LA SIDÉRURGIEEN 1990PRESSIONDE LACONCURRENCE

Jacqueline ParisDivision des Comptes etétudes de l'industrie, Insee

ftqq~œ~Institut National de la Statistiqueet des Études ÉconomiquesDirection Générale :18, boulevard Adolphe Pinard75675 PARIS CEDEX 14Directeur de la publicationJean-Claude MilleronRédacteur en chef : Catherine BlumRédacteurs : G . Gautier, E . Naulleau,J .-M . Renaux, N . SeligmanMaquette : L. Luong

Après deux années fastes, le volume de la production sidérurgiquefrançaise recule de 1,4 % en 1990 . Ce repli met en évidence lasensibilité de la filière à l'évolution des marchés aussi bienintérieur qu'extérieur. En tant que fournisseur d'autres branchesindustrielles, elle pâtit de l'inflexion de la croissance en France. Al'étranger, face au dumping de certains pays, et compte tenu de labaisse du dollar, la France ne parvient pas à maintenir ses parts demarché.

La filière sidérurgique comprend la sidérurgieproprement dite couvrant près des trois quartsde la production ainsi qu'en amont l'extractiondu minerai de fer (0,6 %) et en aval la premièretransformation de l'acier (25,7 %) . Cette der-nière activité regroupe le tréfilage, le laminageà froid, l'étirage et le profilage, ainsi que lafabrication des tubes d'acier. En 1990, la pro-duction totale de cette filière atteint 116 mil-liards de francs soit 11,7 % de la production del'ensemble des biens intermédiaires et 4 % decelle de l'industrie manufacturière .

La demande intérieure ralentit

En 1988, la demande intérieure en produits dela filière sidérurgique avait fait un bond de+ 13 % en volume et avait abouti à un très fortstockage en fin d'année chez les utilisateurs(tableau 1) . Celle-ci se stabilise sur l'ensembledes deux dernières années (+ 1 % chaque an-née) mais avec un recul au cours du deuxièmesemestre 1990 : les produits sidérurgiques ontété parmi les premiers touchés par le ralentis-

Insee 1991

sement qui a atteint la France à la suite des paysanglo-saxons .Selon une étude de l'OTUA (Office Techniquede l'Utilisation de l'Acier), la consommationd'acier provient pour les trois quarts de troissecteurs de l'industrie : le bâtiment-génie civilpour 29 %, l'automobile pour 24 % et la méca-nique pour 21 % .La construction qui utilise pour les deux tiersde ses besoins des produits longs (poutrelles,ronds à béton, dérivés du fil, tubes) et pour untiers des produits plats (laminés marchands,tôles revêtues) connaît un net ralentissement en1990, notamment avec une baisse de 10 % desmises en chantier dans le logement collectif.Les difficultés de la production automobileparticulièrement sensibles au quatrième tri-mestre 1990 entraîne une chute de la demandede tôles accentuée par un mouvement de dé-stockage amorcé, dès le deuxième semestre1989 . De même, la croissance ralentit forte-ment dans la mécanique : + 1 % en volume1990 après + 10 % en 1989 . Seul le secteur del'emballage (9 % de la demande) assure unehausse de la demande en fer blanc.

© Production et demande Intérieure de la filière sidérurgique

Source : Comptes nationaux, lnsee, 1990

N°144 -Juin 1991

Prix = 11 F

Production-demandeVariation annuelle en volume ~i6) Valeur

(Milliards de F)

1987 1988 1989 1990 1990

Production de la brancheMinerais et métaux ferreux -0,8 10,2 0,6 -1,4 117,8

Sidérurgie 0,2 9,8 0,4 -1,4 87,6lère transformation de l'acier -3,8 12,0 1,2 -1,6 29,5Minerai de fer -10,3 -7,0 -6,3 3,7 0,7

Demande intérieureMinerais et métaux ferreux 0,6 12,8 1,3 1,4 122,9

Sidérurgie 0,0 12,6 2,4 0,8 89,2lère transformation de l'acier 3,9 13,1 -2,5 3,5 30,3Minerai de fer -8,9 15,8 3,3 -2,0 3,4

120

110

100

90

80

701980

1982

1984Source : Comptes nationaux, Insee, 1990

Graphique 1 - Evolution de la production des mineraiset métaux ferreux

© Commerce extérieur de la filière sidérurgique

Source : Comptes nationaux, Insee, 1990

La production recule

La production sidérurgique française ré-gresse de 1,4 % en volume en 1990 aprèsle maintien l'année dernière du niveaurecord de 1988 (tableau 1 et graphi-que 1). Les déstockages importants ef-fectués en fin d'année chez les utilisa-teurs, notamment dans l'industrieautomobile, ont aggravé le phénomènede ralentissement de la demande desprincipaux clients et provoqué une fortebaisse de la production au dernier trimes-tre 1990 (- 7,3 %par rapport au troisièmetrimestre) .Selon la Fédération française de l'acier,les tonnages produits baissent de 4,4 %pour la fonte, augmentent de 1,6 % pourl'acier brut mais reculent de 1,6 % pour

1986 1988 1990

les produits finis laminés . Parmi ces der-niers, la production de produits longs di-minue sensiblement, celle des produitsplats touchée de plein fouet par le ma-rasme de l'industrie automobile et le re-cul de la construction diminue de 6,4 % .Seule composante dynamique de cet en-semble, les aciers inoxydables (+ 4,9 %)grâce à un marché diversifié en crois-sance régulière (+ 5 % l'an) .

Concurrence et baissedes prix

Le ralentissement de la demande mon-diale, accentué en fin d'année, provoqueune concurrence accrue entre les pays

INSEE P'e

Approvisionnement enmatières premières

L'acier français est obtenu à plus de70 % par la technique du haut four-neau associé à un convertisseur à oxy-gène qui utilise le minerai de fercomme principale matière première .Le reste est fabriqué au moyen defours électriques qui consomment es-sentiellement des ferrailles . Cette tech-nique s'étend grâce à la productioncroissante des aciers spéciaux et audéveloppement des mini-aciéries.Au cours des dernières années, lesfortes variations de prix de ces deuxmatières premières ont provoqué desphénomènes de substitution entreelles . Le prix en dollar du minerai defer a connu de fortes hausses depuisdeux ans sous la pression des grandsproducteurs et notamment du Brésil .Mais, grâce à une baisse de la paritédu dollar de 15 % en moyenne en1990, le prix en francs du minerai defer importé à légèrement diminué.Egalement très erratiques, les prix desferrailles suivent les modificationsinstantanées de l'équilibre offre-de-mande accentuées par des mouve-ments spéculatifs : ainsi, ils ont aug-menté 20 % chaque année sur lapériode 1988-1989 et baissé de 16 %en 1990. De ce fait, en 1990, laconsommation de ferrailles augmentede 7 % alors que les importations deminerais de fer reculent de 3,5 % .

producteurs qui se traduit par une guerredes prix pour conserver les parts de mar-ché .Les pays de l'Est ont profité de la nou-velle ouverture des frontières . En effet, lacommunauté européenne a augmenté de15 % les quotas alloués à ces pays en1989. Certains pays comme la Yougosla-vie, l'Égypte, la Turquie et l'Argentinepratiquent une politique de dumping envendant le fil machine 15 à 20 % en-des-sous de leurs prix de marché . La montéeen puissance des nouveaux pays indus-trialisés comme Taïwan ou la Corée duSud avive la concurrence sur les exporta-tions. En outre, la baisse du dollar en1990, profite aux produits américains quipénètrent plus nettement le marché euro-péen .

Commerce extérieurVariation 89/88

en %Variation 90/89

en % Valeur 1990(Milliards de F)

Volume Prix Volume Prix

Importations (CAF)Minerais et métaux ferreux 6,1 12,3 6,6 -6,5 43,6

Sidérurgie 6,7 11,4 7,3 -7,3 28,41ère transformation de l'acier 5,0 11,2 7,7 -5,2 12,4Minerai de fer 5,2 27,8 -3,5 -5,0 2,8

Exportations (F AB)Minerais et métaux ferreux 3,5 13,3 -0,9 -9,7 46,4

Sidérurgie 0,3 13,7 0,1 -10,8 32,2lère transformation de l'acier 12,0 12,5 -3,1 -7,2 14,0Minerai de fer -10,8 10,2 -5,2 3,0 0,2

E1BERE

b

Source : Comptes nationaux, Insee, 1990

La concurrence accrue et la baisse descoûts des matières premières (voir enca-dré) provoquent une chute de 10 % duprix sur l'ensemble des aciers avec unrecul accéléré en fin d'année de 500 à600 F/tonne . Les aciers étant très divers,les prix producteurs varient en moyennede 2 810 F/tonne pour les aciers ordi-naires à 8 561 F/tonne pour les aciersalliés avec respectivement une baisse de- 4,3 % et - 12,2 % sur l'année. Ces prixtiennent aussi compte du repli importantdes prix des métaux non ferreux commeles ferro-alliages et le nickel pour lesaciers alliés, de l'étain et du zinc pour lesaciers revêtus .

Le commerce extérieurse dégrade

Cette concurrence se traduit pour laFrance par un léger repli des exportationset une nouvelle hausse des importations(tableau 2) . Les exportations de l'ensem-ble de la filière sidérurgique françaisereculent de 0,9 % en volume. La baisseest très sensible pour les tréfilés en acier(- 8,8 %) et les feuillards laminés à froid(- 10,6 %) principalement à destinationdes pays tiers et en particulier des Etats-Unis. Les exportations de produits sidé-rurgiques proprement dits se maintien-nent au niveau de 1989 . Celles des tubesd'acier (- 0;8 %) ont une évolutioncontrastée suivant les produits : les petitstubes soudés, particulièrement les tubesde construction, progressent fortement ;les tubes soudés de grand diamètre ré-gressent de 3,8 % en tonnage bien que lesdébouchés vers la Mer du Nord et les

© Résultats du commerce extérieur de la filière sidérurgique

Etats-Unis aient pratiquement compenséla disparition de celui vers l'URSS .Seules les exportations d'étirés et profi-lés pleins en acier sont dynamiques(+ 7,2 %), surtout vers le marchécommunautaire .Les importations s'accroissent de 6,6 %en volume sensiblement comme en 1989après un bond de 10 % en 1988 . Enconséquence, la part du marché intérieurcouverte par les importations atteint37,4 %, en progression de 7 points depuis1983 .Les produits pour lesquels les importa-tions ont le plus augmenté sont les pro-duits sidérurgiques (+ 7,3 %), ceux de lapremière transformation de l'acier(+ 7,7 %) avec une forte poussée pour lestréfilés et les tubes d'acier. Par contre, lerecul de la production de fonte a contri-bué à une diminution des importations deminerai de fer.L'augmentation des importations asso-ciée à la diminution des exportationscontribue à une forte détérioration dusolde commercial . L'excédent qui étaitde 8,1 milliards de francs en 1989 n'estplus que de 2,8 milliards (graphique 2 ettableau 3) . La part de nos échanges avecla CEE augmente sensiblement et le dé-ficit se creuse avec nos partenaires euro-péens (- 4,7 milliards en 1990 après - 2,3milliards en 1989) . Dans le même temps,l'excédent avec le reste du monde dimi-nue (+ 7,4 milliards de francs en 1990après + 11,3 milliards en 1989) .La part de nos importations couverte parles exportations (taux de couverture) seréduit de 20 points au cours des quatre

dernières années et se situe en 1990 à106,4 .

Les entreprisescherchent à s'adapter

L'importante restructuration nationalemenée de 1984 à 1988 avait nécessité defortes réductions d'effectifs dans labranche : de l'ordre de 10 000 chaqueannée sur cette période . Depuis 1989, lenombre des employés continue à dimi-nuer mais moins fortement (- 5 000 en1989, - 4 200 en 1990) . La filière sidérur-gique ne représente plus que 2,5 % desemplois industriels contre 3,5 % en 1980 .Le groupe Usinor-Sacilor qui contrôle laquasi totalité de la branche, conforté parses très bons résultats de la période 1988-1989, continue ses investissements in-dustriels pour moderniser ses structureset améliorer ses coûts de production .Contrairement à ses concurrents japonaiset allemands, il a choisi de se concentrersur les aciers en en conservant toute lagamme au lieu de diversifier ses activi-tés .Dans le même temps, pour consolider saposition de numéro un européen et sondeuxième rang mondial derrière le japo-nais Nippon Steel, le groupe français adépensé 7,1 milliards de francs en acqui-sitions externes en 1990 : il a ainsi achetél'allemand Ludwig et l'américain Té-challoy, spécialistes des treillis soudésainsi que l'américain Jones et Laughlin(produits Inox). D'autre part, l'achat desnégociants Alloy and Stainless et Edg-comb lui permet d'assurer les débouchésde ses produits aux Etats-Unis .

Filière sidérurgiqueTaux de

pénétration (1)(%)

Tauxd'exportation (2)

(%)

Taux decouverture (3)

(%)

SoldeCommercial(Milliards de F)

1989 1990 1989 1990 1989 1990 1989 1990

Minerais et métaux ferreuxSidérurgie1 ère transformation de l'acierMinerai de fer

37,032,945,485,2

37,433,444,382,8

40,339,251,624,8

38,236,247,222,7

118,5126,2128,6

5,7

106,4113,3113,1

6,1

8,17,53,5

-2,9

2,83,81,6

-2,6

(1) Taux de pénétration : importations/marché intérieur soit : production + importations -exportations(2) Taux d'exportation : exportations (hors marges)/production distribuée(3) Taux de couverture : exportations (FAB)f mportations (CAF)

Graphique 2 - Commerce extérieur des minerais et métaux ferreux (milliards de francs courants)

Pour comprendreces résultats. . .

Chaque année, l'Insee revise les troisderniers comptes annuels . Pour 1990,dont le compte est provisoire, les infor-mations sur les branches et les produitsindustriels émanent principalement desDouanes (importations et exportations),du Ministère de l'Industrie - Sessi (en-quêtes de branches) et de l'Insee(consommation des ménages, stocks,production industrielle, enquêtes deconjoncture sur l'activité industrielle) .

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0997-3192

BON DE COMMANDEPOUR VOUS ABONNER A INSEE PREMIÈREOUI, je souhaite m'abonner à INSEE PREMIÈRE (1 an, 60 numéros : 425 F (France), 532 FF (Étranger), 682 FF (Étranger par avion)Nom ou raison sociale : ActivitéAdresse : Tél.Ci-joint mon règlement par chèque à l'ordre de l'INSEE :F

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Pour en savoir plus . . .

- L'industrie manufacturière depuis 1986, Insee Première n° 123, février 1991 .- Les marchés des minéraux depuis 1973, Insee Première n° 128, avril 1991 .- Les comptes de la Nation en 1990, Insee Première n° 129, avril 1991 .- L'industrie en 1990, Insee Première n° 132, mai 1991 .- Situation des autres branches industrielles, parues dans des numéros d'InseePremière en juin 1991 : mécanique, automobile, textile-habillement, imprimerie-presse-édition .- Résultats détaillés des comptes de la Nation 1990 (tomes I et II), juin 1991 .- Rapport sur les comptes de l'industrie en 1990, à paraître dans Insee Résultats enaoût 1991 .- Minerais et métaux en France et dans le monde, Annales des Mines, février 1991 .