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Sylvie Parthenay Techniques d’Écriture LE TEMPS DE LA NARRATION L’organisation temporelle du récit (I) INTRODUCTION L’auteur doit faire des choix techniques et choisir des règles de composition pour mettre en forme l’histoire qu’il souhaite proposer au lecteur. Ses différents choix doivent toujours tenir compte des moyens d’expression les plus pertinents par rapport à l’exposition de ses personnages et au déroulement des différentes scènes. De fait, l’organisation temporelle du récit joue également un rôle déterminant pour mettre au mieux en valeur la texture même de l’écrit. Pour bien comprendre l’organisation temporelle du récit, il faut distinguer deux temps : Le temps de l’histoire c’est-à-dire l’époque à laquelle se déroule l’histoire, les évènements qui la constituent et l’ordre dans lequel ces évènements se déroulent : l’ordre chronologique. Le temps de la narration, c’est-à-dire l’ordre et le rythme choisis par le narrateur pour raconter les évènements. Le temps de narration est le temps principal d’un récit. Il est employé tout au long de l’histoire pour décrire les évènements considérés comme principaux et qui constituent la trame de l’histoire en admettant au départ que l’on respecte le choix de suivre la chronologie des faits (d’autres choix sont cependant possibles en choisissant une présentation non chronologique des faits… débutants en écriture s’abstenir…). « Le point de référence temporelle se déplace d'évènement principal en évènement principal au fur et à mesure de la narration, c'est pourquoi on dit que ces évènements font avancer le récit. » Wikipédia, l’encyclopédie libre Attention ! L’auteur n’est pas le narrateur ! sauf dans le cas d’une autobiographie…

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Conseils d'écriture: le temps de la narration - Partie 1

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Sylvie Parthenay Techniques d’Écriture

LE TEMPS DE LA NARRATION

L’organisation temporelle du récit

(I)

INTRODUCTION

L’auteur doit faire des choix techniques et choisir des règles de composition

pour mettre en forme l’histoire qu’il souhaite proposer au lecteur. Ses différents choix doivent toujours tenir compte des moyens d’expression les plus pertinents par rapport à l’exposition de ses personnages et au déroulement des différentes scènes. De fait, l’organisation temporelle du récit joue également un rôle déterminant pour mettre au mieux en valeur la texture même de l’écrit.

Pour bien comprendre l’organisation temporelle du récit, il faut distinguer deux

temps :

• Le temps de l’histoire c’est-à-dire l’époque à laquelle se déroule l’histoire, les évènements qui la constituent et l’ordre dans lequel ces évènements se déroulent : l’ordre chronologique.

• Le temps de la narration , c’est-à-dire l’ordre et le rythme choisis par le narrateur pour raconter les évènements.

Le temps de narration est le temps principal d’un récit. Il est employé tout au long de l’histoire pour décrire les évènements considérés comme principaux et qui constituent la trame de l’histoire en admettant au départ que l’on respecte le choix de suivre la chronologie des faits (d’autres choix sont cependant possibles en choisissant une présentation non chronologique des faits… débutants en écriture s’abstenir…).

« Le point de référence temporelle se déplace d'évènement principal en évènement principal au fur et à mesure de la narration, c'est pourquoi on dit que ces évènements font avancer le récit. »

Wikipédia, l’encyclopédie libre

Attention ! L’auteur n’est pas le narrateur ! sauf dans le cas d’une autobiographie…

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Enfin, le verbe conjugué n’indique pas seulement une valeur temporelle qui

situe l’action dans la continuité du temps et la chronologie des faits. Le temps a également une valeur aspectuelle c’est-à-dire la manière dont est envisagé le déroulement de l’action verbale (on parle encore de « procès »). Ainsi, cela explique pourquoi les différents temps du passé qui font a priori référence au même moment temporel (passé simple, imparfait, passé composé) ne donnent pas la même valeur à une même action.

Selon ce que l’on souhaite exprimer, des faits de premier plan ou de second plan, donner une impression d’action accomplie ou encore inaccomplie, l’auteur choisira une valeur aspectuelle plutôt qu’une autre et de fait un temps verbal bien précis.

Exemple : Donner une impression d’achevé dans le temps (valeur aspectuelle) : utiliser

le passé simple pour marquer un passé révolu sans lien avec le présent (valeur temporelle).

« Sur ce champ de bataille tombèrent nos valeureux soldats »

LA NARRATION ULTERIEURE C’est la technique la plus fréquente.

Fondée sur l’emploi des temps du passé , elle raconte une histoire survenue dans un passé plus ou moins lointain.

C’est un regard rétrospectif : le récit semble avoir une dimension

« historique ». Souvent, une distance s’établit entre le moment supposé de l’énonciation (le

fait de raconter) et l’histoire au passé par l’usage du passé simple qui marque une sorte de coupure.

Le récit peut se faire à la troisième ou à la première personne. Généralement, l’histoire contient des repères chronologiques, par exemple

des dates qui ancrent le lecteur dans la réalité de l’histoire. Exemple : « Vers trois heures de l’après-midi, dans le mois d’octobre de l’année 1844, un

homme âgé d’une soixantaine d’années, mais à qui tout le monde eût donné plus que cet âge, allait le long du boulevard des Italiens »

Balzac, Le Cousin Pons

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L’utilisation des temps de conjugaison : Dans la narration ultérieure, c’est le passé simple ou le passé composé qui sont utilisés. Le passé antérieur, variante du passé simple, peut apparaître éventuellement dans le cas d’une subordonnée temporelle. Les événements indiqués sont considérés comme achevés. Dans le cadre de cette narration au passé :

• Le passé simple : c’est le temps de l’achevé (valeur aspectuelle). Chaque action est précise. Plusieurs actions au passé simple sont forcément successives. Elles se suivent dans l’ordre où elles sont exprimées et ne peuvent se mêler. C’est le temps du récit par excellence. Il peut être également utilisé pour donner une impression de recul, pour marquer un passé révolu qui n’a plus d’incidence au présent.

• L’utilisation de l’imparfait peut indiquer une action ou un état en cours au

moment où se déroule l’évènement principal de la scène. C’est le temps de l’inachevé. C’est le temps qui sert à la description (dans le passé bien sûr).

L’action en cours n’est pas délimitée par un début ou une fin. On peut avoir également le cas d’une action en cours qui peut être interrompue ou mise en parallèle par une autre action au passé simple. Exemple : « Les bateaux voguaient lentement. Le vaisseau pirate apparut subitement comme sorti de nulle part. » Si l’auteur ne veut établir aucun ordre dans différentes actions qui se produisent en même temps, ce qui donne une impression que tout se mêle et se passe en même temps : Exemple : pour raconter une bataille « Les canons tiraient, les mitrailleuses canardaient, les soldats couraient dans tous les sens en cherchant à sauver leur peau. » Observations sur exemple ci -dessus : L’utilisation de l’imparfait donne l’impression (valeur aspectuelle) de la simultanéité des faits, en même temps, je m’arrange pour cadencer la phrase en propositions simples : sujet verbe complément pour donner l’impression d’affolement, je cherche une certaine sonorité pour donner l’impression de l’impact des balles : canons, canardaient, couraient et pour donner l’impression de glissement, de fuite toujours dans les sonorités : sens sauver soldat. Tout cela pour essayer de rendre adéquat ma façon d’écrire à l’atmosphère de mon récit. Faire cela, c’est travailler son style littéraire …

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Si l’auteur veut exprimer une habitude, un aspect répétitif d’une action. Il associe l’utilisation de l’imparfait avec un adverbe ou un complément de temps. Exemple : « Il venait tous les jours quémander un bout de pain ». Cas particuliers d’emplois de l’imparfait : o L’imparfait de narration est un emploi particulier, stylistique avec la valeur

d’un passé simple, essentiellement dans un usage historique : Exemple : « Le lendemain, l’Allemagne capitulait ».

o L’imparfait de perspective ou de rupture est utilisé pour marquer une action qui intervient en conclusion dans un récit. Exemple : « Quelques jours plus tard, Agnès accouchait d’une petite fille ».

o L’imparfait de politesse à la même valeur que le conditionnel de politesse.

Exemple : « Je voulais savoir si nous pouvions emprunter le chemin qui passe par vos terres »

• L’utilisation du passé composé, par rapport au présent, il marque une

antériorité. Dans l’usage courant, il remplace le passé simple (actions précises, successives).

Narration au passé simple (exemple) : « Inquiet, Ouja rentra sous le porche. Après qu’il eut scruté (ici, bien que grammaticalement cette phrase soit correcte, je préfèrerais cette solution pour une question d’allègement de style : « Après avoir scruté ») la cour de son regard pour se rassurer, il s’adossa au mur quelques instants pour se reposer et se trouva bientôt plongé dans un abîme de réflexions. Il n’avait pas aperçu Samia de toute la journée. C’était vraiment mauvais signe. En début de matinée, cette absence ne l’avait pas gêné outre mesure, elle avait dû faire une course mais insensiblement un malaise l’avait gagné. Il essaya de se rappeler si une absence de Samia aussi prolongée s’était déjà produite. Autour de lui, les feuilles de l’unique arbre dans la cour, bruissaient… »

Narration au passé composé (exemple) :

« Inquiet, Ouja est rentré sous le porche. Après qu’il eut scruté (ici, bien que grammaticalement cette phrase soit correcte, je préfèrerais cette solution pour une question d’allègement de style : « Après avoir scruté ») la cour de son regard pour se rassurer, il s’est adossé au mur quelques instants pour se

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reposer et s’est bientôt plongé dans un abîme de réflexions. Il n’avait pas aperçu Samia de toute la journée. C’était vraiment mauvais signe. En début de matinée, cette absence ne l’avait pas gêné outre mesure, elle avait dû faire une course mais insensiblement un malaise l’avait gagné. Il a essayé de se rappeler si une absence de Samia aussi prolongée s’était déjà produite. Autour de lui, les feuilles de l’unique arbre dans la cour bruissaient… »

Autres formes verbales ou associations temporelles possibles :

• Le subjonctif, obligatoire dans certaines subordonnées • Les phrases d’hypothèses : si • Les dialogues (le dialogue sera traité également en fiches pratiques) • Les citations • Les incises.

LA NARRATION SIMULTANEE Le narrateur raconte au présent des évènements qu’il est en train de vivre.

Liée au récit à la première personne , cette narration (ou ce mode) est rarement adoptée dans le récit traditionnel mais apparaît souvent dans le roman des années 60.

Dans le cas d’une narration simultanée le temps de l’histoire semble identique

à celui de la narration, autrement dit la narration s’accomplit en même temps que l’histoire.

Pour la fiction, même si le narrateur est absent de l’histoire racontée, il semble

quand même présent d’une certaine manière dans l’univers représenté : le présent de narration donne un effet de focalisation externe . (Voir fiche consacrée à ce thème).

Le monologue intérieur de certains romans avec le présent de narration,

donne l’impression que les pensées d’un personnage se déroulent « en temps réel » au fur et à mesure qu’elles sont censées être conçues.

Utilisation du présent pour les faits de premier pl an (valeur aspectuelle) : Le présent exprime des actions ponctuelles, il est donc le temps des faits de

premier plan. À ce titre, il équivaut au passé simple dans la narration au passé. Le lecteur a l’impression de participer à l’histoire. Des faits au présent peuvent être décrits dans un récit au passé : voire ci-après le présent de narration ou présent historique.

Utilisation du présent pour les faits de second pla n (valeur aspectuelle) : Le présent peut avoir un aspect répétitif ou duratif. À ce titre, il équivaut à

l’imparfait dans les textes au passé.

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Exemple : Aspect répétitif : « Tous les matins, Monsieur Martin boit du café » Aspect duratif : « Cela fait des années que les Français ne croient plus aux

belles paroles des politiques. ». Le récit peut se faire à la troisième ou à la première personne. Généralement, l’histoire contient des repères chronologiques , par exemple

des dates qui ancrent le lecteur dans la réalité de l’histoire.

Narration au présent (exemple) : « Inquiet, Ouja rentre sous le porche. Après avoir scruté la cour de son regard pour se rassurer, il s’adosse au mur quelques instants pour se reposer et se trouve bientôt plongé dans un abîme de réflexions. Il n’a pas aperçu Samia de toute la journée. C’est vraiment mauvais signe. En début de matinée, cette absence ne l’a pas gêné outre mesure, elle avait dû faire une course mais insensiblement un malaise l’a gagné. Il essaie de se rappeler si une absence de Samia aussi prolongée s’est déjà produite. Autour de lui, les feuilles de l’unique arbre dans la cour bruissent. Il faudra voir demain matin à la première heure si elle est toujours absente. »

Les quatre valeurs aspectuelles du présent Le présent du discours : Il définit la situation d’énonciation. Ce qui se passe au moment même de l’énonciation. Valeur fondamentale : évoque un évènement contemporain de l’acte de parole. Il situe l’action verbale au moment de l’énonciation. Exemple : « Maintenant, on y va » - « Je te vois ! »

Le présent gnomique : on se sert du présent pour énoncer les proverbes, les définitions, les maximes et, de manière générale pour tous les énoncés renvoyant à une pensée éternelle ou une loi immuable :

Exemple : « Bien mal acquis, ne profite jamais. » Le présent de la narration (encore appelé présent historique ou aoristique).

Le présent est utilisé à la place du couple passé simple/imparfait dans un récit. Il présente les mêmes valeurs aspectuelles que ces derniers.

Exemple : « L’ennemi occupe le village. Jean et René contournent les maisons par

derrière. À cette heure avancée de la nuit, la grande place est déserte. Les bruits d’une patrouille se font entendre. Des bruits de bottes qui marchent au pas cadencé. Jean et René se replient sur eux-mêmes instinctivement. Ils s’enfoncent le plus profondément possible dans le renfoncement du mur de la vieille auberge. Ils prient pour ne pas être découverts. »

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Pour comparer, je mets cet exemple au passé : Exemple : « L’ennemi occupait le village. Jean et René contournèrent les maisons par

derrière. À cette heure avancée de la nuit, la grande place était déserte. Les bruits d’une patrouille se firent entendre. Des bruits de bottes qui marchaient au pas cadencé. Jean et René se replièrent sur eux-mêmes instinctivement. Ils s’enfoncèrent le plus profondément possible dans le renfoncement du mur de la vieille auberge. Ils prièrent pour ne pas être découverts. » Il appartient ensuite à l’auteur de sentir ce qui conviendrait le mieux à son histoire. Les techniques d’écriture laissent une large place au feeling. Pour cet exemple, je préfère, bien qu’elles soient temporellement équivalentes, la version au présent à celle au passé.

Le présent de la description ou scénique : présent utilisé à la place de l’imparfait dans le récit et qui ajoute une sorte d’effet « atemporel ». Le plus souvent utilisé pour élaborer une description, il agit comme une parenthèse dans le récit.

Exemple : « Les chevaux qui piaffaient d’impatience, se sont finalement élancés au coup

de starter. Fireball bondit de sa cage de départ comme un diable du fond de sa boîte. La

poussée des postérieurs est telle que l’image de son jockey semble prendre une fraction de seconde en retard par rapport au déroulement du film. Ses sabots s’accrochent à la terre boueuse de la piste, il projette mille mottes de boues et laboure littéralement la terre. »

Cas particuliers de la narration au présent : Le présent peut remplacer un autre temps : le futur proche.

Exemple : « Demain, je vais au marché ». Le passé composé : la valeur première du passé composé est de

marquer une action passée qui se prolonge dans le présent. On utilisera donc le passé composé dans un texte narré au présent, particulièrement à la 1ère personne ;

Exemple : « J’ai reçu une mauvaise nouvelle que je n’arrive toujours pas à digérer. »

Comme le présent, le passé composé peut être utilisé avec une valeur

temporelle, celle d’un futur antérieur proche : on se situe dans un futur proche où l’action que l’on exécute au moment même sera achevée.

Exemple : « J’ai fini dans cinq minutes ! » ou « J’arrive ! J’ai presque fini ! » NOTA : Cette fiche est à lire attentivement avec le tablea u des systèmes de

temps mis en fiche pratique (synthétique). Ce table au constitue une sorte de mémento bien utile en cours d’écriture.