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Naevus congénitaux : faut-il les enlever ? Sylvie Fraitag Hôpital NeckerEnfants-Malades, APHP, 75015 Paris, France Correspondance : Sylvie Fraitag, APHP, hôpital Necker-Enfants-Malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France. [email protected] Disponible sur internet le : 17 décembre 2012 Congenital naevi: Should we remove them? Les naevus congénitaux (NC) sont des tumeurs mélanocytaires présentes à la naissance ou apparaissant tôt dans la vie, de couleur brune, plus ou moins foncée. La classification la plus commune est basée sur la taille qu’ils feront à l’âge adulte en extrapolant par rapport à la taille mesurée sur la peau du nouveau-né, ceci en tenant compte des variations anatomiques. En effet, ils grandissent avec l’enfant, mais de façon variable selon les zones du corps : on estime qu’ils s’élargissent de 1,7 fois sur la tête, de 2,8 fois sur le tronc et les extrémités supérieures, de 3,4 fois sur les membres inférieurs. Compte tenu de leur taille projetée à l’âge adulte (PA), les « petits » naevus congénitaux sont définis comme ayant moins de 1,5 cm PA et les NC intermédiaires de 1,5 à 19,9 cm PA [1]. Les NC de grande taille mesurent de 20 à 40 cm à l’âge adulte ce qui correspond à un naevus de plus de 7 cm sur le tronc ou les extrémités d’un nouveau-né ou plus de 12 cm sur la région tête et cou d’un nouveau-né. Enfin les NC géants mesurent plus de 40 cm PA, ce qui correspond d’emblée à une lésion de plus de 14 cm chez un nouveau-né. D’autres classifications ont été proposées prenant en compte le pourcentage de la surface corporelle atteinte, la présence ou non de naevus satellites, la possibilité d’exérèse-suture en un temps ou même le caractère superficiel ou profond de l’envahissement dermo-hypodermique. Le naevus dit spilus est maintenant considéré comme une variété de naevus congénital. La pathophysiologie reste inconnue. On sait toutefois que les naevus de grande taille ont une signature moléculaire particulière par la présence de mutations de N-RAS alors que les naevus acquis ont habituellement des mutations de B-RAF [2]. Leur incidence varie très nettement en fonction de leur taille. Les petits NC sont très fréquents puisqu’on estime leur incidence à 1 % de tous les nouveau-nés, alors qu’elle est de seulement 1/ 1000 pour les NC de taille moyenne, 1/20 000 naissances pour les tumeurs de grande taille et 1/ 500 000 pour les géants [3,4]. La clinique des NC de petite taille et de taille intermédiaire est très polymorphe. Ils sont généralement plats, de couleur brun clair à foncée. Ils peuvent être papuleux, voire verruqueux Presse Med. 2013; 42: 127131 ß 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com 127 Éditorial tome 42 > n82 > février 2013 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2012.09.015

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Presse Med. 2013; 42: 127–131� 2012 Elsevier Masson SAS.Tous droits réservés.

en ligne sur / on line onwww.em-consulte.com/revue/lpmwww.sciencedirect.com

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Disponible sur internet le :17 décembre 2012

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tome 42 > n82 > février 2013http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2012.09.015

Naevus congénitaux : faut-il les enlever ?

Sylvie Fraitag

Hôpital Necker–Enfants-Malades, AP–HP, 75015 Paris, France

Correspondance :Sylvie Fraitag, AP–HP, hôpital Necker-Enfants-Malades, 149, rue de Sèvres, 75015Paris, [email protected]

Congenital naevi: Should we remove them?

Les naevus congénitaux (NC) sont des tumeurs mélanocytaires présentes à la naissance ouapparaissant tôt dans la vie, de couleur brune, plus ou moins foncée. La classification la pluscommune est basée sur la taille qu’ils feront à l’âge adulte en extrapolant par rapport à la taillemesurée sur la peau du nouveau-né, ceci en tenant compte des variations anatomiques. En effet,ils grandissent avec l’enfant, mais de façon variable selon les zones du corps : on estime qu’ilss’élargissent de 1,7 fois sur la tête, de 2,8 fois sur le tronc et les extrémités supérieures, de 3,4 foissur les membres inférieurs. Compte tenu de leur taille projetée à l’âge adulte (PA), les « petits »

naevus congénitaux sont définis comme ayant moins de 1,5 cm PA et les NC intermédiaires de1,5 à 19,9 cm PA [1]. Les NC de grande taille mesurent de 20 à 40 cm à l’âge adulte ce quicorrespond à un naevus de plus de 7 cm sur le tronc ou les extrémités d’un nouveau-né ou plus de12 cm sur la région tête et cou d’un nouveau-né. Enfin les NC géants mesurent plus de 40 cm PA,ce qui correspond d’emblée à une lésion de plus de 14 cm chez un nouveau-né. D’autresclassifications ont été proposées prenant en compte le pourcentage de la surface corporelleatteinte, la présence ou non de naevus satellites, la possibilité d’exérèse-suture en un temps oumême le caractère superficiel ou profond de l’envahissement dermo-hypodermique. Le naevusdit spilus est maintenant considéré comme une variété de naevus congénital.La pathophysiologie reste inconnue. On sait toutefois que les naevus de grande taille ont unesignature moléculaire particulière par la présence de mutations de N-RAS alors que les naevusacquis ont habituellement des mutations de B-RAF [2].Leur incidence varie très nettement en fonction de leur taille. Les petits NC sont très fréquentspuisqu’on estime leur incidence à 1 % de tous les nouveau-nés, alors qu’elle est de seulement 1/1000 pour les NC de taille moyenne, 1/20 000 naissances pour les tumeurs de grande taille et 1/500 000 pour les géants [3,4].La clinique des NC de petite taille et de taille intermédiaire est très polymorphe. Ils sontgénéralement plats, de couleur brun clair à foncée. Ils peuvent être papuleux, voire verruqueux

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avec des zones de couleur différente parfois foncée et de poilseux-mêmes souvent foncés. Ils sont alors très pénibles àsupporter au plan esthétique.Le même polymorphisme est observé avec les NC grands etgéants (NCGG). Ils ont la particularité d’avoir parfois des foyersnodulaires ou même franchement tumoraux correspondant soità des nodules de prolifération, soit à des lésions hamartoma-teuses. Ils sont également souvent le siège d’une hypertri-chose. Celle-ci est d’autant plus fréquente que le NC est degrande taille [5]. Ces NCGG sont volontiers situés à la partiepostérieure du tronc ou de l’extrémité céphalique mais peuventsiéger n’importe où, en particulier sur les extrémités. Ils sontparfois associés à des naevus satellites dispersés sur l’ensembledu tégument.La présentation histologique des NC est particulière, différentede celle des naevus acquis. Il est important de savoir que lescellules pigmentées siègent dans l’épiderme et le derme super-ficiel alors que dans la composante profonde les cellules sontgénéralement achromiques. Par ailleurs, plus un NC est étendu,plus il est infiltrant en profondeur. Les NC géants peuventinfiltrer non seulement toute la hauteur de l’hypoderme, maisencore l’aponévrose et le muscle sous-jacent. Ceci permet decomprendre que, d’une part, certaines équipes proposent desexérèses ou destructions superficielles afin d’éliminer lacomposante pigmentée du naevus, et d’autre part, qu’il estsouvent illusoire de penser qu’on peut pratiquer l’ablation d’unnaevus géant dans sa totalité sans être extrêmement mutilant,une partie de la composante profonde restant souvent en place.Par ailleurs les NC sont de grands simulateurs histologiques demélanomes, que ce soit des mélanomes nodulaires ou de typeSSM. Cela explique que le risque de transformation maligne desNC ait été très longtemps surévalué.L’évolution spontanée des NC est imprévisible. Certains de-viennent de couleur hétérogène ou, au contraire, plus homo-gène, certains développent des nodules mollasses, certainsfoncent mais surtout certains se couvrent d’une hypertrichoseet d’autres se dépigmentent. En effet, un certain nombre de NCs’éclaircissent spontanément dans les premières années de vieet peuvent même sembler disparaître de façon spectaculaire enparticulier les NCG. Ce phénomène est très important àconnaître car cela doit être pris en compte dans la décisionde pratiquer l’exérèse ou pas d’un NCGG [5–7]. Les naevus duscalp sont ceux qui ont le plus tendance à se dépigmenter [8,9].Ce phénomène correspond à une diminution, voire une dis-parition de la charge pigmentaire, les mélanocytes eux-mêmesrestant en place. Toutefois certains NC subissent une vraiedisparition, soit après la survenue d’un halo périphérique dedépigmentation (phénomène de Sutton, eczématisation) soitd’un vitiligo [1,6]. Par ailleurs, de nouveaux naevus satellitespeuvent se développer avec un pic à l’âge de 5 ans. Cedéveloppement est significativement lié à la taille du naevuset est indépendant de l’exérèse. Dans le cas des NCGG multi-

nodulaires, ces lésions peuvent se ramollir, s’éroder ou s’ulcéreret se surinfecter. Leur aspect peut alors être inquiétant clin-iquement et mimer un mélanome nodulaire.

Naevus congénitaux : quelles conséquences ?

Mélanose neurocutanéeLes NC grands et géants, surtout ceux siégeant sur la régioncéphalique et le dos, peuvent être associés à une mélanoseneurocutanée (MNC), c’est-à-dire une infiltration du systèmenerveux central (leptoméninges) par des cellules naeviques.Ces enfants sont prédisposés à des crises comitiales, unehypertension crânienne, des céphalées, une compression dela moelle épinière, un déficit du développement psychomoteuret au mélanome du système nerveux central. Un examen parIRM avec injection de gadolinium peut permettre de visualiserune MNC à condition qu’il soit fait précocement. Le pronosticdes enfants atteints de MNC est très mauvais, avec environ90 % de décès. Le principal marqueur de MNC est la présencede naevus satellites. La MNC est significativement corrélée aunombre de naevus satellites et à la taille du naevus (> 40 cm enPA) [6].

Risque de mélanome

Il a longtemps été surestimé essentiellement en raison de sesnombreux simulateurs au sein des naevus congénitaux. Il estdifférent selon la taille du NC. Toutes tailles confondues, lerisque moyen est très faible. L’analyse de 14 articles incluant untotal de 6571 patients atteints de NC de toutes les taillesmontre la survenue de 49 mélanomes chez 46 patients cequi met le risque absolu à 0,7 %. Une autre étude met le risqueà 1,25 % [3].Le risque est encore plus faible pour les NC de petite taille et detaille intermédiaire. En réalité, dans ce cas, le risque revient àêtre identique à celui de tout naevus acquis à activité jonction-nelle. La transformation, si elle survient, se fait bien après lapuberté, le plus souvent à l’âge adulte et sur le mode« classique » de type SSM, à partir d’une composante situéeà la jonction dermo-épidermique [5,10,11]. De même, leurpronostic est essentiellement fonction de leur épaisseur. Leurdétection précoce est donc tout à fait possible.Dans le cas des NCGG le risque est plus élevé, quoique toujoursfaible, proche de 4 %. Il semble proportionnel à la taille,d’autant plus élevé que le naevus est de grande taille. Lemélanome, s’il survient, est d’apparition précoce, souventavant l’âge de 10 ans, même de 5 ans. Lorsqu’il se développedans la peau au sein du NC, il le fait à partir de la composanteprofonde dans le derme réticulaire ou l’hypoderme sous unmode nodulaire. Par conséquent, sa détection précoce à unstade curable est pratiquement impossible. Par ailleurs, à peuprès la moitié des mélanomes se développent dans le systèmenerveux central ou ailleurs (rétropéritoine). Cela explique quecertains cas se révèlent par des métastases sans connaissance

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de mélanome primitif et que l’exérèse chirurgicale ne permettepas toujours d’éviter la survenue d’un mélanome. Dans unarticle récent [6], 301 patients ayant subi une exérèse chi-rurgicale ont été suivis pendant une longue période. Malgré lachirurgie, quatre d’entre eux ont développé un mélanome. Cesquatre patients avaient tous un NC géant de 60 cm de diamètreen projection adulte. Le pronostic de ces mélanomes déve-loppés sur NCGG est mauvais (70 % de décès dans les dixpremières années). Par ailleurs, d’autres tumeurs malignes sedéveloppant au sein de NCGG ont été décrites : rhabdomyo-sarcomes, liposarcomes, tumeurs malignes des gaines ner-veuses et autres sarcomes [1].

Les problèmes cosmétiques et leur retentissementpsychosocial

Ces problèmes sont bien sûr majeurs dans le cas de naevusgrands et géants. Plusieurs études ont montré que les diffi-cultés sociales existaient dans 30 % des cas et comportemen-tales dans 26 % des cas. Une autre étude montrait que plus dela moitié des familles avait l’impression que la présence decette affection entraînait le rejet de l’enfant. De nombreusesfamilles essayaient d’ailleurs d’effacer le NCGG de leurmémoire collective et il n’existait en général pas de photode leur enfant avec le naevus. Et il était d’ailleurs frappantd’observer que les enfants opérés ne pouvaient souvent pasexpliquer la raison de leurs cicatrices. Le retentissement psy-chosocial est également important dans le cas de NC petits ouintermédiaires, lorsqu’ils surviennent sur des zones du corpsexposées au regard, telles que le visage ou les mains [1,12].

Naevus congénitaux : quelle prise en charge ?

Il n’y a pas de consensus et elle doit être discutée au cas par caspour chaque patient, au mieux dans le cadre d’une consultationmultidisciplinaire comprenant des dermatologues pédiatres, deschirurgiens, des neuroradiologues, des psychologues et en te-nant compte de l’opinion des parents. Ce sont eux et/ou l’enfantqui doivent prendre la décision finale après une explicationdétaillée de tous les avantages et les inconvénients. La décisiond’enlever ou pas un NC dépend de nombreux facteurs : âge, taille,siège, facilité de surveillance, aspect clinique, impact psychoso-cial, vécu des parents, présence d’une MNC, prise en compte d’unéclaircissement spontané possible de la lésion et du risque decicatrices inesthétiques. De même, si une exérèse est décidée,l’âge auquel il est préférable de la pratiquer et le choix de latechnique sont aussi discutés au cas par cas, avec la famille etaussi avec l’enfant s’il est assez grand.Idéalement le meilleur traitement serait celui qui permettraitde supprimer totalement le risque de survenue d’un méla-nome, ce qui reviendrait à ôter toutes les cellules naeviques, etde maintenir une fonction adéquate, ceci avec des résultatscosmétiques satisfaisants et sans risque lié aux anesthésies etaux interventions chirurgicales répétées. Or il paraît évident

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que ceci n’est possible que pour les NC petits et de tailleintermédiaire.Schématiquement dans le cas des NC de petite taille et de tailleintermédiaire, un simple suivi clinique régulier annuel ad vitam

aeternam peut être proposé, en particulier si la lésion est situéedans une zone facile à examiner, ce qui n’est pas le cas du cuirchevelu, des organes génitaux ou des plis. Une exérèse esttoutefois souvent plus simple et moins anxiogène surtout si lalésion est extirpable en une ou deux fois.Il a été montré que cela coûtait également moins cher. En effet,le coût des exérèses chirurgicales a été comparé à une sur-veillance clinique ad vitam aeternam. Le coût médian de lachirurgie est sensiblement identique à celui d’un suivi cliniqueeffectué tous les 4 ans par un dermatologue ad vitam aeternam

dans une capitale européenne (Madrid). En cas de suivi tous les2 ans, il serait comparable au coût d’une chirurgie en deuxtemps, et en cas de suivi annuel au coût de la chirurgie en 3 ou4 temps [13].Dans le cas où une décision d’exérèse est prise, étant donné lerisque très bas et tardif de transformation en mélanome, l’actepeut en être retardé jusqu’à ce que l’enfant soit assez grandpour supporter une anesthésie locale ou même qu’il puissedonner son avis. En pratique, on tient compte du retentisse-ment esthétique et on propose systématiquement une excisiondes naevus situés dans des zones exposées au regard (visage,dos des mains). La décision d’extirper les autres NC tientcompte du désagrément esthétique et de la perception del’enfant vis-à-vis de sa lésion.Dans le cas des NC grands et géants, le problème est tout à faitdifférent. Ces lésions nécessitent toujours des procédures chi-rurgicales compliquées et répétées car elles ne peuvent êtreenlevées en un seul temps thérapeutique. En effet, de deux à25 interventions peuvent être nécessaires, en moyenne 5,44[6]. Par ailleurs ces exérèses, même les plus complètes pos-sibles, laissent généralement en place du tissu naevique rési-duel en profondeur à partir duquel un mélanome peut sedévelopper. Même s’il paraît théoriquement possible de penserqu’en réduisant la masse tumorale on réduise le risque d’ap-parition d’un mélanome, ceci n’a jamais été prouvé, d’autantqu’une proportion de ces mélanomes se développe dans letissu nerveux central ou dans d’autres tissus. Par conséquent, ilfaut considérer la décision de pratiquer l’exérèse d’un NCGGcomme essentiellement basée sur des considérations cosmé-tiques.Les différentes options incluent :� la chirurgie : exérèse totale de toute l’épaisseur du naevus

grâce à une greffe de peau totale, des exérèses-suturesitératives, éventuellement en position forcée, après posed’expandeurs cutanés, avec mise en place de derme artificielsuivi d’une greffe de peau mince (Intégra, Matriderm) [9,12],exérèse de la partie superficielle du NC : dermabrasions,curetages précoces ;

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� les destructions superficielles par : peelings chimiques oulaser qui peut être, en outre, utile dans la prise en charge del’hypertrichose.

Les complications de l’anesthésie et les complications précocesde la chirurgie doivent être prises en compte. Les complicationsde l’anesthésie sont surtout observées avant 1 an : arrêtcardiaque, hypoxie, anomalies du développement neurologi-que avec difficultés à l’apprentissage en cas d’anesthésieprécoce avant 6 mois [5]. Ces effets secondaires sont toutefoisexceptionnels et controversés. Les risques de la chirurgieprécoce sont l’hémorragie, les infections, des retards à lacicatrisation, des brides cutanées, des complications secon-daires à l’utilisation d’expandeurs cutanés. Les complicationstardives sont surtout représentées par les résurgences pigmen-taires partielles ou totales au sein de la cicatrice ou en péri-phérie de celle-ci. Cette résurgence survient généralement 3 à24 mois après l’intervention et semble plus fréquente lorsquel’enfant est opéré précocement (moyenne d’âge huit mois) etlorsque le naevus concerné est situé dans la région « tête etcou » [9]. Cet inconvénient est modulé par le fait que cettepigmentation disparaît le plus souvent spontanément.Pour certains, ce geste pourrait même entraîner des réactionsadverses en modifiant le comportement naturel des cellulesnaeviques :� en cas d’exérèse partielle on observerait une hyperpigmen-

tation de la lésion restante au lieu de l’éclaircissementspontané attendu ;

� la pose d’expandeurs entraînerait le développement denouvelles lésions satellites. Ce phénomène ne se verrait pasavec d’autres techniques [6] ;

� 28 % des patients ayant eu une exérèse pourtant totale de lalésion développent de nouveaux naevus en périphérie de lacicatrice, parfois même après plusieurs années ;

� plus grave, l’ablation chirurgicale favoriserait dans certainscas l’émergence d’un clone [7,14].

Les résultats de la chirurgie des NCGG peuvent être jugés tout àfait satisfaisants au plan esthétique et il a été montré que laplupart des familles jugeaient préférables d’avoir des cicatricesmême disgracieuses qu’un grand NC. La même équipe montraitdans cette étude que malgré des interventions multiples, lesenfants avaient une scolarité et des activités extrascolairesnormales ainsi qu’un développement normal et une vie socialesatisfaisante [9,12].Toutefois, il peut arriver que les séquelles cicatricielles soientjugées difficiles à supporter à l’âge adulte comme, parexemple, de grandes chéloïdes, des atrophies, des cicatrices

prurigineuses, irritantes ou déformant la silhouette [15].Les techniques de pose de derme artificiel suivie de greffeont de beaucoup amélioré la qualité de ces cicatrices qui sontmaintenant beaucoup plus souples. Leur prix est toutefois unfacteur limitant à leur utilisation.Par conséquent, la décision de pratiquer l’exérèse ou non d’unNCGG doit tenir compte des avantages et des inconvénients. Sion pense avoir une quelconque action préventive sur la surve-nue d’un éventuel mélanome, l’exérèse doit être faite préco-cement. L’intervention précoce a le mérite d’utiliser aumaximum les propriétés élastiques de la peau du nourrissonet de permettre l’intégration d’une image corporelle positive leplus tôt possible, en particulier avant la fréquentation del’école. Ces avantages doivent être comparés aux risques del’anesthésie précoce et aux risques de résurgences pigmen-taires (maximaux avant l’âge de 1 an) [4,7]. Bien sûr laprésence ou non d’une MNC doit être prise en compte systé-matiquement. Le pronostic étant en général très mauvais, onest moins tenté d’être interventionniste si l’enfant est atteintde MNC. Un développement neurologique anormal fait surseoirà l’intervention. Tous les enfants nés avec des lésions satellitesdoivent avoir un examen par IRM avec injection de gadoliniumdu cerveau et de la moelle épinière vers l’âge de 3 à 6 mois,ainsi qu’un examen neurologique complet et répété.Les avantages de l’exérèse chirurgicale précoce doivent aussiêtre comparés aux chances d’éclaircissement spontané de ceslésions qui alors sont souvent considérées comme esthétique-ment satisfaisantes par les parents. Par conséquent certainspréfèrent différer l’acte afin d’éviter les complications del’anesthésie générale et de pouvoir évaluer la survenue d’unéclaircissement spontané du NC.Si l’exérèse n’est faite qu’en vue d’une amélioration cosmé-tique, les techniques de destruction superficielle peuvent êtreégalement utilisées en sachant que la partie profonde de latumeur sera laissée en place, celle à partir de laquelle unéventuel mélanome peut se développer, et que des résur-gences pigmentaires sont fréquentes à moyen ou long terme.Enfin certaines associations de patients prônent l’abstentionchirurgicale totale et l’éducation des enfants à « vivre avec leurnaevus » et surmonter leur malformation [15]. Dans unebrochure américaine distribuée et diffusée sur Internet, il estdit que ces enfants seraient « plus fort, plus courageux, mieuxarmés dans la vie, moins matérialistes, plus gais et plus enclinsà la compassion envers autrui ».

Déclaration d’intérêts : l’auteur n’a pas transmis de déclaration de conflitsd’intérêts.

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