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NÉOLITHIQUE ET PROTOHISTOIRE EN COTE-D'OR Groupe d'Etudes Régionales de Préhistoire et de Protohistoire *. Au cours des années 1976 et 1977 les activités des membres du G.E.R.P.P. ont été orientées sur des recherches archéologiques portant plus spécialement sur les périodes du Néolithique, en pré- histoire, et des Ages du Bronze et du Fer en protohistoire. Sur le terrain, les travaux de fouilles ont été menés principalement sur un type particulier de site : l'habitat de hauteur à caractères défensifs. Ces recherches ont porté sur le Camp de Myard à Vitteaux (Nicolardot J.-P., 1976, p, 74-83), le Camp de Roche-Château à Messigny, le Châtelet d'Étaules et le Châtelet de la Fontaine au Chat à Val-Suzon. Parallèlement à ces fouilles, des prospections au sol rassemblant une documentation photographique et topographique ont été faites sur les sites de la vallée du Suzon dans le cadre d'une étude systé- matique de la préhistoire et de la protohistoire de cette région. Elles ont été exécutées plus spécialement sur les habitats de hauteur des Châtéas à Pasques et de Château-Manchard à Bordes-Pillot. Ces prospections documentaires sont toujours en cours, elles visent à établir les liens existants entre ces différents sites et leur environ- nement archéologique : nécropoles sous tumulus en particulier, dont les sépultures s'échelonnent du Néolithique au Deuxième Age du Fer. Le IX e Congrès de l'Union internationale des Sciences Préhisto- riques et Protohistoriques qui s'est tenu à Nice du 13 au 18 septembre 1976 a profondément marqué les activités du G.E.R.P.P. dans le courant de cette année. Plusieurs de ses membres ont participé à cette manifestation soit en préparant l'accueil de congressistes sur le chantier de Myard, soit en organisant une exposition archéo- logique sur les activités du groupe en une salle attenante à la chapelle de l'hôpital de Vitteaux, soit encore en participant à des Colloques et séances du Congrès. Des diapositives en couleur illustrant les recherches du G.E.R.P.P. sur les habitats de hauteur, notamment à Myard et au Mont-Milan à Meursault, ont été envoyées à l'exposition de la Galerie des Ponchettes à Nice où elles ont été présentées dans * Texte établi par J.-P. Nicolardot, chargé de Recherche au Centre National de la Recherche Scientifique, Président du G.E.R.P.P.

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NÉOLITHIQUE ET PROTOHISTOIREEN COTE-D'OR

Groupe d'Etudes Régionalesde Préhistoire et de Protohistoire *.

Au cours des années 1976 et 1977 les activités des membres duG.E.R.P.P. ont été orientées sur des recherches archéologiquesportant plus spécialement sur les périodes du Néolithique, en pré-histoire, et des Ages du Bronze et du Fer en protohistoire.

Sur le terrain, les travaux de fouilles ont été menés principalementsur un type particulier de site : l'habitat de hauteur à caractèresdéfensifs. Ces recherches ont porté sur le Camp de Myard à Vitteaux(Nicolardot J.-P., 1976, p, 74-83), le Camp de Roche-Château àMessigny, le Châtelet d'Étaules et le Châtelet de la Fontaine au Chatà Val-Suzon.

Parallèlement à ces fouilles, des prospections au sol rassemblantune documentation photographique et topographique ont été faitessur les sites de la vallée du Suzon dans le cadre d'une étude systé-matique de la préhistoire et de la protohistoire de cette région. Ellesont été exécutées plus spécialement sur les habitats de hauteur desChâtéas à Pasques et de Château-Manchard à Bordes-Pillot. Cesprospections documentaires sont toujours en cours, elles visent àétablir les liens existants entre ces différents sites et leur environ-nement archéologique : nécropoles sous tumulus en particulier, dontles sépultures s'échelonnent du Néolithique au Deuxième Age duFer.

Le IXe Congrès de l'Union internationale des Sciences Préhisto-riques et Protohistoriques qui s'est tenu à Nice du 13 au 18 septembre1976 a profondément marqué les activités du G.E.R.P.P. dans lecourant de cette année. Plusieurs de ses membres ont participé àcette manifestation soit en préparant l'accueil de congressistessur le chantier de Myard, soit en organisant une exposition archéo-logique sur les activités du groupe en une salle attenante à la chapellede l'hôpital de Vitteaux, soit encore en participant à des Colloqueset séances du Congrès. Des diapositives en couleur illustrant lesrecherches du G.E.R.P.P. sur les habitats de hauteur, notammentà Myard et au Mont-Milan à Meursault, ont été envoyées à l'expositionde la Galerie des Ponchettes à Nice où elles ont été présentées dans

* Texte établi par J.-P. Nicolardot, chargé de Recherche au Centre Nationalde la Recherche Scientifique, Président du G.E.R.P.P.

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un montage audiovisuel montrant les méthodes de travail en archéo-logie. Toujours dans le cadre du Congrès de l'U.I.S.P.P., les civili-sations de l'Age du Bronze en Bourgogne ont fait l'objet d'une syn-thèse régionale dans l'ouvrage : La Préhistoire Française des éditionsdu C.N.R.S. (Bonnamour L., Mordant C. et Nicolardot J.-P., 1976).

Fouilles du Camp de Myard à Vitteaux.

Pour la huitième année, en 1976, les recherches ont été poursuiviessur le camp du type éperon barré de Myard. Des sondages ont étéeffectués à l'extrémité nord du plateau mais c'est encore la section 7,grande coupe Nord-Sud au travers de l'habitat et du système défensifde l'époque néolithique qui a fait l'objet de travaux importants aucours de cette campagne de fouilles qui achève les recherches pro-grammées sur ce site.

Les fouilles menées en 1976 dans ces secteurs de la section 7répondaient au désir de terminer l'étude de la zone Est d'une maisondont le dégagement avait été commencé en 1975. Cette habitation,accolée le long du parement intérieur du rempart néolithique, a livréles vestiges d'un mur à colombage, perpendiculaire à la ligne généraledu rempart et venant s'adosser à ce dernier. Dans la masse de « calcaireérodé » a été retrouvée une pièce de bois verticale appartenant aucolombage. En relation avec ce dispositif de construction, le décapagedu sommet du plateau rocheux sur lequel avait été établie la maisona permis la découverte d'une excavation circulaire contre laquelleont été trouvées de grandes dalles inclinées, soigneusement fichéesou calées sur la roche. Il s'agit d'un trou de poteau avec son dispositifde calage qui devait contreventer une pièce de bois d'un diamètremaximal de 0,25 m. La présence d'importantes pièces de bois verti-cales est bien en faveur de l'hypothèse déjà émise d'un habitatsurélevé au-dessus du niveau de la roche (Nicolardot J.-P., 1975,p. 40) comparable aux constructions palafittiques.

Dans cette même section 7, précèdent le rempart néolithique,une nouvelle zone de carrière d'extraction de pierres a été dégagée.On y a retrouvé une partie des gros blocs provenant du parementextérieur du rempart, précipités là lors de sa destruction. Ces recherchesont montré une discontinuité dans les fosses d'extraction, caractèrequi se retrouve dans la fortification néolithique du Goldberg (Wur-temberg) ainsi que dans les dispositifs défensifs des camps à palis-sades de poteaux précédées de fosses interrompues du Michelsbergrhénan et du Bassin Parisien.

C'est au fond de la fosse dégagée en 1976 à Myard qu'a été décou-vert un grand vase de forme ovoïde à col évasé, rebord ourlé, biencaractéristique du Néolithique moyen régional. Cet exemplaire,singularisé par la finesse de ses parois, est vraisemblablement contem-porain de l'effondrement du rempart néolithique. Toujours dansl'excavation qui précède la fortification, il faut signaler la présenced'une armature de flèche perçante en silex, à base concave. Cet objet

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bien représentatif de la typologie des pointes de flèche du Néolithiquede Myard a été trouvé dans la couche de charbon de bois visiblesous les premières assises du rempart néolithique. Ce niveau brûlécorrespond au défrichement du plateau par les Néolithiques, aumoment de la construction de l'habitat fortifié. Un prélèvement decharbon de bois a été transmis au Laboratoire des Faibles Radio-activités de Gif-sur-Yvette (C.N.R.S. - CE.A.) où Madame G. Deli-brias a obligeamment effectué une datation 14c. La date obtenueest extrêmement importante pour l'histoire du site de Myard :4 990 + 130 ans, soit 3 040 avant J.-C. (échantillon Gif n° 3381)(Delattre A. et Nicolardot J.-P., 1976, p. 51) mais elle est aussi surtoutprimordiale pour situer chronologiquement en datation absolue leNéolithique moyen de Myard, désigné sous l'appellation de « Néo-lithique moyen bourguignon » (Thevenot J.-P. et Carré H., 1976,p. 408 et Pétrequin A.-M., 1977), dénomination que nous conservonsactuellement dans un souci d'unification de vocabulaire bien qu'ellerassemble, à nos yeux, différents faciès néolithiques locaux appa-rentés entre eux mais que l'avancement des travaux permettra àbrève échéance de distinguer les uns des autres.

C'est à un niveau Chasséen méridional à influences Roessen-Wauwilque le Néolithique moyen bourguignon succède dans la stratigraphiedu secteur de la branche orientale de la Redoute au Camp de Chassey(Thevenot J.-P. et Carré H., 1976, op. cit). Pour pallier à l'absencede datation 14c sur ce site, on peut faire référence à l'âge obtenudans le niveau X, Néolithique moyen Roessen de la grotte de laBaume de Gonvillars (Haute-Saône) : 5 000 + 250 ans, soit 3050avant J.-C. (échantillon Gif n° 466) (Pétrequin P., 1970, p. 130).

La datation obtenue à Myard (3040 avant J.-C.) est parfaitementplausible, elle est en concordance avec la stratigraphie du Camp deChassey. Elle situe dans le temps l'installation sur le plateau deMyard d'un groupe néolithique homogène qui s'éteindra vers 2400avant J.-C. (Nicolardot J.-P., 1973, p. 68). C'est la date proposée parA.-M. Pétrequin comme limite supérieure du Néolithique moyenbourguignon en Franche-Comté, période à laquelle fait son apparitionle Cortaillod tardif sur des sites comme Clairvaux et Chalain.

Les travaux que nous avons menés sur le Camp de Myard (1969-1976) et plus récemment sur le Châtelet à Étaules (1976-1977)apportent des informations qui précisent l'occupation de ces habitatsde hauteur au Néolithique final. Au cours de la fouille de la fosseprécédant le rempart néolithique de Myard, deux niveauxs trati-graphiques riches en mobilier ont été observés. Le niveau III de lastratigraphie publiée en 1976 (Delattre A. et Nicolardot J.-P., op. cit.,p. 52), épousant le profil de la fosse, a livré un matériel homogènedu Néolithique moyen bourguignon qui correspond à la périodeactive du premier groupe humain sédentarisé sur le plateau.

Le niveau III révèle une réoccupation temporaire du site après ladestruction de son habitat et du système défensif. Ce niveau sus-

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jacent à la couche de destruction du rempart néolithique moyen estcaractérisé par des mobiliers typologiquement datables du Néoli-thique final comme de grandes armatures de flèche losangiques àailerons naissants. Ce type n'a été retrouvé que dans ce niveau alorsque le niveau III a livré de nombreuses armatures triangulaires,trapues et à base droite ou concave bien caractéristiques du Néoli-thique moyen bourguignon. D'autres éléments interviennent en faveurd'une réoccupation sporadique des sites de hauteur au Néolithiquefinal. Aussi bien à Myard qu'au Châtelet d'Étaules il a été découvertdes objets caractéristiques de la Civilisation Saône-Rhône (ThevenotJ.-P., Strahm Ch. et Alii, 1976) : fragments de jarres cylindriquesà col droit avec tétons ovalaires ou languette de préhension placéshorizontalement sous le rebord, scie à encoches latérales et racloirsur plaquette de chaille et des outils en roche verte, hache ou hermi-nette de petite taille.

Pour J.-P. Thevenot la fourchette chronologique de la CivilisationSaône-Rhône est comprise entre 2400 et 1800 avant J.-C. La datationabsolue 14c la plus récente obtenue sur Myard : 2400 avant J.-C.s'accorde aussi bien à indiquer la fin de l'occupation des Néolithiquesmoyens que la période de fréquentation des hommes de la CivilisationSaône-Rhône qui abandonnèrent rapidement les plateaux pour cher-cher ailleurs des conditions de vie plus adaptées à leurs besoins.

Les recherches en 1976 et 1977 sur le Camp de Myard ont étéessentiellement orientées sur l'étude des niveaux préhistoriques. Ilne faut cependant pas omettre de souligner l'importance de ce sitepour l'étude de la réutilisation des habitats de hauteur au Bronzefinal et à l'époque hallstattienne, phénomène qui se vérifie sur denombreuses stations sans restrictions géographiques aussi bien enFrance que dans les pays limitrophes. Dans l'état actuel des travaux,il semble même que ces habitats de hauteur soient des terrains derecherches privilégiés pour une meilleure connaissance du passage del'Age du Bronze aux Ages du Fer. A l'occasion d'une Table Rondesur les Problèmes de l'Age du Bronze Final dans le Nord-Est de laFrance et les Alpes (Vittel, 1965), le Professeur J.-P. Millotte a sou-ligné que dans l'Est de la France les fouilles récentes « montrentà l'envi qu'il n'existe pas une coupure brutale entre l'Age du Bronzeet l'Age du Fer ». Cette remarque se vérifie à l'examen des mobiliersse rapportant au rempart supérieur de Myard flanqué de toursquadrangulaires d'importances diverses (Nicolardot J.-P., 1974-1975, p. 40-42, pi. 8 et 9). A côté de mobiliers typologiquementbien datables du Bronze final III : céramique à décor de cannelures,de cordon digité, fusaïole tronconique cannelée, il a été trouvéesdeux pointes de flèche triangulaires en tôle de fer, répliques desflèches type « Le Bourget » en tôle de bronze martelée et découpée(Combier J., O. et A.-C. Gros, 1972, p. 21-22, fig. 7 et 8). Pour cesauteurs, les pointes de bronze du type « Le Bourget » apparaissentdans les sites lacustres suisses et alpins à la fin du Bronze final(ix ou v m e siècle avant notre ère) ; à la grotte du Hasard, à Tharaux

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(Gard), ce type remonte au Bronze final Ilb (1050-950 avant notreère). Il s'étend jusqu'au Premier Age du Fer : dans les Causses despointes en tôle de bronze ont été trouvées associées avec des mobi-liers typiques du Hallstatt. En Bourgogne on peut citer les pointesde bronze du type « Le Bourget » de la grotte de Roche-Chèvre àBarbirey-sur-Ouche (Côte-d'Or) et du Camp de Chassey (Saône-et-Loire). Ce dernier site a livré le modèle en tôle de bronze et celui entôle de fer que J.-P. Thevenot a bien voulu nous présenter, bienqu'inédit à ce jour. Ces deux types provenant de fouilles anciennes,il nous est malheureusement impossible de savoir s'ils proviennentd'un même niveau stratigraphique. Il est cependant possible desupposer que pointes en tôle de bronze et en tôle de fer ont été utiliséesconcurremment. Cette contemporanéité de la métallurgie du bronzeet du fer est attestée par des mobiliers contenus dans certains grandsdépôts dits de l'Age du Bronze. Parmi le matériel de la cachette dePetit-Villatte, commune de Neuvy-sur-Barangeon (Cher), nous avonsnoté un coin à estamper de bronze qui possède une âme en fer (Nico-lardot J.-P. et Gaucher G., 1975, p. 36, fig. 1). D'autres dépôts, dontla plus grande partie des objets appartiennent au Bronze final, parla présence de mobiliers hallstattiens ou de fragments de fer ont étéenfouis au début du Premier Age du Fer : Argenton-sur-Creuse(Indre), Carcassonne (Aude), Launac (Haute-Garonne), Notre-Dame-de-Livoye (Manche), Rochelongue commune d'Agde (Hérault) etVénat, commune de Saint-Yrieix (Charente) (Duval A., Éluère Chr.et Mohen J.-P., 1974, p. 42-43). Appartenant à cette charnièreentre l'Age du Bronze et le début de l'Age du Fer, le site des Grandes-Chapelles commune de Brion (Indre) a livré notamment une pointede flèche en fer, triangulaire et percée de deux trous (Buchsenschutz O.,Wuillaume M. et Gablin P., 1977, p. 6, et, article à paraître dansB.S.P.F.). Cette pointe de flèche, dont les inventeurs ont bien voulunous communiquer le dessin, est identique à l'une des deux pointesprovenant de Myard.

Attestant à nouveau l'occupation du Camp de Myard à cettemême période transitoire on peut mentionner, hors stratigraphie,une hache de bronze à ailerons subterminaux (à paraître dans Cata-logue des Objets de l'Age du Bronze du Musée Archéologique deDijon).

Recherches programmées sur les habitats de hauteur de la vallée duSuzon.

Avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique,du Service des Fouilles et Antiquités et du Conseil Général de laCôte-d'Or, le G.E.R.P.P. a entrepris une étude approfondie deshabitats de hauteur et de leur environnement situés dans la valléedu Suzon, à quelques kilomètres au Nord de Dijon. Après des pros-pections au sol complétées par des relevés topographiques des struc-tures visibles, en 1976 le Camp de Roche-Château à Messigny a faitl'objet de sondages qui ont été repris en 1977. Ces travaux ont permis

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de dresser la coupe des structures du barrage qui ferme ce camp dutype « éperon barré ». Ce relevé montre des réaménagements dans lebarrage, par contre, les mobiliers mis au jour ne se rapportent qu'àla période de transition entre l'Age du bronze et le Premier Age duFer. Il faut retenir notamment une grande urne biconique.

Le Châtelet d'Étaules a été repris en 1976 sous la forme d'uneopération de « fouilles de sauvetage » sur l'emplacement d'une anciennetranchée de recherches dont les parois ont été rafraîchies pour enétudier la stratigraphie. Une nouvelle section de fouilles a été ouverteen 1977, dans la partie médiane du barrage qui domine encore de9 mètres la surface du plateau. La stratigraphie de ce site est extrê-mement complexe les fréquentations humaines s'étendant du Néo-lithique moyen (IVe millénaire avant J.-C.) au Deuxième Age du Fer,l'abandon du site devant coïncider aux environs de la fin de l'indépen-dance gauloise (52 avant J.-C). Ces recherches récentes ne sont pasencore suffisamment avancées pour donner matière à publication.Soulignons cependant l'intérêt de ce site stratifié sur lequel lespremiers résultats laissent entrevoir l'importance des documentsqu'il renferme. Ceux-ci permettront de mieux connaître les périodesde transition du Néolithique à l'Age du Bronze et de ce dernier àl'Age du Fer. Précédemment, en présentant le matériel néolithiquedu Camp de Myard, il a été fait référence à certaines découvertes duNéolithique moyen et du Chalcolithique du Châtelet d'Étaules, nousn'y reviendrons pas. En ce qui concerne l'Age du Bronze il est àsignaler la présence de récipients ornés de décors incisés et poinçon-nés. Cette céramique, qualifiée de « pseudo Kerbschnitt » (Millotte J.-P., 1958, p. 41) caractérise l'extrême fin de l'Age du Bïonze et ledébut du Premier Age du Fer. On la connaît sur un site de hauteurpeu éloigné du Châtelet d'Étaules, le Camp de Fontaine-Brunehautà Crécey-sur-Tille (Côte-d'Or), fouillé par J.-M. Belin (Joly J., 1972,p. 429, fig. 5), où certains décors incisés linéaires et poinçonnéspunctiformes sont identiques à ceux de la céramique du Châteletd'Étaules. On retrouve ces décors dans le Jura sur les camps deMontmorot et du Mont-Guérin (Sandars N.-K., 1957, p. 215, fig. 54,n° 8 et 9). Ce type de céramique est à rapprocher de celui du groupede Gùndlingen (Pays de Bade méridional, Allemagne) (Millotte J.-P.et Vignard M., 1960, p. 47). Plusieurs fragments d'un même vasedu Châtelet d'Étaules présentent un décor poinçonné en surimpres-sion sur des cannelures larges et peu profondes. Ce procédé ornementalest connu dans la céramique du Bronze final des tumulus de la forêtde Haguenau (tumulus 14 « Eichlach ») (Schaefïer F. A., 1926, p. 27,fig. 11 e et pi. XIV, n° 14).

D'autres mobiliers d'Étaules nous font pénétrer plus en avantdans le Premier Age du Fer. De la céramique à décor peint à labarbotine, sans atteindre la richesse des motifs vixiens (Joffroy R.,1960, p. 111-118), permet d'ajouter un site bourguignon à la répar-tition de cette production du Hallstatt final (Courtois J.-Cl., 1975,p. 66-68). Ce type de céramique a déjà été retrouvé sur le Châtelet

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d'Étaules par E. Guyot. On peut rappeler un très bel exemplaireorné de motifs géométriques tels que le svastika, des dents de loupou des carrés emboîtés (Guyot E., 1964, p. 96 et pi. 3, fig. 6-8). Laparure de cette période de la fin du Premier Age du Fer est repré-sentée par deux fibules de bronze. L'une à simple timbale se rapproched'un exemplaire du camp de Wittnauer Horn (Argovie, Suisse)(Bersu G., 1945, pi. XXXIII , fig. 123, n" 17), une autre, à doubletimbale, est d'un type très courant dans les productions de l'oppi-dum du Mont-Lassois à Vix, distant d'une soixantaine de kilomètresau Nord du Châtelet d'Étaules (Jofïroy R., op. cit., pi. 19, n° 5).Une pointe de lance en fer rappelle le caractère défensif du site quia livré, comme à Vix, une balle de fronde de forme ovoïde. Quelquesfragments de céramique appartiennent au Deuxième Age du Fer,voire même à la période gallo-romaine. Il faut attendre l'avancementdes recherches pour préciser ces réoccupations tardives rencontréesdans les niveaux supérieurs du barrage.

Face au Châtelet d'Étaules, le Châtelet de la Fontaine au Chat,commune de Val-Suzon, a fait l'objet en 1977 d'une fouille de sauve-tage programmée pour plusieurs années. Ces recherches ne sont pasencore suffisamment avancées pour permettre d'en donner uneinterprétation péremptoire. A la période gallo-romaine ou du Bas-Empire semble appartenir un ensemble de structures d'habitatdont les éléments principaux sont formés par un niveau présentantun dispositif de bois fortement brûlé. Au-dessus de cette sorte deplancher, d'autres structures incendiées apparaissent sous la formede « noyaux de calcaire érodé » et d'une grande poche cendreuseles reliant. Cet ensemble paraît s'appuyer contre un mur de pierressèches dont subsistent quelques assises de base. Le matériel, essen-tiellement céramique, découvert dans ces structures est gallo-romain :poterie du type de Jaulges-Villiers-Vineux décorée à la molette ouincisée que l'on retrouve en abondance à la surface du plateau.Cette officine gallo-romaine située dans l'Yonne, dans la valléede l'Armançon à une trentaine de kilomètres au Nord d'Auxerre,a une production qui s'échelonne du milieu ou de la fin du Ier sièclejusqu'aux abords du ve siècle (Jacob J.-P. et Leredde H., 1974,p. 385). Cette production correspond à la période troublée du Bas-Empire où bon nombre de sites de hauteur, préhistorique et proto-historiques, ont été réutilisés.

En-dessous des structures précédentes, les mobiliers, toujourscomposés de céramique, sont comparables à ceux de la transitionBronze final - Premier Age du Fer du Châtelet d'Étaules ou de Roche-Château à Messigny. Ils ont été retrouvés au contact de structuresqui n'ont été atteintes que très superficiellement qui laissent pré-sumer l'existence d'un rempart appareillé.

Trois mètres d'épaisseur de sédiments restent à étudier. Ils livre-ront sans doute des vestiges de l'Age du Bronze et du Néolithique,occupations attestées par des découvertes anciennes mal connuesfaute de publications.

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Au-dessus des deux niveaux étudiés, un ensemble de matériauxen chute et remaniés, dans lequel se retrouvent des mobiliers histo-riques et protohistoriques, n'a pu encore être interprété.

L'intérêt des recherches menées conjointement sur les cinq campsen éperon barré de la vallée du Suzon et plus particulièrement surle Châtelet d'Étaules et le Châtelet de la Fontaine au Chat qui sefont vis-à-vis n'est pas à démontrer. Ces gisements sont très intéres-sants pour une meilleure compréhension des périodes « charnières »du découpage arbitraire chronologique. Souhaitons que l'avancementdes travaux, qui demanderont des moyens techniques de protectionet de consolidation importants, permettra des découvertes strati-graphiques de mobiliers et de structures des passages du Néolithiqueà l'Age du Bronze et de la métallurgie du bronze à celle du fer. Ence qui concerne les structures d'habitats, nous aimerions que lesorganismes de tutelle apportent leur concours pour permettre uneconservation « in situ » et un aménagement des sites dans un butculturel et touristique, dans le cadre de la protection de l'environ-nement naturel de la vallée du Suzon.

Notre vœu est de pouvoir associer l'aménagement des vestigesarchitecturaux sur le chantier de fouilles avec une présentationdidactique au Musée Archéologique de Dijon des mobiliers mis aujour. Ainsi, « l'archéologie sur le terrain », pour reprendre l'expressionchère au pionnier bourguignon Paul Jobard, trouverait un traitd'union avec la muséologie.

Trop souvent parents pauvres de la recherche au regard des fouilles« historiques », les travaux régionaux d'archéologie du Néolithiqueet des Ages des Métaux méritent une mise en valeur pour montrer,qu'au-delà des barrières chronologiques, Préhistoire et Protohistoirene sont qu'un moment de l'Histoire, de notre histoire à tous.

FIG. 1.

NÉOLITHIQUK MOYEN :

1. Grand vase-silo ; 2. Armature de flèche triangulaire à base concave ;3. Armature de flèche triangulaire à base droite ; 4. Hache de section quadran-gulaire en roche dure ; 5. Téton de préhension à forte perforation horizontale ;6. Grattoir.NÉOLITHIQUE FINAL - CHALCOLIÏHIQUE :

7. Scie à encoches sur plaquette ; 8. Armature de flèche losangique à aile-rons naissants ; 9. Râcloir sur plaquette ; 10. Languette de préhension sousle rebord ; 11. Rebord de jarre cylindrique avec téton de préhension ovalairenon perforé.PROVENANCES :

Étaules « Le Châtelet » : 7, 10 11. — Meursault « Castel du Mont-Milan » :4, 5. •— Vilteaux « Camp de la Montagne de Myard » : 1, 2, 3, 6, 8 et 9.

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Fio. 2.

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FIG. 2.

BRONZE FINAL - PREMIER AGE DU FER :

1. Céramique à décor de cannelures et d'incisions ; 2. Rebord de grandeurne à col droit et décor de cordon digité ; 3. Céramique à décor incisé etpoinçonné ; 4. Céramique à décor de larges cannelures avec motifs poinçonnéset excisés ; 5. Fusaïole en terre cuite ; 6. Grande urne biconique ; 7. Pointe deilèche en fer ; 8. Pointe de flèche en fer et deux trous de fixation ; 13. Jatte àfond aplati.

FIN DU PREMIER AGE DU FER (Hallslatt final) :

9. Fibule de bronze à simple timbale ; 10. Fibule de bronze à double tim-bale ; 11. Céramique décorée à la barbotine ; 12. Pointe de lance en fer àemmanchement à douille.

PROVENANCES :

Étantes « Le Chàlelet » : 3, 4, 9, 10, 11 et 12. — Messigny « Camp de Roche-Château » : 6 et 13. — Vitteaux « Camp de la Montagne de Myard » : 1, 2, 5,7 et 8.

20 FOUILLES

MILLOTTE (J.-P.), Catalogue des Collections Archéologiques de Besançon, LesAntiquités de l'Age du Bronze, Annales Littéraires de l'Université deBesançon, Les Belles-Lettres, vol. 22, Archéologie 6, 1958, 49 p., 14 pi.

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