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La course du garçon-s leil Nadia Coste - Bruno Fouquet

Nadia Coste - Bruno Fouquet garçon-s La course du leil · sans comprendre ce qu’il se passe. ... Et qu’est-ce que tu fais près de la grange ? ... — C’est le ton de la voix

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La course dug a r ç o n - s l e i l

N a d i a C o s t e - B r u n o F o u q u e t

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Cette histoire originale a été écrite dans le cadre du concours d’écriture « La course du Garçon-Soleil » organisé par Total Solar Expert auprès de toutes les classes de CM1-CM2 de France. Il donne l’opportunité aux élèves d’inventer la fin de cette aventure.

Nadia Coste est une auteure jeunesse primée de nombreuses fois pour ses ouvrages.Bruno Fouquet est illustrateur et graphiste.

Conception Ludodago © Total Solar Expert 2018

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Quand Sybille se réveille ce jour-là, il lui faut quelques secondes pour se rappeler qu’elle n’est pas dans sa chambre, à la maison. Son lit est trop moelleux et il sent la lavande. Elle ouvre un œil et découvre l’abat-jour à franges de la lampe de chevet, la tapisserie aux grosses fleurs roses, et les photos de famille dans les cadres au mur. Pas de doute : elle est bien chez Papy et Mamie.« La barbe », se dit-elle en replaçant un oreiller sur sa tête.Elle aurait préféré passer ses vacances de printemps au centre aéré avec ses copines, ou partir en colonie, plutôt que rester une semaine à la campagne avec ses grands-parents. Elle les aime beaucoup, bien sûr, mais il n’y a pas d’enfant de son âge dans le coin. L’ancienne ferme rénovée est perdue au milieu de la campagne. À part des balades, il n’y a pas grand-chose à faire… D’ailleurs, c’est pour l’obliger à se reposer que sa mère l’a envoyée ici pendant les vacances. Les consignes sont claires : pas de devoirs, pas de cours de solfège, d’entraînement ou de compétition de gym, ni d’athlétisme… tout ce qui remplit ce que son père qualifie « d’emploi du temps de ministre » d’habitude. Elle n’a même pas le droit aux écrans sous prétexte qu’ils fatiguent les yeux !Sybille soupire. Impossible de se rendormir : son cerveau tourne déjà à plein régime. « Autant se lever. »Elle essaye de penser au positif des prochaines heures : Papy a dû aller chercher du pain frais au village et Mamie lui proposera sans doute une de ses confitures maison pour les tartines… un bon petit déjeuner devrait lui remonter le moral.Elle s’étire en bâillant puis quitte le lit. Un rayon de soleil filtre au travers des volets de bois et dessine un rectangle lumineux sur le mur. Sybille cherche sa montre près de sa valise. Vu la lumière qui entre dans la pièce, il doit être tard. Ses grands-parents ne l’ont pas réveillée, pour qu’elle fasse la grasse matinée… En tout cas, c’est ce qu’elle imagine, car lorsqu’elle consulte l’écran, elle découvre qu’il n’est pas tout à fait neuf heures.« Mince ! Tant qu’à devoir me reposer, j’aurais pu rester au lit jusqu’à midi ! »C’est si rare de pouvoir traîner en pyjama ! Même si ce n’est pas son genre de ne rien faire, Sybille sait bien qu’un peu de repos lui permettrait de repartir de plus belle à la rentrée.« Recharger les batteries ! »

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Elle va ouvrir les volets et se penche à la fenêtre pour observer le paysage. Le soleil lui chauffe le visage. C’est agréable.Sybille oublie peu à peu tout ce qui tourne dans sa tête, et se concentre uniquement sur les collines au loin avec leur herbe si verte qu’elle semble peinte, comme sur un tableau. Le ciel est bleu, à peine masqué par quelques filaments de nuages blancs, de-ci de-là. La jeune fille aperçoit quelques moutons dans un pré, et des vaches regroupées à l’ombre d’un arbre, chez le voisin. Elle baisse les yeux en entendant la voiture de son grand-père arriver. Il se gare dans la cour en contrebas, ce qui ne semble pas déranger les poules qui se promènent en liberté.La portière claque. Papy sort de la voiture avec un gros pain sous le bras. Quand il aperçoit Sybille, il lui fait un signe de la main, qu’elle lui rend aussitôt.— Déjà levée ? lui demande-t-il avec une pointe d’inquiétude. Tu dois te reposer, tu sais ?— Ça va, répond Sybille par défi.Pas question de montrer ses faiblesses. Si on écoutait sa mère, elle devait être traitée comme une malade en maison de repos. Elle n’était pas si surmenée, quand même ! Ce n’est pas parce qu’elle a fondu en larmes pour un rien toute la dernière semaine d’école que ses nerfs sont à vif.— Si tu le dis. Allez, je t’attends à la cuisine !Son grand-père disparaît dans la maison. Sybille s’apprête à le rejoindre quand un éclat doré entre dans son champ de vision. Elle tourne la tête. Quelque chose brille sur le toit de l’ancienne grange, reconvertie en atelier de bricolage. Sybille plisse les paupières. C’est étrange. On dirait… une forme humaine. Une silhouette pas beaucoup plus grande que la sienne. La jeune fille distingue à présent une tête, deux bras, deux jambes… pas de doute, c’est bien une personne ! Mais comment est-elle arrivée là aussi vite ? Et cette couleur brillante des cheveux aux orteils ? Ce n’est pas normal !La silhouette tourne la tête vers Sybille, et la jeune fille constate qu’il s’agit d’un garçon de son âge.— Hey !Elle agite le bras pour attirer son attention.« Qu’est-ce qu’il fabrique sur ce toit ? »Le garçon n’a pas l’air de la voir.— Hey, toi ! Là-bas ! Houhou !Aucune réponse. Tout à coup, Sybille réalise que c’est peut-être sa seule chance de côtoyer quelqu’un de son âge pendant les vacances. Elle ne sait ni qui il est, ni pourquoi il est monté sur le toit de la grange, ni même d’où vient la lumière éclatante qui semble sortir de sa poitrine, mais une chose est sûre : elle doit lui parler.

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Ni une, ni deux, Sybille dévale l’escalier, traverse la cuisine sous le regard ahuri de ses grands-parents, ouvre la porte et se précipite dans la cour en faisant fuir quelques poules au passage. Elle lève les yeux, s’attendant à retrouver le garçon doré à la même place, mais le toit est vide.— Ça va, Sybille ? s’inquiète sa grand-mère.Son grand-père vient lui poser une main sur l’épaule. Sybille frissonne sans comprendre ce qu’il se passe. Elle balaye du regard la cour et les toits alentour pour trouver une trace de l’étrange garçon, mais il n’y a rien.— Tu nous expliques ? demande Papy.— Je… j’ai vu quelque chose par la fenêtre…— Un animal ?— Non ! Un garçon doré. Il était sur le toit de la grange.Papy semble amusé. Il entraîne sa petite fille jusqu’à la cuisine tout en s’adressant à sa femme :— Tu entends ça ? Quelle imagination !Mamie fronce les sourcils. Elle ne trouve pas du tout la situation amusante.— Ce doit être une hallucination. Ça peut arriver en cas de grosse fatigue ou de surmenage.Sybille lève les yeux au ciel. Elle va BIEN. Elle n’est PAS surmenée. Et elle sait très bien ce qu’elle a vu ! Un garçon qui brillait était là, et il s’est volatilisé !Papy appuie sur ses épaules pour l’obliger à s’asseoir devant le bol de chocolat chaud qui l’attend. Mamie prépare déjà les tartines.— Allez, ce n’est rien. Ça va passer. Mange, ça ira mieux.Mais Sybille n’a pas faim. Elle veut retourner dehors pour chercher ce garçon étrange.

Elle prétexte vouloir découvrir la propriété de ses grands-parents pour chercher le mystérieux visiteur doré partout. Elle est sûre qu’il va réapparaître ou qu’elle va trouver une trace quelque part. Elle demande même à Papy de lui prêter une loupe pour chercher des empreintes tout autour de la grange.— Tu te prends pour Sherlock Holmes ? l’interroge-t-il, amusé.Mais l’enquête de la jeune fille ne donne rien, et ça la met en rogne.« Je ne suis pas folle ! Je n’ai pas rêvé ! Il était là ! »

Le soir, au moment de s’endormir, elle-même commence à douter de ce qu’elle a vu le matin. Peut-être qu’elle a tellement envie d’avoir un ami avec qui jouer cette semaine qu’elle en a inventé un ?« Si c’est ça, Maman, Papa, Mamie et Papy ont raison de s’inquiéter pour moi ! »Elle ferme les yeux, bien décidée à dormir jusqu’à midi…

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— Sybille.Puis elle pointe le doigt vers le garçon.— Et toi ?Il semble parcouru d’une étrange vibration qui secoue ses deux jambes. Son sourire s’efface. Ses yeux se détachent de Sybille et se mettent à fixer l’horizon. On dirait qu’il lutte contre quelque chose à l’intérieur de lui.Avec un effort, il parvient à poser une main sur son torse brillant et à murmurer :— Hélios.Puis la vibration s’amplifie à tel point que ses jambes disparaissent. Sybille cligne des yeux. Ce n’est pas possible !Hélios se met à courir si vite qu’il dévale le toit de la grange, traverse la cour, et ressemble à un point lumineux à l’horizon en une fraction de seconde.— Attends !— À qui parles-tu, ma puce ? demande sa grand-mère de loin. Et qu’est-ce que tu fais près de la grange ? Le poulailler, c’est par là !— J’arrive.Cette fois-ci, une drôle d’impression parcourt la jeune fille. Elle est triste qu’Hélios soit parti, mais n’est pas déçue de la rencontre.« Au moins, je sais qu’il existe, qu’il a un nom… et qu’il s’arrête tous les matins à neuf heures sur le toit de la grange ! »Sybille sourit. Elle sait déjà où elle sera le lendemain matin.

Tandis qu’elle se laisse porter par la bienveillance de sa grand-mère et l’ambiance paisible de la campagne, son esprit se pose mille questions sur ce garçon qui ne semble pas tout à fait humain.

… Sybille se réveille encore plus tôt que la veille !— C’est pas vrai !Elle descend dans la cuisine sans prendre la peine de s’habiller. Son pyjama informe laisse dépasser l’une de ses épaules. Ses cheveux en pétard la font ressembler à un personnage de manga. Son visage chiffonné révèle sa mauvaise nuit.— Ben, alors, ma chouquette ? s’inquiète Mamie. Tu as fait un cauchemar ?Sybille grommèle. Pas envie de parler.— Je sais ce qui te ferait du bien, continue sa grand-mère. Faire le tour des poules pour ramasser les œufs ! S’il y en a assez, on pourrait faire un gâteau ensemble, qu’est-ce que tu en penses ?— Si tu veux.Elle n’est pas convaincue, mais sa grand-mère a de l’enthousiasme pour deux.

Un peu avant neuf heures, elles se retrouvent donc toutes les deux dans la cour. Les poules viennent courir autour des jambes de leur propriétaire, s’attendant à ce qu’on leur donne du grain.— Mais oui, mais oui, ça vient !Sybille se détend un peu. Elle a même envie de rire en réalisant que les poules s’adressent à sa grand-mère et que la vieille dame leur répond comme si elle les comprenait.— Tu parles leur langage, Mamie ?— C’est le ton de la voix qui est important avec les animaux… et puis, je les ai toutes vues naître alors elles doivent me prendre pour leur maman !Grand-mère et petite-fille se mettent à rire.Soudain, un éclat doré illumine le toit de la grange. Sybille retient son souffle. Il est revenu !Mamie ne semble s’apercevoir de rien : elle continue sa petite routine auprès de la basse-cour. Sybille s’éloigne à grandes enjambées pour rejoindre le garçon brillant. Elle ne le quitte pas des yeux de peur qu’il disparaisse à nouveau.— Salut ! lance-t-elle une fois à portée de voix. Qu’est-ce que tu fais là ?Le garçon baisse les yeux vers elle et lui sourit. Le cœur de Sybille se met à cogner dans sa poitrine.Comme il ne répond pas, elle se dit qu’il ne parle peut-être pas français. Alors elle applique le conseil de sa grand-mère en choisissant un ton rassurant. Elle se montre du doigt et articule :

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Au petit-déjeuner, Sybille prévient ses grands-parents qu’elle a envie d’aller courir un peu dans la campagne. Elle a déjà enfilé son survêtement et ses baskets. Ses cheveux sont relevés en queue-de-cheval, et la détermination brille au fond de ses yeux.— C’est important pour ne pas perdre mon endurance ! argumente-t-elle en rappelant ses bons résultats aux dernières compétitions d’athlétisme.Elle est meilleure sur de courtes distances, mais ça ne l’empêche pas de s’entraîner à courir longtemps pour gérer sa respiration.— Tu es censée te reposer, répond son grand-père en fronçant les sourcils.— Mais ça me fait du bien de courir ! Et je ne forcerai pas. Promis.— Toute seule ? demande Mamie, inquiète.— Je ne risque pas de me perdre ! Il n’y a que deux routes, ici !Les grands-parents se consultent du regard. Sybille se mord les lèvres en vérifiant la pendule. Il est bientôt neuf heures… il faut qu’ils disent oui !— Bon, finit par céder Papy. Mais pas plus loin que le village !— Cool ! Vous êtes les meilleurs !Elle se lève d’un bond, les embrasse tour à tour et file dehors.Maintenant, il lui reste une autre étape : monter sur le toit de la grange sans se faire voir. Et sans se casser une jambe.Elle a interrogé son grand-père, l’air de rien, la veille, pour s’assurer que c’était sans danger… même si Hélios se tient debout à cet endroit tous les jours, Sybille n’est pas sûre de la solidité de l’édifice : le garçon lumineux ne pèse peut-être rien du tout ! Il a une incroyable façon de courir, et une vitesse hors du commun, alors Sybille est de plus en plus convaincue qu’il s’agit d’un extra-terrestre.Après un coup d’œil en direction de la maison, elle contourne la grange et grimpe sur les balles de foin entassées là. Elle se hisse à la force des bras et lève une jambe pour accéder au toit.« Merci les barres asymétriques ! »Elle se frotte les mains en souriant puis avance prudemment là où les tuiles du toit se rejoignent. Là où la structure est la plus solide.« Trop facile. Merci la poutre ! »Elle s’assoit et attend.

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Sybille regarde sa montre toutes les dix secondes entre 8h57 et 8h59. Son impatience grandit. Son excitation aussi. Bientôt, il sera là !Elle scrute l’horizon. Se retourne pour vérifier s’il pourrait arriver derrière elle… et, quand elle reprend sa position, elle aperçoit enfin un point lumineux qui se rapproche à grande vitesse.À 9h pile, Hélios s’arrête sur le toit de la grange, comme les matins précédents. Le garçon ne cache pas sa surprise et, très vite, un grand sourire illumine son visage doré.— Sybille ?!— Salut, Hélios !— Qu’est-ce que tu fais là ?— Je t’attendais.— Je… ne peux pas rester longtemps.Il regarde l’horizon vers lequel il va bientôt disparaître. Sybille se lève et lui fait face. Ils ont la même taille, tous les deux. La lumière qui émane d’Hélios réchauffe le visage de la jeune fille qui se sent éblouie de le voir si près.— Ne pars pas ! supplie-t-elle. J’ai tellement de questions à te poser…— Je suis obligé. Je ne peux pas rester au même endroit plus de quelques secondes.Il a l’air triste en expliquant cela.— Pourquoi ? Tu n’as pas le droit ?— C’est mon corps, avoue-t-il en montrant ses jambes qui vibrent déjà. Il m’en empêche. Je cours toujours, en m’arrêtant de temps en temps… mais pas longtemps.— Pourquoi tu fais ça ?Hélios dévisage Sybille comme s’il ne comprenait pas la question. Comme si la réponse était évidente.— C’est ce que je suis.— Mais… tu es qui ? Ou quoi ?La vibration des jambes d’Hélios s’amplifie. Il va bientôt s’en aller, qu’il le veuille ou non. Le mouvement gagne son bassin et l’entraîne déjà vers l’horizon. Il se retourne pour répondre en souriant :— Je suis le fils du Soleil !Sybille encaisse le choc, la bouche grande ouverte de surprise. Elle a du mal à y croire. Pourtant, c’est aussi logique que s’il s’agissait d’un extra-terrestre, après tout ! Quand elle reprend ses esprits et saute sur les balles de foin pour descendre du toit, Hélios est déjà loin. Elle se met à courir à toute vitesse pour tenter de le rattraper mais finit par s’arrêter pliée en deux par un point de côté. Elle a mal géré le démarrage et sa course.Elle grimace.« Demain, je serai prête. »

Toute la journée, elle tourne et retourne l’aveu d’Hélios dans son esprit. Le fils du soleil ! C’est incroyable.Pour assurer à ses grands-parents qu’elle se repose après sa matinée d’efforts sportifs – elle a quand même couru jusqu’au village avant de revenir – elle investit le bureau-bibliothèque de son grand-père pour l’après-midi. Son but ? Trouver tous les renseignements possibles sur la nature d’Hélios. Bien calée dans l’énorme fauteuil en velours vert, elle consulte des livres d’astronomie, de mythologie grecque, ou des histoires sur l’Égypte ancienne. Elle trouve beaucoup d’éléments liés au soleil et aux dieux qui l’ont incarné dans l’esprit des Hommes depuis toujours, mais rien qui ressemble à ce qu’elle vient de vivre.Il y a bien Apollon qui conduit son char dans le ciel du matin au soir pour permettre au soleil de se lever et se coucher, mais Hélios, lui, semblait tiré par la course de l’astre plutôt que l’inverse.

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— Tu trouves ton bonheur ? demande Papy en passant devant le bureau.Sybille est à quatre pattes devant un rayonnage où elle pense découvrir des informations sur les croyances des Incas.— Heu…Elle s’assoit sur ses talons et jette un regard en coin à l’ordinateur.— Je pourrais faire une recherche sur Internet ? demande-t-elle en sachant pertinemment que ses parents l’ont interdite d’écran pour la semaine.Son grand-père entre en regardant autour de lui, comme un comploteur.— Techniquement, tu n’as pas le droit… mais rien ne m’empêche MOI de taper quelque chose que tu m’aurais dicté !Ses yeux brillent de malice.— J’ai eu raison de t’offrir cette tasse Super Papy pour ton anniv ! répond Sybille, toute contente.— Alors, qu’est-ce qu’on cherche ? demande-t-il en s’installant à l’ordinateur.Sa petite-fille se tord les mains en approchant. Elle ne peut pas lui dire la vérité, sinon il s’inquiéterait…— C’est pour un exposé, bredouille-t-elle. On travaille sur le soleil à l’école et je cherche des infos sur un type nommé « Hélios ».Papy tape dans la barre de recherche en marmonnant :— Tu n’es pas censée avancer tes devoirs cette semaine, il me semble…— Oui, mais c’est que ça m’intéresse aussi !Quelques secondes plus tard, une liste de liens s’affiche sur l’écran. Papy siffle.— Hé ben, tu as de quoi faire !Il lui laisse finalement sa place.— Pas longtemps, sinon ta grand-mère va me tuer !Sybille l’embrasse sur la joue et clique sur le premier lien. Pendant ce temps, son grand-père fouille dans un coin d’étagère qui était inaccessible à la jeune fille.

— Dites donc ! Qu’est-ce que vous trafiquez, tous les deux !Pris en flagrant délit ! Mamie se tient dans l’encadrement de la porte, les poings à la taille. Papy a l’air tout penaud. Sybille n’a pas le temps de se justifier, Mamie lui désigne la sortie.— Va te laver au lieu de t’abîmer les yeux !La jeune fille obéit, tête basse. Mais, quand elle passe près de Papy, il lui glisse un nouveau livre sur le sujet qui l’intéresse. Ils échangent de discrets clins d’œil avant de quitter le bureau.

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— Salut, Hélios.— Sybille ! Tu es revenue !— Oui, et cette fois-ci, je cours avec toi ! Tu crois que tu pourras ralentir l’allure pour m’attendre ? Je ne suis pas aussi rapide que toi…— Je vais essayer ! répond-il, ravi de la proposition. Tu sais, je n’ai pas l’habitude de parler…— À une fille ?Hélios secoue la tête.— À personne, répond-il.— Même pas à ton père ? continue Sybille le cœur battant en essayant d’en savoir plus sur les origines du garçon.Il lève les yeux vers le ciel, où brille un beau soleil de printemps.— Lui et moi… on se ressent. On n’a pas besoin de se parler.— Quand même, tu es son fils !— L’un de ses fils, corrige Hélios. Nous sommes nombreux à courir et il est lié à tous. Oh ! Ça recommence !Les vibrations des jambes d’Hélios reprennent. Sybille saute sur les bottes de paille pour rejoindre le sol, prête à emboiter le pas au garçon. Il n’attend pas d’être « aspiré » vers l’horizon, cette fois-ci. Il choisit de partir et modifie ses foulées pour ralentir. Sybille sprinte pour le rejoindre.Hélios, qui va encore trop vite, freine au maximum. Ça lui demande un gros effort car l’attraction du soleil qui l’oblige à aller de l’avant est forte. Dès qu’il le peut – sur un toit voisin – il s’arrête à nouveau. Sybille ne grimpe pas mais s’arrête aussi pour reprendre son souffle.— Comment pouvez-vous être plusieurs, tes frères et toi, alors que je ne vous ai jamais vus ! s’exclame-t-elle.— Nous sommes des milliers ! Mais il faut savoir où regarder…Les vibrations reprennent. Sybille court. Hélios aussi. Il arrive de mieux en mieux à rester près de la jeune fille.Au toit suivant, elle demande :— Et il n’y a aucun moyen que tu arrêtes de courir plus de quelques secondes ?— Hélas, non, soupire Hélios. C’est pour ça que je suis si seul…Une idée lumineuse semble lui traverser l’esprit et il explique :— Je connais quelqu’un qui a trouvé une solution pour rester plus longtemps… c’est mon cousin Zéphyr.— Qui est-ce ?— L’un des fils du vent ! répond Hélios avec fierté. Viens !Ils repartent au même rythme.

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Sybille est fascinée par l’histoire d’Hélios. Elle s’imagine à sa place, obligée de courir du matin au soir… peut-être même sans s’arrêter, car il fait toujours jour quelque part sur Terre ! Et sans amis, sans famille telle qu’elle la connaît… Pas étonnant qu’il se sente seul.Elle aimerait l’aider. Trouver un moyen de rester plus longtemps auprès de lui. Peut-être que ce fameux cousin pourra leur donner des idées ?

Hélios bifurque avant d’arriver au village. Il quitte la route principale pour courir dans un champ. Sybille n’est pas rassurée, ses grands-parents lui ont bien dit de ne pas traverser les propriétés voisines pour ne pas abîmer leurs cultures...— C’est encore loin ? demande-t-elle, inquiète de s’éloigner.— Juste là-bas !Hélios désigne les immenses éoliennes plantées en haut de la colline qui surplombe la vallée.« Le fils du vent… les éoliennes… »— C’est ça, son moyen de rester ? demande-t-elle sans cesser de courir.Hélios acquiesce.— Je n’ai pas trouvé d’équivalent pour moi…Sybille franchit les derniers mètres qui la séparent de la colline. Elle est épuisée et ne pourra pas suivre Hélios encore longtemps. Mais elle n’en a pas besoin : elle lève les yeux et découvre, entre les pales qui tournent lentement, la silhouette bleutée d’un jeune garçon aux cheveux ébouriffés qui vole en tourbillonnant sur lui-même. Il est presque transparent et, si Sybille ne savait pas qu’il était là, elle ne l’aurait pas vu.— C’est lui, Zéphyr ?— Salut, cousin ! crie Hélios.L’autre lui fait un geste de la main. Sa façon de voler au travers des pales de l’éolienne fait penser aux hamsters qui jouent dans leur roue. On dirait qu’il s’amuse bien.Mais le fils du vent écarquille grand les yeux en découvrant la présence de Sybille.— On ne doit pas se lier aux humains ! crie Zéphyr à Hélios en guise d’avertissement. Tu n’aurais pas dû te montrer à elle !— C’est elle qui m’a découvert, se justifie le fils du soleil. Elle habite sur mon trajet…

Zéphyr n’a pas l’air content. Il répond durement :— Hé bien change de trajet.Et il file dans le ciel la tête la première, bras plaqués contre son corps. Sybille vacille sous l’effet de la bourrasque et les paroles du garçon.Les jambes d’Hélios se remettent à vibrer.— Tu reviendras demain ? demande la jeune fille.— Je ne sais pas.La tristesse d’Hélios le rend un peu moins lumineux. Sa peau est plus terne et l’éclat doré qui émane de lui perd son intensité.— Je n’habite pas là, tu sais, dit encore Sybille pour le convaincre. Je suis en vacances chez mes grands-parents. Moi j’habite…Elle n’a pas le temps de lui donner le nom de sa ville, située à plusieurs heures de route, qu’Hélios repart en courant. Il semble laisser derrière lui une perle de lumière qui fond

avant de toucher le sol.Sybille examine l’herbe, là où la goutte est tombée, et

murmure :— Une larme ?

C’est décidé : elle va trouver un moyen de contourner les règles pour qu’Hélios puisse être heureux.

À peine rentrée, elle se met à poser des questions au sujet du vent et des éoliennes. Elle parle tellement vite que ses grands-parents la tempèrent :— Du calme, ma chouquette ! Qu’est-ce que tu veux savoir, au juste ?— Je veux savoir comment ça fonctionne !

— Comme les anciens moulins, répond Papy. Sauf qu’au lieu d’utiliser la force du vent

immédiatement, un générateur la transforme en électricité qui est stockée ou envoyée dans le

réseau électrique…La réponse la satisfait moyennement.

— Et pour le soleil ? demande encore Sybille.— Hé bien quoi ?

— On peut… aspirer son énergie, comme celle du vent ?Mamie se met à rire.

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— Il faut bien que tu comprennes qu’on ne prend pas l’énergie du vent ou du soleil. On ne « l’aspire » pas comme on le ferait en prélevant dans une réserve qui, une fois vidée, serait à sec. C’est ce qu’on appelle les énergies renouvelables, car elles sont inépuisables ! C’est un peu… comme un cadeau de la nature pour nous aider à vivre mieux !— Et pour répondre à ta question sur le soleil, complète Papy, il existe des panneaux photovoltaïques.— Photo… quoi ? demande Sybille, les sourcils froncés.— Des panneaux solaires, si tu préfères. Tu en as sûrement déjà vus. Ce sont de grandes plaques qui sont posées sur le toit des maisons, des parkings, des centres commerciaux ou même dans des champs !— Les rectangles noirs, c’est ça ?— Oui ! répond Mamie. Si tu les voyais de plus près, tu constaterais qu’il s’agit de dizaines de cellules assemblées. On peut s’en servir pour produire de l’électricité à partir de la lumière du soleil, comme les éoliennes pour le vent…— Et puis, tu sais, il paraît qu’on construira même des routes en panneaux solaires, dans le futur !Sybille ne se projette pas aussi loin. Elle, elle ne pense qu’à Hélios et au lendemain matin. Est-ce que ces fameux panneaux solaires pourraient lui permettre de « s’accrocher » plus longtemps ? Est-ce que le garçon-soleil reviendra la voir malgré les mises en garde de son cousin ?« J’espère qu’il sera là et qu’on pourra essayer ! »Elle regarde ses grands-parents et demande :— Et pourquoi vous n’en avez pas, vous, si c’est un si chouette cadeau de la nature ?Les grands-parents se regardent, gênés.— Heu… on y pensait…— Mais on n’a jamais pris le temps de faire les démarches…— Vous connaissez quelqu’un du coin qui l’a fait ? interroge Sybille en cherchant un bon endroit pour son test du lendemain.— Au village, ils ont équipé l’école primaire l’année dernière.— Et la mairie est en cours de rénovation aussi…Papy réfléchit puis donne quelques noms de voisins disséminés dans la campagne. Il conclut par :— Je crois que l’élevage de juments qui s’est installé à la frontière du département a une super installation photovoltaïque… le gars qui tient ça fait même visiter. Je pourrais aller lui poser des questions.Sybille acquiesce :— C’est une bonne idée. Et tu sais quoi ? Tu devrais en mettre sur le toit de la grange. Ce serait top.— On va y réfléchir, promet Mamie devant l’immense sourire de sa petite-fille.

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Sybille est nerveuse dès son réveil. Elle attend 9h du matin avec une impatience mêlée d’anxiété.« Et si Hélios ne venait plus ? »Ils se connaissent à peine. Pourquoi n’écouterait-il pas l’avertissement de Zéphyr ?

Elle fait des étirements dans la cour en scrutant l’horizon. Elle a le pressentiment qu’il ne se montrera plus… et pourtant, à l’heure prévue, la lumière enfle au loin.— Je voulais te revoir, avoue Hélios timidement pour justifier sa présence.Le sourire immense de Sybille confirme qu’il a eu raison de braver l’interdit.— J’ai peut-être trouvé une solution pour te permettre de rester plus longtemps, annonce la jeune fille. Tu me suis ?— D’accord !Sybille part devant, en direction du village. Durant tout le trajet, Hélios pose des questions pour en savoir plus, mais n’obtient rien de sa nouvelle amie : elle veut garder la surprise, et surtout ne pas lui donner de faux espoirs au cas où son plan ne fonctionne pas.Finalement, ils arrivent en vue de l’école primaire, fermée pour les vacances. Un grand portail blanc en barre l’entrée. Sybille vérifie que personne ne l’observe aux alentours et se hisse à la force des bras pour le franchir. Hélios est déjà de l’autre côté.— Vite ! supplie-t-il en se sentant obligé de courir.— C’est là ! indique Sybille en désignant les panneaux solaires installés sur le toit. Tu vois les plaques noires ?Hélios avance sur les tuiles, inquiet.— Tu es sûre que je peux aller là-dessus ?— C’est fait pour !Le garçon doré pose un pied, puis l’autre. Le cœur de Sybille cogne fort dans sa poitrine. Elle a peur qu’il se mette à fondre dans le panneau et disparaisse à tout jamais. Ses grands-parents ont dit que cela n’aspirait pas l’énergie, mais…— C’est incroyable ! s’écrie Hélios, ravi. Mes jambes ne vibrent plus !Il s’assoit, puis s’allonge les bras tendus. On dirait un enfant qui dessine des anges dans la neige en battant des bras et des jambes.— Alors, ça fonctionne ? Tu peux rester ?

V E N D R E D I5

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— Pas pour toujours, répond Hélios. Je sens, au fond de moi, le besoin de courir. Mais je peux le contrôler, me reposer un peu… je repartirai tout à l’heure. Tu veux venir ?Il lui fait signe qu’il y a de la place pour deux sur les panneaux.Sybille regarde dans la cour pour trouver un moyen de monter, mais elle sait bien que c’est trop dangereux.— Il vaut mieux que je reste en bas, assure-t-elle. Au moins, on peut se parler !— Et ça, c’est vraiment bien, confirme Hélios, ému, en s’asseyant pour la regarder. Merci, Sybille. Merci de m’avoir offert du temps. Et ton amitié.Elle rougit de plaisir. Confuse, elle bredouille :— En échange, tu peux me raconter ta vie ?— Ma vie ? Ma vie…Alors, Hélios explique cette tâche qu’il accomplit depuis toujours et pour toujours, cette course infinie autour du globe sans jamais voir ni soir ni matin. Il raconte les pays qu’il traverse et les édifices humains qui évoluent au fil du temps. Il parle des Hommes et des animaux. Des mers, des lacs, des rivières. Des montagnes et des vallées.Les yeux de Sybille brillent. Elle aimerait voir tout ça.Il parle encore, assoiffé de pouvoir enfin partager sa vision du monde avec quelqu’un qui l’écoute et cherche à le comprendre. Il parle des autres enfants du soleil, qui parcourent leurs propres chemins sans échanger plus de quelques mots. Ces émotions communes qui les traversent et son besoin de rencontrer une personne avec laquelle il aurait un lien différent. Unique. Il raconte la liberté du vent, et ces mots qu’ils échangent parfois lorsqu’ils se croisent, Zéphyr et lui, au-dessus de l’océan ou en plein désert.Il s’arrête soudain, comme s’il était à court de mots.— Qu’est-ce qui se passe ? demande Sybille.— Un peu à toi de me raconter ta vie ! répond-il avec un sourire.— Il n’y a pas grand-chose à dire…Ce n’est pas ses entraînements de gym ou d’athlétisme qui vont épater le garçon-soleil ! Elle se sent insignifiante face à ce qu’il vient de lui décrire.— Je suis une fille normale, qui mène une vie banale… peut-être un peu trop remplie d’activités extrascolaires, mais à part ça, je vais à l’école, je fais mes devoirs…Elle hausse les épaules.Hélios s’allonge sur les panneaux solaires. On dirait qu’il bronze.— Ah, l’école… Qu’est-ce que j’aimerais pouvoir y aller…Devant son air ahuri, elle explique en englobant les bâtiments et la cour d’un large mouvement de bras :— C’est une école primaire, ici ! Il te suffit de venir t’asseoir pour écouter les leçons des humains, si tu y tiens tant !

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Hélios se détend.— Mais…— Oui ?— Tu n’habites pas ici, n’est-ce pas ? demande Hélios en se souvenant de ce qu’elle avait essayé de lui dire la veille.Sybille secoue tristement la tête et confirme :— Je ne suis ici qu’en vacances. D’ailleurs… je m’en vais demain.Elle avait oublié que la semaine s’était écoulée aussi vite. Elle qui pensait s’ennuyer n’avait pas vu le temps passer.— Et ton école, dans ta ville, elle a des panneaux solaires pour moi ?— Je ne sais pas, répond Sybille. Je n’y ai jamais fait attention… Tu pourrais venir vérifier ?Elle lui explique où se trouve sa ville, sa maison et son école.Hélios réfléchit longuement, puis il répond :

A partir d ici,à toi d écrire la suite del histoire

,

,

,,

2928

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www.kit-pedagogique.total.com.

Alors que Sybille est en vacances chez ses grands-parents, elle découvre qu’un étrange garçon lumineux s’arrête tous

les matins sous sa fenêtre.

Qui est-il ? Pourquoi semble-t-il triste ? Et où court-il si vite ?

La jeune fille décide de mener l’enquête.

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1

Nadia Coste – Bruno Fouquet

LA COURSE DU

GARÇON SOLEIL

Cette histoire originale a été écrite dans le cadre du

concours d’écriture « La course du Garçon-Soleil »

organisé par Total Solar Expert auprès de toutes

les classes de CM1-CM2 de France. Il donne

l’opportunité aux élèves d’inventer la fin de cette

aventure.

Nadia Coste est une auteure jeunesse primée de

nombreuses fois pour ses ouvrages. Bruno Fouquet

est illustrateur et graphiste.

Conception Ludodago © Total Solar Expert 2018

LUNDI Quand Sybille se réveille ce jour-là, il lui faut

quelques secondes pour se rappeler qu’elle

n’est pas dans sa chambre, à la maison. Son lit

est trop moelleux et il sent la lavande. Elle

ouvre un œil et découvre l’abat-jour à franges

de la lampe de chevet, la tapisserie aux grosses

fleurs roses, et les photos de famille dans les

cadres au mur. Pas de doute : elle est bien chez

Papy et Mamie.

« La barbe », se dit-elle en replaçant un oreiller

sur sa tête.

Elle aurait préféré passer ses vacances de

printemps au centre aéré avec ses copines, ou

partir en colonie, plutôt que rester une semaine

à la campagne avec ses grands-parents. Elle les

aime beaucoup, bien sûr, mais il n’y a pas

d’enfant de son âge dans le coin. L’ancienne

ferme rénovée est perdue au milieu de la

campagne. À part des balades, il n’y a pas

grand- chose à faire... D’ailleurs, c’est pour

l’obliger à se reposer que sa mère l’a envoyée

ici pendant les vacances. Les consignes sont

claires : pas de devoirs, pas de cours de

solfège, d’entraînement ou de compétition de

gym, ni d’athlétisme... tout ce qui remplit ce

que son père qualifie

« d’emploi du temps de ministre » d’habitude.

Elle n’a même pas le droit aux écrans sous

prétexte qu’ils fatiguent les yeux ! Sybille

soupire. Impossible de se rendormir : son

cerveau tourne déjà à plein régime.

« Autant se lever. »

Elle essaye de penser au positif des prochaines

heures : Papy a dû aller chercher du pain frais

au village et Mamie lui proposera sans doute

une de ses confitures maison pour les tartines...

un bon petit déjeuner devrait lui remonter le

moral.

Elle s’étire en bâillant puis quitte le lit. Un

rayon de soleil filtre au travers des volets de

bois et dessine un rectangle lumineux sur le

mur. Sybille cherche sa montre près de sa

valise. Vu la lumière qui entre dans la pièce, il

doit être tard. Ses grands-parents ne l’ont pas

réveillée, pour qu’elle fasse la grasse matinée...

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2

En tout cas, c’est ce qu’elle imagine, car

lorsqu’elle consulte l’écran, elle découvre qu’il

n’est pas tout à fait neuf heures.

« Mince ! Tant qu’à devoir me reposer, j’aurais

pu rester au lit jusqu’à midi ! »

C’est si rare de pouvoir traîner en pyjama !

Même si ce n’est pas son genre de ne rien faire,

Sybille sait bien qu’un peu de repos lui

permettrait de repartir de plus belle à la

rentrée.

« Recharger les batteries ! »

Elle va ouvrir les volets et se penche à la

fenêtre pour observer le paysage. Le soleil lui

chauffe le visage. C’est agréable. Sybille

oublie peu à peu tout ce qui tourne dans sa tête,

et se concentre uniquement sur les collines au

loin avec leur herbe si verte qu’elle semble

peinte, comme sur un tableau. Le ciel est bleu,

à peine masqué par quelques filaments de

nuages blancs, de-ci de-là. La jeune fille

aperçoit quelques moutons dans un pré, et des

vaches regroupées à l’ombre d’un arbre, chez

le voisin. Elle baisse les yeux en entendant la

voiture de son grand-père arriver. Il se gare

dans la cour en contrebas, ce qui ne semble pas

déranger les poules qui se promènent en

liberté.

La portière claque. Papy sort de la voiture avec

un gros pain sous le bras. Quand il aperçoit

Sybille, il lui fait un signe de la main, qu’elle

lui rend aussitôt.

— Déjà levée ? lui demande-t-il avec une

pointe d’inquiétude. Tu dois te reposer, tu sais

?

— Ça va, répond Sybille par défi.

Pas question de montrer ses faiblesses. Si on

écoutait sa mère, elle devait être traitée comme

une malade en maison de repos. Elle n’était pas

si surmenée, quand même ! Ce n’est pas parce

qu’elle a fondu en larmes pour un rien toute la

dernière semaine d’école que ses nerfs sont à

vif.

— Si tu le dis. Allez, je t’attends à la cuisine

!

Son grand-père disparaît dans la maison.

Sybille s’apprête à le rejoindre quand un éclat

doré entre dans son champ de vision. Elle

tourne la tête. Quelque chose brille sur le toit

de l’ancienne grange, reconvertie en atelier de

bricolage.

Sybille plisse les paupières. C’est étrange. On

dirait... une forme humaine. Une silhouette pas

beaucoup plus grande que la sienne. La jeune

fille distingue à présent une tête, deux bras,

deux jambes... pas de doute, c’est bien une

personne ! Mais comment est-elle arrivée là

aussi vite ? Et cette couleur brillante des

cheveux aux orteils ? Ce n’est pas normal !

La silhouette tourne la tête vers Sybille, et la

jeune fille constate qu’il s’agit d’un garçon de

son âge.

— Hey !

Elle agite le bras pour attirer son attention.

« Qu’est-ce qu’il fabrique sur ce toit ? » Le

garçon n’a pas l’air de la voir.

— Hey, toi ! Là-bas ! Houhou !

Aucune réponse.

Tout à coup, Sybille réalise que c’est peut-être

sa seule chance de côtoyer quelqu’un de son

âge pendant les vacances. Elle ne sait ni qui il

est, ni pourquoi il est monté sur le toit de la

grange, ni même d’où vient la lumière éclatante

qui semble sortir de sa poitrine, mais une chose

est sûre : elle doit lui parler. Ni une, ni deux,

Sybille dévale l’escalier, traverse la cuisine

sous le regard ahuri de ses grands-parents,

ouvre la porte et se précipite dans la cour en

faisant fuir quelques poules au passage. Elle

lève les yeux, s’attendant à retrouver le garçon

doré à la même place, mais le toit est vide.

— Ça va, Sybille ? s’inquiète sa grand-mère.

Son grand-père vient lui poser une main sur

l’épaule. Sybille frissonne sans comprendre ce

qu’il se passe. Elle balaye du regard la cour et

les toits alentour pour trouver une trace de

l’étrange garçon, mais il n’y a rien.

— Tu nous expliques ? demande Papy.

— Je... j’ai vu quelque chose par la fenêtre...

— Un animal ?

— Non ! Un garçon doré. Il était sur le toit

de la grange.

Papy semble amusé. Il entraîne sa petite fille

jusqu’à la cuisine tout en s’adressant à sa

femme :

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3

— Tu entends ça ? Quelle imagination !

Mamie fronce les sourcils. Elle ne trouve pas

du tout la situation amusante.

— Ce doit être une hallucination. Ça peut

arriver en cas de grosse fatigue ou de

surmenage.

Sybille lève les yeux au ciel. Elle va BIEN. Elle

n’est PAS surmenée. Et elle sait très bien ce

qu’elle a vu ! Un garçon qui brillait était là, et il

s’est volatilisé !

Papy appuie sur ses épaules pour l’obliger à

s’asseoir devant le bol de chocolat chaud qui

l’attend. Mamie prépare déjà les tartines.

— Allez, ce n’est rien. Ça va passer.

Mange, ça ira mieux.

Mais Sybille n’a pas faim. Elle veut retourner

dehors pour chercher ce garçon étrange.

Elle prétexte vouloir découvrir la propriété de

ses grands-parents pour chercher le mystérieux

visiteur doré partout. Elle est sûre qu’il va

réapparaître ou qu’elle va trouver une trace

quelque part. Elle demande même à Papy de lui

prêter une loupe pour chercher des empreintes

tout autour de la grange.

— Tu te prends pour Sherlock Holmes ?

l’interroge-t-il, amusé.

Mais l’enquête de la jeune fille ne donne rien,

et ça la met en rogne. « Je ne suis pas folle ! Je

n’ai pas rêvé ! Il était là ! »

Le soir, au moment de s’endormir, elle-même

commence à douter de ce qu’elle a vu le matin.

Peut-être qu’elle a tellement envie d’avoir un

ami avec qui jouer cette semaine qu’elle en a

inventé un ?

« Si c’est ça, Maman, Papa, Mamie et Papy ont

raison de s’inquiéter pour moi ! »

Elle ferme les yeux, bien décidée à dormir

jusqu’à midi...

MARDI

... Sybille se réveille encore plus tôt que la

veille !

— C’est pas vrai !

Elle descend dans la cuisine sans prendre la

peine de s’habiller. Son pyjama informe laisse

dépasser l’une de ses épaules. Ses cheveux en

pétard la font ressembler à un personnage de

manga. Son visage chiffonné révèle sa

mauvaise nuit.

— Ben, alors, ma chouquette ? s’inquiète

Mamie. Tu as fait un cauchemar ?

Sybille grommèle. Pas envie de parler.

— Je sais ce qui te ferait du bien, continue

sa grand-mère. Faire le tour des poules pour

ramasser les œufs ! S’il y en a assez, on

pourrait faire un gâteau ensemble, qu’est-ce

que tu en penses ?

— Si tu veux.

Elle n’est pas convaincue, mais sa grand-

mère a de l’enthousiasme pour deux.

Un peu avant neuf heures, elles se retrouvent

donc toutes les deux dans la cour. Les poules

viennent courir autour des jambes de leur

propriétaire, s’attendant à ce qu’on leur donne

du grain.

— Mais oui, mais oui, ça vient !

Sybille se détend un peu. Elle a même envie de

rire en réalisant que les poules s’adressent à sa

grand-mère et que la vieille dame leur répond

comme si elle les comprenait.

— Tu parles leur langage, Mamie ?

— C’est le ton de la voix qui est important

avec les animaux... et puis, je les ai toutes

vues naître alors elles doivent me prendre

pour leur maman !

Grand-mère et petite-fille se mettent à rire.

Soudain, un éclat doré illumine le toit de la

grange. Sybille retient son souffle. Il est revenu !

Mamie ne semble s’apercevoir de rien : elle

continue sa petite routine auprès de la basse-

cour. Sybille s’éloigne à grandes enjambées

pour rejoindre le garçon brillant. Elle ne le

quitte pas des yeux de peur qu’il disparaisse à

nouveau.

— Salut ! lance-t-elle une fois à portée de voix.

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Qu’est-ce que tu fais là ?

Le garçon baisse les yeux vers elle et lui sourit.

Le cœur de Sybille se met à cogner dans sa

poitrine. Comme il ne répond pas, elle se dit

qu’il ne parle peut-être pas français. Alors elle

applique le conseil de sa grand-mère en

choisissant un ton rassurant. Elle se montre du

doigt et articule :

— Sybille.

Puis elle pointe le doigt vers le garçon.

— Et toi ?

Il semble parcouru d’une étrange vibration qui

secoue ses deux jambes. Son sourire s’efface.

Ses yeux se détachent de Sybille et se mettent à

fixer l’horizon. On dirait qu’il lutte contre

quelque chose à l’intérieur de lui. Avec un

effort, il parvient à poser une main sur son

torse brillant et à murmurer :

— Hélios.

Puis la vibration s’amplifie à tel point que ses

jambes disparaissent. Sybille cligne des yeux.

Ce n’est pas possible !

Hélios se met à courir si vite qu’il dévale le toit

de la grange, traverse la cour, et ressemble à un

point lumineux à l’horizon en une fraction de

seconde.

— Attends !

— À qui parles-tu, ma puce ? demande sa

grand-mère de loin. Et qu’est-ce que tu fais

près de la grange ? Le poulailler, c’est par là

!

— J’arrive.

Cette fois-ci, une drôle d’impression parcourt

la jeune fille. Elle est triste qu’Hélios soit parti,

mais n’est pas déçue de la rencontre. « Au

moins, je sais qu’il existe, qu’il a un nom... et

qu’il s’arrête tous les matins à neuf heures sur

le toit de la grange ! » Sybille sourit. Elle sait

déjà où elle sera le lendemain matin.

Tandis qu’elle se laisse porter par la

bienveillance de sa grand-mère et l’ambiance

paisible de la campagne, son esprit se pose

mille questions sur ce garçon qui ne semble

pas tout à fait humain.

MERCREDI Au petit-déjeuner, Sybille prévient ses

grands-parents qu’elle a envie d’aller courir

un peu dans la campagne. Elle a déjà enfilé

son survêtement et ses baskets. Ses cheveux

sont relevés en queue-de-cheval, et la

détermination brille au fond de ses yeux.

— C’est important pour ne pas perdre mon

endurance ! argumente-t-elle en rappelant

ses bons résultats aux dernières

compétitions d’athlétisme. Elle est

meilleure sur de courtes distances, mais

ça ne l’empêche pas de s’entraîner à

courir longtemps pour gérer sa

respiration.

— Tu es censée te reposer, répond son

grand-père en fronçant les sourcils.

— Mais ça me fait du bien de courir ! Et je

ne forcerai pas. Promis.

— Toute seule ? demande Mamie,

inquiète.

— Je ne risque pas de me perdre ! Il n’y a

que deux routes, ici !

Les grands-parents se consultent du regard.

Sybille se mord les lèvres en vérifiant la

pendule. Il est bientôt neuf heures... il faut

qu’ils disent oui !

— Bon, finit par céder Papy. Mais pas plus

loin que le village !

— Cool ! Vous êtes les meilleurs !

Elle se lève d’un bond, les embrasse tour à

tour et file dehors.

Maintenant, il lui reste une autre étape :

monter sur le toit de la grange sans se faire

voir. Et sans se casser une jambe.

Elle a interrogé son grand-père, l’air de rien,

la veille, pour s’assurer que c’était sans

danger... même si Hélios se tient debout à cet

endroit tous les jours, Sybille n’est pas sûre

de la solidité de l’édifice : le garçon

lumineux ne pèse peut-être rien du tout ! Il a

une incroyable façon de courir, et une vitesse

hors du commun, alors Sybille est de plus en

plus convaincue qu’il s’agit d’un extra-

terrestre.

Après un coup d’œil en direction de la

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maison, elle contourne la grange et grimpe

sur les balles de foin entassées là. Elle se

hisse à la force des bras et lève une jambe

pour accéder au toit.

« Merci les barres asymétriques ! »

Elle se frotte les mains en souriant puis

avance prudemment là où les tuiles du toit se

rejoignent. Là où la structure est la plus

solide.

« Trop facile. Merci la poutre ! »

Elle s’assoit et attend.

Sybille regarde sa montre toutes les dix

secondes entre 8h57 et 8h59. Son impatience

grandit. Son excitation aussi. Bientôt, il sera

là !

Elle scrute l’horizon. Se retourne pour

vérifier s’il pourrait arriver derrière elle... et,

quand elle reprend sa position, elle aperçoit

enfin un point lumineux qui se rapproche à

grande vitesse.

À 9h pile, Hélios s’arrête sur le toit de la

grange, comme les matins précédents. Le

garçon ne cache pas sa surprise et, très vite,

un grand sourire illumine son visage doré.

— Sybille ?!

— Salut, Hélios !

— Qu’est-ce que tu fais là ?

— Je t’attendais.

— Je... ne peux pas rester longtemps.

Il regarde l’horizon vers lequel il va bientôt

disparaître. Sybille se lève et lui fait face. Ils

ont la même taille, tous les deux. La lumière

qui émane d’Hélios réchauffe le visage de la

jeune fille qui se sent éblouie de le voir si

près.

— Ne pars pas ! supplie-t-elle. J’ai tellement

de questions à te poser...

— Je suis obligé. Je ne peux pas rester au

même endroit plus de quelques

secondes.

Il a l’air triste en expliquant cela.

— Pourquoi ? Tu n’as pas le droit ?

— C’est mon corps, avoue-t-il en montrant

ses jambes qui vibrent déjà. Il m’en

empêche. Je cours toujours, en m’arrêtant

de temps en temps... mais pas

longtemps.

— Pourquoi tu fais ça ?

Hélios dévisage Sybille comme s’il ne

comprenait pas la question. Comme si la

réponse était évidente.

— C’est ce que je suis.

— Mais... tu es qui ? Ou quoi ?

La vibration des jambes d’Hélios s’amplifie.

Il va bientôt s’en aller, qu’il le veuille ou

non. Le mouvement gagne son bassin et

l’entraîne déjà vers l’horizon. Il se retourne

pour répondre en souriant :

— Je suis le fils du Soleil !

Sybille encaisse le choc, la bouche grande

ouverte de surprise. Elle a du mal à y croire.

Pourtant, c’est aussi logique que s’il

s’agissait d’un extra- terrestre, après tout !

Quand elle reprend ses esprits et saute sur les

balles de foin pour descendre du toit, Hélios

est déjà loin. Elle se met à courir à toute

vitesse pour tenter de le rattraper mais finit

par s’arrêter pliée en deux par un point de

côté. Elle a mal géré le démarrage et sa

course.

Elle grimace.

« Demain, je serai prête. »

Toute la journée, elle tourne et retourne

l’aveu d’Hélios dans son esprit. Le fils du

soleil ! C’est incroyable.

Pour assurer à ses grands-parents qu’elle se

repose après sa matinée d’efforts sportifs –

elle a quand même couru jusqu’au village

avant de revenir – elle investit le bureau-

bibliothèque de son grand-père pour l’après-

midi. Son but ? Trouver tous les

renseignements possibles sur la nature

d’Hélios. Bien calée dans l’énorme fauteuil

en velours vert, elle consulte des livres

d’astronomie, de mythologie grecque, ou des

histoires sur l’Égypte ancienne. Elle trouve

beaucoup d’éléments liés au soleil et aux

dieux qui l’ont incarné dans l’esprit des

Hommes depuis toujours, mais rien qui

ressemble à ce qu’elle vient de vivre.

Il y a bien Apollon qui conduit son char dans

le ciel du matin au soir pour permettre au

soleil de se lever et se coucher, mais Hélios,

lui, semblait tiré par la course de l’astre

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6

plutôt que l’inverse.

— Tu trouves ton bonheur ? demande Papy

en passant devant le bureau. Sybille est à

quatre pattes devant un rayonnage où elle

pense découvrir des informations sur les

croyances des Incas.

— Heu...

Elle s’assoit sur ses talons et jette un regard

en coin à l’ordinateur.

— Je pourrais faire une recherche sur

Internet ? demande-t-elle en sachant

pertinemment que ses parents l’ont

interdite d’écran pour la semaine. Son

grand-père entre en regardant autour de

lui, comme un comploteur.

— Techniquement, tu n’as pas le droit...

mais rien ne m’empêche MOI de taper

quelque chose que tu m’aurais dicté !

Ses yeux brillent de malice.

— J’ai eu raison de t’offrir cette tasse Super

Papy pour ton anniv ! répond Sybille,

toute contente.

— Alors, qu’est-ce qu’on cherche ?

demande-t-il en s’installant à

l’ordinateur.

Sa petite-fille se tord les mains en

approchant. Elle ne peut pas lui dire la vérité,

sinon il s’inquiéterait...

— C’est pour un exposé, bredouille-t-elle.

On travaille sur le soleil à l’école et je

cherche des infos sur un type nommé «

Hélios ».

Papy tape dans la barre de recherche en

marmonnant :

— Tu n’es pas censée avancer tes devoirs

cette semaine, il me semble...

— Oui, mais c’est que ça m’intéresse aussi !

Quelques secondes plus tard, une liste de

liens s’affiche sur l’écran. Papy siffle.

— Hé ben, tu as de quoi faire !

Il lui laisse finalement sa place.

— Pas longtemps, sinon ta grand-mère va

me tuer !

Sybille l’embrasse sur la joue et clique sur le

premier lien. Pendant ce temps, son grand-

père fouille dans un coin d’étagère qui était

inaccessible à la jeune fille.

— Dites donc ! Qu’est-ce que vous

trafiquez, tous les deux !

Pris en flagrant délit ! Mamie se tient dans

l’encadrement de la porte, les poings à la

taille. Papy a l’air tout penaud. Sybille n’a

pas le temps de se justifier, Mamie lui

désigne la sortie.

— Va te laver au lieu de t’abîmer les yeux !

La jeune fille obéit, tête basse.

Mais, quand elle passe près de Papy, il lui

glisse un nouveau livre sur le sujet qui

l’intéresse. Ils échangent de discrets clins

d’œil avant de quitter le bureau.

JEUDI

— Salut, Hélios.

— Sybille ! Tu es revenue !

— Oui, et cette fois-ci, je cours avec toi ! Tu

crois que tu pourras ralentir l’allure pour

m’attendre ? Je ne suis pas aussi rapide que

toi...

— Je vais essayer ! répond-il, ravi de la

proposition. Tu sais, je n’ai pas l’habitude de

parler...

— À une fille ?

Hélios secoue la tête.

— À personne, répond-il.

— Même pas à ton père ? continue Sybille le

cœur battant en essayant d’en savoir plus

sur les origines du garçon.

Il lève les yeux vers le ciel, où brille un beau

soleil de printemps.

— Lui et moi... on se ressent. On n’a pas

besoin de se parler.

— Quand même, tu es son fils !

— L’un de ses fils, corrige Hélios. Nous

sommes nombreux à courir et il est lié à

tous. Oh ! Ça recommence !

Les vibrations des jambes d’Hélios

reprennent. Sybille saute sur les bottes de

paille pour rejoindre le sol, prête à emboiter

le pas au garçon. Il n’attend pas d’être

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« aspiré » vers l’horizon, cette fois-ci. Il

choisit de partir et modifie ses foulées pour

ralentir. Sybille sprinte pour le rejoindre.

Hélios, qui va encore trop vite, freine au

maximum. Ça lui demande un gros effort car

l’attraction du soleil qui l’oblige à aller de

l’avant est forte. Dès qu’il le peut – sur un

toit voisin – il s’arrête à nouveau. Sybille ne

grimpe pas mais s’arrête aussi pour reprendre

son souffle.

— Comment pouvez-vous être plusieurs, tes

frères et toi, alors que je ne vous ai jamais

vus ! s’exclame-t-elle.

— Nous sommes des milliers ! Mais il faut

savoir où regarder...

Les vibrations reprennent. Sybille court.

Hélios aussi. Il arrive de mieux en mieux à

rester près de la jeune fille. Au toit suivant,

elle demande :

— Et il n’y a aucun moyen que tu arrêtes de

courir plus de quelques secondes ?

— Hélas, non, soupire Hélios. C’est pour

ça que je suis si seul...

Une idée lumineuse semble lui traverser

l’esprit et il explique :

— Je connais quelqu’un qui a trouvé une

solution pour rester plus longtemps...

c’est mon cousin Zéphyr.

— Qui est-ce ?

— L’un des fils du vent ! répond Hélios

avec fierté. Viens !

Ils repartent au même rythme.

Sybille est fascinée par l’histoire d’Hélios.

Elle s’imagine à sa place, obligée de courir

du matin au soir... peut-être même sans

s’arrêter, car il fait toujours jour quelque part

sur Terre ! Et sans amis, sans famille telle

qu’elle la connaît... Pas étonnant qu’il se

sente seul.

Elle aimerait l’aider. Trouver un moyen de

rester plus longtemps auprès de lui. Peut-être

que ce fameux cousin pourra leur donner des

idées ?

Hélios bifurque avant d’arriver au village. Il

quitte la route principale pour courir dans un

champ. Sybille n’est pas rassurée, ses grands-

parents lui ont bien dit de ne pas traverser les

propriétés voisines pour ne pas abîmer leurs

cultures...

— C’est encore loin ? demande-t-elle,

inquiète de s’éloigner.

— Juste là-bas !

Hélios désigne les immenses éoliennes

plantées en haut de la colline qui surplombe

la vallée. « Le fils du vent... les éoliennes...

»

— C’est ça, son moyen de rester ? demande-

t-elle sans cesser de courir.

Hélios acquiesce.

— — Je n’ai pas trouvé d’équivalent pour

moi...

Sybille franchit les derniers mètres qui la

séparent de la colline. Elle est épuisée et ne

pourra pas suivre Hélios encore longtemps.

Mais elle n’en a pas besoin : elle lève les

yeux et découvre, entre les pales qui

tournent lentement, la silhouette bleutée

d’un jeune garçon aux cheveux ébouriffés

qui vole en tourbillonnant sur lui-même. Il

est presque transparent et, si Sybille ne

savait pas qu’il était là, elle ne l’aurait pas

vu.

— C’est lui, Zéphyr ?

— Salut, cousin ! crie Hélios.

L’autre lui fait un geste de la main. Sa

façon de voler au travers des pales de

l’éolienne fait penser aux hamsters qui

jouent dans leur roue.

On dirait qu’il s’amuse bien.

Mais le fils du vent écarquille grand les yeux

en découvrant la présence de Sybille.

— On ne doit pas se lier aux humains ! crie

Zéphyr à Hélios en guise

d’avertissement. Tu n’aurais pas dû

te montrer à elle !

— C’est elle qui m’a découvert, se justifie le

fils du soleil. Elle habite sur mon trajet...

Zéphyr n’a pas l’air content. Il répond

durement :

— Hé bien change de trajet.

Et il file dans le ciel la tête la première, bras

plaqués contre son corps. Sybille vacille sous

l’effet de la bourrasque et les paroles du

garçon. Les jambes d’Hélios se remettent à

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vibrer.

— Tu reviendras demain ? demande la jeune

fille.

— Je ne sais pas.

La tristesse d’Hélios le rend un peu moins

lumineux. Sa peau est plus terne et l’éclat

doré qui émane de lui perd son intensité.

— Je n’habite pas là, tu sais, dit encore

Sybille pour le convaincre. Je suis en

vacances chez mes grands-parents. Moi

j’habite...

Elle n’a pas le temps de lui donner le nom de

sa ville, située à plusieurs heures de route,

qu’Hélios repart en courant. Il semble laisser

derrière lui une perle de lumière qui fond

avant de toucher le sol.

Sybille examine l’herbe, là où la goutte est

tombée, et murmure :

— Une larme ?

C’est décidé : elle va trouver un moyen de

contourner les règles pour qu’Hélios puisse

être heureux.

À peine rentrée, elle se met à poser des

questions au sujet du vent et des éoliennes.

Elle parle tellement vite que ses grands-

parents la tempèrent :

— Du calme, ma chouquette ! Qu’est-ce que

tu veux savoir, au juste ?

— Je veux savoir comment ça fonctionne !

— Comme les anciens moulins, répond Papy.

Sauf qu’au lieu d’utiliser la force du vent

immédiatement, un générateur la transforme

en électricité qui est stockée ou envoyée dans

le réseau électrique... La réponse la satisfait

moyennement.

— Et pour le soleil ? demande encore

Sybille.

— Hé bien quoi ?

— On peut... aspirer son énergie, comme

celle du vent ? Mamie se met à rire.

— Il faut bien que tu comprennes qu’on ne

prend pas l’énergie du vent ou du soleil. On

ne « l’aspire » pas comme on le ferait en

prélevant dans une réserve qui, une fois

vidée, serait à sec. C’est ce qu’on appelle les

énergies renouvelables, car elles sont

inépuisables ! C’est un peu... comme un

cadeau de la nature pour nous aider à vivre

mieux !

— Et pour répondre à ta question sur le

soleil, complète Papy, il existe des panneaux

photovoltaïques.

— Photo... quoi ? demande Sybille, les

sourcils froncés.

— Des panneaux solaires, si tu préfères. Tu

en as sûrement déjà vus. Ce sont de grandes

plaques qui sont posées sur le toit des

maisons, des parkings, des centres

commerciaux ou même dans des champs !

— Les rectangles noirs, c’est ça ?

— Oui ! répond Mamie. Si tu les voyais de

plus près, tu constaterais qu’il s’agit de

dizaines de cellules assemblées. On peut s’en

servir pour produire de l’électricité à partir de

la lumière du soleil, comme les éoliennes

pour le vent...

— Et puis, tu sais, il paraît qu’on construira

même des routes en panneaux solaires, dans

le futur !

Sybille ne se projette pas aussi loin. Elle, elle

ne pense qu’à Hélios et au lendemain matin.

Est-ce que ces fameux panneaux solaires

pourraient lui permettre de « s’accrocher »

plus longtemps ? Est-ce que le garçon-soleil

reviendra la voir malgré les mises en garde

de son cousin ?

« J’espère qu’il sera là et qu’on pourra

essayer ! »

Elle regarde ses grands-parents et demande

:

— Et pourquoi vous n’en avez pas, vous, si

c’est un si chouette cadeau de la nature

?

Les grands-parents se regardent, gênés.

— Heu... on y pensait...

— Mais on n’a jamais pris le temps de faire

les démarches...

— Vous connaissez quelqu’un du coin qui

l’a fait ? interroge Sybille en cherchant

un bon endroit pour son test du

lendemain.

— Au village, ils ont équipé l’école primaire

l’année dernière.

— Et la mairie est en cours de rénovation

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aussi...

Papy réfléchit puis donne quelques noms de

voisins disséminés dans la campagne. Il

conclut par :

— Je crois que l’élevage de juments qui

s’est installé à la frontière du département a

une super installation photovoltaïque... le

gars qui tient ça fait même visiter. Je pourrais

aller lui poser des questions.

Sybille acquiesce :

— C’est une bonne idée. Et tu sais quoi ? Tu

devrais en mettre sur le toit de la grange.

Ce serait top.

— On va y réfléchir, promet Mamie devant

l’immense sourire de sa petite- fille.

VENDREDI

Sybille est nerveuse dès son réveil. Elle

attend 9h du matin avec une impatience

mêlée d’anxiété.

« Et si Hélios ne venait plus ? »

Ils se connaissent à peine. Pourquoi

n’écouterait-il pas l’avertissement de

Zéphyr ?

Elle fait des étirements dans la cour en

scrutant l’horizon. Elle a le pressentiment

qu’il ne se montrera plus... et pourtant, à

l’heure prévue, la lumière enfle au loin.

— Je voulais te revoir, avoue Hélios

timidement pour justifier sa présence. Le

sourire immense de Sybille confirme qu’il a

eu raison de braver l’interdit.

— J’ai peut-être trouvé une solution pour te

permettre de rester plus longtemps, annonce

la jeune fille. Tu me suis ?

— D’accord !

Sybille part devant, en direction du village.

Durant tout le trajet, Hélios pose des

questions pour en savoir plus, mais n’obtient

rien de sa nouvelle amie : elle veut garder la

surprise, et surtout ne pas lui donner de faux

espoirs au cas où son plan ne fonctionne

pas. Finalement, ils arrivent en vue de

l’école primaire, fermée pour les vacances.

Un grand portail blanc en barre l’entrée.

Sybille vérifie que personne ne l’observe aux

alentours et se hisse à la force des bras pour

le franchir. Hélios est déjà de l’autre côté.

— Vite ! supplie-t-il en se sentant obligé de

courir.

— C’est là ! indique Sybille en désignant les

panneaux solaires installés sur le toit. Tu vois

les plaques noires ?

Hélios avance sur les tuiles, inquiet.

— Tu es sûre que je peux aller là-dessus

? — C’est fait pour !

Le garçon doré pose un pied, puis l’autre. Le

cœur de Sybille cogne fort dans sa poitrine.

Elle a peur qu’il se mette à fondre dans le

panneau et disparaisse à tout jamais. Ses

grands-parents ont dit que cela n’aspirait pas

l’énergie, mais...

— C’est incroyable ! s’écrie Hélios, ravi.

Mes jambes ne vibrent plus ! Il s’assoit,

puis s’allonge les bras tendus. On dirait un

enfant qui dessine des anges dans la neige en

battant des bras et des jambes.

— Alors, ça fonctionne ? Tu peux rester ?

— Pas pour toujours, répond Hélios. Je sens,

au fond de moi, le besoin de courir. Mais je

peux le contrôler, me reposer un peu... je

repartirai tout à l’heure. Tu veux venir ? Il

lui fait signe qu’il y a de la place pour deux

sur les panneaux.

Sybille regarde dans la cour pour trouver un

moyen de monter, mais elle sait bien que

c’est trop dangereux.

— Il vaut mieux que je reste en bas, assure-t-

elle. Au moins, on peut se parler !

— Et ça, c’est vraiment bien, confirme

Hélios, ému, en s’asseyant pour la regarder.

Merci, Sybille. Merci de m’avoir offert du

temps. Et ton amitié. Elle rougit de plaisir.

Confuse, elle bredouille :

— En échange, tu peux me raconter ta vie ?

— Ma vie ? Ma vie...

Alors, Hélios explique cette tâche qu’il

accomplit depuis toujours et pour toujours,

cette course infinie autour du globe sans

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jamais voir ni soir ni matin. Il raconte les

pays qu’il traverse et les édifices humains qui

évoluent au fil du temps. Il parle des

Hommes et des animaux. Des mers, des lacs,

des rivières. Des montagnes et des vallées.

Les yeux de Sybille brillent. Elle aimerait

voir tout ça.

Il parle encore, assoiffé de pouvoir enfin

partager sa vision du monde avec quelqu’un

qui l’écoute et cherche à le comprendre. Il

parle des autres enfants du soleil, qui

parcourent leurs propres chemins sans

échanger plus de quelques mots. Ces

émotions communes qui les traversent et son

besoin de rencontrer une personne avec

laquelle il aurait un lien différent. Unique. Il

raconte la liberté du vent, et ces mots qu’ils

échangent parfois lorsqu’ils se croisent,

Zéphyr et lui, au-dessus de l’océan ou en

plein désert.

Il s’arrête soudain, comme s’il était à court

de mots.

— Qu’est-ce qui se passe ? demande

Sybille.

— Un peu à toi de me raconter ta vie !

répond-il avec un sourire.

— Il n’y a pas grand-chose à dire...

Ce n’est pas ses entraînements de gym ou

d’athlétisme qui vont épater le garçon-soleil !

Elle se sent insignifiante face à ce qu’il vient

de lui décrire.

— Je suis une fille normale, qui mène une

vie banale... peut-être un peu trop remplie

d’activités extrascolaires, mais à part ça,

je vais à l’école, je fais mes

devoirs... Elle hausse les épaules.

Hélios s’allonge sur les panneaux solaires.

On dirait qu’il bronze.

— Ah, l’école... Qu’est-ce que j’aimerais

pouvoir y aller...

Devant son air ahuri, elle explique en

englobant les bâtiments et la cour d’un large

mouvement de bras :

— C’est une école primaire, ici ! Il te suffit

de venir t’asseoir pour écouter les

leçons des humains, si tu y tiens tant !

Hélios se détend.

— Mais...

— Oui ?

— Tu n’habites pas ici, n’est-ce pas ?

demande Hélios en se souvenant de ce

qu’elle avait essayé de lui dire la veille.

Sybille secoue tristement la tête et confirme

:

— Je ne suis ici qu’en vacances. D’ailleurs...

je m’en vais demain.

Elle avait oublié que la semaine s’était

écoulée aussi vite. Elle qui pensait s’ennuyer

n’avait pas vu le temps passer.

— Et ton école, dans ta ville, elle a des

panneaux solaires pour moi ?

— Je ne sais pas, répond Sybille. Je n’y ai

jamais fait attention... Tu pourrais venir

vérifier ?

Elle lui explique où se trouve sa ville, sa

maison et son école.

Hélios réfléchit longuement, puis il répond :

A partir d’ici, à toi d’écrire la

suite de l’histoire.