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Grands mécanismes économiques Page 1 Nature de l’activité économique e objet de la science économique Section 1 : La nature de l’activité économique I. Des besoins illimités II. Des biens limités III. Choix économiques et actes de la vie économique Section 2 : L’objet de la science économique I. La nature de la science économique II. Les préoccupations de la science économique Bibliographie : Economie contemporaine : Jean-Pierre Delas Edition : Ellipses. Notions fondamentales d’économie : Bialès, Levrion Edition :Foucher.

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Nature de l’activité économique et objet de la science économique

Section 1 : La nature de l’activité économique

I. Des besoins illimités II. Des biens limités III. Choix économiques et actes de la vie économique

Section 2 : L’objet de la science économique

I. La nature de la science économique II. Les préoccupations de la science économique

Bibliographie :

Economie contemporaine : Jean-Pierre Delas Edition : Ellipses. Notions fondamentales d’économie : Bialès, Levrion Edition :Foucher.

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Les grands problèmes mondiaux du moment (chômage, crise industrielle, famine…) ont des origines et des conséquences économiques. Comprendre ces problèmes exige par là même que soient détenues un certain nombre de connaissances, théoriques ou pratiques, quantitatives, en économie.

Les fondements de cette connaissance économique de base sont à rechercher dans deux directions principales :

l’analyse de l’activité économique (Section 1) ; l’objet de la science économique (Section 2).

Section 1 : La nature de l’activité économique

L’activité humaine présente un aspect économique dès qu’il ya lutte contre la rareté. Or la vie quotidienne rappelle à tout instant d’idée de rareté, ou de rationnement. En effet, tout homme a des besoins nombreux et variés qu’il satisfait grâce à des ressources ou biens économiques qui, par nature, sont limités. Faute de pouvoir tout avoir à la fois et tout faire en même temps, l’homme doit effectuer des choix à l’occasion des grands actes de la vie économique.

I. Des besoins illimités

Les sujets économiques ont des besoins qui, parce qu’ils se renouvellent et se diversifient sans cesse, peuvent être considérés comme illimités. Ces besoins et leurs satisfactions constituent la raison et le but de l’activité économique.

Ces besoins présentent trois traits caractéristiques principaux

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Les besoins présentent des natures diverses ; ainsi parle-t-on de :

besoins élémentaires ou physiologiques (nourriture, habillement, logement…) dont la satisfaction est indispensable pour assurer la survie ;

besoins matériels (équipement…) qui traduisent une insatisfaction en terme de bien être individuel ;

besoins de « culture » ou de luxe (loisirs…) dont la satisfaction assure un mieux être.

Seules les sociétés très primitives bornaient leur ambition à satisfaire leurs besoins physiologiques. Celles que nous connaissons, quel que soit leur degré d’évolution, ont d’autres besoins : ceux de s’équiper, de se divertir, de « paraître »…

Tous ces besoins, si divers, n’intéressent cependant l’économiste que sous un seul aspect : la sensation d’insatisfaction qui naît d’un besoin ressenti, quel qu’il soit, engendre-t-elle ou non une activité, un travail destiné à l’effacer ? Le besoin doit donc être associé au fait qu’un effort humain est exercé pour le combler.

La satiabilité

Les caractéristiques des besoins

L’interdépendance La multiplicité

A côté des besoins vitaux (manger, se vêtir se loger…) apparaissent sans cesse de nouveaux besoins liés tant au caractère propre à chaque individu qu’à l’environnement économique, social et culturel.

L’intensité d’un besoin diminue au fur et à mesure qu’il est satisfait ; au-delà d’une certaine intensité de satisfaction, le besoin se trouve saturé.

Les besoins sont souvent substituables, même imparfaitement, les uns aux autres (par exemple le besoin d’aller au cinéma et le besoin de lire) ; certains sont même complémentaires (besoin d’automobile et besoin d’essence). D’une manière générale, ils sont interdépendants.

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II. Des biens limités

Les besoins économiques sont les moyens qui permettent de satisfaire les besoins. Face aux besoins illimités, les mêmes produits à partir de facteurs de production rares (capital, travail…), ou présentent ce que l’on nomme aussi un certain degré de rationnement.

Les biens peuvent faire l’objet de différentes classifications ou typologies selon les critères retenus :

Le critère de classification des biens

Utilisation des biens issus de la production

Nature physique des biens

Biens matériels : ce sont des produits physiques.

Biens intermédiaires : produits bruts dont la transformation et la combinaison donneront lieu à un bien de production ou à un bien de consommation.

Services : produits qui ne se concrétisent pas par l’apparition d’un bien matériel (ex : service bancaire).

Biens de production : ils permettent d’obtenir d’autres biens, mais ne sont pas détruits au premier usage.

Biens de consommation : ils permettent de satisfaire directement les besoins des consommateurs ; également appelés biens finals.

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III. Choix économiques et actes de la vie économique

Pour résoudre le conflit entre l’existence par nature illimitée des besoins et le caractère limité des biens, l’homme doit procéder à des choix économiques ; ainsi doit-il par exemple chercher à obtenir le maximum de satisfaction à partir de ressources budgétaires limitées dont il dispose, ou encore à minimiser ses dépenses en vue d’atteindre un niveau donné de satisfaction.

Plus généralement encore, les choix économiques s’effectuent à l’occasion de trois grands moments de la vie économique :

la production, c’est-à-dire la réalisation de biens et de services ; la répartition, c'est-à-dire la destination de la production et la formation des

revenus ; et la dépense, c'est-à-dire l’acquisition des biens et des services.

Section 2 : L’objet de la science économique

L’activité économique a pour fin la satisfaction des besoins par le moyen de la création de biens. La science économique étudie principalement l’ajustement des moyens aux besoins.

I. La nature de la science économique

On peut définir la science économique comme la science de l’administration des ressources rares dans une société humaine. Ainsi étudie-t-elle les actes de la vie qui sont susceptibles de réduire les tensions qui apparaissent entre les besoins illimités et les moyens limités des agents économiques.

En ce sens, la science économique analyse particulièrement trois processus importants de gestion de la rareté :

l’échange, onéreux (les actes d’achat et de vente) ou non (le troc et la compensation) ;

la contrainte, exercée par exemple par l’Etat (le rationnement collectif) ou par des groupes de pression (la constitution de privilèges économiques pouvant aggraver le phénomène de rareté) ;

et les transferts (dons, transferts économiques et sociaux…).

La science économique utilise trois méthodes différentes dans ses analyses et ses explications :

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II. Les préoccupations de la science économique

Les préoccupations de la science économique sont multiples. Celles-ci peuvent être présentées dans le cadre d’un certain nombre de thèmes fondamentaux.

1. Introduction à la connaissance économique

L’économie politique est une science humaine dont l’objet est l’étude d’un phénomène fondamental : la rareté des ressources ; cette rareté contraint les individus à avoir une activité économique susceptible de leur offrir les moyens de satisfaire leurs besoins.

Produire, distribuer, dépenser, qui constituent les trois temps forts de l’activité économique globale, n’ont cependant pas, pour tous les économistes, les mêmes contours ni la même à des effets de mode… mais, quoi qu’il en soit, puise sa source dans quelques grands courants (ou théories « souches ») parfaitement identifiables.

L’économie, au fil du temps, a tendance à se complexifier. Ainsi, les individus ne vivent pas en Robinson Crusoé seuls sur leur île ; ils entrent en communication les uns les autres, échangent des biens, se rendent des services mutuels, en fait deviennent interdépendants.

La prise de conscience, notamment après la grave crise de 1929, de l’interdépendance de tous les mécanismes économiques et de la nécessité d’étudier les quantités globales de l’économie en disposant d’une information précise sur l’activité économique pour mieux en maîtriser l’évolution, a provoqué ainsi l’élaboration d’une comptabilité nationale dans la plupart des pays. Par une présentation, au sein de tableaux, de l’ensemble des informations chiffrées relatives à l’activité économique, par la détermination d’agrégats significatifs, la comptabilité nationale permet de décrire les phénomènes fondamentaux de la production, de la distribution, de la répartition et de l’accumulation des richesses.

Les méthodes de la science économique

La micro-économie, c'est-à-dire l’analyse des comportements individuels (du consommateur ou du producteur par exemple).

La méso-économie, échelon intermédiaire entre la micro et la macro-économie analyse les groupes qui, quelle que soit leur taille, détiennent suffisamment de pouvoir pour peser sur la destinée de l’économie nationale.

La macro-économie, c'est-à-dire l’analyse des comportements collectifs et globaux (comme la production à l’échelle de la notion de l’exportation).

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2. Les acteurs de la vie économique et sociale et leurs comportements

La satisfaction des besoins de l’homme par la consommation de biens économiques et l’activité de production constituent deux pôles particulièrement importants de l’analyse économique.

L’étude des ménages et de la consommation examine les différents éléments qui exercent une influence sur le comportement des consommateurs et, par suite, sur la demande de biens. Cette étude fait notamment apparaître les dimensions économiques et sociales de la consommation individuelle ainsi que les concepts macroéconomiques par l’étude de la fonction de consommation.

L’étude des entreprises et de la production fait apparaître la diversité des unités de production ainsi que les modifications de l’appareil productif. Elle permet également d’analyser le comportement des producteurs ; en effet, comme les consommateurs, ceux-ci effectuent des calculs économiques. Ainsi, par exemple, plusieurs combinaisons de facteurs de production étant possibles pour l’obtention d’un bien ou d’un service déterminé, les producteurs sont amenés à rechercher la combinaison productive optimale leur permettant de réaliser la meilleur utilisation des ressources sont ils disposent. La solution retenue pourra, par exemple, prévoir l’emploi d’une main d’œuvre importante, avec peu de machines ou, au contraire, l’utilisation de nombreux équipements mais avec une main-d’œuvre réduite.

L’économie générale étudie également les fonctions remplies par les autres agents de la vie économique. C’est ainsi que se trouve analysé le rôle économique de l’Etat qui, n’ayant cessé de se développer, revêt actuellement une importance fondamentale ; à cet égard, l’économie examine de quelle manière l’Etat permet de satisfaire les besoins collectifs ; elle analyse le rôle joué par les entreprises publiques dans la production de biens et de services ; elle étudie les multiples formes d’intervention de l’Etat et notamment la planification et le budget dont l’importance est essentielle dans les économies modernes.

3. Prix et revenus

En raison de la diversité et du très grand nombre de décisions prises, indépendamment les unes des autres, par les multiples producteurs et consommateurs, on pourrait penser que l’ajustement, en nature et en quantité, entre les biens et services produits et ceux qui sont demandés, n’est pas possible. En fait, cet ajustement est réalisé, au moins approximativement, par le marché, grâce au mécanisme des prix. Ce principe régulateur caractérise l’économie de marché qui, pratiquée dans les pays capitalistes, comporte l’appropriation privée des moyens de production et laisse aux sujets économiques l’autonomie de leurs décisions. Il est à remarquer que cet ajustement peut également être réalisé par un système de planification centralisée, dans lequel les instruments de production appartiennent à la collectivité et où les décisions économiques, prises par

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l’autorité centrale, sont l’expression des préférences collectives. Ce système fonctionne dans les pays de type socialiste.

La formation des prix s’effectuant, dans les économies de marché, dans des situations très variées, les économistes ont été amenés à établir différents modèles de structure de marché dont certaines limites sont mises en évidence par l’étude des formes et des comportements concrets de concurrence.

Le fonctionnement du marché joue également un rôle important dans la répartition du revenu, celle-ci étant le résultat d’une conjonction complexe entre les mécanismes de marché, la lutte entre groupes sociaux et l’intervention de l’Etat. L’économie identifie, définit et examine les différents types de revenus et met en évidence les inégalités ainsi que les moyens utilisés pour les réduire.

4. La monnaie et le financement de l’économie

La réalisation d’échanges extrêmement nombreux a été rendue possible par l’utilisation de la monnaie et le recours au crédit qui, dans les économies modernes, jouent un rôle considérable. L’analyse économique étudie les phénomènes monétaires sous leurs différents aspects.

Elle montre la spécificité de la monnaie en tant que bien remplissant un certain nombre de fonctions et en décrit les différentes formes. L’économie explicite tous les mécanismes qui concourent à la création monétaire et examine les différents éléments composant la masse monétaire et les liquidités de l’économie. L’étude du système financier, des opérations de crédit et du marché financier permet d’analyser de quelle manière s’effectue le financement de l’économie. Enfin, par l’étude des instruments de la politique monétaire, les économistes examinent de quelle manière les autorités monétaires exercent une action sur la distribution du crédit dans le but d’adapter le volume des moyens de paiement aux besoins de l’économie.

5. La diversité des économies réelles

Les mécanismes économiques se déroulant de façon différente dans les pays de type capitaliste et dans les pays de type socialiste, l’économie générale analyse les fondements du système capitaliste et du système socialiste. Elle procède également à l’étude de régimes réels à partir de la description et de l’analyse de la vie économique dans les économies capitalistes et les économies socialistes.

Ainsi, elle fait apparaître les déséquilibres mondiaux dans le développement économique; elle explicite la diversité des situations et établit des critères du sous-développement. En s’appuyant sur de nombreuses théories, l’économie permet d’analyser les causes du sous-développement et d’identifier les stratégies possibles tant pour les pays les moins avancés que pour les nouveaux pays industriels.

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6. Les relations économiques internationales

Les économies modernes établissent entre elles de très nombreuses relations. L’économie générale fait apparaître la diversité des relations internationales quant à leur nature (mouvements de personnes entre pays, échanges de biens et de services, échanges intellectuels, culturels et techniques) et à leurs acteurs (unit »s territoriales, firmes multinationales) ; elle analyse également la configuration des grands flux d’échanges internationaux à partir des nombreuses théories du commerce international.

Les échanges internationaux s’effectuant entre des pays où circulent des monnaies différentes, l’analyse économique examine de quelle manière s’effectuent les règlements monétaires qui résultent de ces échanges. Elle donne une description du marché des changes, marché qui permet de réaliser l’échange de la monnaie nationale contre des monnaies étrangères.

Par l’étude du système monétaire international, l’économie met en évidence les pratiques, les règles et les institutions ayant pour d’objet d’organiser les échanges de monnaie, au niveau international et au niveau européen. Les économistes analysent également la balance des paiements, document comptable retraçant l’ensemble des transactions effectuées entre un pays et le reste du monde ; ils décrivent les mécanismes tendant à favoriser un retour à l’équilibre de la balance des paiements, document comptable retraçant l’ensemble des transactions effectuées entre un pays et le reste du monde ; ils décrivent les mécanismes tendant à favoriser un retour à l’équilibre de la balance des paiements ainsi que les politiques du commerce extérieur.

L’étude des relations économiques internationales conduit également à examiner de quelle manière la communauté internationale conduit également à examiner de quelle manière la communauté internationale s’est efforcée, à partir de la seconde guerre mondiale, d’organiser les échanges tant au niveau mondial qu’au niveau régional. Sont alors analysées, sur le plan mondial, les stratégies de coopération internationale et d’intégration économique, particulièrement au travers de l’Union européenne. L’économie permet enfin montrer les caractéristiques du commerce extérieur de la France en soulignant notamment les liens entre politique économique et échanges extérieurs.

7. Equilibre, croissance et crises économiques

L’élaboration par la comptabilité nationale de grandeurs synthétiques permet d’établir des relations mettant en évidence les éléments caractéristiques de l’équilibre macroéconomique dont l’étude revêt une grande importance en économie.

En effet, jusqu’à un passé relativement récent, la plupart des économistes considéraient que la situation économique normale était caractérisée par un équilibre stable avec, notamment, la réalisation du plein-emploi. Tout déséquilibre ne pouvait être que passager en raison de l’existence, dans l’économie de marché, de mécanismes rééquilibrants permettant de limiter

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l’amplitude et la durée de toute perturbation. La crise économique de 1929 apporta un sérieux démenti à ces affirmations. L’ampleur et la persistance du chômage suscitèrent alors une profonde remise en cause des principes énoncés jusque-là.

Les économistes étudient également la croissance économique et ses inégalités. A cet effet, ils tentent de mesurer la croissance à l’aide d’indicateurs, tant au niveau global qu’au niveau régional, et ils examinent les aspects démographiques, techniques, institutionnels et sociaux de cette croissance. Pour illustrer toutes ces études, les économistes s’appuient généralement sur la période allant de 1945 à 1973, période durant laquelle les pays occidentaux ont eu une croissance économique sans précédent. A partir de 1974, les pays industrialisés ont connu une grave récession économique se traduisant par une forte baisse de production, un taux de chômage élevé, une forte baisse de la production, un taux de chômage élevé, une forte hausse des prix et une nette diminution du volume des échanges internationaux. L’analyse économique étudie les facteurs à l’origine des fluctuations et des crises économiques.

Par ailleurs, la plupart des pays sont actuellement confrontés à de graves problèmes économiques et notamment à l’inflation, au chômage et aux mutations industrielles entraînés par la restructuration en profondeur des économies de l’Ouest et leurs rapports avec le reste du monde. L’économie générale étudie les caractéristiques et les causes de ces phénomènes économiques ; elle examine les mesures prises en vue d’atteindre les deux objectifs fondamentaux que constituent la stabilité des prix et la réalisation du plein emploi.

8. Les politiques économiques

Un économiste anglais, Keynes, tenta d’établir les conditions de l’équilibre global et montra que les mécanismes monétaires n’étaient pas « neutres » par rapport à l’activité économique et qu’ils exerçaient une influence sur les phénomènes économiques réels. Keynes attira l’attention sur l’existence d’équilibres stables de sous-emploi et proposa, pour atteindre l’équilibre de plein emploi, des politiques économiques nécessitant une intervention systématique des Pouvoirs publics. L’analyse keynésienne de l’équilibre macroéconomique exerça une grande influence sur la pensée économique et de nombreux pays y firent fréquemment référence pour justifier leur politique économique.

Plus généralement encore, l’analyse économique s’intéresse à l’utilisation de la politique économique à des fins de lutte contre l’inflation, contre le chômage et de développement industriel.

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Les grands courants de la pensée économique

Section 1 : La pensée économique du XVIème siècle au XIXème siècle

I. Le mercantilisme et le libéralisme de l’école classique

II. La pensée socialiste

Section 2 : Le renouvellement de l’analyse économique (1870 – 1970)

I. Les néo-classiques ou marginalistes

II. Keynes

Section 3 : Les grands courants de pensée contemporains

I. Les écoles libérales

II. La contestation des politiques libérales

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L’économie est une science qui s’est constituée peu à peu en réponse aux problèmes spécifiques de chaque période :

Une véritable réflexion économique est née au XVIème siècle avec les mercantilistes et s’est épanouie à la fin du XVIIème siècle et au XIXème siècle avec les classiques (section) ;

L’analyse néo-classique et la théorie keynésienne ont ensuite profondément renouvelé la pensée économique (section 2) ;

Depuis 1970, de nouveaux courants de pensée font progresser la science économique (section 3).

Section 1 : La pensée économique du XVIème siècle au XIXème siècle

La réflexion économique a d’abord été approfondie par les mercantilistes qui ont prôné l’intervention de l’Etat. Les limites de ce modèle ont été mises en évidence à partir du XVIIIème siècle par les libéraux de l’école classique. La critique socialiste est une critique radicale de l’économie.

I. Le mercantilisme et le libéralisme de l’école classique

1. Le mercantilisme

Le mercantilisme regroupe un ensemble d’auteurs espagnoles , italiens, français et anglais qui, au cours des XVIème et XVIIème siècles, élaborent des règles de politique économique ayant pour but essentiel d’affirmer la puissance nationale en tenant compte des profonds bouleversements ayant marqué cette époque dans les domaines économique, institutionnel et culturel.

Dans le domaine économique, les grandes expéditions maritimes engendrent un développement très important de l’activité commerciale : des marchandises entièrement nouvelles sont introduites en Europe (thé, café, cacao, tabac, tomate, maïs…) et le commerce des autres produits s’intensifie. Les grandes découvertes ont également pour conséquence un afflux très important d’or et d’argent en provenance du Nouveau Monde.

Dans le domaine institutionnel, cette période est marquée par l’essor des nationalités et la formation des Etats modernes.

Dans le domaine culturel, la Renaissance et la Réforme entraînent la laïcisation du monde qui provoque une modification des mentalités : la richesse, le goût du luxe et des arts et le bien-être, condamnés par le Moyen Age Chrétiens, se trouvent réhabilités.

Les mercantilistes considèrent que l’Etat doit attirer et conserver sur le territoire national les métaux précieux qui constituent selon eux, la principale richesse indispensable au développement de l’activité économique. Pour obtenir de l’or ou de l’argent, un pays doit

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alors vendre davantage à l’étranger qu’il n’achète ; en d’autres termes, il doit obtenir une balance du commerce favorable. Pour cela, les mercantilistes préconisent une politique protectionniste avec d’une part la création de droits de douane et l’instauration de règles diverses pour les importations de produits étrangers, d’autre part l’existence de subventions pour favoriser les exportations. Dans le même but, cette école recommande aux gouvernants de faciliter le développement des manufactures pour accroître le volume des exportations et décourager l’introduction de produits étrangers. Cette politique économique a notamment été appliquée par Colbert – le Colbertisme ou l’industrialisme – qui a utilisé la puissance règlementaire de l’Etat pour favoriser le développement de l’économie nationale.

2. Le libéralisme de l’école classique

Au XVIIIème siècle, l’Europe occidentale connaît de profondes modifications des structures mentales, techniques et institutionnelles.

Les structures mentales se modifient sous l’influence du libéralisme et de l’individualisme. Après avoir favorisé dans un premier temps l’essor de l’économie en France, la politique mercantile s’avère peu à peu décevante en raison des rigidités qu’elle entraîne dans le fonctionnement de l’économie. Ainsi, par exemple, la multiplication des règlements dans l’industrie et le commerce freine les initiatives privés et perturbe l’activité économique. L’ordre économique artificiellement établi par des règlementations est alors contesté et un courant de pensée libérale qui vante les bienfaits d’un régime de liberté se dessine.

Cette réaction contre les principes mercantilistes s’inscrit dans le courant philosophique de l’époque : c’est la liberté qui permet d’obtenir ce qui semblait ne pouvoir l’être que par l’autorité de l’Etat.

Dans le domaine technique, on assiste à une véritable révolution marquée par un emploi de plus en plus important de machines dans les divers secteurs de production. Sur le plan de l’entreprise, on voit peu à peu s’opérer un regroupement de la main-d’œuvre dans des fabriques de plusieurs centaines d’ouvriers avec une division du travail qui devient sans cesse plus poussée.

Une mutation brutale des structures institutionnelles donne de nouvelles bases juridiques qui vont favoriser le développement du capitalisme. Engendrée par la Révolution, cette transformation profonde est consacrée par le Code civil et par le Code de commerce. Deux éléments fondamentaux caractérisent cette nouvelle conception juridique :

Le principe de la liberté économique ; Le droit de propriété.

La plupart des économistes de l’époque ont alors rejeté toute intervention de l’Etat dans la vie économique.

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Pour l’école classique anglaise, on peut citer notamment Adam Smith (1723 – 1790) et David Ricardo (1772 – 1823).

Le livre d’Adam Smith « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations » (1776) est considéré comme un des textes fondateurs de la pensée économique libérale.

A.Smith se montre très optimiste dans la mesure ou il considère que la poursuite de l’intérêt individuel – ou « la tendance de chaque homme à améliorer sans cesse son sort » - entraîne pour chacun un comportement qui a pour effet d’aboutir, au niveau de la nation, à la meilleure organisation économique. En effet, pour cet auteur, le mobile égoïste qui conduit chaque individu à améliorer sa situation économique engendre au niveau national des effets bénéfiques en réalisant l’intérêt général comme si les individus étaient « conduits » à leur insu par une « main invisible ».

Sur le plan de la politique économique, Smith est un libéral très hostile à l’intervention de l’Etat dans le domaine économique et partisan du libre-échange en matière de commerce international. Ainsi, les restrictions aux importations provoquent, selon lui, une mauvaise répartition du capital et une insuffisante division du travail ; de même, les incitations aux exportations entraînent une structure économique moins efficace que celle qui aurait résulté du libre jeu des phénomènes naturels. Smith n’écarte pas, cependant, l’intervention de l’Etat dans certains domaines tels que la protection du pays contre l’ennemi ou l’organisation de la justice par exemple.

Dans les « Principes de l’économie politique et de l’impôt » (1817), D.Ricardo s’oppose lui aussi à toute intervention de l’Etat, notamment dans le domaine social ; ainsi, toute mesure qui vise à relever les salaires provoque, selon lui, un accroissement du nombre de chômeurs. Ricardo exprime d’ailleurs de façon très nette sa conception libérale lorsqu’il étudie les échanges internationaux : sa « théorie des coûts comparés », qui propose une explication de la division internationale de l’activité économique et examine les avantages qui en résultent pour chaque pays, aboutit à préconiser l’établissement du libre-échange afin que chaque nation se spécialise dans la production où elle détient un « avantage comparatif ».

Pour l’école classique française, on peut cite J.-B. Say. Cet auteur énonce sa célèbre loi des débouchés suivant laquelle « l’offre crée sa propre demande ». En effet, pour J.-B. Say, toute production d’un bien offert sur le marché donne lieu à une distribution de revenus que les titulaires vont utiliser intégralement pour demander des biens ayant une valeur identique. Ainsi, « les produits s’échangent conte les produits » et « dans toute nation, plus les producteurs sont nombreux et les productions multipliées, et plus les débouchés sont faciles, variés et vastes ». Toute offre représentant une demande en puissance, J.-B. Say en déduit que les crises générales de surproduction sont impossibles et que l’intervention de l’Etat, par conséquent, n’est pas nécessaire.

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II. La pensée socialiste

Le développement du capitalisme a provoqué une grande misère, notamment pour de nombreux artisans et paysans. Les premiers, ruinés par la concurrence des « fabriques », ont été contraints de travailler dans l’industrie comme ouvriers, avec des salaires dérisoires et des conditions de travail extrêmement pénibles. Les seconds, attirés par des salaires au début un peu plus élevés que ceux qu’ils percevaient à la campagne, sont venus vivre dans les nouveaux centres industriels dans des conditions de logement déplorables. En outre, le chômage s’est développé, notamment lors des crises de surproduction. Il en est résulté une baisse brutale des salaires dans l’industrie et une grande pauvreté dans la population ouvrière. Cette misère, particulièrement grande en Angleterre dans la première moitié du XIXème siècle, s’est développé ensuite en France de façon importante comme en témoignent, par exemple, les enquêtes du Dr Villermé en 1840.

C’est dans le contexte économique et social de cette misère ouvrière que s’est développé, au début du XIXème siècle, le courant socialiste, mouvement idéologique tendant à substituer, en partie ou en totalité, la propriété collective ou sociale à la propriété privée.

Au sein du courant socialiste, on distingue le socialisme utopique et le socialisme scientifique.

Le socialisme utopique est représenté notamment par Saint-Simon, fourier, louis Blanc et Proudhon.

Le socialisme scientifique est représenté par Karl Marx dont les thèses ont eu un très grand retentissement. Parmi les œuvres de Karl Marx, on peut citer le « Manifeste communiste » (1848), la « Critique de l’économie politique » (1859) et « Le Capital », dont le livre I parut en 1867 et dont les livres II et III furent publiés, après sa mort, par son ami Engels.

Dans les différentes sociétés, Marx distingue l’infrastructure et la superstructure. L’infrastructure désigne la technique, les modes de production et d’échanges ainsi que les rapports qu’ils déterminent. La superstructure comprend les institutions et l’organisation politique, le régime juridique… Pour Marx, l’infrastructure commande la superstructure ; les institutions, les idées ne font que refléter le mode de production. Dans sa préface à la « Critique de l’économie politique » il écrit : »Dans la production sociale des moyens d’existences, les hommes contractent des rapports déterminés, nécessaires et indépendants de leur volonté, des rapports de production qui sont corrélatifs à un stade déterminé du développement de leurs forces productives. Tout l’ensemble de ces rapports de production forme la structure économique de la société, c’est-à-dire qu’il est la base réelle sur laquelle s’élève une superstructure juridique et politique et à laquelle correspondent des formes déterminées de la conscience. Le mode de production de la vie matérielle détermine en général le processus social, politique et individuel de la vie. Ce n’est pas la conscience de l’homme qui détermine sa manière d’être, mais sa manière d’être sociale qui détermine sa conscience. »

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Ainsi, chaque mode de production définit un type de rapports de production, lequel engendre à son tour un type de rapports sociaux. De même que le moulin à bras a donné naissance à la société féodale où le suzerain, propriétaire du moulin, commande le serf, de même la machine à vapeur a donné naissance au capitalisme ou le propriétaire des biens de production, le capitaliste, commande le travailleur ou prolétaire.

Cependant, la domination d’une classe sociale ne peut être que temporaire. Au fur et à mesure que les techniques évoluent, le système est de moins en moins adapté à la situation nouvelle. Les superstructures, plus rigides, se modifient plus lentement que les infrastructures : il en résulte un décalage entre les deux. Pour Marx, l’Etat, élément de la superstructure d’une société de classes, constitue alors l’instrument du pouvoir de la classe dominante qui s’en sert en vue du maintien de ses privilèges. Mais des contradictions de plus en plus graves se manifestent et aboutissent à un changement, souvent violent, du système. Ainsi, « l’histoire de toute société jusqu’à nos jours, c’est l’histoire de la lutte des classes ».

Pour Marx, le capitalisme révèle une opposition grandissante entre les capitalistes, de moins en moins nombreux, et les prolétaires, de plus en plus nombreux. L’accumulation croissante du capital et la baisse tendancielle du taux de profit, la paupérisation du prolétariat et la sous-consommation ouvrière provoquent des crises économiques qui doivent conduire à l’effondrement du système.

A l’Etat bourgeois doit succéder pour Marx l’Etat prolétarien : « entre la société capitaliste et la société communiste se situe la période de transformation révolutionnaire de celle-là en celle-ci ; à quoi correspond une période de transition politique, où l’Etat ne saurait être autre chose que la dictature révolutionnaire du prolétariat. » Sur le plan économique, la propriété privée des instruments de production est supprimée et tous les biens de production sont remis à l’Etat qui dirige toute l’économie.

Section 2 : Le renouvellement de l’analyse économique (1870 – 1970)

I. Les néo-classiques ou marginalistes

L’école classique anglaise a dominé la pensée économique pendant près d’un siècle mais, à la fin du XIXème siècle, apparaissent simultanément en Europe de nouvelles écoles qui renouvellent la pensée classique et que l’on appelle néo-classiques ou marginalistes.

Au-delà de leurs spécifiés, elles possèdent de nombreux traits communs :

Ce sont des écoles libérales, convaincues de l’efficacité des mécanismes de marché ;

Leur théorie de la valeur est fondée non sur la quantité de travail nécessaire pour fabriquer une marchandise, mais sur l’utilité marginale de cette marchandise ;

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l’introduction de l’analyse à la marge (coût marginal, productivité marginale…) permet à la plupart d’entre elles une utilisation plus poussée des outils mathématiques ;

les agents économiques sont supposés rationnels et désireux d’optimiser.

Trois écoles ont joué un rôle majeur dans l’évolution de la science économique :

II. Keynes 1. Sa vie et son œuvre

John Maynard Keynes (1883-1946) est l’un des économistes du XXème siècle dont l’influence sur l’enseignement universitaire, l’opinion publique et les gouvernements aura été la plus profonde et la plus durable.

Ancien élève d’Alfred Marshall, il devient à son tour professeur à Cambridge.

Il se fait connaître en contestant avec courage et lucidité les thèses de la délégation britannique (dont il est pourtant l’un des principaux experts) à la conférence de la paix en 1918. Il soutient dans « Les conditions économiques de la paix »(1919) que le montant trop élevé des réparations exigées à l’Allemagne ne peu conduire ce pays qu’à une crise économique et sociale de grande ampleur.

Les écoles néo-classiques

L’école de Cambridge

Stanley Jevons (1835-1882) est l’un des fondateurs de l’analyse marginaliste. Il considère que l’économie est par nature une science aussi mathématique que la physique.

Alfred Marshall (1842-1924) a été très soucieux d’expliquer les phénomènes économiques concrets (le nombre d’entreprises dans une branche, l’évolution d’un prix d’un produit…). C’est un des grands théoriciens de l’équilibre partiel.

L’école de Vienne

Karl Menger (1840-1921). Au-delà de son apport à la théorie de la valeur, il est le fondateur du « subjectivisme méthodologique ». Pour lui, la science économique doit renoncer à l’abstraction, étudier le comportement des individus en s’appuyant sur la psychologie.

Eugen von Böhm-Bawerk (1851-1914) est l’un des principaux théoriciens du capital.

L’école de Lausanne

Léon Walras (1834-1914) économiste français, a montré :

L’interdépendance des différents marchés de biens de services et de facteurs de production ;

L’existence d’un équilibre général.

Vilfredo Pareto (1848-1923), son successeur italien a démontré que cet équilibre général est aussi un optimum.

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Il prouve ensuite son non conformisme en s’opposant à la politique de retour à l’étalon-or et de réévaluation de la livre menée en 1923 par W.Churchill.

Enfin, la crise de 1929 l’amène à penser qu’une situation de chômage durable peut apparaître en économie de marché. C’est la thèse qu’il développe dans la « Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie » (1936) et qui le conduit à préconiser l’intervention de l’Etat.

A la conférence de Bretton-Woods en 1944, il dirige la délégation britannique et s’efforce d’obtenir la création d’un système monétaire stable et d’une véritable monnaie internationale indépendante du dollar.

2. Les fondements théoriques de l’interventionnisme

L’analyse keynésienne comporte d’abord une réfutation explicite d’un certain nombre d’hypothèses de base néo-classique :

Le passage de la microéconomie à la macroéconomie

Pour comprendre l’évolution d’une variable économique, on ne peut pas toujours se contenter d’additionner les comportements individuels, comme le font les néo-classiques.

Ainsi la baisse des salaires peut conduire chaque entrepreneur à embaucher, mais sur le plan macroéconomique, elle entraine une baisse de la consommation donc de la production et de l’emploi.

L’équilibre par les prix

L’équilibre de tous les marchés (y compris celui du travail) est réalisé pour les néo-classiques grâce aux variations des prix.

Keynes émet deux réserves :

Il existe sur certains marchés des prix rigides : c’est le cas du salaire (ou prix du travail), rigide à la baisse ;

L’emploi n’est pas déterminé par le salaire réel. C’est en fait un revenu national qui détermine la demande globale et par conséquent le niveau de la production et de l’emploi.

La neutralité de la monnaie

Pour les néo-classiques, « la monnaie est un voile qui masque la réalité des échanges ». Il faut donc toujours analyser les grandeurs en termes réels.

Pour Keynes, une économie monétaire de production ne peut fonctionner comme une économie de troc.

En effet, la possibilité de thésauriser une partie du revenu monétaire ou d’emprunter fait que la demande peut être différente de la production

possibilité de crise ;

nécessité pour les entrepreneurs d’anticiper la demande.

La réfutation d’hypothèses néo-classiques

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C’est donc sur la base d’une approche différente des phénomènes économiques qu’est abordée la question centrale de l’équilibre de sous emploi :

C’est le constat de cette inefficacité des mécanismes de marché à rétablir l’équilibre de plein emploi qui conduit Keynes à préconiser l’intervention de l’Etat.

L’Etat est en effet le seul qui puisse accroitre ses dépenses, alors que dans la crise tous les autres agents économiques (ménages et entreprises) ont tendance à réduire les leurs. Toutefois l’augmentation des dépenses publiques ne doit pas être compensée par celle des prélèvements fiscaux : le déficit budgétaire par la mise en œuvre d’une politique monétaire de baisse des taux d’intérêt susceptible de favoriser la reprise de l’investissement.

3. La postérité keynesienne

A la suite de la publication de la « Théorie générale », de nombreux débats théoriques vont se produire et les idées keynésiennes vont se répandre très largement.

Des économistes tels que Hicks (prix Nobel en 1972), Hansen ou Samuelson (prix Nobel en 1970), s’efforcent de réaliser une synthèse entre certains apports néo-classiques qui restent valides à leurs yeux et l’essentiel de la macroéconomie keynésienne.

L’équilibre de sous-emploi

L’équilibre qui se réalise sur le marché des biens et services est unique pour une certaine propension à consommer et à investir et pour une certaine préférence pour la liquidité.

Si ces trois paramètres sont stables, la production d’équilibre est stable.

Aucun mécanisme de marché ne peut, à court terme, rapprocher la production d’équilibre de la production potentielle de plein emploi en cas de divergence. En effet, les facteurs déterminant l’une et l’autre sont indépendants.

Or la production qui permettrait de réaliser le plein emploi peut être différent de la production d’équilibre.

Elle dépend en effet :

de facteurs démographiques et institutionnels qui déterminent la population active ;

de facteurs économiques et technologiques qui déterminent la technique de production.

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Par ailleurs, la politique économique pratiquée par la plupart des pays occidentaux de 1945 à 1975 et l’instauration d’un Etat-providence s’inspire largement des principes de la « Théorie générale ». Les forts taux de croissance de cette période semblent apporter alors une confirmation éclatante de la justesse de la politique économique préconisée par Keynes.

Section 3 : Les grands courants de pensée contemporains

I. Les écoles libérales

1. L’école monétariste ou école de Chicago

L’école monétariste de s’est constituée dans les années 1960 à l’Université de Chicago autour de Milton Friedman (prix Nobel d’économie en 1976) à partir d’une critique libérale de l’interventionnisme keynésien.

Les thèses de cette école ont trouvé un écho croissant dès lors que dans un contexte de crise du système monétaire international (1971) et de stagflation (1974), les politiques keynésiennes se révélaient le plus souvent incapables de restaurer tout à la fois le plein emploi, la stabilité des prix et l’équilibre extérieur.

Comme son nom l’indique, l’originalité de cette école tient en grande partie à ses thèses sur la monnaie, présentées notamment dans « l’histoire monétaire des Etats-Unis » (1963).

Il en résulte qu’il faut à la fois contrôler la masse monétaire pour éviter l’inflation et la stabiliser pour amortir les oscillations du taux de croissance autour de sa tendance à long terme.

Les thèses sur la monnaie

L’inflation est un phénomène exclusivement monétaire. Toute augmentation de la masse monétaire provoque une augmentation proportionnelle des prix.

La monnaie est très active à court terme sur les variables réelles. Une augmentation de la masse monétaire peut provoquer un mouvement d’expansion, une forte contraction de la masse monétaire peut engendrer une crise.

La monnaie est neutre à long terme pour les variables réelles. Le taux de croissance de longue période est complètement indépendant de la politique monétaire suivie.

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Il faut donc substituer aux actuelles politiques monétaires laissées à la discrétion des gouvernements une « règle monétaire » intangible, fixant un taux de croissance de la masse monétaire égal au taux de croissance à long terme du PIB.

Les études économétriques portant sur la fonction de consommation (1957), celle de demande de monnaie (1956) ou sur la relation inflation-chômage (1977) ont conduit Milton Friedman à utiliser deux concepts nouveaux :

Les concepts nouveaux

Le revenu permanent (Yp) est le revenu normal attendu du patrimoine humain (profession, formation, aptitudes…) et du patrimoine matériel (actifs immobiliers, financier ou monétaires).

Il y a cependant une composante aléatoire dans la formation du revenu (liée au risque) et que Friedman appelle revenu transitoire (Yt). Le revenu effectif « mesuré » (Y) de la période diffère donc du revenu permanent. On a Y = Yp + Yt.

Il existe un taux de salaire réel d’équilibre sur le marché du travail. Cependant, même à ce taux, subsiste un chômage appelé « chômage naturel » résultant :

des imperfections du marché du travail ;

des variations aléatoires des demandes et des offres d’emploi ;

des coûts d’information ; des coûts de la mobilité.

et leurs conséquences de politique économique

Dans la mesure où la consommation s’ajuste sur le revenu permanent et non sur le revenu effectif de la période, cela :

permet de stabiliser l’économie ; ôte toute efficacité à une

politique budgétaire de relance de la consommation.

Le taux de chômage ne peut descendre durablement en dessous du taux de chômage naturel. Une politique conjoncturelle qui s’y efforcerait :

n’obtiendrait que des effets provisoires sur le chômage ;

augmenterait durablement le taux d’inflation.

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2. La Nouvelle école classique

La Nouvelle école classique est parfois appelée école des anticipations rationnelles en raison de l’importance qu’elle a donnée à cette hypothèse.

La plupart des agents économiques font des anticipations lorsque certaines de leurs décisions engagent l’avenir.

Un certain nombre d’anticipations, par exemple de prix, prennent en compte simplement les valeurs passées des prix : c’est le cas des anticipations naïves où le prix anticipé est simplement le prix constaté dans le passé.

Ce comportement est évidemment irrationnel, car le prix futur sur un marché dépend en général non pas du prix passé mais de l’offre et de la demande future.

Former une anticipation rationnelle reviendrait à connaitre la courbe d’offre et de la demande et à en déduire le prix d’équilibre de la période future ; c’est en fait connaitre les différentes variables explicatives et savoir comment elles influent sur la variable à anticiper.

Dès 1961, John Muth avait défini les anticipations rationnelles de la façon suivante : « Dans le cadre d’un modèle, les anticipations sont rationnelles si elles sont identiques aux prévisions de ce modèle ».

Ainsi l’anticipation rationnelle n’est pas nécessairement l’anticipation exacte de l’avenir ; elle n’est rationnelle que par rapport à l’information disponible.

Si l’information est partielle ou de mauvaise qualité, même des agents économiques rationnels feront de mauvaises anticipations.

Les agents économiques utilisent l’information disponible de façon rationnelle et forment des anticipations rationnelles, car l’irrationalité les conduirait à des erreurs coûteuses.

Mais l’information dont ils disposent est parfois imparfaite, ce qui peut conduire les agents économiques à faire de mauvais choix et provoquer des oscillations macroéconomiques.

Sur la base de ces hypothèses, les principaux auteurs de ce courant de pensée (Robert Lucas, de l’Université de Chicago, thomas Sargent de Stanford ou Robert Barro de Harvard) se sont attachés à montrer l’inefficacité des politiques conjoncturelles.

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3. L’école des « choix publics » ou école de Virginie et l’économie de l’offre a) Les choix publics

Au-delà de la critique relative à l’efficacité des politiques économiques, les auteurs de l’école des choix publics (pour la plupart professeurs à l’Université de Virginie comme James Buchanan, prix Nobel en 1986, ou Gordon Tullock) remettent en cause le bien fondé de la production de biens publics par l’Etat. La critique est double : à la fois critique de la procédure de choix démocratique et critique de la bureaucratie :

L’inefficacité des politiques conjoncturelles sous l’hypothèse d’anticipations rationnelles

La politique monétaire (Lucas, Sargent)

Si la Banque centrale annonce un objectif de croissance de la masse monétaire, les agents économiques anticiperont rationnellement une hausse proportionnelle des prix.

Les salariés négocieront par conséquent des augmentations de salaires nominaux permettant de maintenir leur pouvoir d’achat.

En l’absence de variation du salaire réel, les entrepreneurs ne modifieront ni les effectifs des salariés, ni par conséquent le volume de la production.

La monnaie est neutre à court terme aussi bien qu’à long terme.

La politique budgétaire (Barro)

Si le gouvernement annonce un déficit budgétaire, les agents économiques anticiperont rationnellement une augmentation future de leurs impôts destinée à rembourser les emprunts levés pour financer le déficit budgétaire (cette équivalence entre le montant du déficit d’aujourd’hui et celui de l’augmentation des impôts de demain avait été soulignée par Ricardo).

Dans ces conditions, les ménages anticiperont la baisse de leur revenu disponible futur, ce qui les conduira à épargner (et non à consommer) le surcroît de revenu disponible d’aujourd’hui pour éviter une baisse future de leur niveau de vie.

Le déficit budgétaire n’a pas d’effets d’expansion.

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La solution préconisée par les libéraux de l’école des choix publics est double :

Il faut limiter et encadrer la procédure de choix démocratique par des règles constitutionnelles (interdisant par exemple les déficits budgétaires) ;

Les services publics (téléphone, télévision, eau, gaz, électricité, transports…) doivent perdre leurs contrats d’exclusivité et se trouver confrontés à la concurrence.

b) L’économie de l’offre

L’analyse de l’école de Virginie rejoint dans ses conclusions celle de l’économie de l’offre dont un des principaux représentants est Arthur Laffer, professeur à l’Université de Californie.

Laffer considère que la pression fiscale, lorsqu’elle devient excessive, produit deux effets :

elle décourage l’offre, les agents économiques étant de moins en moins incités à accroître leur activité pour un supplément de revenu disponible (après impôt) de plus en plus faible ;

elle réduit par conséquent les rentrées fiscales totales.

La procédure de choix démocratique

Les choix en matière d’investissements publics résultent :

de marchandages politiques ; de la pression de groupes sociaux

organisés.

L’agrégation des choix individuels est souvent incohérente.

Les décisions de dépenses sont facilitées par le fait que leurs avantages sont concentrés sur un petit nombre de bénéficiaires et les coûts (fiscaux) dispersés sur un grand nombre de contribuables.

Le pouvoir et la rationalité bureaucratique

La bureaucratie de l’appareil d’Etat ou des collectivités locales poursuit ses propres objectifs de maximisation du revenu, du pouvoir, du prestige, de la commodité…

Elle revendique par conséquent l’augmentation des budgets publics.

Les politiques peuvent d’autant moins s’y opposer :

qu’ils ont, électoralement parlant, avantage à l’augmentation des budgets ;

que l’information sur les coûts et les avantages de la production de biens publics leur est fournie par l’administration.

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Recettes

fiscales

totales

Taux optimal d’imposition Taux d’impositions

Cette analyse peut être visualisée sur un graphique où l’on représente en abscisse le taux d’imposition et en ordonnée les recettes fiscales.

La courbe de Laffer permet de montrer que le taux d’imposition ne doit pas dépasser un certain seuil.

II. La contestation des politiques libérales

1. La théorie du déséquilibre

Devant la persistance su sous-emploi, un certain nombre d’économistes (Robert Clower, Axel Leijonhufvud aux Etats-Unis, Jean-Paul Benassy ou Edmond Malinvaud en France) remettent en cause l’existence et l’efficacité des mécanismes d’ajustement par les prix.

Alors que les libéraux raisonnent sur la base de marchés en équilibre, ces auteurs considèrent que le cas général à étudier est celui de marchés en déséquilibre. En effet, dans la réalité, les prix ne sont pas flexibles mais rigides.

Edmond Malinvaud a montré alors que deux cas différents de chômage pouvaient se présenter :

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Cette analyse conduit à attirer l’attention des gouvernements sur le risque d’erreur de diagnostic en matière de chômage. Elle conclut cependant à la validité des solutions keynésiennes (politique de grands travaux notamment) lorsque le chômage est dû à l’insuffisance de la demande.

2. La nouvelle école keynésienne

Ces conclusions rejoignent celles de la nouvelle école keynésienne qui s’est attachée à expliquer les rigidités de prix et de salaires observables dans les économies contemporaines.

Sur les marchés de biens en services, les rigidités de prix peuvent s’expliquer par exemple, par la théorie des prix de monopole. Ainsi Mr Weitzman soutient que les grandes entreprises, par leur capacité à contrôler leurs prix, sont en large partie responsables du chômage contemporain.

Enfin, sur le marché du travail, les rigidités des salaires nominaux peuvent résulter :

de la volonté des entreprises de proposer des « salaires d’efficience », salaires élevés qui peuvent attirer les meilleurs salariés et stimuler la productivité du travail (thèse développée notamment par Stiglitz et Shapiro en 1984) ;

de l’existence de « contrats implicites » souvent très rigides, associés à la signature du contrat de travail.

Ainsi, le fonctionnement des marchés ne peut-il pas aboutir spontanément à l’équilibre de plein emploi : l’intervention de l’Etat doit permettre de suppléer aux défaillances du marché.

Le chômage « classique »

Caractérisé par un double déséquilibre :

sur le marché des biens et services Offre < Demande cas où les entreprises réduisent leur offre en raison de coûts trop élevés ;

sur le marché du travail Offre > Demande la demande de travail des entrepreneurs est réduite en raison du coût de la main d’œuvre, jugé trop élevé.

Le chômage « keynésien »

Caractérisé par un double déséquilibre :

sur le marché des biens et services Offre > Demande cas d’insuffisance de la demande effective;

sur le marché du travail Offre > Demande en raison de la surproduction, les entrepreneurs réduisent leur demande du travail.

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3. L’école de la régulation

L’arrêt d’une forte croissance dans les années qui ont suivi la crise pétrolière de 1973 a suscité l’approfondissement d’une réflexion portant sur les structures du capitalisme par une nouvelle école connue sous le nom d’école de la régulation.

Les principaux représentants de cette école connue des économistes français (Aglietta, Boyer, mistral). Leurs analyses sont au confluent de la doctrine marxiste, des méthodes de la Nouvelle histoire de F.Braudel et de la macroéconomie keynésienne.

Définissant la régulation comme la « conjonction des mécanismes concourant à la reproduction d’ensemble des systèmes », Aglietta, Boyer et Mistral notamment, sont amenés à bâtir une double typologie :

La première, fondée sur la nature du régulateur dominant, distingue la régulation concurrentielle de la régulation monopoliste ;

La seconde, fondée sur le mode d’accumulation, oppose régime d’accumulation extensive et régime d’accumulation intensive.

En ce sens, les crises économiques majeures sont des crises de mutation entre une régulation ancienne qui ne permet plus la croissance économique et une nouvelle régulation qui permettra de résoudre les causes profondes de la crise.

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Introduction Le fin de la période des « Trente glorieuses » se traduit d’un point de vue macro-économique par l’apparition de déséquilibres économiques importants et durables qui remettent en cause les bases de la croissance future. La restauration de ces déséquilibres devient alors la priorité des politiques économiques afin de restaurer les fondements d’une croissance forte et durable (le carré magique de Kaldor).

Ces déséquilibres conduisent par ailleurs à une remise en cause profonde du système de cohésion sociale mis progressivement en place depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

La croissance économique est au centre du développement des nations et la répartition des richesses constitue le principal facteur de cohésion social d’une société. Mais qu’est ce qu’on entend par « croissance économique » ?

La croissance économique se définit comme étant la variation quantitative, durable, auto-entretenue et non réversible de la production de biens et services.

Le taux de croissance économique est déterminé par le taux de croissance du PIB (exprimé en %) d’un pays On distingue :

la croissance en volume de la production : qui mesure a variation des quantités de biens et services produits.

la croissance en valeur : qui tient compte en plus de la variation des prix des biens et services produits.

Les économistes se sont donc penchés sur les causes des fluctuations de l’activité économique pour tenter de proposer des solutions aux pouvoirs publics pour réguler l’activité dans a sphère économique privée en agissant entre autre par le biais de la politique économique. L’efficacité de cette dernière dépend en grande partie de la compréhension des mécanismes qui favorisent la croissance économique.

A travers ct exposé nous allons tenter de répondre aux questions suivantes :

1- Comment a été la croissance économique durant le 20ème siècle ?

2- Quelles sont les approches théoriques qui se sont intéressées à la croissance économique ?

3- Quels sont les facteurs à l’origine de la croissance économique ?

4- Comment est-ce-que chaque facteur agit sur la croissance économique ?

5- Quelles sont les limites de la croissance économique ?

6- Où en est la croissance économique de notre pays le Maroc ?

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Section 1 : Les grandes phases de la croissance économique au cours du 20ème siècle

A/ Les grandes phases de la croissance économique :

La croissance économique dans les pays développés au cours du 20ème siècle peut tout d’abord s’analyser sur des périodes relativement longues :

la croissance moyenne du PIB mondial est relativement faible jusqu’à la seconde guerre mondiale malgré une phase de forte croissance économique (1919-1929). La crise des années 30 se traduit par une forte contraction de l’activité économique qui ne redémarre qu’avec l’effort de guerre initié par la seconde guerre mondiale.

l’économie mondial connaît ensuite une phase d’accélération de la croissance à la fin de la seconde guerre mondiale sur une période relativement longue. Cette phase est couramment appelée les « Trente glorieuses » même si la phase de forte croissance économique ne se généralise qu’au milieu des années 50.

Enfin, le premier choc pétrolier de 1973 se traduit par un ralentissement fort du taux de la croissance économique mondiale De près de 5% en moyenne au cours des trente glorieuses, l’activité économique continue à croître dans les années 80 et 90 mais à un rythme bien moindre (entre 1% et 2% par an en moyenne). La crise des années 80 ne signifie donc pas une contraction de l’activité économique (sauf années particulières), mais simplement un ralentissement du taux de la croissance économique par rapport à la période exceptionnelle des Trente Glorieuses.

B/ Les principales évolutions récentes de l’activité économique

Pour la période contemporaine, on peut distinguer différentes périodes :

de 1973 à 1985, les économies occidentales subissent les chocs pétroliers de 1973 et 1979 et connaissent un fort ralentissement de la croissance accompagné d’une explosion de l’inflation qui dépasse les 10% au début des années 80. C’est une période que l’on identifie sous le terme de « stagflation ».

de 1986 à 1991 : phase de forte reprise de l’activité économique engendrée d’une part par le contre-choc pétrolier de 1986, et poursuivie ensuite grâce à la réunification allemande de 1990 qui soutient la demande en Europe occidentale.

de 1992 à 1997 : la guerre du Golf fait plonger les économies européennes dans la récession économique (1993) puis la croissance reste atone en Europe du fait de la politique monétaire qui reste restrictive Les Etats-Unis entament eux une phase de forte croissance économique qui prend fin en 2001.

de 1997 à 2000 : la croissance américaine se propage à l’ensemble de l’économie mondiale qui connaît dans son ensemble une croissance économique forte.

2001 - …. : les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis ne fait qu’accentuer la tendance dépressive de l’activité économique laissant planer le doute sur le

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redémarrage rapide de l’activité économique qui s’es considérablement amoindrie dès le début de l’année 2000

Conclusion de la première session :

On déduit que l’activité économique ne connaît pas un rythme de croissance stable dans le temps. A des périodes de forte activité succèdent des phases de ralentissement économique pouvant même se transformer en récession économique. La science économique s’est donc efforcée de trouver des modèles permettant d’expliquer et donc d’agir sur la variation du taux de croissance.

Section 2 : Approches cycliques de la croissance économique

Une analyse fine de l’évolution de l’activité économique permet d’identifier des phases qui se succèdent dans le temps de façon assez homogène : une phase d’augmentation du taux de croissance économique suivie d’une période de ralentissement économique.

Les tentatives visant à expliquer les variations de l’activité économique et à les représenter sous la forme de cycles économiques visent à donner des arguments à l’intervention de l’Etat dans la sphère économique, qui par son action en terme de politique économique cherche à réguler l’activité économique issue du secteur privé afin de lisser les évolutions de la production dans le temps, soit pour éviter les périodes de sous-emploi, soit pour éviter les périodes de surchauffe qui risqueraient d’entraîner une augmentation importante des prix.

A/ La notion de cycle en science économique

1- Définition

Un cycle en économie est un concept qui définit les fluctuations de l’activité économique en les décomposant en une succession de phases clairement identifiables qui se répètent dans le temps de manière ordonnée.

2- Les différentes phases d’un cycle économique

On peut distinguer quatre phases successives dans un cycle économique qui sont la phase d’expansion, la crise, la dépression (qui peut devenir une récession) et enfin la reprise qui débouche sur la phase d’expansion du cycle suivant.

L’expansion : La phase d’expansion désigne la phase du cycle économique caractérisée par l’augmentation du volume de la production et de la demande sur une courte ou une moyenne période (le taux de croissance annuel du PIB est donc soutenu).

La crise : le terme de crise désigne le moment bref de retournement de la conjoncture. Elle est représentée par le point de retournement qui marque le début de la phase de ralentissement de l’activité économique.

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La dépression : la dépression désigne la phase de ralentissement de l’activité économique. L’économie continue alors de croître mais dans de faibles proportions. Il arrive que dans certains cas, cette dépression se transforme temporairement en récession.

La récession : Cette phase du cycle économique désigne une contraction de la production d’un pays pendant deux trimestres consécutifs. Le taux de croissance de l’activité économique est donc négatif. La dernière récession en France a eu lieu en 1993.

La reprise : La reprise désigne la phase du cycle économique qui se caractérise par un retour de l’économie à une phase d’expansion après une phase de récession. La reprise représente donc le point d’inflexion qui manque le retour d’une phase de croissance de l’activité économique soutenue.

3- Représentation graphique d’un cycle économique

B/ La Théorie des cycles économique

La notion du cycle économique s’applique dans la réalité à un ensemble de cycles qui varient en fonction de leur périodicité et qui s’imbriquent les uns aux autres.

1- Les différents cycles économiques

On distingue alors différents cycles économiques qui ont été mis en évidence par un certain nombre d’économistes :

Les cycles décrivant des tendances séculaires ou Trends d’une périodicité de 100 ans environ par référence aux travaux de Fernand Braudel.

Temps

Taux de croissance du PIB

1 : Phase d’expansion

2 : Crise

1

2

3

4

3: Phase de dépression

4 : Reprise

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Les cycles de longue durée ou cycle Kondratiev (du nom de l’économiste qui les a « découvert ») qui s’étendent sur une période d’environ un demi-siècle. C’est l’innovation qui est à l’origine de ce type de cycle. La phase de hausse est générée par la diffusion de l’innovation dans la sphère économique, la phase de ralentissement traduit la fin de l’impact de ces innovations sur la structure de l’économie.

Les cycles classiques ou cycles courts appelés aussi cycles Juglar qui durent en moyenne entre 6 et 10 ans. Ils sont essentiellement motivés par des causes conjoncturelles qui influent sur le comportement à court terme des agents économiques (Investissement, consommation…).

Les cycles Kitchin qui dure approximativement 40 mois et qui sont liés à la politique des entreprises en terme de variation des stocks de produits finis (Exemple : lorsqu’elles anticipent une reprise de l’activité, les entreprises accroissent préventivement leur production pour regarnir leurs stocks de produits finis).

Les cycles relatifs à des variations saisonnières de l’activité économique dans certains secteurs d’activité particuliers comme par exemple la production agricole.

2- analyse des cycles économiques

On attribue en général trois sortes de raisons qui sont à l’origine des cycles économiques.

Cause exogène : Dans ce type de situation, le cycle économique est provoqué par une raison qui est indépendante de la sphère économique étudiée : un ralentissement de l’activité chez notre principal partenaire économique risque de se propager à l’économie nationale (cf : impact du ralentissement de la croissance américaine sur la croissance mondiale), l’instabilité politique peut favoriser un sentiment attentiste négatif pour la croissance économique….

Cause d’origine financière : On parle alors parfois du cycle de l’endettement : la croissance de l’activité économique se traduit par une hausse des crédits accordés soit aux entreprises qui investissent, soit aux ménages qui consomment. Lorsque l’activité ralentie, les agents économiques mettent en place une stratégie de désendettement qui entraîne alors un approfondissement de la dépression. Ce type de raison montre l’importance prise par la sphère financière sur l’évolution de la sphère économique.

Une cause endogène : Dans ce cas, les variations de l’activité économique sont liées à des causes d’ordre purement économiques. Les facteurs à l’origine d’une variation de l’activité économique sont multiples (Exemples effort d’accroissement du stock de capital suite à une baisse des taux d’intérêts, évolution du partage de la valeur ajoutée, mise en place d’une innovation technologique…).

Donc pour chaque pays, il est possible d’agir sur ces sources internes (endogènes) afin de générer plus de croissance économique. Par conséquent, il s’avère nécessaire de se pencher plus en détail sur les facteurs de la croissance économique. Par conséquent, il s’avère

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nécessaire de se pencher plus en détail sur les facteurs de la croissance économique en troisième section.

Section 3 : Les sources de la croissance économique

D’où vient la croissance économique ?

La croissance économique dépend à la fois de l’augmentation des quantités de facteurs de production utilisés dans le processus productif, mais aussi de l’amélioration des techniques de production permettant de produire plus de biens et services avec les mêmes quantités de facteurs de production.

On peut alors distinguer entre :

Croissance extensive : permise grâce à l’augmentation des quantités de facteurs de production utilisés (ouverture de nouvelles usines…).

Croissance intensive : augmentation de la production à volume de facteurs de production identiques (grâce à des gains de productivité).

Une croissance extensive se traduira par des créations d’emplois ce qui n’est pas le cas si la croissance économique est intensive.

Toutefois, nous verrons que le comportement des acteurs de la vie économique est aussi un élément essentiel à l’origine de la croissance économique.

A/ Les facteurs de la Croissance extensive

Les économistes considèrent traditionnellement qu’il y a deux facteurs de production, le capital et le travail.

1- Le facteur CAPITAL

La croissance se traduit par des Investissements qui viennent accroître ou améliorer le stock de capital technique disponible ce qui permet une augmentation de quantités de biens et services produites.

2- Le facteur TRAVAIL

La croissance est possible grâce à une augmentation de la quantité de travail disponible ou par une augmentation de la qualité du facteur travail utilisé (accroissement de la qualification moyenne des salariés).

Aujourd’hui, bien peu de productions seraient possibles avec uniquement du travail, et aucune avec uniquement du capital (l’intervention humaine reste toujours nécessaire, même dans les unités de production les plus automatisées). Il faut donc, pour produire, à la fois du capital et du travail. Dans quelles proportions ? Il n’y a pas de réponse générale à cette question. Cela dépend du produit considéré, de l’état de la technique pour ce produit-

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là : la réponse n’est évidemment pas la même pour la construction d’un pont ou celle d’un ordinateur.

Mais dans tous les cas, le chef d’entreprise prendra en compte au moins deux éléments pour décider de la combinaison productive retenue :

le coût relatif du capital et du travail : si le travail est relativement bon marché, l’entrepreneur aura intérêt à utiliser relativement beaucoup de travail s’il a le choix, ou à produire des produits nécessitant beaucoup de travail).

l’efficacité productive de la combinaison retenue : souvent mesurée par la productivité du travail qui en résulte. (cf : les facteurs de la croissance intensive).

3- Analyse des sources de la croissance dans quelques pays

Dans le tableau suivant, nous avons le Taux de croissance annuel moyen (TCAM) du PIB et décomposition de ce taux selon les facteurs de production à l’origine de la croissance.

Etats-Unis Japon France

1960-1973 1973-1990 1960-1973 1973-1990 1960-1973 1973-1990 TCAM du PIB en % 3.8 2.5 9.5 4.0 5.9 2.4 Facteur travail 1.0 1.0 0.4 0.3 0.3 -0.4 Facteur capital 1.1 1.1 3.5 2.0 1.6 1.1 Résidu 1.7 0.4 5.6 1.7 4.0 1.7 Source : V.Coudert, « croissance et démographie dans les pays industrialisés », Economie prospective internationale, n°52, 4

ème trim. 1992,

La Documentation Française.

Quelles conclusions tirer de ce document ?

On y voit évidemment sur la première ligne la croissance très rapide qu’ont connue es pays développés entre 1960 et 1973 et le ralentissement qui a suivi cette période. Mais ce qui nous intéresse c’est de savoir comment cette croissance a-t-elle été obtenue ?

a- Le facteur travail : Dans les tris pays, il a contribué à cette croissance, et cela pour deux raisons : la quantité de travail a pu augmenter et la qualification du travail s’est améliorée. Aux Etats-Unis, par exemple, entre 1973 et 1990, sur les 2,5% de croissance annuelle moyenne, 1%, soit plus du tiers, est dû à la contribution du facteur travail. Pourquoi le chiffre négatif de la contribution du facteur travail en France entre 1973 et 1990 ? Cela signifie qu’il y a une diminution de le l’apport du facteur travail, due sans doute à la diminution de la durée du travail (5ème semaine de congés payés et passage des 40 heures aux 39 heures en 1981) et de la hausse du chômage.

b- le facteur capital : On observe aussi en France et au Japon, l’accumulation du capital, c’est-à-dire l’investissement (mesuré par la F.B.C.F), joue un grand rôle dans la croissance entre 1973 et 1990, bien plus donc que le facteur travail.

Quand on a bien mesuré l’apport du capital et du travail dans la croissance, qu’observe-t-on ? Qu’il reste une partie de la croissance qui ne s’explique pas par les apports du capital et

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du travail. C’est ce que l’on appelle traditionnellement le « résidu », ce qui reste inexpliqué. Et on voit (sur la dernière ligne du tableau) que cela correspond à une partie importante de la croissance (nettement plus de la moitié pour la France).

Vu son importance, il faut tenter de comprendre ce résidu. Les économistes l’attribuent en général au progrès technique : l’amélioration des techniques permet à la combinaison du travail et du capital d’être de plus en plus efficace. En amélioration les machines ou les procédés de fabrication, en élevant la qualification des travailleurs, le progrès technique contribue à augmenter la productivité du travail et, ce faisant, à éviter les rendements décroissants. Il explique donc en grande partie la croissance, devenue de plus en plus intensive.

B/ Les facteurs de la croissance intensive

C’est en combinant de manière de plus en plus efficace la capital et la travail, en augmentant donc la productivité du travail, que les hommes ont pu obtenir une croissance rapide des quantités produites, plus rapide que la quantité de facteurs de production dont ils disposaient. La productivité contribue à la croissance de la production :

Soit en produisant davantage, Soit en économisant des facteurs de production qui seront alors disponibles pour

augmenter la production dans d’autres entreprises.

On peut expliquer la croissance de la productivité par trois éléments essentiels : le progrès technique, la spécialisation du travail et l’accumulation de capital productif. On les sépare pour les présenter mais il faut bien souligner qu’ils s’accompagnent mutuellement les uns les autres.

1- les progrès technique

Le progrès technique est l’ensemble des améliorations apportées aux façons de produire (transformation de produits existants) et aux produits (création de nouveaux produits). Cela ne concerne pas que les biens de production mais aussi l’organisation de la production ou de la commercialisation.

D’où vient le progrès technique ?

Il faut tout de suite dire que le progrès technique ne tombe pas du ciel, encore moins les innovations. Le hasard met parfois les chercheurs sur le chemin de la découverte. Mais encore faut-il qu’il y ait des gens qui cherchent. Autrement dit, progrès technique et innovations sont le fruit d’une intense activité du genre humain.

On peut distinguer plusieurs origines aux innovations :

Schumpeter a montré le rôle majeur joué par celui qu’il appelle l’entrepreneur. Celui-ci, à contre-courant de la société, va prendre le risque d’innover (innover, c’est

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toujours prendre un risque, puisqu’on ne sait pas d’avance si l’innovation va marcher ou pas).

Le progrès technique est le produit de la croissance elle-même, en même temps qu’il en est à l’origine. D’une part, la croissance économique donne les moyens de financer un effort de recherche important et « quand on cherche, on trouve ». D’autre part, les innovations s’enchainent les unes aux autres, une innovation donne des idées à d’autres chercheurs, dans d’autres secteurs, pour d’autres produits.

L’Etat joue aussi un rôle essentiel en rendant possible, ou plus facilement réalisable, le progrès technique :

o Il va financer très largement la recherche fondamentale, o Il va encourager les entreprises à développer la recherche-développement

(R-D) en leur garantissant une protection contre le pillage de leurs découvertes. C’est le principe des brevets,

o Il va former la population : N’importe qui ne peut faire de la recherche, fondamentale ou appliquée.

2- La spécialisation du travail

Répartir le travail entre les travailleurs permet d’augmenter la productivité. Avant de montrer comment, on rappellera en quoi consiste cette division technique du travail.

a) Qu’appelle-t-on division technique du travail ?

Pour augmenter l’efficacité du travail, on observe qu’il faut répartir entre plusieurs travailleurs les différentes phases de fabrication d’un produit. Chaque travailleur n’effectuera plus qu’une partie, parfois très petite, de l’ensemble de la fabrication. Il sera spécialisé dans une seule tâche et c’est le collectif des travailleurs qui assurera la production et non plus un travailleur isolé. On divise donc le travail entre autant de travailleurs qu’il y a de tâches différentes dans la production.

L’exemple de la manufacture d’épingles : il s’agit d’un exemple très célèbre présenté par Adam Smith dans Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776). Un travailleur peut faire une épingle tout seul, il ne fabriquera que bien peu d’épingles dans sa journée. Mais en divisant la fabrication en 18 opérations distinctes (tirer le fil métallique de la bobine, couper le fil, rendre pointue la tige, etc…), assurées par 18 ouvriers distincts, on arrivera à fabriquer des milliers d’épingles par jour. La productivité aura donc beaucoup augmenté.

b) Pourquoi diviser le travail augmente-t-il la productivité ?

Chaque travailleur étant spécialisé dans une tâche la maitrisera mieux et la réalisera plus rapidement. Et on pourra utiliser chaque travailleur dans la tâche pour laquelle il est le mieux « doué ».

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Chaque travailleur ne faisant plus qu’une seule tâche ne perdra plus le temps qui était auparavant nécessaire pour changer de tâche. Et il consacrera ce temps à produire davantage.

Les tâches les plus simples pourront même être effectuées par des machines : la division technique du travail va donc inciter les scientifiques à inventer des machines capables d’effectuer ces tâches les plus simples (et, au fur et à mesure du temps, des tâches de plus en plus complexes). On voit ici directement le lien avec les deux autres éléments que nous allons présenter, l’accumulation du capital et le progrès technique.

3- L’accumulation de capital productif

C’est l’investissement qui permet cette accumulation de capital productif. L’entreprise en s’équipant en machines, en utilisant des procédés nouveaux, permet à ses travailleurs de produire plus efficacement. Un même travailleur, dans le même temps, produira davantage qu’avant l’introduction des machines. On observe que depuis le début du 19ème siècle, c’est-à-dire depuis la révolution industrielle, le stock de capital par travailleur a considérablement augmenté, y compris récemment dans les services qui étaient restés un peu à l’écart de ces progrès. On dit que l’intensité capitalistique de la production s’est accrue, c’est-à-dire que pour produire une voiture par exemple, on utilise proportionnellement de plus en plus de capital (et de moins en moins de travail, donc). Cela élève évidemment la productivité du travail.

Cependant, on observe que la croissance a été très inégale selon les pays et que cette inégalité n’est pas seulement liée aux facteurs de production dont le pays disposait : d’autres facteurs ont sans doute joué un grand rôle même si ce rôle est difficile à quantifier. Il s’agit de ce que l’on peut appeler le comportement des acteurs économiques.

C/ Le comportement des acteurs économiques, autre facteur à l’origine de la croissance

Les différents acteurs de la vie économique ont des comportements qui jouent un rôle très important dans la croissance économique. Nous expliqueront d’abord en quoi consiste le rôle des entrepreneurs, puis celui de l’Etat ? Nous montrerons enfin que des valeurs, qui peuvent être plus ou moins favorables à la croissance, sous-tendent ces comportements.

1- Le rôle de l’entrepreneur

L’entrepreneur qui investit ou qui fait de la recherche sur de nouveaux produits prend des risques : il parie sur l’avenir en espérant que le marché lui donnera raison. Il peut évidemment se tromper (à ses risques et périls !). Il peut aussi refuser d’assumer ses risques et ne pas (ou moins) investir. Ce faisant, il va contribuer à ralentir l’accumulation de capital et donc la croissance économique.

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2- Le rôle de l’Etat et des institutions

L’Etat, par les investissements publics, joue un rôle très important dans la croissance en finançant la formation de la main d’œuvre et la recherche scientifique, en développant les infrastructures, en particulier de communication, en construisant le cadre juridique permettant au marché de fonctionner correctement, en assumant les tâches considérées comme essentielles par la société et qui ne pourraient pas l’être par le marché.

3- Le rôle des valeurs

La croissance est également tributaire des grands idéaux qui sous-tendent le comportement des membres de la société. En effet, comment expliquer que, à un moment donné de leur histoire, des peuples se soient mis à accumuler du capital, et pas d’autres, apparemment aussi bien dotés en facteurs de production que les premiers ?

Le grand sociologue Max Weber (1864-1920) a soutenu l’idée que les valeurs véhiculées par le protestantisme avaient involontairement favorisé le développement du capitalisme dan les pays anglo-saxons, à a fois parce que les préceptes de leur religion poussaient les protestants à épargner et à investir et parce qu’une grande confiance et une grande solidarité es unissaient, d’où la création de sortes de réseaux liant des entreprises industrielles et des banques, ce qui étaient très favorable à la croissance.

Prendre en compte les valeurs pour expliquer la croissance ne doit cependant pas conduire à en faire l’explication ultime : les valeurs se conjuguent avec l’ensemble des structures de la société. Ce qui compte sans doute le plus, c’est le climat qu’instaurent à la fois les valeurs et l’organisation politique dans une société : la croissance économique a besoin à la fois de stabilité (pour que l’on puisse prévoir les effets des décisions prises aujourd’hui) et de possibilité de transformations (puisque la croissance en génère).

Conclusion de la troisième section :

Les sources de la croissance sont donc multiples, mais il paraît indéniable que le capital, c'est-à-dire l’investissement, joint au progrès technique restent les plus essentielles à la croissance. C’est ce qui amène à s’interroger plus précisément sur les effets de chacun sur celle-ci.

Section 4 : les effets de l’investissement du progrès technique sur la croissance

A/ Les effets de l’investissement sur la croissance économique

A court terme, on est obligé de faire l’hypothèse, pour raisonner, que les capacités de production sont constantes (on ne peut augmenter l’offre par un coup de baguette magique). Dans ces conditions, l’investissement représente une composante de la demande globale, à côté de la consommation, et seulement cela. Si l’investissement augmente, la demande globale augmente (il faut produire davantage de machines, par exemple, pour

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répondre à la demande d’investissement). Keynes a montré que l’accroissement de l’investissement entraînait un accroissement plus que proportionnel du Revenu National c’est ce qu’on appelle le mécanisme du multiplicateur.

Pour que ce processus puisse se mettre en place, il faut que les capacités de production ne soient pas, à l’origine, toutes utilisées : sinon, il n’y aurait pas de possibilité de répondre à l’augmentation de la demande en biens d’équipement, sauf à réduire la consommation ou les exportations ou à augmenter les importations. Il faut aussi que les entreprises ne répondent pas à la hausse de la demande par une hausse préalable des prix (ce qui freinerait ou empêcherait la hausse de la demande).

Donc, dans les fluctuations conjoncturelles à court terme de l’activité, les variations de l’investissement jouent finalement un grand rôle car la consommation est relativement stable dans le temps, elle a une grande force d’inertie, alors que l’investissement est beaucoup plus instable.

2- Les effets à moyen terme

A moyen terme, l’investissement agit directement sur l’offre d’une part, il accroît les capacités de production donc il donnera lieu à une croissance extensive. D’autre part, il va permettre de mettre en œuvre le progrès technique, qu’il s’agisse de nouveaux produits, de nouveaux procédés de production ou d’autres aspects du progrès technique. Il permet ainsi l’accroissement de la productivité permettant la croissance intensive. Il a donc un rôle essentiel dans la croissance, qui est à relier à celui du progrès technique et que nous allons étudier dans le point suivant.

3- Les effets de l’investissement public

A priori, que l’investissement soit public ou privé ne change rien à ses effets économiques. Cependant, l’investissement public présente certaines spécifiés en relation aves les domaines qu’il concerne.

Il concerne d’abord les infrastructures (de transports, de télécommunications, etc…) qui sont utiles à tous. Il concerne aussi la prise en charge de services comme l’enseignement ou la santé. Ces investissements présentent l’avantage d’avoir des effets externes positifs importants. Ils ne pourraient être assurés par le secteur privé du fait de leur faible rentabilité à court terme à cause de leur coût. L’Etat les prend donc en charge, contribuant ainsi à la formation de ce que certains appellent le « capital humain ».

La décision de faire tel ou tel investissement public relève donc rarement de la rentabilité immédiate. En général, l’Etat raisonne plutôt en termes d’intérêt général. Mais la décision d’investir entre aussi dans le cadre de la politique conjoncturelle de l’Etat : connaissant les effets économiques des investissements sur la croissance, l’Etat peut décider d’utiliser les

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investissements publics comme instrument pour relancer une croissance jugée trop molle. Cela entre dans le cadre d’une politique contra-cyclique d’inspiration keynésienne.

B/ Les effets du progrès technique sur la croissance

Il s’agit ici de se demander comment le progrès technique engendre de la croissance, autrement dit de s’interroger sur les mécanismes Le premier de ces mécanismes passe à court et moyen terme par les gains de productivité issus du progrès technique et ce que l’on en fait. Mais le progrès technique transforme aussi, à plus long terme, les structures mêmes de la production et donne son rythme au processus de croissance.

1- Progrès technique, productivité et croissance

Nous verrons d’abord que le progrès technique engendre des gains de productivité puis quelles sont les utilisations que l’on peut faire de ces gains ?

a) Le progrès technique engendre des gains de productivité

Quand on met en œuvre une innovation dans la branche automobile, et concrètement cela signifie la plupart du temps que l’on investi, on va produire par exemple plus de voitures dans le même temps de travail (mettons de 10 à 12). La productivité a donc augmenté : ces deux voitures supplémentaires sont le fruit des gains de productivité.

Attention ! les gains de productivité ne sont pas de l’argent, comme ceux du loto… Ils peuvent évidemment se transformer en argent mais ce n’est pas toujours le cas, on va le voir. Parles de « gains de productivité » signifie simplement que la productivité a augmenté. Cela ne nous dit rien sur comment o utilise cette productivité accrue. Et on va le voir, selon l’utilisation que l’on fait des gains de productivité, l’effet sur la croissance économique sera différent.

b) Utilisation des gains de productivité et croissance

Quatre utilisations sont possibles

Baisser les prix : En effet, le coût à l’unité produite (le coût unitaire, ici le coût de chaque voiture) diminue puisque, sans dépenser plus de travail, on fabrique plus de voitures. L’entreprise attend de cette baisse des prix une augmentation de la demande qui lui est adressée, donc une augmentation de sa production. Au niveau macro-économique, la baisse des prix engendre une hausse du pouvoir d’achat qui lui permet d’augmenter la demande et cela, pas seulement dans la branche qui a baissé ses prix. Donc globalement, la demande augmente, la production doit en principe suivre, surtout si les capacités de production ne sont pas toutes utilisées. Cette baisse des prix va donc engendrer des effets favorables à la croissance économique.

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Diminuer la durée de travail : En effet, puisqu’on met moins de temps à fabriquer chaque voiture, on peut très bien en fabriquer la même voiture qu’avant les gains de productivité et faire travailler moins longtemps chaque travailleur. Si en 35 heures, les travailleurs arrivaient à fabriquer autant qu’en 39 heures grâce aux gains de productivité, on pourrait très bien diminuer le temps de travail sans diminuer les salaires. C’est d’ailleurs grâce aux gains de productivité que le temps de travail a pu beaucoup diminuer en France à partir des années 60, alors même que les salaires continuaient à augmenter. Cette diminution du temps de travail n’engendre pas directement de croissance économique. En revanche, elle modifie les genres de vie et améliore sans doute le bien-être général elle a donc un effet positif sur le développement plus que la croissance.

Augmenter les profits : En gardant le même exemple, chaque voiture coûte moins cher à fabriquer puisque la productivité a augmenté. Si on maintient le prix à son niveau initial, toutes choses égales par ailleurs, la marge de l’entreprise augmente. Celle-ci réalise donc davantage de profits, Quel effet a cette augmentation sur la croissance ? Les profits sont destinés à être distribués aux actionnaires mais ceux-ci peuvent décider d’en laisser une partie, plus ou moins grande, dans l’entreprise pour financer au moindre coût les investissements futurs. Si les profits sont distribués, ils constituent des revenus pour ceux qui l’encaissent et augmentent donc leur pouvoir d’achat. Il peut donc en résulter une augmentation de la demande. S’ils sont conservés dans l’entreprise et financent de l’investissement supplémentaire, ils sont évidemment favorables à la croissance, comme on l’a vu plus haut.

Augmenter les salaires : Puisque les travailleurs produisent plus dans le même temps, on peut envisager de les rémunérer davantage sans que cela ne change rien au pris de vente, ni au profit. Dans ce cas, on aura une augmentation des revenus sont on peut en attendre une augmentation de la demande, ce qui va inciter les entreprises à produire davantage, et la croissance s’accélère.

Remarque importante !!:

Les gains de productivité peuvent permettre de faire ces quatre actions. Mais ce n’est pas ou l’une ou l’autre. Cela peut être les quatre à la fois : on baisse un peu les prix, un peu la durée du travail, on augmente un peu les salaires et les profits.. Le choix qui est fait dépend des entreprises mais les entreprises subissent certaines contraintes : par exemple, si la concurrence par les prix est vive sur le marché, l’entreprise va chercher à diminuer ses prix pour garder sa compétitivité, elle sera très réticente sur une hausse des salaires. De même, à certaines périodes, les salariés sont en position de force pour négocier et obtenir que les gains de productivité soient au moins en partie utilisés pour augmenter les salaires.

On voit donc l’importance du progrès technique pour la croissance. Mais, à plus long terme, le progrès technique a d’autres effets sur la croissance.

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2- Progrès technique, transformation des structures de production et rythme de croissance

a) Le mécanisme de « destruction créatrice »

Schumpeter a montré les bouleversements qu’entraînaient à long terme le progrès technique dans les structures de la production. Le mécanisme est assez simple à comprendre : dans les entreprises, ou les branches, les gains de productivités sont rapides parce qu’il y a de nombreuses innovations, les profits sont élevés. Ces profits élevés attirent de nouveaux producteurs, la concurrence augmente et les prix baissent. Les producteurs les moins productifs ne pourront pas supporter cette baisse des prix et feront faillite. Cela pose bien sûr des problèmes sociaux, mais sur le long terme, il est nécessaire que les entreprises les moins rentables et/ou fabriquant des produits dépassés disparaissent : en effet, dans ces entreprises, les facteurs de production (capital et travail) sont utilisés moins productivement qu’ils pourraient l’être ailleurs. Il y a donc du gaspillage.

Le progrès technique transforme donc les structures de la production et il y a sans cesse un mouvement de secteurs en déclin et de secteurs en essor. On voit bien où est la destruction dont parlait Schumpeter et où est la création. Les deux sont indissociables et les transformations structurelles qui en résultent ne sont pas qu’économiques, elles sont aussi sociales.

b) Le progrès technique imprime un rythme cyclique à la croissance économique

En général, une innovation majeure donne lieu à une vague d’innovations (les « grappes d’innovations »), puis celles-ci se diffusent et leurs effets finissent par s’épuise jusqu’à l’innovation majeure suivante. On observe alors des cycles longs (50 ans environ) de croissance économique ; dans une première phase, les innovations soutiennent une croissance rapide, c’est la phase d’expansion ; mais ensuite, es innovations s’épuisent, les entreprises fragiles font faillite car les marges bénéficiaires ont beaucoup diminué et c’est la phase de dépression qui dure tant que les conditions de la reprise, avec des innovations plus importantes, e sont pas réunies. Les cycles ne sont sans doute pas dus qu’au rythme de l’innovation mais celle-ci y participe certainement.

Nous avons vu que les sources et les modalités de la croissance sont donc multiples, et les risques de dysfonctionnements, débouchant sur un ralentissement de la croissance, nombreux. Malgré ces risques, tous les pays cherchent à stimuler la croissance, à augmenter la production des biens et services le plus rapidement possible. Il faut donc s’interroger sur cette course à la course. C’est ce que nous allons faire ne cinquième section en réfléchissant aux limites de la croissance économique.

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Section 5 : Les limites de la croissance économique

Faut-il chercher à tout prix à accélérer la croissance économique, le pourra-t-on même ? Ce sont là deux questions qui méritent d’être abordées.

D’abord, Quelle signification accorder à l’obtention d’un taux élevé de croissance économique ?

Ensuite, pourra-t-on durablement soutenir cette croissance économique rapide ?

A/ Accroître toujours plus le PIB, cela a-t-il toujours du sens ?

Autrement dit, plus de croissance est-ce plus de bien-être, des progrès équitablement répartis entre les membres de la société, par exemple ? On se rapproche donc de la question du développement.

On peut remarquer qu’un certain nombre d’éléments permettent de penser que plus de croissance, ce n’est pas forcément »mieux » :

1) On inclut dans le PIB tout ce qui est produit mais on ne se demande pas pourquoi on a dû fabriquer cette production. Résultat : plus les gens fument, par exemple, plus le PIB augmente. En effet, d’une part, on produit plus de tabac ; d’autre part, la quantité de médicaments et d’appareils d’examen qu’il faut produire, le nombre de consultations médicales augmentent (le tabagisme augmentant, le nombre de cancers du poumon aussi). Au total, la production augmente donc beaucoup. Est-ce un progrès ? Ce raisonnement peut être fait sur pas mal d’exemples (les accidents de la route, la pollution, etc…) car il faut réparer les dégâts de la croissance (de la circulation automobile, par exemple) et donc produire davantage.

Dans ce cas, la production supplémentaire qui se traduit par une croissance économique plus élevée ne signifie pas davantage de bien-être.

2) Le PIB est un indicateur économique. Il n’inclut pas un certain nombre d’activités essentielles pour le maintien des solidarités entre les membres d’une société, e n particulier des services. La richesse d’une nation, est-ce seulement les richesses matérielles qu’elle réussit à produire ? C’est un peu ce que laisse croire le calcul de la croissance à partir du PIB. Mais n’est-ce pas aussi l’état de santé (y compris mentale) de la population, son niveau d’instruction, la qualité des rapports sociaux entre les membres de la société, ou d’autres éléments ?

Le problème est que ces éléments ne se laissent pas facilement mesurer. Pourtant on sait bien que la qualité de la vie est aussi importante que la quantité de biens dont on dispose (mais les deux ne sont pas indépendants l’un de l’autre, évidemment). Le PIB n’est pas un indicateur de bien-être. La croissance économique n’est donc pas forcément le développement et si l’on veut parler de développement, sans doute vaut-il mieux utiliser

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l’I.D.H comme indicateur ainsi que le fait le Programme des Nations Unies pour le Développement (P.N.U.D).

Le classement des pays selon l’I.D.H ne donne pas le même résultat que celui selon le P.I.B par habitant :

Titre : Rang de certains pays pour l’I.D.H et P.I.B par habitant (en dollars à parité de pouvoir d’achat), en 2000.

Norvège Suède U.S.A France Chine Afrique du Sud Rang pour l’I.D.H 1 2 6 12 96 107 P.I.B/hbt ($ PPA) 29.918 24.277 34.142 24.223 3.976 9.401 Source : P.N.U.D, Rapport sur le développement humain, De Boeck, 2002.

Que voyons-nous à travers ce tableau ?

Suède et Norvège sont pratiquement à égalité pour l’I.D.H (au premier rang mondial) puisque l’I.D.H de la Norvège atteint 0,942 et celui de la Suède 0,941. Pourtant, il y a un écart de plus 5.000$ par habitant entre les deux pays pour le P.I.B par habitant, ce qui est loin d’être négligeable.

De même, les Etats-Unis, avec un P.I.B par habitant élevé, le plus élevé du tableau, ne sont qu’au 6ème rang pour l’I.D.H.

A l’autre bout de l’échelle, on observe que la Chine avec un P.I.B par habitant inférieur à la moitié de celui de l’Afrique du Sud est mieux placée qu’elle pour l’I.D.H (cela s’explique en particulier par une espérance de vie à la naissance beaucoup plus élevée en Chine, 70,2 ans, qu’en Afrique du Sud, 52,1 ans).

On conclue donc que : LE niveau des richesses matérielles produites et sa croissance ne sont donc pas le seul indicateur pertinent de l’amélioration des conditions de vie dans un pays.

3) Enfin, on peu souligner que le P.I.B par habitant n’est qu’une moyenne statistique. Comme toutes le s moyennes, il gomme les disparités. Savoir qu’un pays a augmenté son P.I.B de 3% dans l’année ne nous dit rien sur ce que l’on a fait de cette augmentation. C’est ici la question de a répartition des richesses produites qui est posée. Sur le plan du mode de vie, des relations sociales, du bien-être général, il n’est pas indifférent que cette production supplémentaire soit accaparée par quelques une ou répartis sur l’ensemble de la population. On est alors ramené au paragraphe précédent : si la Suède ou les pays nordiques en général se classent si bien pour l’I.D.H, c’est parce que le choix a été fait, dans ces pays, de privilégier les dépenses collectives (éducation, santé…) qui profitent à tous et de limiter les inégalités de revenus. Ce n’est évidemment pas le choix fait par les Etats-Unis où le revenu par tête, qui est une moyenne, cache de grandes disparités.

B/ Peut-on soutenir durablement le processus actuel de la croissance

Pour des raisons assez claires, la réponse à cette question est négative, comme nous allons le voir. Alors, à quelles conditions la croissance pourrait-elle être soutenable dans l’avenir ? C’est ce que nous verrons ensuite.

1- Pourquoi ne peut-on poursuivre indéfiniment ce type de croissance ?

La croissance actuelle épuise les ressources non renouvelables en matières premières et en énergie et rejette en quantités grandissantes les déchets qu’elle ne sait pas traiter. Ce ne sont pas seulement les écologistes qui le disent. Tous les experts soulignent les dangers que nous faisons courir à notre planète dans un avenir relativement proche en maintenant notre modèle de croissance.

La croissance actuelle, parce qu’elle est très inégale et très inégalement répartie, exacerbe les tensions entre les pays. Le risque de conflits majeurs n’est pas à écarter si le fossé qui

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sépare les pays développés des autres ne tend pas à se résorber, ce qui n’est pas le cas pour le moment, à de rares exceptions près.

2- Comment construire une croissance « soutenable » ?

On entend par soutenable une croissance acceptable par tous à court terme et durable dans le long terme, c’est-à-dire ne mettant pas en danger les conditions de la croissance future. Cette croissance soutenable, c’est aussi e que de nombreux hommes politiques et le P.N.U.D appellent le « développement durable ». Comment le définir ?

Il s’agit d’ « un développement qui satisfait les besoins de chaque génération, à commencer par ceux des plus démunis, sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs » (Rapport Brundtland, Notre avenir à tous, 1987). Il y a donc deux aspects à souligner dans cette définition : d’une part, satisfaire les besoins essentiels de tous et d’autre part pour protéger les générations futures en leur laissant une planète qui pourra satisfaire leurs besoins essentiels. Ce n’est donc pas le plus possible tout de suite que l’on vise mais le plus possible compte tenu de deux exigences :

Comment imposer les exigences du développement durable aux pays et aux entreprises ( et même aux consommateurs, en particulier dans les pays développés) ? C’est une question éminemment politique. Des Conférences internationales se réunissent périodiquement pour essayer de traiter ces questions. Mais leur succès est tout relatif. Le protocole de Kyoto (A997), par exemple, qui a été signé par bon nombre de pays et qui vise à limiter l’effet de serre est encore à peine mis en vigueur. Pourtant, « pour stabiliser les perturbations apportée à l’atmosphère, il faudrait diviser par 2 ou 3 les émissions mondiales de gaz. Or celles-ci continuent d’augmenter ! » (D. Plihon, « Le développement durable : le défi du XXIème siècle », Ecoflash n°176, mars 2003). Les Etats-Unis, qui polluent beaucoup, ont refusé de l’appliquer en ce qui les concerne. Cela signifie que, pour le moment, il n’y a pas d’autorité mondiale capable d’imposer que soient prises en compte les nécessités du développement durable.

Conclusion de la cinquième section :

La croissance des quantités produites, la croissance économique donc, représente un formidable moyen d’améliorer le sort des habitants de la planète. Mais produire plus n’est pas toujours souhaitable (pur le présent comme pour le futur) et impose de toutes façon de choisir comment répartir les fruits de cette croissance.

Section 6 : La croissance économique au Maroc 2000-2004

Le dernier rapport du Haut commissariat au Plan (HCP) sur la situation économique pour la période 2000-2004, démontre les limites de la politique gouvernementale. C’est une analyse du plan quinquennal élaboré par le gouvernement El Youssoufi. Le rapport porte, en partie, sur la période où Ahmed Lahlimi, l’actuel haut commissaire au plan, était l’un des

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responsables (et pas n’importe lequel) de l’application du plan quinquennal. Cela n’a pas empêché les statisticiens du commissariat d’adopter un ton neutre.

Rappelons d’abord que le plan quinquennal est un programme assez riche visant à améliorer les ratios économiques et sociaux du pays. L’économie se taille la part du lion et repose, selon le plan quinquennal, sur la réalisation d’une croissance forte et créatrice d’emplois. La mise à niveau de l’économie et la promotion de l’investissement productif devaient être les catalyseurs de cette croissance. Qu’en est-il au Maroc ?

A/ Investissement et croissance mal répartis

Le rapport de Lahlimi est catégorique (et il n’est pas seul). Les prévisions du plan n’ont jamais été atteintes et l’économie garde la même physionomie et la même productivité qu’il y a 4 ans. Le Maroc fait du surplace.

En chiffres, la stagnation se vérifie. « Au lieu de 5% retenu par le plan, le taux de croissance économique moyen réalisé durant la période quinquennale n’a pas dépassé 3,8% par an. Ce taux moyen est resté dans le sentier tendanciel des quatre dernières décennies », souligne le rapport. Mieux encore, les chiffres avancés par le HCP contredisent une thèse chère à Fathallah Oualalou, ministre des finances et de la privatisation. Celui-ci soutient, dur comme fer, que la dépendance de l’économie à l’agriculture s’estompe de plus en plus. Le HCP dit le contraire : « La part de l’agriculture dans le PIB a augmenté de plus de deux points, passant de 13,6% en 1999 à 15,8% en 2004 au détriment du PIB non agricole, qui a baissé durant la même période ». La distinction entre PIB agricole et non agricole permet de définir les centres forts de la croissance économique. La production intérieure brute du pays est analysée par secteur. Ce qui renseigne sur les activités qui contribuent le plus à la croissance du PIB. Les bonnes agricoles successives et l’incapacité des autres secteurs à émerger comme moteurs de l’économie, ont renforcé la dépendance de la croissance par rapport au secteur primaire. C’est le fellah qui fait l’essentiel, alors que l’industriel affiche une méfiance notoire vis-à-vis de la politique du gouvernement. Ce qui explique que l’industrie n’a progressé que 3,2% sur quatre ans alors que le plan visait une croissance de 4,8%. Pourquoi ?

B/ Explication des résultats économiques du Maroc

« L’objectif de croissance économique de 5% devrait être sous-tendu par un taux de progression de l’investissement brut en valeur de 10,8% par an en moyenne, ce qui suppose de porter le taux d’investissement de 24,2% du PIB en 1999 à 28% en 2004 », explique le plan. La comparaison de l’investissement, par rapport au PIB, met la lumière sur la part des revenus destinés à la création de la valeur. Or, le taux de l’investissement pendant la période analysée arrive à peine à 23,7% du PIB. L’une des raisons principales de cette stagnation est due au « ralentissement du rythme de l’investissement privé à cause du retard pris par les réformes. Cette situation serait à l’origine de l’attentisme qui a caractérisé le comportement des investissements nationaux qui ne semblent pas disposer de

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suffisamment de visibilité », précise le rapport. Et les 77 milliards de dirhams drainés par les investissements directs extérieurs n’ont pas contribué de manière franche à la croissance. Pour cause, l’essentiel de cette enveloppe est constitué de placements en portefeuilles (vente d’entreprises publiques surtout).

La fiscalité est l’un des facteurs déterminants de la croissance. Si l’activité productive augmente, les recettes fiscales suivent de manière significative. Et contrairement, la stagnation de la croissance pousse vers la recherche des recettes exceptionnelles (comme la privatisation) ou l’augmentation de la pression fiscale. Le rapport souligne que les recettes fiscales correspondent aux prévisions du plan quinquennal. Elles ont évolué de 2,8% par an en moyenne. Mais la pression fiscale est plus forte en 2004 qu’en 1999 ; elle est de 21,1% du PIB au lieu de 18 ?8% prévu sur le plan. Cette pression reste « inéquitablement répartie et pèse essentiellement sur le secteur organisé », note le rapport. Plus on est structuré et transparent, plus on paie d’impôts, semble dire le rapport. Ceci étant, l’évolution des recettes fiscales n’a pas agi sur les besoins de financement du trésor. L’Etat continue à s’endetter. Le service de la dette intérieure a enregistré une augmentation de 5,4% en moyenne annuelle durant le quinquennat. A ce rythme, il y a un risque de remettre en cause « la capacité à soutenir, à long terme, le déficit du Trésor ». D’autant plus que les dépenses cumulées de fonctionnement, de compensation et de service de la dette publique représentent 80% du budget de l’Etat. Conséquence : la marge de manœuvre du gouvernement est faible, ce qui ne manque pas de se répercuter sur les indices du développement social. Ainsi en matière de santé, l’augmentation de la capacité hospitalière n’est pas arrivée à résorber le déficit cumulé depuis des années. La qualité des soins n’a pas suivi, non plus. Le rapport aboutit, après moult nuances, à la même conclusion dans le secteur de l’enseignement, de la lutte contre la pauvreté et de l’amélioration de la qualité de la vie.

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Conclusion

En fin de ct exposé, nous constatons que la croissance économique est une notion déterminante dans la vie d’un gouvernement. La force de frappe d’une équipe (partout dans le monde) est justement sa capacité à redynamiser les secteurs productifs à satisfaire la population en âge de travailler. Ce sont là deux éléments clé qui font tomber des têtes dans les démocraties occidentales.

Encore faut-il souligner la différence qui existe entre croissance économique d’une société et son bien-être. La croissance des quantités produites, la croissance économique donc, représente un formidable moyen d’améliorer le sort des habitants de la planète. Mais produire plus n’est pas toujours souhaitable (pour le présent comme pour le futur) et impose de toute façon de choisir comment répartir les fruits de cette croissance.

Dans un autre registre le rythme actuel de la croissance économique ne fait qu’accentuer les inégalités entre pays. Les pays pauvres ont rarement les moyens d’acquérir les nouvelles technologies. Donc, si on laisse faire le marché, il y a peu de chances pour que ceux-ci puissent bénéficier des effets positifs du progrès technique sur la croissance. Or ils en ont bien besoin. Dans les accords signés entre les pays développés et les pays pauvres, il y a donc souvent un volet sur les transferts de technologie, les pays riches aidant à acheter ou fournissant les brevets. Les transferts passent aussi par les firmes multinationales allant s’implanter dans les pays en développement : elles y apportent en général leur technologie, dont l’utilisation par d’autres entreprises fait parfois l’objet de négociations avec les autorités publiques.

L’accès à la technologie reste encore aujourd’hui problématique. Il faut à la fois permettre aux entreprises qui font de la recherche appliquée de rentabiliser et permettre la diffusion de ces innovations à un prix supportable pour les pays pauvres. L’équation n’est pas facile à résoudre, surtout quand il n’y a pas réellement d’autorité mondiale pouvant agir directement.

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Indexe des agrégats

Le PIB (Produit Intérieur Brut)

Définition :

C’est une mesure des richesses créées dans un pays donné et une année donnée – il ne faut pas confondre richesse créée (pendant une année en général) et richesse possédée. Le PIB mesure un flux de richesse créée alors que le patrimoine mesure ce qui est possédé et a pu être créé des années auparavant.

Calcul :

Il y a trois façons complémentaires de calculer le PIB :

a- Première optique : par la production des unités résidents.

� ℎé.�.�.��� ���� �� ����= ∑������� �����é��+���ô�� ��� ��� ��������−����������� ��� ��� ��������

La valeur ajoutée par une entreprise se calcule en soustrayant la totalité des consommations intermédiaires (c’est-à-dire tous les achats faits à l’extérieur de l’entreprise incorporés dans le produit fini) à la valeur de la production vendue. Faire la somme des valeurs ajoutées, c’est ajouter la production réellement réalisée par tous les agents économiques. Cela permet donc de connaître la production totale réalisée dans l’année.

Cependant, les valeurs ajoutées sont évaluées au prix de base, c’est-à-dire dans les impôts sur les produits dont, notamment, la TVA. Les valeurs ajoutées étant calculées hors taxes, il faut ajouter les impôts sur les produits pour avoir le P.I.B. « aux prix du marché ». On soustrait le montant des subventions car ces subventions permettent aux entreprises de modifier leur prix.

b- Deuxième optique : par la demande adressée aux unités de production résidentes.

ℎ é=�é������ �� ������������ ������+�.�.�.�+������������−−−−−−−−−−−−−−−

En effet, la demande provient soit des unités résidentes pour la consommation ou pour l’investissement, soit des unités non résidentes (cette demande correspond donc à l’exportation qu’il faut ajouter à la demande intérieure). Cependant, une partie de la demande intérieure peut être satisfait par des unités non résidentes (il s’agit donc des importations qu’il faut enlever de la richesse créée par les unités résidentes).

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c- Troisième optique : par les revenus distribués par les unités de production résidentes

ℎ é =éé é+..=�é���é������ �� ������é�+�.�.�

+ ô − ô − ô − ô − ô − ô − ô − ô − ô − ô − ô − ô − ô − ô − ô −

En effet, toute la richesse créée est redistribuée sous forme de revenus primaires (salaires pour les salariés, EBE pour les sociétés, revenus mixtes pour les indépendants) ; la différence entre les impôts sur la production et les importations et les subventions correspond à une sorte de revenu primaire puisqu’elle est prélevée sur la valeur ajoutée créée comme la rémunération des salariés pour calculer l’EBE. Autre explication : les revenus primaires proviennent du partage de la valeur ajoutée calculée au prix de base ; pour obtenir la somme des valeurs ajoutées au prix du marché, il faut rajouter à la somme des revenus primaires le supplément payé du fait de ces impôts (nets des subventions) sur la production et les importations.

Calcul du PNB (Produit National Brut) :

même s’il n’existe plus aujourd’hui dans la comptabilité nationale étant remplacé par le RNB (revenu national brut).

�� ��� =+ ç =+ ç − − − − − − − − − − − − − − − é é é é é é é é é é é é é é é + ç −ô + ç −ô

Il s’agit donc d’un indicateur de revenu national souvent utilisé dans les comparaisons internationales de niveau de vie car il regroupe l’ensemble des revenus reçus par les unités résidentes (le PIB étant, dans l’optique des revenus, un agrégat des revenus versés par les unités résidentes y compris donc à des unités non résidentes).

Critiques du PIB :

On pourrait penser que le PIB n’intègre pas l’économie souterraine mas les statisticiens s’efforcent de l’intégrer. Ils tiennent compte de la fraude et de l’évasion fiscale (à partir de données des contrôles fiscaux).

Le PIB est censé mesurer la totalité de la production réalisée en un an dans le pays. Pour cela, on part, comme on l’a vu dans le paragraphe précédent, des prix de vente. Cela semble évident et simple. Mais quand il n’y a pas de prix de vente ou quand le prix de vente est lion de représenter le coût de production des enseignants ? Les usagers ne paient directement aucun prix pour l’enseignement qu’ils reçoivent. Comment fait-on alors ? On est obligé de faire des conventions : on décide de la production des enseignant (comme la production de tous ceux qui fabriquent ce que l’on appelle des services non marchands) sera évaluée au coût de production, c’est-à-dire le montant de leur salaire, y compris les charges sociales.

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Certaines activités productives ne sont pas intégrées alors qu’elles sont pourtant très importantes. Il s’agit de la production domestique qui correspondrait à environ 50% du PIB (faire le ménage est une activité prise en compte dans le PIB quand elle est faite par une personne déclarée et rémunérée, mais pas quand on la fait pour soi). De plus, les changements économiques et sociaux poussent à satisfaire ces besoins (repas, ménage, etc) en faisant appel, plus souvent qu’autrefois, à des individus ou des sociétés rémunérées ce qui augmente la richesse créée, le PIB, de manière en réalité artificielle (cette activité productive existait auparavant mais n’était pas intégrée au PIB).

Comparaisons :

La comparaison dans le temps : si l’on veut comparer les valeurs du PIB à des dates différentes dans un même pays, il est nécessaire d’éliminer les effets de l’inflation. On doit donc toujours calculer le PIB réel, c’est-à-dire corrigé de l’inflation.

La comparaison dans l’espace : elle pose des problèmes beaucoup plus redoutables. On veut ici comparer le PIB de plusieurs pays, éventuellement à plusieurs dates, pour comparer leur croissance économique. Il faut d’abord une unité commune. On prend souvent le dollar. Mais pour transformer des yens ou des Euros en dollars, il faut savoir quel taux de change retenir.

Comment faire ? ll n’y a pas de bonne réponse mais les statisticiens ont tenté de trouver une façon de calculer les PIB de manière à les rendre à peu près comparables et non dépendants des taux de change. On calcule les PIB en parité de pouvoir d’achat (P.P.A). Qu’est ce que cela signifie ? On va chercher le taux de change fictif (non constaté sur les marchés des changes) qui, compte tenu des prix sur chacun des marchés, assure le même pouvoir d’achat dans les deux pays concernés. Par exemple, si avec 1.000€, j’achète la même chose en France qu’avec 1.000$ aux Etats-Unis, je dirai que le taux de change en P.P.A du $ en € est de 1 pour 1 et j’utiliserai ce taux de change pour transformer le montant de PIB français en un montant en $ P.P.A, et cela quel que soit le taux de change réel sur le marché des changes. Avoir un PIB calculé en P.P.A est également très important pour les pays en développement, car dans ces pays, la structure des prix est très différente de ce qu’elle est dans les pays développés.

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L’IDH (Indicateur de développement humain)

Il a comme objectif d’essayer de mesurer le niveau de développement des pays, sans en rester simplement à leur poids économique mesuré par le PIB ou le PIB par habitant. Il intègre donc des données plus qualitatives. C’est un indicateur qui fait la synthèse de trois séries de données :

L’espérance de vie à la naissance (qui donne une idée de l’état sanitaire de la population du pays).

Le niveau d’instruction mesuré par la durée moyenne de scolarisation et le taux d’alphabétisation.

Le PIB réel par habitant, calculé en parité de pouvoir d’achat (c’est-à-dire en montant assurant le même pouvoir d’achat dans tous les pays) ; le PIB par habitant donne une indication sur le niveau de vie moyen du pays.

L’IDH est calculé par le Programme des Nations Unies (P.N.U.D). Il se présente comme un nombre sans unité compris entre 0 et 1. Plus l’IDH se rapproche de 1, plus le niveau de développement du pays est élevé. Le calcul de l’IDH permet l’établissement d’un classement annuel des pays.

Si le PIB par habitant est relativement élevé mais que l’IDH est relativement faible, cela signifie probablement que les inégalités économiques et sociales sont grandes : certains.

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Croissance, développement, changement social : des réalités

distinctes ? La progression continue des taux de croissance du PIB sur le long terme a eu pour conséquence une hausse du revenu par tête supérieure dans les pays du Nord. La croissance a aussi transformé les sociétés et amélioré les conditions de vie (c’est le développement).

Les bouleversements des sociétés modernes ont aussi modifié le paysage social, de nouveaux groupes sociaux apparaissent, d’autres disparaissent, les comportements et les valeurs se modifient, c’est ce qu’on appelle le changement social.

A. La croissance un phénomène de longue période

1) La croissance, un phénomène historique qui transforme les sociétés

La croissance économique désigne un processus d’augmentation continue du volume de la production. Par ailleurs, elle ne s’accompagne pas seulement d’un accroissement des volumes, mais aussi d’une diversification illimitée des biens et services proposés au marché. Par ses effets sur l’habitat, l’alimentation, le pouvoir d’achat, le financement du progrès technique, les dépenses de santé et les conditions d’existence, la croissance a également des conséquences sur la durée de vie des êtres humains. Ainsi, un Français avait une espérance de vie de 37 ans à la naissance en 1820, 47 en 1900, 65 en 1950 et 78 en 1999.*…+ Pour l’analyse économique, ce qu’il s’agit au premier chef d’expliquer est le caractère continu de l’augmentation de la production. *…+ La croissance économique n’est pas un accroissement ponctuel ou éphémère du volume de biens et services fournis. C’est un processus irréversible dans lequel il est « normal » que la production s’accroisse. Historiquement, une telle évolution de nos sociétés est pourtant récente. Du Moyen-âge au XVIIIème siècle, l’activité économique est quasiment stagnante. Par la suite, les choses s’accélèrent : le PIB mondial, qui avait crû de 0,33% par an en moyenne de 1500 à 1820, a connu un taux d’expansion de 2,21% de 1800 à 1998.

J.D. Lecaillon, J.M. Le Page, C. Ottavj, Economie contemporaine, analyse et diagnostic, De Boeck Unniversité, 2004.

Le saviez-vous ?

Lorsque le PIB d’un pays augmente chaque année de 1%, il double au bout de 70 ans quand le taux est de 3,5%, il double après 20 ans ; enfin, avec un taux de 10%, il suffit de 7 ans (il s’agit d’une approximation qui s’obtient en divisant 70 par le taux de croissance).

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Questions

1) Distinguer : quel est l’indicateur économique utilisé pour représenter la hausse de la production dans un pays ?

2) Justifier : la croissance est-elle seulement un phénomène économique ?

2) Le PIB réel, indicateur de la croissance

Pour rendre compte du changement de dimension d’une économie, il serait envisageable d’utiliser les chiffres de production de certains biens et services jugés particulièrement représentatifs : la production de riz dans un pays agricole d’Asie du Sud-est, la production d’acier dans un pays spécialisé dans l’industrie lourde… Cependant, il est préférable d’utiliser des agrégats permettant de mesurer l’évolution de l’ensemble des productions, tels que le PIB ou le PNB* (produit intérieur brut, produit national brut).

L’augmentation du PIB en valeur est toutefois la résultante d’un effet quantité (accroissement du PIB en volume*), aussi peut-elle masquer une stagnation, voire un recul de la production en période d’inflation ; c’est donc la seule augmentation du PIB en volume d’une année sur l’autre qui sera retenue comme indicateur de la croissance économique. Le taux de croissance se définit alors comme la variation relative du PIB en volume d’une année sur l’autre.

M.Bialès, R. Leurion, J-L. Rivaud, Notions fondamentales d’économie, Foucher, 2002.

*PNB = PIB + revenus reçus du reste du monde – revenus versés au reste du monde.

*Réel = volume, valeur = nominale.

De la valeur ajoutée à la croissance

Valeur ajoutée PIB Taux de croissance Croissance économique Richesse réellement créée au sein d’une entreprise (unité de production) : valeur ajoutée = production – consommations intermédiaires

Somme agrégée des valeurs ajoutées des unités de production d’un pays + TVA + droits de douane - subventions

Augmentation relative du PIB d’une année sur l’autre ou en moyenne sur plusieurs années (taux de croissance annuel moyen = tcam)

Augmentation durable et soutenue d’un indicateur de dimension nationale, le PIB en termes réels

Questions

1) Illustrer : Pourquoi le PIB ne se calcule-t-il pas en utilisant les quantités physiques produites dans un pays ?

2) Déduire : quel est l’impact sur le PIB nominal du doublement des prix ?

3) Calculer : comment passe-t-on du PIB nominal en volume ?

4) distinguer ; pourquoi utilise-t-on la VA pour calculer le PIB ?

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3) Evolution des PIB sur longue période

Taux de croissance annuel moyen du PIB en %

Etats-Unis

France Chine Amérique latine

Afrique Monde

1820-1950 3,72 1,35 0,037 2,6 1,42 1,58 1950-1973 3,93 5,05 5,01 5,32 4,44 4,9 1973-1998 2,99 2,1 6,84 3,02 2,73 3,01 1998-2007* 3,2 2,2 8,9 2,7 4,3 4,1 Source : A. Maddison. « L’économie mondiale, une perspective millénaire », OCDE, 2001, in Perspectives de l’économie mondiale, FMI, 2006.

*En dollars 1990, ppa

Le saviez-vous ?

La parité de pouvoir d’achat (ppa) est utilisée dans les comparaisons économiques internationales pour corriger les différences dues aux taux de change et aux niveaux de vie entre les pays. Le calcul du PIB en ppa s’effectue grâce à un taux de change fictif qui rétablit une équivalence entre les pouvoirs d’achat de chaque de pays. En théorie un calcul en ppa attribue la même valeur à un bien identique fabriqué dans deux pays différents, par exemple : le prix d’un big mac en Thaïlande et en France.

Questions

1) Lire : faites une phrase avec le chiffre en gras.

2) Comparer : le tableau permet-il d’expliquer pourquoi le PIB par habitant des Etats-Unis est supérieur à celui de la France ?

3) Justifier : le taux de croissance des PIB sur longue période permet-il de distinguer les pays industrialisés des pays en développement ?

4) Les effets de la croissance : une richesse inégale selon les pays

0

200

400

600

800

1000

1200

1974

2004

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Note en $ de 2002, base = 100 = monde. Source : Banque Mondiale.

Calcul du PIB par tête

Le PIB par tête se calcule en divisant le PIB total par la population totale.

Questions

1) Lire : que signifient les chiffres entourés ?

2) Analyser : peut-on parler d’un rattrapage des pays du Nord par ceux du Sud ?

3) Résumer : Quelles sont les principales inégalités que l’on peut constater entre les pays ?

5) Le revenu par têt, indicateur de croissance

Classement des pays selon la Banque mondiale

Groupes de pays

Revenu national moyen par habitant (en $)*

Mortalité infantile (/1000)

Accès à un point d’eau (en%)

Exemples de pays

Revenu élevé

32.112 (ou>10.066)

6 99 France, Etats-Unis, Japon, Corée du Sud, Hong Kong

Revenu moyen

2.274 (>825 <10.066)

30 83

Pologne, Arabie Saoudite, Croatie, Gabon, Argentine, Chili, Oman, Algérie, Maroc, Bulgarie, Egypte, Tunisie, Turquie, Afrique du Sud, Chine

Revenu faible 507 (<825) 79 75

Bangladesh, Inde, Indonésie, Vietnam, Mali, Guinée, Soudan

Monde 6.329 54 82

*Le revenu national calculé en termes réels (correction de l’inflation au niveau international sur 5 pays industrialisés représentatifs). Source BM, juillet 2004.

Définitions :

Revenu national brut = PIB + revenus primaires reçus du reste du monde – revenus versés au reste du monde = PNB.

Revenu par tête = PNB/nombre d’habitants.

Questions

1) Illustrer : à l’aide du tableau, expliquez pourquoi un revenu élevé peut être un indicateur de croissance d’un pays.

2) Comparer : peut-on établir un lien entre le niveau de revenu par tête et les conditions de vie ?

B. Le développement transforme et améliore le cadre de vie

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6) Le développement économique accompagne la croissance

En quelques années, le petit port s’est transformé. Tranquille, la ville vivait de son commerce ; elle est devenue une vaste cité industrielle où grouille une population qui a quitté les fermes environnantes pour trouver du travail dans les filatures tout juste installées par de riches négociants, d’ici ou d’ailleurs. C’est ainsi qu’a commencé, à la fin du XVIIIème siècle, à Manchester, en Angleterre, la révolution industrielle *…+

Deux siècles plus tard, c’est exactement le même scénario qui s’est joué à quelques encablures à Hong Kong, l’ancienne colonie *…+ britannique, à Shenzhen. Le XXème siècle finissant, cette ville n’était qu’un petit bourg, très pauvre, dans l’arrière pays de la presqu’île de Kowloon. *…+ La libéralisation de l’agriculture et la création de « zones économiques spéciales » *…+ dans lesquelles les industriels peuvent travailler librement ont véritablement sonné le signal du décollage chinois.

Les formidables gains de productivité réalisés grâce à la décollectivisations des communes agricoles ont d’abord permis, à partir de 1979, une forte augmentation de la production alimentaire. Ils ont très rapidement libéré une population nombreuse à la recherche d’un travail. Chassée des campagnes par manque d’activités, celle-ci a rejoint les villes (c’est l’exode rural) où elle a trouvé des emplois, dans les ateliers artisanaux, industriels ensuite, installés par les Chinois de Hong Kong, de Taïwan ou de Singapour notamment (c’est l’industrialisation). Produisant plus et mieux, dans les fermes comme dans les ateliers, les populations ont bénéficié, avec le développement des villes (c’est l’urbanisation), d’une amélioration de leurs conditions de vie.

Erik Izraelewicz, Quand la Chine change le monde, Grasset, 2005.

Ne pas confondre

Développement et croissance : Depuis François Perroux (1961), il est habituel de distinguer la croissance, phénomène quantitatif défini comme la « combinaison des changements mentaux et sociaux d’une population qui la rendent apte à faire croître, cumulativement et durablement, son produit réel brut global ».

Questions

1) Décrire : quels sont les trois principaux traits du développement ?

2) Analyser : pourquoi l’auteur compare-t-il Shenzhen à Manchester ?

3) Déduire : dans quelle mesure ce texte illustre-t-il la définition du développement ?

7) Une amélioration du cadre de vie

Répartition des résidences principales avec baignoire ou douche (en%)

Surface moyenne en m² des logements

1954 2002 1973 2002

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10,4 98,4 72 90 Avec WC à l’intérieur Surface en m² par personne

26,6 98,3 25 37 Source : INSEE, Résultats, n°20, octobre 2003, Données sociales, 2006.

Questions

1) Comparer : quelles sont les améliorations apportées à l’habitat depuis un siècle en France ?

2) Déduire : quels sont les facteurs qui favorisent l’augmentation de la surface d’habitation par personne.

8) Le a consommation augmente et se diversifie

Evolution des coefficients budgétaires en France

En % la consommation totale 1700 1850 1950 2005 Alimentation 82 64 46 14 Logement 8 16 13 25 Habillement 10 17 15 5 Revenu par habitant (indice) 100 175 579 2.807 Source : Henri Bourachot, Cours d’économie générale, Ellipses, 2004, et INSEE, 2006.

Questions

1) Lire : que signifient les chiffres en couleurs ?

2) Déduire : quel lien peut-on faire entre l’évolution de la part de l’alimentation et celle du revenu ?

3) Résumer : montrez que le développement transforme la consommation d’un point de vue qualitatif et quantitatif.

9) On vit plus longtemps

10) vers une société de services…

Répartition de l’emploi total par secteur

Secteurs Emploi total (en %)

1901 1975 2005 Primaire 41 10,1 3,8 Secondaire 32 37 23 Tertiaire 27 52,9 72,8 Note : le secondaire inclut le secteur de la construction, le total n’est pas égal à 100 car le classement de certains emplois reste indéterminé. Sources : Claude Thélot, Deux siècles de travail en France, Nathan 1997, et INSEE, Enquête emploi 2005.

Fort Faible

Hausse de l’emploi tertiaire

Baisse de l’emploi primaire

Demande

Progrès technique

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Faible Forte

Questions

1) Décrire : quelles sont les transformations principales de l’emploi de 1901 à nos jours ?

2) Illustrer : comment peut-on expliquer la baisse du nombre d’emplois dans le secteur primaire ? La hausse du nombre d’emplois dans le secteur tertiaire ? Qu’en est-il dans le secteur secondaire ?

11) L’IDH, la mesure du développement

Pays et classement en

2003

IDH PIB par habitant (en $

PPA)

Espérance de vie à la naissance (en années)

Taux d’alphabétisation des adultes (en %)

Taux brut de scolarisation (en %)

1 Norvège 0,963 37.670 79,4 99 100 10 Etats-Unis 0,944 37.562 77,4 99 93 75 Venezuela 0,772 4.919 72,9 93 75 77 Arabie Saoudite

0,772 13.226 71,8 79,4 57

85 Chine 0,755 5.003 71,6 90,9 69 174 Mali 0,333 994 47,9 19 32 Monde 0,741 8.229 67,1 ND 67

Source : PNUD, Rapport mondial sur le développement humain 2005, Economica

Exemple pour la France

Critères Niveau de vie Savoir Longévité IDH Mesure sous forme d’indices

PIB/habitant en ppa

Alphabétisation des adultes + niveau d’instruction

Espérance de vie à la naissance

Indice entre 0 et 1

Calcul (France) 0,94*1/3 + 0,97*1/3 + 0,91*1/3 = 0,938 Source PNUD, 2005.

L’IDH a été défini par l’ONU en 1981 d’après les travaux d’A.K. Sen pour compléter les insuffisances du PIB par habitant comme indicateur du développement. Il se mesure sous forme d’indice compris entre 0 à 1. Le calcul de l’IDH se fait par rapport se fait par rapport au niveau le plus élevé (1 pour le pays qui a la plus forte espérance de vie, par exemple, 0 pour celui qui a la plus faible). C’est donc un indicateur relatif.

Questions

1) Décrire : montrez que le Mali est moins développé que la Norvège.

2) Justifier : pourquoi a-t-on inclus l’espérance de vie et l’instruction dans le calcul de l’IDH ?

3) Déduire : deux pays peuvent-ils atteindre un même niveau d’IDH de manière différente ?

12) Le développement comme processus d’expansion des libertés

Le développement peut être appréhendé *…+ comme un processus d’expansion des libertés réelles dont jouissent les individus. En se focalisant sur les libertés humaines, on évite une définition trop étroite du développement, qu’on réduise ce dernier à la croissance du produit national brut, à l’augmentation des revenus, à l’industrialisation, aux progrès technologiques ou encore à la modernisation sociale *…+

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Malgré un niveau de prospérité économique sans précédent à l’échelle planétaire, un nombre considérable d’être humains, la majorité de la population mondiale, peut-être, souffre d’un déni permanent des libertés élémentaires. Fréquemment, celui-ci trouve sa source dans la pauvreté économique : elle frustre les individus de la liberté d’échapper à la faim et à la malnutrition, de se procurer les remèdes existants pour se soigner, de se vêtir ou de se loger décemment, d’accéder à l’eau potable ou aux installations sanitaires. Dans d’autres cas, le déni de liberté tient à l’absence de services publics ou de protections sociale, quand, par exemple, il n’existe aucune surveillance épidémiologique, ni système de santé ni structures scolaires, aucune institution juridique veillant au respect de la loi. D’autres fois encore, il résulte d’une violation des droits politiques et civiques, imposée par un régime autoritaire qui restreint les possibilités de participer à la vie sociale, politique, économique de la collectivité.

Amartya Sen, Un nouveau modèle économique, développement, justice, liberté, Editions Odile Jacob, 2000.

Nombre de personnes vivant moins de 1$ par jour (en millions) 2002 Monde 1.015 Afrique subsaharienne 303 Source : BM, World Developpement Indicators, 2006

Questions

1) Justifier : que reproche l’auteur à la définition « trop étroite » du développement ?

2) Comprendre : pourquoi l’accès à l’eau potable ou à la protection sociale est-il une forme de liberté ?

3) Illustrer : quels liens peut-on établir entre cette définition et l’IDH ?

C. Le changement social : les transformations des sociétés modernes

13) Les différentes interprétations du changement social

La sociologie classique naît à la fin du XIXème siècle pendant une période de mutations profondes : industrialisation, démocratisation, urbanisation, laïcisation. Elle se caractérise par l’élaboration de théories générales visant à interpréter les changements observés. *…+

A. de Tocqueville fait de la marche vers l’égalité des conditions la tendance profonde et souterraine qui détermine l’ensemble des changements sociaux dans les sociétés qu’il qualifie de démocratiques. Cette proposition se retrouve, avec des variantes, dans les analyses contemporaines qui mettent en avant ma croissance de couches moyennes « individualistes ». *…+

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K. Marx met au centre de l’explication du changement social les contradictions du mode de production capitaliste et la lutte des classes. Ces contradictions et ces luttes entre les classes engendrent un progrès technique dont les effets contradictoires sur les qualifications professionnelles et les statuts sociaux demeurent une autre piste possible pour étudier les changements sociaux. *…+

E. Durkheim explique le basculement des sociétés traditionnelles vers un autre type de société par la croissance de la population et par la multiplication des relations entre les individus, notamment dans les grandes villes. La société moderne est ensuite caractérisée par une division du travail importante. Les variables démographiques sont ainsi souvent utilisées comme variables explicatives des changements sociaux dans la sociologie du développement, la croissance de la population déterminant un exode rural massif et une urbanisation sauvage. *…+

Pour sa part, M. Weber montre comment une nouvelle éthique religieuse, l’éthique protestante, peut créer de nouvelles contraintes psychologiques qui poussent des individus à changer leur système de valeurs, c'est-à-dire les visions du monde, comme principe explicatif du changement social demeure une démarche fréquente parmi les sociologues.

Jean Etienne (dir.), Dictionnaire de sociologie, Hatier, 1997 (1957).

Questions

1) Définir : quelles sont les principales transformations sociales décrites par ces quatre sociologues ?

2) Analyser : comment Marx et Weber démontrent-ils l’influence des facteurs sociaux sur le développement économique ?

3) Déduire : dans quelle mesure Tocqueville établit-il un lien entre le développement économique et le changement de société ?

14) Les transformations de la structure sociale

Evolution des catégories socioprofessionnelles

En % 1901 1954 2005 Professions indépendantes* 46 33 9 Ouvriers** 39 40 24 Professions salariées du tertiaire*** 15 27 67 *Agriculteurs exploitants et artisans commerçants.

**Dont salariés agricoles

***Cadres, professions intermédiaires, employés.

Sources : Claude Thélot, Deux siècles de travail en France, Nathan, 1997, et INSEE, recensement 1954 et Enquête emploi 2005.

Questions

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1) Décrire : quelles sont les grandes transformations des catégories socioprofessionnelles depuis 1901.

2) Résumer : quels liens peut-on établir entre la croissance, la transformation des secteurs (le développement) et celle des catégories sociales (le changement social) ?

15) L’urbanisation modifie les modes de vie et les comportements

L’urbanisation a pour conséquence d’accroître la scolarisation des petites filles, même si elle est très en retard en Afrique par rapport au reste du monde. On observe une corrélation presque mathématique entre le nombre d’années d’études suivies par la mère, son âge moyen au mariage, le nombre d’enfants qu’elle met au monde, la survie de ces derniers. L’âge moyen au mariage est passé *…+ de 18,1 ans en 1978 à 19,2 ans en 1993 au Kenya. Pendant la même période, la fécondité est passée de 8 à 5,4 enfants par femme au Kenya.

L’urbanisation entraîne le développement de l’économie monétaire et du travail des femmes hors du foyer : l’enfant comme « main d’œuvre gratuite » perd son avantage en ville où la progression des familles nucléaires, voire des femmes seules, explique que l’enfant à désormais un coût (de garde, de scolarisation), qu’il apparaît plus comme une charge que comme un avantage.

L’urbanisation accroît l’influence du planning familial, beaucoup plus présent en ville pour réponde au désir des femmes de limiter leur descendance. Les pays qui ont mis précocement en place des programmes de planification des naissances, comme le Kenya ou le Ghana, ont obtenu des résultats plus rapides que ceux qui l’ont fait plus tardivement, comme le Sénégal. *…+

L’urbanisation est synonyme de politiques de santé efficaces : encadrement médical des grossesses et des accouchements permet de réduire en ville la mortalité infantile, beaucoup moins élevée qu’en milieu rural ; campagnes de vaccination et suivi des enfants d’améliorer la survie à 5 ans (diminution de la mortalité juvénile).

Sylvie Brunel, l’Afrique, un continent en réserve de développement, Bréal, 2004.

Questions

1) Justifier : dans quelle mesure l’urbanisation est-elle la cause de la baisse de fécondité ?

2) Expliquer : pourquoi le « coût » de l’enfant augmente-t-il en ville ?

3) Résumer : peut-on dire que l’urbanisation modifie les comportements ?