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1 Repères et documents Dossier pédagogique Napoléon et la Mer Repères et documents Autour de l’exposition présentée du 10 mars au 23 août 2004 au musée national de la Marine Napoléon et la mer un rêve d’empire Le souverain français qui a le plus navigué : 233 jours en haute mer de son vivant et 50 jours pour sa dernière traversée, depuis Sainte-Hélène et près de 80 jours de navigation pour le voyage aller et retour vers l'Égypte. Il est y habitué de par son origine insulaire, cependant il souffre du mal de mer… Dès l'arrivée de Bonaparte au pouvoir, la Marine constitue l'une de ses principales préoccupations : il entend construire une flotte aux dimensions de l'Europe. C’est bien d’une double histoire dont il s’agit : celle de la volonté et de la ténacité de Napoléon, et celle de la contribution des marins à ce rêve impérial. SOMMAIRE Un grand voyage : L’expédition d’Égypte 1798-1799 p. 2 Duels avec l’Angleterre p. 5 La guerre sur mer et vie à bord p. 7 Grandes batailles et prisonniers des pontons p. 9 La Marine de Napoléon p. 12 Derniers voyages p. 15 Bibliographie, sitographie : quelques références p. 17

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Napoléon et la mer Repères et documents

Dossier pédagogique

Napoléon et la Mer

Repères et documents Autour de l’exposition présentée du 10 mars au 23 août 2004

au musée national de la Marine Napoléon et la mer un rêve d’empire

▪ Le souverain français qui a le plus

navigué : 233 jours en haute mer de son

vivant et 50 jours pour sa dernière traversée,

depuis Sainte-Hélène et près de 80 jours de

navigation pour le voyage aller et retour vers

l'Égypte. Il est y habitué de par son origine

insulaire, cependant il souffre du mal de

mer…

▪ Dès l'arrivée de Bonaparte au pouvoir,

la Marine constitue l'une de ses principales

préoccupations : il entend construire une

flotte aux dimensions de l'Europe.

C’est bien d’une double histoire dont il s’agit :

celle de la volonté et de la ténacité de

Napoléon, et celle de la contribution des

marins à ce rêve impérial.

SOMMAIRE

▪ Un grand voyage :

L’expédition d’Égypte 1798-1799 p. 2

▪ Duels avec l’Angleterre p. 5

▪ La guerre sur mer et vie à bord p. 7

▪ Grandes batailles et prisonniers

des pontons p. 9

▪ La Marine de Napoléon p. 12

▪ Derniers voyages p. 15

▪ Bibliographie, sitographie : quelques

références p. 17

Page 2: Napoléon et la Mer - musee-marine.fr

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Napoléon et la mer Repères et documents

Dossier pédagogique

Un grand voyage : l’expédition d’Égypte 1798-1799

En 1798, le général Bonaparte n'est pas encore l'Empereur Napoléon, mais son ambition politique inquiète ses rivaux. Le

Directoire lui confie le commandement d'une expédition lointaine, vers l'Orient dont les buts et la destination précise

sont tenus secrets. Bonaparte, sentant que le pouvoir n'est pas encore mûr, accepte cette mission où il pense y acquérir

un surcroît de gloire. Le voyage vers l’Égypte va durer deux mois…

Départ de l’expédition

Après des préparatifs complexes, l’expédition est composée

d’environ trente-cinq mille hommes emmenant une commission

des sciences et des arts de cent soixante-sept savants et artistes.

- Environ treize mille marins forment les équipages des navires

de guerre répartis sur treize vaisseaux, une dizaine de frégates,

trente-cinq bâtiments de guerre et trois cents navires de

transport. Trois mille membres d’équipage assurent les

manœuvres des navires de commerce du convoi.

- Le commandement de cette imposante flotte est confié au vice-

amiral F.P de Brueys d’Aigalliers. Le général L.A Berthier est le

chef d’état-major des forces militaires terrestres. Pour des

raisons stratégiques et logistiques, la destination finale est tenue secrète et le départ

s’organise principalement à partir de quatre grands ports méditerranéens :

* Toulon : Bonaparte sur le vaisseau-amiral l’Orient, avec Brueys constituent le gros de la

flotte. L’Orient, un trois ponts de 120 canons, est le dernier à quitter le port le 19 mai 1798

* Marseille : le général J-L Reynier et sa division, rallie la flotte et part le 19 mai 1798,

* Gênes : le général de division L. Baraguey d’Hilliers embarque sur soixante-treize bateaux

et rejoint en mer le 21 mai,

* Civita-Vecchia : le général L. Desaix prend la mer le 26 mai avec cinquante-six vaisseaux.

Océan, vaisseau de 118 canons dans son état de 1807, sur les plans de Jacques-Noel Sané. Ateliers de l’arsenal de Brest ©MnM/P. Dantec

Équipage des navires de commerce et composition des chargements des navires des différents convois de 1798

d’après les archives du Service Historique de la Défense (Toulon)

Buti Gilbert. Convois pour l'expédition d'Égypte in Cahiers de la Méditerranée, n°57, 1998.

* Lexique

- « Armé en flûte » : Un

navire de guerre,

transformé en navire de

commerce, mais

conservant une partie de

ses canons.

- Bombardes : navire à fond

plat, trois mâts. Destiné à

porter des mortiers pour

lancer des bombes

- Bricks et aviso : navires de

petit tonnage, assurant des

communications entre les

bâtiments d’une flotte de

guerre.

- Corvette : petit navire de

guerre léger et rapide

- Frégate : Vaisseau de taille

moyenne (15 à 40

canons), rapide et léger

- Tartane : Petit bateau de

pêche méditerranéen,

utilisé aussi pour le

transport de marchandise

- Vaisseau : Navire de guerre

de grandes dimensions

pouvant transporter entre

74 et 10 canons

La flotte

Les vaisseaux* : L'Aquilon, le Conquérant, le Franklin, le

Généreux, le Guerrier, le Guillaume Tell, l'Heureux, le Mercure,

l'Orient (120 canons), le Peuple Souverain, le Spartiate, le

Timoléon, le Tonnant (80 canons) Les frégates* : La Justice, la Diane, la Junon, l'Artémise, l'Alceste,

la Sérieuse.

Une corvette* : La Badine.

Navires « armés en flûte » * : Le Dubois, le Causse, la Sensible, la

Courageuse, la Carrère, la Muiron, la Leoben, la Mantoue, la

Montenotte)

Bombardes* : L’Oranger, la Portugaise, l'Hercule, l'Aglaé

Bricks et avisos* : La Salamine, le Lodi, le Corcyre, le Fortunatus,

l'Alerte, le Chasseur, le Pluvier, le Railleur...,

Six tartanes*, six chaloupes canonnières…

Page 3: Napoléon et la Mer - musee-marine.fr

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Napoléon et la mer Repères et documents

Dossier pédagogique

Pendant la traversée

À bord, Bonaparte se substitue à l'amiral en prenant le

commandement.

- Il se plait à réunir les savants et provoque leurs disputes ; il se

range ordinairement à l'avis du plus absurde ou du plus

audacieux ; il s'enquiert si les planètes sont habitées, quand

elles seraient détruites par l'eau ou par le feu, comme s'il était

chargé de l'inspection de l'armée céleste.

- Cependant, depuis le départ de Toulon, la nourriture pour les

matelots ne se compose que d’un peu de riz. C’est après

plusieurs réclamations qu’ils obtiennent une livre de pain.

De plus, le scorbut et la dysenterie sévissent sur toute la flotte.

La prise de Malte : 12 juin 1798

Durant les préparatifs de l’expédition,

Bonaparte annonce que la prise de l'île de

Malte, alliée aux Anglais, est son premier

objectif stratégique.

- Le 9 juin, la flotte de l’expédition d’Orient

arrivée près du port de La Valette, demande

un réapprovisionnement en eau qui est refusé.

C’est le point de départ d’un siège qui dure

jusqu’au 11 juin 1798.

- Les chevaliers de l'ordre de Malte capitulent

le 12 juin et tous les habitants sont déclarés

citoyens français. Des réformes sont lancées,

l’ordre de Malte est supprimé et les chevaliers

expulsés.

- Le général C.H Belgrand de Vaubois est

nommé gouverneur militaire de l'île et Bonaparte repart le 19 juin vers l'Égypte.

L’Arrivée à Alexandrie : 1er juillet 1798

Le 1er juillet, l’escadre* arrive en vue des cotes d’Égypte, ne pouvant débarquer devant

Alexandrie, la manœuvre à lieu sur la plage du Marabout à quelques kilomètres. Quelques

temps avant, la flotte anglaise du contre-amiral H. Nelson, était passée très près des navires

français sans les découvrir.

Le départ et la prise de Malte par François-René de Chateaubriand

« Napoléon s'embarque : on dirait d'Homère ou du héros qui

enfermait les chants du Méonide dans une cassette d'or. Cet

homme ne chemine pas tout doucement : à peine a-t-il mis l'Italie

sous ses pieds, qu'il paraît en Égypte ; épisode romanesque dont il

agrandit sa vie réelle. Comme Charlemagne, il attache une épopée

à son histoire. Dans la bibliothèque qu'il emporta se trouvaient

Ossian, Werther, La Nouvelle Héloïse et Le Vieux Testament :

indication du chaos de la tête de Napoléon. Il mêlait les idées

positives et les sentiments romanesques, les systèmes et les

chimères, les études sérieuses et les emportements de

l'imagination, la sagesse et la folie. De ces productions

incohérentes du siècle, il tira l'Empire ; songe immense, mais rapide

comme la nuit désordonnée qui l'avait enfanté. »

Mémoires d'Outre-Tombe, 1850

Eau-forte, anonyme, après 1798 ©MnM/P. Dantec

Vue de la prise de l’isle de Malthe

Le 28 juin 1798, l’avant-veille du débarquement à Alexandrie, Bonaparte

s’adresse aux équipages et révèle enfin le but de l’expédition

« Soldats ! Vous allez entreprendre une conquête dont les effets sur la

civilisation et le commerce sont incalculables […] Les peuples avec

lesquels nous allons vivre sont mahométans […] Ayez pour les

cérémonies que prescrit l’Alcoran, pour les mosquées la même tolérance

que vous avez eue pour les couvents, pour les synagogues, pour la

religion de Moïse et de Jésus-Christ. Les légions romaines protégeaient

toutes les religions. Vous trouverez ici des usages différents de ceux de

l’Europe, il faut vous y accoutumer […] La première ville que nous allons

rencontrer a été bâtie par Alexandre. Nous trouverons à chaque pas des

souvenirs dignes d’exciter l’émulation des Français. »

Proclamation à l’armée de terre rédigée le 22 juin 1798 à bord de l’Orient.

Correspondance de Napoléon 1er, Tome 4, publiée par ordre de l’Empereur

Napoléon, 1858-1859 (pièce 2710)

* Lexique

Escadre : groupe de

navires de ligne sous

les ordres d’un amiral.

Lettre du naturaliste Geoffroy Saint-Hilaire au naturaliste Cuvier

(Les deux hommes étaient sur des vaisseaux différents)

« Voici comment je passe mon temps. À mon réveil, je vais sur

le pont m’informer de ce qui s’est passé durant la nuit et

m’instruire des manœuvres en mer et de toutes les parties du

vaisseau. Nous déjeunons puis vient le moment du

recueillement. Je travaille et je lis. Nous dînons à quatre

heures ; après le dîner, je jouis de la plus aimable conversation.

Quand le jour a cessé, je fais une partie de reversis* avec le

général de division Reynier, le général d’artillerie Manscourt

(…). Tous mes moments sont de cette manière si bien

employés que je n’éprouve aucun ennui. A la vérité, je jouis de

toutes les douceurs de la vie. »

Lettres écrites d'Égypte à Cuvier, Jussieu, Lacépède, Monge… et à sa

famille par Étienne Geoffroy Saint-Hilaire ; recueillies et publiées avec une

préface et des notes, Théodore Hamy, 1901.

Page 4: Napoléon et la Mer - musee-marine.fr

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Napoléon et la mer Repères et documents

Dossier pédagogique

- Bonaparte veut

débarquer

rapidement pour

l’effet de surprise

sans écouter

Brueys qui le met

en garde sur les

aspects maritimes.

Le débarquement

de 1500 hommes

se fait alors dans

la nuit. La mer est

mauvaise et

l’accès au rivage

difficile, 19 soldats

se noient.

- L’attaque d’Alexandrie est lancée au petit matin et le général J-B Kléber y est blessé d’une balle au front. La

ville se rend le jour même.

- Bonaparte organise la conquête puis il donne l’ordre à la flotte de guerre de s’abriter de Nelson. Les navires de

transport restent dans le Vieux-Port d’Alexandrie.

Retour d’Égypte sur la Muiron, 1799 Dès le début de la conquête, le 1er août

1798, Nelson surprend la flotte française

dans la rade d'Aboukir et la détruit presque

entièrement. La conquête de l’Egypte

s’avère difficile.

- Presque un an plus tard, Bonaparte

apprend qu’en France la situation politique

est critique et décide alors de rentrer. Il

s'embarque le 23 août 1799, laissant son

armée sur place, sous les ordres du

général Kléber.

- Il navigue sur la frégate Muiron, un

bâtiment qui porte le nom du colonel, mort

à Arcole, le 15 novembre 1796, en le

protégeant. Il réussit à passer malgré la

flotte anglaise qui surveille la Méditerranée

À son arrivée à Paris, il prend le pouvoir :

c'est le coup d'État du 18 Brumaire.

- En 1803, en souvenir de ce long voyage

qui a favorisé ses projets ambitieux,

Napoléon commande cette maquette de la Muiron. Il faudra deux ans pour la fabriquer, et c’est en 1805 que les

deux ouvriers qui en sont chargés viennent à Paris présenter l’œuvre terminée à l’Empereur. Ce dernier l'installe

dans son cabinet de travail au château de La Malmaison, où il aime se retirer.

Estampe, anonyme, après 1798 ©MnM/P. Dantec

Maquette de la Muiron, frégate de 44 canons, 1797

Jean Lille et Charles Mérier, ateliers de l’arsenal de Toulon, 1805 ©Musée national de la Marine/P. Dantec

Activités pour les élèves Expédition vers l’Orient en mai 1798

Transcription du texte de la gravure Bonaparte était parvenu à tromper la

vigilance de l’amiral Nelson, commandant

l’escadre anglaise envoyée à sa poursuite,

arriva le 3 juillet devant Alexandrie.

Malgré une mer très houleuse, le

débarquement se fit à une lieue et demie

de la ville.

Dès qu’il fut achevé, trois divisions sous

les ordres des généraux Bon, Menou et

Kléber, s’élancèrent au pas de charge

contre les trois points de la ville. Ces

attaques ayant réussi complètement, des

colonnes s’enfoncèrent dans les rues.

Elles n’y trouvèrent d’abord que quelques

Janissaires fuyant de toutes parts en tirant

des coups de fusil ; mais bientôt un feu

plus nourri, parti des fenêtres des maisons

tua un grand nombre d’hommes.

Cependant le gouverneur et ses troupes

s’étaient réfugiés dans le château du

phare. Bonaparte l’y fit investir, et en un

instant il fut réduit à demander quartier.

Bataille d’Alexandrie

Page 5: Napoléon et la Mer - musee-marine.fr

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Napoléon et la mer Repères et documents

Dossier pédagogique

Duels avec l’Angleterre

Dans le duel avec l’Angleterre depuis la fin du XVIIIe siècle, les enjeux sont multiples : économiques,

idéologiques, scientifiques... En face de l'Angleterre, commerçante, puissance coloniale et industrielle, se

dresse une France agricole, pouvant vivre sur son sol sans dépendre du commerce avec ses voisins et qui

cherche à étendre son influence, sa domination sur l'Europe.

Le camp de Boulogne : envahir l’Angleterre

Dès 1801, Napoléon réfléchit à une invasion de l’île avec l’élite de son armée. Il choisit dans le nord de la

France, le port de Boulogne-sur-Mer, proche des côtes anglaises pour établir la base de ce « grand dessein »

Après la rupture du traité d’Amiens en 1803, l’empereur relance son projet et déploie, le camp de Boulogne,

dispositif militaire qui s’étend de Wissan à Étaples. En 1805, il abrite 60 000 soldats commandés par le maréchal

J. Soult et 15 000 marins commandés par l’amiral E.

Bruix.

- Un arrêté du 13 mars 1801 ordonne la concentration

de navires dans le port de Boulogne avec le

creusement de bassins permettant d’accueillir 2000

navires.

- Leur construction, entreprise sur tout le territoire, est

dirigée par les deux ingénieurs Pierre-Alexandre

Forfait et Jacques-Noël Sané. Des navires à fond plat,

d’une grande solidité et légèreté. Cette flottille est

composée de 25 prames*, 553 bateaux canonniers,

334 chaloupes canonnières, 329 péniches.

- En août 1801, deux attaques de la Royal Navy

n’aboutissent pas et ces échecs de Nelson expliquent

aussi l'attitude conciliante du gouvernement

britannique vers la paix d'Amiens, le 27 mai 1802.

- Le projet d’invasion reprend après la rupture de la

paix en 1803. Napoléon est très présent, il fait plusieurs visites sur le camp. Ces soldats sont les premiers à être

décorés de la légion d’honneur.

- En août 1805, la Grande Armée quitte Boulogne après deux ans de rude entrainement pour l’Allemagne du

sud. La défaite de Trafalgar le 21 octobre 1815 ruine les espoirs d’invasion de l’Angleterre.

Napoléon Ier visite le camp de Boulogne, juillet 1804, Jean-François Hué, 1804 © RMN-GP (Château de Versailles) / © F. Raux

Prame de la flottille de Boulogne, 1803

Maquette de bateau, atelier des arsenaux, début XIXe siècle ©MnM/A. Fux

Madame de Staël à propos du camp de Boulogne

« Ce fut pendant l’été 1803 que commença la Grande Farce de la Descente : des bateaux plats furent ordonnés d’un bout de la France à l’autre ; on en

construisit dans les forêts, sur les bords des grands chemins. Les Français, qui ont, en toutes choses, une assez grande ardeur imitative, taillaient planche sur

planche, faisaient phrase sur phrase : les uns, en Picardie, élevaient un arc de triomphe sur lequel était écrit : Route de Londres ; d’autres écrivaient : « À

Bonaparte le Grand : nous vous prions de nous admettre sur le vaisseau, qui vous portera en Angleterre et avec vous les destinées et les vengeances du

peuple français ». Ce vaisseau que Bonaparte devait monter, a eu le temps de s’user dans le port. D’autres mettaient pour devise à leurs pavillons dans la

rade : « Un bon vent et trente heures ». Enfin toute la France retentissait de gasconnades, dont Bonaparte seul savait très bien le secret. »

Madame de Staël et Napoléon, Revue des deux mondes, Tome 13, 1903

* Lexique

Prame :

embarcation dont

le fond plat est

destiné à s’échouer

pour constituer un

point d’appui

d’artillerie lors d’un

débarquement. 25

sont construites

entre 1794 et

1805, toutes

désarmées en

1815

Page 6: Napoléon et la Mer - musee-marine.fr

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Napoléon et la mer Repères et documents

Dossier pédagogique

Nouvelle technologie au service de la guerre : le Nautilus de Fulton

Le Nautilus est le sous-marin mis au

point par l’ingénieur américain Robert

Fulton entre 1798 et 1803. Le projet

est proposé à Bonaparte comme une

arme absolue capable de détruire la

flotte anglaise.

- Les premiers essais ont lieu dans la

Seine le 13 juin 1800, au pied de la

colline de Chaillot. Le ministre de la

Marine, L. Forfait, y assiste et dans

une lettre à Bonaparte se montre

enthousiaste. D’autres essais suivent

en juillet au Havre, et l’année suivante

vers le port de Brest.

- Les différents essais n’ont pas été

concluants et le projet est abandonné.

Bonaparte est un homme pressé,

c’est la guerre, et il a besoin de

résultats immédiats.

- Robert Fulton retourne en Amérique et son travail trouve un prolongement industriel grâce à sa rencontre avec

Livingston, ambassadeur des États-Unis et détenteur d’un privilège pour la navigation à vapeur.

À la mort de Napoléon en 1821, il y a déjà 14 bateaux construits par les États-Unis sur les plans de Fulton. La

France ne possède son premier vapeur qu'en 1829 : le Sphinx.

Le blocus continental (1806-1813)

Par le décret de Berlin du 21

novembre 1806, Napoléon

instaure officiellement le

blocus continental : l’Europe

entière doit fermer ses ports à

l'Angleterre. Il se lance dans

des campagnes dans toute

l’Europe jusqu’en Russie pour

faire respecter le blocus.

- Le système doit être

hermétique et le douanier

devient un personnage

essentiel qui perçoit les

lourdes taxes, fait respecter les

interdictions d'importation, les

défenses d'entreposer…

- La contrebande est

encouragée par l'Angleterre,

qui installe des dépôts dans les

îles (Malte…) ou des ports à l'écart du système (Göteborg en Suède…).

- Après la bataille de Leipzig, « bataille des Nations » en 1813, les ports de l'Europe s'ouvrent à

nouveau. Le blocus accentue encore l'avance industrielle de l'Angleterre sur l'Europe et affermit sa vocation

maritime.

Bonaparte,

surnommé en

« Boney » en

Angleterre part à

l’assaut des côtes

anglaises dans son

bicorne. Face à lui,

« John Bull »,

surnom donné au

peuple anglais, est

hilare : « tu peux

toujours essayer de

bloquer la lune »

Napoléon déteste

ces caricatures et

en fait le reproche à

l’ambassadeur de

Grande-Bretagne

qui lui répond :

« Mais Sire, nous

ne pouvons rien

faire, chez nous la

presse est libre ! »

Swiley, N. Heideloff, 1806 © National Maritim Museum, Greenwich, London

Bonaparte bloquant « John Bull », caricature anglaise. 1806

Le Nautilus, sous-marin de Robert Fulton

Ce sous-marin

en cuivre à

hélice est

propulsé

manuellement en

plongée et à

voile en surface.

L'oxygène est

fourni par des

bouteilles

embarquées.

Le Nautilus (le premier bateau sous-marin) T. Obalski, in La Nature - Revue des sciences et de leurs

applications aux arts et à l'industrie - Vingt-neuvième année, 1901.

Page 7: Napoléon et la Mer - musee-marine.fr

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Napoléon et la mer Repères et documents

Dossier pédagogique

La guerre en mer et la vie à bord

Le combat naval peut prendre deux dimensions : l’offensive des escadres (militaire) pour la domination

maritime et la guerre économique par la course (attaque des navires marchands). L'Angleterre, insulaire,

affecte tout son budget militaire à la constitution d’une flotte homogène et privilégie la guerre d'escadres

contrairement à la France. La guerre de course est pratiquée sur ordre du roi par des corsaires sur des

navires légers et rapides pour s’attaquer aux navires de commerce. La guerre d’escadre reste la plus

codifiée.

Le combat naval d’escadre : la ligne de file

Depuis la fin du XVIIe siècle, le combat naval prend principalement la forme de guerre d’escadre avec des

vaisseaux de ligne, puissamment armés.

- Sur le vaisseau de ligne de l'Empire, la voilure est

augmentée par les voiles de cacatois*, tout en haut des mâts,

au-dessus des perroquets*, qui deviennent fixes.

- Le vaisseau le plus apprécié des officiers est celui de 74 à

80 canons, à deux ponts, plus maniable que les 120 canons,

à trois-ponts. La frégate de 40 canons, légère, fait aussi partie

des escadres. Le nombre d'hommes d'équipage est évalué

sur la base de 10 hommes par canon. Ainsi un vaisseau de

deuxième rang, 78 à 84 canons, est manœuvré en temps de

guerre par 780 à 840 hommes.

- La puissance de feu en mer est très importante et les pièces

d'artillerie utilisées sont les canons, obusiers, caronades* et

mortiers tirant des boulets en fer ronds et pleins, des grappes

de raisins*ou des anges. Les exercices de tir sont quotidiens.

- Cependant la rapidité de feu des

équipages anglais est incomparable :

presque une bordée* par minute (il faut

trois fois plus de temps aux Français).

De plus, les Anglais pointent dans la

coque, « en plein bois » alors que les

Français s'entêtent à viser les mâts.

- Pour éviter que les navires d'une

même flotte ne se tirent dessus, le

combat de mer s'impose en ligne : les

vaisseaux d'une même escadre sont

rangés en file indienne, à environ 120

m les uns des autres, face au vent.

* Lexique

- Affût : Structure en bois ou en métal

supportant un canon et permettant de le

déplacer.

- Ange : Deux boulets reliés par une

chaîne tiré vers le gréement de l’ennemi.

- Bordée : Ligne de canons rangés sur

chaque bord d’un vaisseau.

- Cacatois : Mâts et voile tout en haut du

navire que l’on déploie par beau temps.

- Caronade : Créée en 1774 par les

Anglais. Canon court et léger fixé sur un

affût pivotant.

- Grappe de raisin : Assemblage de petits

boulets dans un sac de toile ficelé.

- Perroquet : Voile carrée juste en

dessous des cacatois.

- Sabord : Ouverture avec volet, pratiquée

dans la coque pour faire passer un

canon.

Maquette du Friedland, vaisseau 80 canons ,1810

Ateliers de l’arsenal de Rochefort, sur les plans de Jacques-Noel Sané. Bois, cuivre, os,

ébène, laiton, fibre végétale, 1810-1818 © MnM/P. Dantec

Caronade de 30 avec affût* et sabord*

La bataille de Copenhague, 2 avril 1801.Nicholas Pocock ©National Maritime Museum, Greenwich, London, Caird Collection

Maquette. Atelier des arsenaux de Brest, entre 1820 et 1829. Bronze, fer,

chanvre et bois © MnM/A. Fux

Page 8: Napoléon et la Mer - musee-marine.fr

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Napoléon et la mer Repères et documents

Dossier pédagogique

La communication en mer pendant un combat

Il existe tout un langage de pavillons*, drapeaux représentant l’alphabet et les

chiffres de 0 à 9. Pour en réduire les nombres à hisser, les ordres de l’amiral à la

flotte sont envoyés selon un code associant chiffres et lettres. Ces combinaisons

signifient parfois des phrases entières.

- Au cœur des combats, les signaux par pavillons sont peu utilisés du fait de

l’épaisse fumée provenant des tirs d’artillerie. Les ordres sont plutôt donnés avant

l’engagement, chacun sachant ensuite ce qu’il a à faire.

- Un navire vaincu « baisse pavillon » c’est-à-dire le drapeau national. Il peut aussi

se rendre « pavillon haut ». Certains capitaines mortellement blessés font clouer le

pavillon à l’arrière du vaisseau : l’équipage ne peut plus se rendre, il est capturé.

La vie à bord d’un navire de guerre

À bord, les journées sont rythmées par la cloche marquant les quarts, les

tambours et le sifflet. La moitié de l'équipage travaille pendant que l'autre se

repose. Les marins nettoient les ponts, entretiennent l'artillerie, les voiles,

s’exercent aux manœuvres…

- Parmi les

exercices

quotidiens, le

tir au canon

requiert une

coordination

particulière.

Selon le

calibre de la

pièce, cinq à

treize

hommes sont

nécessaires à

la manœuvre : un chef de pièce et des « servants de pièce »*. Plusieurs

commandements permettent de roder les gestes et les emplacements de chacun

malgré la fumée qui envahit les batteries* et gêne la manœuvre.

- L’alimentation est exécrable. Les rations se composent de légumes secs, de

viande salée, de biscuits de mer souvent pourris. Le parc à bétail abrite des

animaux vivants pour procurer de la viande fraîche aux officiers. On boit du vin et

de l’eau généralement corrompue.

- La mort est omniprésente. Aux épidémies de typhus liées à la mauvaise hygiène

s’ajoute le scorbut, conséquence d’une carence en vitamines. Les accidents sont

fréquents : chutes depuis les vergues, écrasements par des pièces mal arrimées,

noyades... Seule une discipline sévère fait accepter ces dures conditions.

Le contre-amiral Horatio Nelson à ses capitaines,

12 jours avant la bataille de Trafalgar

« Je pense qu’il est presque impossible de ranger une flotte de 40

vaisseaux en ligne » […] Si les capitaines ne peuvent pendant le

combat apercevoir ou comprendre parfaitement les signaux de

leur amiral, qu'ils se rassurent : ils ne peuvent mal faire s'ils

placent leur vaisseau bord à bord d'un vaisseau ennemi. »

The Nelson Memorandum, Sir Horatio Nelson. 1805

Lettre de Villeneuve à ses capitaines, avant Trafalgar

« Si l'ennemi se présente au vent à nous et veut nous attaquer, nous

l'attendrons sur une ligne de bataille très serrée. Mais il ne se bornera pas

à se former sur une ligne parallèle à la nôtre. Il cherchera à entourer notre

arrière-garde, à nous traverser et à porter sur ceux de nos vaisseaux qu'il

aurait désunis des pelotons des siens pour les envelopper et les réduire. »

Lettre du vice-amiral P.C.S de Villeneuve, 1805, consultable au Service Historique de

la défense (S.H.D)

* Lexique

- Batterie : Lieu où sont placées les

pièces d'artillerie, sur chacun des

ponts (étages) d’un navire armé.

- Pavillon : Drapeau servant à

indiquer la nationalité, le rang ou la

qualité d’un navire.

- Servant de pièce : marin affecté à

la manœuvre du tir au canon.

Souvent appelé par leur numéro

pour simplifier les ordres.

Les manœuvres d’un vaisseau

rythmées par les tambours et le sifflet

« Conventions de tambour.

Les hamacs arrimés, l'officier en

second réunira les tambours1 sur

l'arrière du grand mât, et préviendra

l'équipage qu'il va faire exécuter les

différentes batteries* qui doivent

annoncer soit des mouvements

généraux, soit des mouvements du

service journalier. Il est à supposer

que les tambours les sauront toutes

(…) Au reste, elles sont assez

distinctes pour n'entraîner aucune

confusion (…)

1ere BATTERIE — La générale ; branle-

bas de combat : tous les tambours et

fifres réunis sur le pont du vaisseau en

font trois fois le tour. (…)

Conventions de sifflet.

Les conventions de tambour

entendues, l'officier en second fera

connaître à l'équipage les conventions

de sifflet.

Cinq coups de sifflet prolongés, suivis

de trois autres coups accélérés,

appelleront l'équipage sur le pont :

ces coups de sifflet seront répétés par

tous les maîtres de manœuvre

aussitôt qu'ils les entendront, dans

quelque partie du vaisseau qu'ils se

trouvent. (...)

1. L’officier en second désignera plus tard, parmi les

chefs de pièces, un tambour-maître, qui sera chargé

de la police des tambours, fifres et clairons, et de leur

direction dans les batteries d'ensemble. »

Organisation du personnel d'un vaisseau,

contre-amiral Casy, ouvrage dédié à son

altesse royale le prince de Joinville. 1840

*Batterie : ensemble de coup de baguettes sur un tambour formant

une phrase musicale. Ici correspondant à un code.

Exercice de tir au canon

Illustration de M. Morel-Fatio in La Marine, arsenaux, navires, équipages… E. Pacini, officier de la Marine royale, 1843© MnM

Activités pour les élèves À venir

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9

Napoléon et la mer Repères et documents

Dossier pédagogique

Abréviations cap. : capitaine c.a : contre-amiral v.a : vice-amiral

Grandes batailles et les prisonniers des pontons

En 1793, la France a déclaré la guerre à l'Angleterre et à la Hollande, interrompue momentanément par la

paix d'Amiens en 1802, le conflit reprend et se poursuit jusqu'en 1815, quand Arthur Wellesley, futur duc

de Wellington met fin aux campagnes napoléoniennes. Le lieu de l’affrontement de ces deux nations

restera la mer.

Aboukir ou la bataille du Nil, 1er-2 août 1798

Une flotte déjà éprouvée Après le débarquement d’Alexandrie, l’amiral Brueys choisi la baie d’Aboukir pour

protéger l’escadre de Nelson. Les vaisseaux peuvent y manœuvrer plus facilement.

- L’escadre reste dans la baie, non loin du rivage car les navires sont vieux, les

équipages principalement non marins et il est plus aisé de se ravitailler en eau et

vivres.

- L’état-major n’est pas unanime quant à la position de la ligne de vaisseaux qu’a

choisi Brueys jugeant sa flotte inattaquable. Mais la tête de ligne est trop éloignée de

la côte pour être soutenue par les canons de l’îlot d’Aboukir…

- En plus de la dysenterie qui ravage marins et soldats, l’insuffisance de préparation

des équipages, la vétusté des navires et leur position critiquable dans la baie, un

changement non prévisible de vent favorise Nelson…

Le choc du désastre

Nelson passe à

l’attaque La canonnade

anglaise débute à la tombée

de la nuit pour se poursuivre

sans discontinuer jusqu’au

petit matin.

- L’estimation des pertes

reste difficile. Environ 2000

morts français, 1500 blessés

et plus de 3000 prisonniers,

relâchés par Nelson,

incapable de les nourrir. Les

officiers pris restent

prisonniers.

La destruction de l'Orient au cours de la Bataille du Nil, 1er août 1798, Georges Arnal, 1825-1827© National Maritime Museum, Londres

Rapport du chef de division

Ganteaume au ministre de la Marine

Bruix, Aboukir, 9 juillet 1798

« Nos équipages sont très

faibles en nombre et en qualité

d’hommes. Nos vaisseaux sont

en général fort mal armés, et je

trouve qu’il faut bien du

courage pour se charger de

conduire des flottes aussi mal

outillées. »

Histoire des marins français sous la

République (1789 à 1803), Charles

Rouvier, lieutenant de vaisseau,

1868.

Les forces en présence, 1798

Page 10: Napoléon et la Mer - musee-marine.fr

10

Napoléon et la mer Repères et documents

Dossier pédagogique

- Parmi les victimes, le vice-amiral Brueys, les capitaines L.

Casabianca (l’Orient) et son fils de 10 ans, A. Thévenard

(l’Aquilon), A. Dupetit-Touars (le Tonnant).

Environ six vaisseaux ont été capturés, trois ont été détruits,

dont le Timoélon sabordé par son équipage pour ne pas être

pris.

- Du côté anglais, les pertes sont beaucoup moins importantes,

ce qui ajoute au complexe d’infériorité de la Marine française :

218 tués et 678 blessés avec seulement deux vaisseaux

endommagés. Deux frégates sont détruites et Alfred de Vigny

leur rendra hommage dans le poème La frégate la Sérieuse ou

la complainte du capitaine (1837)

- Le choc de cette attaque d’anéantissement est bien

l’explosion du vaisseau-amiral l’Orient. Un incendie s’est

propagé sur le navire de 120 canons, avec la poudre

nécessaire à cette artillerie. Les témoins notent qu’après cette

explosion, les combats ne sont stoppés pendant un quart

d’heure

- Les réactions et commentaires ont été très vifs sur cette bataille notamment sur les choix du contre-amiral

Brueys, tué au combat et la passivité de l’amiral P-C Villeneuve.

Trafalgar, 21 octobre 1805

La stratégie de Nelson En 1805, la flotte française aux ordres de

l’amiral Villeneuve quitte Toulon afin d’attirer les

Anglais vers les Antilles pour organiser l’invasion

de l’Angleterre. Poursuivi par Nelson, Villeneuve

rejoint Cadix. Lorsque la flotte franco-espagnole

quitte le port, les navires anglais se sont

regroupés. La rencontre se fait au large de

Trafalgar, sur le détroit de Gibraltar.

- La ligne des vaisseaux s'étend sur 12 km. Les

dix-huit vaisseaux français de 74 à 80 canons et

les quinze vaisseaux espagnols, dont un de 130

canons sont répartis en trois escadres. La flotte

anglaise, composée de vingt-huit vaisseaux,

accourt du sud-ouest.

- Afin de percer la ligne de file, l’amiral anglais

forme deux colonnes qui attaquent en même

temps : celle qu’il commande à bord du HSM

Victory vise, le Bucentaure de Villeneuve et le

Santissima Trinidad du contre-amiral B. Cisneros,

l'autre, conduite par le vice-amiral C. Collingwood

se dirige sur l’arrière-garde du vice-amiral P.

Dumanoir de Pelley. La bataille se transforme en

de multiples combats singuliers.

Le combat du Redoutable et la mort de Nelson

- Au milieu de la bataille le vaisseau amiral de Nelson, veut se glisser entre le Bucentaure et le Redoutable, un 74

canons, commandé par le capitaine J-J Lucas qui force la marche et aborde le vaisseau de Nelson.

L’explosion du vaisseau-amiral l’Orient relatée d’après un témoignage

« À dix heures trois quarts, l'explosion eut lieu. On ne peut se faire

une idée de la sublime horreur d'un pareil spectacle.

L'immense gerbe de feu qui s'élança des flancs du vaisseau

embrasé, avec un bruit cent fois plus terrible que celui du

tonnerre, sembla s'élever jusqu'au ciel, en éclairant tout l'horizon.

À cette éblouissante clarté, à cette épouvantable détonation,

succédèrent une obscurité profonde et un silence plus effrayant

peut-être. Ce silence ne fut interrompu d'abord que par la chute

des mâts, des vergues, des canons, et des débris de toute

espèce, lancés à une hauteur prodigieuse, et qui retombèrent les

uns après les autres dans la mer avec fracas. Les vaisseaux

environnants coururent les plus grands dangers. De tous ces

objets qui pleuvaient autour d'eux, les uns pouvaient les défoncer

et les couler à fond, les autres les incendier. Des morceaux de fer

rouge, des tronçons de bois et de cordages enflammés,

tombèrent à bord du Franklin, et mirent, pour la quatrième fois, le

feu à ce vaisseau ; cette fois encore on parvint à l'éteindre.

L'espèce de stupeur dans laquelle l'explosion de l'Orient avait

plongé les deux escadres, dura environ un quart d'heure, après

lequel le feu qui avait cessé de toutes parts en ce moment

recommença. Le combat, qui jusqu'alors avait été peu de chose à

l'arrière-garde, y devint plus vif. »

Batailles navales. Imprimé à Metz par P. Wittersheim, 1836

Dernière phase de la bataille de Trafalgar

Guerres maritimes sous la République et sous l’Empire, E. Julien de la Gravière, 1879 © MnM

Page 11: Napoléon et la Mer - musee-marine.fr

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Napoléon et la mer Repères et documents

Dossier pédagogique

* Lexique

Ponton :

vieux

vaisseau à

deux ou trois

ponts,

démâté et

amarré utilisé

comme

prison

flottante.

Ambroise-Louis Garneray, 1814©NLA

Ambroise-Louis Garneray (1783-1857)

marin, corsaire, peintre et écrivain.

Prisonnier des Britanniques pendant 9 ans.

« Que l'on se figure une génération de morts

sortant un moment de leurs tombes, les yeux

caves, le teint hâve et terreux, le dos voûté, la

barbe inculte, à peine recouverts de haillons

jaunes en lambeaux, le corps d'une maigreur

effrayante. [...] Les harengs saurs étaient

ordinairement d'une si détestable qualité que

nous ne pouvions, quoique tombant d'inanition,

nous décider à les manger ; nous les vendions à

raison de deux sous aux fournisseurs qui les

gardaient pour nous les représenter la semaine

suivante. Je suis persuadé que certains harengs

furent servis pendant plus de dix ans de suite. »

Voyages de Louis Garneray, Aventures et combats...

Le Panthéon populaire, 1851

- Les français balayent le

navire à coups de mousquets.

Nelson est mortellement

blessé par une balle venant

du Redoutable, au moment où

le HSM Temerarious anglais

vient se placer à sa poupe, le

réduisant à l’état de ponton

par ses caronades. On

dénombre 463 morts et Lucas

et son équipage sont faits

prisonniers. - À bord du Victory, Nelson

est atteint à la colonne

vertébrale. Il sait avant de mourir que l'Angleterre a remporté une totale victoire. Ses

dernières paroles : « Grâce à Dieu, j'ai fait mon devoir… » sont restées légendaires.

Désastre franco-espagnol

- Les pertes humaines sont lourdes : côté français 3 400 tués ou noyés, 1 200 blessés, 7 000 prisonniers et 13

vaisseaux capturés ou perdus. Côté espagnol : 1 000 sont tués, 2 500 blessés et 9 vaisseaux pris. Côté anglais :

450 tués dont Nelson, 1 250 blessés et aucun navire pris même s'ils sont tous en très mauvais état.

- Villeneuve, sur le Bucentaure, est fait prisonnier et emmené en Angleterre. Rapatrié après six mois de captivité

et sur le point de passer devant un conseil de guerre, il se suicide pour ne pas affronter la colère de l'empereur.

Celui-ci décide de minimiser le combat de Cadix : « Les tempêtes nous ont fait perdre quelques vaisseaux après

un combat imprudemment engagé. »

Les prisonniers des pontons*

À la chute de Napoléon, les anglais

retiennent prisonniers 122 000 marins

français pris durant les vingt années de guerre.

Ils sont enfermés sur des pontons dans les

ports de Portsmouth, Plymouth, Chatham,

Gillingham ou Dartmoor.

- Six à huit pontons ancrés à la file, chacun

contenant environ 900 hommes sont amarrés

au milieu des vases fétides et stagnantes que

découvrent les marées. Cette atmosphère

humide et putride contribue à détruire la santé

des prisonniers.

- Les détenus, autorisés à

travailler pour des fabricants

anglais, peuvent ainsi s’acheter

des rations de nourriture, tabac

ou alcool. Une grande activité

règne dans ce cloaque : petite

menuiserie, ouvrages en paille,

en os bouillis récupérés des

cuisines, maquettes de bateau.

Les outils sont improvisés à

partir de clous d'écrous, de

vieux ressorts de montre.

Travail de ponton

L’effet décoratif

voulu explique la

surabondance de

détails. Un an est

nécessaire à la

construction

d'une maquette.

Le travail se fait

en équipe, sur

une même

maquette.

Chacun apporte

sa contribution.

Les pontons dans le port de Portsmouth, 1814

Vaisseau à deux ponts en forme de chariot à roues.

Bois, laine, verre, début XIXe siècle © MnM/A.Fux

Au Salon de 1806, le mot

« Trafalgar » résonne en

France comme une défaite. On

ne le prononce pas et c'est

uniquement la mort de Nelson

qui est mise en avant, comme

une véritable victoire. Dans le

livret du Salon, le titre officiel

du tableau de Crépin est : «

Combat du 29 vendémiaire an

14. Le Redoutable, de 74

canons, commandé par M.

Lucas, contre les vaisseaux

anglais le Victory et le

Téméraire, de 110 canons.

Nelson qui montait le vaisseau

le Victory, y fut tué par la

mousqueterie du vaisseau le

Redoutable (l'auteur a fait

campagne sur ce vaisseau) »

Le Redoutable à Trafalgar

Louis-Philippe Crépin, 1806©MnM/P. Dantec

Activités pour les élèves À venir

Page 12: Napoléon et la Mer - musee-marine.fr

12

Napoléon et la mer Repères et documents

Dossier pédagogique

Tambour et matelot vers 1810

La Marine de Napoléon

Avec la Révolution, la Marine est devenue celle de la République. Mais le difficile recrutement de marins

qualifiés, l’exil de nombreux officiers issus de la noblesse et la vétusté de navires bien conçus, mais ayant

déjà livré de nombreuses batailles mettent en évidence l’infériorité de la marine française face à sa rivale

anglaise. Après le désastre de Trafalgar, Napoléon s’implique dans la structuration de la Marine.

Depuis 1792 : des marins de moins en moins nombreux et inexpérimentés

La solidité d’un encadrement intermédiaire que sont les officiers mariniers ne

compense pas un grand déficit de bons matelots formés sachant manœuvrer

les voiles, entretenir et réparer un navire.

- Depuis les guerres révolutionnaires, les temps de paix sont trop courts pour

former de nouvelles recrues, officiers comme matelots. Le « réservoir

d’hommes » s’épuise et les équipages sont composés de marins de plus de

cinquante ans et de jeunes inexpérimentés.

- Pour combler ces manques, les services de la Marine incorporent des

prisonniers noirs déportés de Saint-Domingue, des ouvriers des arsenaux et

surtout à des soldats de l’armée de terre. Lors des grandes batailles d’Aboukir

et de Trafalgar, plus du tiers des équipages français sont des soldats de

l’infanterie.

- Le manque d’entraînement en pleine mer est accentué par l’impossibilité d’y

accéder en exercice car la flotte anglaise bloque la plupart des ports.

L’instruction se fait alors dans la rade.

Si les équipages sont endurants et courageux, il leur manque cette expérience

de navigation de combat qui fait la supériorité des anglais.

La militarisation de la Marine

Après les pertes durant la bataille de Trafalgar, l’incorporation

d’hommes ne faisant pas partie de l’inscription maritime* se

généralise : les départements littoraux doivent fournir des jeunes

hommes tirés au sort en fonction d’un nombre déterminé, très

rapidement formés

En 1808 : cinquante bataillons de la Marine impériale sont formés à

partir ceux du Consulat créés en 1803 pour envahir l’Angleterre.

- La militarisation du corps de la Marine s’effectue progressivement.

Cela passe par la constitution d’un uniforme commun dès 1804 : « les

officiers mariniers, matelots, novices et mousses auront, tous, veste et

Napoléon Ier et L'impératrice Marie-Louise assistant au défilé de l'escadre de L'amiral Troude le 30 mai 1811 en rade de Cherbourg. Louis-Philippe Crépin, début XIXe siècle © musée national des châteaux de Malmaison et de Bois-Préau

Dessin d’Henri Boisselier, vers 1930©MnM

* Lexique

Inscription

maritime :

Enregistrement par

les services de la

Marine de

professionnels de la

mer pouvant être

appelés à servir sur

les navires de

guerre royaux puis

impériaux.

Le ministre de la Marine et des colonies

Denis Decrès répond à l’Empereur

sur l’instruction des conscrits

« Ce que des novices apprennent dans

des canots ou des péniches n’est rien. Le

marin ne se forme que dans les

tempêtes. Il est facile de manier un

aviron, il ne faut pour cela qu’un exercice

facile et une main calleuse ; mais pour

serrer une voile dans un coup de vent,

pour prendre un ris dans la même

circonstance, il faut savoir courir sur les

vergues qui bondissent en quelque sorte

avec les flots, il faut connaître la corde à

saisir, s’y attacher fortement et

cependant conserver son agilité et sa

force. Il faut surtout avoir l’estomac et la

tête libre de l’effet de la mer […]. Tout

cela, Sire, ce ne sont pas les règlements

qui peuvent le donner, c’est l’usage seul

de la mer et son usage le plus habituel. »

Correspondance de Napoléon Bonaparte avec

le ministre des colonies, Services historiques de

la Défense (SHD)

Page 13: Napoléon et la Mer - musee-marine.fr

13

Napoléon et la mer Repères et documents

Dossier pédagogique

Napoléon Ier et Marie-Louise assistent au lancement du vaisseau Le Friedland dans le port d'Anvers, 1810

pantalon bleus, le bouton de corne timbré également d’une ancre croisée de deux sabres, gilet rouge, chapeau

rond et cravate noire », décret paru dans le journal militaire officiel du 5 mai 1804 (15 Floréal, An XII)

- Cette volonté illusoire de transformer en quelques semaines de simples jeunes conscrits en marins efficaces à

perdurer pendant longtemps dans cette vision d’un renouvellement rapide de la Marine par Napoléon

La reprise du haut-commandement

La « lenteur » de la construction navale, de la formation gens de mers, et les

aléas de la navigation ne répondent pas aux objectifs de conquête rapide et de

contrôle total des opérations de Napoléon.

Il entreprend cependant des réformes et construction visant à accroître

l’efficacité de la Marine

- Le 27 avril 1800, Bonaparte alors Premier consul crée le corps des préfets

maritimes, représentants du gouvernement dans six arrondissements : Anvers,

Le Havre, Brest, Lorient, La Rochelle et Toulon. Ces hauts fonctionnaires,

choisis parmi les officiers généraux ou les administrateurs civils, qu’il connaît

personnellement, ont en mains tous les services.

- Le renouvellement du haut commandement s’avère difficile et des officiers de

corps inférieurs de l’ancienne Marine royale ou marchande ont été promus

amiraux. Souvent nostalgiques de la Royale de Louis XVI et peu enclin aux

innovations techniques ou tactiques, ils restent cependant de bons

professionnels, capable de rivaliser avec les britanniques.

- L’amiral Decrès, ministre de la Marine et des colonies, ne permettra pas une

réelle réorganisation des effectifs, des commandements et des stratégies, préférant « les intrigues de cour ».

Ports de guerre et arsenaux aux dimensions de l’Europe

De 1807 à 1812, Napoléon cherche toujours à améliorer ses ports de guerre, dans un contexte où la paix n’est

que de courte durée. Les résultats doivent être rapides.

- Aux anciens ports de Brest, Lorient, Rochefort et Toulon, sont ajoutés de nouveaux, rendus nécessaires par les

besoins et le contrôle des côtes du Grand Empire : un réseau de bases navales autour de trois pôles, Anvers, La

Spezia (Cinque Terre, Italie) et Cherbourg. La création d’arsenaux sur tout le littoral du Grand Empire exprime

cette volonté d’unification et de contrôle.

- Les travaux privilégiés sont ceux de défense, comme les digues et les forts, ou d’accroissement de l’espace

comme le creusement de nouveaux bassins à Cherbourg. La politique des grands travaux fourni du travail à des

milliers d’ouvriers dans ces pays soumis au blocus. Napoléon imagine des projets grandioses, comme

l’agrandissement du

port d’Anvers.

- Dans les arsenaux,

seuls quelques

bâtiments

indispensables à la

flotte impériale sont

réalisés.

En 1810, le vaisseau

de 80 canons,

Friedland, du nom de

la victoire contre la

Russie, est lancé

dans le port d’Anvers

devant Napoléon et

Marie-Thérèse

Les ministres de la Marine et des

Colonies du Consulat et de l’Empire Consulat

- 1799-1801 : Laurent Forfait, ingénieur de

construction navale. Préfet maritime du Havre

après sa démission en 1801, jusqu’en 1804.

- 1801-1802 : Denis Decrès,

Officier de marine, s’est illustré pendant la

guerre d’Indépendance américaine, à la bataille

d’Aboukir de 1798. Préfet maritime de Lorient.

Bonaparte, Premier Consul

- 1802-1804 : Denis Decrès

Veille au rétablissement de l’esclavage dans les

colonies.

Napoléon Empereur et pendant les Cent-Jours

- 1804-1815 : Denis Decrès

Il organise la formation des marins en rade de

Cherbourg, malgré le blocus des ports par les

anglais.

Mathieu-Ignace Van Bree. Huile sur toile, 1810 © collections du château de Versailles/RMN

Page 14: Napoléon et la Mer - musee-marine.fr

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Napoléon et la mer Repères et documents

Dossier pédagogique

Le Canot de l'Empereur, Ateliers des Capucins à Brest.

Visite de Napoléon III à Brest, 11 août 1858

Le faste impérial pour le lancement du Friedland : le canot de l’Empereur

La construction a été décidée dans le plus grand secret au printemps 1810, lorsque l'Empereur proposa de se

rendre à Anvers pour visiter l’arsenal, dont il avait ordonné la création quelques années plus tôt.

- L’ingénieur Guillemard fournit les plans

du canot, tandis que le maître Théau,

originaire de Granville, en supervise la

construction. Les sculptures décoratives

sont confiées à un artiste anversois, Van

Petersen.

- En 21 jours seulement l’embarcation

est prête. Elle mesure plus de 18 mètres

de long : le tiers arrière est dominé par

un rouf richement décoré, tandis que les

rameurs occupent tout le reste de

l'espace, jusqu'à la majestueuse figure

de Neptune.

- Le 30 avril 1810, le canot d’apparat fait

une entrée remarquée dans Anvers :

Napoléon et la jeune impératrice Marie-

Louise sont à bord, accompagnés du

maréchal Berthier, du ministre de la

Marine D. Decrès et de l’amiral E-T de

Burgues comte de Missiessy,

commandant l’escadre de l’Escaut ; un

véritable cortège naval les entoure.

Pendant plusieurs jours le canot assure

les déplacements de l’Empereur qui

visite le vaisseau amiral le Charlemagne, assiste au lancement spectaculaire du Friedland et inspecte l’ensemble

de sa flotte.

© MnM / J-Y Besselièvre

La décoration est mise

au goût du jour en

1858 pour accueillir

Napoléon III et

l’Impératrice Eugénie.

C’est de cette époque

que datent les

éléments sculptés

actuels, notamment la

figure de proue, le

groupe arrière avec les

armes impériales et,

surmontant le rouf, une

grande couronne

soutenue par quatre

angelots. Même les

rames sont ornées de

somptueux motifs

peints.

Auguste Meyer. Huile sur toile, 1859 © MnM/A. Fux

Page 15: Napoléon et la Mer - musee-marine.fr

15

Napoléon et la mer Repères et documents

Dossier pédagogique

Départ pour l'Île d'Elbe

Derniers voyages

L’île d’Elbe, l’exil à Sainte-Hélène, puis en 1840 l’ultime voyage avec le retour des cendres de l’Empereur

sont les derniers voyages, entre gloire et défaite.

L’île d’Elbe 1814-1815

Le traité de Fontainebleau de 1814 entérine

l’abdication de Napoléon. Il choisit de se retirer à

Portoferraio, capitale de l’île d’Elbe où le traité lui

accordait la propriété et la souveraineté.

- Il y séjourne du 4 ma 1814 au 26 février 1815, date à

la quelle il trompe la surveillance des Anglais pour

revenir en France. C’est le 1er mars qu’il débarque à

Golfe-Juan pour marcher sur Paris.

- Ils sont des milliers à le soutenir à son arrivée à

Grenoble pour continuer jusqu’à la capitale et obtenir le

ralliement de certains de ces maréchaux. L’aventure

des Cent-Jours va du 20 mars au 22 juin 1815.

- La coalition européenne se reforme pour mettre

Napoléon au ban de l’Europe. La guerre est à nouveau

inévitable et la terrible défaite de Waterloo du 22 juin

1815 amène la seconde abdication de l’Empereur.

L’exil à Sainte-Hélène

Napoléon se rend aux Anglais, le 15 juillet 1815. Lord Bathurst,

ministre de la Guerre et des Colonies réussit à convaincre les

membres du gouvernement de mettre l'Empereur hors la loi. Il faut

trouver un endroit pour l'exil et Wellington, le vainqueur de Waterloo,

propose Sainte-Hélène en plein cœur de l’Atlantique. L'île

appartient à la Compagnie des Indes orientales qui rétrocède ses

droits à la couronne britannique pour la durée de la détention.

- Napoléon arrive le 3 juillet à Rochefort puis il débarque sur la

petite île d’Aix, au large de Rochefort, et s’en remet aux Anglais.

- Il monte à bord du Bellérophon qui se dirige vers le port anglais de

Torquay et y reste quelques jours. Dans des canots, plusieurs

habitants, piqués par la curiosité s’approchent du navire pour

apercevoir l’Empereur déchu.

Napoléon à bord du Bellophoron. William Quiller Orchardson, vers 1880 © collection of de Tate Britain

Anonyme. Estampe, 1814 © MnM/A.Fux

Napoléon, à propos de son incarcération à Sainte-Hélène,

octobre 1815

« À quel infâme traitement ils nous ont réservés ! Ce

sont les angoisses de la mort ! À l’injustice, à la

violence, ils joignent l’outrage, les supplices prolongés !

Si je leur étais si nuisible, que ne se défaisaient-ils de

moi ? Quelques balles dans le cœur ou dans la tête

eussent suffi ; il y eut du moins quelque énergie dans ce

crime ! » […]

« J'en appelle à l'Histoire. Elle dira qu'un ennemi qui fit

vingt ans la guerre au peuple anglais, vint librement

dans son infortune chercher un asile sous ses lois.

Quelle preuve plus éclatante pouvait-il donner de son

estime et de sa confiance ? Mais comment répondit-on

en Angleterre à une telle magnanimité ? On feignit de

tendre une main hospitalière et, quand il se fut livré de

bonne foi, on l'immola. »

Le mémorial de Sainte-Hélène, Emmanuel de Las Cases, 1824

Page 16: Napoléon et la Mer - musee-marine.fr

16

Napoléon et la mer Repères et documents

Dossier pédagogique

Modèle de la Belle Poule, frégate de 1er rang, 1834

Ensemble de sept aigles ayant orné

la chaloupe de frégate la Belle-

Poule, telle qu'elle se présentait à

Sainte-Hélène lors du transfert des

cendres de l'empereur Napoléon Ier,

le 15 octobre 1840. Ces aigles ont

orné aussi la chapelle ardente

installée à bord de la Belle Poule.

- Il arrive ensuite au port de Plymouth où il apprend qu’il sera exilé à Sainte-Hélène, malgré ses protestations.

Napoléon embarque sur le Northumberland, et quitte les eaux britanniques le 9 août. Après un voyage de

plusieurs mois, il arrive à Sainte-Hélène le 15 octobre 1815.

- Pendant ces six années d’exil, Napoléon, qui pour les Anglais n'est que le général Bonaparte, a droit aux

égards dus à ce rang. En compagnie de quelques fidèles, il lutte contre l'ennui, contre l'oubli, et contre son

geôlier, le lieutenant Sir Hudson Lowe, que même Wellington tient pour « borné ».

- Sa mort, survenue le 5 mai 1821, puis la publication des confidences à Las Cases sous le titre de Mémorial de

Sainte-Hélène le font entrer dans la légende.

L’Ultime voyage : le retour des cendres*

En 1840, le prince de Joinville, troisième fils du roi Louis-Philippe, est

chargé de rapporter de Sainte-Hélène les restes de Napoléon Ier. Jeune

officier de marine, il prend le commandement de la frégate, la Belle-Poule

accompagnée de deux corvettes, La Favorite et L’Oreste.

- L'expédition part le 18 octobre de Sainte-Hélène et arrive dans le port

militaire de Cherbourg le 30 novembre après cinquante jours de traversée. La

chapelle funéraire et le cercueil sont installés à l’entrepont.

- Le 8 décembre, le cercueil est transbordé à bord du vapeur Normandie qui

remonte lentement la Seine. Le temps glacial n’empêche pas de nombreuses

manifestations populaires.

-Transbordé de nouveau sur la Dorade, le cercueil arrive à Courbevoie le 15

décembre. Le reste du chemin, jusqu’aux Invalides se fait par voie de terre.

- Devant une foule immense et après une cérémonie solennelle, le cercueil est

porté jusqu’à une chapelle du Dôme. La crypte ne sera aménagée qu’en 1861.

Atelier de modèles des arsenaux de Cherbourg, sur les plans de Mathurin Boucher, après 1830 © MnM/A. Fux

La coque est doublée de cuivre, comme c’est l’usage depuis la fin

du XVIIIe siècle afin de protéger le bois.

Le haut de la coque est entièrement réalisé en ébène, car la frégate

a été peinte en noir pour ce voyage, couleur qu’elle conserva

jusqu’à son désarmement, en souvenir de cette fonction funèbre.

Cette maquette a été sûrement construite en 1844 à l’initiative du

prince de Joinville, qui était resté très attaché à cette frégate. Il

l’installe dans son cabinet de travail au palais des Tuileries jusqu’à

la révolution de 1848. Elle a ensuite intégré les collections du

musée de la Marine.

Sculpteur anonyme, XIXe siècle © MnM/P.

Dantec

* Lexique

Les « cendres » : Au XIXe siècle, c’est la

façon noble d’évoquer les restes d’un corps.

Victor Hugo à propos de la cérémonie du retour

des cendres de Napoléon 1er

« Oui, c'est une fête ; la fête d'un cercueil

exilé qui revient en triomphe […]

L’attention redouble. Voici la voiture noire

à frise d’argent de l’aumônier de la Belle-

Poule, au fond de laquelle on entrevoit le

prêtre en deuil ; puis le grand carrosse de

velours noir à panneaux-glaces de la

commission de Sainte-Hélène, quatre

chevaux à chacun de ces deux

carrosses. »

Choses Vues, « les funérailles de Napoléon », le

15 décembre 1840

Aigle impérial. Élément de décor

de la chaloupe de La Belle Poule

Page 17: Napoléon et la Mer - musee-marine.fr

17

Napoléon et la mer Repères et documents

Dossier pédagogique

Bibliographie, Sitographie : quelques références

Généralités sur la Marine et l’Empire

▪ Ouvrages imprimés

- Catalogue d’exposition, Napoléon et la mer, un rêve d’Empire, coédition musée national de la Marine/Ed. du Seuil, 2004

- Catalogue d’exposition, Les maquettes de la Marine impériale, coédition Château de Versailles/Musée national de la

Marine/Snoeck, 2014

- BOUDON Jacques-Olivier (dir.), La Marine sous le premier et le second empire, SPM, collection de l’institut Napoléon, 2017

- LEVEQUE Pierre, Histoire de la Marine, du Consulat et de l’Empire, Librairie historique Teissèdre, 2003

- LE MAO Caroline, Les arsenaux de la Marine du XVIe siècle à nos jours, Presses universitaires de la Sorbonne, 2021

- MONAQUE Rémi, Une histoire de la marine de guerre française, Perrin, 2016

- THOMAZI Auguste, Les marins de Napoléon, Taillandier, 2004

▪ Documents sources

- Correspondance de Napoléon Ier publiée par ordre de l'Empereur Napoléon III, Tome 4 (Expédition Egypte), 1858-1868

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6332764q

▪ Ressources numériques

- Musée de la Marine : programme multimédia sur l’exposition « Napoléon et la mer » de 2004

http://www.musee-marine.fr/content/anciens-programmes-multimedia

- Musée de l’Armée : Conférence de Michèle Battesti (Inserm) « Napoléon et la mer ». Mars 2013

Cycle de conférences autour de l’exposition « Napoléon et l’Europe » (27 mars -- 14 juillet 2013) au musée de l'Armée, en

partenariat avec l'Université permanente de la ville de Paris.

https://www.youtube.com/watch?v=6o-xKGGhU48

Un grand voyage : L’expédition d’Égypte 1798-1799

▪ Sources numérisées sur Gallica

- Cinquante références sélectionnées et mises en thèmes par la fondation Napoléon

https://www.napoleon.org/wp-content/uploads/2016/04/egypteexpedition_bibliographie_gallica_fr-1.pdf

▪ Ouvrages imprimés et articles

- MURAT Laure, WEILL Nicolas, L'Expédition d'Égypte. Le rêve oriental de Bonaparte. Coll. Découvertes Gallimard (n° 343),

Gallimard, 1998

- Témoignage : LAPORTE Joseph, Mon voyage en Égypte et en Syrie : Carnets d'un jeune soldat de Bonaparte, PUF, 2011

- Catalogue d’exposition, Il y a 200 ans, les savants en Égypte, Museum d’Histoire Naturelle/Nathan, 1998

- Catalogue d’exposition, Bonaparte et l’Égypte, feu et lumières, Editions Hazan/Institut du Monde Arabe, 2008

- NAKACHE Karen, Des marins français à Aboukir : témoignages, in Cahiers de la Méditerranée, n°57, 1998.

https://www.persee.fr/doc/camed_0395-9317_1998_num_57_1_1234

- BUTI Gilbert, Convois pour l'expédition d'Égypte, in Cahiers de la Méditerranée, n°57, 1998.

https://www.persee.fr/doc/camed_0395-9317_1998_num_57_1_1233

▪ Pages et sites internet

- Histoire par l’image : Alain GALOIN, Napoléon Bonaparte et l'Égypte

http://histoire-image.org/fr/etudes/napoleon-bonaparte-egypte

- Fondation Napoléon : Bonaparte en Égypte. 2e partie : avec 160 savants ! (Fiche « jeune historien »)

https://www.napoleon.org/jeunes-historiens/napodoc/bonaparte-en-egypte-2eme-partie-avec-160-savants/

MILLELIRI Jean-Marie, Le rôle du service de santé pendant l’expédition d’Égypte, 1998-1999

https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/articles/le-role-du-service-de-sante-pendant-lexpedition-degypte/

Duels avec l’Angleterre

▪ Pages et sites internet

- Fondation Napoléon : CHARRIER PIERRE, Davout et ses soldats au camp de Bruges. Un corps d’armée au camp de Boulogne,

2005

https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/articles/davout-et-ses-soldats-au-camp-de-bruges-un-corps-darmee-au-

camp-de-boulogne/

- Musée de la Légion d’honneur : Histoire de la légion d’honneur

https://www.legiondhonneur.fr/fr/page/fondements-et-histoire/103

Page 18: Napoléon et la Mer - musee-marine.fr

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Napoléon et la mer Repères et documents

Dossier pédagogique

- Cité de la mer de Cherbourg : Fiche sur le sous-marin de Fulton

https://mediathequedelamer.com/wp-content/uploads/la-cite-de-la-mer-fiches-colleges-nautilus.pdf

- Histoire des sciences à travers les revues scientifiques : le sous-marin de Fulton

https://sciences.gloubik.info/spip.php?article1522

▪ Vidéo

- Le camp de Boulogne : reportage de France 3 Hauts de France.

https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/2013/11/06/la-memoire-du-nord-pas-de-calais-napoleon-et-le-camp-

de-boulogne-1803-1805-352937.html

La guerre sur mer et la vie à bord

▪ Ouvrages imprimés

- AUMONT Michel, Les corsaires de Granville, une culture du risque maritime (1688-1815), Presses univ. de Rennes, 2013

- APPRIOU Daniel, BOZELLEC Erwan, L'Alcide corsaire de Saint-Malo, la guerre de course et l'histoire d'une corvette de 1745 à

nos jours, Coop Breizh, 1998

- DELITTE Jean-Yves, HERON Jean-Benoît, À bord des frégates, Glénat 2020

- PLATT Richard, BIESTY Stephen, À bord d’un vaisseau de guerre : une bataille navale vers 1800, Gallimard jeunesse, 2009

- Témoignage : GARNERAY Louis, Corsaire de la République : Aventures et combats, Phébus, coll. Libretto, 2001

▪ Ressources numériques

- Musée de la Marine : programme multimédia sur « la vie à bord d’un 74 canons »

http://www.musee-marine.fr/content/anciens-programmes-multimedia

- Réseau Canopé : Échapper au scorbut et à la teigne

https://www.reseau-canope.fr/hermione/echappez-au-scorbut-et-a-la-teigne/seances-1-et-2.html

Grandes batailles et prisonniers des pontons

▪ Ouvrages imprimés et articles

- BATTESTI Michèle, La bataille d’Aboukir 1798 : Nelson contrarie la stratégie de Bonaparte, Economica, 1998

- MASSON Philippe, Les sépulcres flottants. Prisonniers français en Angleterre sous l’Empire, Ouest France Université, 1992

- MONAQUE Rémi, Trafalgar, 21 octobre 1805, Passés composés, 2021

- Témoignage : GARNERAY Louis, Mes pontons, Payot et Rivages, 2006

- DELITTE Jean-Yves, BECHU Denis, Les grandes batailles navales : Trafalgar, Glénat, 2017

- CHASSAIGNE Philippe, L’Angleterre, ennemie héréditaire ? Revue historique des armées N°264, 2011

http://journals.openedition.org/rha/7313

▪ Pages et sites internet

- Fondation Napoléon : BATTESTI Michèle, La bataille d’Aboukir : ses implications stratégiques

https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/articles/la-bataille-daboukir-ses-implications-strategiques/

Dossiers thématiques : Trafalgar, 21 octobre 1805 : une tragédie navale

https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/dossiers-thematiques/trafalgar-21-octobre-1805-une-tragedie-navale/

- Histoire par l’image : Denoël Charlotte, La bataille de Trafalgar

(Tableau d’A. Meyer, Scènes de la bataille de Trafalgar, 1836) http://histoire-image.org/fr/comment/reply/5843

▪ Pages et sites internet sur l’archéologie sous-marine

- Institut européen d’archéologie sous-marine (IEASM) Les sites en Égypte : la flotte de Bonaparte

https://ieasm.institute/egypt.php#

- UNESCO : projet de musée sous-marin. Aboukir.

http://www.unesco.org/new/fr/culture/themes/underwater-cultural-heritage/museums-and-tourism/alexandria-museum-

project/

- Sciences et avenirs : IGNASSE Joël, Coulée lors de la bataille de Trafalgar, l'épave du Fougueux découverte au large de

Cadix, 2016

https://www.sciencesetavenir.fr/espace/exploration/les-restes-du-fougueux-coule-pendant-la-bataille-de-trafalgar-retrouves-

grace-aux-maths_108452

- Site de la BBC (en anglais) : Nelson's captured French Tricolour flag displayed again « Le drapeau tricolore français capturé

par Nelson est à nouveau présenté » au musée de Norfolk. Archéologie sous-marine.

https://www.bbc.com/news/uk-england-norfolk-38984685

▪ Vidéo

- Nota Bene : Les conflits les plus meurtriers de l’Histoire (Trafalgar). https://www.youtube.com/watch?v=i1zOsn9p8Z8

Page 19: Napoléon et la Mer - musee-marine.fr

19

Napoléon et la mer Repères et documents

Dossier pédagogique

La Marine de Napoléon

▪ Ouvrages imprimés et articles

- LEVEQUE Pierre, La marine française au 18 Brumaire, in Annales historiques de la Révolution française, oct.-déc. 1999

http://journals.openedition.org/ahrf/289

- ARNAUD Bernard, Napoléon et la Marine ou l'histoire d'un malentendu in Napoleonica, N°8, 2010

https://www.cairn.info/revue-napoleonica-la-revue-2010-2-page-53.htm

- Collectif, Histoire des troupes de marine au travers de l’uniforme (1622-2020), Histoire et Collection, 2020

▪ Documents sources

- Pour l’inscription maritime, voir le Service Historique de la Défense (S.H.D)

- Les archives numérisées des départements littoraux

Exemple : Amirauté de La Rochelle

https://archives.charente-maritime.fr/consulter-documents-numerises

Derniers voyages

▪ Ouvrages imprimés et articles

- VIAL Charles Eloi, Napoléon à Sainte-Hélène, l’encre de l’exil, Perrin, 2018

- POISSON Georges, L'Aventure du retour des cendres, Taillandier, 2004

- HOMET Jean-Marie, Napoléon : le retour des Cendres in L’Histoire N° 272, 2003

https://www.lhistoire.fr/napol%C3%A9on-le-retour-des-cendres

▪ Pages et sites internet

- Fondation Napoléon : MACE Jacques, Faire revenir Napoléon en France : reportage exclusif à bord de la Belle Poule en 1840

https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/articles/faire-revenir-napoleon-en-france-reportage-exclusif-a-bord-de-la-

belle-poule-en-1840/

- Histoire par l’image : BENOIT Jérémie, Le retour des cendres de Napoléon (ensemble de trois tableaux)

https://histoire-image.org/fr/etudes/retour-cendres-napoleon?to=animation

▪ Vidéo

- Centre des monuments nationaux : 15 décembre 1840, le retour des Cendres de Napoléon

https://www.youtube.com/watch?v=y9LkTw8jXP8