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GE.11-15364 (F) 010911 020911 Conseil des droits de l’homme Dix-huitième session Point 10 de l’ordre du jour Assistance technique et renforcement des capacités Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Cambodge Surya P. Subedi Résumé Cette année marque le vingtième anniversaire de la conclusion des Accords de paix de Paris en 1991, qui a amorcé le processus de paix au Cambodge. Le mandat du Rapporteur spécial trouve son origine dans ces Accords. Il est louable que le Cambodge ait franchi des étapes importantes dans un grand nombre de domaines. Toutefois, il lui reste encore beaucoup de progrès à faire pour remplir les obligations découlant des traités de droit international humanitaire qu’il a ratifiés. La communauté internationale devrait continuer à aider le Cambodge dans ses efforts visant à instaurer l’état de droit et à reconstruire les institutions étatiques. Le Rapporteur spécial est particulièrement préoccupé par la situation de différentes questions relatives aux droits de l’homme, notamment celles de la liberté d’expression, du droit au logement et des droits fonciers. Il est d’avis que l’expression pacifique des opinions ne devrait pas être sanctionnée par le Code pénal comme cela est actuellement le cas pour des infractions telles que la diffamation ou la désinformation. Il est également préoccupé par le fait que les personnes, notamment celles qui appartiennent à des partis politiques différents, peuvent de moins en moins exprimer leurs opinions pacifiquement et sans crainte. À cet égard, il est particulièrement inquiet au sujet des accusations d’incitation, de diffamation et de diffusion d’informations qui ont été portées contre des défenseurs des droits de l’homme, des militants en faveur des droits fonciers et des membres de communautés défendant leur droit au logement et leurs droits fonciers. Le Cambodge a adopté un grand nombre de lois destinées à protéger les droits de l’homme mais a pris du retard dans leur application. De nombreuses lois adoptées par le Parlement, y compris son propre règlement intérieur, ne respectent pas les normes exigées par le principe d’état de droit. Dans de nombreux domaines au Cambodge, le Gouvernement par application de la loi (rule by law) prime l’état de droit (rule of law). Nations Unies A/HRC/18/46 Assemblée générale Distr. générale 2 août 2011 Français Original: anglais

Nations Unies A Assemblée générale · 2014. 11. 11. · Premier Ministre, M. Hun Sen, le Président de l’Assemblée nationale, M. Heng Samrin, le Vice-Premier Ministre, M. Sok

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Conseil des droits de l’homme Dix-huitième session Point 10 de l’ordre du jour Assistance technique et renforcement des capacités

Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Cambodge

Surya P. Subedi

Résumé

Cette année marque le vingtième anniversaire de la conclusion des Accords de paix de Paris en 1991, qui a amorcé le processus de paix au Cambodge. Le mandat du Rapporteur spécial trouve son origine dans ces Accords. Il est louable que le Cambodge ait franchi des étapes importantes dans un grand nombre de domaines. Toutefois, il lui reste encore beaucoup de progrès à faire pour remplir les obligations découlant des traités de droit international humanitaire qu’il a ratifiés. La communauté internationale devrait continuer à aider le Cambodge dans ses efforts visant à instaurer l’état de droit et à reconstruire les institutions étatiques.

Le Rapporteur spécial est particulièrement préoccupé par la situation de différentes questions relatives aux droits de l’homme, notamment celles de la liberté d’expression, du droit au logement et des droits fonciers. Il est d’avis que l’expression pacifique des opinions ne devrait pas être sanctionnée par le Code pénal comme cela est actuellement le cas pour des infractions telles que la diffamation ou la désinformation. Il est également préoccupé par le fait que les personnes, notamment celles qui appartiennent à des partis politiques différents, peuvent de moins en moins exprimer leurs opinions pacifiquement et sans crainte. À cet égard, il est particulièrement inquiet au sujet des accusations d’incitation, de diffamation et de diffusion d’informations qui ont été portées contre des défenseurs des droits de l’homme, des militants en faveur des droits fonciers et des membres de communautés défendant leur droit au logement et leurs droits fonciers.

Le Cambodge a adopté un grand nombre de lois destinées à protéger les droits de l’homme mais a pris du retard dans leur application. De nombreuses lois adoptées par le Parlement, y compris son propre règlement intérieur, ne respectent pas les normes exigées par le principe d’état de droit. Dans de nombreux domaines au Cambodge, le Gouvernement par application de la loi (rule by law) prime l’état de droit (rule of law).

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Assemblée générale Distr. générale 2 août 2011 Français Original: anglais

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Le présent rapport porte sur une évaluation de l’indépendance et de la capacité du Parlement en tant qu’institution étatique de défense des droits des individus. Le Parlement du Cambodge n’a pas été capable de préserver la liberté d’expression de certains de ses propres membres. En outre, il n’y a pas de réelle séparation des pouvoirs et l’on considère que le Parlement n’a qu’une capacité limitée de contrôler effectivement le pouvoir exécutif.

Le Parlement est l’âme de la démocratie et est chargé d’adopter les lois nécessaires à la protection des droits de l’homme. Dans le présent rapport, le Rapporteur spécial formule donc, de manière constructive, une série de recommandations et espère que le Gouvernement, le Parlement et les autres parties prenantes les appliqueront.

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Table des matières Paragraphes Page

I. Introduction............................................................................................................. 1−4 4

II. Méthodes de travail et approche ............................................................................. 5−6 4

III. Faits nouveaux touchant les droits de l’homme ...................................................... 7−35 5

A. Droits fonciers et droit au logement ............................................................... 8−17 5

B. Liberté d’expression ....................................................................................... 18−24 7

C. Projet de loi sur les organisations non gouvernementales .............................. 25−31 10

D. Projet de loi sur les syndicats ......................................................................... 32 11

E. Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens ...................... 33−35 12

IV. Rôle et efficacité du Parlement dans la protection des droits de l’homme.............. 36−54 12

A. Structure générale du Parlement..................................................................... 36−40 12

B. Efficacité du Sénat.......................................................................................... 41 13

C. Efficacité de l’Assemblée nationale ............................................................... 42−49 13

D. Protection de la liberté d’expression des membres du Parlement................... 50−54 15

V. Conseil constitutionnel, droits de l’homme et Parlement........................................ 55−58 16

VI. Conclusions............................................................................................................. 59−63 18

VII. Recommandations................................................................................................... 64−93 19

A. Parlement........................................................................................................ 64−87 19

B. Liberté d’expression ....................................................................................... 88 21

C. Droits fonciers et droit au logement ............................................................... 89−93 21

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I. Introduction

1. Le présent rapport est le troisième établi par l’actuel Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Cambodge, conformément à la résolution 15/20 du Conseil des droits de l’homme.

2. Les progrès accomplis au Cambodge dans de nombreux domaines depuis la conclusion de l’accord sur un règlement politique global du conflit du Cambodge (les Accords de paix de Paris) sont louables. Le conflit a été résolu, la période de transition gérée convenablement, la nouvelle Constitution démocratique a été adoptée en 1993 et des élections périodiques ont eu lieu depuis. Ces dernières années, la croissance économique régulière et la stabilité politique ont permis à de nombreuses personnes de sortir de la pauvreté, du moins dans les zones urbaines.

3. Les Accords de paix de Paris ont instauré l’état de droit, les droits de l’homme et la démocratie en tant que principaux piliers de la nouvelle organisation politique du pays. Le processus de paix ne sera considéré comme achevé que lorsque les institutions démocratiques créées en vertu de la Constitution pourront fonctionner de manière effective et indépendante. À cet égard, la communauté internationale a une responsabilité particulière. C’est dans le contexte des relations internationales que le Gouvernement a accepté que le Rapporteur spécial évalue systématiquement les institutions étatiques en vue d’étudier les moyens de renforcer leur capacité et leur indépendance dans la protection des droits des Cambodgiens. Par conséquent, alors que le précédent rapport du Rapporteur spécial (A/HRC/15/46) était consacré au système judiciaire, le présent rapport porte sur le Parlement. En 2011, le Rapporteur spécial a principalement consacré ses deux missions au Cambodge à l’examen de la capacité du Parlement à défendre les droits des Cambodgiens et les règles démocratiques.

4. Le Rapporteur spécial constate avec satisfaction que le Gouvernement a accepté d’accélérer son programme législatif visant à appliquer, entre autres, les principales recommandations formulées par le Rapporteur spécial au sujet du système judiciaire. Le Gouvernement a affirmé que les recommandations émises par le Rapporteur spécial dans son précédent rapport étaient actuellement mises en œuvre ou qu’elles étaient sur le point de l’être. Par exemple, le Rapporteur spécial est encouragé par des signes qui prouvent que l’élaboration des lois organiques relatives au système judiciaire, longtemps retardée, progresse actuellement. Il est intéressant de constater qu’un groupe de travail interministériel a été créé dans ce but. Toutefois, le Gouvernement n’a pas donné suite à la demande du Rapporteur spécial de s’engager à respecter un calendrier ou un plan d’action concret pour appliquer ses recommandations principales.

II. Méthodes de travail et approche

5. Pendant la période couverte par le présent rapport, le Rapporteur spécial a effectué deux missions au Cambodge en 2011, du 15 au 24 février et du 30 mai au 4 juin. Il remercie le Gouvernement pour la coopération qu’il a apportée et pour avoir montré qu’il était disposé à collaborer de manière constructive. Pendant ses missions, le Rapporteur spécial a consacré son travail au Parlement. Le Rapporteur spécial a eu l’honneur de rencontrer le Premier Ministre, M. Hun Sen, le Président de l’Assemblée nationale, M. Heng Samrin, le Vice-Premier Ministre, M. Sok Han, et d’autres hauts responsables du Gouvernement ainsi que des membres du Sénat et de l’Assemblée nationale appartenant à différents partis

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politiques1. Il a trouvé encourageante leur réponse à certaines des questions qu’il a soulevées. Le Rapporteur spécial a été informé du travail effectué par les deux chambres du Parlement pour obliger l’exécutif à rendre des comptes et à protéger et promouvoir les droits de l’homme dans le pays. Il apprécie certaines des nouvelles lois adoptées par le Parlement dans ce but. Le Rapporteur spécial a recensé certaines défaillances dans le fonctionnement du Parlement et a formulé des recommandations visant à les corriger dans la dernière partie du présent rapport.

6. Le Rapporteur spécial a séparément rencontré l’équipe de pays des Nations Unies et ses membres, des organisations donatrices et des diplomates, et s’est rendu aux chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens où il a rencontré le Président et le Vice-Président de l’Assemblée plénière peu avant la fin de sa septième session. Il a également rencontré des victimes de violations des droits de l’homme, notamment des groupes et communautés autochtones ayant été expulsés de leurs terres dans un passé récent et une personne qui avait été accusée de diffamation. Il s’est entretenu avec des représentants de syndicats, des représentants d’organisations de la société civile œuvrant dans le domaine des droits de l’homme, tels les droits fonciers ou la liberté d’expression, ou pour la réforme parlementaire, et avec des particuliers. Il s’est rendu sur des sites à Kampong Chhnang, Boeung Kok Lake et Khan Sen Sok où des familles risquent actuellement d’être expulsées ou l’ont été par la force.

III. Faits nouveaux touchant les droits de l’homme

7. Bien que la situation des droits de l’homme ait évolué dans certains domaines, elle ne s’est pas beaucoup améliorée dans les autres.

A. Droits fonciers et droit au logement

8. Les différends fonciers continuent d’avoir des conséquences négatives sur la vie de nombreuses personnes dans le pays, en particulier sur celles qui sont pauvres, marginalisées et qui ne disposent d’aucun mécanisme leur permettant de remédier à leurs problèmes. Bien que le Gouvernement élabore actuellement un certain nombre de programmes d’aménagement du territoire, de réinstallation et de logement, les progrès sont lents. Les différends fonciers non réglés, souvent entachés de corruption, ont donné lieu à des affrontements persistants au sein du Gouvernement, de la société civile et des communautés menacées d’expulsion forcée et ont été à l’origine de plusieurs flambées de violence ces derniers mois.

9. Le système judiciaire ne protège pas efficacement les droits de nombreux Cambodgiens qui ne possèdent pas de titre foncier. Les mécanismes actuels destinés à régler les différends fonciers, telles les commissions cadastrales et l’Autorité nationale pour le règlement des différends fonciers, manqueraient de moyens et ne protégeraient pas efficacement les droits des petits exploitants agricoles. Certaines communautés affirment privilégier les mécanismes non judiciaires parce qu’elles n’ont aucune confiance dans les tribunaux et les mécanismes de règlement des différends fonciers actuellement en place. Pendant la période couverte par le rapport, de nombreux différends fonciers se sont envenimés et de nombreuses personnes ont été expulsées de leurs terres ou ont été menacées d’expulsion forcée après avoir épuisé tous les recours juridiques pour régler pacifiquement leur différend ou obtenir un règlement équitable.

1 Jusqu’à présent, le Rapporteur spécial n’a malheureusement pas eu l’occasion de rencontrer le Ministre de la justice.

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10. Au moins 3 000 à 4 000 familles vivant dans la zone de Boeung Kok Lake ont été expulsées ou sont menacées d’expulsion forcée depuis que le Gouvernement a accordé un bail de quatre-vingt-dix-neuf ans à Shukaku, Inc. pour l’aménagement du terrain. Il a été recouru à l’intimidation et aux menaces pour forcer les villageois à accepter une indemnisation insuffisante ou une réinstallation à l’extérieur de Phnom Penh, alors que nombre d’entre eux revendiquent des titres fonciers officiels en vertu des articles 30 et 31 de la loi foncière de 2001. Les forces de sécurité ont également usé d’intimidation et de violence à l’encontre des manifestants. Depuis août 2008, Shukaku a commencé à combler le lac avec du sable et de nombreuses familles, confrontées à la menace d’une expulsion forcée, ont quitté le site et accepté une indemnisation insuffisante. Toutefois, selon les estimations, 1 500 familles sont toujours menacées d’expulsion forcée. Bien qu’un dialogue se soit ouvert entre les communautés concernées qui vivent encore dans la zone de Boeung Kok Lake et la municipalité de Phnom Penh, il reste encore beaucoup à faire en termes d’indemnisation et d’amélioration des conditions sur place.

11. Avec l’aide de la communauté internationale, le Gouvernement a lancé à travers le pays un programme d’attribution de titres fonciers qui, toutefois, manque souvent de transparence quant aux concessions foncières à des fins économiques. L’appropriation des terres par les riches et les puissants a parfois pris le pas sur les progrès réalisés dans l’attribution de titres fonciers. Bien que les concessions foncières à caractère social ou économique aient parfois véritablement servi l’intérêt public, cela n’est pas le cas de certaines d’entre elles.

12. En outre, les particuliers qui défendent les droits fonciers de leur communauté ont souvent été arrêtés arbitrairement ou accusés injustement. L’absence de concertation avec les communautés susceptibles d’être touchées avant l’octroi de concessions foncières à des fins économiques est une situation regrettable que le Rapporteur spécial a pu constater, tout comme l’impossibilité de procéder à une évaluation de l’incidence sur l’environnement. Dans son rapport de l’année dernière, le Rapporteur spécial avait formulé le vœu que le Gouvernement crée un mécanisme en concertation avec les organisations non gouvernementales (ONG) pour tenter de régler le nombre croissant de différends fonciers (A/HRC/15/46, par. 32) et il avait trouvé encourageant que le Président de la Commission cambodgienne des droits de l’homme annonce la création d’un tel mécanisme en mai 2011.

13. Le Rapporteur spécial a constaté une tendance caractérisée par une convergence entre les intérêts de l’État et les intérêts commerciaux privés. En février 2011, il s’est rendu dans la province de Kampong Chhnang et a constaté en personne la situation de certains villageois du village de Lorpeang, de la commune de Taches et du district de Kampong Tralach qui avaient été expulsés de leurs terres au début de l’année 2008 sans aucune indemnisation alors qu’une affaire concernant leur situation et celle d’autres villageois était en cours d’examen à la commission cadastrale du district et avait été renvoyée à l’Autorité nationale pour le règlement des différends fonciers. En dépit des revendications des communautés à ce sujet, KDC international, une entreprise dirigée par l’épouse d’un ministre du Gouvernement, a pris possession de leurs terres. Huit villageois, y compris un chef de village et un employé d’une ONG qui aidait les villageois touchés, ont été accusés de violation de propriété, de provocation, de propagation de fausses informations (plus de détails au paragraphe 21).

14. En juin 2011, le Rapporteur spécial a rencontré trois familles qui avaient été expulsées de force de leur domicile de la commune de Sangkath Phnom Penh Thmey, dans le district de Russei Keo (devenu le district de Sen Sok), malgré l’absence de décision officielle au sujet du terrain en question depuis 1992. Selon les informations, les familles ont acheté le terrain à un officier en 1992 (ils détiennent le titre de propriété mais leurs tentatives pour obtenir de la municipalité un titre foncier sont restées vaines). Depuis septembre 2003, de multiples tentatives de prise de possession du terrain et d’expulsion des

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familles, avec une indemnisation faible, voire inexistante, auraient eu lieu, ce contre quoi les familles ont protesté. L’affaire, qui a en premier lieu été examinée par le tribunal municipal, puis renvoyée à la commission cadastrale municipale en 2004, suit son cours et demeure sans solution depuis plusieurs années.

15. En juin 2011, un violent affrontement a éclaté entre les autorités de la province de Kampong Speu et les villageois du district de Oudong au sujet d’un terrain controversé de 65 hectares actuellement utilisé pour produire du riz et de la destruction prévue de trois maisons sur la terre cultivée par cinq familles. Quatre membres de la gendarmerie et au moins six villageois ont fait état de blessures. L’affrontement a marqué le paroxysme d’un conflit de longue date au sujet de la parcelle, sur laquelle 88 familles affirment vivre depuis le début des années 80. Le conflit a éclaté après la vente du terrain par des officiers à l’entreprise taiwanaise Meng Keth (dont le propriétaire, un homme d’affaires taiwanais, est devenu cambodgien par naturalisation) qui revendique à présent la propriété de la terre alors que les villageois en contestent la vente. Le conflit était en cours dans le système juridictionnel depuis 2004 et en décembre 2009, la Cour suprême a statué contre les villageois. L’affrontement a éclaté après que le procureur Kuth Sopheang eut conduit un escadron de centaines de policiers armés et de policiers militaires pour tenter de faire respecter la décision de la Cour suprême.

16. Tels sont quelques-uns des exemples représentatifs de problèmes relatifs aux droits fonciers dans le pays. Bien que le Gouvernement et les autorités locales aient parfois proposé, lors de l’achat de terres à des fins publiques, une indemnisation raisonnable aux habitants des différents sites afin qu’ils puissent se réinstaller ailleurs, il existe toujours trop d’affaires dans lesquelles le Gouvernement a employé une méthode brutale à l’encontre des habitants des zones controversées.

17. Au début de l’année 2010, le Conseil de la politique foncière a publié un projet de politique du logement, qui reconnaît le droit à un logement convenable. Cependant, cette politique n’est pas entrée en vigueur. En mai 2010, le Gouvernement a adopté une circulaire relative aux établissements provisoires illégaux dans les zones urbaines qui proposait quelques solutions visant l’amélioration des conditions sur place et la réinstallation. Toutefois, la circulaire ne propose pas de système qui déterminerait le caractère légal des établissements provisoires. Le Rapporteur spécial espère qu’un moratoire sur les expulsions des habitants des implantations sauvages sera respecté jusqu’à ce que le Gouvernement mette au point sa capacité de règlement des différends fonciers, en application de la résolution 12/25 du Conseil des droits de l’homme, qui engageait le Gouvernement à redoubler d’efforts pour résoudre équitablement et rapidement, conformément à la loi foncière de 2001, les questions de propriété foncière, de manière impartiale et dans la transparence, en appliquant la loi avec plus de vigueur grâce à l’élaboration de principes directeurs nationaux pour clarifier les procédures applicables. Le Rapporteur spécial demande instamment au Gouvernement de redoubler d’efforts pour s’inscrire dans à la fois le cadre légal national existant et le nouveau pour régler les différends au lieu de laisser les différends fonciers s’envenimer, et dégénérer dans des violences qui se sont accrues durant la période couverte par le rapport.

B. Liberté d’expression

18. La situation du droit à la liberté d’expression et d’opinion au Cambodge reste un sujet de préoccupation. Le Gouvernement s’est servi des dispositions légales concernant la diffamation et la désinformation de manière excessive à l’encontre des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme et des dirigeants politiques, qui semblent s’autocensurer par crainte d’être la cible de telles accusations.

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19. Le Rapporteur spécial a constaté que les dispositions de plusieurs lois au Cambodge, y compris celles du nouveau Code pénal, limitent les libertés des personnes au-delà des normes internationales, tout comme l’interprétation et l’application qu’en font les tribunaux. Ceux-ci ne prennent pas suffisamment en considération l’évolution de la pratique et de la jurisprudence internationales et ont tendance à appliquer la loi littéralement plutôt que d’en interpréter l’esprit. Par exemple, en août 2010, Leang Sokchoun, un employé de la Ligue cambodgienne pour la promotion et la défense des droits de l’homme (LICADHO) et deux autres personnes, Tach Vannak et Tach Le, ont été condamnés à deux ans d’emprisonnement et à une amende de 2 millions de riels et un autre défendeur, Tach Khong Phoung, a été jugé par contumace et condamné à trois ans d’emprisonnement. Ils avaient été accusés d’avoir distribué des tracts antigouvernementaux dans la province de Takeo, le 4 janvier 2010. Le procès du 30 août 2010 a été marqué par un certain nombre d’irrégularités, ce qui tend à prouver que les défendeurs n’ont pas bénéficié d’un procès équitable. Les preuves et le contexte de cette affaire portent à croire que les éléments nécessaires à la condamnation pour crime de désinformation en vertu de l’article 62 du Code pénal étaient inexistants puisque la distribution présumée de tracts n’a pas perturbé la paix et qu’aucun trouble de l’ordre public n’est survenu après que les tracts ont été trouvés.

20. Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Cambodge, le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme et le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats ont conjointement adressé un appel urgent au Gouvernement cambodgien le 14 septembre 2010 au sujet de cette affaire. Les rapporteurs spéciaux se sont déclarés préoccupés par le fait que la situation des quatre ressortissants pouvait constituer une violation du droit à la liberté d’expression et du droit à un procès équitable. Ils se sont également dits inquiets du fait que la condamnation sur la base d’éléments de preuve contestables de l’un des quatre ressortissants, un défenseur des droits de l’homme, pouvait avoir une incidence négative sur les conditions de travail des défenseurs des droits de l’homme dans le pays. Les rapporteurs spéciaux ont demandé des précisions au sujet de l’enquête, des procédures judiciaires et autres ayant trait aux affaires, des mesures mises en place pour assurer un procès équitable et de la manière dont la sanction prise à l’encontre des défendeurs quant à la présumée distribution de tracts constituait une restriction licite au droit à la liberté d’expression. Au moment de l’établissement du présent rapport, aucune réponse n’a été reçue du Gouvernement.

21. De la même manière, le 3 février 2011, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Cambodge, le Rapporteur spécial sur le droit à la liberté d’opinion et d’expression et le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme ont conjointement envoyé une lettre d’allégation mettant en cause le fondement juridique de l’affaire concernant Sam Chankea et Reach Seima, condamnés pour désinformation et diffamation en vertu de l’article 305 du nouveau Code pénal pour avoir supposément attiré l’attention, lors d’un entretien radiophonique, sur le statut juridique non défini d’un différend foncier en cours et sur l’acte illégal de l’entreprise impliquée, KDC International, qui aurait installé des machines pour travailler sur la terre en question (voir les informations générales données au paragraphe 13 ci-dessus). M. Chankea est un coordonnateur sur place de l’organisation de défense des droits de l’homme Adhoc. Le 26 décembre 2009, sur Radio Free Asia, il a affirmé: «l’acte de l’entreprise constitue une violation de la loi puisque l’affaire n’a pas encore été jugée par le tribunal. L’entreprise devrait donc suspendre son activité et attendre la décision du tribunal». L’entreprise a déclaré que ces affirmations étaient mensongères et, après avoir reçu cette plainte, le ministère public a accusé le coordonnateur d’Adhoc de diffamation. Quand l’affaire a été soumise au tribunal, le procès a été émaillé de carences donnant à penser que les normes en matière de procès équitable n’ont pas été respectées. M. Chankea a été condamné à payer 4 millions de riels en guise d’amende et de dommages-intérêts ou à trois mois d’emprisonnement. M. Seima a

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été condamné soit à payer 10 millions de riels en guise d’amende et de dommages-intérêts, soit à six mois d’emprisonnement. Le fait d’engager des procédures pénales pour diffamation à l’encontre de défenseurs des droits de l’homme qui encouragent le règlement équitable d’un différend foncier est très préoccupant. Au moment de l’établissement du présent rapport, aucune réponse n’a été reçue du Gouvernement.

22. Un autre bon exemple est celui de Seng Kunnaka, un employé du Programme alimentaire mondial, qui a été condamné pour incitation au crime par le tribunal municipal de Phnom Penh le 19 décembre 2010 et condamné à six mois d’emprisonnement et à une amende de 1 million de riels. Le 17 décembre 2010, M. Kunnaka a été arrêté, placé en détention dans le district de Russei Keo et interrogé pendant quarante-huit heures. Le 19 décembre 2010, il a été jugé par le tribunal municipal de Phnom Penh en vertu du nouveau Code pénal et condamné pour avoir imprimé des documents d’information depuis un site Internet et pour les avoir partagés avec deux collègues de travail. Il semble que les documents contenaient des caricatures de dirigeants politiques, qui y étaient qualifiés de «traîtres». Les observateurs n’ont pas été autorisés à assister au procès, qui s’est tenu à huis clos. Le procès a eu lieu deux jours après son arrestation, un dimanche, jour pendant lequel les tribunaux ne fonctionnent normalement que pour les affaires exceptionnelles. Il a semblé que les procureurs n’avaient pas disposé d’assez de temps pour enquêter correctement sur l’affaire et que le tribunal s’était empressé de rendre une décision sans permettre à l’accusé d’avoir un procès équitable. Le 22 mars 2011, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Cambodge, le Rapporteur spécial sur le droit à la liberté d’opinion et d’expression et le Président-Rapporteur du Groupe de travail sur la détention arbitraire ont conjointement adressé un appel urgent pour demander des explications sur le fondement juridique de la condamnation de M. Kunnaka. Les rapporteurs spéciaux se sont inquiétés du fait que l’article 495 du nouveau Code pénal pouvait avoir été interprété comme une restriction de l’exercice constitutionnel de la liberté d’opinion, d’expression et d’information plutôt que comme une protection des citoyens contre toute infraction. Au moment de l’établissement du présent rapport, aucune réponse n’a été reçue du Gouvernement.

23. Le Rapporteur spécial a constaté que les tribunaux appliquent des lois qui, à la base, ne sont pas conformes à la nature et à la portée de l’état de droit et risquent donc d’être utilisées par l’exécutif à des fins politiques. À titre d’exemple, la peine de dix ans d’emprisonnement prononcée par contumace à l’encontre du dirigeant de l’opposition Sam Rainsy après qu’il a été reconnu coupable de falsification de documents publics et de désinformation aurait eu des fondements politiques. Le Rapporteur spécial avait espéré que la Cour d’appel ou la Cour suprême seraient plus objectives lorsque l’affaire concernant le dirigeant de l’opposition passerait en appel. Malheureusement, la Cour suprême a confirmé en mars 2011 la décision de la cour d’appel, qui avait confirmé la décision du tribunal de première instance. Selon le Gouvernement, M. Rainsy aurait falsifié une carte pour montrer que le Viet Nam avait empiété sur le territoire du Cambodge. Dans n’importe quelle démocratie fonctionnant correctement, un tel sujet politique aurait été débattu au sein du parlement et aurait fait l’objet de débats publics plutôt que d’être traité en tant qu’affaire pénale devant des tribunaux. Les fonctions premières des dirigeants de l’opposition consistant à examiner les activités du Gouvernement et à lui demander de répondre à toute critique pouvant être formulée au sujet de ses décisions politiques, aucune procédure pénale ne devrait être engagée à leur encontre lorsqu’ils exercent leur activité de manière pacifique.

24. Le 24 août 2010, le Rapporteur spécial a écrit au Premier Ministre et lui a fourni une note de synthèse dans laquelle il présentait l’approche des mécanismes internationaux des droits de l’homme sur le recours aux actions en justice pour diffamation et sur les accusations de désinformation. Le Rapporteur spécial a souligné qu’il était très important pour la protection de l’espace démocratique nécessaire aux débats publics que les autorités

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publiques et les hommes politiques, ainsi que les membres de la presse et les particuliers qui participent à ces débats, tolèrent les opinions différentes et ne les considèrent pas comme des attaques personnelles. Le Rapporteur spécial a évoqué une tendance inquiétante aux restrictions de la liberté d’expression sous forme d’actions en justice pour diffamation, désinformation et provocation qui s’est traduite par des peines d’emprisonnement prononcées à l’encontre de particuliers, notamment de journalistes, d’employés d’ONG et de parlementaires, qui n’avaient pas l’intention de porter atteinte à la sécurité nationale. Le Rapporteur spécial a régulièrement constaté que, dans les procès en diffamation, le plaignant ne semblait pas avoir démontré que sa réputation était entachée (un des éléments constitutifs de l’infraction de diffamation). En ce qui concerne les affaires de désinformation, le Rapporteur spécial a constaté que le tribunal ne recevait souvent aucun élément de preuve suggérant que l’information en question mettait en danger la sécurité nationale (un des éléments constitutifs de l’infraction de désinformation).

C. Projet de loi sur les organisations non gouvernementales

25. En septembre 2008, pendant la quatrième législature (2008-2012), le Gouvernement a décidé d’adopter une loi pour réglementer les activités des organisations non gouvernementales et des associations. Le 15 décembre 2010, le Ministère de l’intérieur a rendu public le premier projet de loi et a invité les ONG et les autres parties concernées à participer à une première consultation publique sur le projet le 10 janvier 2011. Le rôle des acteurs de la société civile dans le développement politique et économique du Cambodge a été reconnu par le Premier Ministre dans ses discours du 24 novembre 2009 et du 6 juin 2011 et par d’autres hauts responsables du Gouvernement. De nombreuses organisations de la société civile ont joué un rôle complétant celui de l’État dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’aménagement rural, de l’assainissement, de la protection sociale et de la protection des ressources naturelles et de l’environnement.

26. La décision d’adopter une loi dans le but de réglementer les ONG et les associations est une initiative déterminante qui demande une attention vigilante étant donné les conséquences à long terme que cela implique sur le développement de la société cambodgienne (et donc le pays) elle-même. Ces deux dernières années, des groupes de défense des droits de l’homme et d’autres ONG œuvrant pour la promotion et la protection des droits fonciers et du droit au logement des plus pauvres, le développement durable ou les droits constitutionnels à la liberté d’expression, de réunion et de presse ont, dans une mesure croissante, fait l’objet de diverses formes de harcèlement et d’intimidation, notamment de restrictions à la liberté de circulation et de réunion, de menaces verbales, de menaces de poursuites judiciaires et, dans certains cas, de poursuites pénales. Les efforts qu’ils ont déployés pour informer et conseiller les populations locales sur leurs droits et sur la manière de les exercer pacifiquement par le biais des institutions existantes ont de plus en plus été qualifiés de «provocation» et ont été assimilés à une opposition politique.

27. Le Rapporteur spécial s’est félicité des consultations sur le projet de loi relative aux ONG mises en place par le Ministère de l’intérieur avec les parties concernées et a formé l’espoir que cette bonne pratique soit reproduite dans d’autres domaines. Toutefois, pour que les consultations soient constructives, la version finale de cette loi devrait contenir des suggestions valables émises pendant les consultations afin que les lois promulguées permettent aux associations concernées de renforcer leurs activités plutôt que de les limiter.

28. Au moment de l’établissement du présent rapport, plusieurs éléments figurant dans le nouveau projet de loi exigeaient toujours une attention vigilante. Également, une consultation plus approfondie devrait avoir lieu afin de répondre aux préoccupations exprimées par les ONG elles-mêmes. Le 13 mai 2011, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Cambodge, le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs

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des droits de l’homme et le Rapporteur spécial sur le droit de réunion et d’association pacifiques ont conjointement envoyé une lettre d’allégation dans laquelle ils se sont déclarés inquiets du fait que les dispositions figurant dans la deuxième version de la loi sur les associations et les organisations non gouvernementales pouvaient entraver les activités légitimes de promotion des droits de l’homme des ONG. Les rapporteurs spéciaux ont précisé que la procédure d’enregistrement devait être rapide, facilement accessible et peu coûteuse et les organes chargés de l’enregistrement indépendants du Gouvernement. À cet égard, des procédures claires et des délais pour l’examen des demandes devraient être prévus. Le Gouvernement devrait garantir le droit des associations de contester tout refus d’enregistrement par la voie d’un recours efficace et rapide et assurer un examen judiciaire indépendant des décisions rendues par l’autorité chargée de l’enregistrement. Le Gouvernement devrait également ne pas criminaliser ni réprimer pénalement les activités de défense des droits de l’homme et le fait d’être membre d’entités non enregistrées.

29. Un dialogue ouvert et constructif fondé sur le respect mutuel est nécessaire afin d’élaborer conjointement une loi sur les ONG qui promouvrait davantage le développement de la société civile au Cambodge. Alors que la coopération est croissante, des difficultés, dont certaines pourraient être résolues par une relation et un dialogue encore accrus, subsistent.

30. Dans la lettre qu’il lui a adressée le 24 août 2010, le Rapporteur spécial a rappelé au Premier Ministre son accueil favorable de la proposition qu’il avait émise lors de leur rencontre en janvier 2010 au sujet de la création d’un mécanisme visant une coopération utile et constructive entre le Gouvernement et la société civile et a mis l’accent sur la nécessité de travailler collectivement pour élaborer un tel mécanisme. À cet effet, le Rapporteur spécial a envoyé un avant-projet de proposition élaborée conjointement par quelque 300 organisations de défense des droits de l’homme dans le pays afin que le Premier Ministre l’examine.

31. Le Rapporteur spécial s’est réjoui de recevoir, en réponse, une lettre dans laquelle le Premier Ministre affirmait qu’il avait nommé des fonctionnaires compétents qui étudieraient de manière approfondie les éléments présentés en septembre 2010. Dans sa lettre, le Premier Ministre a également formé l’espoir que ses collaborateurs et le Rapporteur spécial puissent prochainement trouver le moyen de remédier aux problèmes préoccupants. Pendant leur entretien en février 2011, le Premier Ministre a appelé l’attention sur le fait qu’il est nécessaire que les ONG participent à un tel mécanisme afin qu’il soit représentatif et orienté vers la société civile. Le Rapporteur spécial encourage le Gouvernement et la société civile à poursuivre le dialogue en vue de créer un mécanisme de consultation périodique.

D. Projet de loi sur les syndicats

32. Le Ministère du travail élabore actuellement un projet de loi sur les syndicats et en examine la conformité avec les normes internationales en matière de travail et de droits de l’homme. Cependant, le Rapporteur spécial s’inquiète des restrictions imposées à la liberté d’expression et de réunion des membres de syndicats. Pendant la période couverte par le présent rapport, des dirigeants syndicaux ont été victimes de représailles telles que des menaces, des accusations d’incitation au crime (les accusations ont par la suite été abandonnées à la demande du Premier Ministre) ou des suspensions d’emploi. Le Rapporteur spécial encourage le Gouvernement à procéder à des consultations ouvertes avec les parties concernées au sujet du projet de loi.

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E. Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens

33. Les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens ont accompli des progrès remarquables pendant la période couverte par le rapport. Suite à la condamnation historique de Kaing Guek Eav, alias «Duch», en juillet 2010, le tribunal a fait progresser sa deuxième affaire (affaire 002 contre Nuon Chea, Ieng Sary, Ieng Thirith et Khieu Samphan). L’affaire a été soumise à un tribunal en janvier 2011. Une audience préliminaire a eu lieu en juin 2011 et le procès doit commencer au cours du deuxième semestre de l’année 2011. Parallèlement, la chambre de la Cour suprême du tribunal a examiné les recours dans l’affaire Duch. Elle a entendu les arguments des coprocureurs et de la défense en mars 2011. Elle devrait rendre son verdict dans les mois à venir.

34. Les activités de la chambre de la Cour suprême du tribunal à cet égard continuent à établir un exemple important pour le secteur national de l’administration de la justice dans le respect des normes internationales relatives à un procès équitable. En particulier, l’affaire 002 a considérablement progressé. En outre, la Cour continue à ouvrir ses portes aux Cambodgiens pour des visites organisées et elle a reçu 32 000 visiteurs en 2010. Parallèlement, la section de soutien aux victimes continue à tenir des réunions publiques qui ont eu lieu à Battambang, à Kampot et à Kampong Chhnang. Au moment de l’établissement du présent document, l’état des affaires 003 et 004 demeurait incertain.

35. En décembre 2010, le Rapporteur spécial a écrit au Premier Ministre au sujet de l’importance de l’exemple que donnent les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens à la communauté internationale de l’engagement du pays à ce que les auteurs des atrocités commises par le passé en répondent, à protéger les droits de l’homme et à assurer l’indépendance de la justice et l’état de droit. Il a de nouveau formé l’espoir que les procès qui se sont déroulés au sein des Chambres extraordinaires aient une incidence positive sur le renforcement de l’indépendance du système judiciaire et jouent un rôle de catalyseur dans l’action du Gouvernement contre l’impunité et dans l’accélération des réformes juridiques et judiciaires.

IV. Rôle et efficacité du Parlement dans la protection des droits de l’homme

A. Structure générale du Parlement

36. Le Parlement cambodgien comprend deux chambres, le Sénat et l’Assemblée nationale, comptant respectivement 61 et 123 sièges. L’Assemblée nationale a un mandat de cinq ans, qui s’achève le jour de l’entrée en fonctions de la nouvelle. Ses membres, élus selon un système de représentation proportionnelle, représentent 21 circonscriptions plurinominales correspondant aux provinces du pays.

37. Le Sénat a un mandat de six ans. Il compte 61 membres, dont 57 élus par les conseillers municipaux/de quartier et deux par l’Assemblée nationale, les deux restants étant nommés par le Roi. Les chambres du Parlement reposent sur une structure composée de neuf commissions présidées par des représentants du Parti du peuple cambodgien au pouvoir.

38. Le Parlement cambodgien n’a pas échappé aux bouleversements institutionnels et structurels qu’a connus l’ensemble du pays ces quarante dernières années. À l’instar de l’appareil judiciaire, Parlement et culture parlementaire ont dû être entièrement reconstruits à la suite de la destruction systématique de toutes les institutions démocratiques au temps des Khmers rouges. La structure et les moyens matériels du Parlement sont aujourd’hui

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aussi bons que dans tout autre pays en développement et à bon nombre d’égards bien au-dessus de la moyenne. Comme beaucoup d’autres, le Parlement cambodgien exerce une fonction de contrôle, une fonction législative et une fonction de représentation.

39. Les activités parlementaires − de l’adoption de lois au contrôle de l’exécutif − couvrent tout le spectre des droits de l’homme; elles ont une influence directe sur la capacité des personnes à jouir de leurs droits. Chacune des chambres du Parlement a établi une commission chargée des questions relatives aux droits de l’homme. La Commission des droits de l’homme du Sénat a reçu de particuliers plus de 300 plaintes pour violation des droits de l’homme, obtenant pour plus de 100 d’entre elles une réponse des instances gouvernementales concernées. Elle en a en outre examiné une quarantaine ces dernières années. La Commission des droits de l’homme de l’Assemblée nationale a reçu entre 2006 et 2010 un total de 1 158 plaintes de particuliers, relatives pour la grande majorité à des différends fonciers. Elle a donné suite à bon nombre d’entre elles et écrit aux instances gouvernementales concernées, recevant durant cette même période quelque 250 réponses. La Commission a également examiné divers projets de loi portant sur la protection et la promotion des droits de l’homme.

40. Si le Rapporteur spécial a trouvé encourageants les progrès accomplis par le pays dans un délai relativement court en matière de développement des pratiques parlementaires, le Parlement, en particulier l’Assemblée nationale, présente toujours un certain nombre de failles dans son fonctionnement.

B. Efficacité du Sénat

41. Le Sénat connaît des pratiques globalement plus évoluées et plus en phase avec les principes de démocratie et de transparence, pratiques dont l’Assemblée nationale pourrait grandement s’inspirer. Ses différentes commissions, dont la Commission des droits de l’homme, ont assumé leurs responsabilités avec davantage d’efficacité. Les neuf commissions du Sénat ont mené au total une moyenne de 24 missions d’établissement des faits par année. Le Sénat a toutefois lui-même reconnu que «le temps imparti pour examiner les textes juridiques est trop court». De plus, le processus de consultation des parties prenantes sur les projets de loi «n’est pas encore très transparent»2.

C. Efficacité de l’Assemblée nationale

42. Une des fonctions essentielles de l’Assemblée nationale est de légiférer et de modifier les lois existantes. Une autre de ses fonctions tout aussi essentielle est d’assurer une surveillance de l’exécutif en contrôlant son action et en le tenant responsable de ses actes afin de défendre les intérêts du peuple contre de possibles abus de pouvoir. L’Assemblée nationale a pour troisième fonction la représentation, qui nécessite des députés qu’ils engagent le dialogue avec les personnes qu’ils représentent de façon à mieux comprendre et défendre leurs intérêts devant l’instance.

43. L’Assemblée nationale adopte d’une manière générale beaucoup de projets de loi sans qu’ils aient vraiment fait l’objet d’un débat. Son système d’adoption des lois, par ailleurs étroitement contrôlé, fait que des amendements sont rarement acceptés à toute

2 Cambodge, Secrétaire général du Sénat, «A report on the self-assessment of the Senate on the Kingdom of Cambodia after 10 years of operation and development» (Rapport d’auto-évaluation du Sénat sur le Royaume du Cambodge après dix ans d’activité et de développement) (Phnom Penh, 2011), p. 24.

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phase du processus, ce qui est révélateur de l’incapacité de l’Assemblée nationale à examiner les projets de loi établis par l’exécutif. Bien qu’elle ait affirmé son indépendance en renvoyant le projet de loi sur les manifestations pacifiques devant le Conseil des ministres au début de l’année 2008, des textes aussi importants que le Code pénal, la loi contre la corruption et la loi sur l’expropriation ont été adoptés sans avoir vraiment fait l’objet d’un débat, sans donner lieu à aucun amendement et, pratiquement, sans qu’il ait été procédé à des consultations, ce dans un délai extrêmement court. De plus, un certain nombre de dispositions législatives adoptées ces dernières années (ainsi que certains textes réglementaires et sous-décrets) ont tendu à réduire la portée des droits de l’homme. L’Assemblée nationale n’est parvenue que de façon limitée à modérer cette tendance de l’exécutif.

44. L’absence d’une culture parlementaire vraiment opérante constitue un véritable obstacle. Les notions de pluralisme et de libéralisme consacrées par la Constitution ont été définies de façon à ce que chacun puisse participer au processus de démocratisation et d’édification de la nation. Et pourtant, il n’y a pas de culture du débat et de la discussion, ni de volonté politique de favoriser un climat propice à un dialogue constructif et de nature à accélérer le processus de démocratisation de la société. L’Assemblée nationale évolue dans ses pratiques, mais elle semble prendre du temps à accepter la présence effective de l’opposition. Certaines règles internes ne laissent en effet guère de place à l’expression de celle-ci. On constate en outre un manque de connaissances et de compétences chez les députés et le personnel parlementaire, dont les qualifications reflètent une absence de formation juridique de base, ce qui empêche les élus de remplir dûment leurs fonctions. En règle générale, les députés n’usent pas réellement de leurs compétences de surveillance leur permettant d’exercer un contrôle de l’exécutif et de lui demander des comptes.

45. Aucune des commissions du Parlement cambodgien n’est présidée par un membre de l’opposition ou d’un parti minoritaire, une pratique qu’appliquent pourtant nombre de parlements pour certains comités ou commissions, où il est d’usage que l’opposition soit représentée de façon équitable ou proportionnelle, ce qui n’est pas le cas au Cambodge. L’opposition ou les partis minoritaires ont un rôle essentiel à jouer s’agissant de demander des comptes au Gouvernement. Ils peuvent soumettre à l’exécutif et au peuple des options politiques différentes. Ils devraient à cet effet avoir le droit d’inscrire à l’ordre du jour parlementaire des points à soumettre au débat législatif et politique, avec les délais correspondants, ainsi que celui de représenter leurs électeurs.

46. Depuis que le Parti du peuple cambodgien au pouvoir a remporté plus de deux tiers de ses sièges aux dernières élections générales de juillet 20083, l’Assemblée nationale semble de moins en moins constituer un réel espace de débat. Seules 23 % des lettres de l’opposition parlementaire ont fait l’objet d’une réponse du Gouvernement, qui a mis dans 90 % des cas plus d’un mois à venir. Les ministres assistent rarement aux séances de l’Assemblée nationale pour répondre aux questions des députés. Ceux d’entre eux qui appartiennent à la principale force d’opposition et à d’autres partis minoritaires sont pratiquement coupés du processus législatif. Fortement majoritaire à l’Assemblée nationale, le Parti du peuple cambodgien tend à faire fi du rôle politique qu’ont à jouer les autres formations. L’opposition et bon nombre de partis minoritaires se plaignent d’être traités par la formation au pouvoir comme des ennemis de l’État plutôt que comme des partenaires politiques aux vues divergentes.

3 Sur les 123 sièges que compte l’Assemblée nationale, le Parti du peuple cambodgien en a remporté 90, le Parti Sam Rainsy 26, le Parti des droits de l’homme 3, le Parti Norodom Ranariddh 2 et le FUNCINPEC 2 également.

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47. Bien que la Constitution lui impose de voter les décisions importantes à bulletin secret, l’Assemblée nationale vote la plupart d’entre elles en bloc et à main levée, de sorte que le Gouvernement peut savoir qui se prononce contre ses motions. Les députés peuvent par conséquent ne pas avoir le courage de voter en toute indépendance ou contre une proposition de l’exécutif.

48. Après que le Parti du peuple cambodgien a remporté une majorité de deux tiers aux dernières élections générales, l’Assemblée nationale a adopté en septembre 2008 de nouvelles règles internes, qui ont encore réduit la participation effective de l’opposition et des partis minoritaires. Les articles 48 et 55 desdites règles imposent en effet aux députés de siéger en groupes de 10 et d’élire leurs propres chef et sous-chef. Il s’ensuit que ceux qui appartiennent à des partis minoritaires détenant moins de 10 sièges doivent se joindre aux représentants d’autres formations politiques.

49. Un député doit en outre passer par un chef de groupe et avoir obtenu l’autorisation du Président de l’Assemblée nationale pour pouvoir prendre la parole devant celle-ci. Ces règles empêchent les députés qui appartiennent à des partis minoritaires détenant moins de 10 sièges de jouer tout rôle significatif à l’Assemblée nationale et vont au-delà des procédures parlementaires énoncées à l’article 96 de la Constitution. Désireux de conserver leur indépendance, les trois députés du Parti des droits de l’homme n’ont intégré aucun groupe, de sorte qu’ils n’ont aucune possibilité de participer comme les autres élus aux débats parlementaires. Les règles susmentionnées ont pour conséquence de restreindre la capacité de l’Assemblée nationale à contrôler l’action de l’exécutif.

D. Protection de la liberté d’expression des membres du Parlement

50. Le Parlement est l’essence de la démocratie, de sorte que celle-ci ne peut fonctionner correctement que si les élus jouissent de la liberté d’expression dans l’exercice de leurs fonctions officielles. Il est essentiel qu’ils ne craignent pas d’exprimer leur opinion. Démocratie rime avec discussion et mise au débat de toutes les questions d’importance nationale. Cela est particulièrement vrai de l’Assemblée nationale, qui constitue par définition une instance où les membres peuvent débattre en toute liberté de telles questions, activité pour laquelle ils jouissent d’une immunité. Il s’avère toutefois que certaines des règles de procédure interne de l’Assemblée nationale actuellement en vigueur ne permettent pas à tous les députés de s’exprimer librement lorsqu’ils demandent des comptes au Gouvernement et défendent les droits des personnes qu’ils représentent. L’étendue de la participation de députés aux débats a récemment été restreinte et l’immunité parlementaire d’un certain nombre levée, même pour s’être exprimés sur des questions d’importance nationale. Beaucoup d’entre eux n’ont pas eu la possibilité de présenter des observations pour leur défense, ce qui est contraire aux principes fondamentaux des droits de la défense. Une démocratie nécessite un contrôle effectif de l’exécutif et de la majorité, sans quoi elle ne peut fonctionner correctement.

51. L’article 80 de la Constitution garantit aux députés l’immunité parlementaire, qui leur permet d’exercer leur liberté d’expression et, partant, de contrôler et de critiquer la conduite des ministres, ainsi que l’action et les politiques de l’exécutif. L’article 4 de la loi sur le statut des députés distingue deux types d’immunité parlementaire: l’immunité absolue et l’immunité relative. La première s’applique à l’expression d’opinions et d’idées lors de l’adoption d’une loi par l’Assemblée nationale. La seconde garantit aux députés de ne pas être poursuivis en justice, détenus ou arrêtés. Ils ne peuvent l’être que si leur immunité parlementaire a été levée.

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52. Toute demande visant à lever l’immunité d’un député qui aurait commis une infraction devrait être soumise par le Ministre de la justice au Président de l’Assemblée nationale. Celle-ci peut retirer son immunité à un député par un vote à la majorité des deux tiers de ses membres. La loi sur le statut des députés ne donne toutefois pas au député en question la possibilité de présenter des observations pour sa défense. Un élu peut ainsi être privé de son immunité parlementaire sans avoir pu se faire entendre dans des conditions équitables. Le parti au pouvoir, qui détient une majorité de deux tiers, en a profité pour lever l’immunité parlementaire de députés appartenant à l’opposition, sans leur donner l’occasion de se défendre.

53. En outre, certaines dispositions de la loi sur le statut des députés semblent contraires à la liberté d’expression que la Constitution leur garantit. Celle-ci dispose dans son article 80 qu’aucun député ne peut être poursuivi en justice, détenu ou arrêté pour des opinions exprimées dans l’exercice de ses fonctions. Or, l’article 5 de la loi susmentionnée réduit cette protection en ce qu’il dispose que l’immunité d’un député peut être levée s’il est reconnu coupable d’atteintes à la dignité d’une personne, aux coutumes sociales, à l’ordre public ou à la sécurité nationale, sans pour autant définir en quoi elles consistent. De telles dispositions, à défaut d’être convenablement définies et assorties des garanties appropriées, peuvent être invoquées à mauvais escient. Dans ce contexte, il convient de noter que l’Assemblée nationale n’a pas encore rétabli l’immunité d’une députée de l’opposition, alors même que l’amende dont elle a dû s’acquitter sur ordre de la justice pour diffamation présumée du Premier Ministre a été déduite de ses indemnités parlementaires4. La loi sur le statut des députés n’explique pas clairement la façon dont est rétablie l’immunité d’un élu qui n’est ni condamné à une peine de prison, ni acquitté.

54. Le Rapporteur spécial estime que le Cambodge devrait purement et simplement dépénaliser la diffamation et la désinformation. Les représentants de la principale formation d’opposition à l’Assemblée nationale et des députés de partis minoritaires ont été marginalisés. Ils ne peuvent travailler librement, sachant qu’ils risquent des poursuites pénales pour diffamation, désinformation ou provocation lorsqu’ils critiquent les programmes et les politiques du Gouvernement ou la conduite des ministres. Cette culture de la peur fait que les particuliers et même les agents de la société civile semblent hésiter à assister aux réunions publiques de la plupart des partis de l’opposition. Aussi le Rapporteur spécial s’inquiète-t-il du resserrement de l’espace politique au Cambodge, qui n’est pas propre à promouvoir et à renforcer la démocratie dans le pays.

V. Conseil constitutionnel, droits de l’homme et Parlement

55. Établi par la Constitution, le Conseil constitutionnel a pour tâche de vérifier la compatibilité des lois adoptées par le Parlement avec celle-ci et, partant, avec les libertés et les droits fondamentaux qu’elle garantit et que garantissent les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels le Cambodge est partie. Regroupant des personnalités éminentes issues des horizons les plus divers, il constitue une innovation dans la Constitution et un ajout des plus bienvenus aux institutions destinées à renforcer la démocratie. Le Conseil constitutionnel est un organe puissant, du moins sur le papier. Rares sont en effet les pays à compter une instance chargée d’examiner les lois après leur adoption. Dans beaucoup, c’est la Cour constitutionnelle ou la Cour suprême qui a le

4 Lors d’une conférence de presse tenue le 23 avril 2009, la députée en exercice avait annoncé son intention d’intenter un procès en diffamation contre le Premier Ministre pour les déclarations désobligeantes qu’il avait tenues à son propos. Elle a été déboutée, une décision qui a été confirmée en appel, son immunité parlementaire a été levée et elle a été reconnue coupable de diffamation.

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pouvoir de déclarer une disposition législative ultra vires. Le Conseil constitutionnel se compose d’un président et de huit membres. Il ne peut examiner aucune question de sa propre initiative. Seuls le Roi, le Président du Sénat, le Président de l’Assemblée nationale, le Premier Ministre, un quart des sénateurs, un dixième des députés ou la Cour suprême peuvent lui demander d’examiner la constitutionnalité d’une loi adoptée par le Parlement.

56. Le Conseil constitutionnel a pris dans l’exercice de ses fonctions des décisions lourdes de conséquences, notamment celle prise en juillet 2007 s’agissant de la loi sur les circonstances aggravantes en matière criminelle5, fondée sur des normes internationales. Son action est toutefois limitée du fait que les particuliers ne peuvent pas directement remettre en question la constitutionnalité des lois adoptées par le Parlement. Ils doivent pour cela saisir le Conseil constitutionnel par la voie de leurs représentants au Parlement, qui semblent rarement faire usage de leur pouvoir de lui demander de réexaminer une disposition législative qu’ils ont eux-mêmes adoptée.

57. Seul un particulier qui soutient une action en justice peut invoquer l’inconstitutionnalité d’une disposition législative ou de décisions émanant d’autres institutions de l’État telles que des décrets royaux, des sous-décrets ou d’autres mesures administratives. Il n’en reste pas moins que c’est à la Cour suprême de saisir le Conseil constitutionnel, ce qu’elle n’a pas encore fait, même lorsqu’elle a été appelée à le faire dans de récentes affaires judiciaires. Le Conseil constitutionnel n’a que de rares affaires à examiner. Compte tenu de la controverse qu’ont suscitée de nombreuses lois à leur adoption, il aurait pu examiner certaines d’entre elles ou les règles internes du Parlement. Alors que l’article 140 de la Constitution lui confère des pouvoirs explicites d’examen des règles internes de l’Assemblée nationale et du Sénat avant leur adoption, il n’a pas été aussi assuré et actif qu’il aurait dû l’être. En effet, il ne paraît pas avoir examiné la constitutionnalité de certaines des dispositions controversées de ces règles avant leur adoption. La domination du Parti du peuple cambodgien dans la machine de l’État semble avoir débouché sur un certain degré d’autocensure de la part du Conseil constitutionnel.

58. Bien que le Conseil constitutionnel ne soit pas ancré au sein du système et de la hiérarchie de l’appareil judiciaire ou du Parlement, il est l’organe chargé en dernier ressort de vérifier la constitutionnalité des lois adoptées par le législatif. Cette fonction judiciaire s’apparente à celles qu’exerce dans bon nombre d’autres juridictions la Cour suprême ou la Cour constitutionnelle. Aussi le Conseil constitutionnel devrait-il se composer des meilleurs cerveaux juridiques indépendants du pays choisis parmi les juges de la Cour suprême à la retraite, des professeurs de droit émérites et des avocats chevronnés. Il faudrait abandonner la pratique d’y nommer des personnes dépourvues de formation en droit et d’une longue expérience juridique au service de la nation, ainsi qu’en fonction de leur affiliation politique.

5 Cette loi, adoptée en 2002, a supprimé d’une part le pouvoir discrétionnaire précédemment détenu par les juges de considérer l’âge d’un délinquant comme un motif d’atténuation de la peine, d’autre part l’obligation pour les juges de réduire la peine de moitié pour les moins de 18 ans. En 2007, le Conseil constitutionnel a déclaré que la loi était constitutionnelle, mais il a considéré qu’elle n’était pas censée annuler les protections prévues dans les Dispositions de 1992 relatives au système judiciaire, au droit pénal et à la procédure pénale applicables au Cambodge durant la période de transition (loi APRONUC), car cela aurait été contraire à la Constitution et à la Convention relative aux droits de l’enfant. Il a précisé en outre que les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ratifiés par le Cambodge faisaient partie intégrante du droit interne du Cambodge et qu’ils étaient, à ce titre, directement applicables par les tribunaux (voir A/HRC/7/56, par. 24 à 26).

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VI. Conclusions

59. Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Cambodge a bénéficié d’un bon niveau de coopération de la part du Gouvernement. Les discussions avec le Premier Ministre et d’autres ministres d’État ont été franches mais cordiales, et les deux parties sont convenues de poursuivre leur coopération. Le Rapporteur spécial a eu des entretiens fructueux avec le Président et des membres de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi qu’avec des représentants de partis politiques et de la société civile. Son interaction directe avec des victimes de violations des droits de l’homme lui a été utile pour comprendre les lacunes qui subsistent dans l’application du droit interne et des normes internationales au Cambodge.

60. Le Rapporteur spécial s’inquiète du resserrement de l’espace dont jouissent les personnes, notamment celles qui appartiennent à des partis politiques différents, pour exprimer leur opinion pacifiquement et sans crainte. Il est particulièrement préoccupé par l’inculpation de défenseurs des droits de l’homme pour provocation. Selon lui, les acteurs politiques et les organisations de la société civile devraient œuvrer à la création d’un environnement propice à la jouissance des droits de l’homme par tous et à un développement économique profitable à chacun.

61. Le Cambodge a fait beaucoup de chemin depuis la conclusion des Accords de paix de Paris. Il s’est doté d’une constitution démocratique et a établi diverses institutions chargées de promouvoir et de protéger les droits de l’homme. Nombre d’entre elles n’ont toutefois pas été efficaces dans cette tâche. L’appareil judiciaire demeure faible. La justice a été saisie de questions politiques, et des membres de l’opposition ont été reconnus coupables d’infractions non considérées comme telles par les normes démocratiques internationales.

62. Les résultats auxquels est parvenu le Parlement, en particulier ses différentes commissions spécialisées, sont louables. Le travail accompli par les commissions des droits de l’homme des deux chambres est encourageant. Le Cambodge s’est en somme considérablement transformé, passant d’un État dont le cadre institutionnel avait été complètement détruit à un État dont les procédures d’adoption des lois et de mise en place des institutions fonctionnent. Il n’a néanmoins pas encore entamé avec succès le processus d’application des lois adoptées afin de promouvoir et de protéger les droits de l’homme, ainsi que de rendre ses institutions indépendantes, impartiales et solides.

63. Après avoir axé son action sur des droits économiques, sociaux et culturels tels que la sécurité alimentaire et le développement, la société cambodgienne est aujourd’hui soucieuse de faire des progrès rapides s’agissant de l’application des droits civils et politiques, de questions telles que la liberté et la justice, ainsi que du renforcement de la culture parlementaire. Le Gouvernement n’est toutefois pas totalement prêt à faire de même. Son approche des questions ayant trait à la démocratie et aux droits de l’homme est plutôt mécanique. Il s’ensuit que, s’il y a pléthore d’institutions chargées de promouvoir et de protéger les droits de l’homme, nombre d’entre elles ne parviennent pas à remplir leurs fonctions de façon indépendante, impartiale et solide. Beaucoup des engagements pris par le Gouvernement ne l’ont été que sur le papier. Ce qu’il faut à l’exécutif, c’est un changement de mentalité, ainsi que la volonté politique d’accélérer le processus de démocratisation et d’associer la démocratie et les droits de l’homme aux valeurs humaines qui contribuent à promouvoir et protéger la dignité de tous et le respect de leur liberté.

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VII. Recommandations

A. Parlement

1. Considérations générales

64. Le Cambodge doit accélérer son processus de démocratisation. Il devrait réellement y avoir une volonté et une tentative de réconciliation politique, de sorte que tous les acteurs politiques soient sur un pied d’égalité s’agissant d’apporter leur contribution au développement politique et économique du pays, ainsi qu’au processus législatif. Le droit de tous les membres du Parlement, y compris ceux appartenant à des partis minoritaires, de remplir leurs fonctions devrait être pleinement respecté.

65. La Constitution du Cambodge impose que se tienne une fois par an sous la présidence du Roi un congrès national permettant au peuple d’être directement informé de diverses questions d’intérêt national, ainsi que de faire part de préoccupations aux autorités du législatif, de l’exécutif et du judiciaire. C’est là un mécanisme unique et innovant de démocratie directe qui pourrait constituer un moyen approprié de parvenir à une réconciliation politique nationale, d’examiner les progrès accomplis dans la promotion et la protection des droits de l’homme et de renforcer la souveraineté du pays. Le Roi étant le garant de la Constitution, il devrait accorder des audiences à ses sujets et recevoir des informations de personnes issues des milieux les plus divers. Il ne s’est toutefois jamais tenu de tels congrès nationaux, alors qu’il devrait s’en tenir un tous les ans conformément à la Constitution. C’est pourquoi la loi organique sur le Congrès national devrait être adoptée sans délai.

2. Renforcement de la capacité et du fonctionnement du Parlement

66. Les commissions des droits de l’homme du Parlement devraient faire des droits de l’homme une question transversale et veiller à la conformité du droit interne avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme.

67. Les partis de l’opposition devraient pouvoir participer et collaborer pleinement aux travaux du Parlement, notamment à ceux des commissions de l’Assemblée nationale.

68. Le Règlement intérieur du Parlement, notamment celui de l’Assemblée nationale, devrait être revu de façon à favoriser un partage équitable ou proportionnel du pouvoir et des responsabilités dans les activités parlementaires, en particulier s’agissant des postes de président des différentes commissions.

69. La procédure permettant la levée de l’immunité et les autres mesures disciplinaires imposables aux députés en exercice devraient être mises en conformité avec les principes élémentaires de la justice, les normes constitutionnelles et la liberté d’expression.

70. Le Gouvernement devrait augmenter les ressources allouées au Parlement afin d’améliorer sa capacité globale de constituer une institution indépendante et efficace, ainsi que la capacité des membres du Parlement d’examiner les projets de loi émanant de l’exécutif.

71. Le Parlement, en particulier l’Assemblée nationale, devrait accroître son efficacité s’agissant de contrôler l’action de l’exécutif et de lui demander des comptes. Il devrait offrir un environnement permettant aux élus de remettre librement en question les politiques et décisions de leur propre parti. À cet égard, il devrait être

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clairement entendu que la fonction de membre du Parlement suppose des responsabilités particulières qui transcendent les lignes partisanes.

72. Le Secrétaire général des deux chambres du Parlement devrait être une personne indépendante, non un membre actif d’un parti politique, quel qu’il soit.

73. L’engagement des fonctionnaires parlementaires, notamment ceux de l’Assemblée nationale, devrait se faire sur la base du mérite et par un processus transparent de recrutement par voie de concours.

74. Les projets de loi devraient être publiés à des fins de consultation publique notamment dans des moyens d’information tels que la Gazette officielle, à laquelle la population devrait avoir accès.

75. Les lois ne devraient s’appliquer qu’après avoir être publiées dans la Gazette officielle.

76. Les commissions parlementaires devraient procéder à un examen des textes réglementaires adoptés par le Gouvernement visant à déterminer si leur portée dépasse celle des lois initiales.

77. La nécessité de faire partie d’un groupe de 10 députés pour pouvoir participer aux débats parlementaires devrait être supprimée de sorte que tous les élus soient égaux en la matière.

78. Le principal parti de l’opposition devrait avoir un rôle constructif à jouer dans la nomination des membres des différents organes constitutionnels, tels que la Commission électorale, afin qu’ils puissent exercer en toute impartialité et indépendance.

79. À l’instar de ce qui se fait dans beaucoup de pays, le parti au pouvoir devrait inviter les formations de l’opposition à présider certaines des commissions du Parlement, notamment à l’Assemblée nationale, renforçant ainsi la culture parlementaire et la culture de l’opposition. C’est là une pratique que le Cambodge avait pour habitude d’appliquer, mais qui est en recul depuis quelques années.

80. Le peuple devrait avoir un accès facile aux élus, de sorte que ceux-ci puissent mieux le représenter devant le Parlement.

3. Renforcement de l’efficacité du Conseil constitutionnel

81. Le Conseil constitutionnel devrait examiner non seulement les lois adoptées par le Parlement, mais aussi les règles internes de ce dernier, notamment celles de l’Assemblée nationale, afin de vérifier leur compatibilité avec la Constitution, les normes internationales relatives aux droits de l’homme et les principes de l’état de droit, notamment les règles de bonne justice.

82. Toute loi adoptée par le Parlement ayant des incidences directes sur les droits de l’homme devrait être soumise d’office au Conseil constitutionnel pour examen avant d’être présentée au Roi pour sanction royale.

83. L’accès au Conseil constitutionnel devrait être élargi: devraient y avoir accès certains acteurs non étatiques reconnus, tels que des membres d’associations professionnelles d’avocats et des professeurs de droit, de même que de simples citoyens sous des conditions rigoureusement définies et à titre exceptionnel.

84. Le Conseil constitutionnel devrait se composer des meilleurs cerveaux juridiques indépendants du pays choisis parmi les juges de la Cour suprême à la retraite, des professeurs de droit émérites et des avocats chevronnés.

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85. Il faudrait cesser de nommer au Conseil constitutionnel des personnes dépourvues de formation en droit et d’une longue expérience juridique au service de la nation, ainsi qu’en fonction de leur affiliation politique.

4. Parlement et liberté d’expression

86. Le Parlement devrait revoir le nouveau Code pénal afin de le rendre conforme aux dispositions du droit international des droits de l’homme portant sur les restrictions pouvant être apportées à la liberté d’expression.

87. Le Parlement devrait préserver le droit à la liberté d’expression de ses membres et protéger leur immunité parlementaire.

B. Liberté d’expression

88. La justice devrait interpréter les dispositions du Code pénal conformément aux normes internationales relatives à la liberté d’expression. Le Ministère de la justice devrait demander à la communauté internationale, notamment au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, de former les juges, les procureurs et les avocats à cet égard.

C. Droits fonciers et droit au logement

89. Le Gouvernement est vivement encouragé à examiner la tendance au non-règlement des différends fonciers qui prévaut actuellement dans le pays, ainsi qu’à mettre fin aux actes de violence alarmants qui en découlent en favorisant le dialogue entre les communautés potentiellement touchées, les autorités locales, provinciales et nationales, ainsi que les entreprises privées.

90. Le Gouvernement devrait engager les personnes concernées par un différend foncier dans une véritable consultation sur une indemnisation appropriée ou, le cas échéant, des solutions de relogement adéquates. Il devrait respecter et protéger les droits de ces personnes, y compris en veillant à ce qu’elles ne fassent pas l’objet d’un recours excessif à la force, d’actes de harcèlement ou d’intimidation, à ce qu’elles puissent exercer leur droit de manifester pacifiquement et à ce qu’elles ne soient pas arbitrairement inculpées de diffamation, désinformation ou provocation.

91. Il est conseillé au Gouvernement de pratiquer davantage de transparence dans les concessions foncières à des fins économiques et autres transactions foncières faisant intervenir des agents de l’État ou des entreprises privées. Il est en outre encouragé à renforcer les capacités et l’indépendance de la justice, des commissions cadastrales et de l’Autorité nationale de règlement des différends fonciers, de sorte qu’elles puissent régler les différends de manière responsable et impartiale ainsi qu’avec une efficacité accrue.

92. Le Gouvernement est vivement encouragé à appliquer les dispositions en vigueur de la loi foncière de 2001 interdisant d’exercer des pressions sur les terres autochtones et d’accélérer la cadence d’enregistrement des terres visant à ce que les communautés autochtones obtiennent des titres de propriété collectifs. Dans l’intervalle, des mesures de protection provisoires devraient être appliquées sur toutes les terres où vivent des communautés autochtones.

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93. Lorsqu’ils effectuent des transactions foncières avec l’État cambodgien ou d’autres propriétaires terriens, les gouvernements étrangers et les organisations commerciales internationales devraient garder présent à l’esprit qu’il leur incombe en vertu du droit international de respecter les droits de l’homme des Cambodgiens. Financer le recours à des membres des forces de l’ordre armés pour procéder à des expulsions est contraire au droit international et devrait également être contraire à la législation cambodgienne.