● Matières d’architecture

Le principe fondateur de la conception dece bâtiment, et plus généralement del’architecture d’Anne Sevestre et HervéDavid, est d’en avoir non pas une lec-ture structurelle, mais bien une lecturepurement architecturale. Les matériauxemployés – le béton brut, le verre, lemétal, le bois – sont considérés commedes éléments constitutifs de l’architec-ture, comme le moyen d’exprimer cettearchitecture. Ils ne sont pas révélés pourleurs caractéristiques techniques, ni leursqualités de résistance, de pérennité ou denaturel, par exemple. Non, ils sont bien le

moyen de fonder une architecture. Nullepart la structure porteuse n’est lisible: lespoutres sont prises dans l’isolation, lespoteaux sont intégrés dans les cloisonsou les placards, les murs de refendsont traités comme les autres cloisons. Lalogique technique rejoint la logiquearchitecturale et non l’inverse.D’ailleurs le couple d’architectes reven-dique par là même son attachement auMouvement moderne, avec l’établisse-ment de façades et d’un plan libres, par-ticulièrement dans le séjour. Là, l’espaceest entièrement ouvert sur sa propreintériorité. La cuisine n’est séparée dureste de la pièce que par une cloisonpartielle ouverte de part et d’autre, for-mant ainsi deux axes de circulationlatéraux. La paroi comprend dans sonépaisseur des étagères et le frigidaire.Sur l’autre face côté salon, peinte ennoir, elle constitue une marque, presqueune ligne de démarcation entre les diffé-rents espaces, sans rompre pour cela lacontinuité, l’harmonie, la fluidité duvaste volume. La paroi abritant la chemi-née lui fait écho, sans autres obstacles

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que les éléments de mobilier sobres etcontemporains en cuir et inox. Le regardn’est nulle part entravé.

● Le paysage, invité de la composition architecturale

Répondant à cette intériorité, le pano-rama se déroule sans rupture au traversde l’immense baie vitrée qui forme lafaçade principale de la maison. Le ma-gnifique paysage constitue d’ailleurs un

élément essentiel de la composition etde la conception architecturales de cebâtiment. D’autant que des réminis-cences d’architecture japonaise s’y sontglissées : dans la simplicité des lignes, laprésence de l’avancée de toiture enbéton brut qui forme un portique, l’utili-sation des coulissants, la terrasse enbois qui établit une circulation exté-rieure en relation directe avec l’intérieur.Le béton qui a gardé l’empreinte desbanches de bois fait vibrer la lumière, etrépond en sous-toiture au platelage enbois de la terrasse.Le désir des architectes était égalementtrès net de “gommer” le plus possible laséparation entre l’intérieur et l’extérieur,en utilisant des éléments successifs quiévitent toute délimitation précise : lebéton brut en sous-toiture de la terrassese prolonge à l’intérieur en plafond surenviron 70 cm, juste recouvert par unfaux plafond perçu comme une simplefeuille. De même, l’élément en zinc de lafaçade nord se prolonge à l’intérieur enun placard qui forme une continuitéréelle, physique, sensible. Pareillement

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>>> La façade principale est entièrement vitrée. Le platelage

de la terrasse répond à l’empreinte des banches sur le béton. Par son aspect

horizontal, relayé par les lignes de la piscine, le bâtiment fait un trait d’union

entre la ville et la nature. Le débord de toiture, les coulissants, la terrasse

en bois, la pureté des lignes, évoquent l’architecture japonaise. Située en

contrebas de la maison, la piscine au liner noir répond à la façade

de verre. La paroi vitrée crée un lien direct avec l’extérieur. Le séjour

forme un volume simple, dont le panorama est partie intégrante. Vue

sur une chambre dotée d’un mur de verre, qui bénéficie du panorama

comme toutes les pièces de séjour de la maison. La cloison entre la cuisine

et le séjour est soulignée de noir.

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encore, les deux baies en verre dépoli dela cuisine créent un lien avec la lumièrechangeante, ses variations journalièresou même saisonnières. Elles sont commedes tableaux abstraits que dessinerait lanature qui pénètre dans la maison.

● Cadre de béton brut

Côté structure, la boîte très simple estcomposée d’un portique en béton brutqui forme en façade sud une sorte decadre marquant l’orthogonalité et l’hori-zontalité de l’ensemble, rythmé verticale-ment par les cadres des menuiseries en

aluminium noir. Une série de poteaux enacier brut posés à l’extérieur supportentles poutres en béton prises dans le pla-fond. Ils ponctuent également la façade.À l’intérieur, des piliers de béton masquéset un mur de refend, traité comme uneparoi entre deux chambres, complètent lecontreventement. La maison repose surun socle de béton légèrement apparentet peint en noir pour la décoller du sol, cequi lui confère une légèreté renforcée parla forte présence du verre. ❚

TEXTE : CLOTILDE FOUSSARD

PHOTOS : JOËL DAMASE –

1, 2 ET 3 GAËLLE LE BOULICAUT

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Si loin, si proches● ● ● Que peut-il y avoir de commun entre une

maison bâtie sur un rivage du Japon, où la place

est forcément comptée, et une autre noyée dans

la verdure des environs de Trévise, en Italie?

Réponse: la personnalité de leur architecte,

en l’occurrence Tadao Ando, dont l’unité de style

se joue de l’extrême diversité des programmes.

e Japonais Tadao Andoaffine son travail au fil de

ses œuvres. Ses productions sefont toujours plus aboutiesdans la cohérence entre struc-ture du bâti, systématisation duconcept, grille d’organisation,expression formelle et lisibilité de tousces éléments sur le béton.

● Deux projets pratiquement opposés

Dans les deux maisons présentées ici, lamaîtrise est complète mais le travail surla lumière et l’extérieur très différent,presque opposé. La maison à Kobe estminuscule et totalement ouverte sur unpaysage grandiose. Les effets plastiqueset structurels du béton s’y affirment avecviolence tout en tournant les sensations

physiques vers l’extérieur. La lumièrenaturelle entre à l’intérieur comme ellese diffuse à l’extérieur. En quelqueslignes et quelques plans de béton,l’effet est saisissant, extrêmement pur.Et comme souvent dans le travail de l’ar-chitecte, la fabrication du projet et tousles rythmes créés et conservés sontvisibles et lisibles au travers du béton.La maison de Trévise est grande, aucontraire, et totalement fermée au pay-sage environnant très classique. Sonintégration passe même par “l’enterre-ment” d’une partie de ses espaces devie. L’extérieur n’existe qu’au travers decours cernées de murs pour la plupart.Les entrées de lumière naturelle sonttrès contrôlées. Indirectes, elles passentpar des ouvertures zénithales ou despatios. Les deux constructions se répon-dent presque à l’inverse. ❚

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>>> Un abri de béton accueille les visiteurs et invite à contempler

la nature. La salle à manger ouvre sur un patio minéral traversé par

le passage couvert de l’entrée. Les espaces intérieurs de circulation

déploient des plans inclinés ou des escaliers, guidés par des lumières naturelles.

L’extérieur de la maison est un continuum de boîtes enterrées. Devant

le gymnase intérieur, la piscine est liée au bâti par un pan de béton issu

de la trame structurelle. L’univers intérieur en béton brut est tout

en douceur : lumières délicates se reflétant sur une surface lissée, des pans

recouverts de métal brossé et des murs en bois blanc.

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e cadre de cette aventurearchitecturale est la cam-

pagne qui environne la ville deTrévise, en Italie. Un paysagetout en verdure, apprivoisé parl’homme et sans élément vraimentspectaculaire comparable au site deKobe. La maison est une résidence secon-daire pour laquelle les clients ont laissécarte blanche à Tadao Ando,à la fois pourla forme et l’implantation dans le terrain.La seule demande ferme du maître d’ou-vrage était d’avoir une totale intimité parrapport aux rues adjacentes et sur tout lepérimètre du terrain. Ce dernier fait troishectares. La réponse de l’architecte estun concept de “maison liée à notre mère

la Terre et répondant à la douceur deséléments naturels environnants”. Il enrésulte une “maison invisible” pour par-tie enterrée dans le sol.

● Labyrinthe en sous-sol

L’idée de la maison dans la terre nedonne pas seulement des formes parti-culières à l’habitat : elle parle d’unespace fondamental pour Tadao Ando.L’étage enterré y est “un labyrinthe ensous-sol offrant de multiples expé-riences spatiales inédites dans la viequotidienne et qui se produisent aucœur d’une structure invisible“. Et l’ar-chitecte d’utiliser le terrain vallonnépour y poser piscine ou petit abri enbéton. Telles des folies dans d’ancienschâteaux, ces lieux bâtis se rattachentvisuellement à l’habitat grâce à un murde béton qui prend comme une pince la

piscine ouverte, ou bien forment un lieuisolé, protégé, d’où l'on peut voir le pay-sage en situation élevée.Le plan est un rectangle utilisant unmodule de 7,20m. Ce cadre rigide est lesupport de séquences spatiales trèsvariées. L’architecte a manipulé formeset ouvertures dans un savant travail surla lumière naturelle : embrasures zéni-thales, cours intérieures de taille multiple,minérales ou bien végétalisées. “Afin delaisser toute leur force aux expressionschangeantes de la lumière naturelle dansles espaces intérieurs, tout arbitraire a étésupprimé tant pour la composition quedans les détails. Forme simple et ordresuccinct sont au centre de l’attention.”

Lieu:Trévise,ItalieMaître d’œuvre :Tadao AndoSurface de planchers :1 450 m2

�Trévise (Italie)La maison invisible

L

Ainsi, de l’extérieur, la présence de la“maison invisible” ne se révèle que parle continuum d’une boîte dépassantde la terre, qui offre une approche àl’entrée et une utilisation en terrassesextérieures. Des arbres empruntés auxessences locales sont plantés tout autourdu terrain et de l’accès à la villa. Lorsqueces arbres augmenteront en densité, ilsformeront un véritable rempart vert pourl’habitat et seront semblables à uneforêt. Le béton est là pour parfairel’image d’un rocher sur le sol. Et TadaoAndo continue d’y inscrire lisiblementl’histoire du projet et de sa structure. ❚

PHOTOS : OUVERTURE,2 ET6 MARCOZANTA

1,3,4,ET5ORCH-ORSENIGO/CHEMOLLO

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>>> Au dernier étage, le séjour est comme une plate-forme ouverte sur

l’ensemble du paysage mais qui reste sobrement protégée des intempéries par

trois pans de béton. Deux niveaux fermés pour deux niveaux ouverts qui

expriment les usages, des plus intimes aux plus publics, et une solidité

structurelle rassurante. Bois (arbres), béton (pierre et eau), île boisée, sable

et mer forment une parfaite unité de matières. La tour semble la seule forme

apte à faire face au paysage grandiose.

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e site, dénommée “4 x 4”par l’architecte, est excep-

tionnel. Le minuscule terrain estplacé tout au bord de la mer inté-rieure du Japon, face au sud et à l’îleAwaji. À l’est, à la fois très proche etlointain, le pont Akashi marque le pay-sage. À l’arrière, les voies ferrées serrentau plus près la parcelle. De part etd’autre sont placées des maisons face àla mer, comme des pions. Le sol lui-même, constitué en grande partie desable, est sujet à l’érosion. C’est un lieucomplexe et très beau où se rencontrentles effets de la nature et de l’hommedans une même dimension, hors detoute échelle humaine au quotidien.

La parcelle fait 65 m2. La maison est unetour de quatre niveaux dont le plan estun carré de 4 x 4 m, soit 16 m2, et dont lesommet est un cube de 4m de côté quis’avance vers la mer et se décale aussivers l’est. L’espace de l’escalier est levolume principal de l’intérieur de la tour.Il occupe presque la moitié du plan et seplace vers l’ouest. Au rez-de-chaussée,l’entrée s’effectue au centre et la vue tra-verse le bâtiment jusqu’à la mer ; àl’ouest se trouvent l’escalier et les toi-lettes, et à l’est la salle de bain. Ceniveau est très fermé sur l’extérieur, horsla porte-fenêtre du couloir vers la mer.Au premier étage, une chambre est pla-cée à l’est avec deux ouvertures répartiesen une porte-fenêtre au sud et une petitefenêtre carrée à l’est. Au deuxièmeétage, un bureau s’ouvre sur trois descôtés de la tour avec une vaste baie ausud. Enfin, le troisième étage est celui,

décalé, du séjour et de la cuisine, quipossède une double hauteur et desouvertures sur trois des côtés de la tour,dont une immense au sud.

● Béton brut et ouvertures

Les façades sont d’un sobre béton brut.Le calepinage des banches fait appa-raître les divisions intérieures : l’espacede l’escalier, celui du couloir et des vuestraversantes, celui de l’habitat. Lesouvertures sont comme autant de pointsou de lignes qui indiquent les élémentsstables (pièces de repos ou de vie) et leséléments verticaux (circulation).Le béton sert la structure. La tour com-prend trois cubes,avec une base pleine etune partie mi-pleine mi-vide où se trouve

encastré le dernier cube, totalementouvert au paysage. De l’intérieur, l’ouver-ture se développe au fil des étages et l’ar-rivée dans le cube supérieur du séjour esttout simplement renversante. Là, le corpsplonge directement au cœur du paysage,aspiré par un mur tout en verre. La mai-son est semblable à l’escargot en ce quela coquille de béton est l’habitat qui peutrecevoir et enfermer le corps pendant sonrepos, mais elle permet aussi de projeterce dernier totalement à l’extérieur. Lebéton est là pour assurer la protection, etson aspect à la fois brut et satiné rassuretout en offrant la nécessaire douceur.Ausol, il reste pour Tadao Ando à étendre lamaison vers le bord de l’eau… ❚

TEXTE : SYLVIE CHIRAT

PHOTOS : KOBE – MITSUO MATSUOKA

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Lieu: Kobe,Hyogo,JaponMaître d’œuvre :Tadao AndoSurface de planchers :118 m2

�Kobe (Japon)Quatre mètres de côté…

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r é a l i s a t i o n TROIS MAISONS AU PÉROU

Cadrages péruviens● ● ● Plage de la Escondida à Canete, au Pérou.

Là, sur la falaise aride, Sandra Barclay et Jean-

Pierre Crousse, jeunes architectes parisiens, ont

fait naître trois superbes villas. La rationalisation

des structures en béton et la sobriété des détails

ont permis aux artisans locaux de mener

ces chantiers sans supervision particulière.

Maître d’œuvre :Sandra Barclay & Jean-Pierre CrousseBET :Carlos CasabonaEntreprise :Constructora Edward BarclaySurface :maison B.,264 m2 ;maison M.,156 m2 ;maison Equis,146 m2

Coût :maison B.,130 000 € HT,maison M.,39 000 € HT, maison Equis,65 000 € HT

dossées aux contrefortsdes Andes et ponctuées

de vallées et de torrents au par-cours perpendiculaire à la mer,les plages qui longent la côtedu Pérou au voisinage de Limaoffrent un paysage de falaises sableusesarides qui descendent à pic vers l’océanPacifique. Dans ce lieu non exempt derisques sismiques, pas de gros écarts detempérature: de 14 à 16°C l’hiver et de25 à 29°C l’été. Des familles de Lima enont fait un lieu de villégiature, c’estpourquoi ces plages se sont progressive-ment loties.Voici quelques années, un promoteurpéruvien demanda à Sandra Barclay etJean-Pierre Crousse, deux jeunes archi-tectes de sa famille installés à Paris,d’étudier pour lui des prototypes de vil-las. En 1999, quelques mois et quelques

maquettes plus tard, l’étude a débouchésur la construction de la maison B., éta-gée verticalement sur un terrain trapé-zoïdal mono-orienté avec une pente de40° à flanc de falaise. Elle fut bientôtsuivie de la maison M., en 2001, et de lamaison Equis, en 2003. Ces deux der-nières s’implantent à l’horizontale ausommet de la falaise.

● Rencontre du vernaculaire et du moderne

“Au Pérou et notamment à Lima, l’archi-tecture moderne des années 20 et 30 atoujours trouvé un terrain d’accueil favo-rable, explique Jean-Pierre Crousse. L’ar-chitecture de masse dépourvue de toi-ture des maisons traditionnelles incas etcelle des maisons coloniales à patio ysont pour beaucoup, et l’on trouve ainsi

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sur la côte pacifique beaucoup de mai-sons blanches rationalistes.” En travail-lant le matériau béton, brut ou poly-chrome, pour jouer de ses matières etélaborer une architecture faite de masseset de cadrages, l’architecte a dépassé ceregistre.“Pour nous, ces trois commandesont été l’occasion d’un véritable travailde laboratoire, poursuit-il. Nous souhai-tions nous inspirer de l’architecture ver-naculaire pour définir un concept évolutifd’une maison à l’autre. Bien que l’archi-tecture précolombienne américaine etl’architecture coloniale espagnole diffè-rent en plan (un plan labyrinthique pourla première et une succession de piècesautour d’un vide pour la seconde), toutesdeux partagent une abstraction formelleet des points communs: implantation surla totalité du terrain d’assiette, grandesmasses opaques géométriques, quasi-absence de détails, limités aux portes etaux fenêtres. En raison de la géographieet du climat, on privilégie une occupationdense du terrain, avec une enceinteau sein de laquelle se répartissent lesespaces extérieurs et intérieurs. Nos mai-

sons qui occupent des parcelles relative-ment petites (de 175 à 250 m2), dispo-sées selon les courbes de niveau etmono-orientées face à la mer, repren-nent ce principe, la géométrie du lot et lahauteur maximale admise permettant dedéfinir un parallélépipède théorique pourleur volumétrie. Confrontés à un paysagedésertique, nous avons décidé de donnerune épaisseur à l’enceinte en travaillantles pleins avant de sculpter les vides quidéfinissent la spatialité de la maison.”

● Enceinte introvertie,ouverte sur l’horizon…

Savant jeu de cadrage destiné à déjouerles contraintes de la mono-orientationen multipliant les points de vue, ces troismaisons explorent le thème d’uneenceinte faussement introvertie, enquête de transparence sur la mer, lesable et l’horizon. Sous une latitude oùles rayons solaires tombent à la verticale,espaces intérieurs et extérieurs avec ousans toiture s’imbriquent étroitement etl’on oublie l’exiguïté du lot d’origine

dans de beaux espaces dont les propor-tions s’adaptent tour à tour à l’intimité età la convivialité.Mais la conception ne se limite pas à lacréation de ces transparences entre l’en-ceinte et le paysage. Il s’agit aussi d’ex-ploiter toutes les potentialités plastiquesdu béton pour dilater l’espace et offrirde belles perspectives transversalesentre l’intérieur de la maison et ses pro-

longements extérieurs. “Dans un telcontexte, le béton s’imposait naturelle-ment, rappelle Jean-Pierre Crousse. AuPérou et notamment à Lima, il y a unetradition du béton que les premiersmodernes formés aux États-Unis sousl’influence de Le Corbusier utilisaientdéjà. La main-d’œuvre étant très bonmarché, couler du béton en place coûtemoins cher que la préfabrication. En fait,

réalisation TROIS MAISONS AU PÉROU

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La piscine et son bancL’épaisseur de la dalle de la piscine est de 25cm. Pour la coffrer, l’en-

treprise a utilisé un vieux bois, ce qui permet de donner de la matière

au béton en préservant l’empreinte des imperfections du matériau

naturel. Dans cette région où le béton gris tourne au jaune à cause du

sable local utilisé, mais sans spécifications particulières, l’ingénieur

a augmenté l’enrobage sur toutes les parties exposées à la corrosion.

Le banc a été réalisé à l’aide d’un coffrage en bois contreplaqué de

20 mm d’épaisseur. L’application de l’enduit ciment a adouci les

angles. Il a ensuite été très finement taloché à la main, ce qui lui a

donné son aspect poli.

TECHNIQUE

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tout a été dessiné à Paris et nous com-muniquions par fax ou par mail avecl’entrepreneur. Nous sommes allés surplace en fin de chantier pour ajuster cer-tains détails. Cette procédure fut pos-sible parce que nous avions rationaliséle système constructif, soit, à cetteéchelle, une technique traditionnelleassociant à une ossature en béton unremplissage en maçonnerie. Commenous construisions en bord de mer, nousavons revêtu le béton d’un enduit cimentavant de le peindre.”Pour la maison Equis, le budget un peuplus conséquent a permis d’utiliser dubéton poli pour les sols et le banc couléen place qui sert de garde-corps sur uneterrasse. Les artisans péruviens polissentle béton à la main, ce qui revient moinscher qu’un sol carrelé. Quant à la pis-cine, elle est en béton banché. Emprun-tées à la palette précolombienne, destonalités ocre et sable jouent de leurmimétisme avec le sol désertique. À l’in-térieur, ces couleurs chaudes disparais-sent, cédant la place à la quiétude dublanc ponctué de touches vert d’eau.

Pour simplifier la mise en œuvre, toutdétail superflu a été supprimé. L’archi-tecture conserve la force et la simplicitéde la structure, seule capable de seconfronter à l’ordre absolu et éternel dupaysage maritime.

● Face au risque sismique,un parti pris de rigidité

Cette côte fait partie de l’anneau sis-mique de l’océan Pacifique. Les maisonsse trouvent ainsi en zone sismique detypeII (classement péruvien), qui corres-pond à un facteur égal à 1,2 avec unepériode de vibration de 0,6 seconde.Compte tenu de la faible hauteur desconstructions, le parti structurel vis-à-visdes contraintes sismiques est celui de larigidité. Les fondations sont toutesreliées entre elles et la superstructure estcontreventée dans les deux sens par unsystème de voiles porteurs en bétonarmé qui minimise la déformation de lastructure lors d’un tremblement de terre.Le sol d’assiette est composé d’unecouche de sable fin cimenté avec du sel

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>>> Maison B. – Urbanité de venelles à l’échelle domestique.

Une construction isolée à flanc de falaise, dans l’attente d’une mitoyenneté.

Le béton, abri, structure et cadrages. L’enveloppe en béton s’ouvre,

révélant le paysage.

Maison Equis – La double référence au Mouvement moderne

et à l’architecture inca est clairement perceptible. En permanence, l’espace

intérieur et les espaces extérieurs se confondent. Brut de décoffrage

et légèrement jauni par le sable, le béton employé par grandes masses dessine

l’architecture. Le banc garde-corps de la maison Equis. Humain-poisson

dans un aquarium de béton surplombant la mer.

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cristallisé d’épaisseur variable (de 30 à 90 cm). En dessous se trouve une couchede sable fin et dense avec présence depoches de sel qui peuvent se diluer aucontact de l’eau et affaiblir la portancedu sol. La charge admissible est de0,80kg/cm2.

● Béton peint sculptural pour la maison B.

La maison B. se développe sur quatreniveaux, sur un terrain trapézoïdal à 40°de pente. Sa typologie reprend l’idéed’une répartition des générations à laverticale : les parents en haut (au niveaude l’entrée), les enfants en bas (niveaude la plage) et la vie collective à l’étageintermédiaire. Le mur mitoyen, les dalles

et les voiles se combinent pour dessinerles espaces en tenant compte de la dis-tribution verticale, de la double hauteurdu salon et des cadrages.La polychromie qui souligne les masses àla façon des murs ocrés des édifices pré-colombiens renforce la lecture volumé-trique. Les fondations sont constituéespar des voiles de 35cm d’épaisseur des-cendant jusqu’à 4 m de profondeur,armés d’un treillis d’acier de 3/8 depouce (soit 9,5 mm) tous les 30cm. Cesvoiles sont reliés entre eux par deslongrines qui rigidifient l’ensemble desfondations. Les dalles sont en bétonplein et le coffrage a été réalisé à l’aidede planches de bois et de contreplaqué.Le béton, qui intègre du sable de rivière,est constitué de ciment type Portland,

avec haute résistance aux sulfates pourles fondations. Sa résistance à la com-pression est de l’ordre de 210kg/cm2.

● Cheminée cachée…

La maison M. est une déclinaison hori-zontale du concept. La cheminée devientici un élément architectonique à partentière qui dissimule le pilier de la mai-son, laissant croire à la transparenced’une grande portée. Le terrain et leprogramme de la maison Equis étantsensiblement identiques à ceux de lamaisonM., il importait de ne pas se répé-ter, d’où l’audace des architectes qui ontdonné à la piscine l’aspect d’un aquariumà taille humaine intégré au paysage.Cette maison où l’on retrouve des prin-

cipes d’imbrication étroite entre intérieuret extérieur sans couloir ni porte consti-tue l’aboutissement du concept. Près dela piscine, un banc coulé en place et ciréen surface sert de garde-corps à une ter-rasse. Les fondations des maisons M. etEquis ont aussi des voiles de fondationpour les zones plus sollicitées et des lon-grines armées, reliées entre elles, d’envi-ron 80cm de profondeur. Le coffrage desvoiles en superstructure est réalisé avecdes planches issues d’un bois des Andesappelé “tornillo”, de 5 cm d’épaisseurchacune et de 25 à 30 cm de large. Lesparties non visibles ont été revêtuesavant peinture d’un enduit ciment. ❚

TEXTE : CHRISTINE DESMOULINS

PHOTOS : JEAN-PIERRE CROUSSE,

OUVERTURE, 4 ET 7 ROBERTO HUARCAYA

r é a l i s a t i o n TROIS MAISONS AU PÉROU

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>>> Maison M. – En masquant la structure dans une cheminée, les

architectes ont renforcé la transparence de l’ouvrage. La découpe abstraite

du béton trace une horizontale face à l’horizon marin. Jeux de volumes

dans la lumière et l’ombre. Vue partielle montrant le dessin des fentes et

des baies. “Homme libre, toujours tu chériras la mer…” Le balcon

dresse un poste d’observation privilégié en direction du Pacifique, où l’on se

tient comme en lévitation dans le paysage.

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r é a l i s a t i o n SUISSE

Géométrie pure● ● ● Conçue par l’architecte Philippe Meier,

la villa CP se dresse sur une parcelle installée

à la limite de la zone agricole genevoise.

La pureté des lignes et des matériaux, la présence

généreuse de la lumière naturelle et le jeu

subtil de ses variations, font de cette habitation

un lieu unique où il fait bon vivre.

iplômé de l’École poly-technique fédérale de

Lausanne (EPFL) en 1987, l’ar-chitecte suisse Philippe Meiercommence à exercer commeindépendant en 1990 à Genève.Dès cette époque, il enseigne aussirégulièrement à l’EPFL (assistant jus-qu’en 1999 et professeur invité en 2005),ou encore comme professeur invité dansdes écoles d’architecture françaises, àStrasbourg en 2003-2004 et à Nancy en2004. Entre 1983 et 1993, il a aussi euune activité d’architecte naval, associé àSébastien Schmidt, avec qui il est lauréatde la bourse fédérale des arts appliquésen 1993.Avec l’architecte Ariane Poncet,Philippe Meier fonde en 1998 l’agenceMeier & associés architectes, qui compteaujourd’hui quatre partenaires. Commela plupart de ses confrères suisses, il est

régulièrement sollicité par des particu-liers pour concevoir leur maison. “Quece soit en en parlant avec des collèguesfrançais ou en observant la situationlorsque j’ai enseigné à Strasbourg età Nancy, j’ai toujours été surpris deconstater que les architectes françaisn’ont guère la possibilité de réaliser desmaisons individuelles. Et quand ils enont l’occasion, cela se fait souvent dansdes conditions économiques difficiles,car les études ne semblent pas toujoursrémunérées à leur juste valeur. Certainsarchitectes, dont la renommée dépasselargement les frontières de l’Hexagone,n’ont jamais construit une seule villa.C’est très étonnant pour un Suisse. Cheznous cette situation est rare”, constatePhilippe Meier, qui au cours du dernierlustre a conçu cinq villas à Genève et enSuisse romande.

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Maître d’œuvre :Meier & associés architectes ;collaborateurs :Nicolas Briffod – Nathanaël PonsIngénieur civil :Amsler & Bombeli Entreprise béton armé :Arn & Wutrich Surface brute :320 m2

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Livrée il y a deux ans, la villa CP se situedans un quartier constitué d’habitationsrécentes de type traditionnel et de mai-sons d’un seul niveau avec toit plat,datant des années 70. Elle prend placesur une parcelle installée à la limite de lazone agricole genevoise.Ainsi à l’est duterrain s’étendent de vastes zones culti-vées qui laissent la vue dégagée sur leschaînes de montagnes au loin.

● Deux logements au sein d’un même volume

Le programme prévoit d’aménager deuxlogements dans un même volume. Lepremier, qui occupe l’essentiel de la mai-son, est destiné à un couple et à ses troisenfants. Le second, de taille plus réduite,est prévu pour un ascendant vivant seul.“La composition générale de la maisonrépond à une volonté de s’élever pouraller chercher des vues lointaines sur lepaysage. En coupe est-ouest, la maisonprésente un profil en L marqué par levolume très étroit des étages dits de nuit.Sur la parcelle, la partie la plus élevée de

la maison s’adosse au nord et répond àl’échelle des maisons traditionnelles,tandis que l’élément horizontal retrouvela mesure des villas en bande voisines,au sud. La volumétrie générale chercheaussi à donner à cette villa une expres-sion plastique forte. Ce grand L en bétonfonctionne pour lui-même et se détachedans le paysage. Il est pensé dans l’espritd’une installation de type ‘Land Art’. Lapureté de sa forme atteste la dichotomieentre la géométrie et la nature. Nousavons aussi usé de la plasticité du bétonpour ouvrir les angles, échancrer, expri-mer le jeu des ouvertures et des opa-cités, pour mettre en scène les porte-à-faux”, précise l’architecte.Entièrement construite en béton brut, lavilla joue du contraste et de la continuitéentre l’horizontal et le vertical, entre leplan et l’élevé, entre la protection etl’ouverture,dont son volume et son profilen L sont l’expression. La façade nordprésente très peu d’ouvertures, fermantainsi la maison sur un côté, où les vuesne sont pas intéressantes. Elle joue aussiun rôle du point de vue de la protection

thermique en abritant les chambres duvent du nord. Le rez-de-chaussée, établisur un plan carré de 16,10 m de côté,accueille les pièces de jour ainsi qu’unstudio situé à l’angle nord-ouest. Lacomposition du plan permet de donnerle maximum de profondeur de champaux espaces de la vie commune, tout enménageant des seuils.

● Jardin japonais

L’entrée dans la maison s’effectue aunord, en longeant un patio inscrit dans levolume.Traité en jardin japonais et animé

par un jeu de panneaux coulissants enverre dépoli placés en façade, cet espacedevient une pièce intérieure où, ouvertsur l’extérieur, il propose une vue surtoute la profondeur du rez-de-chausséeavant même d’avoir franchi le seuil.À l’intérieur, l’ensemble séjour, salle-à-manger et cuisine s’organise dans unespace ouvert et continu. La partitionentre les différents lieux se fait par deséléments de mobilier ou des jeux de sol.Les parois de béton brut qui délimitentl’espace cadrent de généreuses baiesvitrées. L’une s’ouvre au sud sur lalumière, le jardin et la piscine. L’autre,

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>>> et La villa CP se présente comme un grand L en béton qui

se détache dans le paysage accidenté des chaînes de montagnes visibles

au loin. Située sur la façade nord, l’entrée longe un patio inscrit

dans le volume et traité en jardin japonais. et Vues de la façade ouest.

À l’angle sud-ouest, le patio peut être utilisé comme espace extérieur

de repas. , et L’ensemble séjour, salle à manger et cuisine

s’organise dans un espace ouvert et continu. La partition entre les différents

lieux se fait par des éléments de mobilier ou des jeux de sol.

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côté est, offre la vue sur le panorama desAlpes et du mont Blanc, comme untableau dont on peut jouir de l’intérieur.Enfin, la dernière baie en vis-à-viss’ouvre sur une cour à ciel ouvert, utili-sable par exemple comme espace exté-rieur de repas. La pureté des lignes et desmatériaux, la présence généreuse de lalumière naturelle, les vues cadrées sur lepaysage ou sur les lieux de la maison, lafluidité de l’espace, font du cœur de l’ha-bitation un lieu unique où il fait bon vivreen profitant des plaisirs quotidiens.

● Au premier étage,une terrasse où se rasséréner

Le premier étage est dédié aux parents,qui de leur chambre accèdent à unegénéreuse terrasse en bois, aménagéesur le volume horizontal du séjour, et oùles propriétaires peuvent s’isoler pourprofiter du calme, du panorama et dusoleil. Le second étage accueille les troischambres des enfants et un espace dejeu,alignés dans le fin volume vertical. Lebéton armé laissé brut de décoffrage est

mis en œuvre à l’extérieur ainsi qu’auniveau de plusieurs parois intérieures.Pour Philippe Meier, “la matière brute dubéton exprime la dimension sculpturalede la villa. Elle fabrique aussi l’enveloppearchitectonique et la spatialité de la mai-son dans sa permanence et son intem-poralité. Cette matière-manifeste traduitaussi l’importance de l’effort statiquemis en œuvre à travers l’écriture archi-tecturale. Seul le béton pouvait signifierla ‘vérité constructive’ de cette maisoncaractérisée par une portée importanted’environ 9 m au rez-de-chaussée, parl’utilisation du matériau comme poutre-voile dans le jeu des percements desfaçades, et par l’expression des porte-à-faux. Au rez-de chaussée, la structure,composée de trois “boîtes” en béton etd’un mur, se lit dans l’espace de vie. Parendroits l’utilisation d’un double mur enbéton a été nécessaire afin de rendrebrutes des parois de la villa, tout enexprimant la continuité ‘intérieur-exté-rieur’ de l’espace. L’unicité de la matièrebéton est aussi une réflexion sur la conti-nuité des façades, face par face. Seul le

parcours, et donc la mémoire de cha-cune des parties, permet de recomposerle tout, à la manière cubiste; l’ensembleest décomposé en plan. Les peaux desvoiles en béton sont décrites par un cale-pinage précis : les joints de reprise despanneaux de coffrage et l’empreinte desécarteurs de banches ont été soigneuse-ment dessinés.”Cette belle réalisation est incontestable-ment le fruit d’un dialogue ouvert etpermanent entre les propriétaires et l’ar-chitecte, qui souligne qu’il a bénéficiéd’une totale confiance de leur part. Decette relation est un parfait équilibreentre, d’un côté, la perception esthé-tique et architecturale que le concepteura déduit du mode de vie de la famille, et,de l’autre, la façon dont celle-ci se l’ap-

proprie. Le temps du chantier, pourtant,fut celui de l’interrogation, des doutespour le client. Mais après l’installation,la confiance accordée à l’architecte etles choix faits en concertation avec luiont pris tout leur sens. Leur pertinences’est révélée, même pour les plus radi-caux d’entre ces partis pris. Alors estvenu le temps de vivre et de savourerl’architecture de sa maison, au fil desjours. Et comme le dit la propriétaire deslieux, “maintenant ce n’est que du bon-heur pour nous, et tous ceux qui décou-vrent la maison l’apprécient beaucoup.”Cette villa ne témoigne-t-elle pas sim-plement que l’architecture est l’art devivre dans son temps? ❚

TEXTE : NORBERT LAURENT

PHOTOS : JEAN-MICHEL LANDECY

❙❙❙ Rez-de-chaussée

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b l o c - n o t e s

➜ 25 maisons individuelles

Christine Desmoulins

Comme nous le rappelleChristine Desmoulins dans le chapitre de son livreconsacré à la maisonindividuelle en France, lagrande majorité des Françaisrêvent d’avoir un jour leurpropre maison : “Résidence principale ousecondaire, maison de rêve ou ‘Sam suffit’, la maison individuelle a toujours revêtuen France une forte valeursymbolique ou affective.Divers sondages s’accordenten effet à admettre que 70 %des Français préfèrent l’habitat individuel à l’habitatcollectif.” C’est aussi un marché que les architectess’efforcent de reconquérirdepuis quelques années.Construites en France et à l’étranger, les 25 maisonscontemporaines présentéesdans cet ouvrage sont très différentes par leur échelle, leur budget, leur forme, leuresthétique. On peut ainsidécouvrir, à l’étranger, desréalisations d’Alvaro Siza,Glenn Murcutt, AlbertoCampo Baeza ou MVRVD, et,en France, des maisons deJakob et Mac Farlane, Jean etMaria Deroche ou RudyRicciotti. Entre autres…

Éditions du Moniteur

➜ Les nouvelles maisonsde campagne

Dominic Bradbury

L’idée que nous nous faisonsde la résidence secondaire et l’image que nous en avonsont beaucoup évolué au coursde la dernière décennie.Depuis plus d’un siècle, lesarchitectes ont accordé la priorité à la conceptionet à la construction delogements dans les villes etleur périphérie. Dans le mêmetemps, les résidencessecondaires et les maisons decampagne qui sedéveloppaient jouaient dans lemeilleur des cas la carte de laconservation, de la conversionet de la rénovation desbâtiments existants.Aujourd’hui, nombreux sontnos concitoyens qui nesupportent plus la ville etretournent vers la campagne.Ces “rurbains” apportent aveceux des exigences et des goûtsnouveaux en matièred’architecture. Le présentouvrage dresse un panoramadu travail accompli par lesarchitectes contemporainspour concevoir la résidencesecondaire et l’architecturerurale du XXIe siècle. Les30réalisations qui sont iciétudiées se répartissent à travers quatre chapitresprincipaux: l’organique, levernaculaire, le contemporainet l’expérimental.

Éditions du Seuil

➜ Maisonscontemporaines deux

Raul A. Barreneche

Maisons contemporaines deuxrassemble une sélection de 33 résidences privées,récemment construites, choisies pour leur caractèreinnovant et réalisées par dejeunes architectes, mais aussipar des architectes majeurs et d’envergure internationalecomme Tadao Ando, CarlosFerrater, Glenn Murcutt et Richard Meier. Bâties dansle désert de l’Arizona ou surune plage du New Brunswickau Canada, ou encore dans letissu urbain des villesjaponaises, ces maisons ontété conçues pour être enharmonie avecl’environnement qui lesaccueille. Les thèmes abordéspar les architectes dans cesmaisons – les plus novatricessur la surface du globe depuisquelques années – sont icidétaillés, ainsi que lesthématiques communes desprojets. Par exemple les modesde vie contemporains, laprésence de plusieursgénérations sous le même toitou la cohabitation vie-travail.Des plans, des dessins et untexte descriptif accompagnentles photographies couleur.L’ouvrage, qui offre desinformations remarquables surl’architecture privéed’aujourd’hui, s’adresse auxarchitectes comme auxdécorateurs d’intérieur, et pluslargement au vaste publicintéressé par l’architecture, larénovation et l’environnement.

Éditions Phaidon

➜ Villas 50 en France

Raphaëlle Saint-PierrePréface de Claude Parent

La période de l’entre-deuxguerres a vu naître les villasmodernes conçues par Le Corbusier, Mallet-Stevensou Chareau, qui ont marquél’architecture du XXe sièclede leur empreinte indélébile. La plupart d’entre leurscréations étaient pourtantréservées à une élite financière,intellectuelle ou artistique. Au cours des années 50, et avec l’émergence d’unebourgeoisie éclairée plusmodeste, la villa connaît unessor remarquable. Lesarchitectes en profitent pourinnover et mettre en pratiqueles enseignements des maîtresdu Mouvement moderne. Nourri d’influencesaméricaines, scandinaves,japonaises et brésiliennes,balançant entre organicisme,rationalisme, spatio-dynamisme et art total sansdéroger aux règles defonctionnalité du plan, auxnouveaux impératifsd’équipement et au rapportentre habitat et nature, levocabulaire des années 50 estici revisité. Suivent vingt-cinqmaisons construites par desmaîtres – Le Corbusier, AlvarAalto, Philippe Johnson – et dejeunes architectes de l’époque– Claude Parent, AndréWogenscky. Une excellenteoccasion de (re)découvrir ce patrimoine architecturalprofondément original.

Éditions Norma

L ivres

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p o r t f o l i o

Le vocabulaire moderne n’est certes pas absent de

cette maison “invisible” des environs de Trévise, signée

Tadao Ando. Conçue comme un continuum de boîtes

enterrées, elle s’étire parmi le terrain vallonné où se

distribuent les volumes de l’habitation, la piscine, le petit

abri en béton. À l’intérieur, un univers de béton brut tout

en douceur, animé de lumières délicates venant carresser

ici une surface lissée, là des pans de métal brossé,

là encore des murs de bois blanc.

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Maison Equis,au Pérou,face au Pacifique.

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