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IPNS JOURNAL D’INFORMATION ET DE DEBAT DU PLATEAU DE MILLEVACHES n 37 décembre 2011 3 EUROS TRIMESTRIEL ILS POUSSENT NOS SOCIALISTES ! Quand le plateau donne des boutons à Limoges Quand des géographes étudient le plateau de Millevaches Comment j’ai fait certifier PEFC le parking du supermarché d’Eymoutiers Grâce à PEFC ce parking est devenu une parcelle forestière ! elle est où la forêt ? 2448 IPNS37 bichro:Mise en page 1 13/12/11 11:44 Page 1

n37 décembre 20113 EUROS JOURNAL D’INFORMATION ET DE … · 2013. 9. 12. · Le criquet migrateur parvenant rarement dans la Creuse, j’ai ... locataire depuis 2010, avec un bail

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S JOURNAL D’INFORMATION ET DE DEBATDU PLATEAU DE MILLEVACHES

n37 décembre 2011 3 EUROS TR

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ILSPOUSSENT

NOS SOCIALISTES !

Quand le plateau donne des boutonsà Limoges

Quand des géographes étudient leplateau de Millevaches

Comment j’ai fait certifier PEFC leparking du supermarché d’Eymoutiers

Grâce à PEFC ce parking est devenu une parcelle forestière !

elle est où la forêt ?

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IPNS le journal - n°37 décembre 2011 2

BRÈVES

Trimestriel édité par l’associationIPNS.

Clin d’oeil à “l’imprimé par nos soins“ que connaissent lesassociations, notre titre décline différemment ses initialesdans chaque numéro.

Directeur de publication : Michel Lulek23340 Faux la MontagneMise en page graphique, illustrations : Michel Bernard etPhilippe GadyImprimerie : Rivet Presse EditionImprimerie labellisée Imprim’vert.Commission paritaire : 1012 G 81797 - ISSN : 1635-0278site : http://journal-ipns.org

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Tous les anciens numéros sont consultables sur notre site : http://journal-ipns.org

Vous pouvez contacter IPNS en écrivant à l’adresse mail suivante : [email protected]

Criquets migrateurs observés dans la Creuse en août

Au cours du mois d’août dernier, on m’a apportéplusieurs fois des criquets recueillis isolément dansles jardins et même dans la rue. […] Cette espèceparaît correspondre au Schistocera peregrina quihabite en permanence la région du Tchad et dansles périodes de sécheresse émigre très souventvers l’Algérie et gagne parfois l’Europe (midi de laFrance). […] J’ai montré ces insectes à M. Four-neau qui a résidé longtemps au Soudan, à desAlgériens qui m’ont dit que ces criquets ressem-blaient en tous points à ceux recueillis en Afrique.Peut-être paraissaient-ils légèrement plus foncés,mais à chaque mue l’insecte brunit. Le criquetmigrateur parvenant rarement dans la Creuse, j’aicru devoir signaler ce passage accidentel.On peut espérer que cette invasion de criquets

n’aura pas d’effets nuisibles dans les cultures,d’abord en raison de l’époque tardive, ensuiteparce que ces insectes étaient en fin de vie et quemême en cas de ponte, les larves n’écloraient pas,à cause de la température trop inclémente de cemois d’août.

F. Genevoix

Mémoires de la Sociétédes sciences naturelleset archéologiques de laCreuse, tome vingt-neuvième, troisièmefascicule...1946 !

Un signe du réchauffement climatique ?

La Première guerre mondiale a fortement marqué la Creuse.Dans le nord du plateau de Millevaches, près de la moitié desmobilisés ne sont jamais rentrés chez eux. Marquée commebeaucoup de régions françaises par une saignée de sa

jeunesse, la Creuse fut aussi le lieu de faits marquants mais néan-moins largement méconnus. En 1917, à La Courtine, chef-lieu decanton, plusieurs milliers de soldats russes se sont organisés ensoviet, réclamant leur retour au pays, refusant de continuer la guerreet de se soumettre à l’autorité des gradés. Un projet de film vise àretracer à travers les souvenirs des habitants creusois actuels, l’ex-traordinaire aventure de ces ouvriers et paysans russes dans lacampagne creusoise. Le soviet de La Courtine a-t-il marqué cetterégion ? A-t-il eu une influence sur la politique locale et sur le largemouvement pour la paix qui s’est dessiné à la sortie de la guerre ?En reste-t-il des empreintes dans le paysage ? Que reste-t-ilaujourd’hui de cet épisode dans la mémoire des habitants ?“Millevaches, mémoire rebelle“ est un projet documentaire porté parquatre étudiants de l’Institut Européen de Cinéma et d’Audiovisuel deNancy. Leur volonté de filmer le réel, d’interroger l’histoire, derecueillir la parole d’une région souvent oubliée, les pousse à réaliserun documentaire ambitieux débordant largement du cadre de leurfilm de fin d’étude (Master 2 professionnel ”réalisation et productionde films documentaires”). L’objectif est d’offrir à ce document filmiqueune vie qui sortira du circuit universitaire habituel grâce à des diffu-sions publiques en Creuse et en Lorraine ainsi que dans des festivalsde films documentaires, ruraux et engagés. Les promoteurs de ceprojet recherchent donc des témoignages sur cet épisode et lamanière dont il est demeuré dans les mémoires. Si vous avez deschoses à raconter à ce propos, n’hésitez pas à les contacter sur leursite : http://fr.ulule.com/millevaches-memoire-rebelle

“Millevaches, mémoire rebelle“

Le 19 septembre 2011, le président du conseil général de laCreuse signait une promesse de don à Terre de Liens ! Ainsipar l’intermédiaire d’une société foncière, et grâce à l’épargnesolidaire (une action coûte 100 €), Terre de liens acquiert

partout en France des terres et des bâtiments d’exploitation pour leurconserver une destination agricole, pour lutter conte la spéculationfoncière et l’urbanisation excessive.Le conseil général de la Creuse, qui n’a pas vocation à rester proprié-taire de biens agricoles, et qui partage cette préoccupation d’aména-gement du territoire, souhaite s’assurer que toute création d’activitésà Chambonchard s’inscrive bien dans une dimension environnemen-tale : le lien est vite tissé ! Ce sont 7 hectares, ainsi qu’une grange etune maison d’habitation situées dans la partie basse de la communede Chambonchard, que le département décide de céder à Terre deLiens pour y installer un agriculteur. L’appel à candidature a déjàpermis d’installer un maraîcher, locataire depuis 2010, avec un bailcomprenant des clauses environnementales exigeantes.Nul doute que cette première nationale, déjà citée en exemple, nefasse des émules. Confier du foncier agricole à Terre de Liens, c’estune façon pour le conseil général de la Creuse de rendre ce bieninaliénable et d’affirmer que la terre est un bien commun à trans-mettre aux générations futures...

Plus d’infos sur www.terredeliens.orgLe magazine La Creuse, novembre-décembre 2011

Une première nationale

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RÉACTIONS

Madame Parrot-Schadeckdétient un reccord dont sansdoute elle se serait bien passé: celui du plus court passage

en Creuse pour un sous-préfet. Sept mois,c’est en effet le temps qu’elle a passé àAubusson comme sous-préfète. Le tempsde prendre connaissance d’un territoirequ’elle découvrait, de rencontrer les élusdu département et, à croire ce qu’on en aentendu ça et là, de se faire apprécier parla plupart d’entre eux. La plupart, car c’està cause de l’un d’eux, le sarkoziste etfanfaron Jean Auclair, député et maire deCressat, qu’elle aurait vu son séjourcreusois écourté. Le Jeannot n’a semble-t-il pas aimé l’impartialité de la dame et, enbon anarchiste de droite comme le décritun Creusois qui le connaît bien, il nesupportait guère d’avoir en face de luipour représenter l’Etat, une femme... pasfacile ! Auclair préfère évidemment auxfonctionnaires qui ont un peu trop le sensdu devoir, l’Etat-copain des ministresamis. Il fallait le voir, rigolard comme pasdeux, lorsque Nicolas Sarkozy lors de savisite dans un café du département,claironnait au bistrotier : ”Souvenez-vousbien de qui vous supprimera la TVA à 5,5% !” - Rigolait-il toujours aussi finement, leJeannot, lorsque quatre semaines plustard le Nicolas-je-te-dis-ça-et-je-fais-le-contraire, supprimait lui-même la TVA à5,5% des restaurateurs... Sans doute queoui, car Jeannot est un inconditionnel et ilaime bien toutes les blagues de Nicolas.

Mais revenons à notre sous-préfète.Michel Moine, le maire d’Aubusson, oseécrire noir sur blanc, ce que tousmurmurent à propos de ce départ : ”Il nefait mystère pour personne que les causesde son départ sont à rechercher du côtéde Cressat. Belle ”victoire” en vérité pourun député de la majorité que de fairevalser les sous-préfets d’Aubusson, ouencore les colonels de gendarmerie,coupables à ses yeux d’un déficit deservilité. Beaucoup avaient été choquésde le voir et l’entendre siffler la Sous-Préfète en uniforme, lors d’une manifesta-tion publique, comme on siffle unemidinette. J’ai été personnellement letémoin, à Aubusson, d’un comportementpour le moins grossier de Jean Auclair,alors que j’accueillais la représentante del’Etat à sa descente de voiture au monu-ment aux morts d’Aubusson. Il est vraique pour un parlementaire qui vocifère”Ségolène, à poil !” dans l’hémicycle, ouqui traite Roselyne Bachelot de ”grossevache” dans les médias locaux, le fait quele sous-préfet soit une femme concourt àdes expressions aussi médiocres quemysogines. Le départ précipité de laSous-Préfète illustre fort probablement la”République irréprochable” revendiquéepar le Président de la République.”

La sous-préfète s’en va sans doutedépitée, le député, lui, est encore là pour...sept mois. C’est la durée qui nous séparedes prochaines législatives.

Le député et la sous-préfète

Le dossier du dernier IPNS en est une nouvelle foisla preuve : la question de l’école repose sur desbases idéologiques qui conduisent parfois àl’excès et par la même à la caricature.Pauvre

éducation nationale ainsi accusée de jacobinisme etexécutée en quelques mots : “dressage à l’obéissance, àla soumission, à la passivité… conditionnement… embri-gadement…“ N’en jetez plus, l’auteur de “Pédagogiealternative et école d’état“ ne fait pas dans la dentelle etprend pour cible une caricature de l’école de la 3ème répu-blique, l’époque a changé, l’école aussi.Il est bon de rappeler en ces temps de dénigrementssystématiques savamment entretenus que l’écolepublique n’a pas le caractère monolithique dont veulentl’affubler ses accusateurs. La querelle scolaire opposetoujours en son sein les courants innovants et les traditio-nalistes, les pédagos modernistes et les crispés de l’es-trade, les anti-élitistes et les républicains autoritaires, lesadeptes de l’école ouverte et ceux de l’école-sanctuaire.Au collège comme au lycée se succédent cours aprèscours et année après année des professeurs différentsdans leurs méthodes, leur pédagogie, leur contact avec

les élèves . Tous n’ont pas les mêmes convictions maisnombre d’entre eux défendent les valeurs de liberté, d’au-tonomie, de développement de l’esprit critique associéesaux pédagogies actives, certes pas faciles à mettre enœuvre dans des classes de plus en plus chargées ! Des élèves d’origines diverses et de tous les milieuxsociaux sont ainsi réunis dans l’école publique et s’enri-chissent d’une diversité qui les garantit contre tout risqued’embrigadement ou de conditionnement.En sera-t-il de même dans un collège associatif où l’on vase retrouver entre soi, dans un milieu relativement clos etpar définition restreint ? Les intentions énoncées sontexcellentes et les objectifs présentés alléchants, beau-coup sont d’ailleurs identiques à ceux de l’école publiquecomme : “apprentissages de manière vivante et active…alternance entre pratique et théorie…réalisation deprojets“. Mais comment éviter de tomber dans une formede communautarisme lorsqu’on projette d’associer desparents et leurs propres enfants tout au long de leurscolarité et jusque dans l’organisation de la vie collectivedu groupe ? N’y a-t-il pas là un véritable risque de forma-tage des élèves contraints à n’entendre qu’un discours, àne partager qu’une vision du monde et des hommes ?Nous sommes nombreux à avoir beaucoup appris de lapart de professeurs dont nous ne partagions pourtant pasles idées. Notre esprit critique ne s’en aiguisait que mieux

par la confrontation et la discussion dans le cadre diver-sifié de l’école publique. Je souhaite que les acteurs dece projet parviennent à conserver cette diversité indis-pensable à la construction de chacun mais ce sera diffi-cile. Une école communautaire ne peut favoriser ni l’au-tonomie ni le développement de l’esprit critique. Ellerepose au contraire sur la transmission idéologique - oureligieuse- à sens unique et le conditionnement desenfants. Paradoxalement on peut ainsi, avec les meil-leures intentions, se retrouver face au danger que l’onavait cru éliminer en quittant l’école publique. Apprendre en construisant sa propre personnalité néces-site l’ouverture au monde, aux autres, à la diversité. Enentrant à l’école l’élève découvre autre chose que l’uni-vers familial , il entend d’autres discours que ceux desparents. Il forge ainsi petit à petit son caractère et sesconvictions en faisant ses propres choix. Tout en étantpleinement conscient des pesanteurs et des difficultésqu’elle traverse je pense que l’école publique offre encorele brassage social et la diversité qui font sa richesse, ilfaut la défendre car malgré tous les coups qui lui sontportés elle demeure un support essentiel des valeurs dela démocratie et de la république.

Michel Lagoeyte, St Martin-Château

ÔComité d’organisation des nuits du 4 août.Toiqui n’est qu’intelligence, que supériorité, quemépris pour les petites gens capables de s’ex-tasier sur un parterre de fleurs ou de trouver

contentement dans un vide-grenier ou une foire ou, pire,dans un match de foot, daigneras-tu lire ce qu’unehumble citoyenne ose t’écrire en réponse à ton articleparu dans IPNS ?Quoi que tu puisses penser, il y a des gens dans cetteville d’Eymoutiers qui ont trouvé un mieux-vivre, long-temps cherché d’ailleurs, sans nul besoin qu’une munici-palité ou que des individus, chantres de la collectivité,veillent sur eux : l’autonomie peut être aussi une forme dedignité et le garant d’un bonheur qui ne doit rien àpersonne.Pouquoi tant de condescendance, pourquoi tant demorgue pour des gens que tu ne te donnes même pas lapeine de connaître, enfermé dans tes certitudes, déten-teur d’un schéma exécrable qui révèle ce que pourtant tu

dénonces : d’un côté les Ploucs, de l’autre les EspritsSupérieurs... de même qu’il y a “horde barbare“ etmoutons paisibles !La vie, Ô Comité, m’a appris que tout n’est pas aussisimple et que de belles surprises peuvent être encoreréservées à celui qui sait écouter d’autres messes queles siennes et tendre une main fraternelle à la misère,même intellectuelle.Les lendemains qui chantent ne pourront jamais se faireavec les beaux phraseurs, imbus de leur suffisance, lesrévolutionnaires-fonctionnaires ou les enfants de bour-geois en mal de célébrité. Ni socialo, ni cul bénit, propresur moi (je revendique), insipide (ça dépend avec qui etoù), parfois moi aussi habillée de noir (même parenthèseque précédemment), à la botte que de moi-même etn’obéissant à aucun diktat de tribu, je revendique ici lerespect pour tous... ce qui n’est ni ton fait ni celui du cari-caturiste qui t’accompagne (pour sa gouverne et à titred’exemple, ceux du Canard Enchaîné ne moquent queles gens du Pouvoir, jamais les manants).Finalement, je te trouve plutôt comique, toi le Gentil Orga-nisateur de fête qui exhorte au combat contre le pouvoir,

ici puissamment représenté par un maire et quelquesélus de campagne (probablement mis “out“ par tantd’acharnement et de haine !). Pourquoi donner dans letragique et le théâtral en évoquant la peur alors qu’ungrand merci eut été combien plus noble, puisque tu leurdois une réussite festive inespérée sur les terres corré-ziennes et l’aura, pour vous tous, d’un printemps, passeulement arabe mais du peuple hilare du centre !Mon final à moi, cette phrase lue au hasard d’une lectureconcernant Les hommes ivres de Dieu de Jacques Lacar-rière et que j’offre à ta puissante méditation :“Des prophètes hirsutes, éblouis de soleil, quittaient leurfamille et gagnaient les déserts... les anachorètesvoulaient échapper aux tentations du siècle. Certainspéchèrent par orgueil en confondant méfiance enversleur siècle et mépris de leurs semblables. Aucun d’entreeux ne revint dans le monde après avoir goûté les fruitsvénéneux de la vie solitaire...‘

Zorra, unique membre du comité de soutien de défensedes Pelauds

École publique, école de la diversité

À propos des nuits du 4 août

Courrier des lecteurs

Dessin : Philippe Gady

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LABEL

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Qu’est-ce que le greenwashing1 ? C’est de l’éco-blanchiement, c’est-à-dire “habiller en vertécolo“ ce qui n’a rien à voir avec la protectionde l’environnement. Ce terme fait donc réfé-

rence au double langage des organisations qui parlent de“développement durable“ et de “protection de l’environne-ment“ alors qu’en vérité, leurs activités consistent àprendre plus de parts de marché. Nous en avons un bonexemple avec PEFC.

L’historique de PEFC, certificationde gestion durable des forêtsA l’origine, c’est la conférence d’Helsinki (1993) qui adéfini la gestion durable des forêts : “Gestion qui main-tient leur diversité biologique, leur productivité, leur capa-cité de régénération, leur vitalité et leur capacité à satis-faire, actuellement et pour l’avenir, les fonctions écono-mique, écologique et sociale pertinentes au niveau local,national et international, sans causer de préjudices àd’autres écosystèmes.“ Dès 1993, et sans attendre uneréponse gouvernementale, des organisations sociales etenvironnementales ont créé le FSC (Conseil de Soutien àla Forêt), première organisation internationale indépen-dante, non-gouvernementale et à but non lucratif. Le FSCs’est intéressé en priorité à la déforestation des forêtstropicales, là où se situe l’urgence d’une action. Sonimplantation en France est actuellement confidentielle car

elle est contraignante.Comme l’indique le journaliste Fabrice Nicolino, “lesindustriels européens, sentant le vent tourner et lesesprits changer, ont réfléchi à la manière de changerl’image de marque de leurs produits. Et inventé un label“durable“ systématiquement associé au bois qu’ilsvendent. PEFC (Certification Forestière Pan-Euro-péenne) est donc un label commercial imaginé en 1999par les industriels du bois de six pays : l’Allemagne, laFrance, l’Autriche, la Norvège, la Suède et la Finlande“ 2

Son organisation fait la part belle à l’aspect industriel dela forêt, à la simplicité de mise en œuvre, à l’absence decontrôle initial et confère un avantage économique auxproducteurs et transformateurs de bois. PEFC est ainsidevenu majoritaire sur le marché de la certification fores-tière. Il s’est alors étendu hors d’Europe et il lui a falluchanger son nom tout en gardant ses initiales. Exercicedifficile qui a accouché en 2004 de PEFC : Programmede Reconnaissance des Certifications Forestières !

Que reprocher à PEFC ?PEFC a donc défini lui-même son propre référentiel, peudifférent de la loi forestière actuellement applicable, etdans lequel des avancées environnementales sontlistées sans nécessité de mise en application. Parexemple, le nouveau schéma national 2012-2017 interditles coupes rases de plus de 10 hectares d’un seul tenant.Une interdiction à mettre du côté des choses positives :on reconnaît donc qu’on peut récolter du bois avec d’au-tres méthodes, sans tout détruire. 10 hectares, cela resteune énorme surface dévastée mais c’est vraiment un pasen avant… Cependant, PEFC indique qu’il faut simple-ment “tendre“ vers cet objectif, et que, si ce n’est pasrespecté lors de cette coupe rase, alors il faudra le fairedans le futur (donc dans 40 ans, date de la coupe rasesuivante !). Voilà comment, avec un exemple parmi unemultitude d’autres, PEFC peut laisser croire qu’il fait de lagestion durable et de la protection de l’environnement.Pour définir ce référentiel permissif, PEFC s’est doté de 3collèges dont 2 sont liés à la production de bois, et un àla société civile (fonction environnementale et sociale dela forêt). Avec un système de vote volontairementpervers, il interdit toute avancée réelle vers une prise encompte de l’environnement (voir encadré La démocratieselon PEFC).Par la suite, PEFC choisit des organismes vérificateurs etde notoriété (Véritas, Qualisud,…) qui vont contrôler l’in-dustrie PEFC et l’application de ses critères permissifsqui n’interdisent rien. Voilà, le tour est joué ! PEFC prendl’aspect d’un éco-label sérieux.PEFC est donc un immense scandale dont la préserva-tion de la diversité biologique fait les frais tous les jours…

Pourquoi PEFC ne peut garantirune gestion durable sur lePlateau de Millevaches ?Pour le consommateur moyen, la gestion durable est àopposer à la déforestation. Si on coupe un arbre, il suffitde le replanter. Et bien non, ce n’est pas aussi simple…La nature aime la diversité, il suffit de regarder autour denous pour s’en convaincre. Quand on rase une parcelled’arbres mélangés et que l’on replante une essenceunique (le douglas à 90%), on détruit un espace de diver-sité biologique pour le remplacer par un cimetière boisé.

A terme, ce système productiviste est condamné à dispa-raître. Quand on rase cette parcelle et que l’on ravage lesol avec des engins de 35 tonnes, le sol peut êtreimpropre à la vie sur une grande profondeur et pour unelongue période3. Quand on fait une coupe rase sur debien trop jeunes arbres de 35 ans, on vide le sol de sasubstance et les intrants (engrais) seront indispensablespour obtenir d’autres arbres dans le futur. Tous cescomportements ne prennent en compte que la dimensionproduction de la forêt mais entrent pourtant dans le cadrede l’éco-certification durable PEFC… Sur le Plateau deMillevaches, le mode de gestion forestière repose quasi-exclusivement sur ces coupes rases. Elles sont engrande partie certifiées PEFC (il n’y a rien à faire pourcela). Et pourtant, actuellement, pour 2 arbres coupés, unseul est replanté ! Existe-t-il des alternatives à cesaccage ? Oui, elles sont même présentées dans lemagazine n°60 d’octobre 2011 du CRPF : La ForêtLimousine4 où Claude Nigen, technicien, et David Puyrai-mond, gestionnaire forestier indépendant, présentent lagestion en futaie irrégulière qui amène des revenus régu-liers et plus importants5 que les coupes rases. Uneconversion des plantations actuelles vers ce mode degestion est possible et le conseil régional du Limousingagnerait à le favoriser au lieu de financer avec l’argentpublic un chargé de mission PEFC6…

En conclusion, que dire ?Que PEFC est conçu depuis l’origine pour manipulerl’opinion publique sans modifier certaines pratiquessauvages de l’industrie du bois. Que sa forme actuelle estun acte d’abus de confiance envers des millions deconsommateurs.Néanmoins, voyons aussi les choses sous un autreangle: PEFC est maintenant bien en place et contrôle lafilière bois jusqu’au consommateur. C’est un fait. Il suffi-rait donc de contrôler PEFC pour lui assigner le rôle qu’ildevrait avoir, celui d’une éco-certification. En lien avec lespersonnes sincères qui collaborent avec PEFC et quicroient à leur mission, il serait possible d’exploiter sonmode de scrutin où 2 entités peuvent bloquer complète-ment le fonctionnement du machin. Si des actionsmusclées de consommateurs bloquaient des points devente (Leroy-Merlin, Castorama, …), voire le serviceachat de certaines collectivités publiques, alors PEFCpourrait changer radicalement et en profondeur.

Marc LajaraAssociation “Nature Sur Un Plateau“

23340 La Villedieu

Eco-label PEFC de gestion durable :Un outil marketing de greenwashing au service de la production de bois !Courant Avril 2010, Télé Millevaches présentait son magazine mensuel sur “PEFC : Le label qui cache la forêt.“ Y était dénoncé un système laxiste,sans cahier des charges contraignant, sans contrôle préalable, sans apport environnemental notable et qui était géré par des industriels pour desindustriels. Le système y était qualifié de “passoire à gros trous“, voire “d’entonnoir“, dans lequel tout ou presque pouvait obtenir la certificationPEFC sans contrainte. Cette dénonciation a eu un écho certain sur le plan national. 18 mois plus tard, où en sommes-nous ?

Alors que la gestion durable définie par la confé-rence d’Helsinki en 1993 impose de respecter lesfonctions économique, écologique et sociale de laforêt et que PEFC indique les prendre en compte àparts égales, il a bâti son assise sur 3 collègescomposés au total de 20 organismes divers (ONF,coopératives, Centre national de la propriété fores-tière, Caisse des Dépôts et Consignations, Chambred’Agriculture, Fédération de la pâte à papier, UnionNationale de l’imprimerie, Union des industries dubois, France Nature Environnement, Fédération deschasseurs…) 7. On pourrait penser que chacun des

3 collèges représenterait une des 3 fonctions de laforêt ? Pas selon PEFC !Pour être certain que l’économie de l’industrie dubois puisse agir sans contrainte environnementale,il a affecté 2 collèges à l’industrie (production ettransformation de bois) et un seul collège aux sensi-bilités écologique et sociale… 2 à 1 pour l’économie,le match est joué d’avance !Mais cela ne suffit pas : pour qu’une décision soitentérinée, il faut obtenir l’unanimité dans 2 collègeset la majorité simple dans le troisième ! Dans lapratique, il suffit que 2 votants situés dans 2

collèges différents votent contre pour ne pas avoirl’unanimité dans ces 2 collèges et ainsi bloquertoute décision. Ce qui n’est pas possible pour lesécolos qui sont confinés dans un collège unique !Ces règles sont un marché de dupe qu’un enfant desixième refuserait ! Et pourtant, la caution écolo-gique de PEFC, France Nature Environnement(FNE), l’a accepté. PEFC est donc clairement unearnaque anti-démocratique, réfléchie depuis l’ori-gine.

La démocratie selon PEFC : un système de vote déloyal bien pensé

1. Basé sur une définition Wikipédia2. Blog de Fabrice Nicolino http://fabrice-nicolino.com/index.php/?p=5203. Intervention de J.Ranger, INRA, à Meymac, Octobre 2011 ‘Enjeux etPerspectives de la forêt du Plateau de Millevaches’4. http://www.crpf-limousin.com/sources/files/Foret%20Limousine/FL60_dossier.pdf5. Intervention de Max Bruciamachie, ENGREF, à Meymac, Octobre2011 ‘Enjeux et Perspectives de la forêt du Plateau de Millevaches’6. http://www.crpf-limousin.com/sources/files/fl54PEFC.pdf7. Liste complète sur le dossier de presse PEFC 2011 http://www.pefc-france.org/articles/presse/dossier-de-presse

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Sur le site internet PEFC Limousin, j’ai téléchargéles formulaires d’adhésion et j’ai rempli monnom et mon adresse. J’ai barré le cadre medemandant si je suis propriétaire ou représen-

tant de celui-ci… Faudrait quand même pas mentir !Pour la parcelle à certifier, on ne me demande que sasurface (0,78 ha) et sa commune. Aucune demandeconcernant sa localisation réelle… Quelle étourderie deleur part, ça ne va pas être facile à contrôler ! J’y ai doncrajouté, sur la même feuille, la référence cadastrale (nondemandée) et agrafé le plan cadastral (non demandé) oùon voit le dessin du supermarché.Évidemment, je n’ai coché avoir aucun élément deprésomption de gestion durable, puis j’ai payé les 55centimes par hectare, plus 11 euros de frais de gestion,et j’ai posté le tout le 4 octobre 2010 ! PEFC allait-ilremonter dans mon estime en décelant la supercherie ?Tous les éléments lui étaient fournis…Deux semaines plus tard, je recevais mon certificat degestion durable 10-21-8/2391 valable cinq ans, quicorrespond précisément au parking et à la pompe àessence du supermarché d’Eymoutiers, vu les docu-ments fournis !

Ce n’est pas fini ! PEFC est alors en pleine discussiondu schéma national 2012-2017. Je contacte donc la coor-dinatrice PEFC Limousin, et dans un rendez-vous auPMU d’Eymoutiers le 24 novembre 2010 à 16 heures, jelui donne une copie des documents en lui certifiant (!) nepas les diffuser hors PEFC jusqu’à la parution du schémanational 2012-2017. Je lui explique ma démarche : plutôtqu’un conflit stérile, je veux montrer à PEFC qu’il poussele bouchon trop loin et qu’on aimerait une vraie certifica-tion sérieuse, avec des avancées environnementales.On ne se refait pas, c’est mon côté fleur bleue !Je donne les mêmes informations à France Nature Envi-ronnement (de vive voix à Sébastien Genest et FrançoisLefèvre), membre de PEFC France qui représente lesécolos. Je me dis qu’ils auront de quoi discuter autour dela table des négociations…Depuis... rien !Je suis clairement contrevenant : je n’ai pas été exclu et,un an plus tard, j’apparais toujours dans la liste despropriétaires éco-certifiés8 ! Merci PEFC...Le 21 octobre 2010 à Limoges, lors des assises PEFCannuelles, le secrétaire général PEFC, StéphaneMarchesi indiquait que les contrôles n’avaient jamais

exclu personne du système PEFC à cette date9. Cela estconfirmé par le compte-rendu d’une réunion de la LNE10.Jamais aucun exclu…ça ne fait pas sérieux. Par contre,dans le dossier de presse11, PEFC indique que 15contrevenants ont été exclus en 2010. Ouf ! Ils ontcorrigés les chiffres… ça rassure sur le sérieux de PEFC!En attendant je ne demande qu’une chose : excluez-moi, je suis un contrevenant !

Marc Lajara

Comment j’ai fait certifier PEFC le parking du supermarché d’Eymoutiers

4 idées fausses sur PEFCPEFC surfe sur la vague de la consommation durable etcitoyenne, avec un double discours. Pour le consom-mateur, il aime à laisser penser qu’il est un éco-label ensuggérant une dimension de protection environnemen-tale qu’il n’assume pas dans les faits. Pour la grandemajorité de l’industrie du bois, qui voit la préservationde la diversité biologique comme incompatible avecses méthodes de production, il sert de passeport“vert“. PEFC a donc tout intérêt à laisser penser qu’ilest un label de certification environnementale. D’unemanière générale, il fait attention à ne pas le dire direc-tement et le fait dire à d’autres.

PEFC est un label : FAUXLes labels officiels français sont des décisions parlesquelles une autorité reconnaît qu’une personne, unsite, un territoire ou un produit possèdent un certainnombre de qualités énumérées et définies dans un actelégislatif ou réglementaire. Ces décisions, qui sontnominatives et individuelles, sont publiées au JournalOfficiel. Actuellement, il n’existe en France que deuxtypes de labels officiels : ceux qui sont décernés parl’État et ceux qui sont décernés par des organismesinternationaux 12. Ce n’est pas le cas de PEFC qui n’ap-paraît dans aucune liste des labels officiels… Si PEFCreconnaît qu’il n’est pas un label sur son dossier depresse 2010 (qui n’est plus disponible !), il se définitpourtant lui-même comme tel sur son site internet !Son président sortant signe même une présentation du“Label PEFC“ en préambule d’un livre financé à sa

gloire 13. Quelle étourderie ! Toujours sur son siteinternet, PEFC laisse encore à croire qu’il est un label :“S’engager auprès de PEFC permet de différencier lesproduits en garantissant leur origine et de gagner desparts de marché : pour 80 % des connaisseurs du labelPEFC, sa mention sur un produit incite à l’achat. (EtudeGreen Label Equity, IFOP 2010) “ C’est à s’y tromper…

PEFC est un éco-label : FAUXSelon l’AFNOR, les éco-labels distinguent des produitset des services plus respectueux de l’environnement.Deux uniques écolabels sont délivrés en France : lamarque NF Environnement pour le marché français etl’Eco-label européen pour le marché de l’Union euro-péenne. Là encore pas de trace de PEFC... 14

Néanmoins, en analysant la liste des entreprises certi-fiées sur le site PEFC, on y découvre la premièreagence de communication certifiée PEFC ! 15. Sous lelogo officiel PEFC, elle affiche : “PEFC généralementprésenté comme un éco-label, est une marque de certi-fication de gestion forestière, visant à contribuer à lagestion durable des forêts.“ Et la communication, çales connaît ! Le moteur de recherche Google donne

8320 résultats pour “éco-label PEFC“… L’idée est doncbien répandue et PEFC n’y est peut-être pas pour rien…

PEFC est une éco-certification :FAUXToujours selon le même dossier de presse PEFC 2010,“PEFC… n’est pas une éco-certification. La gestionforestière durable, doit prendre en compte, à partségales, les facteurs économiques, sociaux et environ-nementaux. Ces derniers n’ont pas à prévaloir sur lespremiers.“ Saine précaution ! Mais alors, pourquoitrouve-t-on sur le site PEFC ce témoignage 16 d’undirecteur commercial d’une parqueterie : “Dans notreentreprise, l’éco-certification procède d’une démarchevolontariste au niveau du groupe. Tous nos sites deproduction en Europe sont certifiés PEFC“ ?Et le communiqué de presse 17 PEFC de l’été 2011affirme : “Avec PEFC, mission rentrée éco-certifiée !“.Avec PEFC, vous êtes sûr d’être trompé !

PEFC est simplement unemarque commerciale : VRAI !PEFC a choisi le statut de marque collective 18, aumême titre qu’INTERFLORA ! Simple, non ? PEFCn’est donc qu’une marque commerciale, avec sesrègles propres (!) qu’il décide lui-même et sans obliga-tion de prise en compte de l’environnement ! Il réussitdonc le tour de force d’abuser des millions de consom-mateurs qui pensent acheter des produits avec unegarantie officielle favorisant l’environnement…

8. Taper mon nom ou mon numéro de certification 10-21-8/2391 sur lesite http://www.pefc-france.org/ Qui est certifié ?9. http://www.dailymotion.com/video/xgc4vb_la-politique-de-controles-forestiers-de-pefc_tech10. Réunion du 20 décembre 2008. Blog de Fabrice Nicolinohttp://fabrice-nicolino.com/index.php/?p=52011. Page 9 http://www.pefc-france.org/articles/presse/dossier-de-presse12. Source Wikipediahttp://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_labels_officiels_français13. Le bois dans votre vie par Christel Leca. Le nom ou logo PEFC yapparaît 102 fois en 138 pages !14. Site AFNOR Certification http://www.ecolabels.fr/fr/15. Agence Comevents à Brive PEFC/10-31-1825 http://www.eco-comevents.fr/index.php/front/eco_demarche/216. http://www.pefc-france.org/articles/a-la-une/rencontre-avec-eric-mantion-la-parqueterie-berrichonne-17. http://www.pefc-france.org/media/pefc_france_flash_info_fournitures_scolaires.pdf18. Site INPI http://bases-marques.inpi.fr/Typo3_INPI_Marques/marques_fiche_resultats.html?index=4

Bien qu’il s’en défende, PEFC semble certifier sans contrainte tout ce qui peut être peint en vert. Pour en avoir le cœur net, Marc Lajara a donc décidéd’obtenir un certificat de gestion durable pour le parking du supermarché d’Eymoutiers avec sa pompe à essence ! C’est gros ? Ça ne passera pas ? Il en a rêvé, PEFC l’a fait !

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IPNS le journal - n°37 décembre 2011 6

DOSSIER

Scènes de la vie (politique) ordinaireUn conseiller régional chargé de la Culture est interpellépar un élu du plateau qui lui soumet un projet culturelporté par quelques associations. Réaction épidermiquede Stéphane Cambou (car c’est de lui qu’il s’agit) : “Ahles projets culturels sur le plateau, ça suffit ! Il y en a bienassez comme ça !“Une présidente de conseil général irritée de voir s’orga-niser sur son territoire une manifestation à caractère poli-tique qui ne soit pas une sage fête de la Rose, convaincles élus de la commune qui doit l’accueillir de l’interdire...De la même manière que Marie-Françoise Pérol-Dumont(car c’est d’elle qu’il s’agit) avait interdit une expositionqui ne lui convenait pas au musée départemental deRochechouart en 2004 (Nous avons raconté cela dansIPNS n°16), la tenue des Nuits du 4 août à Eymoutiers nelui convenait guère davantage...La même a déjà manifesté publiquement ses désaccordsavec les politiques menées sur le plateau en décidantunilatéralement le retrait du département de la Haute-Vienne du Parc naturel régional. Une première enFrance, comme l’indiquait un de nos collaborateurs dansIPNS n°32 qui complétait : “On sent bien la volonté dedéconsidérer les Parcs, et par voie de conséquence demontrer un profond mépris pour les zones rurales et leuravenir, préférant sans doute concentrer ses moyens surla capitale du Limousin.“ Son retrait du syndicat du Lac deVassivière relève du reste de la même logique. Depuis,devant la levée de bouclier des élus du PNR, elle estcependant revenue partiellement en arrière, restant dansle parc, mais diminuant sa contribution à une structurequ’elle estime être mal gérée et dispendieuse.Ces saynètes ne sont pas des fictions, même s’il est peuprobable que leurs acteurs principaux les confirmentpubliquement. Elles révèlent une attitude de méfiance oude guéguerre avec un certain nombre d’acteurs du terri-toire. Comment expliquer cela ?

Le PS bousculé sur sagaucheUne explication tient dans l’analyse de quelques résultatsélectoraux récents. Ceux, en particulier des dernièresélections régionales (2010). Le Limousin est en effet laseule région de France où le second tour de ces électionsvoit le maintien de deux listes de gauche au second tourde la confrontation électorale. Face à une droite minori-taire (elle n’obtient que 32,95% des voix), le Parti socia-liste allié à Europe-Écologie recueille 47,95% dessuffrages, mais voit presque deux électeurs sur dix luipréférer la liste Limousin Terre de gauche (19,10%) quiréunit le Parti communiste, le Parti de Gauche – quiforment ensemble le Front de gauche – ainsi que le NPA(le Nouveau parti anticapitaliste), les Alternatifs, La Fédé-ration pour une alternative sociale et écologique et lesObjecteurs de croissance. À la tête de cette liste : Chris-tian Audouin, président du parc naturel régional et élu duplateau jusqu’en 2004, date à laquelle il était éjecté deson poste de conseiller général de Bugeat par son adver-saire de droite.Un regard sur les cantonales de 2011 complète bien ces

résultats, entretenant l’image d’un plateau réfractaire auxadhésions massives au PS majoritaire, même lorsqu’il nevote pas à droite comme sur la plus grande partie de laMontagne corrézienne. Sur le canton d’Eymoutiers lecandidat PS (23,90%) est balayé par le candidat ADS-Terre de gauche Michel Ponchut (70,5%) et plus globale-ment en Haute-Vienne, si la majorité départementalen’est pas menacée, le PS perd du terrain au profit descandidats de la liste Limousin Terre de gauche. LeMonde parle d’une “amère victoire pour le PS“. Côtécreusois si deux cantons vont au PS, deux autres vont àdes divers gauche dont celui de La Courtine à PhilippeBreuil, qui est un élu plutôt indépendant dans ses prisesde positions. On se rappelle entre autres son engage-ment dans la lutte pour le maintien des services publics(un épisode où il était sur la même longueur d’ondes quebeaucoup de ses homologues) mais aussi ses positionscritiques vis à vis du parc (il avait publié un article assezcinglant sur le sujet dans IPNS n°18). En Corrèze, enfin,le canton de Sornac, décroché en 2008 par PierreCoutaud et qui avait permis au département de laCorrèze de basculer à gauche, est détenu là aussi par unélu plutôt indépendant et “atypique“, comme disent lesspécialistes...

Un plateau trop fanfaron ?En 2010, lors d’un colloque organisé à Eymoutiers par LeCertu (1), le sociologue André Micoud, spécialiste dumonde rural, avait indiqué, parlant du plateau : “Quandon parle d’un territoire comme d’un lieu d’innovation danscertains ministères, ça veut dire évidemment qu’il s’ypasse des choses...“ Et de citer “des associations qui

pensent et qui travaillent à construire et valoriser des“milieux de vie“, en s’appuyant principalement sur lesressources locales (patrimoines naturels et culturels) queles façons antérieures de penser le développementavaient plus ou moins négligées, qui doivent donc égale-ment travailler à se faire reconnaître comme légitimes etqui, pour cela, doivent convaincre les populations, lesélus, les services administratifs, argumenter rationnelle-ment pour défendre leurs positions et propositions etconclure des alliances, voire entrer dans le jeu poli-tique…“ La réputation du plateau comme “lieu d’innova-tion et d’expériences“, repéré, y compris nationalementcomme un vivier d’expériences originales, joue aussicertainement dans quelques animosités limougeaudes. Ilest vrai que la visibilité de certaines actions et quelquesraccourcis peuvent donner l’impression d’un territoire quiaime à soigner sa différence et à afficher son originalité...La conjonction de cette personnalité qu’un certainnombre de ses habitants affiche de façon peut-être jugéeexcessive ailleurs, la force électorale du Front de gauche,quelques élus trop “indépendants“, la marque “Plateau“accolée à de nombreuses contestations (on l’a bien vul’an dernier au moment du mouvement déclenché par laréforme des retraites, où la presse régionale a parléplusieurs fois des “insoumis du Plateau“ descendus àBrive ou à Guéret pour effectuer des blocages), tout celaconstitue un cocktail qui peut expliquer les irritations etles oppositions. Surtout si on cherche à les comprendre àl’aide des quelques clés que nous vous proposons dansles pages suivantes.

(1) Certu : Centre d’études sur les Réseaux, les Transports,l’Urbanisme et les constructions publiques. Le colloque d’Ey-moutiers avait lieu sur le thème : “Développement économique

Quand le plateau donne des boutons à LimogesDepuis plusieurs mois, des retours divers et variés, tendent à prouver que le plateau de Millevaches, plus ou moins identifié à certainsde ses acteurs politiques ou associatifs, irritent quelques élus régionaux, limougeauds ou haut-viennois (ce sont souvent les mêmes)Qu’en est-il vraiment ? Et comment expliquer ce désamour ? C’est à cette seconde question en particulier que nous avons essayé derépondre. Les articles qui suivent sont donc issus d’une réflexion collective d’une partie de l’équipe du journal, appuyée sur le regardaiguisé de Gérard Monédiaire, un juriste de la faculté de Limoges qui connaît bien la réalité politique limousine, et sur la lecture des“mémoires“ de Robert Savy qui, dans Émergence d’une région, le cas du Limousin, 1986-2004 (L’Harmattan, 2010), raconte ses 18années à la tête du conseil régional. Ce travail réflexif collectif demande à être complété, discuté et approfondi. Toutes les contributionsseront les bienvenues pour corriger ou valider le regard porté ici.

Quand Denanotremonte lesbretelles àChristianAudouinEntre le président du conseil régionalet le leader de Limousin Terre degauche ce n’est pas le grand amour.C’est le moins qu’on puisse dire !Dans une lettre ouverte en date du 25mai 2011 Jean-Paul Denanot crache sabile sur celui qui apparaît comme sonfaux-ami : “Vous semblez ne mobi-liser toute votre énergie que pour atta-quer non pas nos adversaires del’UMP mais la majorité régionale que

je conduis : il n’est pas une semaineoù la presse régionale, et notammentle quotidien que vous dirigez [L’Echo],n’en porte la trace. Tout récemmentencore, vous avez, dans un médianational, pris la parole pour vanter lesmérites d’un rassemblement inédit àgauche -PC, Parti de gauche, NPA –qui revendiquerait, lui, sur les enjeuxsociaux, de ne pas faire decompromis“ et d’ajouter : “Votre“attelage“ ne tire finalement dans lemême sens que lorsqu’il s’agit d’atta-quer la majorité régionale .“Denanot met ensuite ChristianAudouin en face de ses prises de posi-tion contradictoires entre hier etaujourd’hui, par exemple sur le projetde train à grande vitesse Limoges-Poitiers ou les aides régionales auxentreprises : “Votre savante théoriesur “l’opposition constructive“ ne

peut plus tromper personne, et vosréels talents de prestidigitateur dudiscours politique ne vous permettentplus de faire disparaître, par la magiedes mots, vos engagements d’hier.“Et de finir en claquant la porte au nezdu désorienté leader communiste :“Ce n’est pas de conflits stériles dontnotre région a besoin, mais d’actionsdéterminées (…) Nous aurions aiméque cela se fasse avec vous. Cela sefera sans vous, et nous le regret-tons…“

On peut lire l’intégralité de la lettre aulien suivant :http://www.chaptelat.com/document/lettre-a-audouin.pdf

Le vote Front de gauche etl’émergence d’initiatives necoïncident pas toujours.Les choses sont toujours plus complexes qu’onveut bien le dire... Habitués au monopole dupouvoir, les socialistes de Limoges et de la régionpeuvent percevoir les scores du Front de gauche(mais aussi dans certaines communes, des écolo-gistes) comme l’expression politique évidente dubouillon associatif, “alternatif“ et militant qui s’ex-prime fortement dans certaines communes duplateau. Or, à y regarder plus finement, il n’y a pastoujours coïncidence des deux phénomènes. Ainsile vote Front de gauche est fort dans lescommunes où le communisme rural traditionnelétait déjà fort. Il reçoit également les suffrages del’extême gauche protestaire. Inversement, parmiles “expérimentateurs“, les “associatifs“ et autres“alternatifs“, il y a beaucoup d’options politiqueset le Front de gauche ne capitalise pas la totalitéde ces suffrages. On y trouve aussi des électeursécologistes mais sans doute beaucoup qui votentaussi... socialiste. Sans parler de tous ceux qui nevotent pas du tout, une bonne partie d’entre eux sedésintéressant des joutes politiciennes.

Pauvre Denanot qui garde si bien le conseil régional...

Stéphane Cambou et Marie-Françoise Pérol-Dumont savent argumenter...

y font rien quem’embêter

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DOSSIER

Limousin : terre de gauche ?Robert Savy le note dès les premières pages de sonlivre : “Parmi les constantes du Limousin on trouve safidélité à la gauche.“ Il est vrai que depuis un siècle larégion, sa capitale et le département de la Haute-Vienne tout particulièrement, ont majoritairementvotés à gauche, pour la SFIO devenue PS d’une part,pour le PC d’autre part. Cette double allégeance nes’est pas toujours traduite par une union sereine àgauche, bien au contraire ! En Haute-Vienne surtout,les deux partis ont été souvent face à face dans uneopposition féroce. Dans les années 1950 où la SFIOlimousine des notables, pharmaciens et médecins,très Algérie française, revancharde face à la résis-tance incarnée par Guingouin, s’oppose à un PC trèsstalinien, il n’y a pas grand place pour une troisièmeexpression politique : le clivage est résolument àgauche. Cette histoire-là marque toujours les esprits etles pratiques.En Corrèze et en Creuse le monopole de la gaucheest moins évident et son histoire n’a pas été un longfleuve tranquille. Dans la seconde moitié du XXèmesiècle, il y a l’offensive de Chirac en Corrèze, mais enCreuse aussi des cantons basculent. Il faut un vraitravail militant des partis de gauche pour récupérer unà un les postes de conseillergénéral et reconquérir lesassemblées départemen-tales (en 2001 pour laCreuse et seulement en2008 pour la Corrèze). EnHaute-Vienne, par contre, onroule sur du velours, installésans danger dans l’assu-rance de garder le pouvoir.Or, quand on est au pouvoirdepuis plus d’un siècle, onfinit par ne plus être ni dedroite, ni de gauche : on estdu côté du pouvoir. Dire quele Limousin est une terre de gauche, c’est laisserentendre qu’on n’a finalement pas besoin de s’occuperdes minorités et qu’on peut sans problème user d’unesituation monopolistique.

Le monopole ne tolère pas lacontestationComme chacun sait les situations de monopole nesont pas bonnes pour les minorités... Comme l’indi-quaient les élus de Limousin Terre de gauche lors deleur université d’été à Nedde en septembre dernier,autant ils arrivent à faire avancer quelques-unes deleurs idées auprès du conseil général de la Corrèze(où la majorité est de 14 élus PS et 6 autres gauchescontre 17 de droite), autant à Limoges, ils sont laminésdans leur force de proposition, que ce soit au conseilgénéral (24 élus PS, 14 autres gauches et 4 de droite)

ou au conseil régional (21 PS et leurs 4 alliés écolo-gistes, 7 autres gauches et 10 de droite). StéphaneLajaumont, conseiller régional NPA, parle d’une

“culture hégémonique“. Unesituation que connaissentaussi à la Région les élusécologistes alliés au socia-listes, qui se mordent lesdoigts de leur stratégie d’al-liance et geignent en off dene pas se faire respecter parleurs alliés trop puissants. LePS dispose donc de la majo-rité absolue à lui seul auconseil général et, avec sesalliés écologistes, au conseilrégional. Cette situationrendue possible par la modi-fication du système électoral

au conseil régional qui donne une prime au parti arrivéen tête (auparavant ces élections étaient à la propor-tionnelle) a été introduite en 2004 pour donner desmajorités plus stables à bon nombre de régions fran-çaises. Robert Savy, qu’il faut savoir lire entre leslignes, et qui a dirigé la région sur trois mandatures oùil n’avait la majorité qu’avec l’apport des voix du PC etdes écologistes explique : “C’est certainement utilepour la stabilité politique dans beaucoup de régions ;ici, il n’est pas sûr que la qualité du débat y gagne.“ Etd’ajouter, ce qui constitue un bon avertissement pourses successeurs socialistes à l’hôtel de région : “Unemajorité de coalition n’est durable que si chacun despartenaires a le sentiment qu’on le respecte dans cequ’il représente, et qu’il participe à une réflexion et àune action collectives.“ Quand on sait que les réunionsde préparation des décisions se font au conseilrégional entre les seuls vice-présidents PS, oncomprend bien qu’on n’est pas dans cette situation.Savy, une fois encore, nous éclaire magistralement :“On sait bien qu’un parti politique dominant s’accom-mode plus volontiers de supplétifs que de partenaires: les exemples ne manquent pas.“ C’est très précisé-ment ce qui se passe à Limoges aujourd’hui.

Quelques clés pour comprendre la politique limousine

Le cas corrézienLa Corrèze présente en Limousin un cas parti-culier à deux titres. D’abord à cause du poidsdu radicalisme incarné au XXème siècle par lapersonnalité d’Henri Queuille. Ce courant poli-tique qui n’était ni socialiste, ni communiste, atrouvé dans ce département un terreau favo-rable à une implantation durable, ce qui n’a étéle cas ni en Creuse, ni en Haute-Vienne. C’estdu reste sur ce radicalisme historique, finale-ment peu politisé, très notabiliaire et adeptedu “plaçou“ (formule occitane du clientélisme)que ce sont appuyées les stratégies deconquête de Jacques Chirac et aujourd’hui deFrançois Hollande. Autre spécificité : alorsque les deux autres départements n’ont pas vuémerger de grandes personnalités nationales,la Corrèze s’en est fait une spécialité. AprèsHenri Queuille déjà cité (il fut ministre 30 foisde 1920 à 1954 et 3 fois président du Conseil),se sont ainsi succédés Jacques Chirac puisFrançois Hollande.

Quand on est aupouvoir depuis plusd’un siècle, on finit

par ne plus être ni dedroite, ni de gauche :

on est du côté dupouvoir

“et alors ! on va quand

même pas s’allieravec la gauche ?

Score de la droite aux électionsAlain Marsaud, ex-député de la Haute-Vienne, fait grise mine...

La droite en Haute-vienne à travers les âges

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DOSSIER

L’effet de la professionnalisationde la politiqueIl y a un mot qui vient à la bouche quand on voit cespectacle : c’est celui de nomenklatura. Dit avec lesmots plus châtiés du juriste, cela donnera : “l’effetlocal de la professionnalisation de la politique.“ Avectous les travers que l’on connaît au phénomène :appartenir à des écuries qui se font la bagarre au seindu même parti (Robert Savy en témoigne dans sonlivre) ; considérer la politique comme un carrière ;substituer la tactique politicienne au débat d’idées, etc.Ce qui n’est pas sans effet sur le personnel politiquelui-même. Lorsqu’on est un jeune militant socialiste etqu’il faut attendre 20 ou 30 ans pour que les caciquesveuillent bien vous laisser la place, soit l’on va voirailleurs pour exercer ses talents dans d’autresdomaines, soit l’on attend sagement, calmement, sanstrop remuer dans les brancards pour s’assurer l’héri-tage. Se forme ainsi une classe politique générale-ment peu innovante qui préfère les délégations où il ya des jetons de présence à récupérer ou un bongraillou à la fin, ou qui réfléchissent à leur implantationélectorale à l’aune de leurs ambitions – ce genre deréflexes qui font s’effondrer quelques militants de baselorsqu’ils voient les poulains qui prendront demain lespostes. C’est ainsi qu’on prête à Stéphane Camboul’intention de quitter sa mairie de Chaptelat en Haute-Vienne, pour celle de Peyrat-le-Château ou de Neddesur le territoire de Vassivière dont il préside les desti-nées depuis 2008. Il se rappelle peut-être qu’avant deprésider le conseil régional, Jean-Paul Denanot l’avaitprécédé à la présidence de Vassivière...Le sociologue RenaudDulong fait la distinctiondans un de ses livres, entrece qu’il appelle les “éluscaciques“ et les “élusleaders“. Les premiers sontceux qui sont convaincusque c’est la société locale,telle qu’elle est, qui les aélus et qui vont donc faireen sorte que rien ne bougepour assurer leur réélection.Les seconds sont ceux qui,au contraire, pensent queplus ils feront bouger la société, plus ils assurerontleur réélection. L’élu cacique domine son petit empiredans un rapport quasi monarchique. C’était GeorgesPérol qui parlait de “mes maires“, élus corréziens duplateau, qu’ils soient au demeurant chiraquiens oucommunistes : “J’ai dit à mes maires qu’il ne fallaitpas se faire avoir...“. C’est Marie-Françoise Pérol-Dumont qui tient son département d’une main de fer,à tel point que tel conseiller général de son propreparti avoue : “On ne dit plus rien, sinon on se faitengueuler!“ Curieusement, le fonctionnement du PSlimousin relève d’un centralisme démocratique quiressemble beaucoup au fonctionnement de son vieilennemi héréditaire communiste...

Où est le débat d’idées ?L’absence de vraie confrontation politique (entendonspar là où des orientations sont discutées, où l’on sentle poids d’une ambition ou d’une vision pour le terri-toire dont on a la charge) est sensible à l’hôtel de

région. La première manda-ture de Jean-Paul Denanot(que certaines mauvaiseslangues ont surnommé “2nanos de technologie“), de2004 à 2010, avait pu encorefaire illusion. Mais depuis2010, les choses apparaissentplus nettement. Demandez ànombre d’acteurs limousinsqui ont un peu fréquenté lescouloirs de l’hôtel de région aucours des 15 dernièresannées et vous entendrez

presque à coup sûr : “Ah ! Du temps de Robert Savyc’était autre chose !“ Et de faire un tableau comparatifqui n’est pas à la faveur de l’actuel président. Celui-cia pourtant un gros mérite aux yeux de ses amis poli-tiques : il est du sérail, c’est-à-dire issu de l’appareilsocialiste limougeaud dominé par Alain Rodet, lemaire de Limoges, et la déjà citée présidente duconseil général. Le personnage, d’un abord falot etdébonnaire, n’a pas le charisme de son prédécesseur,mais, surtout, il n’a pas l’ambition de donner à laRégion une place, un pouvoir et une force indépen-dants des départements. Robert Savy l’avait biencompris, à tel point qu’il avait cherché à trouver unealternative à Denanot pour lui succéder

Quand Hubert Védrineétait pressenti pourremplacer Savy

Dans son livre, Robert Savy raconte commentil a envisagé sa succession (p. 95-96).

“Je savais que, minoritaire depuis longtempsdans le Parti socialiste en Haute-Vienne, jen’avais aucune chance de peser dans le choix demon successeur à la présidence du conseilrégional et dans la constitution des listes. Jesouhaitais cependant que l’institution régionaleconserve l’autonomie de comportement qui étaitla sienne sous ma présidence vis-à-vis desautres pouvoirs locaux, notamment les départe-ments et la ville de Limoges ; or une mainmisede l’appareil socialiste de la Haute-Viennerisquait de mettre en péril cette autonomie. Deuxcandidatures s’esquissaient pour me succéder :celle du premier vice-président, Daniel Nouaille,qui était sur la ligne de l’équipe sortante maisqui, fabiusien, était aussi minoritaire que moi auPS, et celle de Jean-Paul Denanot, ostensible-ment soutenue par le maire de Limoges, AlainRodet, et le président du conseil général de laHaute-Vienne, Jean-Claude Peyronnet. L’issuede la compétition ne faisant pas de doute, j’aiexploré l’hypothèse d’une candidature extérieurequi ne serait pas prisonnière des réseaux socia-listes locaux. C’est ainsi que j’ai pris contactavec Hubert Védrine, mon collègue du Conseild’Etat, qui avait été secrétaire général de la prési-dence de la République, puis ministre desAffaires étrangères et qui avait conservé àLimoges et en Creuse des attaches familialesfortes. Je l’ai longuement rencontré, le matin du3 janvier 2003, dans une brasserie, place du

Palais Bourbon. J’étais convaincu que la pers-pective de devenir président de la plus petiterégion de France ne le tenterait guère, et je m’at-tendais à un refus poli. Je me trompais : il amanifesté un intérêt pour la fonction et, en lequittant, j’avais la conviction qu’il accepterait si,sur le plan régional, un consensus suffisants’établissait autour de sa candidature. Je n’étais,à l’évidence, pas le mieux placé pour faire naîtrece consensus. Seul François Hollande, élu duLimousin et Premier secrétaire du PS, pouvaitamener les responsables socialistes de la Haute-Vienne à se rallier à cette perspective. Je l’airencontré. Il était lui aussi persuadé qu’HubertVédrine n’était pas intéressé. Je l’ai engagé à luien parler et François Hollande, l’ayant rencontré,a convenu que je ne m’étais pas trompé sur sonétat d’esprit. C’est François Hollande qui devaittenter d’obtenir l’accord des socialistes de laHaute-Vienne sur une candidature Védrine. Àpartir de ce moment, mon rôle était terminé. Jene sais pas quel a été le degré d’insistance deFrançois Hollande : il m’a simplement fait savoirqu’il n’avait pu obtenir le consensus souhaité. Àpartir de là, les choses sont allées vite. DanielNouaille a retiré sa candidature et Jean-PaulDenanot, seul candidat, a été investi par le voteunanime des militants socialistes.

Il est probable qu’aucun des acteurs de cetépisode ne souhaitera le confirmer : il s’estpourtant déroulé comme je viens de le décrire.“

...une classe politique peu

innovante qui préfèreles jetons de

présence ou un bongraillou...

Robert Savy

La conseillère régionale écologiste Ghislaine Jeannot-Pagès préfère

aux “Terre de gauche“ les socialistes qui lui assurent sa place...

(Yvan est le militant associatif Yvan Tricart)

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DOSSIER

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Limoges et le reste du LimousinLimoges, fief socialiste depuis un siècle, avec desmaires socialistes élus quasiment à vie (38 ans demandat pour Léon Bétoulle de 1912 à 1941, puis de1947 à 1956 ; 34 ans pour Louis Longequeue de1956 à 1990 ; et bientôt 22 ans pour Alain Rodet, l’ac-tuel maire de Limoges élu en 1990) n’aime pas leséventuels contre-pouvoirs à sa puissance régionale...Les relations entre la ville et le conseil régional onttoujours été assez tendues, du moins jusqu’à l’arrivéedu fidèle Denanot à l’hôtel de région. Robert Savy lereconnaît clairement (nous sommes en 1998) : “Lesgrands élus socialistes majoritaires -Jean-PierreDemerliat, sénateur et premier secrétaire fédéral,Alain Rodet, député-maire de Limoges, Jean-ClaudePeyronnet, sénateur et président du conseil général –ne souhaitaient ni me faciliter la tâche, ni consoliderl’institution régionale, que la ville de Limoges et ledépartement de la Haute-Vienne considéraientcomme un pouvoir concurrent.“ Avant Robert Savy,premier président du conseil régional élu au suffrageuniversel, c’est Louis Longequeue qui présidait leconseil régional ancienne formule. C’est du resteLongequeue qui a décidé la construction du nouvelhôtel de région qui fut inauguré en 1989. Robert Savycommente : “Les esprits malicieux ajoutaient que lesiège de la région serait ainsi sous le regard de l’hôtelde ville de Limoges et de son maire.“ Et d’ajouter,malicieux à son tour, : “Les mêmes prétendent d’ail-leurs qu’après 2004 cette remarque a retrouvé sonactualité...“

Les forteresses départementalesIl existe une osmose entre la ville de Limoges et ledépartement qui, depuis 2004, se sont, pourrait-ondire, “emparés“ du conseil régional. Dit en motspolicés par Robert Savy, cela donne : “Avec les élec-tions de 2004, un changement est intervenu enLimousin dans l’équilibre entre la région et les autrespouvoirs locaux. C’est avec Limoges et son agglomé-ration qu’il est le plus évident. Le président du conseilrégional lui-même, Jean-Paul Denanot, était l’un desvice-présidents d’Alain Rodet, député-maire deLimoges, à la communauté d’agglomération ; GérardVandenbroucke, premier vice-président de l’agglomé-ration, est aussi premier vice-président du conseilrégional ; parmi les conseillers régionaux on trouvedeux conseillers municipaux de Limoges, et le propresuppléant d’Alain Rodet à l’Assemblée nationale.“Cette clé-là permet de comprendre le peu d’intérêt quele plateau suscite auprès d’une bonne partie des élusrégionaux.Le “nationalisme“ départemental, en particulier desélus haut-viennois, permet aussi de comprendre pour-quoi le Parc naturel de Millevaches a été si dur à créer,les départements n’y allant longtemps qu’à contre-coeur et pourquoi les Pays ne sont jamais sortis desfrontières départementales (voir ci-dessus). Lescritiques et le retrait partiel de la Haute-Vienne du parcil y a deux ans, en sont une preuve supplémentaire.Dans une réunion organisée à Nedde, dont elle estoriginaire, Marie-Françoise Pérol-Dumont indiquait

que les sommes que le département mettait aupara-vant dans le PNR ne seraient pas soustraites au terri-toire et que pas un euro ne manquerait aux communesde Haute-Vienne concernées... La différence ? C’estle département qui en aura la maîtrise et qui choisiraleur affectation. Autant dire que la solidarité des terri-toires passe après l’objectif de tenir, et bien tenir, lesrênes du pouvoir.

Résumons. Des élus socialistes dits “de gauche“,devenus les notables d’une tradition et les bénéfi-ciaires d’une situation de monopole... Des, et trèsclairement un, départements rétifs à partager sonpouvoir avec des institutions interdépartementales(le PNR) ou qui auraient pu l’être (les Pays). Unpouvoir socialo-limougeaud qui, débarrassé d’unRobert Savy trop indépendant, grignote petit à petitle pouvoir régional et qui ne supporte d’autresforces politiques que soumises ou domestiquées.Des élus devenus des “professionnels“ de lagestion plutôt que des “leaders“... Le contexte estmauvais pour un plateau de Millevaches qui cumuleau moins trois handicaps : être à cheval sur troisdépartements, donner de bons scores à la gauchede la gauche et afficher un peu trop fièrement sesdifférences.

Dossier réalisé par Alain Carof, Michel Lulek, GérardMonédiaire et Jean-François Pressicaud

Les caricatures qui illustrent ce dossier proviennentdu site d’information indépendant www.chaptelat.com

que nous vous conseillons d’aller voir.

Comment le département de la Haute-Vienne a imposé sa vision des Pays,contre les acteurs locaux ? Exempledonné par Robert Savy dans son livre (p.158-159). Ces événements se passent en2001.

“On a pu vérifier la marge de liberté descommunes lorsque s’est posée la question de lacréation d’un éventuel pays bidépartementalregroupant, autour du futur parc d’activités de laCroisière, de l’autoroute A 20 et de la routeCentre-Europe-Atlantique plusieurs cantons duNord de la Haute-Vienne et de l’Ouest de laCreuse. Cette hypothèse avait été évoquée, dès1998, dans le “Diagnostic territorial du Limousin“que la région avait fait réaliser, qui envisageait lapossibilité d’un « véritable projet de territoirereposant à la fois sur des réalités géographiqueset des solidarités humaines fortes. » Une étudeconduite par le syndicat mixte du parc d’activitésde la Croisière (SMIPAC) approfondissait cetteidée et suggérait la constitution d’un vaste Pays

allant de Bellac (Haute-Vienne) à La Souterraine(Creuse). Le 6 juillet 2001, la commission dedéveloppement de l’arrondissement de Bellac(CODAB) met la question à son ordre du jour eten débat en présence de Jean-Claude Peyronnet[Ndlr : président du conseil général de la Haute-Vienne à l’époque], qui exprime sa préférencepour des pays qui ne sortiraient pas des limitesdu département. Il ne convainc pas, et la quasi-totalité des élus sont favorables au projet interdé-partemental : les conseillers généraux de Bellacet Châteauponsac (PS), de Mézières-sur-Issoire(NI) et de Saint-Sulpice-les-Feuilles (ADS), leconseil municipal de Bellac – majorité de droite etopposition de gauche confondues –, le maire deMagnac-Laval (DVG), les conseillers régionauxCorinne Chocat (PS-maire de Roussac) etBernard Chevalier (adjoint à Bellac, RPR). Mêmesentiment du côté creusois, autour d’Yves Furet(PS) maire et conseiller général de La Souter-raine. Si la délimitation des pays avait été,comme chacun veille à le proclamer, l’affaire desélus du terrain, il est clair que ce pays commun àla Haute-Vienne et à la Creuse aurait été

constitué. Or ce projet n’a pas eu de suite pourl’unique raison que le département de la Haute-Vienne n’en voulait pas au nom du respect deslimites départementales. Certaines communes,qui avaient déjà délibéré pour être incluses dansle grand Pays bidépartemental, ont délibéré ànouveau pour adhérer, comme le souhaitait ledépartement, à un pays ne sortant pas des limitesdépartementales. Sur la manière dont ce retour-nement a été obtenu il n’existe aucune informa-tion précise. On peut seulement retenir que, siaux termes de la Constitution, il n’y a pas detutelle d’une collectivité locale sur une autre, iln’est pas facile pour une commune de tenir long-temps une position que le département n’ap-prouve pas.“

Dix ans plus tard, Robert Savy en tire cetteconclusion (p. 277) : “Je suis tenté de penseraujourd’hui que la Région n’a pas été assez direc-tive, qu’elle a sous-estimé les enjeux de pouvoirliés à la constitution des pays, et que la cohé-rence régionale du projet d’ensemble en a souf-fert.“

Les Pays à la merci des départements

celui qui ne vote pas socialiste,je lui enlève ses subventions

Pour compléter ce dossier,nous vous renvoyons sur lelivre de Robert Savy quenous avons abondammentcité ici : Émergence d’unerégion, le cas du Limousin,1986-2004 (L’Harmatan,2010).

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LUTTES

Quelle drôle d’idée, entend-t-on ça et là, qued’aller camper dans le nord Cotentin à la fin dumois de novembre. “Ce sont des gens qui n’ontque ça à faire, qui sont un peu perdus, qui s’oc-

cupent à bloquer des trains comme à n’importe quelleautre chose“ entendait-on l’autre jour dans la bouche d’unriverain fâché qu’on ait pu enjamber ses barbelés pour unmotif aussi futile que de vouloir bloquer un train dedéchets nucléaires. Si nous sommes partis à quelques cinquante compa-

gnons de nos montagnes limousines pour aller camperdans le nord Cotentin à l’heure des premières froidures,ce n’est certes pas pour “bloquer un train“, ni pour témoi-gner de notre inquiétude quant au sort des déchets del’industrie électro-nucléaire, ni pour jouer à la balle auprisonnier avec les gardes mobiles, ni pour priver cesderniers de leur camion de ravitaillement, encore moinspour leur piquer du soda*, ni non plus pour déchirer nosculottes dans les talus épineux du bocage valognais...pour rien de tout ça en particulier en tout cas ou peut-êtrepour tout cela et surtout pour d’autres raisons.Parce que la catastrophe de Fukushima se rajoute à lalongue liste de l’horreur quotidienne et infinie dunucléaire. Parce que nous ne comptons plus noussoumettre à son chantage structurel ni au contrôle et à lagestion dont il est le meilleur alibi. Parce que nous n’at-tendons rien d’une quelconque échéance électorale etdes promesses de “sortie responsable“ du nucléaire en

trente ans qui auront autant de temps pour être dédites augré des campagnes et du vent qui tourne. Pour attaquer l’industrie européenne du nucléaire à sonmaillon faible qu’est le flot continu de ses excréments trèslongue conservation. Pour participer à notre manière à laconstitution d’un mouvement international de longuehaleine, seul à même d’imposer un arrêt total de ceschaudières infernales.Nous y avons trouvé massés autour de la chaleur desbraseros, bien plus que l’intensité d’une journée militante

qui s’en va aussi vite qu’elle estvenue, mais bien une attentionchaleureuse et une puissancecollective qui promettent de seprolonger dans d’autres batailleset d’autres gestes, ici commeailleurs, toujours en tout casaussi loin qu’il est possible dusentiment d’impuissance quironge cette époque. En voilà desraisons d’aller camper.

Le train CASTOR (Cask forStorage and Transport OfRadioactive material) qui char-geait à Valognes sa cargaisonde déchets nucléaires retraitésdans l’usine de la Hague, était ledernier d’une douzaine du genrequi ont acheminé des centainesde tonnes de combustibleradioactif à travers la France etl’Allemagne, jusqu’au site d’en-fouissement temporaire deGorleben. Ce site, de l’avis

même (tardif) des autorités, impropre au stockage longuedurée de ces déchets dont nul ne sait quoi faire, a faitl’objet de plusieurs années de lutte de masse en Alle-magne. Cette année le train a battu un nouveau record delenteur en mettant six jours à compléter sa course et àpasser, à grand renfort de gaz lacrymogène et dematraques, les multiples manifestations et actions deblocage qui l’attendaient tout au long du parcours. Cetrain était le dernier de sa série mais bien d’autres encorele suivront.

* Parmi les quelque six cent personnes qui participaient à l’ac-tion, quatre ont fait l’objet de poursuites judiciaires dont une pourdétention de fumigène et une autre, sexagénaire, pour “vol d’unecanette de soda“ dans le fourgon cantine des CRS.

Quelques campeurs du plateau.contact : tousavalognes21@ riseup.net

Nous sommes allés camperà Valognes“C’est par un geste fort porté collectivement à l’intérieur même du pays le plus nucléarisé dumonde, que sortir de cette impuissance devient tangible.“ (Appel au camp antinucléaire deValognes – 22-24 novembre 2011)

Solidaritéavec les Ex-BMS àMeymac

Dix-huit mois après la fermeture du site deBristol-Myers Squibb à Meymac, les ex-salariésde l’un des plus grand lobby de l’industrie phar-maceutique mondiale, ont obtenu du Conseil desprud’hommes à Tulle un jugement reconnaissantleur licenciement abusif. En délocalisant cetteusine ultra moderne au profit du marché de lafinance c’était trop simple pour BMS de se réfu-gier dans la procédure d’un licenciement écono-mique alors qu’à Meymac l’entreprise a tout sim-plement bradé un outil remarquable et perfor-mant réalisé à grand coup de subventions, euro-péennes, nationales et régionales, lors de sacréation ex-nihilo en 1990 dans la chiraquietriomphante.

Par ce jugement BMS est tenu de verser à tousles licenciés l’équivalent de six mois de salaires.BMS est en outre tenu de rembourser à l’État lesindemnités de chômage perçues par ses ancienssalariés.

Mais pour autant tout n’est pas gagné et uneambiance morose subsiste à Meymac. La mise enappel du jugement reporte la décision au mois defévrier 2012. Il importe de ne pas oublier que sontencore très nombreux les ex-BMS en situationprécaire, tant l’équivalence d’emploi est pratique-ment nulle dans la région. De plus en juin 2012,ils ne percevront plus les indemnités des ASSE-DIC, alors on peut comprendre leur insatisfactiondevant les indemnités attendues de BMS.D’autant qu’aucune des promesses de la firmeaméricaine n’a été tenue jusqu’alors. Lesquelques reclassés à l’usine BMS-UPSA d’Agenne l’ont pas été dans leur qualification. Lesgaranties du repreneur du site à Meymac se sontvolatilisées : peu d’embauches d’anciens salariéset surtout une forte inquiétude sur les capacitésde production de l’entreprise à faire valoirl’énorme potentiel technologique laissé par BMS.

Gageons qu’au mois de février l’associationSolidarité ex-BMS obtienne le soutien de la popu-lation et des élus du plateau auprès du Conseildes prud’hommes pour qu’il maintienne ses déci-sions contre l’ogre financier de l’industrie phar-maceutique.

Alain Carof

Autour de Magnat-l’Etrange, plus de 300personnes ont choisi d’assurer leur maisonavec un système original : l’Associationde secours et d’entraide de Magnat

l’Etrange (Aseme). “Le principe, similaire à celui dela tontine, consiste à s’auto-assurer collectivement“explique Gérard Dollo, agriculteur de 55 ans quis’occupe bénévolement de la partie administrative.“En réalité, la plupart des mutuelles et compagniesd’assurance ont commencé comme ça“. Fondéedans le deuxième moitié du XIXe siècle, par desagriculteurs désireux de trouver une réponse auxincendies qui menaçaient leurs maisons et grangesaux toits de chaume, cette association (appelée“mutuelle“ jusqu’à ce que le terme soit réservé audomaine de la santé) a perduré malgré le dévelop-pement des grandes compagnies d’assurance.Aujourd’hui, ils sont 300 à avoir choisi ce moded’assurance original et redoutablement efficacecontre le risque d’incendie et, depuis 1999, contrele risque de tempête, qu’ils soient agriculteurs ounon, propriétaires ou locataires. L’intérêt principal ?Son faible coût. Comme les adhérents ne paientque lorsque survient un sinistre, au prorata dumontant de ce sinistre, cela coûte bien moins cher

qu’une assurance classique. “Certains ont calculéque sur deux générations, ils avaient économisé lavaleur de leur patrimoine !“. Mais il y a égalementun aspect militant, même s’il est discret. Il faut direque l’Etat a déjà tenté de les faire tomber pour exer-cice illégal de la profession d’assureur, sanssuccès. “Nous attirons des personnes de tousbords politiques, notre credo, c’est la solidarité etl’entraide. J’ai été très agréablement surpris de lagénérosité des adhérents au moment de la tempêtede 1999“ explique son administrateur, devenuexpert en matière de droit des assurances. D’autresassociations fonctionnant sur le même principe ontperduré ailleurs, comme par exemple la caisseMichon et Ratelade de Giat, contre l’incendie et lamortalité du bétail, qui rassemble plus de 800personnes. Seul hic : l’énorme travail que repré-sentent ces associations mutualistes pour les béné-voles. Entre les contrats, le secrétariat, la gestion,la réalisation des contrats, l’estimation des biens...Gérard se sent débordé et la relève n’est pas facileà trouver.

Emmanuelle Mayer

Une assurance auto-gérée

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PORTRAIT

Allo Haïti ?À Chamberet, Jaquelin et sacompagne Julia sont pris aux tripespar les nouvelles qui finissent pararriver via des membres de la familleinstallés a New York. RapidementJaquelin ne tient plus et part tenter de“faire quelque chose pour son pays“.Il emporte tout ce qu’il peut dans sesbagages mais lorsqu’il arrive surplace l’ampleur des dégâts, des souf-frances et des besoins est telle qu’aubout d’une semaine, il n’a plus rienpour soigner. Démuni et dépassé parl’ampleur de la tâche il appelle Julia etlui demande si elle peut prendrel’avion le lendemain… avec quelquesmilliers de dollars et tout ce qu’ellepeut pour soigner…

“Je ne savais pas que jesavais créer uneclinique“Quand Julia raccroche, elle a à peine24 heures pour réunir les remèdes etl’argent nécessaire pour acheter cequ’ils n’auront pas pu récupérer, alorselle écrit, à tous ceux qu’elle connaît :amis, amis d’amis, herboristes, tout lemonde reçoit les mails bouleversantsde Julia qui décrit la situation en Haïti:les décombres, les orphelins, lesmaladies, le choc, le manque d’eaupotable, de nourriture, de soins, etl’urgence d’aller prêter main forte.Julia quitte Chamberet 24 heuresaprès l’appel de son compagnon etdécouvre, en arrivant à New York,que la chaîne de confiance a fonc-tionné : quelques milliers de dollarset des montagnes de remèdes l’atten-dent. Elle se dépêche de faire le tourdes pharmacies new-yorkaises pouracheter tout ce qui manque et décollepour Haïti, avec la complicité desagents de la compagnie aérienne quiferment les yeux sur son irréel surplusde bagage… Lorsqu’elle atterrit, c’estl’odeur de cadavres qui l’accueille…

2 chaises + 1 table = une cliniqueCertains quartiers ont été particulière-ment sinistrés parce qu’ils étaientproches de l’épicentre, d’autres,rassemblant la frange la plus pauvrede la population étaient fait de bric etde broc et de baraquements dont rienn’est resté. C’est là que Jaquelin etJulia ont installés leur “clinique“, là oùl’idée même de mériter des soinsn’était pas une évidence, là où viventceux qui jamais n’auraient imaginés’approcher des camps de la Croixrouge ou de Médecins sans fron-tières. En urgence ils ont dressé unetable, des chaises, sorti les flacons,les herbes, les granules récoltées à lahâte et ont commencé à soigner dumatin au soir pendant un mois.Secondés par un “râleur d’os“*,herboriste, “sage femme“ haïtien, ilsont successivement installé leurclinique dans 5 zones différentes dupays et soigné 3000 personnes lorsde leur premier voyage en février2010.

Est-ce que vous alleznous vacciner de force ?Les deux premières questions que lesgens posent systématiquement àJulia et Jaquelin font froid dans le doset laissent perplexes quant au genrede traitement auquel sont habitués lesHaïtiens… Julia et Jaquelin n’enreviennent pas : presque toujours,les gens demandent si ils vont lesvacciner de force et s’ils vont leurdonner des médicaments périmés.Stupeur pour ce couple qui n’a nivaccin ni médicaments dans sesvalises et tente avant tout d’apaiser,d’écouter et d’accueillir les gens avecleur souffrance, à commencer par lechoc qui les empêche de parler…

Quelques remèdessimples pour les mauxles plus courantsJulia se souvient d’avoir distribué du“rescue*“ donné par le pharmacien deLinards (87) à des enfants debout enligne, rendus muets par le trauma-tisme. “90 % des enfants ont vu desgens mourir“ explique Julia... “Il a fallud’abord calmer les gens, les aider àretrouver la parole.“ À base deremèdes homéopathiques, deventouses, d’élixirs floraux*, demassages et d’huiles essentielles dethym, de lavande, d’arbre à thé, decitron, d’eucalyptus, de pin, de girofle,ils soignent entre autres lesproblèmes de respiration (ils ont tousrespiré beaucoup de poussière), detoux (en janvier c’était l’hiver en Haïtiet la plupart des gens, sans toit, ontpris froid en dormant dehors), de diar-rhée (l’eau n’était plus potable et nesuffisait plus pour se laver ou laverses vêtements)… Des remèdes telle-ment efficaces que les gens semblentredécouvrir la valeur de l’herboristerietraditionnelle et des remèdes que l’onpeut faire soi-même à partir de ce quipousse autour de chez soi. Le boucheà oreille fonctionne et leur amène despersonnes qui avaient fait 6 heures debus pour venir les trouver...

L’épidémie de choléra atotalement épargné 5secteurs…

Jaquelin et Julia restent un mois etrepartent, après avoir revu certainsmalades, et laissé à d’autres de quoicontinuer les traitements. Automne2010, deuxième voyage. Julia etJaquelin soignent encore 2500personnes, toujours à partir deremèdes naturels. Cette fois ci, lelendemain de leur départ, ils appren-nent qu’une épidémie de choléra s’estdéclarée ; elle emportera plus de3000 Haïtiens. Arrivée avec lescasques bleus népalais cetteépidémie épargne justement les 5zones du pays où Julia et Jaquelin onttravaillé. Ils n’en reviennent pas puiscommencent à comprendre : les 4huiles essentielles les plus utiliséesdans les soins quotidiens, font partiedu traitement préventif et curatif ducholéra…

Retours en HaïtiJulia et Jaquelin sont repartis enoctobre 2011 et retourneront en Haïtiau printemps 2012. Aujourd’hui enHaïti seuls 5% des bâtiments ont étéreconstruits, et les Haïtiens (pas lesdiplomates ni les expat’) n’ont accès àl’électricité qu’environ une heure parjour. Jusqu’à présent, Julia etJaquelin ont été frappés par la relativeindifférence rencontrée en France parleur démarche. Aux Etats-Unis, à l’in-

verse, “tout le monde se sent trèsconcerné par ce qui se passe enHaïti“. Julia et Jaquelin sont évidem-ment bénévoles, et puisent leurénergie dans la chaîne de confiancequ’ils génèrent…

Clara Guiomar

*râleur d’os = terme haïtien pour désignernotre rebouteux*rescue : mélange de fleurs de Bachutilisé en urgence dans les états de choc*élixirs floraux : infusion solaire de fleursfraîches

Julia et Jaquelin, entre Corrèze et HaïtiLe 11 janvier 2010, un tremblement de terre ravage Haïti. Vertige du nombre de morts, visions d’apocalypse, tout le monde s’ensouvient… Jaquelin, moine bouddhiste et herboriste haïtien installé à Chamberet, arrive à savoir que son père est en vie mais sur lepoint de mourir de faim. Rendu sur place il mesure dans sa chair l’ampleur de la réalité : quelques jours plus tard, sa compagne Juliale rejoint et ensemble ils installent une clinique d’herboristerie itinérante dans les quartiers les plus touchés, à l’écart des “camps“installés par les organisations internationales, où barbelés et gardes armés jusqu’aux dents défieraient quiconque de s’approcher poury demander des soins…

Qui sont-ils ?Julia et Jaquelin sont tous deux“herboristes de naissance“comme ils disent. D’origine alle-mande, Julia a commencé àconnaître les plantes avec samère. Après 4 ans d’étude demédecine, elle s’est formée ennaturopathie, aux élixirs floraux,aux massages. Elle utilise lesventouses pour soigner les trou-bles des muscles et du squelette,et est diplômée en psychothé-rapie. Jaquelin, a lui aussicommencé avec sa mère àétudier l’herboristerie avant depoursuivre son apprentissageavec Julia. Moine bouddhistedepuis 19 ans, il enseigne laméditation et la philosophiebouddhiste. Lors de leur retraitede 3 ans en Inde (au Bengale etau monastère de Dharamsala oùils poursuivaient tout deux desétudes bouddhiques), ils ont étéamenés déjà à improviser dessoins autour d’eux et pour unecinquantaine de jeunes moinesatteints de pneumonie chronique.Ils sont installés depuis 2 ans enCorrèze, là où la densité de popu-lation leur promettait le calme etle bien-être qu’il dégagent à leurtour.Si cet article vous donne envied’en savoir plus, de rencontrerces deux personnes tellementlumineuses, ou de faire un gestepour alourdir leur valise au prin-temps : www. haiti.citronica.comContact Jaquelin [email protected]

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PLATEAU DÉCOMPOSÉ

Le rapport a pour objectif d’affinerl’échelle d’observation et d’ana-lyse des flux migratoires pourcomprendre comment le terri-

toire du PNR de Millevaches est privi-légié à un autre par les néo-Limousins.

Des données statistiquesLe rapport débute par un rappel desdonnées statistiques de l’évolutiondémographique issues de l’INSEE. Sielle reste négative sur le territoire duPNR, le solde migratoire est lui devenutrès positif (+ 6,5 % pour la période1999-2006). Ainsi, sur le PNR de Mille-vaches, 11 % de la population n’yhabite que depuis moins de 5 ans. Cesnéo-résidents apparaissent enmoyenne plus diplômés et disposant derevenus plus élevés que la moyenne dela population locale.

La place de l’environnementL’objectif du rapport a consisté ensuite àmesurer la place de l’environnementdans la démarche des migrants, depuisle choix du Limousin comme région dedestination, à celui de la communed’installation et du logement finalementinvesti. Une trentaine d’entretiens ontété conduits auprès de personnes ditesressources (maires, adjoints, person-nels des collectivités, “personnalités“locales, animateurs de Pôles locauxd’accueil, etc.) et un questionnaire alter-nant 96 questions fermées/semifermées et ouvertes a été soumis à 119personnes (voir encadré).Cette investigation représente la moitiédu rapport et est extrêmement fouilléeet détaillée. Les auteurs distinguentainsi les notions d’environnementphysique, de nature, d’espace, depaysage, de cadre de vie, de mode devie, de calme et de tranquillité, decampagne, d’opposition à la ville, d’agri-culture, de pollution… Des pourcen-tages sont alors donnés sur chacun deces facteurs dans les choix des néo-résidents pour le Limousin, pour leurcommune d’installation et pour leurlogement. Des distinctions viennents’ajouter selon les trois “terrains“enquêtés. Au total, “la relation à l’envi-ronnement est fondamentale en amontet tout au long du processus d’implanta-tion des néo-Limousins“ et “elle le resteensuite“.

La “gentrification“ duplateauParallèlement, compte tenu du poidsdémographique des néo-Limousinsdans les communes rurales, l’interroga-tion porte sur les recompositionssociales des campagnes limousinessous l’effet de ce “brassage“ démogra-phique. Dans quelle mesure ces arri-vées de néo-Limousins sont-ellesperceptibles dans l’évolution dessociétés locales ? Modifient-elles lesstructures établies en termes, parexemple, de sociabilités, de dyna-miques collectives (associatives, poli-tiques, etc.) ou encore de politiqueslocales ? Dans quelles mesures cesarrivées sont-elles perçues, à la fois parles populations dites “locales“ et par lesnéo-Limousins eux-mêmes ?Au regard de ces interrogations, lesauteurs mobilisent la notion de “gentrifi-cation rurale“ comme grille d’analyse(Voir l’encadré “Qu’est-ce que la gentri-

fication ?“). Ils recensent les différentsindicateurs statistiques de la gentrifica-tion (niveaux de diplômes, niveaux derevenus, catégories socioprofession-nelles…) et analysent les rapports àl’environnement socialement différen-ciés et différenciants caractéristiques dela gentrification (perception despaysages, stratégies de localisation,rapport au “local“, militantisme…). Ilsaboutissent à une typologie :- les gentrifieurs seniors, répondant àune caractéristique commune, leur âge,et à un profil socioprofessionnel unique,retraité, ils s’affichent dans les tranchesde revenus supérieures. Il est possiblede les subdiviser en deux sous-typesselon qu’ils sont revenants ou néo-rési-dents sur le territoire.- les gentrifieurs actifs représentent ungroupe plus hétérogène. La basecommune se limite à leur apport d’unrevenu par le travail. Qu’ils soient sala-riés, professions libérales, patrons,autoentrepreneurs ou encore coopéra-teurs, ils exercent régulièrement leurmétier hors du périmètre du PNR deMillevaches.- les alter-gentrifieurs se distinguent parleur choix de Millevaches commechamp des possibles pour y développerdes projets de sociétés alternatives aumodèle dominant. Ils sont en moyenneplus jeunes. Nombre de porteurs deprojets appartiennent de fait égalementà ce groupe de gentrifieurs tant leurprojets peuvent se révéler porteursd’idéaux.- les tempo-gentrifieurs, ne passantqu’une partie de l’année sur place,partagent une vision proche de celledes touristes de passage, celle d’unterritoire préservé et relativement vide,et ils émettent des exigences en termesde services (commerces de détails et

loisirs) proches de ces derniers. Cepen-dant, ils se définissent par leur capacitéà s’engager pour faire entendre leursfortes exigences esthétiques et patrimo-niales.

En conclusion, les auteurs relativisenttoutefois la pertinence de leur typologie,parlent de “proto-gentrification“ et ramè-nent leur hypothèse à l’existence de“poches de gentrification“ pouvantéventuellement essaimer.

Q u a n d d e s g é o g r a p h e s é t u d i e n t l e Deux géographes de l’Université de Limoges, Julien Dellier et Frédéric Richard, viennent de réaliser une enquête sur le plateau de Mille-vaches intitulée : “Environnements, migrations et recompositions sociales des campagnes limousines : l’exemple du PNR de Mille-vaches“. Nous présentons ici les principales conclusions de ce travail... avant d’en proposer deux lectures critiques.

Les principales conclusions de l’étude

Trois “terrains“ d’enquêteTrois ensembles ont été choisis, dénommés “plateau-Vassivière“(communes de Faux-la-Montagne, Gentioux-Pigerolles, La Villedieu etRoyère-de-Vassivière), “Sud-Est Creuse“ (communes de Beissat,Magnat-l’Etrange, Saint-Agnant-près-Crocq et Saint-Georges-Nigre-mont) et “Corrèze“ (communes de Chaumeil, Corrèze, Darnets, Meyri-gnac-l’Eglise, Péret-Bel-Air, Saint-Augustin, Soudeilles et Vitrac-sur-Montane). Le premier a été choisi pour son dynamisme démogra-phique et pour sa notoriété touristique en partie construite autour duLac de Vassivière. Le deuxième a été retenu au contraire pour uneattractivité migratoire beaucoup plus modeste et récente, un enrési-nement sensiblement plus faible, et le maintien relatif d’un bocagelâche et incomplet mais générateur d’une certaine identité morpho-géographique. Enfin, outre son indiscutable attrait paysager, le troi-sième se différencie très nettement des deux premiers du fait de saproximité à trois pôles d’emplois (Brive-la-Gaillarde, Égletons etTulle) : aux dynamiques de reprise rurale classique se surimposentdes dynamiques périurbaines, notamment dans les compositionssociales des populations.

Qu’est-ce que la gentrification ?À l’origine, le concept de gentrification a été défini pour décrire laconquête ou la reconquête d’espaces centraux et péricentrauxdégradés et souvent paupérisés des agglomérations anglosaxonnes(en français, on aurait pu employer le terme d’embourgeoisement),par des catégories sociales moyennes et/ou supérieures conduisant àl’éviction progressive des populations locales. Ce mouvement s’ac-compagne en outre d’une transformation spectaculaire des paysagesdes quartiers concernés, transformation fondée sur une tendance à lapatrimonialisation et à l’esthétisation.

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PLATEAU DÉCOMPOSÉ

Un concept “mou“ : l’environnementTout d’abord, l’environnement est unconcept “mou“, tellement général,vague et peu discriminant qu’il nepermet guère d’analyser les raisons duchoix des néo-Limousins dans leurimplantation. Et ce d’autant plus qu’il estle seul critère retenu et qu’il est peucritiqué. Ici ou là,une référence à Bour-dieu relativise le discours normé desenquêtés en matière d’environnementet de choix de vie, mais aucune consé-quence n’en est tirée dans l’enquête.Ce qui est dit en matière d’environne-ment par les enquêtés pourrait être dit àpeu près de toutes les régions fran-çaises, toutes très belles : le plateau deMillevaches n’est pas plus attractif dece point de vue que l’Ariège, le Jura,les Monts d’Arrée, le Morvan, le Péri-gord, la Provence, le Vivarais, etc. Ilaurait donc fallu avant tout interroger lesgens sur pourquoi ce choix plutôt qu’unautre, de même nature environnemen-tale. Gageons alors qu’il serait apparupar exemple que ce n’est pas la plusgrande pluviométrie (facteur environne-mental) qui aura fait choisir le plateaude Millevaches plutôt que le Lubéron,mais bien plutôt soit des liens person-nels, soit des opportunités profession-nelles, soit surtout le prix du foncier oudes loyers, soit tout à la fois.Ajoutons que la comparaison avec d’au-tres régions aurait fait apparaître que sile Limousin connaît un bilan migratoirepositif, il n’est pas en tête des régionsfrançaises de ce point de vue, les litto-raux arrivant nettement devant, maispas seulement puisque les Alpes-de-haute-Provence, le Tarn-et-Garonne,l’Ariège, le Gers, le Lot, la Dordogne, leTarn, les Hautes-Alpes, l’Ardèche ou leLot-et-Garonne devancent aussi lesdépartements limousins. Les nouveauxarrivants de ces régions mettent trèscertainement en tête la qualité environ-nementale dans les raisons de leurchoix d’implantation.

Un concept inadapté : la gentrificationDeuxième grand problème, le conceptde gentrification (voir l’encadré). Ceconcept créé en Grande-Bretagne dansles années 1970-1980 a connu unsuccès assez rapide en France pouranalyser les mutations sociales dansles centres villes et leurs effetsphysiques et économiques : les caté-gories populaires sont chassées descentres villes dégradés par des catégo-ries aisées qui rénovent et réhabilitent,font ainsi exploser les prix déjà soumisà une pression concurrentielle plusforte, imposent leurs normes sociales etleur mode de vie et accentuent ainsil’exclusion des catégories populairespour aboutir à un quasi apartheid social.On peut éventuellement constater , iciou là, sur le plateau de Millevachesquelques phénomènes analogues auprocessus décrit : rénovation particuliè-rement soignée du bâti, enfermementdans l’entre-soi de professions libéralesdans un hameau réhabilité, pressionfoncière. Nos géographes en donnentun ou deux exemples significatifs. Mais,sur quatre points essentiels du conceptde gentrification, il est difficile d’entrouver les effets :- on ne trouve nulle part sur le plateauce qui est au fondement de la théorie, àsavoir que des catégories socialesaisées chassent des catégoriessociales plus défavorisées. Ces

dernières sont en effet déjà parties etpour de tout autres causes.- si il semble statistiquement que leniveau de catégorie socioprofession-nelle est un peu supérieur chez les néo-Limousins que chez les autochtones,cela paraît plus incontestable au niveaudes diplômes qu’au niveau des revenus(voir ci-après la question des gentri-fieurs actifs et des alter-gentrifieurs).- si on a connu à certaines périodes unecertaine augmentation des prix dufoncier et des loyers, celle-ci neconstitue qu’un problème mineur pourles néo-Limousins comme pour lesautochtones. Les uns comme les autresne trouvent difficilement à se loger quepar la rétention exercée par les proprié-taires locaux qui gèlent un parc immobi-lier en grande partie inoccupé. les auteurs eux-mêmes expliquent queloin de tenter d’imposer leurs normessociales et leur mode de vie, les néo-Limousins ont à cœur de tout faire pours’intégrer au milieu local et à sespratiques. Si tentative d’exclusion il y a,elle vient plutôt des autochtones réti-cents à l’égard des “étrangers“.

Mutation sociale = gentrificationAu fil du rapport, les auteurs ont visible-ment pris conscience de l’inadaptationquasi totale du concept de gentrificationà la réalité du plateau. Leur conclusionest significative à cet égard. Ils passentde “ces mutations iraient dans le sensd’une gentrification du PNR de Mille-vaches“ à “cette coexistence est enrevanche loin de s’exprimer sous uneforme conflictuelle“, puis “les néo-Limousins susceptibles d’être qualifiésstricto-sensu de gentrifieurs restentglobalement minoritaires“, pour enfin“les motivations profondes de la plupartdes néo-Limousins […] leur interdisentde mettre en œuvre des pratiquescollectives qui seraient de nature exclu-sive, ségrégative, confiscatoire, etc. […]Ils œuvrent donc au quotidien pourréaliser cet idéal, notamment en cher-chant à faire société et ce en harmonieou cohérence avec l’ensemble de lapopulation locale.“À vouloir trop étendre l’application d’unconcept, on lui fait perdre toute perti-nence. La gentrification n’est qu’unedes formes des mutations sociales, quipeuvent en prendre bien d’autres.

Une absurdité : les“gentrifieurs actifs“ etles “alter-gentrifieurs“Peut-être parce que nous nous sommessentis visés, les deux catégories “actifs“et “alter“ de la typologie nous sontapparues particulièrement absurdes.D’abord, la distinction. Si les définitionsdonnées sont différentes (voir page 12),les exemples donnés nous ont plongédans la perplexité. Pour ceux qui lesconnaissent, il est difficile decomprendre pourquoi Le Monde allantvers…, l’Atelier ou Pivoine sont “actifs“et pas “alter“, et Ambiance bois ou leTemps des cerises sont “alter“ et pas“actifs“. Ils sont tous et “actifs“ et “alter“et appartiennent à une même catégorie

si il faut en faire une.Mais cette catégorie peut, moins encoreque les autres, être qualifiée de gentri-fieuse. Les auteurs eux-mêmes souli-gnent leur absence de capitaux et leursfaibles revenus, leur volonté de déve-lopper leur activité en lien avec le terri-toire, leur implication dans la vie locale,notamment via le secteur associatif etdes mandats municipaux, leur identifi-cation au sein de la population commevecteur de dynamisme pour le territoire.Tout sauf des gentrifieurs donc. Si lesauteurs repèrent en leur sein, quelqueséléments plus “marginaux“ et dansl’entre-soi, ils soulignent que, loin d’êtredans une position dominante à l’égardde la population locale, ils sont surtoutstigmatisés.Enfin, si les auteurs notent au détourd’une phrase que les “alter“ sont parti-culièrement présents dans la zone deVassivière et qu’ils ont un mode defonctionnement en réseau, ilsmanquent d’analyser une réalité trèsspécifique de la zone de Vassivièrerelevée régulièrement depuis mainte-nant plus de trente ans. Par Jean-Fran-çois Pressicaud dans son mémoire, Lesnéo-ruraux dans le nord de la Montagnelimousine : un facteur de revitalisationd’un pays dominé ? (UniversitéToulouse-Le-Mirail-Limoges, 1980),Paul Busutill dans À la recherche dudéveloppement: la Creuse… (Étudescreusoises, Société des sciences natu-relles et archéologiques de la Creuse,1992) et “Les créations d’associationssur le plateau de Millevaches“ (IPNS n°34, mars 2011).

Christian Vaillant (néo-Limousin,“gentrifieur“ alter, actif et senior !)

p l a t e a u d e M i l l e v a c h e s . . .Un concept mou et un autre inadaptéLe problème fondamental de cette étude est qu’elle est fondée sur deux concepts peu pertinents.

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Les méchants et les gentilsD’abord sur l’hypothèse de départ : d’oùvient cette idée de gentrification duplateau de Millevaches ? Je connaissaisle terme qui, comme les auteurs lerappelle, qualifiait, en Angleterre, la quasi-spoliation des terres de populationsrurales modestes par une population denantis. De façon crue, le postulat dedépart des auteurs serait : “Comment lescow-boys néo-résidents chassent lesindiens du Millevaches !“ Cette vision des choses appelle plusieursremarques. Le territoire du Plateau s’estmassivement vidé de sa population ausortir de la deuxième guerre, hémorragielargement commencée au début du20esiècle. Certaines communes, depuisplus de trente ans, à l’exemple de celleque j’habite, Faux-la-Montagne, ont menédes actions pour stopper cette hémorragieet accueillir de nouveaux habitants. On estdonc dans un contexte historique radicale-ment différent.Dans les derniers westerns, les cow-boysn’ont pas le beau rôle ! Bref, il y aurait lesméchants (les néo-résidents) et les gentils(les natifs). Bien sûr avec des subtilités :les méchants-méchants sont les trèsriches qui achètent un hameau, vivententre eux et échangent les bons légumesdes gentils natifs un peu frustres quigardent la maison quand ils sont envadrouille, contre le vélo-cadeau pour lesenfants… Et il y a les méchants-gentils, unpeu méchants quand même (parce qu’ilssont gentrifieurs ne l’oublions pas), quifont avancer les choses sur leurcommune, sont actifs, dynamiques et, mafoi, sympathiques… Il y a indéniablementun préjugé (peut-être inconscient) dans laformulation de l’hypothèse et du conceptde gentrifieur : une lutte des classes entrenéo-résidents et natifs, néo-résidentsdominant, avec tout le poids de culpabilitéattachée à cette notion. Préjugé lourd, toutparticulièrement dans une région commele Limousin, historiquement terre de luttessociales. Mon propos n’est pas de réfuter l’exis-tence de ces “hameaux de riches“ : ilsexistent (même s’ils sont très minori-taires), au même titre qu’en Sologne ou enplein Paris. Des zones “d’entre soi“.Mais est-ce de cela qu’il est question ?

Une démarche quimanque de rigueur Le groupe testé, c’est-à-dire lespersonnes qui ont répondu au question-naire ont été retenues en fonction descarnets d’adresses des premiers sondés(“Est-ce que vos connaîtriez un nouveaurésident qui serait à même de répondre ànotre questionnaire ?“). Ainsi, de procheen proche, on constitue un échantillon.Cette technique de sondage n’est pas àproscrire quand on cherche à faire uneétude qualitative et recueillir une sommed’information pour “déflorer“ un sujet. Maiselle ne devient pas pertinente quand onveut analyser quantitavivement desréponses en considérant qu’on a unéchantillon représentatif d’une popula-tion... Bref, ce que disent les personnesinterrogées n’est pas faux, mais ce n’estpas statistiquement utilisable et ne peutfaire l’objet de comparaison.Le présupposé de l’étude est de consi-

dérer que les néo-résidents ont été large-ment influencés pour investir le territoirepar l’importance du concept d’environne-ment, de paysage et de ses corollaires(tranquillité, dimension écolo, etc.). D’oùun questionnaire qui insiste beaucoup surcette notion. Ce qui permet au final de direque, pour les néo-résidents, cette notionest une donnée fondamentale d’installa-tion ! La boucle est bouclée. La démarchemanque pour le moins de rigueur. À titrepersonnel, pour avoir répondu au ques-tionnaire, si ladimension “rurale“et “paysagère“ estintervenue dansmon choix de venirvivre en 1983 sur leplateau, c’est parmitout un tas d’autresraisons, dontcertaines beaucoupplus importantesque la notion depaysage ou d’envi-ronnement.

De l’eau au moulin des imbécilesAu final, ce qui est néanmoins très intéres-sant, c’est que les conclusions desauteurs viennent infirmer l’hypothèse dedépart. Même si l’on se perd un peu dansles sous-sous classes de gentrifieurs, àpart une très faible minorité de résidentsqui se comportent, comme ailleurs, en“riches entre eux“, il n’y a pas de compa-raison possible entre le Plateau de Mille-vaches et la gentrification historiqueanglaise. À mon avis, à vouloir utiliser unconcept inadapté, les auteurs se sonttrompés. Plus grave peut-être, est le risque artificielde montrer du doigt le “méchant“,l’étranger. On ne peut exclure une utilisa-tion malsaine de ce concept de gentrifieur

comme étant une façon de stigmatiser unou des groupes de personnes. Lesraccourcis sont suffisamment dommagea-bles dans le quotidien pour que les diffé-rences d’origines, en cas de conflits ou delitiges, deviennent des arguments… Jecite de mémoire et sans la nommer, unepersonne en responsabilité à la Régionfustigeant publiquement “les chevelus duplateau à qui on ne va pas laisser lechamp libre de l’innovation…“. Même si jene mets pas en cause l’honnêteté intellec-

tuelle des auteurs,l’étude dont il estquestion ici, par levocabulaire employé,la catégorisation desgroupes sociaux etl’hypothèse dedépart, est de natureà apporter de l’eauaux moulins desimbéciles…

Et si c’était à refaire ?Saluons cependant la démarche de ceschercheurs qui ont pris le temps et lapeine de présenter leur travail lors deplusieurs réunions publiques sur les lieuxde leur enquête, s’exposant ainsi auxcritiques. L’erreur est inscrite dans touterecherche, ne pas la fuir est méritoire. Demême, il y a un travail d’analyse desmécanismes sociaux en jeu, une descrip-tion des réalités du territoire, une observa-tion des complexités sociales à l’œuvrequi est fort intéressant et ouvre des pers-pectives de réflexions… On aurait enviede leur dire : recommencez mais laisseztomber les concepts à la mode et à la noix,les formatages institutionnels ou les“copier-coller“ d’étude. La problématiqueserait alors la suivante : “On constate parl’étude démographique une présence denouveaux résidents sur le territoire de

Millevaches, récurrente depuis près detrente ans. Qui sont-ils, comment celafonctionne ?“ Et d’étudier les groupes, lessous-groupes, de comprendre leurs parti-cularismes, leurs rapports entre eux etavec la population anciennement rési-dente, les liens avec le monde urbainproche (villes portes du plateau et capi-tales départementales et régionales), lesconsensus ou les clivages…

MétissagesAvec bien sur toute la prudence néces-saire : la notion de métissage est fonda-mentale en la matière. Quand unenouvelle population s’installe sur un terri-toire déjà occupée, la rencontre des deuxpopulations (qu’elle soit conflictuelle oupacifique, et autant que l’on puisse réduiredivers sous-groupes hétérogènes en deuxpopulations homogènes distinctes),entraînera un métissage qui “impactera“,certes pas forcément de façon “équili-brée“, les deux populations concernées.De même que pendant la durée d’obser-vation de ce métissage, les deux popula-tions seront aussi soumises, toutes deux,à d’autres influences, qui pour certainespeuvent largement gommer les diffé-rences culturelles des populationstoujours concernées. A titre d’exemple, iln’est pas impossible que télé et réseauxsociaux influencent largement plus lagénération actuelle d’adolescents vivantsur le plateau, que les particularités cultu-relles de leurs parents, anciens ounouveaux résidents, sans compter que lesdits parents ne seront pas restés sur lequai à voir le train passer…Dommage que cette étude soit passée enpartie à côté de toutes ces questions…

Olivier Davigo

IPNS le journal - n°37 décembre 2011 14

PLATEAU DÉCOMPOSÉ

Et si c’était à refaire ?Une histoire de cow-boys et d’indiens

Une double approche méthodologique est proposée par Julien Dellier et Frédéric Richard dans leur travail sur les nouveaux habitantsdu plateau. On y trouve d’une part, le recueil d’informations analysées, qui s’appuie surtout sur des données statistiques, principale-ment en provenance de l’INSEE, et d’autre part, une hypothèse initiale qui part de l’idée qu’il y a gentrification sur le territoire de Mille-vaches. Pour valider cette hypothèse, des entretiens ont été conduits avec un échantillon de néo-résidents (“gentrifieurs“ potentiels)que l’on va soumettre à la question : celle du rapport à “l’environnement“, angle d’approche, porte d’entrée, sésame. Sur le recueil d’information qui vise à bien comprendre les différentes données statistiques, d’isoler les espaces d’études et les popu-lations, il n’y a pas grand chose à dire. On a souvent confirmation soit d’intuitions, soit de tendances déjà connues qu’il n’est certespas inintéressant de rappeler. C’est sur la deuxième approche que je suis très gêné.

comment lescow-boys

néo-résidentschassent lesindiens du plateau ?

chiche qu’on sort de not’ réserve ?

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BRÈVES

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Pour favoriser une culture de l’accueil denouvelles populations, les Parcs naturels régio-naux du Massif Central ont demandé à desartistes – les réalisateurs Jeanne Delafosse et

Camille Plagnet – de venir rencontrer les habitants et lesacteurs de 6 parcs pour réaliser une œuvre sur le vivreensemble à la campagne. De janvier à juin 2011, cecouple d’artistes parisiens et leur bébé ont ainsi parcourule Morvan, le Quercy, les Grands Causses, Millevachesen Limousin, le Livradois-Forez et les Monts d’Ardèche.De cette résidence dans cette France que d’aucuns quali-

fient de profonde, ils ont ramené le film “Changement desituation“. Le pitch : Alain, employé à Pôle Emploi àParis, insatisfait et malheureux, décide de s’octroyer uncongé au vert, roulant de villages en villages sans butprécis. Intrigué par les personnes qu’il rencontre, émer-veillé par les paysages, il laisse tomber sa vie parisienneet poursuit sa route à la rencontre des vies et des modesde vie de ce massif. Très vite, Alain tombe sur des gensqui résistent et inventent d’autres façons de vivre, commeAlex, Pascal et Mélanie sur leur petite ferme autonome(Le Peux du Tour, Gentioux). Mais le film montre quecette idée de “vivre mieux avec moins“ est largementpartagée dans ces territoires montagneux et isolés, ycompris par le chasseur du coin, ancien fonctionnairerevenu dans son Morvan natal, ou l’agriculteur conven-tionnel à la retraite dans le Quercy. De même, ce ne sontpas seulement les “alternatifs“ qui résistent - aux gaz deschistes, aux difficultés d’accès au foncier ou à la ferme-ture des écoles - mais bien une population variée. Le filmfait également l’apologie de l’accueil, le personnage étantaccueilli partout très facilement, même quand il débarquede nuit au beau milieu d’un conseil municipal à Escampspour demander le gîte. Oui c’est possible de vivreensemble dans ces territoires, au delà des différences.Notre héros, un personnage assez froid, un peu étrange,va peu à peu s’épanouir au contact de tous ces gens, quisemblent avoir pour point commun une immense liberté.

Même le Marocain venu s’installer pour la qualité de viemais dont l’entreprise de jardinage ne marche passemble incroyablement libre (il décide de partir auMaroc). Face à eux, Alain semble réaliser à quel point savie de salarié de Pôle Emploi à Paris l’enferme. Si ce filma pu faire débat chez les commanditaires, peut-être trophabitués aux films institutionnels, il me semble très justesur la réalité de la vie dans un parc. De plus, le parti-prisde brouiller les pistes géographiques est très intéressant:on ne sait jamais où l’on est, on ne voit donc pas les diffé-rences entre les Parcs, juste un vaste territoire rural,montagneux, et finalement, un peu mystérieux, étonnant.Seuls regrets : Alain aurait gagné à être un véritablecomédien, le rythme est un peu lent et l’image parfois tropsombre. Pour accompagner ce film, le joli livre “Nousavons fait un beau voyage“ retrace l’aventure de Jeanneet Camille, parc par parc, et leurs nombreuses rencon-tres.

Emmanuelle Mayer

Renseignements : Cécile Kohut, PNR de Millevaches,05 55 04 04 12

[email protected]

Un docu-fiction sur le vivre-ensemble dans les PNR du Massif Central“Changement de situation“ a été projeté au cinéma d’Eymoutiers dimanche 20 novembre.

“Ici ou Là, jamais Las“

Le talent n’attend pas le nombre desannées. Youmni Kezzouf, 17 ans, lycéenà Aubusson, présente au Brin de Zinc, àFaux la Montagne, ses photographies devoyage depuis le début du mois dedécembre, jusqu’au 3 janvier 2012. Despaysages, des éléments d’architecture, dela macro, des lignes, des reflets, dessymétries... Des photos construites,travaillées. Un regard original et déjà bienaffûté. www.brindezinc.net - 05 55 67 90 50.

L’eau à la bouche“Nous aimons la cuisine simple et savou-reuse, où s’incorporent un zeste defantaisie, une pincée de bonne humeur etun filet de légèreté, pour une bouchée deplaisir quotidien ! Nous choisissons lesingrédients pour leur qualité et nous lestravaillons avec soin afin de révéler lestextures et les goûts. Toutes nos proposi-tions sont au reflet des saisons, de leurscouleurs et de leurs impressions.“ Voici laprofession de foi culinaire de GwendolineJooren et Christine Maupilé, qui viennentde créer Cuisine et Compagnie, ventes àemporter et ateliers culinaires pour petitsou grands. C’est à Eymoutiers, lesmercredis et les vendredis. Demandez lesmenus et tarifs en écrivant à [email protected]

Centre d’art de Vassivière : nouvelle ère ?“Il vaut mieux éviter tout contact avec lesformes de vie extra-terrestres“ : cettesage recommandation nous est fourniepar l’artiste japonais Shimabuku qui adonné ce titre un peu énigmatique à ladernière exposition organisée par ChiaraParisi. Celle-ci, directrice du Centre inter-national d’art et du paysage de Vassivièredepuis 7 ans, a en effet quitté ses fonc-tions en septembre dernier pour rejoindrela Monnaie de Paris en tant que directricedes programmes culturels. Un recrute-ment est en cours pour la remplacer. Nousconnaîtrons le nom du nouveau directeurou de la nouvelle directrice courant

janvier. A l’heure actuelle 8 candidats sontencore en lice qui seront auditionnés enjanvier.

Si l’on peut donner un conseil aux recru-teurs nous leur dirions bien : “S’il vautmieux éviter tout contact avec les formesde vie extra-terrestres, il serait bien dechoisir un directeur qui réussisse dansl’avenir à multiplier les contacts entre leCentre d’art et toutes les formes de vielocales du territoire de Vassivière.“ LeCentre d’art a toujours eu à gérer uneposition très complexe entre sa missionde soutien à la création la plus contempo-raine et le fait qu’il ne peut ignorer sonenvironnement local. Selon les directionsqui s’y sont succédées (trois depuis sa

création), cette liaison a été plus ou moinsau cœur du projet artistique et politique duCentre d’art. Ce n’était sans doute pas lapriorité de Chiara Parisi. Raison de pluspour son successeur de prendre à bras lecorps ce beau, et difficile, défi !L’exposition de Shimabuku est présentéejusqu’au 6 mai 2012.

Soutien aux projets culturelsLe Parc naturel régional a lancé en parte-nariat avec la Région Limousin, sonnouvel appel à projets du FACT, fonds

d’actions culturellesterritorialisées. Les

structures qui déve-loppent desactions artis-tiques, cultu-relles ou d’ani-mation sur leterritoire du parcet qui souhaitentbénéficier decette aide finan-

cière doiventdéposer leurs

dossiers (formulaire+ pièces justifica-

tives) au PNR de Mille-vaches en Limousin avant le 31 janvier2012.Plus de renseignements auprès de CécileKohut au 05 55 04 04 12.

Le dernier livre de la collection“Pratiques utopiques“ des éditionsRepas propose un tour du mondedans la galaxie très bachique des viti-culteurs. Le guide en est ChristopheBeau, lui-même vigneron enLanguedoc, aussi ancré à son terroirqu’il est nomade. Dans un précédentouvrage publié en 2003 aux éditionsRepas, La Danse des ceps, il avaitraconté l’histoire de son “installationatypique“, toute cousue de partena-riats et de démarches aussi justesqu’échevelées. Cette fois-ci, il nousfait vivre ses tribulations autour dumonde, que ce soit auprès des pion-niers du renouveau vigneron françaisque des paysans du Chili ou du

Minnesota, en passant par la Thaïlandeet bien d’autres horizons. Au-delàd’exemplarités sur de nouveaux modesde propriété ou de liens aux consom-mateurs, de pratiques biodynamiquesou de formes d’économie desressources, ce livre nous invite à réflé-chir sur les solutions mises en place àéchelle humaine pour générer uneéconomie et des filières que l’auteuridentifie comme “associantes“ : “L’éco-nomie devrait pouvoir, en plus desbesoins des consommateurs, tenircompte des besoins à la production. Sielle ne le fait pas, l’agriculteur devientexploitant, le paysage se détériore, etl’avenir est hypothéqué.“ Entrelardantson périple planétaire par des retours à

sa vigne languedocienne, il racontecomment il gère au mieux son exploi-tation, résistant aux tentations de lacroissance lorsque dans le village selibèrent quelques hectares de vignes.D’où le titre clin-d’oeil de l’ouvrage :Pour quelques hectares de moins...

Aux éditions REPAS – 16 €.

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Un tour du monde alternatif des vignerons

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Page 16: n37 décembre 20113 EUROS JOURNAL D’INFORMATION ET DE … · 2013. 9. 12. · Le criquet migrateur parvenant rarement dans la Creuse, j’ai ... locataire depuis 2010, avec un bail

IPNS le journal - n°37 décembre 2011 16

PATRIMOINE

C’est bien connu, Millevachesest souvent considéré commeun véritable château d’eaupour les régions environ-

nantes. Point origine de nombreusesrivières conséquentes, la Montagnelimousine est connue pour être un terri-toire d’eau du fait de la multitude deruisseaux, de cours d’eau, de zoneshumides, 10% du territoire, et aussi unpeu du fait de la présence de six lacs debarrage destinés à la houille blanche.Pourtant, l’année 2011 donne une touteautre image de ce massif habituelle-ment bien arrosé avec une sécheressetrès importante et surtout très longue.En observant l’étiage généralisé de noscours d’eau, cet événement climatique2011 est donné avec une période deretour1 de 20 ans. Analysons un peu cette période biendéroutante, notamment pour les agricul-teurs et les forestiers. Celle-ci acommencé dès l’hiver dernier avec defaibles précipitations et peu de neige. Ledéficit s’est poursuivi ensuite et s’estfortement accentué au printemps avecle départ de la végétation, si bien quedébut juillet pour l’ensemble des coursd’eau du plateau bénéficiant d’un suiviautomatique2 des niveaux d’eau, on apu constater qu’en moyenne les débitsétaient de l’ordre de 10% des débitsrecensés habituellement à cettepériode.

Et pour cause, si l’on s’intéresse auxprécipitations mensuelles tombées surnotre territoire entre janvier et novembre2011, le déficit est plus que frappant.Entre janvier et février, c’est moins 60%par rapport à la normale, en mars-avril-mai, le déficit a même été supérieur à60% et en octobre, bien qu’inégal selonles secteurs il atteint encore entre 50 et75 % de précipitations. Le mois d’avril aété le plus sec enregistré depuis 50 ans

et le mois de mai arrive aussi dans letrio des mois les plus secs.Seuls les mois de juillet (105 mm auMontfranc) et d’août ont heureusementconnus des précipitations supérieuresde 20 à 40% à la normale, ce qui apermis de sauver in extremis une partiedes récoltes au niveau agricole.Mais au delà même des précipitationsqui ont fait défaut, il faut aussi analyserles températures enregistrées pendanttoute cette période. Le mois d’avril 2011 a connu un recordavec des températures de 4,0 °C supé-rieures à la normale. Juin et août ont étéplus raisonnables avec respectivement1 et 0,5°C supérieur à la normale, tandisque la température de juillet a heureu-sement été 1,3 °C inférieure à lanormale. Si on compare le printemps2011 avec ceux des 51 années anté-rieures tel que le montre le graphiquede Météo-France, on s’aperçoit bienque 2011 est plus sec que 1976 maissurtout beaucoup plus chaud. Cestempératures très élevées notammenten sortie d’hiver, au printemps et enautomne, ont donc accentué très forte-ment l’état de sécheresse sans compterque pendant de nombreuses semaineson a aussi pu constater un vent marquéassez constant et peu habituel, en parti-culier au printemps. Les températuresconjuguées au vent ont rapidementamené un stress de la végétation, l’ab-

sence de pousse de l’herbe, puis nossols drainants à dominante sableuse sesont peu à peu vidés jusqu’à la dernièregoutte. Ainsi au 1er novembre 2011, ona pu encore constater des déficits d’hu-midité des sols sur notre plateau del’ordre de 50 à 60 %, ce qui est très rareà cette époque habituellement déjàpluvieuse.Compte tenu de tout cela, on comprendalors que de nombreuses sources

jamais taries de mémoires d’ancienssoient aujourd’hui à sec, que certainscaptages communaux ou de villagessoient aussi à sec ou sur le point del’être. Quant aux cours d’eau duplateau, on a atteint seulement enmoyenne 12% du débit normal du moisà la mi octobre et 20% à la minovembre. Les cours d’eau demeurentdonc en étiage très marqué depuis plusde huit mois ce qui devient très critiquepour la survie des espèces aquatiques.Un bon indicateur du stress généré parcette sécheresse sur les milieux, audelà de celui de nos agriculteurs, estsouligné par la pousse exceptionnelledu mycélium générant une cueillette dechampignons digne des mémoires desanciens. Au final, donc qui dit pas depluie dit chez nous pas d’eau. Une tellesécheresse montre bien, contrairementaux idées reçues, la grande vulnérabi-lité de notre territoire vis-à-vis de lagestion quantitative de l’eau. Il sembledonc très urgent de revoir de fond encomble nos modèles de gestion de l’eauque ce soit à des fins domestique, agri-cole ou touristique, pour s’adapter à larareté et être ainsi moins vulnérable.

Vincent Magnet

1 Période de retour : La période de retour d’unesécheresse ou d’une crue. C’est la récurrencede l’évènement, donné comme l’inverse de safréquence. La fréquence (au dépassement)d’un évènement est la probabilité que cetévénement soit atteint ou dépassé chaqueannée. Par exemple, pour une crue defréquence égale à 1/10, la période de retoursera 10 ans et cette crue sera dite “décennale“.Ce débit de pointe décennal a, chaque année,une chance sur 10 d’être atteint ou dépassé.Donc dans notre cas, le débit des cours d’eaulocaux a chaque année une chance sur 20d’atteindre ce niveau d’étiage.

2 Débits consultables sur la banque hydro :http://www.hydro.eaufrance.fr/

Un château d’eau bien à sec !

La Vienne à Claveyrolas

Températures et précipitations au printemps de 1959 à 2011

Sécheresse 2011 sur le plateau de Millevaches : état hydrologique des cours d’eauRelevé des débits journaliers de cours d’eau (source : Banque Hydro)

2011

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